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Ann Pathol 2007 ; 27 : 163-71 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 163 Note technique Tirés à part : M. Moehrle, voir adresse en début d’article. e-mail : matthias.moehrle@ med.uni-tuebingen.de Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux 1 M. Moehrle (1) , H. Breuninger (1) , A. Taïeb (2) , A. de Mascarel (3) , B. Vergier (3) (1) Service de Dermatologie, Universitäts-Hautklinik, Eberhard-Karls-Universität, Liebermeisterstr. 25, D-72076 Tübingen, Allemagne. (2) Service de Dermatologie, CHU Bordeaux, Hôpital Saint André, 1, rue J. Burguet, 33075 Bordeaux. (3) Service d’Anatomo-Pathologie, CHU Bordeaux, Hôpital Haut Lévêque, 33075 Bordeaux. Moehrle M, Breuninger H, Taïeb A, de Mascarel A, Vergier B. Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux. Ann Pathol 2007 ; 27 : 163-71. Summary 3D Histology: a protocol of micrographic surgery well fitted for French dermatologists and pathologists We present 2 techniques of micrographic surgery (3D-histology) useful to control lateral and deep limits of cutaneous tumors. We have adapted the protocol created in Germany, at the University of Tuebingen, for French pathologists and dermatolo- gists. Key words: micrographic surgery, Mohs, 3D histology, skin tumors. Résumé Nous décrivons ici deux méthodes de chi- rurgie micrographique (ou histologie 3D) permettant un contrôle des berges et de la base d’exérèse des tumeurs cutanées. Le protocole que nous proposons ici est une adaptation pour le système français du pro- tocole dévelopé en Allemagne à l’Université de Tuebingen. Mots-clés : chirurgie micrographique, Mohs, histologie 3D, tumeurs cutanées. A chirurgie micrographique (souvent appelée chirurgie de Mohs selon Frederic Mohs qui l’a décrite en premier) est un traitement chirurgical des tumeurs malignes cutanées localement invasives. Elle utilise un contrôle anatomo-patholo- gique tridimensionnel (histologie 3D) des berges d’exérèse. Son but est de localiser les extensions tumorales infra-cliniques par un examen histologique tri-dimen- sionnel des berges et ainsi de limiter l’exérèse en épargnant au maximum les tissus adjacents. Lebwohl et Bernhard concluaient dans un éditorial : « des mon- tagnes de publications pendant plus de trois décennies ont établi des arguments forts en faveur de la chirurgie micro- graphique (de Mohs). On ne peut pas négliger la logique, le principe simple et l’élégance d’une technique qui examine les marges totales d’une tumeur maligne en comparaison aux autres techniques qui examinent moins de 1 p. 100 de ber- ges » [1, 2]. Ainsi la « chirurgie de Mohs » n’est pas une chirurgie « spéciale » mais une chirurgie associée à une procédure histopathologique particulière. La chirurgie (micrographique) de Mohs comprend plusieurs étapes [2-5] (figure 1) : 1 Cet article a été publié dans les Annales de Dermatologie et Vénérologie sous la référence suivante : M. Moehrle, H. Breuninger, A. Taïeb, A. de Mascarel, B. Vergier. Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospi- taliers et libéraux. Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 : 87-93. L

Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux

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A n n P a t h o l 2 0 0 7 ; 2 7 : 1 6 3 - 7 1

© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

163

Note technique

Tirés à part :

M. Moehrle, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected]

Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux

1

M. Moehrle

(1)

, H. Breuninger

(1)

, A. Taïeb

(2)

, A. de Mascarel

(3)

, B. Vergier

(3)

(1) Service de Dermatologie, Universitäts-Hautklinik, Eberhard-Karls-Universität, Liebermeisterstr. 25, D-72076 Tübingen, Allemagne.

(2) Service de Dermatologie, CHU Bordeaux, Hôpital Saint André, 1, rue J. Burguet, 33075 Bordeaux.

(3) Service d’Anatomo-Pathologie, CHU Bordeaux, Hôpital Haut Lévêque, 33075 Bordeaux.

Moehrle M, Breuninger H, Taïeb A, de Mascarel A, Vergier B.

Histologie 3D : une technique de chirurgiemicrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux.

Ann Pathol 2007 ; 27 : 163-71.

