2
Gabriella, 2 ans, a appris le schème correspondant à « vache » dans son imagier. Gabriella voit un élan et l’appelle une « vache ». Elle essaie d’incorporer ce nouvel animal à un schème déjà existant. Sa mère lui dit : « Non, c’est un élan. » Gabriella accommode son schème pour les animaux à poils et de grande taille. Elle continue à modifier ce schème pour inclure « maman élan », « bébé élan », etc. VACHE FIGURE 4.10 L’expérience versée dans un moule mental Nous utilisons nos schèmes existants afin d’assimiler de nouvelles expériences. Mais nous avons parfois besoin de réajuster nos schèmes afin de pouvoir intégrer de nouvelles expériences. Jean Piaget « Si nous examinons le développement intellectuel d’un individu ou de la totalité de l’humanité, nous trouverons que l’esprit humain passe par une succession de stades tous différents les uns des autres. » (1930) 148 CHAPITRE 4 : LE DÉVELOPPEMENT DE L’INDIVIDU TOUT AU LONG DE SA VIE Milt et Patti Putnam/Corbis Bill Anderson/Photo Researchers, Inc. Piaget a proposé deux concepts pour expliquer comment nous utilisons et ajustons nos schèmes. D’abord, nous assimilons de nouvelles expériences en fonction de notre compréhension actuelle (schèmes). Ayant un schème simple pour un chien, un enfant qui commence à marcher va appeler chiens tous les animaux à quatre pattes. Mais nous ajustons également ou accommodons nos schè- mes pour les adapter aux aspects particuliers des nouvelles expériences. L’enfant va apprendre très vite que le schème originel du chien est trop large et va accommoder en définissant mieux la catégorie (en se focalisant principalement sur la tête, comme nous l’avons déjà vu). Au fur et à mesure que les enfants interagissent avec le monde, ils construisent et modifient leurs schèmes (FIGURE 4.10). La théorie de Piaget et les conceptions actuelles Objectif 9 I Présenter les quatre principaux stades du développement cognitif selon Piaget et commenter la manière dont la pensée de l’enfant se modifie au cours de ces quatre étapes. La cognition renvoie à l’ensemble des activités mentales associées à la pensée, au savoir, au souve- nir et à la communication. Les enfants en développement, pensait-il, subissent des poussées de changement suivies de moments de stabilité, en passant d’un plateau de développement cognitif au suivant. Ces plateaux forment quatre stades (TABLEAU 4.1), ayant des caractéristiques particu- lières qui permettent un mode de pensée spécifique. Pour comprendre comment se développe le psychisme d’un enfant, regardons chacun des stades de Piaget à la lumière des conceptions actuel- les du développement cognitif. TABLEAU 4.1 LES STADES DU DÉVELOPPEMENT COGNITIF SELON PIAGET Classe d’âges Description du stade Étapes majeures De la naissance Sensori-moteur Permanence des objets à presque 2 ans Contacts avec le monde par l’intermédiaire • Angoisse de l’étranger des sens et des actions (regarder, toucher, porter à la bouche et saisir) De 2 à 6 ou 7 ans Préopératoire Capacité à faire semblant Représentation des choses avec des mots • Égocentrisme ou des images ; utilise l’intuition • Développement du langage plutôt que le raisonnement logique De 7 à 11 ans environ Opérations concrètes Conservation des quantités Pensées logiques à propos d’événements • Transformations mathématiques concrets ; compréhension d’analogies concrètes et capacité à exécuter des opérations arithmétiques De 12 ans environ Opérations formelles • Logique abstraite à l’âge adulte Raisonnement abstrait • Capacité d’un raisonnement moral mature

Documenthg

Embed Size (px)

DESCRIPTION

ghfh

Citation preview

Page 1: Documenthg

Gabriella, 2 ans, a appris le schèmecorrespondant à « vache » dans son imagier.

Gabriella voit un élan et l’appelle une « vache ».Elle essaie d’incorporer ce nouvel animal à un schème déjà existant. Sa mère lui dit : « Non, c’est un élan. »

Gabriella accommode son schème pour les animauxà poils et de grande taille. Elle continue à modifierce schème pour inclure « maman élan »,« bébé élan », etc.

VACHE

FIGURE 4.10L’expérience versée dans un moulementalNous utilisons nos schèmes existants afin d’assimiler de nouvelles expériences.Mais nous avons parfois besoin de réajusternos schèmes afin de pouvoir intégrer de nouvelles expériences.

