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Histoire Et Arcgeologie de l Afrique Du Nord -Colloque 1983

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Histoire et archologie de l'Afrique du Nord, II colloque international, Congrs des socits savantes, 108, Grenoble, [...]Source gallica.bnf.fr / CTHS

Lancel, Serge (ed). Histoire et archologie de l'Afrique du Nord, II colloque international, Congrs des socits savantes, 108, Grenoble, 1983. 1983/04/05-1983/04/09.

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COMIT

DES

TRAVAUX

HISTORIQUES

ET

SCIENTIFIQUES

HISTOIRE

ET

ARCHOLOGIE

DE

L'AFRIQUE

DU

NORD

IIe

COLLOQUE (GRENOBLE,

INTERNATIONAL 5-9 Avril 1983)

BULLETIN

ARCHOLOGIQUE 1985

DU

CTHS.

-

N.

S. -

19 B

BULLETIN COMIT DES TRAVAUX

ARCHOLOGIQUE DU HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES

Comit de rdaction MM. Jean HUBERT, membre de l'Institut ; Lionel GALAND Andr GRABAR, membre de ; Pierre PRADEL, membre de l'Institut; Michel ROBLIN; William SESTONt ; l'Institut; Jacques THIRION Secrtaire de rdaction: M. Jacques THIRION.

Nouvelle srie, n 19 1983 SOMMAIRE Fascicule B. Antiquits africaines: BISI (Anna Maria). Le commerce des amphores puniques en Tripolitaine : quelques remarques propos des dcouvertes de Mellita (Sabratha). CIASCA(Antonia). Note sulla distribuzione di alcune ceramiche maltesi. ISSERLIN(B. S. J.). Un cas douteux d'entreprise maritime carthaginoise : la prtendue trouvaille de monnaies carthaginoises Corvo (Aores). RIBICHINI (Sergio). Temple et sacerdoce dans l'conomie de Carthage. XELLA (Paolo). Quelques aspects du rapport conomie-religion d'aprs les tarifs sacrificiels puniques. HESNARD(Antoinette), LENOIR (Maurice). Les ngociants italiens en Maurtanie avant l'annexion. KOLENDO(Jerzy). Les domaines des Caelii au premier sicle avant notre re. SLIM(Hdi). - Nouveaux tmoignages surla vie conomique Thysdrus (El Jem, Tunisie) GIRARD (Sylvie). L'tablissement prislamique de Rirha (plaine du Rharb, Maroc). FERCHIOU (Nad), GABILLON(Aim). Une inscription grecque magique dela rgion de Bou Arada (Tunisie), ou, les quatre plaies de l'agriculture antique en Proconsulaire LAPORTE (J.- P.). Fermes, huileries et pressoirs de Grande Kabylie. Di VITA -EVRARD (Ginette). Note sur quelques timbres d'amphores de Tripolitaine. EUZENNAT(Maurice). L'olivier et le limes. Considrations sur la frontire romaine de Tripolitaine. REDDE (Michel). Occupation humaine et mise en valeur conomique dans les valles du Nord de la Libye: l'exemple du wadi Tlal. SALAMA (Pierre). conomie montaire de l'Afrique du Nord dans l'Antiquit tardive.. CADENAT(Pierre). La cramique excise de Tihert-Tagdempt. ROUVILLOIS-BRIGOLMadeleine). La steppisation en Tunisie depuis l'poque punique : ( dterminisme humain ou climatique? FISHWICK (Duncan). Le culte imprial sous Juba II et Ptolme de Maurtanie : le tmoignage des monnaies. LE GLAY (Marcel). Les premiers temps de Carthage romaine: pour une rvision des dates. REBUFFAT (Ren). L'arrive des Romains en Tripolitaine intrieure. KOTULA (Taddeusz). Thmes de la propagande impriale travers les inscriptions africaines du Bas-Empire romain. DECRET (Franois). Les gentes barbarae asservies par Rome dans l'Afrique du ve sicle. Remarques d'Augustin d'Hippone sur un point d'histoire sociale et religieuse la veille de l'invasion vandale. LEPELLEY (Claude). L'apport des lettres de saint Augustin nouvellement dcouvertes la connaissance de l'Afrique romaine: essai de bilan. MANDOUZE(Andr). Les Vandales et l'Afrique. Apports et limites de la mthode prosopographique FVRIER (Paul-Albert). Le Maure ambigu ou les piges du discours. CAMPS(Gabriel). De Masuna Koeila. Les destines de la Maurtanie aux vie et VIle sicles.

3 17 25 29 39 49 53 63 87 109 127 147 161 173 183 205 215 225 235 249 257 265 273 287 291 307

ACTES DU SUR IIe COLLOQUE ET INTERNATIONAL LI DU ARCHOLOGIE NORD

L'HISTOIRE DE L'AFRIQUE

runi des

dans Socits

le

cadre savantes

du

108e (Grenoble,

Congrs 5-9

national avril 1983)

dits Serge LANCEL, Professeur

par de Grenoble III

FUniversit

Ouvrage

publi

avec le concours du Ministre des Relations et de l'Universit de Grenoble III

Extrieures

: Figure sur la couverture disque en terre cuite reprsentant l'Afrique et provenant d'un atelier de Timgad (Muse National des Antiquits d'Alger).

II' ET

COLLOQUE L'ARCHOLOGIE

INTERNATIONAL DE 5-9 L'AFRIQUE Avril

SUR

L'HISTOIRE DU NORD

(Grenoble,

1983)

BULLETIN

ARCHOLOGIQUE

DU

COMIT

DES ET

TRAVAUX

HISTORIQUES

SCIENTIFIQUES

NOUVELLE

SRIE

19 ANNEE 1983

FASCICULE AFRIQUE

B

DU NORD

PARIS C. T. H. S. 1985

ISBN 2-7355-0083-7 (d. complte) ISBN 2-7355-0084-5 (Fasc. B.) E. N. S. B.- C. T. H. S., PARIS, 1985 Tous droits de traduction,d'adaptation et de reproductionpar tous procds,y compris la et r photographie l microfilm,servspour tous pays.

LISTE

DES PARTICIPANTS

AKERRAZAomar, Conservation de Volubilis-Moulay Idris du Zerhoun Meknes (Maroc). AMADASIGuzzo Maria Giulia, Via T. Monticelli 2 00197 Roma (Italie). ARNAUD-PORTELLI nnie, cole Franaise de Rome. Piazza Farnese 67 00186 Roma A (Italie). BENSEDDIKNacra 2, rue de Brazza, Bains Romains Alger (Algrie). Bisi Anna Maria, Via Appia Nuova 596 - 00179 Roma (Italie). BLANCHARD Michle, 17, avenue Jeanne d'Arc 91260 Antony. 94220 Charenton-le-Pont. BROUQUIERVronique, 1, rue du Gnral-Leclerc 64000 Pau. CADENAT Pierre, Rsidence Norman-Prince Al, 64, avenue Marchal-Leclerc CAMPSGabriel, 6 bis, avenue de la Violette 13100 Aix-en-Provence. CARONBeaudoin, 842 Pratt Montral, Qu. (Canada). CHAKERSalem, L.A.P.M.O. (C.N.R.S.), 5, avenue Pasteur 13100 Aix-en-Provence. CHASTAGNOL Andr, 17, rue Beautreillis 75004 Paris. CIASCAAntonia, Istituto Studi Vicino Oriente, Facolt di Lettere Universit degli Studi Roma (Italie). COLTELLONI ichle, 48, boulevard Jourdan - 75014 Paris. M CORBIERMireille, 1, place Paul-Painlev - 75005 Paris. - Annaba (Algrie). DAHMANI Sad, Muse d'Hippone DECRETFranois, Rsidence Prudent, Route des Rochers Voie 6 97234 Fort-de-France. DESANGES Jehan, 65, rue du Javelot 75645 Paris Cedex 13. Di VITA-EVRARDGinette, Piazza Fr. Cucchi, 3 00152 Roma (Italie). DOUMERCBernard, 113, avenue Jean-Rieux - 31500 Toulouse. DURLIATJean, Jardins de la Roseraie, 175, chemin Amouroux 31500 Toulouse. DUVALNol, 5, avenue Gouverneur Gnral Binger 94100 Saint-Maur. DUVALYvette, 5, avenue Gouverneur Gnral Binger 94100 Saint-Maur. 13100 Aix-en-Provence. EUZENNAT Maurice, 8, rue Mazarine FENTRESS Elizabeth, Via del Arco degli Acetari 31 00186 Roma (Italie). FERCHIOUNad, 11, rue du 18 janvier 1952 Tunis (Tunisie). FEVRIER Paul Albert, Rsidence Sainte-Victoire, Avenue Saint-Jrme 13100 Aix-enProvence. FISHWICK Duncan, Department of Classics, University of Alberta, Edmonton Alberta T6G 2E5 (Canada). FOUCHERLouis, 77, rue Marat 37000 Tours. FREND William H.C., Department of Ecclesiastical History, The University, Glasgow (Grande-Bretagne).

VIII

LISTE DES PARTICIPANTS

GABILLONAim, 3, avenue Berthelot 38100 Grenoble. GALANDLionel, 12, rue Andr-Theuriet 92340 Bourg-la-Reine. GALAND-PERNETPaulette, 12, rue Andr-Theuriet 92340 Bourg-la-Reine. GIRARD Sylvie, Le Central , 24, avenue Jean-Rey Les Angles 30400 Villeneuvels-Avignon. GURY Roger, Le Montaiguet II, 3, rue des Frres-Vallon 13090 Aix-en-Provence. HANOUNE Roger, 54, rue Brle-Maison - 59000 Lille. HESNARDAntoinette, 6, rue des Bergers - 13006 Marseille. ISSERLIN Benedict, 154, Otley Rd Leeds LS 16 5JX (Grande-Bretagne). JACQUESFranois, 16, rue Moreau 75012 Paris. KHELIFA Abderrahman, 119, rue Didouche Mourad Alger (Algrie). KOLENDOJerzy, Rozlogi 14A, m. 94 01310 Warszawa (Pologne). KOTULATadeusz, ul. Obornicka 18 m. 12 51-113 Wroclaw (Pologne). LANCEL Serge, 4, chemin de l'Hermitage 38240 Meylan. LAPORTE Jean-Pierre, 54, rue de Picpus 75012 Paris. LARONDE Andr, Universit Paris IV, 1, rue Victor-Cousin 75005 Paris. LASSRE Jean-Marie, Universit Paul-Valry 34032 Montpellier-Cedex. LE BOHEC Yann, 12, rue Jean-Paul Sartre 77100 Villenoy. LEFRANC Jean-Philippe, Centre Gologique et Gophysique, Universit des Sciences et Techniques 34060 Montpellier Cedex. LEGLAY Marcel, Chailleuse 89710 Senan. LENOIR liane, Service de l'Archologie, 23, rue Al Brihi, B.P. 503 Rabat (Maroc). LENOIR Maurice, Service de l'Archologie, 23, rue Al Brihi, B.P. 503 Rabat (Maroc). LEPELLEY Claude, 13, rue de la Marseillaise 94300 Vincennes. MAHJOUBIAmmar, 43, rue de la Libert 2000 Le Bardo Tunis (Tunisie).MANDOUZE Andr, 220, rue du Faubourg Saint-Antoine 75012 Paris. MOREL Jean-Paul, Universit de Provence, 29, avenue Robert-Schuman, 13621 Aix-enProvence. 77500 Chelles. NAPOLIJolle, 5/15, rue Alexandre-Bickart PEYRAS Jean, Le Grand Chemin 04130 Voix. PICARD Colette, 12, rue Albert-Joly 78000 Versailles. PICARD Gilbert, 12, rue Albert-Joly 78000 Versailles. POTTER Timothy W., The British Museum London WCIB 3DG (Grande-Bretagne). REBUFFAT Ren, 12, avenue Diderot 92330 Sceaux. REDD Michel, 14, villa d'Est 75648 Paris cedex 13. RIBICHINI Sergio, Largo Ugo La Malfa, 3 sc.D/9 00011 Bagni di Tivoli (Roma) (Italie). ROUVILLOISMadeleine, 50, avenue de la Motte Picquet 75015 Paris. SALAMA Pierre, 133, rue Didouche Mourad Alger (Algrie). SANVITI Nicole, B.P.V. 34 Facult des Lettres Abidjan (Cte d'Ivoire). des Sciences humaines, Universit du SENAY Pierre, Dpartement Qubec CP 500 Trois Rivires, Qubec 9GA 5H7 (Canada). SLIM Hedi, Institut National d'Archologie et d'Art, 4, place du Chteau Tunis (Tunisie). SMADJA Elisabeth, 36, parc d'Ardenay 91120 Palaiseau. STUCCHISandro, Via Gran Sasso 70 Roma (Italie).