Summary

3D Histology: a protocol of micrographic surgery well fitted for French dermatologists and pathologists

We present 2 techniques of micrographic surgery(3D-histology) useful to control lateral and deep

limits of cutaneous tumors. We have adapted theprotocol created in Germany, at the University ofTuebingen, for French pathologists and dermatolo-gists.

Key words:

micrographic surgery, Mohs, 3D histology,skin tumors.

Résumé

Nous décrivons ici deux méthodes de chi-rurgie micrographique (ou histologie 3D)permettant un contrôle des berges et de labase d’exérèse des tumeurs cutanées. Le

protocole que nous proposons ici est uneadaptation pour le système français du pro-tocole dévelopé en Allemagne à l’Universitéde Tuebingen.

Mots-clés :

chirurgie micrographique, Mohs, histologie3D, tumeurs cutanées.

A

chirurgie micrographique (souventappelée chirurgie de Mohs selon

Frederic Mohs qui l’a décrite en premier)est un traitement chirurgical des tumeursmalignes cutanées localement invasives.Elle utilise un contrôle anatomo-patholo-gique tridimensionnel (histologie 3D) desberges d’exérèse. Son but est de localiserles extensions tumorales infra-cliniquesp

ar un examen histologique tri-dimen-sionnel

des berges et ainsi de limiterl’exérèse en épargnant au maximum lestissus adjacents. Lebwohl et Bernhardconcluaient dans un éditorial : « des mon-tagnes de publications pendant plus de

trois décennies ont établi des argumentsforts en faveur de la chirurgie micro-graphique (de Mohs). On ne peut pasnégliger la logique, le principe simple etl’élégance d’une technique qui examineles marges totales d’une tumeur maligneen comparaison aux autres techniquesqui examinent moins de 1 p. 100 de ber-ges » [1, 2]. Ainsi la « chirurgie de Mohs »n’est pas une chirurgie « spéciale » maisune chirurgie associée à une procédurehistopathologique particulière.La chirurgie (micrographique) de Mohscomprend plusieurs étapes [2-5]

(figure 1)

:

1 Cet article a été publié dans les Annales de Dermatologie et Vénérologie sous la référence suivante : M. Moehrle, H. Breuninger, A. Taïeb,A. de Mascarel, B. Vergier. Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospi-taliers et libéraux. Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 : 87-93.

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– Souvent curettage de la tumeur clinique(« debulking »).– Excision en forme de « saladier » de latumeur avec orientation topographique desberges en utilisant des incisions superficiel-les, des sutures ou des tatouages temporaires.– Puis coupes au cryostat : mise à plat sur leversant épidermique du matériel excisé avecréalisation de coupes parallèles à l’épidermedepuis la face hypodermique jusqu’à l’épi-derme afin de réaliser une analyse tri-dimen-sionelle des berges. Les lames sont lues par lechirurgien lui-même. La Société Américainede la Chirurgie de Mohs (American Society ofMohs’ Micrographic Surgery) demande pourle chirurgien une formation combinée en chi-rurgie cutanée et en histopathologie.– Dans le cas d’identification d’une excisionincomplète, on continue la chirurgie jusqu’àobtention de marges histologiquement saines.Dans la chirurgie de Mohs, l’examen histolo-gique est réalisé en extemporané à partir decoupes de tissu congelé (cryostat). On trouvedans la littérature des variations de la techni-que facilitant l’examen de prélèvement pluslarges et plus épais [6]. Les deux difficultés dela technique de Mohs sont liées à la congéla-tion (moins bonne qualité d’analyse comparéeaux coupes sur tissu fixé et inclus en paraffine)et à la technique de coupe (car les coupes

transverses d’annexes (partie germinale dupoil) peuvent donner un faux aspect de carci-nome basocellulaire [3]. De plus, la chirurgiede Mohs peut être une procédure pénible etlongue nécessitant parfois l’occupation d’unbloc opératoire et en parallèle la « monopoli-sation » d’une technicienne pendant unedemi-journée. C’est pourquoi certains chirur-giens utilisent des techniques de Mohs modi-fiées (slow Mohs) faisant appel à un examenhistologique selon le même protocole de cou-pes parallèles à l’épiderme mais sur tissus fixés[7]. D’autres variantes de la procédure deMohs ont été décrites dans la littérature don-nant une multitude d’appellations : « Histogra-phically Controlled Surgery », « HistologicControl of Excised Tissue Edges », « Contrôlehistologique des bords de la pièce opératoire »,« Complete Histology of Excisional Margins »,« 3D-Histology », the « Square-Procedure »,the « Quadrant-Method », « Wallgraben-Tech-nik » et la « Perimeter Technique » [8-14]. Parsimplicité et parce qu’il s’agit d’un principehistologique nous préférons pour toutes cesvariantes l’expression « histologie tridimen-sionnelle » ou « histologie 3D ».

