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JEAN XXII ET LES CHAPITRES DES CATHÉDRALESAuthor(s): GUILLAUME MOLLATSource: Archivum Historiae Pontificiae, Vol. 5 (1967), pp. 340-344Published by: GBPress- Gregorian Biblical PressStable URL: http://www.jstor.org/stable/23563551 .

Accessed: 18/10/2014 08:58

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GUILLAUME MOLLAT

JEAN XXII ET LES CHAPITRES DES CATHÉDRALES

Summarium. — Variis exemplis ex « Litteris communibus » allatis illustratur modus dominatorius, quo Ioannes XXII iura et privilegia capi tulorum cathedralium ad arbitrium tractabat. Resistentes canonicos re

frangebat. Saepe potestatem et auctoritatem episcoporum — quorum elec tio S. Sedi magis magisque reservabatur — contra capitulorum querelas protegebat et confirmabat.

Jean XXII a passé, à juste titre, pour le promoteur puissant de la centralisation du gouvernement de l'Eglise entre les mains du

pontife romain. A l'égard des chapitres des églises cathédrales il agira en maître absolu, comme le démontreront les faits suivants.

Sans doute, avant 1316, les papes avaient usé du droit de col

lation des canonicats avec prébendes ou simplement avec expecta tive. Jean XXII l'exercera avec une extraordinaire ampleur, au détri

ment des collateurs ordinaires1.

Les bénéficiaires de ses faveurs furent des solliciteurs recom

mandés par des rois, des reines, des comtes, des nobles et des car

dinaux, ou encore des chapelains pontificaux et des clercs pourvus d'un office quelconque à la cour romaine.

Des règlements, des constitutions et des coutumes régissaient les chapitres des cathédrales, Jean XXII les enfreindra fort souvent.

Tout d'abord le nombre des chanoines était fixé, par exemple à 13

à Saint-Bertrand de Comminges 2 à 31 à Albi3, à 15 Agen4; en dépit

de cela le pape nommera des surnuméraires 5. Par contre il réduira

de 22 a 12 les canonicats à Castello 6, y compris l'archiprêtre et le

primicier. Au chapitre de Magneionne il prohibe de procéder à la réception d'un chanoine, sans avoir consulté au préalable le Saint

Siège 7. A Thébes, il permet à un prébendier de postuler une pré bende plus lucrative 8. Le même cas se présent à Novare, mais avec

1 G. Mollat, Jean XXII, Lettres communes, Paris 1904-1916, XIV, Tables, col. 24-52.

2 Ibid. n. 3737. s Ibid. n. 20253. * Ibid. n. 16789. s Ibid. XIV, tables, col. 17 et v. nn. 15379, 16780, 16789. « Ibid. n. 22503. 7 Ibid. n. 50749. — Le chapitre se déclara prêt à obéir, n. 55075. s Ibid. n. 16702.

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la restriction de ne pas toucher les distributions consécutives à la

récitation des heures, car Teobaldo ne peut résider et vivait en exil

depuis neuf ans par suite des tribulations que lui à infligées Matter Visconti9. Guillaume Audebert, auditeur de rote, ne pouvait pas na

turellement résider à Laon. Le chapitre refusait obstinément de lui

laisser la jouissance des revenus de sa prebende. Une citation à

coparaître dans les deux mois à la cour d'Avignon lui parvient10. Guillaume de Saint-Léger, possesseur d'un canonicat et d'une pre bende sacerdotale à Langres, fuit dispensé d'observer un statut l'obli

geant à résigner tous les bénéfices qu'il cumulait ailleurs u. Hugues de Villiers avait été dans son enfance tonsuré par un barbier. Igno

rant ce méfait, Isabelle, reine d'Angleterre — il en était clerc et

familier — lui conféra un canonicat et une prébende dépendant de

sa collation. Il fut gratifié de la permission de garder les fruits de ses bénéfices indûment perçus et d'une dispense d'âge12. A Toulouse,

le prévôt du chapitre avait pourvu de canonicats des enfants de qua

torze ans. Après avoir cassé leurs nominations, Jean XXII imposa

l'obligation à l'archevêque de leur assurer l'entrée dans le cloître et

la subsistance; dans la suite, le prélat, disposera des prébendes à

leur avantage au fur et mesure des vacances, car le chiffre de cin

quante avait été fixé par le souverain pontife13. A Toul, l'office de la chantrerie ne se donnait qu'à un chanoine prébendier par voie