Jean Piaget« Si nous examinons le développementintellectuel d’un individu ou de la totalité de l’humanité, nous trouverons que l’esprithumain passe par une succession de stadestous différents les uns des autres. » (1930)

148 CHAPITRE 4 : LE DÉVE LOPPE M E NT DE L’ I N DIVI DU TOUT AU LONG DE SA VI EM

ilt e

t Pat

ti P

utna

m/C

orbi

sB

ill A

nder

son/

Phot

o Re

sear

cher

s, In

c.

Piaget a proposé deux concepts pour expliquer comment nous utilisons et ajustons nos schèmes.D’abord, nous assimilons de nouvelles expériences en fonction de notre compréhension actuelle(schèmes). Ayant un schème simple pour un chien, un enfant qui commence à marcher va appelerchiens tous les animaux à quatre pattes. Mais nous ajustons également ou accommodons nos schè-mes pour les adapter aux aspects particuliers des nouvelles expériences. L’enfant va apprendre trèsvite que le schème originel du chien est trop large et va accommoder en définissant mieux la catégorie(en se focalisant principalement sur la tête, comme nous l’avons déjà vu). Au fur et à mesure que lesenfants interagissent avec le monde, ils construisent et modifient leurs schèmes (FIGURE 4.10).

La théorie de Piaget et les conceptions actuellesObjectif 9 I Présenter les quatre principaux stades du développement cognitif selon Piaget et commenter la manière dont la pensée de l’enfant se modifie au cours de ces quatre étapes.

La cognition renvoie à l’ensemble des activités mentales associées à la pensée, au savoir, au souve-nir et à la communication. Les enfants en développement, pensait-il, subissent des poussées dechangement suivies de moments de stabilité, en passant d’un plateau de développement cognitifau suivant. Ces plateaux forment quatre stades (TABLEAU 4.1), ayant des caractéristiques particu-lières qui permettent un mode de pensée spécifique. Pour comprendre comment se développe lepsychisme d’un enfant, regardons chacun des stades de Piaget à la lumière des conceptions actuel-les du développement cognitif.

TABLEAU 4.1

LES STADES DU DÉVELOPPEMENT COGNITIF SELON PIAGET

Classe d’âges Description du stade Étapes majeures

De la naissance Sensori-moteur • Permanence des objets à presque 2 ans Contacts avec le monde par l’intermédiaire • Angoisse de l’étranger

des sens et des actions (regarder, toucher, porter à la bouche et saisir)

De 2 à 6 ou 7 ans Préopératoire • Capacité à faire semblant Représentation des choses avec des mots • Égocentrisme ou des images ; utilise l’intuition • Développement du langageplutôt que le raisonnement logique

De 7 à 11 ans environ Opérations concrètes • Conservation des quantitésPensées logiques à propos d’événements • Transformations mathématiquesconcrets ; compréhension d’analogies concrètes et capacité à exécuter des opérations arithmétiques

De 12 ans environ Opérations formelles • Logique abstraiteà l’âge adulte Raisonnement abstrait • Capacité d’un raisonnement

moral mature

108736IUI_MYERS_C04.qxd 18/06/07 16:59 Page 148

Page 2: Documenthg

CHAPITRE 4 : LE DÉVE LOPPE M E NT DE L’ I N DIVI DU TOUT AU LONG DE SA VI E 149

Dou

g G

oodm

an

Stade sensori-moteur Au cours du stade sensori-moteur de Piaget, depuis la naissance jus-qu’à pratiquement l’âge de 2 ans, les bébés comprennent le monde à travers des interactions sensi-tives ou motrices avec les objets, en regardant, entendant, touchant, attrapant et portant à labouche.

Les très jeunes bébés semblent vivre dans le présent : loin des yeux, loin de l’esprit. Dans l’un deses tests, Piaget montrait à un enfant un jouet fascinant puis mettait son béret dessus pour voir sil’enfant chercherait le jouet. Avant l’âge de 6 mois, la plupart d’entre eux ne le faisaient pas. Il leurmanquait la notion de permanence de l’objet, c’est-à-dire la conscience du fait que les objetscontinuent d’exister lorsqu’ils ne les voient pas (FIGURE 4.11). À 8 mois, les enfants commencent àmanifester un souvenir des choses qu’ils ne voient plus. Cachez l’objet et l’enfant le cherchera pen-dant quelques instants. Un ou deux mois plus tard, l’enfant le cherchera, même si on l’en a empê-ché pendant plusieurs secondes.