Dans cet article nous décrivons deux métho-des d’histologie 3D.

Le protocole que nousproposons ici est une adaptation du proto-cole utilisé en Allemagne à l’Université deTübingen dans le service de dermatochirurgiedu Pr Breuninger. En Allemagne, l’ensemblede la technique se fait dans une seule struc-ture et ainsi le chirurgien prend en chargela totalité de l’examen jusqu’à la lecture ana-tomopathologique. Le fonctionnement fran-çais faisant appel à deux structures (servicede chirurgie dermatologique et laboratoired’anatomie pathologique) parfois distantesde plusieurs kilomètres, il était importantd’adapter ce protocole afin qu’il soitreproductible et fiable malgré différentsintervenants (chirurgien, technicien et patho-logiste). Selon la taille de l’exérèse, deuxtechniques 3D d’analyse des berges sontutilisées : soit la technique dite « muffin »

(figure 2)

pour les prélèvements de moinsde 2 cm, soit la technique dite « gâteau »

(figure 3)

pour les prélèvements de taillemoyenne à grande.

Histologie 3D : description

du protocole

La technique « muffin »

(figure 2)

– Les bords de la tumeur (par exemple uncarcinome basocellulaire) sont marqués sur

FIG. 1. — Technique de Mohs « classique » (coupes au cryostat).

FIG. 1. — Mohs “conventional” technique (crystat cuts).

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Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux

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FIG. 2. — Technique histologie 3D ; type « Muffin ».

FIG. 2. — The “Muffin” 3D histology technique.

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la peau par un crayon de chirurgie ou del’encre stérile ou un désinfectant colorécomme l’éosine.– 12 heures est indiqué en correspondanceavec l’axe du corps par une incision ou parune suture.– La tumeur est enlevée en bloc avec desmarges appropriées. L’exérèse s’effectuepar une incision avec une inclinaison parrapport à la surface de la peau d’au moins90

°

à 110

°.

Cet angle « surplombant » faciliteune adaptation des berges pour la recons-truction plastique.– Selon le type de tumeur, sa localisation, sataille, les marges, la procédure histologique etles circonstances locales, la reconstructionplastique de la plaie est effectuée immédiate-ment ou décalée jusqu’à la négativité de l’éva-luation histologique des berges (le patientrestant sous pansement occlusif).– Puis le prélèvement est préparé pourl’analyse histologique

(figure 2)

. En général,on utilise la lame de bistouri n

°

10 ou 15, quia été utilisée pendant l’intervention chirur-gicale antérieure.– Des incisions totales à 12 heures et à6 heures sont faites. Puis on incise partielle-ment le prélèvement avec un angle d’environ60

°

en laissant une marge latérale d’environ2 mm.– La partie centrale du prélèvement

(figure 2a)

est enlevée à l’aide de ciseaux enlaissant la base en contact avec les bordslatéraux.– Les bords sont dépliés vers l’extérieur

(figure 2b)

.– Parfois quelques coupes supplémentairesde bistouri sont nécessaires pour faciliter laflexion des bords vers l’horizontale.– Ce prélèvement préparé est placé directe-ment dans une cassette par le chirurgien enpositionnant 100 p. 100 des marges latéraleset de la base sur un plan. 12 heures est orientévers le haut

(figure 2c)

.– Un dessin sur une fiche de liaison

(figure 4)

documente l’orientation et aide la commu-nication entre le chirurgien et le patho-logiste.– Le facteur limitant de la procédure est lataille de la cassette (et de la lame). Avec cettetechnique on peut analyser des prélèvementstumoraux jusqu’à 2 cm. Si le prélèvementest trop grand (entre 2 et 4 cm) et ne rentrepas dans une cassette, on peut le couper endeux et utiliser deux cassettes.La manipulation des marges chirurgicalespour l’histologie tridimensionnelle (histologie3D) ressemble à la « dissection » du mouleen papier d’un muffin

(figure 2d)

. C’est pour-quoi nous appelons cette procédure la tech-nique « muffin ».