LISTE DES PARTICIPANTS

IX

SUDER Wieslaw, Instytut Historii Uniwersytetu Wroclawskiego, ul. Szewska 49, 50 139 Wroclaw (Pologne). SZNYCERMaurice, 2, rue Emile-Faguet 75014 Paris. TERRASSEMichel, 7, avenue Ferdinand-Buisson 75016 Paris. TROUSSETPol, impasse Lisse des Cordeliers 13100 Aix-en-Provence. XELLA Paolo, Via Appennini 53 00198 Roma (Italie). YACOUBMohamed, 7, rue Hannon 2015 Le Kram (Tunisie).

INTRODUCTION

Le succs rencontr par le 1er Colloque international sur l'Histoire et l'Archologie de l'Afrique du Nord (Perpignan, 14-18 avril 1981) a encourag la Commission de l'Afrique du Nord du Comit des Travaux Historiques et Scientifiques renouveler cette exprience. Un second colloque a donc eu lieu Grenoble du 5 au 9 avril 1983, ces dates tant celles du 108e Congrs national des Socits savantes, qui nous a fait bnficier, comme prcdemment, de son organisation, International, ce second colloque l'a t dans la force du terme, puisqu'il a rassembl, ct de chercheurs franais d'horizons trs divers (et qui comprenaient des scientifiques : gographes, gologues), des savants venus d'Amrique du Nord (tats Unis, Canada), de Grande-Bretagne, d'Italie, de Pologne et, bien sr, des trois pays d'Afrique du Nord (Algrie, Maroc, Tunisie) dont l'histoire ancienne, avec celle de la Libye, est la matire mme qui donne leur raison d'tre e ces rencontres. Pour ce deuxime colloque, outre une demi-journe rserve des communications libres ou des informations archologiques, trois thmes, diffrents de ceux de Perpignan, avaient t retenus, avec le souci d'ouvrir une large participation tout en rompant le cloisonnement entre classiques ou antiquisants d'une part, mdivistes ou islamisants de l'autre : 1. L'conomie de l'Afrique du Nord dans l'Antiquit et l'poque mdivale; ; 2. Les dbuts de la prsence romaine en Afrique du Nord 3. L'Afrique aux poques vandale et byzantine et le passage l'Islam. De ces trois thmes, seul le second tait exclusivement rserv aux antiquisants. Le premier autorisait des communications sur des questions ou problmes d'histoire ou d'archologie mdivales musulmanes, et le troisime invitait envisager la fin de l'Antiquit et le passage une culture islamique non plus en termes de rupture, mais en termes de continuit ou d'adaptation, notamment quand il s'agit des structures urbaines, comme beaucoup de travaux en cours sur le terrain en montrent bien la ralit. Le prsent volume contient les Actes de cette runion. Les communications et, ventuellement, les discussions leur suite ont t regroupes suivant les thmes retenus pour le colloque. A l'intrieur de chaque section, les exposs se succdent dans l'ordre chronologique. La publication des discussions intervenues lors des dbats repose sur l'exploitation des fiches mises en circulation en sance et remplies par les participants: cette publication est ainsi conforme aux interventions des intresss. On constatera que, dans bien des cas, ces discussions prolongent et compltent utilement les exposs et tmoignent du large intrt suscit par les questions abordes lors de ce colloque. Serge LANCEL, Professeur l'Universit de Grenoble III, membre du Comit des Travaux historiques et scientifiques.

I.

L'CONOMIE DANS ET

DE

L'AFRIQUE

DU

NORD

L'ANTIQUIT MDIVALE

L'POQUE

LE EN

COMMERCE TRIPOLITAINE PROPOS DES :

DES

AMPHORES QUELQUES

PUNIQUES REMARQUES DE MELLITA

DCOUVERTES (SABRATHA) par ANNA-MARIABISI

Plusieurs travaux rcents consacrs aux amphores puniques d'Afrique du Nordl et d'Espagne2 ont largement dpass le cadre dress il y a une trentaine d'annes par Pierre Cintas3 et Fernand Benot4, en nous donnant un aperu tout fait nouveau sur les courants du commerce carthaginois en Mditerrane occidentale entre le IVe et le 11esicle avant J.-C. L'analyse, qui a eu lieu au mme temps, des typologies des amphores syro-palestiniennes du Bronze Rcent et de l'ge du Fer5, a clair les antcdents des formes orientales qui s'opposent ou bien coexistent dans la plupart des entrepts puniques d'Andalousie, du Maghreb et de la rgion des emporia de Tripolitaine avec le type d'amphore grecque, gnralement dit grco-italique , dont les lieux d'origine et les lignes de dveloppement demeurent nanmoins difficiles tablir exactement6. Une contribution remarquable au problme des ateliers de ces deux types d'amphores et leur association dans un mme contexte archologique, le plus souvent funraire, nous a t fournie par la fouille des tombeaux de Mellita, 24 km l'ouest de Sabratha, DER (1) J. H. VAN WERFF, Amphoresde tradition punique Uzita ,dans BulletinAntiekeBeschaving DERWERFF). (BABesch),52-53, 1977-1978, . 171-200(dornavant cit VAN p Tipologiay cronologia de las nforas prerromanas del Gualdalquivir, C (2) M. PELLICER ATALN, segn el CerroMacareno(Sevilla),dans Habis, 9, 1978,p. 365-400. (3) P. CINTAS, Cramiquepunique, Paris 1950,pl. XXII-XXVI. s Recherches ur l'hellnisationdu Midi de la Gaule, Aix-en-Provence 1965, p. 76-80, (4) F. BENOT, pl. XVI et XLII. Levantine StorageJars of the 13thto 4th Century B.C. , dans Opuscula Athenien(5) A.G. SAGONA, sia, 14, 7, 1982,p. 73-110. Sullacronologia delle (6) Sur ce type d'amphore demeure fondamentale l'tude de N. LAMBOGLIA, anfore romane di et repubblicana (II-I secoloA.C.), dans Rivista di Studi Liguri, 21, 1955,p. 241-270; voir aussi F. BENOT, paves de la cte de Provence. Typologiedes amphores, dans Gallia, 14, 1956, p. 23-34 ID., Typologieet pigraphieamphorique , dans Rivista di Studi Liguri 23, 1957,p. 250-256; ; O. UENZE, FruhrmischeAmphorenals Zeitmarkenim Spatlatne,Marburg/Lahn 1958,p. 6-14,pl. 1-111. du Bulletin archologique C.T.H.S.,nouv. sr., fasc. 19 B, p. 3-15, Paris, 1985.

4

BISI ANNA-MARIA

B n. 7

B n. 3

B n. 2

B n. 4

du tombeau B de Mellita 1. - Amphores de type grco-italique (b-d) et punique (a) provenant Fig. (Sabratha).

DES AMPHORES COMMERCE PUNIQUESEN TRIPOLITAINE

5

qui a t effectue par nos soins, il y a quelques annes, au cours d'une mission finance par le groupe de Recherche pour l'Afrique du Nord du C.N.R. italien7. Avant de prsenter les amphores qui constituent une des trouvailles les plus remarquables de ce genre qui viennent de paratre en Tripolitaine, je consacrerai quelque mot cette dcouverte dans son ensemble. Il s'agit de deux tombeaux creuss dans la couche de grs qui s'tend le long du littoral, renfermant une chambre avec des banquettes sur trois cts et une porte rectangulaire ferme par une dalle, laquelle on accdait par un dromos escalier. Sur les banquettes de la tombe B (la seule qui a t trouve intacte) taient entasss des amas d'ossements audessus de trois squelettes peu prs complets, l'un dpos sur une litire en bois massif (peut-tre bois de cdre, en attendant l'analyse de l'Institut Central pour la Restauration de Rome), tous envelopps dans des linceuls ou tapis en fibre vgtale, qui sont tombs en poussire au moment de l'ouverture de la tombe. Parmi les ossements gsaient quelques pices de vaisselle vernis noir, estampilles sur le fond, du type campanien A et d'imitation campanienne8. Le puits rectangulaire central tait combl d'autres ossements, parmi lesquels taient dposes six amphores du type hellnistique que nous allons examiner (fig. 1 b-d) et plusieurs spcimens, dsormais tombs en fragments, d'amphores puniques en torpille (fig. 1 a). Une autre amphore du type grco-italique apparaissait prs du coin droit de la banquette centrale. Le mobilier du second tombeau (A), dtruit lors des travaux modernes dans la carrire ciel ouvert aux bords de la mer, tait compos d'un miroir en bronze9, de quelques pots en argile commune parmi lesquels se dtachent deux ungueniaria corps arrondi10, de petites coupes vernis noir estampilles", de trois amphores puniques en torpille (fig. III a-b, d) et de cinq amphores grcisantes (fig. II a-d ; III, c). On peut rapprocher l'architecture des spultures inhumation de Mellita, pour nous borner au milieu tripolitain, de celle des ncropoles puniques de Oea-Tripoli et de ses alentours Forte della Vite, Bab ben Gascir, Gargaresh, Gurgi, Lamaa et de Sabratha, qui est le site vrai dire le plus proche de Mellita12. La prsence du cercueil en bois se retrouve d'autre part, sans qu'il soit ncessaire d'invoquer les exemplaires tunisiens bien connus mais un peu diffrents, en forme de coffre, de Ksour es-Saf et de Gighti13, dans un tombeau bti de tradition punique, mais qui date de l'poque romaine, fouill prs de Zanzour, entre Tripoli et Zawia14, tandis que,

(7) Le rapport le plus complet sur cette dcouverte est paru dans Libya Antiqua, 6-7, 1969-1970, p. 189-228,pl. LI-LVII (A. M. BISI, Scoperta di-due tombe puniche a Mellita [Sabratha] ) (dornavant cit Bisi). 218-219, fig. 6, nos 5, 8, 9; 14, nos 10-11; 15, nos 3,8; 16, nos9, (8) BISI,p. 192, 195, 197,204-206, 12, pl. LV,1-2. (9) Ibid., p. 204,fig. 14, n. 2, pl. LV, . 1 nos6-7 p. 218, fig. 12-13,pl. LV, 1. ; (10) Ibid., p. 204, Voir les rfrences la note 8. (11) (12) BISI,p. 210-213. Il (13) Ibid., p. 213; illustration dans G. Ch. PICARD, mondodi Carlagine, Milano 1959, p. 155, pl. LXVI. Tre p (14) R. BARTOCCINI, tombe punico-romane, dans Africa Italiana, 2, 1928-1929, . 105-106.

6

ANNA-MARIA BISI

An.

16

An.

14

An.

18

An.

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Fig. 2. Amphores de type grco-italiqueprovenant du tombeau A de Mellita.