d'élection. Un italien en fut pourvu en même temps que d'un cano

nicat et d'une prébende ". A Amiens un statut prohibait le don d'une

prébende à un bâtard, même issu d'un noble: un neveu du cardinal

Luca Fieschi en posséda une par grâce du 18 mai 1318 1β. Etienne

de Mornay, conseiller de Charles, comte de Valois, était doyen de

Saint-Martin de Tours. Il voulut se livrer à des études de droit cano

nique et obtint à cet effet une dispense de residence pour une durée

de cinq ans. Industrieux, il acquit un canonicat avec expectative à

Notre Dame de Paris, le 11 septembre 1316, et en même temps le droit d'acquérir dans le cloître une demeure, puis de la vendre et de

garder le prix entier de la vente, quoiqu'un statut prescrivît la ré

partition entre les membres de chapitre16. A Saint-Martin de Tours

il y avait deux classes de chanoines: les prieurs avaient faculté de

se faire remplacer par des collègues de rang inférieur à la grand

messe et aux offices, en cas d'empêchements. Mécontents du régime que leur imposait Jean XXII, les chapitres

des cathédrales imaginèrent de contrecarrer ses nominations de cha

noines, en refusant à ceux-ci le droit de vote dans les assemblées

» Ibid. η. 12954. 10 Ibid. η. 59450. 11 Ibid. η. 3851. 12 Ibid. η. 7683. il Ibid. η. 29961. ι* Ibid. η. 2091. 15 Ibid. η. 7236. io Ibid. nn. 947, 948.

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capitulaires et de participer aux délibérations d'affaires courantes. Ils invoquaient des prétextes: tel était dépourvu des ordres sacrés

le jour de sa prise de possession17; tel n'était pas prébendier le

même jour18. Le pape n'admit nulle de ces excuses et obligea les

protestataires à capituler. De 1316 à 1334 très peu de graves abus imputés aux chanoines

sont relatés dans les registres du Vatican. A Nocera des symonia

ques et des coupables de crimes sont dûment châtiés 19. A Nice et

à Uzès ils s'obstinent à ne pas vivre en commun, malgré leur qua lité de religieux de l'ordre de Saint-Augustin20.

L'entente entre chapitres des cathédrales et évêques laissait par fois à désirer. La collation des évêchés par le pontife romain deve nue une règle au XIVe siècle avait consacré la perte des anciennes

prérogatives des chanoines qui leur permettaient d'élire leur pas teurs. A Cammin le chapitre entier refusa de reconnaître comme

évêque Amédée, promu par le pape et prétendit pratiquer une élec

tion. L'archevêque de Cologne et l'évêque d'Osnaburg reçurent man

dat de les mettre à la raison21.

Des conflits éclataient surtout au sujet de la juridiction épis copale. Les membres des chapitres prétendaient en être exempts et

punir eux-mêmes les délinquants. A Toulouse, l'archevêque Guillaume

avait frappé de sentences le chapitre entier de la cathédrale et ses

conseillers, coupables de mépriser son autorité. Appel fut interjeté en cour romaine. Deux docteurs en droit canonique reçurent mandat de procéder à une sévère enquête. Ils devaient rassembler les té

moignages prouvant que anciennement le prévôt et le chapitre avaient pleine juridiction22. A Avignon, les procureurs des Toulou sains conclurent un compromis sous le présidence de deux cardinaux.

Jean XXII décréta que si, à l'expiration du délai inséré dans l'acte, le chapitre ne voulait pas en observer la teneur, il retomberait sous le coup des sentences prononcées par l'autorité archiépiscopale23.

Cependant, tant que le compromis resterait en vigueur, la connais sance des délites appartiendrait au prieur du monastère de Brives 24.

Lors de sa prise de possession, le 17 juillet 1317, les chanoines de la cathédrale du Puy imposèrent à l'évêque Durand de Saint-Pour

çain la prestation d'un serment qui contenait cette clause: « Vos aut

aliquem successorum canonicorum aut clericum vestrum aut mili

tent aut famulum non capiam nec capi faciam ». Il s'ensuivit que « les homicides, adultères, transgressions des saints canons et statuts

1- Ibid. nn. 41168, 41170, 59258. ι» Ibid. nn. 1054, 40409, 63356. 19 Ibid. n. 25558. so Ibid. nn. 26092, 45250. 21 Ibid. n. 24470. 22 Ibid. n. 45581 (er juillet 1329) 22 Ibid. n. 47754 (12 décembre 1329). 2r Ibid. n. 47780 (15 décembre 1329).