La technique « gâteau »

(figure 3)

– Comme pour la technique « muffin », lesbords de la tumeur sont marqués sur lapeau.– 12 heures est indiqué en correspondanceavec l’axe du corps par une incision ou parune suture.– La tumeur est enlevée en bloc avec desmarges appropriées : l’exérèse s’effectuepar une incision avec une inclinaison parrapport à la surface de la peau d’au moins90

°

à 110

°.

– Selon le type de la tumeur, la localisation,la taille, les marges, la procédure histologiqueet les circonstances locales, la reconstruc-tion plastique de la plaie est effectuéeimmédiatement ou décalée jusqu’au résul-tat négatif de l’évaluation histologique desberges.– Ensuite, le prélèvement est préparé pourl’analyse histologique

(figure 3)

. En général,on utilise la lame de bistouri n

°

10 ou 15, quia été utilisée pendant l’intervention chirur-gicale antérieure.– La berge latérale d’environ 2 mm est cou-pée soit par des ciseaux à préparation soit àl’aide du bistouri

(figure 3a)

. La tranche estcoupée en morceaux d’une longueur maxi-male d’environ 25 mm (longueur d’une cas-sette histologique). Ces morceaux sontplacés dans des cassettes dans le sens desaiguilles d’une montre (voir

figure 3a

: 12 heu-res en haut ; épiderme orienté vers le côtédroit, hypoderme vers le côté gauche).– La base du prélèvement est enlevée à l’aided’un bistouri ou de ciseaux

(figure 3b)

. Elleest placée dans une cassette sur la face infé-rieure.– Une section de la partie centrale conte-nant la tumeur est placée dans une cassetteou bien le fragment tumoral est mis directe-ment entier dans le fixateur.– Un dessin sur une fiche de liaison

(figure 4)

documente l’orientation et aide la commu-nication entre le chirurgien et le patho-logiste.La manipulation des marges chirurgicalespour l’histologie tridimensionnelle (histo-logie 3D) ressemble à la partie latérale et lefond d’un moule à gâteau

(figure 3)

. C’estpourquoi nous appelons cette procédure latechnique « gâteau ».

Inclusion et coupes au laboratoire

Quelle que soit la technique 3D (« gâteau » ou« muffin »), le principe est le même : le chirur-

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Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux

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gien prépare les prélèvements en orientant lesfragments dans la cassette toujours de lamême façon et en utilisant des repères avecune encre de couleur (et non un fil, difficile àcouper au microtome). Les fragments sontdirectement mis en cassette (face « informa-tive » (limite) au fond, un fragment par cas-

sette) sur un papier buvard auquel ilsadhèrent ce qui permet de les aplatir et faciliteleur inclusion. Les cassettes sont étiquetées aucrayon (en précisant « 0 h-6 h » ou marge « A »etc. par exemple) et envoyées dans un flaconcontenant le fixateur (formol ou liquide Bouinselon les laboratoires). À l’inclusion, l’orienta-

FIG. 3. — Technique histologie 3D ; type « Gâteau ».

FIG. 3. — The “Gateau” 3D histology technique.

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tion du prélèvement dans la cassette est res-pectée et à la coupe l’image obtenue sur lalame est une image en miroir avec toujours lamême orientation haut-bas (partie en regardde la zone écrite de la cassette disposée sur lalame en regard de l’étiquette). Les trois à cinqpremiers niveaux de coupe sont toujours gar-dés même si l’ensemble du fragment n’est pasreprésenté afin de pouvoir s’y référer si l’exé-rèse n’est pas passée en zone saine. Puis lefragment est débité jusqu’à ce que toutes leslimites soient représentées sur la coupe. Lerésultat est ensuite donné par fax à partir de lafiche de liaison

(figure 4)

, les zones tumoralessont indiquées par une flèche sur le schémaqui correspond à l’orientation dans la cassette

(attention sur la lame : image en miroir !)