COMMERCE DES AMPHORES PUNIQUESEN TRIPOLITAINE

7

d'une faon plus gnrale, la composition du mobilier funraire de Mellita, caractris par la coexistence de grandes amphores grco-italiques et des amphores puniques en torpille d'une srie trs homogne que nous allons analyser plus loin, ct des cramiques vernis noir et des poteries communes de tradition hellnistique, se retrouve tout fait pareille dans les tombeaux creuss dans le rocher des ncropoles puniques de Palerme et de Lilybe (Marsala)15 et dans l'pave de la Secca di Capistello Lipari (les Eoliennes)16. Ces ressemblances s'avrent d'autant plus intressantes qu'elles confirment l'hypothse de relations commerciales directes ou indirectes travers Carthage, entre la rgion des emporia de Tripolitaine et la Sicile, avance il y a longtemps par M. Caputo au cours de son analyse de la cramique vernis noir dcouverte dans les tombeaux puniques au-dessous de la scne du thtre de Leptis Magna". C'est justement avec le mobilier d'une de ces spultures de Leptis, de la premire moiti du Ille sicle avant J.-C.18, que celui des tombeaux de Mellita montre les ressemblances les plus frappantes pour la prsence des amphores importes des les de l'Orient grec ct de celles de tradition syro-palestinienne fabriques soit dans les ateliers du site tripolitain soit Carthage mme. Il faut ajouter les unguenlaria piriformes et les plats vernis noir sans marli19, bien que la prsence Leptis de lampes hellnistiques et deux becs et de monnaies puniques en bronze du Ille, 11e, 1er sicle avant J.-C. reprsente une divergence entre les riches mobiliers leptitains et les deux plus pauvres de Mellita. Pour la datation de ces derniers, il faut se rfrer avant tout aux petites coupes et aux plats vernis noir, qui se rangent parmi les formes 22, 27, 27 A et B et 28 de la classification Lamboglia20. Bien que les tudes de J.-P. Morel aient dmontr que la cramique campanienne n'atteint pas l'Afrique du Nord avant la premire moiti du ne sicle avant J.-C.21, il faut nanmoins souligner que ce terminus ante quem a une valeur tout fait relative, tant donne la rouverture des tombeaux de Mellita pour des enterrements successifs22, laquelle s'ajoutent les traces de restauration ancienne sur une petite assiette vernis noir23 : on peut donc souponner quelque dcalage chronologique entre la date de fabrication de quelques-unes de ces poteries et leur renfermement dans les tombeaux. La mme question se pose en effet propos des amphores de type grec, sur lesquelles nous auront revenir, qui se retrouvent un peu partout en Mditerrane occidentale,

; (15) Voirles rfrencesdans BISI,p. 214-215et surtout la note 48 ID., A proposito di alcuneanfore di Tripolitania, dans Studi Magrebini,4, 1971, p. 17-32,pl. I-IV ; ID., dans Notizie Scavi, 1971, puniche p. 668, note 1 ; 684, fig. 16 723. fig. 61 ; 726, fig.65 753 (type Il g) ; 755. ; ; Der Schiffsfundvon der Seccadi Capistello dans RomischeMilleilungen,85, 1978, (16) H. BLANCK, p. 91et suiv. (17) G. CAPUTO,Leptis Magna e l'industria artistica campana in Africa , dans Rendicontidell' Accademiadi Archeologia Lelleree BelleArti di Napoli, NS, 35, 1960,p. 11-20,et surtout p. 14. (18)BISI,p. 216. (19) G. CAPUTO,Leptis Magna,dans art. cit., p. 17et suiv. (20) BISI,p. 218 et note 83. dans ; A (21) J.-P. MOREL, AntiquitsAfricaines,2,1961,p. 58 ID.,dans Bulletind'Archologie lgrienne, 47 et suiv. 1, 1962-1965,p. 111; ibid., 3, 1968,p. (22) BISI,p. 195. (23)Ibid., p. 206,n. 12.

Q 8

ANNA-MARIA BISI

An.

20

An.

19

An.

13

A n. 21

Fig. 3. - Amphores puniques (a, b, d) et grecque (c) provenant du tombeau A de Mellita.

COMMERCE DES AMPHORES PUNIQUESEN TRIPOLITAINE

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dans des contextes remontant en gnral au 111esicle avant notre re (Leptis Magna et Lilybe)24 et Gela25 et parfois, comme Tindari26 et dans l'pave de Lipari27, la deuxime moiti du IVe. S'il s'agit de survivances de courants commerciaux plus anciens, qui avaient vhicul ces amphores issues des ateliers grecs et sicliotes, il est difficile de l'tablir avec prcision, bien qu' l'tat actuel ce phnomne paraisse fortement probable, la lumire aussi des considrations avances sur la vaisselle vernis noir (voir supra). Tous les travaux qui ont port sur ce sujet s'avrent en effet trop limits, car ils ne tiennent compte qu'en mesure minoritaire du matriel retrouv dans les milieux puniques. Pour le moment, donc, il est encore trop tt pour entrer dans les dtails des lieux de fabrication de ces amphores. Il nous suffira de dire qu'il ressort des exemplaires de Mellita une production srement locale, caractrise par une pte gris terne granuleuse et par des estampilles avec lettres puniques dans un cartouche en creux28, qui coexiste avec des pices ralises sans aucun doute en dehors de l'Afrique, dans les ateliers des les grecques et des colonies grecques de Sicile (Gela, Tindari, Syracuse, etc.). Pour ce qui concerne la typologie, ayant tabli comme critre de classification le profil de la lvre, du cou et de la panse, l'attache des anses et le fond pointu, extrmit arrondie ou non, j'avais essay, il y a quelques annes, d'isoler Mellita quatre groupes d'amphores du type grco-italique29, qui se diffrenciaient par des nuances plus ou moins videntes dans la combinaison de ces caractres et qui nous procuraient des indices et des renseignements sur la srie envisage, en la dtachant d'une faon trs nette de l'autre srie d'amphores puniques que nous allons examiner. Mais il faut aujourd'hui avouer que les groupes ainsi esquisss ne sont pas, pour autant, lis les uns aux autres. Et cela nous interdit d'avancer mme des hypothses sur les ateliers de fabrication, bien que ce propos la Sicile grecque et carthaginoise paraisse jouer un rle remarquable. En effet, nous avons affaire une concentration d'amphores de ce type (n 322 dans le fichier Cintas) Gela et Tindari d'une part30, Lilybe et Palerme de l'autre31, ce qui correspond une prsence galement frappante dans les entrepts puniques de la cte de Tripolitaine, tandis qu'en dehors des lots dj mentionns, ces amphores sont beaucoup plus rares dans les centres soumis l'influence de Carthage du Sahel tunisien (Thapsos, Gightis) et du littoral algrien (Djidjelli)32. Dans les autres rgions atteintes par la conqute carthaginoise ou par les courants commerciaux provenant de la mtropole africaine, les amphores grco-italiques sont tmoignes avec un pourcentage plus bas que celui des autres groupes d'amphores de tradition tel est le cas de la Sardaigne et de Malte, dont la syro-palestinienne et carthaginoise :

(24) Cf. ci-dessus, les notes 15 et 17. dans (25) P. ORLANDINI, Notizie Scavi, 1956,p. 335-357(ante 280 avant J.-C., date de la destruction de Gela). Friihrmische Amphoren,op. cit., p. 9. (26) O. UENZE, (27) Voir la note 16. (28)Bisi, p. 196,n. 2. (29) Ibid., p. 220-222. (30) Cf. ci-dessus,les notes 25-26. (31) Cf. ci-dessus,la note 15. Cramiquepunique, op. cil., fichiersous la forme 322, p. 153,pl. XXVI. (32) P. CINTAS,

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plupart des exemplaires demeure indite33, tandis qu'en Espagne, ct des spcimens des ncropoles d'Emporion34, on peut mentionner ceux de la premire moiti du me-ier sicle avant J.-C. du Cerro Macareno aux environs de Sville35. Si nous passons maintenant la seconde srie d'amphores de Mellita, reprsente par six exemplaires en torpille presque identiques (hauteur moyenne cm 80, diamtre moyen de la panse cm 22), on ne peut que souscrire aux conclusions auxquelles a abouti M. van der Werff dans une tude rcente concernant l'origine, la priode de fabrication et le commerce africain de ces amphores. Parmi les trois formes panse cylindrique ou bitronconique, munies d'une collerette et d'un pied (sauf la forme 3), retrouves Uzita prs de Sousse36, ui correspondent aux q types Cl et C 2 de la classification Mafia de Angulo et qui se rangent selon F. Benot dans la priode contemporaine des guerres puniques (me-iie sicle avant J.-G.)37, la forme 3 s'avre tout fait pareille celle des exemplaires de Mellita38. Toutes les deux sries sont caractrises en effet par la collerette vase tranche droit par un bandeau non moulur, vertical, par deux anses en fer cheval rattaches au haut de la panse et par l'absence du pied. Il s'agit en dernire analyse de l' amphore panse cylindrique, de mme diamtre en haut qu'en bas, dote d'une collerette vase spare de la panse par l'tranglement de l'encolure qui selon Benot est le type punique le plus courant sur les ctes mditerranennes, de l'Espagne la Grce39. A la suite de la romanisation, qui suivit la priode des guerres puniques, ce mme type d'amphore devient frquent en Mditerrane orientale, comme il ressort des exemplaires de l'agora d'Athnes, chelonns entre 200 environ et la fin du 1er sicle avant J.-C. 40. Mais la varit de Mellita et d'Uzita de cette amphore panse cylindrique, rapprocher de trois amphores de l'oppidum de Pennes prs de Marseille, abandonn dans la premire moiti du ne sicle avant notre re41, appartient un groupe dont la diffusion est assez limite dans l'espace et le temps par rapport aux types G1 et C 2 de la classification Mafia de Angulo (= formes 1 et 2 d'Uzita). Il s'agit en effet d'un type d'amphore qui se diffrencie des formes 1 et 2 d'Uzita seulement pour le fond de la panse en forme d'ogive et pour le (33) Pour Malte voir les fragments du sanctuaire punique de Tas Silg (couchesdu me-lie sicle avant italiana a Malla, Rapportopreliminare della campagna 1968, Roma J.-C.) : AA. VV., Missione archeologica 1969, p. 54, fig. 4, 1. Pour la Sardaigne, ct des exemplaires des ncropoles de Olbia (D. LEVI,dans Studi Sardi, 9, 1950,p. 20-21,fig. 2 g la p. 37), il faut mentionner plusieursspcimensindits appartenant au mme horizon chronologique(me-lie sicle avant notre re) trouvs associs des amphores puniques avec une lvre en trompette et bouche tranche (formes 13a et 13 b de A. M. Bisi, La ceramicapunica. Aspetti e problemi, Napoli, 1970, p. 33, 53, pl. II) dans les tombeaux puniques de la rgion de Cagliari. Je remercie pour ces renseignements mon ami le Dr Piero Bartoloni. Las (34) M. ALMAGRO, necrpolisde Ampurias, I, Barcelona 1953, passim et surtout p. 399, nos 28-29 (fin du me-moiti du ne sicle avant J.-C.). Tipologia y cronologia de las nforas prerromanas del Guadalquivir , C (35) M. PELLICER ATALN, art. cil., p. 390-391(formes G et H la fig. 13). DERWERFF, . 172-173,175 et suiv., fig. 4, nos 1-3. (36) VAN p F. BENOT, Recherches ur l'hellnisationdu Midi de la Gaule,cil., p. 76. s (37) DERWERFF, . 172-173,180-181. (38) VAN p F. BENOIT, Recherches ur l'hellnisationdu Midi de la Gaule,op. cit., p. 77. s (39) (40) Ibid. (rfrencesaux ouvrages de V. Grace la note 26). Voir aussi BISI, p. 219-220. (41) F. BENOT, cil., la note 39, p. 78. op.

Werff) der van (d'aprs

d'Uzita) 3 forme (= Mellita de punique

l'amphore de

diffusion de Carte 4. Fig.

