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04/09/2012
Entretien avec le Designer Thierry JACOTET
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai une formation d’Architecte et j’ai commencé par effectuer des aménagements bancaires.
Pour la partie Mobilier, je cherchais chez les fabricants des produits pouvant recevoir de nombreux
câblages et accessibles par le dessus du plan de travail, libérant aussi des contraintes de
cloisonnement ou de l’usage des faux planchers coûteux et donnant la possibilité, le long d’une
même structure, de disposer de un à huit emplacements de travail.
Ne trouvant pas à l’époque le produit que je recherchais pour mes clients, j’ai décidé de l’éditer ;
ARCATO était né.
Un sous-traitant que j’avais sélectionné (Ste CHAPPAZ), trouvant le concept innovant m’a demandé
de le distribuer et a rencontré un assez joli succès, notamment auprès de la R.A.T.P et la M.A.C.I.F,
ATRO a également souhaité distribuer cette gamme.
D’autres fabricants de bureaux m’ont alors contacté pour dessiner leurs gammes et mon activité est
passée de celle d’Aménageur à celle de Designer.
Il m’arrive aussi de travailler avec des fabricants pour proposer une réponse spécifique dans le cadre
d’un appel d’offre grand compte, comme avec STEELCASE pour MALAKOFF MEDERIC ou
TECHNIBUREAU pour AG2R.
Vous semblez avoir une approche très technique du mobilier
Le mobilier doit répondre à des fonctions liées à son usage, mais encore faut-il définir avec justesse
cet usage, qu’il faut parfois réinventer. Le mobilier envoie également un message comme
l’aménagement des locaux.
Aux employés, c’est un message de reconnaissance de leur valeur et de l’attention que leur porte
l’entreprise.
Pour le personnel et les clients, il est un message porteur des valeurs de l’entreprise, au même titre
que les plaquettes publicitaires ou le site internet : suis-je une société de luxe, ou centrée autour de
l’écologie, une société voulant dégager une image high tech décontractée ou plutôt statutaire ?
Selon vous, qu’est-ce qu’un beau mobilier ?
Le beau est une valeur subjective qui évolue avec le temps, je préfère parler d’ambiance, auquel le
mobilier participe tout comme le choix d’un garde au corps, d’une moquette, de parois, de la
signalétique ou d’un espace détente.
Pour l’instant, les temps sont à la simplicité des formes voire au minimalisme, aux couleurs joyeuses
souvent associées au blanc.
L’ambiance participe à l’humeur qui règnera dans l’entreprise, même si elle n’en est évidemment
qu’une des composantes.
Un espace rencontre astucieusement aménagé maîtrisant lumière et son peut avoir des influences
positives importantes sur les relations et les échanges dans l’entreprise, qui peuvent alors être très
différents des rapports plus formels qui se jouent dans une salle de réunion.
Vous parlez plus en aménageur qu’en designer.
Ceci est lié au fait que le mobilier et ses fonctions ne sont pas moins qu’une des composantes de
l’aménagement : l’accès au rangement et son volume, l’acoustique des séparations, les couleurs et la
luminosité qui influent sur le moral, la typologie des postes de travail, leur facilité de reconfiguration,
de réglages en hauteur, leur assise ergonomique, les boxes de réunion, les sièges de détente, les
banques d’accueil…
En ce sens, avoir fait du conseil en aménagement auprès des clients finaux m’aide pour la conception
des produits.
Comment concevez-vous un produit ?
Cela dépend des fabricants pour lesquels je travaille car chacun a ses habitudes. Mais je dirais que le
déroulement idéal pour moi, commence toujours par le dialogue avec le service marketing afin de
connaître le client visé, les cœurs de cible, définir les objectifs prix, positionner le produit et
déterminer ses canaux de distribution (direct, concessionnaire, indépendant, catalogue).
Ensuite, le dialogue avec plusieurs commerciaux m’informe sur leurs réels attentes et besoins.
Enfin, je visite les usines pour connaître les machines dont elles disposent et savoir comment sont
gérés leurs approvisionnements, leur stock. Je m’intéresse également au savoir-faire de leur sous ou
co-traitants, afin d’éviter si possible de leur créer des contraintes coûteuses.
Un même produit peut s’avérer simple à fabriquer par une usine et compliqué et coûteux par une
autre. Alors seulement commence le travail d’étude.
Une fois les produits validés et les prototypes ajustés, j’essaie d’avoir un regard sur les séances photo
pour m’assurer que les ambiances et les accessoires ne sont pas contradictoires avec l’image du
produit.
L’ambiance que dégage le produit est-elle la seule finalité ?
Non, l’ergonomie et l’ergodynamie (liée au mouvement) sont, selon moi, prioritaires. A fortiori en
matière de siège de bureau, possible source de douleur et de fatigue menant du mal être à l’arrêt de
travail pour TMS (troubles musculosquelettiques).
Il faut raisonner en coût global pour l’entreprise alors que les services généraux fonctionnent le plus
souvent en budget par poste.
Or, on travaille moins bien lorsque l’on est inconfortablement assis.
Le budget moyen pour un ensemble bureau, siège, caisson a été divisé par plus ou moins quatre en
vingt ans. Pour les décideurs, trop économiser sur le poste siège peut s’avérer être une gageure.
Actuellement, le choix des décideurs quant à l’ergonomie des sièges est presque exclusivement lié au
réglage du siège.
La hauteur de l’assise, synchrone, asynchrone, assise négative, sa profondeur, sa largeur, de même
pour les accoudoirs, la tension au niveau du dossier et ses différentes positions de blocage, l’appui
lombaire, l’appui tête sont au cœur de leur décision.
Curieusement, on retrouve rarement en entreprise des sièges type assis debout ou selle de cheval
qui ont le grand avantage d’ouvrir l’angle fémur /tronc et ainsi de décomprimer l’avant des disques
intervertébraux au niveau des lombaires.
Mais le confort doit se juger sur la durée de la journée de travail.
Une position figée aussi confortable soit-elle devient inconfortable sur la durée.
Il faut privilégier le changement de position pour changer ses appuis, la courbure du dos et la
circulation du sang.
L’idéal serait de changer de typologie d’assise plusieurs fois par jour, en profitant par exemple des
réunions ou des repas.
Mais l’on peut aussi modifier l’usage du siège de bureau et par là même trouver de nouvelles
réponses formelles et mécaniques.
Un concept en tête ?
Oui. Mais sa mise au point s’adaptera à l’éditeur avec qui je travaillerai ce produit.
06 63 77 88 25