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synodaux » restaient impunis. Sur les instances de l'évêque, une citation à comparaître dans les vingt jours en cour pontificale fut

signifiée aux chanoines25. Une tentative d'arbitrage s'engagea26. Le 30 août 1325 une bulle assigna le doyen du chapitre à comparaître en consistoire au mois d'octobre et à exposer les causes pour les

quelles il y avait eu opposition à l'exécution du compromis effectué par les arbitres27. Le 13 novembre 1325, par décision pontificale, les sentences d'excommunication et d'interdit prononcées par Du

rand de Saint-Pourçain étaient annulées, comme contraires au ser ment prêté par lui28. Son maintien sur le siège du Puy devenait impossible, Jean XXII le transfera sur le siège de Meaux, le 13 mai 1326.

A Meaux, il y avait entre évêques et chapitre une vieille contro verse au sujet de la juridiction. Cette fois Durand de Saint-Pour çain réussit à la terminer par un accord passé le 21 septembre 1327 29.

Le successeur de Durand au Puy se heurta, comme lui, contre

le chapitre, à propos d'une rixe qui éclata dans la ville entre laies et clercs, il y avait eu des blessés dont l'un succomba à ses bles

sures. Deux clercs incriminés s'échappèrent de la prison du chapitre où ils avaient été incarcérés. Les parents du mort intentèrent une

action judiciaire contre un chanoine, oncle d'un de ces cclercs, qui déclara se soumettre au jugement de la cour episcopale, parce qu'il

soupçonnait de partialité celle du chapitre. Jean XXII autorisa l'évê que du Puy a connaître de la cause30.

Des controverses de moindre gravité se produisaient entre cha

pitres et autorité épiscopale. A Bourges les chanoines refusaient obstinément de célébrer les offices divins à l'autel majeur de la ca thédrale. L'archevêque Guillaume put les y contraindre par la menace

de les frapper de censures ecclésiastiques31. Certains évêques reçurent du pape des faveurs extraordinaires.

Celui de Vich pourra garder à son service deux chanoines prében diers, qui continueront à percevoir intégralement les fruits de leurs

bénéfices 32. L'évêque du Mans aura la faculté de réduire à six mois

la durée de la residence des chanoines de sa cathédrale33. Celui de

Famagouste, établira dans la sienne deux surnuméraires à condition

d'assurer leur subsistance 34.

Dans certaines cathédrales les évêques possédaient deux cano

nicats et deux prebendes, à condition d'observer la résidence.

25 Ibid. η. 16045. 26 Ibid. η. 19086. 27 Ibid. η. 23090. 28 Ibid. η. 23781. 29 Histoire littéraire de la France, Paris 1936, 10-12. 30 Mollat n. 43254 (7 novembre 13281.

Ibid. n. 14089. 32 Ibid. n. 41499. 33 Ibid. n. 52942. m Ibid. n. 43121.

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Jean XXII leur accordait volontiers dispense, s'ils se trouvaient à

la cour pontificale, à celle d'un roi, ou accomplissaient la visite pas torale de leurs diocèses 35.

L'évêque de Verden se trouvait dans une situation particulière. Avait-il droit aux revenus du canonicat et de la prebende de l'église de Mayence, suivant une coutume selon laquelle tout chanoine promu à l'épiscopat avait ce privilège? Adonné au service d'un cardinal, n'avait-il pas omis de faire acte de première résidence? Trois man dataires purent le dispenser de cette obligation et lui permettre la

perception de ses anciens bénéfices à condition de placer un vicaire à Mayence8®.

L'emprise exercée sur les chapitres des églises cathédrales par Jean XXII se manifesta principalement dans les territoires actuels de la France et de la Belgique, moins en Angleterre, dans l'Empire, l'Italie et la péninsule Ibérique, nullement en Corse. Ses successeurs

sur le trône pontifical imiteront sa tactique et même l'appliqueront plus amplement, témoin Benoît XII qui, durant la première année

de son pontificat, créa chanoines 645 ecclésiastiques 37.

35 Ibid. ηπ. 24839, 45101, 60618. 36 Ibid. η. 58660. 37 Β. Guillemain a dressé des statistiques instructives des collations opérées

par Benoît XII dans La politique bénéficiale du pape Benoît ΧII, Paris 1952.

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