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profil peu prs vertical de la lvre: il est document jusqu' prsent travers une quarantaine d'exemplaires complets, issus pour la plupart des centres puniques de la Tripolitaine (six entre Tripoli et Benghasi), tandis qu'en Byzacne les tmoignages sont beaucoup plus rares42 (fig. IV). Par consquence, il faut souscrire l'opinion de M. van der Werff, selon dans la rgion laquelle on doit rechercher les ateliers de production approximativement comprise entre les villes de Tripoli (Oea) et de Sabratha 43. Cette forme d'amphore, qui connat son acm vers la fin du Ille sicle avant J.-C., fut nanmoins fabrique dans la Byzacne, et peut-tre Carthage aussi, mais son exportation s'arrte, en juger par les dcouvertes d'Uzita, bien plus tt que celle des formes 1 et 2, qui continuent jusqu' l'poque d'Auguste44. On peut faire remonter ses antcdents des types bien connus d'amphores phniciennes et palestiniennes de l'ge du Fer, bien qu'il n'existe vrai dire aucun parallle exact dans le monde du Proche Orient ancien45. Que le type ait volu en Occident, cela parat fort probable, en se fondant sur les premiers exemplaires de Lilybe et de Carthage (ncropole d'Ard el-Kherab)46. En revanche, les amphores du type grco-italique de Mellita, qui se dvelopperont dans les exemplaires romains des classes DRESSEL a-1 c au cours du ne et du Ier sicle avant notre re47, font souponner pour la plupart une drivation des modles sicliotes du ive et du Ille sicle. L'pave du Grand Conglou prs de Marseille a donn un grand nombre d'amphores de ce type qui ont t trs tudies et qui constituent un jalon chronologique prcieux pour la diffusion de cette classe en Mditerrane occidentale. Si nous nous rangeons l'avis de F. Zevi, qui pose la date du naufrage de la cargaison peu aprs la moiti du IIe sicle avant J.-G.48, on peut reconnatre la suite de F. Benot que parmi ces amphores grco-italiques il y a une varit lvre rabattue (rpublicaine I) qui fait la transition entre le type grec paulement curviligne en forme de toupie et le type italo-romain paulement marqu par une arte 49. Cette varit d'amphore, qui est encore typiquement hellnistique, est rpandue en Mditerrane occidentale entre 250 et 150 avant J.-C. : le terminus post quem de son acm peut tre appliqu aux exemplaires des tombeaux de Mellita, o il y a nanmoins d'autres varits d'amphores de drivation grecque paulement plus marqu et panse ovode qui remontent des modles grecs archaques50 (fig. III c) et qui trouvent leurs antcdents dans les spcimens de la ncropole sous le thtre de Leptis51. (42) VANDERWERFF, . 180, fig. 13. p (43)Ibid. (44) VANDERWERFF, . 178-179. p Levantine Storage Jars , art. cil., (45) La plus proche s'avre la varit du type 2 de A. G. SAGONA, p. 75-78,fig.1, n. 2, trs rpandue en Palestine et en Phniciemme (Tyr) au cours du VIllesicle avant notre re et qui connat un revival l'poque persane (ve-ivesicle)dans les mmes territoires et Chypre. (46) VANDERWERFF, . 181 et note 61. p Sulla (47) N. LAMBOGLIA, cronologia delle anfore romane di et repubblicana *, art. cit., p. 264-266. (48) F. ZEVI, Appunti sulle anfore romane I. La tavola tipologica del Dressel , dans Archeologia Classica, 18, 1966,p. 213 et note 15. (49) Typologieet pigraphie amphoriques *, art. cil., p. 251. (50) Un au moinsdes protoypes peut tre reprsent par la varit A (VIlesicle)au corps moinstrapu CorinthianA andB que la varit B plus rcente, des amphores corinthiennes archaques C. G. KOEHLER, : Transport Amphoras, Princeton 1979 (University MicrofilmInternational, Ann Arbor, 1981). Pour d'autres antcdents dans la Grcedu ive sicleavant J.-C., voir Bisi, p. 222. Leptis Magnae l'industria artistica campana inAfrica ,art. cit., p. 17, pl. Vet VIII a, (51) G. CAPUTO,

DES AMPHORES PUNIQUESEN TRIPOLITAINE COMMERCE

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Ce type d'amphore rpublicaine I, qui correspond la forme 4 Lamboglia52, se retrouve sur les ctes de l'Espagne du nord et au-del des Pyrnes le long du Roussillon, du Languedoc et du littoral de Provence jusqu' Albintimilium, mlang avec des amphores puniques et ibro-puniques (types C et D de Mana de Angulo) et des les grecques (Thasos, Rhodes, etc.) jusqu'au ne-ier sicle avant notre re53. D'autre part, les amphores puniques de Mellita s'insrent assez naturellement dans le contexte gnral des rapports entre Carthage et ses emporia de Tripolitaine54. Le type panse cylindrique et collerette verticale, document partir d'Utique et de Carthage jusqu' Sidi Krebish (Benghasi) (fig. IV) dans des fouilles qui demeurent indites, a derrire lui, avec toute vraisemblance, des modles carthaginois55. Mais il prend un grand essor seulement aprs la destruction de Carthage (146 avant J.-C.) dans les ateliers de la Byzacne orientale et de la Tripolitaine o la tradition culturelle punique survit intacte mme aprs la conqute romaine (voir ce propos les nombreux fragments d'amphores de ce type provenant des sondages autour des mausoles A et B de Sabratha, niveaux archologiques dats entre 5 avant et 5 aprs J.-C.)56. Les six exemplaires de Mellita sont considrer comme les chantillons de cette production locale de Sabratha qui continua quelque temps aprs leur dposition dans les deux tombeaux du petit village de salarii (Mellita parat s'identifier avec la slalio ad Ammonem de la Tabula Peutingeriana)57 et qui fournissait le matriel d'emballage pour les produits exports du littoral: le bl, d'autres crales, le sel surtout, tant donn que le nom arabe de Mellita rappelle le souvenir de cette activit58, tandis que l'huile et le vin taient vhiculs de la Sicile et de l'Italie sur les ctes africaines dans les amphores du type grco-italique. Il s'agit en ce dernier cas d'une hypothse59, qui pourra tre vrifie seulement aprs l'tude systmatique de tout le matriel amphorique de l'Afrique du Nord, en fixant des dossiers pour chaque type, soit grec soit punique, et un chelonnement chronologique aussi bien absolu que relatif, c'est--dire rapport l'activit des diffrents ateliers contemporains implants dans les centres grecs et carthaginois du littoral africain. mentionne Thasos parmi les centres d'exportation de ces amphores, mais sans fournir aucune comparaison prcise au matriel leptitain. Sulla (52) N. LAMBOGLIA, cronologia delle anfore romane di et repubblicanas, art. cil., p. 264 et suiv., fig. 20 (me sicle)et 21 (ne sicle avant J.-C.). (53) Ibid., p. 266 et note 3. (54) Sur ces rapports voir en tout dernier lieu la synthse magistrale de A. DIVITA,Gli Emporia di Tripolitania dall'et di Massinissa e Diocleziano : un profilo storico-istituzionale dans Aufstieg und NiedergangderrmischenWelt, II, X, 2, Berlin-NewYork 1982,p. 515-595,et surtout p. 516-529,550-575. WERFF, . 181. p (55) VANDER 180et note 53. (56) Ibid., p. (57) BISI,p. 225-227. (58) Ibid., p. 227, note 123 : le terme mmlht= salines est attest dans l'inscription en punique, Le grec et latin de Pauli Gerrei en Sardaigne, sur laquelle voir M. G. Guzzo AMADASI, iscrizioni fenicie e R puniche dellecoloniein Occidente, oma, 1967,n. Sard 9, p. 91-92. DER p (59) C'est justement l'opinion de VAN WERFF, . 18/< ue otj A p L'POQUE VANDALE

d'or

d'e u,VANDAL a Z IPPROXLRV TRESORS ni, AFRIQUE On or^iy/rerie ojtrjK Vn EN t CI DES d' PERIODE OCCTDTNTU* d. CIRCULANT LA H alsltta Trsor Lii^cte T MONNAIES O A 0 1. DISPERSION D PENDANT Fig.

CARTE

CONOMIEMONTAIREDANS L'ANTIQUIT TARDIVE

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PHASE 1 (a. 435-442) A. Situation politique gnrale. Les Vandales, dbarqus en 429, contrlent la Numidie et une partie de la Maurtanie Sitifienne. L'Italie continue grer les provinces orientales de l'Afrique du Nord (Proconsulaire, Byzacne, Tripolitaine). La Maurtanie Csarienne est administrativement indpendante2. B. Situation conomique et montaire. Cette phase transitoire est peu saisissable, la documentation textuelle faisant dfaut. Mais il est certain que l'on continue vivre partout sur l'important stock montaire antrieur la conqute vandale, stock que l'Italie de Valentinien III continue sans doute alimenter: Tipasa, tmoignages des trsors de la Maisons des fresques, trsor 2 (chambre monnaies de fouilles nord-est)3; trsor 3 (gout des thermes)4 ; trsor 1 (amphithtre)5 ; de la ncropole de Tipasa-Matars6. A Stif, monnaies de fouilles au nord du temple occidentaP. L'important trsor de Sigus, enfoui peut-tre la mme poque (documentation P. Salama), apporte les mmes conclusions.

PHASE II (a. 442-455) A. Situation politique gnrale.

Aprs la chute de Carthage, le Trait de 442 attribue les provinces africaines orientales aux Vandales. En change, la Numidie et une partie de la Sitifienne font retour l'administration romaine. La Csarienne est dfinitivement indpendante8. : Les (2) Documentation de base C. COURTOIS, Vandales et l'Afrique, Paris, A.M.G., 1955,p. 155-171. Seuls de rares points ctiers de Maurtanie Csarienne, comme Tipasa et Cherchel, ont pu tre occups par les Vandales COURTOIS, : ibid., p. 177-183.Le reste de la province demeurera indpendant. Trsors montaires trouvs Tipasa la circulation du bronze en Afrique romaine et (3) TURCAN, : vandale aux ve et vie sicles ap. J.-C. , dans Libuca, IX, 1, 1961, p. 206-207 et 238-239. (4) Ibid., p. 207-212 et 240-241. (5) Ibid., p. 202-206 et 235-238. Fouilles Tipasa-Matars, p. 46-47, 92-93, 115-117, 121-123, 125, 140-141, 148, 154. (6) BOUCHENAKI, D'une faon gnrale, pour tous les trsors et monnaies de fouilles de Tipasa, regroupements, statistiques et commentaires de P. SALAMA, Huit sicles de circulation montaire sur les sites ctiers de Maurtanie centrale et orientale. me sicleav. J.-C.-ve sicle ap. J.-C. s, dans Symposiumnumismatico de Barcelona, 1979, vol. II, p. 118-123. (7) FVRIER,GASPARY, GURY,Fouilles de Stif, 1959-1966 (1er supplt au B.A.A., Alger, 1970), p. 128-129. : Les (8) Documentation de base COURTOIS, Vandales, op. cit., p. 172-177.

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PIERRE SALAMA

D D'OR. Fig. 2. EXEMPLES E CIRCULATION Solidi de l'atelier de Constantinople Znon (474-491), : Basiliscus(475-476),Anastase (491-518). DEMONNAIES VANDALES D'ARGENT Fig. 3. EXEMPLES (d'aprs Wroth, B.M.C., Vandals, Pl. II). Siliques de 100deniers DN REX GUNTHAMUND(a. 489-496). :

LOURDS L'ATELIERANDALE CARTHAGE DE V DE Fig. 4. BRONZES (d'aprs Wroth, ibid., Pl. I). Type du Guerrier/Protome de cheval et Numrotation. Valeurs de 42, 21 et 12 nummi (dbut vie sicle).

CONOMIE MONTAIREDANS L'ANTIQUIT TARDIVE B. Situation conomique 1. Territoires et montaire. romaine.

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sous administration

La documentation textuelle est remarquable puisque trois constitutions de Valentinien III concernent les provinces de Numidie et de Maurtanie Sitifienne: Novelle XII (19 octobre Novelle 443) sur les dettes contractes par les Africains du fait des spoliations vandales; XIII (21 juin 445) sur les impts et, d'une faon gnrale, la vie conomique dans les mmes provinces; Novelle XXXIV (13 juillet 451) rgissant les mmes sujets que la Novelle XIII9. On apprend ainsi que les propritaires privs et les emphythotes, c'est--dire pratiquement tous les possesseurs de domaines agricoles, bnficieront d'un dgrvement des septhuitimes de l'impt annuel, et l'on chiffre mme leur d. Ainsi, la Numidie devra payer annuellement 9.000 solidi, et la Maurtanie Sitifienne 5.000 ; ce qui permet de calculer le plein impt annuel, payable en temps normal: huit-huitimes = 72.000 solidi (c'est--dire 193 kg d'or) pour la Maurtanie Sitifienne10. La circulation d'or, qui caractrise les paiements l'image de ce que l'on constate par exemple en Italie d'tat, reste donc importantell, et en Sicile12 ; et, bien que les dcouvertes numismatiques fassent dfaut, on peut supposer une alimentation en or en majeure partie italienne dans les territoires africains soumis Rome. La monnaie de bronze, qui constitue la base des transactions prives, est aligne sur l'or, un solidus valant de 7.000 7.200 nummi d'aprs la Novelle XVI de Valentinien III (18 janvier 445). En Numidie et en Sitifienne, les produits de premire ncessit sont soumis taxation, surtout au profit des soldats (Novelle XIII, de 445) : un modius de bl est tax 175 nummi13, une livre de viande 26 nummi14, une amphore de vin 1.680 nummi, prix lev puisqu'il met le setier 35 nummi15.