. Si la

reconstruction chirurgicale doit se faire rapi-dement (pansement occlusif en attendant) lamention « urgent » (le lendemain) est cochée :le premier geste opératoire est réalisé le matindu J1, le fragment est inclus le matin du J2 etcoupé dans la matinée ; le résultat est donnéà J2 en fin de matinée et une reprise d’exérèseest possible dans l’après midi du J2.

Reprise

Les reprises en cas d’exérèse initiale incom-plète sont analysées par la technique « muf-fin » ou de « demi-muffin », s’il s’agit de

FIG. 4. — Exemple de fiche de liaison.

FIG. 4. — Example of an information sheet.

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Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux

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reprises relativement petites comprenantbase et marges latérales. Si c’est nécessairede faire une reprise plus importante, onutilise la technique « gâteau ».Utilisant une anesthésie locale adrénalinée(ou une anesthésie tumescente adrénalinée)pour l’exérèse et pour les reprises, l’hémos-tase par la pince bipolaire sera limitée auxvaisseaux profonds. En principe, on ne coa-gule pas les vaisseaux du derme, ce qui éviteune nécrose superficielle et des artéfactshistologiques en cas d’une reprise.

Discussion

Sur le

tableau I

, nous comparons les carac-téristiques de la chirurgie micrographique« classique » de Mohs avec celles des tech-niques 3D « muffin » et « gâteau ».Les avantages de la chirurgie 3D par rapportau Mohs sont d’ordre chirurgical, anatomo-pathologique et pratique.

Sur le plan chirurgical

Selon Huang

et al.

, le curettage pré-opératoire(debulking) réalisé lors de la chirurgie deMohs est associé à une augmentation rela-tive et absolue de la surface opérée [15]. Ce« debulking » par curettage avant l’excisionde la tumeur n’est pas nécessaire dans latechnique 3D « gâteau » et/ou « muffin ». Lapartie centrale de la tumeur est séparée desmarges

ex vivo

et est analysée par un exa-men histopathologique standard. De plus,l’excision du prélèvement appliquant une

inclinaison du bistouri à 90

°

à 110

°

donnedes avantages dans la reconstruction plasti-que de la plaie par rapport à l’inclinaison à45

°

du Mohs : en effet les berges surplom-bantes donnent une plaie éversée qui per-met d’éviter une cicatrice rétractée.

Sur le plan histologique

L’incision verticale des berges permet uneanalyse des marges latérales sur des coupesréalisées perpendiculairement à l’épiderme(ce qui correspond aux coupes standardsréalisées en dermatopathologie). De plusl’avantage du « muffin » est de permettrel’analyse à la fois des berges et de la limiteprofonde sur une même lame. La prépara-tion ainsi que la fixation dans une cassettehistologique limite cette technique aux exé-rèses d’une taille inférieure ou égale à 2 cm.L’épaisseur n’est pas vraiment un facteurlimitant, sauf s’il s’agit d’un prélèvementlarge et épais. Par exemple le muffin estfaisable pour un prélèvement de 10 mm dediamètre et de 10 mm d’épaisseur. Pour lestumeurs plus grandes on utilise la technique« gâteau » ou on divise le prélèvement enfaisant deux « demi-muffins ». Pour lestumeurs plus épaisses on utilise la technique« gâteau ». Cette préparation histologiquedoit être réalisée sur pièce fraîche car l’hori-zontalisation des berges (muffin ou gâteau)sera impossible sur pièce fixée et ainsil’inclusion sera facilitée. Enfin la partiecentrale qui contient la tumeur donne suffi-samment de matériel pour un diagnostichistologique correct et elle peut être utiliséepour des projets scientifiques.

TABLEAU I. — Comparaison technique Mohs « classique » et techniques histologie 3D.TABLE I. — Classical Mohs comparison in 3D histology.