Mais la permanence de l’objet va-t-elle vraiment éclore à 8 mois, comme les tulipes éclosent auprintemps ? Aujourd’hui, les chercheurs voient le développement de façon plus continue quePiaget et considèrent la permanence de l’objet comme un processus qui se met progressivement enplace. Même le jeune nourrisson cherche un jouet qu’il a vu caché une seconde avant.

Les chercheurs pensent que Piaget et ses successeurs ont sous-estimé la compétence du jeuneenfant. Piaget croyait que les enfants ne pouvaient pas penser avant l’âge de 2 ans. Ils peuventreconnaître des objets, leur sourire, ramper vers eux, les manipuler. Mais ils n’ont pas de conceptsou d’idées abstraites. C’est une vie à laquelle on ne réfléchit pas, mais que l’on se contente de vivre.

Considérons cependant quelques expériences simples qui démontrent la pensée logique dubébé :

• Tel un adulte regardant un tour de magie avec incrédulité, les enfants regardent plus longuement lorsqu’on leur montre une scène inattendue, comme une voiture semblantpasser à travers un objet solide, ou un ballon arrêté entre ciel et terre, ou encore un objet allantà l’encontre du principe de permanence lorsqu’il disparaît de façon magique (Baillargeon,1995, 1998, 2004 ; Wellman et Gelman, 1992). Les bébés semblent davantage capables de pensées intuitives concernant les lois simples de la physique que ne le pensait Piaget.

• Les bébés ont aussi une perception des nombres. Karen Wynn (1992, 2000) a montré à des enfants de 5 mois un ou deux objets. Ensuite, elle a caché les objets derrière un écran,enlevant ou ajoutant parfois un objet par une trappe (FIGURE 4.12, p. 150). Lorsqu’elle retiraitl’écran, les enfants marquaient parfois un temps d’arrêt, regardant plus longuement lorsqu’on leur montrait un nombre d’objets erroné. Les enfants réagissent-ils à un nombre plus ou moins important d’objets ou aux changements numériques (Feigenson et coll., 2002) ?Des expériences menées plus tard ont montré que la perception des nombres chez les bébéss’étendait à des nombres plus importants, à des battements de tambour et aux mouvements(Lipton et Spelke, 2003 ; McCrink et Wynn, 2004 ; Spelke, 2000 ; Wynn et coll., 2002). Si on les habitue à ce qu’une marionnette de Duffy duck saute sur le plateau trois fois, ils se montreront surpris si elle ne saute que deux fois. Décidément, les bébés sont plus habilesque ne le pensait Piaget. Même lorsque nous n’étions que des bébés, nous avions beaucoup de choses à l’esprit.

FIGURE 4.11Permanence de l’objetLes enfants de moins de 6 moisne comprennent pas que les objetscontinuent d’exister lorsqu’ils sont hors de leur vue. Mais pour cet enfant, être hors de vue ne signifie pas être hors de l’esprit, c’est clair.

Les nouvelles connaissances à la portéedu public averti concernant les capacitéscognitives des enfants en bas âge ont faitl’objet d’un « canular » à la une d’un numéro de l’Onion en 2002 : « DES ÉTUDES RÉVÈLENT QUE LES BÉBÉSSONT STUPIDES » (basées sur une « recherche » qui démontre que les enfants en bas âge ne peuvent ni lire une carte géographique ni faire de la plongée sous-marine).

■ Assimilation : interprétation d’une expérience nouvelle selon un schèmeexistant.

■ Accommodation : adaptation d’un schème actuel de compréhension pour y intégrer une information nouvelle.

■ Cognition : activité mentale associée à la pensée, au savoir, au souvenir et à la communication.

■ Stade sensori-moteur : selon la théoriede Piaget, c’est le stade (depuis la naissance jusqu’à 2 ans environ) au cours duquel les enfants connaissent le monde essentiellement en termesd’impressions sensorielles et d’activitésmotrices.

■ Permanence de l’objet : perception que les choses continuent d’exister même si on ne les voit pas.

108736IUI_MYERS_C04.qxd 18/06/07 16:59 Page 149