La (9) Utile traduction des Novelles de 445 et 451 par A. CHASTAGNOL, fin du monde antique, Paris, Nouvelles ditions latines, 1976, p. 250-254. (10) Ajouter d'importants capita de fourrage qui accompagnent ces impts fonciers. Commentaires Caractre annonaire et assiette de l'impt foncier juridiques de ces Novelles de Valentinien III par A. CRATI, au Bas-Empire, Paris, Librairie gn. de droit et jurisprudence, 1975, p. 38-39, 91-94, 350. (11) Par exemple, 10 livres d'or d'amende frappant les spculateurs dans la Nov. XII. Zosime et l'Histoire Auguste. Le sumptus des prteurs , dans Hist. Aug. (12) A. CHASTAGNOL, Colloquium, 1964-1965, p. 61-70 J.-P. CALLU, Le centenarium et l'enrichissement montaire au Bas; La Empire , dans Ktma, Strasbourg, 3, 1978,p. 301-316 en dernier lieu, G. LACAM, fin de l'empire romain ; et le monnayage d'or en Italie, 455-493, Paris, 1983. Sur l'norme rapport en or des proprits de Laurinius en Sicile, L. RUGGINI, Economia et Societa nell'Italia annonaria, Milano, Giuffr, 1961,p. 558-560 CHASTA; Fin du monde antique, op. cit., p. 119-122. GNOL, : (13) A Carthage, la fin du ive sicle, il tait mont jusqu' 233 nummi Ammien Marcellin, XXVIII, = 3 folles Chronicon Alexandrinum, Monumen: 1, 17-18.A Alexandrie, en l'an 463, un pain vaut 24 nummi ta Germaniae Historica, IX, 2, p. 88. Pour ces prix et ceux qui seront numrs dans les notes suivantes, cf. la documentation prcieuse de L. RUGGINI, La poliEconomia, op. cit., tableaux p. 361-367 J.-P. CALLU, ; tique montaire des empereurs romain au me sicle , dans B.E.F.A.R., nO 214, 1969, p. 366-367 ID., ; Transformations et conflits au ive sicle , dans Antiquitas, 29, 1978, p. 103-125. (14) 29 nummi en Italie en 452 : mmes sources. (15) Peut-tre consquence d'une conjoncture, climatique ou autre, dfavorable. En Italie, sous Thodoric, l'amphore de vin ne vaut que 234 nummi : mmes sources.

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Sur le plan pratique, ces nummi cits par les textes sont aisment identifiables avec la monnaie en circulation: les nummi de cette poque psent autour de 1,12 g (A/E 4 allg), et les espces de bronze plus anciennes (AE/3, plus ou moins rogns) qui, au tmoignage irrfutable des trsors, circulent concurremment, devaient tre compts au double16. Nous sommes beaucoup plus circonspects lorsque les prix sont valus non plus en nummi mais en folles17. A la fin du IVe sicle, un texte oriental d'Hsychius valuait le solidus d'or 6.000 nummi et le follis 8 nummi18. Sur cette base, on peut prsumer que, jusqu' l'extrme fin du ve sicle, date o le follis est enfin authentifi, en Italie et en Orient, par une espce circulante, l'appellation follis ne correspond qu' une monnaie de compte, sans ralit matrielle, estimable 8 nummi19. Mais il n'est pas interdit de penser que, ds le milieu du IVe sicle, le follis tait dj concrtis par une pice relle, que les chercheurs modernes ne distinguent pas dfinitivement parmi les espces circulantes (AE/2? AE/3?). Aussi, pour les besoins de la cause et par souci de simplification, valuerons-nous exclusivement en nummi, et non en folles, les monnaies de bronze exhumes du sol nord-africain. 2. Territoires sous administration vandale.

Pour cette priode marquant le tout dbut de l'organisation du territoire vandale, aucun texte, aucun indice archologique, n'autorisent supposer l'existence d'un monnayage mis par l'autorit royale20. Il semble mme que les nummi d'imitation, qui pulluleront par la suite, n'aient pas encore t frapps21. La circulation montaire doit donc reposer sur le stock existant, l'image de la situation conomique de la zone voisine, administre par les Romains. PHASE III (a. 455-533) A. Situation politique gnrale. En 455, la suite de l'assassinat de Valentinien III, les Vandales lancent un raid sur Rome, et s'emparent d'une grande partie du territoire africain que le Trait de 442 avait dans Anliquitas, 1978,p. 124). (16) Poids des nummi : en 445, taills au 1/288ede livre (CALLU, (17) Dj dans une constitution de Constance II et Gallus csar (8 mars 354) : Code Thodosien,IX, 23, 1. Nombreux tmoignages,notamment chez saint Augustin CALLU,Follis singularis, dans M.E.F.R., : A 1959, p. 257; RUGGINI, proposito del Follis nel iv secolo, dans RendicontiAccad. naz. Lincei, 1961, p. 1-14. (18) Texte d'Hesychius M.S.R., I, p. 320, avec tude de CALLU, Denier et nummus , dans Colloque C.N.R.S., Les dvaluations Rome, I, 1975,p. 116. dans Ant. Afr., 15, 1980,p. 282. Quant au follis ttrarchique, (19) CALLU, ibid., et Pensa et Follis 1), il s'agit d'une appellation moderne, inadquate, mais tellement entre dans le vocabulaire numismatique qu'on la conservetraditionnellement. Il vaut mieux suivre Lafaurie qui lui donne le nom de pseudo-follis. Les (20) C. MORRISSON, origines du monnayagevandale (cit infra, note 28). Des monnaies d'argent au nom d'Honorius et au Revers VRBS ROMA (Rome assise) n'apparatraient pas avant la fin du rgne d'Hunric, c'est--dire peu avant 480-482ou 487-488. (21) Absencede cesnummi protovandales dans les monnaies de fouillesdu Bois des Arvales (Station Ad Sextum entre Rome et Ostie) l'endroit o Gensric et ses troupes avaient camp lors de l'attaque contre Rome en 455. Cf. BRENOT, Trsord'Ain Mrane, p. 197-198. MORRISSON,

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CONCOMITANTE DEMONNAIES ROMAINES BAS-EMPIRE DEMINIMI ET Fig. 5. CIRCULATION DU D'POQUE VANDALE du Castellum de Nador, Algrie). (Trsors Ligne 1 : AE/3 rogn AE/3 rogn AE/4 Valentinien 1 Constance II Constance II Securitas Reipublicae Fel Temp Reparatio Spes Reipublice a. 364-375 a. 355-360 a. 355-360 Ligne 2 : AE/4 AE/4 AE/4 Valentinien II Valentinien II Imitation d'Honorius Victoria Auggg Victoria Auggg Salus Reipublicae a. 388-392 a. 388-392 a. 410-423 ou plus tard Marcien Imitation de Ligne 3 Imitation de Valentinien III Valentinien III Croix dans couronne Victoire Monogramme Vers 450-455ou plus tard a. 450-457 2e moiti du ve s. Protovandale Ligne 4 : Imitation de Protovandale Valentinien III Victoire D dans couronne Croix dans couronne 2e moiti ve s. fin ve-dbut vie s. fin ve-dbut vie

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rtrocd l'Empire22. A l'ouest de l'tat vandale, le pays est indpendant; puis quelques sous forme de principauts regroupements administratifs s'y oprent progressivement, rgionales23. L'empire d'Occident disparat en 476. Les rapports politiques entre Vandales et Byzantins, aprs avoir t tendus (checs d'expditions contre Carthage en 468 et 470) s'quilibrent partir du Trait de paix de 474 ; ils resteront pacifiques jusqu' l'usurpation de Glimer en 530, celle-ci dterminant la conqute byzantine de 533. B. Situation conomique et montaire. 1. Les espces montaires et leur circulation. a. Les monnaies d'or. On sait que la royaut vandale n'a pas frapp l'or24. En compensation (et peut-tre mme en est-ce la cause?), l'or oriental afflue considrablement dans tout le territoire nord-africain. De nombreux trsors et quantit de trouvailles isoles en font foi. Le tmoignage le plus spectaculaire est celui d'un trsor dcouvert au dbut du xxe sicle en Tunisie , sans autre prcision gographique, et compos de plusieurs centaines de solidi25. Mieux connus, les trsors de Tripoli, de Djmila, d'An Meddah et de Cherchel, tous enfouis l'extrme fin du ve sicle, tmoignent d'une prpondrance massive de l'atelier de Constantinople26. En plus des fabuleux trsors personnels de ses rois, l'tat vandale accumulait le mtal prcieux puisque les impts, les amendes et les transactions importantes taient payables en or, suivant l'exemple hrit des Romains27. On peut mme supposer une situation analogue dans l'Afrique indpendante. b. Les monnaies d'argent. Les missions royales vandales de monnaies d'argent (siliques, puis 1/2 siliques et 1/4 de siliques) dbutrent peut-tre avant la fin du rgne d'Hunric, c'est--dire peu avant l'anne 484. Elles se firent d'abord au nom d'Honorius28. Sous Gunthamund (a. 484-496), elles portrent le nom mme du roi et une marque de valeur en deniers (pices de 100, 50 et 25 deniers). Les rois suivants, Thrasamund (a. 496-523),

(22) Malheureusement,la frontire entre tat vandale et Afrique indpendante est trs mal connue. On peut approximativement la dlimiter l'Ouest de Skikda, de Constantine et de Bir Trouch (AAA,L, 45). Cf. COURTOIS, P.-A. FVRIER,Ostraka de la Vandales,op. cil., p. 171-185, complter par J.-P. BONNAL, rgion de Bir Trouch , dans B.A.A., 11, 1966-1967,p. 239-249.Mais il n'est pas impossibleque cette frontire ait fluctu au cours d'un sicle. (23) COURTOIS, Vandales,op. cil., p. 325-352 ( nuancer en fonction de l'insuffisanceou de l'imperfection de nos sources). Les (24) Cf. en dernier lieu, S. SUCHOLDOLSKI, dbuts du monnayage dans les royaumes barbares , dans MlangesLafaurie, p. 249-256. (25) Rev. Numismatique, 1911, p. 559 : 64 monnaies inventories, dont 14 d'empereurs occidentaux et 50 d'empereurs orientaux. Terme final sous l'empereur Lon (a. 457-474). dans (26) 67 solidi Tripoli (indit, documentation P. Salama) ; 180 Djemila(ALBERTINI, B.C.T.H., dans 1924,p. CLXII-CLXIV) An Meddah (P. SALAMA, B.S.A.F., 1959, p. 238-239); 65 Cherchel, en ; 93 deux lots (Rev.Afr., 1, 1856, p. 54 ; rvision de l'Htellerie). (27) Victor de Vita, II, 23 et III, 3-14 cf. COURTOIS, ; Vandales,op. cil., p. 295 et 297. Les (28) Cf. supra note 20 : article fondamental de C. MORRISSON, origines du monnayage vandale , dans Actes 8e Congrsinternat. de Numism., New York-Washington, 1973,publ. Paris-Basel, 1976,p. 461472 et Pl. 52).

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Hildric (523-530) et Glimer (530-533) poursuivirent ce systme. Le denier vandale valait peut-tre 5 nummi avant la rforme de l'extrme fin du ve sicle. Sur le plan pratique, on ignore si le volume de ces missions d'argent fut massif ou non. On a retrouv ces espces presqu'exclusivement sur le territoire de la Tunisie, et concentres dans la zone de Carthage mme29. Ceci pourrait prouver leur faible rayon de circulation et l'importance relative de leur rle conomique30. Mais, comme nous le verrons, un tmoignage pigraphique fondamental, l'pitaphe du dux Masties, se rfre un paiement en deniers. c. Le monnayage de bronze. C'est l que rside l'essentiel du problme de la vie quotidienne. D'une faon gnrale, quatre lments intervinrent au cours de la deuxime moiti du ve sicle et au dbut du vie: Un phnomne de dprciation continue de la monnaie de bronze, en Occident comme en Orient. Un phnomne, allant jusqu' montaires, galement gnralis, d'imitations l'mission de monnaies de ncessit . Une diffusion partout de ces numraires dprcis et imits. Enfin une raction des tats organiss pour mettre un terme ces droutes montaires par la cration de monnaies lourdes rvalues. en Afrique, l' ouverture orientale , constate pour la monnaie d'or, Paralllement, montaire du s'applique aux espces en bronze; et une grande partie de l'alimentation territoire provient des ateliers byzantins. La circulation montaire est donc constitue par les espces anciennes (AE/3 rogns, et AE/4 de la priode romaine), par les nouveaux nummi, dont le poids et le module diminuent progressivement, et qui sont soit des produits d'ateliers rguliers d'Occident et d'Orient, soit des imitations locales de ces mmes numraires, frappes ou coules dans des ateliers rguliers ou irrguliers. Les rois vandales eux-mmes mettent des minimi au nom de Gunthamund, puis de Thrasamund, immdiatement imits soit dans leur territoire, soit dans l'Afrique indpendante31. Notons surtout l'importance de sries locales, dites vandales anonymes ou protovandales , comportant un certain nombre de symboles circonscrits dans une couronne de laurier (croix, chrisme, toile huit pointes, lettre D, lettre N) ou le type, plus ou moins schmatis, d'une petite victoire marchant gauche32. (29) Parfois dcouvertes dans la zone de Sousse ou celle de Sbeitla, mais rarement (renseignements de P. Gandolphe). Les trois siliques vandales du muse de Constantine sont donnes sans provenance : Rec. Const., XVIII, 1876-1877, p. 222; une silique dcouverte prs de Tbessa, et entre dans la Coll. Troussel : ibid., LXVII, 1950, p. 157. (30) Rien n'est officiellementpayable en numraire d'argent dans les contrats de Tuletianos (Tablettes Albertini). L'expression argento folles de l'Acte I, 1/a signifie un paiement en espces cf. infra, note 60. ; On ne peut toujours pas localiser les ateliers irrguliers ou mme rguliers, ces derniers se situant (31) probablement Carthage. Sur la diffusion grandes distances de leurs produits, cf. infra, note 48. (32) WROTH,dans B.M.C., Vandals, pl. III et IV. Les tudes modernes s'efforcent de srier ces monnaies anonymes et de les classer chronologiquement. Ainsi, le type du petit palmier (ibid., pl. III, 35-36) qui abonde dans les fouilles de Carthage en mme temps que le type du A dans un cercle de grnetis

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DUTRSOR ESIDIAICH(d'aprs Lafaurie, dans R.N., 1959-1960, l. X). Imitation D Fig. 6. - MINIMISSIMI P du type de la Victoire gauche du roi vandale Thrasamund (dbut vie s.)