Technique Technique micrographique Mohs « classique »Histologie 3D la technique « muffin »

la technique « gâteau »

« Debulking » « debulking » par curettage Pas de « debulking » Résection en bloc

Incision Dans un angle de 45° Dans un angle de 90 à 100°

Orientation Marquages correspondants aux marges du prélèvement (sutures, tatouage, incisions, photogra-phies)

Dans le sens des aiguilles d’une montre en correspondance avec l’axe corporel (incision ou suture à 12 heures)

Préparation du prélèvement

Par le chirurgien ou le technicien sur lieu Par le chirurgien ou le technicien sur lieu

Le prélèvement avec ses berges obliquesest pressé à plat sur le cryostat

Le prélèvement est déposé sur un plan horizontal (papier) dans la cassette et est fixé en formol

Procédure Coupes parallèles à l’épiderme au cryostat (depuis l’hypoderme jusqu’à l’épiderme)

Coupes perpendiculaires à l’épiderme, sur tissu fixé (fixation rapide)

Lecture des lames

Par le chirurgien de Mohs (ou le pathologiste en extemporané)

Par le chirurgien ou par le pathologiste correspondant

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Sur le plan pratique

Comme dans la chirurgie de Mohs, les tech-niques « gâteau » et « muffin » peuvent êtreréalisées, selon les pays, par une seule per-sonne faisant la chirurgie et le iagnostichistologique. Dans ce cas, le médecin doitavoir une formation en dermatochirurgiereconstructive et en dermatopathologie.C’est ce qui est pratiqué à l’Université deTübingen en Allemagne depuis quelquesannées. Mais les techniques « muffin » et« gâteau » peuvent être aussi réalisées pardeux personnes différentes (chirurgien etpathologiste) selon le protocole standardiséque nous vous proposons. Au CHU de Bor-deaux une telle coopération est établie surdeux sites différents distants de 10 km entrele service de dermatologie à l’Hôpital SaintAndré (Chef de Service Pr A. Taïeb) et le ser-vice d’anatomo-pathologie à l’Hôpital Haut-Lévêque (Chef de Service Pr A. de Mascarel).Les indications de cette histologie 3D enfonction du type histologique de tumeursont rapportées dans le

tableau II

. Audépart, l’histologie 3D était surtout destinéeaux carcinomes basocellulaires et aux carci-nomes épidermoïdes (spinocellulaires). Puisles indications se sont élargies à un grandnombre de tumeurs cutanées situées dansdes zones fonctionnellement et esthétique-ment « délicates ». L’histologie 3D est appeléeà se développer en France pour le méla-nome de Dubreuilh

in situ

(LM) car les Stan-dards, Options et Recommandations (SOR)

de 2005 recommandent une marge initialede 5 mm avec contrôle des berges ou de1 cm sans ce contrôle [16]. La plupart des LMétant situés sur le visage, faire des margesde 5 mm avec histologie 3D aura des avanta-ges esthétiques majeurs. En Allemagne,pour le mélanome de Dubreuilh (LM)

in situ

et pour le mélanome de Dubreuilh invasif(LMM) ainsi que pour le mélanome acrolen-tigineux (ALM), des marges de 5 mm avechistologie 3D sont utilisées [17, 18].Ainsi, à notre avis, les techniques 3D « muffin »et « gâteau » sont facilement réalisables.Elles peuvent être également utilisées dansun cabinet de dermatologie libéral quicoopère avec un laboratoire d’anatomiepathologique. Aucun équipement techni-que supplémentaire n’est nécessaire saufdes cassettes histologiques et une bonnecommunication. La seule difficulté pratiqueétant de donner une réponse dans un délaide 24 heures (si le patient est resté sous pan-sement occlusif) et d’obtenir une cotation« adaptée » des actes.

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graphic surgery: accuracy of visual assessment of the

TABLEAU II. — Les différents types de tumeur cutanée pouvant bénéficier de ces deux techniques d’histologie 3D.TABLE II. — Different types of skin tumors for which 3D histology techniques can be used.

Carcinome basocellulaire

Carcinome épidermoïde (spinocellulaire)

Carcinomes annexiels

Mélanose/mélanome de Dubreuilh in situ : Standards, Options et Recommandations (SOR) 2005 = marges de 5 mm avec contrôle des berges par exemple en utilisant technique histologie 3D (idem en Allemagne)

Mélanome de Dubreuilh invasif :

Standards, Options et Recommandations

(SOR) 2005 = marges 10 mm sans contrôle des berges (en Allemagne marges 5 mm, si histologie 3D)

Mélanome acrolentigineux invasif :

(en Allemagne marges 5 mm, si histologie 3D)

Dermatofibrosarcome

Carcinome de Merkel

Maladie de Paget

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Histologie 3D : une technique de chirurgie micrographique adaptée aux dermatologues et pathologistes hospitaliers et libéraux

171

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