DU Fig. 7. L'PITAPHE DUXMASTIES ANS D L'AURS (Alger, Muse des Antiquits).

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Seules les petites victoires gauche , de plus en plus schmatises, et de poids fort allg, peuvent tre aujourd'hui dates: elles sont les imitations de minimi du roi vandale Thrasamund33. Les autres protovandales ne sont approximativement datables que par leur coexistence dans les trsors avec des nummi orientaux (notamment des monogrammes), chelonns sous les rgnes de Marcien (450-457), Lon (457-474), Znon (474-491) et Anastase (491-518)34. Suivant l'opinion de Callu, les lettres D ou N correspondent la valeur 500 pour le D, et au mot N(oumion) ou N(ummus) pour le N, c'est--dire la cinq centime partie de la silique d'argent35. travaux sur la mtrologie de ces monnaies d'imitation ont prouv que D'importants le maximum de leur dprciation fut atteint sous le rgne de l'empereur Lon36, et que, on a trouv ces espces sur tout le pourtour de la Mditerrane37. L' hypopratiquement, thse africaine , c'est--dire celle de l'mission en Afrique de ces monnaies, puis de leur diffusion transmarine, apparat comme trs probable, bien que pas encore dfinitivement prouve38. En tout cas, en Afrique mme, la dprciation du bronze se poursuivit, et atteignit son comble l'poque du roi vandale Thrasamund (496-523), avec la circulation d'une vritable monnaie-poussire 39. C'est pourquoi on peut admettre que les protovandales symboles dans une couronne , de poids suprieur aux victoires gauche

: (imitation de Justinien WROTH, l. IV, 20, 21, 22, 24) est rejet au dbut de la priode byzantine par p M BUTTREY, HITCHNER, Carthage-Michigan, 1976, nos 320-354; HAHN, onela imperii byzantini, Wien, 1973, II, p. 72, no 134. En effet, ces monnaies au palmier n'ont jamais t trouves dans des trsors d'poque vandale. Trsor du Hammam, dans Rec. Consl., 1950-1951,p. 176-178; MORRISSON, Trsor (33) TROUSSEL, d'Ain Kelba, p. 241-242. (34) Croix ou Chrisme dans la couronne figurent au Trsor de Monte Rosa (Iles Lipari) dont la dernire monnaie officielledate de Lon ORSI,dans Riv. ital. di Numism., 1910,p. 353, repris par CESANO, dans : ibid., 1913, p. 526-527. Le nummus au D est dj contemporain des monogrammes de Marcien dans les fouilles de Nador et Cherchel, de Lon Mouzaia, de Znon Ain Mrane, d'Anastase Henchir Douams et Msila. Mais il n'est pas impossible que ces monnaies de Marciensoient postrieures son rgne (450-457), ou que, dans les trsors dats arbitrairement par la prsence de Marcien, des monnaies plus tardives aient fait accidentellement dfaut. (35) Ide reprise par SALAMA,Numismatique du site de Nador. Essai de fixation d'une chronologie terminale , sous presse, dans Fouilles du Nador, ed. Carandini. G.-L. KUSTAS, bronze hoard of the period of Leo 1 , dans A.N.S., Museum A (36) H.-L. ADELSON, Notes, 9, 1960, p. 139-188 = Italie) ; ID., A bronze hoard of the period of Zeno , dans A.N.S., Numism. Notesand Monogr., 148, 1962 = Grce ID., A sixth century hoard of minimi from the western Peloponese 1), ; dans A.N.S., Mus. Notes, 11, 1964, p. 159-205 = Grce. Synthse gnrale de J.-D. MAC ISAAC, The * weight of the late 4th and early 5th century nummus, AE/4 t, dans A.N.S., Mus. Notes, 18, 1972,p. 59-66. Poids moyen le plus bas de ces monnaies = 0,30 g 0,50. The Tablettes Albertini and the value of the solidus , dans Journal of Roman (37) Ph. GRIERSON, Numismatique du Nador,), art. cil. supra, note 35. Studies, 1959,p. 77, note 25 mise jour de P. SALAMA, ; En dernier lieu, trsor grec du vie sicle, comprenant toutes les espces, dont des vandales anonymes : A. WALKER, dans Hesperia, 47/1, 1978,p. 41-47 trsor de Massafa, prs de Taranto en Italie mridionale : ; E. TRAVAGLINI, Thesaurus Massafrensis, Brindisi, 1977. (38) Dj rserves de L. CESANO, Della monete enea corrente in Italia nell'ultima et imperiale romana e soto i re ostrogoti , dans Riv. ital. Numism., 1910, p. 511-551. : Trsor de Sidi Ach, et C. MORRISSON, Trsor d'An Kelba (cf. (39) tudes de base J. LAFAURIE, notes 33 et 62).

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de Thrasamund, furent mises avant ce rgne, probablement sous Gunthamund (484-496). Peut-tre mme avaient-elles dbut peu auparavant. Il est certain que, devant cet effondrement de la monnaie de bronze la fin du ve sicle, les diffrents tats ragirent. L'Italie semble avoir pris l'initiative d'une valorisation vers l'anne 47640. Dans l'empire byzantin, ce fut la fameuse rforme d'Anastase, dont la premire phase dbuta en 498. Dsormais, l'unit de bronze s'appelle le follis, monnaie relle taille au trente-sixime de livre, valant 40 nummi et Ij288e de solidus41. Peu de temps plus tard, peut-tre en 512, ou mme avant, ce follis de 40 nummi fut rvalu au double, c'est--dire au dix-huitime de livre, de sorte qu'un alourdissement montaire considrable tait ralis en peu de temps chez les Byzantins42. Les Vandales s'alignrent sur ce systme avec la cration d'une unit de 42 nummi et des fractions de 21, 12 et 4 nummi. Malheureusement, la date exacte de leur rforme du bronze reste inconnue. En prsence de deux sries de folles, l'une au type du Guerrier sur le droit et d'un protome de cheval, avec numrotation, sur le revers, pesant en moyenne 9,86 g, l'autre au type de la Tych de Carthage au droit, et de la numrotation dans une couronne au revers, pesant en moyenne 11,39 g, on constate bien un alourdissement progressif du bronze, comparable au systme d'Anastase, mais qui est loin d'atteindre les mmes poids. C'est la raison pour laquelle un des principaux commentateurs de la question la rforme africaine de celle d'Anastase, et de propose de dissocier chronologiquement retarder la premire jusqu' la fin de la priode vandale, presque la veille de la reconqute byzantine43. J'avoue que, dans le cadre d'tude que nous nous sommes fix, celui de la circulation montaire dans l'ensemble de l'Afrique du Nord, cette question n'a qu'un intrt rduit. Nous raisonnons, en effet, dans un domaine o l'archologue doit prendre le pas sur le car ces monnaies lourdes vandales, dites anonymes de Carthage, mises en numismate; quantit difficile chiffrer, mais sans doute restreinte, semblent n'avoir connu aucune diffusion gographique; les dcouvertes n'en ont jamais signal en dehors de la zone de Carthage ou de Sousse44. Elles sont aujourd'hui des monnaies de collection; et, au surplus, dans M ; (40) GRIERSON, J.R.S., 1959, p. 77-78 HAHN, oneta Imp. Byz., I, Tab. VI. ; (41) C. MORRISSON, Cataloguemonnaies byzant. Bibl. Nat., Paris, I, p. 15-16 J.-P. CALLU, Le tarif d'Abydos et la rforme montaire d'Anastase , dans ge Congrsinternat. de Numism., Berne 1979,p. 737739. Poids moyen de ce premier follis d'Anastase = 9,10 g. Tarif d'Abydos 1),art. cil. ; poids moyen de ce second follis = 18,19g. (42) CALLU, M (43) HAHN, oneta Imp. Byz., I, p. 94 : datation tardive sous Hildric des follesautonomes de Cardans thage. Compte rendu MORRISSON, Rev. Numismatique, 1974, p. 188-189. En revanche, F. CLOVER, Relations between North Africaand Italy, a.d. 476-500,dans A.N.R. W., sous presse,pense l'antriorit du type de la Tych de Carthage par rapport au type du Guerrier. La srie lourde aurait donc prcd la srie lgre dans la rforme du bronze vandale, et cette monnaie lourde se serait vite dprcie, ce qui est trs vraisemblable. : I pour 46 nummi vandales (44) Fouilles Carthage-Michigan1975 1 follisXLI et 1 sous-multipleN 1111 et proto-vandales. Fouilles Carthage-Michigan1976: 1 guerrier XXI et 1 N 1111pour 73 nummi vandales et eut proto-vandales. Seule la petite pice de 4 nummi (N 1111) une diffusionplus large. On la trouve dans les et monnaiesde Tindja, 60 km au nord-ouest de Carthage (B.C.T.H., 1920,p. XLVIII) dans un trsor dcouvert Guelma en 1843 (Lettres Baron Marchant 1851, p. 196 = Numismatic Chronicle, 1/17, 1854-1855, p. 5). Au musede Constantine sont donns sans provenance 1 Guerrier/ChevalN XII et 1 N IIII : Catalogue 1904,nos3562et 3565.Cf. galement, dcouvertes en Afrique et en Italie de contremarques XLII, d'poque

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ne portant pas l'effigie des rois vandales mais seulement la marque KARTHAGO, elles ont pu concrtiser un monnayage purement municipal de la ville de Carthage. donc un essai d'alourdissement montaire usage local. On ne les a, d'ailleurs, jamais imites. Aussi peut-on rejeter, par un argument supplmentaire l'hypothse de Grierson suivant laquelle ces folles lourds correspondaient aux espces mentionnes dans les contrats des Tablettes Albertini, en 493-49645. Toutefois, sur le plan mtrologique, ces gros bronzes vandales marques de valeur ils consacrent les poids les plus bas atteints par les apportent une preuve incontestable : petits nummi dans les missions, officielles ou irrgulires, du dbut du vie sicle46. Les Vandales ont donc essay de reprendre un contrle qui leur chappait, celui de la masse montaire en circulation. Ils n'y ont gure russi: trsors et monnaies de fouilles prouvent surabondamment que les nummi lgers continurent faire la loi du march, soit qu'ils chassrent les folles lourds et leurs sous-multiples, dans la soit que ceux-ci n'apparurent circulation que trs localement ou trs tardivement, c'est--dire la veille de l'occupation byzantine47. En tout tat de cause, les rformes vandales sur l'argent et le bronze n'avaient gure pour ambition de prendre en charge toute l'conomie de l'Afrique du Nord. Et les minimi lgers continurent circuler partout. 2. Le problme des prix et des transactions. C'est donc en fonction d'une vidence rvle par les dcouvertes archologiques, savoir l'homognit du numraire en circulation (or ou bronze), quelle que soit la zone nord-africaine considre, que nous pouvons aborder les problmes commerciaux48. Le document conomique fondamental est bien connu: c'est le groupement d'actes juridiques dcouvert en 1929 une centaine de kilomtres au sud-est de Tbessa, et publi sous le nom de Tablettes Albertini, actes dats du rgne de Gunthamund, entre les annes The vandale, sur des bronzes du Haut Empire C. MORRISSON, re-use of obsolete coins; the case or roman : imprial bronzes revived in the late firth century , dans Studies in numismalic methodspresented to Ph. Grierson, Cambridge Univ. Press, 1983, p. 95-111. dans J.R.S., 1959, p. 77-78. Contra C. MORRISSON, Congrs New York, 1973, dans (45) GRIERSON, p. 465-467, avec des arguments trs solides. (46) D'aprs les peses des pices XLII, XXI, XII et 1111dans les Catalogues de muses et dans les monnaies de fouilles, auxquelles s'ajoutent nos penses sur les monnaies de collection, le poids moyen du nummus est de 0,30 g. C'est le poids des minimi de l'poque de Thrasamund. Mais il faut videmment tenir compte, dans cette rforme de la monnaie, du droit rgalien de l'tat vandale, ou de la Ville de Carthage, gagner sur les poids lors de la refonte. (47) On retrouve ici la datation de HAHN, upra, note 43. Certes, MmeMORRISSON s (CongrsNew York, p. 462-463) tablit la cohrence du systme montaire vandale, alignant le bronze sur l'argent, de sorte que, la numrotation de l'argent ayant t tablie sous Gunthamund, celle du bronze aurait d lui tre contemporaine. Mais divers facteurs, comme les difficults de classement des bronzes lourds, l'absence du nom des rois sur ces missions, etc., paraissent crer une situation trs particulire. (48) Les compositions identiques de trsors de bronze s'tendent sur de trs grandes aires. Par exemple, nature identique de Carthage 1901,Bou Lilate, Henchir Doumes, An Kelba et El Asnam 1930.Les petites victoires de Thrasamund et leurs imitations alimentent ainsi une zone de prs de 1.000km de longueur. Quelques identits de coins existent mme entre Sidi Ach et Bou Lilate. Paralllement, la composition du lot d'An Mrane quivaut celles de Mouzaia, Nador, Msila, Biskra-Korra, et Hamma, c'est--dire que l'on couvre par une circulation montaire de mme nature une distance de 600 km. Le trsor de Tipasa IV prsente quelques particularits supplmentaires.

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493 et 49649. Le premier intrt de ces textes est de nous fournir le taux de conversion de la monnaie d'or l'extrme fin du ve sicle un solidus quivaut 1.400 folles50. Ces folles : paraissent tre une monnaie de compte, et exigent de nous une conversion en nummi. Si l'on applique l'quivalence, dj connue, de 8 nummi pour un follis, le solidus vaut 1.400x5 = 11.200 nummi51. Or, les nummi de cette poque sont facilement tudiables puisqu'ils abondent dans les trsors et les monnaies de fouilles. A la fin du ve sicle, leur poids moyen se situe moins d'un gramme, tant pour les nummi orientaux imports que pour les imitations et les protovandales52. Dcouvrir quelque part une seule monnaie d'or est ainsi une opration plus rentable que de trouver un important trsor de bronze. Mais, dans la pratique, l'valuation du pouvoir libratoire d'un grand lot de monnaies de bronze pose pour nous une nigme qui reste encore mystrieuse. L'ingalit de poids des espces circulant ensemble une date donne est patente, puisqu'un magot comporte, dans des proportions variables, des monnaies romaines du Bas-Empire et des nummi tardifs53. On doit donc se demander quel taux taient acceptes des monnaies de module et de poids diffrents. On a connu dans les temps modernes des situations comparables. Sans remonter des priodes trop anciennes, disons qu'il y a cinquante ans, la circulation du bronze en France et en Algrie tait la suivante: coexistaient des pices de 5 centimes, d'une part, et, d'autre part, des pices de 10 centimes o se mlaient des espces de toutes nationalits, voire des Louis XVI et quelques sesterces romains trs uss, remontant au Ille sicle. Il est vident que le second groupe valait le double du premier (valeurs de 1 sou et de 2 sous). Le mcanisme des transactions ne devait certainement pas tre diffrent (49) TablettesAlbertini. Actes privs de l'poque vandale (fin du Ve sicle), dits et comments par C. COURTOIS, LESCHI, L. J.-P. MINICONI, PERRAT, SAUMAGNE C. C. (Paris, A.M.G., 1952). Tab. Alb., Acte II, 2 b, p. 217 ; commentaire p. 203. Pratiquement, en changeant un solidus, on (50) ne pouvait rendre la monnaie qu'en argent ou en bronze, car sous-multiplesd'or (semiset tremis) n'ont pas les circul en Afrique du Nord. (51) CALLU, Pensa et follis (art. cil., supra, note 19),p. 282 ID., Tarif d'Abydos , art. cil., p. 739. ; On arrive un rsultat peu prs quivalent (12.000nummi) en divisant la silique d'argent (24e partie du dans dans solidus) en 500 nummi : GRIERSON, J.R.S., 1959,p. 78 MORRISSON, CongrsNew York,p. 463. ; Ce raisonnement tient compte de la dprciation progressivedu bronzedans la secondemoiti du ve sicle. Compter encore en 496 le solidus 7.200 nummi, comme dans la constitution de Valentinien 111en 445, serait ignorer cette dprciation bien atteste par la diminution du module et du poids des nummi. Notons que dans la rforme d'Anastase, le solidus vaut 11.520nummi. (52) Poids moyens dgressifspour les monnaies de Constantinople (Nador, An Kelba, An Mrane) : Marcien = 1,10 g (9 exemplaires); Lon = 1,02 g (10 ex.) ; Znon = 0,88 g (3 ex.) ; Anastase = 0,67 g (3 ex.). Poids moyens des protovandales (Carthage-Michigan1975et 1976 Nador, An Kelba, An Mrane): ; = 0,72 g (8 ex.) ; toile six pointes = 0,51 g (28 ex.) ; D = 0,65 g (7 ex.). Ce n'est qu'au dbut du croix vie sicle, sous Thrasamund (petites victoires >et imitations) que le poids moyen diminue encore 0,49 g : 0,27 g (Carthage 1901,Bou Lilate, Hamma, Henchir Douams, An Kelba). (53) Proportion des monnaies du Bas Empire par rapport aux minimi tardifs dans les trsors (on ne tient compte que des monnaies identifiables) : Trsor du Hamma : 37 Bas Empire romain = 35,9 ; 14 Marcien Znon = 13,6 ; 27 protovandales = 26,2 ; 1 Thodoric = 0,9 ; 24 Thrasamund = Ain Kelba : 63 Bas Empire = 5,3 ; 8 Marcien Anastase = 0,6 ; 10 protovandales = 0,8 ; 23,4 1.113Thrasamund et imitations = 93,3 Total gnral = 1.191.An Mrane: 175Bas Empire = 89 ; 15 Marcien Znon = 7,7 ; 6 protovandales = 3,3 Total 196.Tipasa IV 980Bas Empire = 74,5 ; : 19 Marcien Lon = 1,5 ; 275 imitations de la fin du ve sicle = 22,5 ; 1 Thrasamund = 0,05 ; 18 Justinien et imitations = 1,5 ? Total 1.221tudies.

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dans l'Antiquit tardive. Sous Thrasamund, par exemple, on devait compter le nummus rcent comme unit (0,40 g 0,50 g), le nummus romain AE/4 (1,12 g) pour le double, le nummus romain plus ancien (AE/3 plus ou moins rogn, de 2 g et plus) pour le quadruple, etc. Dans les petits paiements, les usagers apprciaient eux-mmes, et de visu, la valeur de leur monnaie; pour les gros paiements, il n'est pas impossible que l'on recourt des peses54. Nous pouvons donc souponner de cette faon la pratique quotidienne des changes. Ceci dit, les Tablettes Albertini font parfois tat de paiements en or55, mais comptent normalement en folles. Pour chaque follis, monnaie de compte, on devait aligner la somme de 8 nummi, somme compose, au besoin, d'un assortiment de pices. Malheureusement pour nous, le problme gnral des prix dans le pays la fin du ve sicle n'est toujours pas clairci. Les contrats de Tuletianos apparaissent, ep effet, comme des documents difficiles interprter, et mme dconcertants : la terre et les arbres fruitiers ne valent presque rien, alors que les fournitures d'habillement sont, comparativement, chres56. Plusieurs interprtations modernes se sont ingnies expliquer cette anomalie : on incrimine soit la pauvret de la rgion et les diffrences de prix dues l'irrigation57, soit la mentalit de l'acheteur principal des terres, Geminius Felix58. En ralit, si l'on examine la valeur de la dot constitue sa fille par ce personnage, on n'observe aucune dmesure: 12.000 folles en tout (= 96.000 nummi), c'est--dire 8 solidi 1/2 ; mais il n'y est pas question du tout de monnaies d'or59. Huit mille folles y sont verss en espces (argento folles), par opposition au versement en nature des autres lments de la dot, comme les vtements, bijoux, etc.60. Au demeurant, on ne peut gure juger du prix gnral des biens de consommation par le seul inventaire d'une constitution de dot. (54) En tout cas, trs souvent, les monnaies taient perces pour pouvoir tre enfiles en collier, chaque collier pouvant reprsenter un follis. Proportions des exemplaires percs par rapport l'ensemble des monnaies dans les Trsors Carthage 1901 = proportion non donne; Henchir Douams = 11,8 %; : = non donne Bou Lilate = 18 : An Kelba = 16,3 ; Tipasa IV = non donne. Hamma ; Un seul exemple Tab. Alb., op. cil. n. 49), Acte II, 2 b (achat d'une jeune esclave pour 1 soli(55) : dus 1/2, ce qui ne semble pas cher). Je ne suis d'accord ni avec COURTOIS, (Vandales, p. 32) ni avec GRIERSON (dans J.R.S., 1959, p. 73) pour lesquels l'or tait rare en Afrique du Nord. Les trsors montaires prouvent le contraire. Mais l'or tait certainement rare chez les pauvres gens. : dans Tab. Alb., p. 203-205 ID., Vandales, p. 320-323 ; (56) Question dj commente COURTOIS, ; dans J.R.S., 1959, p. 74-75 MORRISSON, 465-467.Les prix sont drisoires GRIERSON, ; CongrsNew York,p. la terre et les arbres fruitiers 16 folles en moyenne = 128 nummi, pour un olivier (Actes V, VI, VII, : pour IX, XIV, XVIII). Une terre complante de 13 figuiers et 6 plans de vigne vaut 300 folles = 2.400nummi (Acte XI). Un figuier vaut soit 23 folles = 184 nummi (Acte XI), soit 50 folles = 400 nummi (Acte XVI). En regard, une robe de marie (dalmatique) vaut 2.000 folles = 16.000 nummi (Acte I, 1/a, 5-6 : constitution de dot) ; une paire de chaussures en cuir de taureau vaut 150folles = 1.200 nummi (ibid. I, 1/a, 9), etc. dans Tab. Alb., p. 204; MORRISSON, Congrs New York, p. 466-468; H. PAVIS dans (57) COURTOIS, D'EscURAC, Irrigation et vie paysanne dans l'Afrique du Nord antique 1),dans Ktma, Strasbourg, 5, 1980, p. 177-191. (58) Geminius Flix, membre de la famille du propritaire minent, aurait t une sorte d' trangleur qui, en rachetant les terres, vinait peu peu les tenanciers manciens pour reconstituer le grand domaine son profit COURTOIS, Tab. Alb., p. 208-211. Il aurait peut-tre prt de l'argent ces malheureux dans : dans Journal des Savants, ; pour pouvoir les dpossder ensuite par des achats sous-valus ALBERTINI, 1931, p. 29. (59) Tab. Alb., Acte I, 1/a, p. 215 cf. p. 204-205. Il n'y a aucune exigence d'un versement en or. ; (60) Acte I, 1/a, ligne 5. Cf. Thesaurus linguae latinae, II, Argentum, col. 527-528 : lorsque l'usage des monnaies d'argent fut plus courant que les autres, le mot argentum a signifi pecunia, sans tenir compte

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C'est donc une information trs localise, et trs personnalise, que nous transmettent les Tablettes Albertini ; et la modicit de leurs tarifs agricoles n'est pas ncessairement applicable toutes les rgions de l'Afrique du Nord61. Toutefois, des contextes conomiques aussi pauvres, sinon davantage, existaient dans les zones steppiques de la Byzacne mridionale. C'est l qu'a t trouv le trsor de Sidi Ach, c'est--dire le numraire de bronze le plus fractionn de toute l'Antiquit nord-africaine, compos de picettes dont la majorit ne dpassent pas un poids mdian de 0,14 g, et fabriques dans des matrices cases multiples. On a peine imaginer le pouvoir libratoire de chaque picette, dans cette vritable poussire, correspondant certainement une monnaie de ncessit 62. En tout cas, le type de ces monnaies, driv des victoires gauche du roi Thrasamund, permet de fixer la chronologie de ces missions irrgulires l'extrme fin de la priode vandale, chronologie valable galement pour le trsor de Bou Lilate. La carte gnrale des trsors et des monnaies de fouilles permet alors de retrouver dans toute l'Afrique du Nord, surtout dans les campagnes, mais aussi dans des villes comme Carthage, un numraire de petites fractions rpondant incontestablement aux transactions de la vie quotidienne, preuve que ces transactions elles-mmes s'taient appauvries, au point de se contenter d'instruments d'changes aussi peu reprsentatifs63. Peut-tre existait-il un paralllisme entre la pauvret de la monnaie et la modicit des prix? Mais il nous faudrait beaucoup plus d'lments pour pouvoir en tre sr. Hlas, en dehors des Tablettes Albertini, les tmoignages de transactions chiffres font presque totalement dfaut. Nous avons quelque mal dater l'inscription de Rads, c'est--dire le Tarif de passage des marchands qui, entre Carthage et Maxula, empruntaient un bac; mais quelle que soit l'poque considre, les prix du transport, valus en folles, apparaissent comme faibles64. Reste le document le plus tardif, et en mme temps le plus incertain quant son interprtation financire: l'inscription du tombeau de Masties. Ce curieux personnage, qui s'tait proclam dux pendant 67 ans et imperator pendant 60 ans pour concilier les Romains et les Maures au cur du Massif de l'Aurs, n'est connu que par une humble

du mtal Exemples extrmement nombreux, depuis le second sicle av. J.-C. : Plaute, Curculio, 34 . ; Terence, Phormion, 299; 712, 593; Heautonl., 678; Ciceron, Topique, 16; Horace, Satires, 2, 6, 10 et 2, 3, 78 ;. ; Paul au Digeste,XIV, 1, 140, 1. Nous devons ces recherches notre ami R. Braun. (61) Comparer,pour la mme poque, les richessesdes btiments de villes peu loignesde cette zone, comme Ammaedara et Sufetula (tudes fondamentales de Nol Duval). dans (62) tude scrupuleuse de J. LAFAURIE, Rev. Numism., 1959-1960,notamment p. 113-127. (63) Situation identique en Italie et en Grce, rgions o l'on a pu tudier le mme phnomne. Cf. L. RUGGINI, Economia,op. cit. supra n. 12. Il y a un dcalage norme entre les paiements officiels,en or, et le commerce populaire , en billon misrable. (64) C.I.L., VIII, 24512 = Dessau 9457.Je n'ai pas retrouv la pierre au Musedu Bardo. La palographie aurait pu nous donner un critre approximatif de datation. Celle-cidoit pouvoir se situer entre la fin du IVesicleet la fin du ve, car les diteurs n'ont pas mentionn une criture de type byzantin. Le tarif ne dpassejamais 5 folles 1 follis pour un homme pied 4 folles pour un cavalier un muletier son mulet : ; ; 2 folles, sans chargement, 4 folles, avec chargement mmes prix pour l'nier et son ne 5 folles ou paient ; ; 3 folles pour le chamelier et son chameau, suivant qu'il y a chargement ou non. Par comparaison, en Pales: tine, vers l'anne 400, on payait un pain 10 folles Tos. Sebiit., 6, 21 (cf.supra, note 13). En Afrique mme, les ostraka de Bir Trouch, en 485-493,font tat de livraisonsde mesures d'orge, mais il n'y est pas question de prix (cf. supra, note 22).

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pitaphe de la fin de la priode vandale, vers 496, selon Courtois, vers 516, selon Carcopino65. Depuis l'anne 1956, on ne s'est plus souci de cette affaire, et l'on considre le dossier comme clos; aussi, tenons-nous le rexhumer la fin de cette tude. Sans reprendre les discussions polmiques sur la carrire de Masties, signalons qu'une de l'inscription permet de remettre en cause l'interprtation humoanalyse palographique ristique du texte, tablie par les premiers diteurs. Masties parle la premire personne Vartaia, qui construit le tombeau avec ses frres, pour dresser son auto-pangyrique. s'exprime de la mme faon66. La dernire ligne de l'inscription indique la troisime personne: in quod erogavil x cenlum. S'il a bien compris que x (mme sans trait intermdiaire horizontal) tait le sigle traditionnel des deniers, J. Carcopino a extrapol le sens du texte et suppos qu'un plaisantin, passant devant le monument, avait voulu tourner en drision et la piteuse somme de 100 l'uvre accomplie, en inscrivant cette ligne supplmentaire deniers. Il nous est difficile d'accepter cette boutade. La palographie gnrale de l'pitaphe dnonce une unit totale, de la premire la dernire ligne, avec la forme invariable de la lettre Q, de la lettre G, et les deux formes, rectangulaire et cursive, de la lettre E. Par ailleurs, la mise en page gnrale de l'inscription offre un exemple classique de hauteur dgressive des signes par lignes, le dbordement de l'avant-dernire ligne sur le bas de la page tant destin, non pas laisser un blanc o se serait insre plus tard une inscription de seconde main, mais sauvegarder l'unit textuelle de la formule finale. Et, en ce qui concerne la grammaire de cette dernire ligne, le passage du personnel l'impersonnel n'est pas rare dans les pitaphes pour l'nonc de la dpense faite, pour autant que le lapicide n'ait pas commis ici la faute erogavit au lieu d'erogavi. et au srieux de la dpense effectue par Vartaia On peut donc croire l'authenticit et ses frres. Le denier, on s'en souvient, tait l'unit de base du monnayage d'argent vandale, exemple unique dans l'histoire montaire gnrale de cette poque. Le prix du tombeau, valu 100 deniers, c'est--dire une seule pice d'argent, serait videmment drisoire. Mais rien n'indique qu' cette date, le sigle Xne signifiait pas lui-mme la pice de 100 deniers. La somme totale serait donc de 100 fois 100 deniers, c'est--dire 10.000 au minimum 50.000 nummi ou 6.750 folles, soit un peu plus deniers. Cela quivaudrait de quatre solidi. Ce n'est l qu'une hypothse, que nous avanons prudemment, mais jusqu' prsent on n'en avait nonc aucune qui ft logique; et si l'on retient la ntre, on comprendra que le tombeau de Masties ne se rduisait pas une misrable pierre inscrite, mais devait tre un monument de prestige dont l'pitaphe fut, par la suite, dtache, et enfin retrouve en 194167. : (65) A.E., 1945, no 97. La pierre est conserve au Muse d'Alger. Importants commentaires J. dans CARCOPINO, R.E.A., 1944, p. 94-120 et dans Rev. Afr., C, 1956, p. 339-348; C. COURTOIS, Vandales, 333-339 et Appendice II n 132. op. cil., p. (66) Ego Vartaia hune edificium cum fratrib(us) (m)eis feci. (67) On possde deux inscriptions comparatives, mais elles reprsentent deux solutions extrmes. Prs de Lepcis Magna, au ve sicle, la construction d'une tour revint 30 folles, sans compter la nourriture des ouvriers I.R. T., 876. A Ghirza, au ive sicle, un imposant monument funraire en forme de temple, : avec colonnade et sculptures, avait cot in nummo denariorum folles 45.600 : I.R. T., 898. Si l'on compte en deniers, ce tombeau de Ghirza aurait t pay 7 solidi,6. Si l'on compte en folles (45.60018= 5.700 fil.), on obtient galement 7,6 solidi, puisqu'un solidus quivalait 750 folles au milieu du ive sicle. Sur ces questions, cf. CALLU, Follis singularis (art. cit. supra note 17), p. 337, et ColloqueDvaluations, I, 1975, p. 116.

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On peut tirer de tout ce qui prcde un certain nombre d'enseignements. D'abord, et comme partout, malgr la dcadence progressive de la civilisation urbaine, surtout dans le centre et l'ouest de l'ancienne Afrique romaine du Bas-Empire68, la diffusion de la monnaie n'est arrte par aucune frontire politique. Et, si l'on ne connat pas encore l'implantation de leurs ateliers de frappe, les nummi anonymes, l'exemple des monnaies venues d'Orient, ont circul sur des milliers de kilomtres, d'un bout l'autre de notre territoire d'tude. Au surplus, ont-ils probablement t exports pour alimenter l'Italie et d'autres provinces. Paralllement, il semble qu'en Afrique, les prix moyens des terres et mme des marchandises aient t bas. C'est dj l'impression que l'on retire de la consultation de plusieurs sources conomiques pendant une grande partie de l'Antiquit nord-africaine : au dbut du me sicle, par exemple, avec le Tarif douanier de Zarai69, au dbut du ive sicle, avec l'dit du Maximum de Diocltien, o les produits d'Afrique, notamment les vtements, sont trs infrieurs en prix ceux d'autres provinces70. Peut-tre avait-on affaire des biens de seconde qualit ; mais peu importe. Enfin, il est certain qu'en 533 la reconqute byzantine n'a pas cr de rvolution conomique et montaire dans les petits paiements. Les folles lourds et leurs sous-multiples n'ont ni chass du march les minuscules nummi, ni empch la poursuite de leurs frappes. Tout au plus, leurs types changrent, sinon leur mtrologie. Alors furent mis en circulation les nummi au Palmier et les nummi la lettre A, dont la diffusion n'a pas dpass l'ouest de la Proconsulaire71. Si les solidi d'or byzantins s'imposrent immdiatement sur le march, suivant la tradition de l'poque antrieure, il faudra longtemps pour que la nouvelle mtrologie du bronze prenne le relais des minimi. Ainsi, pendant plus de deux sicles, l'conomie montaire des transactions usuelles aura vcu en Afrique sous le rgime des petites coupures 72. dans (68) COURTOIS, Vandales,op. cit., p. 326-332 SALAMA, Unesco,et MAURIN,Thuburbo Majus ; (cits supra, note 1). (69) C.I.L.,VIII, 4.508 et 18.643. Cf. S.-J. De LAET,Portorium. tude sur l'organisation douanire chezles Romains,surtout l'poquedu Haut Empire (Univ. de Gand, Fac. philos, et lettres, 1949),p. 247-271. Les droits spcifiquespays sur chaque marchandise tant trs infrieurs au Quarantime lgal (2,5 %), on a le choix entre deux explications ou bien les pouvoirs publics tenaient faciliter la circulation et les : de biens entre Numidie et Maurtanie, ou bien les prix de ces marchandises taient eux-mmes changes assez faibles. Nous penchons pour cette seconde solution. (70) Quelques exemples qui taient cette impression Edictum de Pretiis, XIX, 35-42 : un birrus de : ou de Dacie vaut 8.000 deniers, de Bretagne ou d'Argolide6.000, de Phrygie 2.000,d'Afrique 1.500 Norique (le moins cher de tous) ; ibid., XIX, 53-56 : un fibulatorium (manteau) de Rhtie vaut 12.500 deniers, de Trves 8.000, de Pannonie 5.000, enfin d'Afrique 2.000 ibid., XIX, 60-61 : un sagum gaulois vaut 8.000 ; africain 500. deniers, (71) Cf. supra, note 32. (72) Quelles que soient toutes ces donnes d'conomie montaire, la grande inconnue reste, pour cette poque et pour bien d'autres, la part que l'conomie naturelle pouvait tenir dans les transactions journalires. Le ngoce base de troc s'est, en effet, perptu dans le pays, et parfois trs largement dans les campagnes,jusqu' nos jours. Il sembletoutefois que dans l'antiquit, partir d'une solide implantation romaine, la mentalit populaire ait parfaitement admis l'utilit de la monnaie, celle-citant toujours prsente et abondante dans les dcouvertes archologiquesnord-afr