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Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 162–174 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Jurisprudence Jurisprudence récente en matière de transfert d’officine Marion Mourand (Avocat au Barreau de Paris) 15, rue de la Présentation, 75011 Paris, France Résumé Cette étude recense des décisions de justice récentes rendues à propos des décisions de transfert d’officine. Éclairée par les enquêtes de l’Ordre, l’administration autorise les transferts d’officines en fonction d’un critère décisif : le meilleur service à la population résidente du quartier d’accueil, de fac ¸on à assurer un véritable maillage des officines sur le territoire. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. 1. Introduction La distribution du médicament auprès de la population est un aspect majeur de la politique de santé publique. Cette distribution repose sur des acteurs privés, les officines de pharmacie, et c’est le préfet, désormais le directeur de l’Agence régionale de santé, qui assure la régulation. Les créations de pharmacies deviennent rares, dans un contexte de surdensité, mais l’enjeu se reporte sur les demandes de transfert. Le Conseil régional de l’Ordre enquête et donne un avis, mais la décision reste administrative. Les acteurs privés que sont les pharmaciens d’officine ont naturellement vocation à chercher le lieu de la meilleure implantation commerciale, mais la loi a fixé comme seul critère le service optimal à la population résidente du quartier d’accueil (Art. L. 5125-3 du Code de la santé publique 1 ) pour assurer un véritable maillage des officines sur le territoire. Cette étude recense des décisions de justice récentes rendues à propos des décisions de transfert d’officine. Elle cherche à mettre en évidence des décisions marquantes, mais n’a pas de voca- tion exhaustive ; elle ne remplace pas une étude attentive pour chaque situation particulière. Ce, Adresse e-mail : [email protected]. 1 La loi a désormais ajouté une autre condition, le transfert ne devant pas conduire à l’abandon d’une population dans un quartier. Cette étude n’analyse pas cet aspect, la jurisprudence n’étant pas faite. 1629-6583/$ – see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.ddes.2010.06.013

Jurisprudence récente en matière de transfert d’officine

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Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 162–174

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Jurisprudence

Jurisprudence récente en matière de transfert d’officine

Marion Mourand (Avocat au Barreau de Paris)15, rue de la Présentation, 75011 Paris, France

Résumé

Cette étude recense des décisions de justice récentes rendues à propos des décisions de transfert d’officine.Éclairée par les enquêtes de l’Ordre, l’administration autorise les transferts d’officines en fonction d’un critèredécisif : le meilleur service à la population résidente du quartier d’accueil, de facon à assurer un véritablemaillage des officines sur le territoire.© 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

1. Introduction

La distribution du médicament auprès de la population est un aspect majeur de la politiquede santé publique. Cette distribution repose sur des acteurs privés, les officines de pharmacie, etc’est le préfet, désormais le directeur de l’Agence régionale de santé, qui assure la régulation.Les créations de pharmacies deviennent rares, dans un contexte de surdensité, mais l’enjeu sereporte sur les demandes de transfert. Le Conseil régional de l’Ordre enquête et donne un avis,mais la décision reste administrative. Les acteurs privés que sont les pharmaciens d’officine ontnaturellement vocation à chercher le lieu de la meilleure implantation commerciale, mais la loia fixé comme seul critère le service optimal à la population résidente du quartier d’accueil (Art.L. 5125-3 du Code de la santé publique1) pour assurer un véritable maillage des officines sur leterritoire.

Cette étude recense des décisions de justice récentes rendues à propos des décisions de transfertd’officine. Elle cherche à mettre en évidence des décisions marquantes, mais n’a pas de voca-tion exhaustive ; elle ne remplace pas une étude attentive pour chaque situation particulière. Ce,

Adresse e-mail : [email protected] La loi a désormais ajouté une autre condition, le transfert ne devant pas conduire à l’abandon d’une population dans

un quartier. Cette étude n’analyse pas cet aspect, la jurisprudence n’étant pas faite.

1629-6583/$ – see front matter © 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.ddes.2010.06.013

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d’autant plus que la jurisprudence est évolutive, et que ces affaires sont très dépendantes de laqualité de l’examen des faits.

2. Régime général du transfert

2.1. Pas de nouvelle officine si le service est assuré par les officines existantes

Un transfert ne permet pas de répondre de facon optimale aux besoins en médicaments dela population résidant dans les quartiers d’accueil quand ce service est assuré par les officinesexistantes.

Conseil d’État, 15 octobre 2007, no 290964. Pour confirmer le jugement du tribunal adminis-tratif de Marseille qui a annulé l’arrêté du 21 juin 2000 ayant autorisé le transfert de l’officinede Mme F. . . et de Mme E. . . dans le centre commercial situé dans la ZAC du Coudoulet, lacour administrative d’appel s’est fondée sur la circonstance que ce transfert ne permettrait pasde répondre de facon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans lesquartiers d’accueil et déjà assurés par deux officines, et ne remplissait donc pas la condition poséeau premier alinéa de l’article L. 5125-3 du Code de la santé publique.

2.2. Notion de quartier

Deux officines qui ne sont séparées que par une avenue et un parking, doivent être regardéescomme relevant du même quartier d’accueil.

Conseil d’État, 18 février 2009, no 294022. Compte tenu de la configuration des lieux et, enparticulier, du fait que l’officine de M. B. . . et celle de Mme A. . . ne sont séparées que par l’avenuedu 4 août 1944 et le parking du centre commercial les Trois Rois, les deux officines doivent êtreregardées comme relevant du même quartier d’accueil au sens de l’article L. 5125-3 du Code dela santé publique.

Il appartient dès lors au préfet du Morbihan d’apprécier les besoins en médicaments de lapopulation desservie par l’officine de Mme A. . . en tenant compte de la desserte de cette mêmepopulation par l’officine de M. B. . . alors même que celle-ci était située sur le territoire d’uneautre commune.

2.3. Analyse de la structure d’un quartier

CAA Bordeaux, 20 juin 2006, no 03BX00409. L’autorisation de transfert du 26 novembre2001 délivrée par le préfet de Lot-et-Garonne est fondée sur les motifs tirés du nombre d’officinespar rapport à la population municipale et de la réponse optimale aux besoins en médicamentsde la population du quartier Ouest de la ville de Nérac, qui ne dispose pas d’une officine depharmacie. Il n’est pas contesté que la ville de Nérac est divisée, par les allées d’Albret, en deuxzones distinctes. Le quartier Ouest de Nérac, lieu d’implantation de l’officine dont le transfertest autorisé par l’arrêté contesté, ne bénéficie d’aucune officine de pharmacie, alors même quetrois médecins y exercent. Il n’est pas allégué que la population du quartier Ouest de Nérac soitinsuffisante. La circonstance que l’une des zones d’habitation du quartier Ouest de Nérac soitéloignée du lieu d’implantation de l’officine de pharmacie transféré ne suffit pas à établir que cetransfert ne réponde pas de manière optimale aux besoins en médicaments de l’ensemble de lapopulation résidant dans le quartier d’accueil.

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2.4. Délimitation d’un quartier et évolution de l’urbanisme

CAA Marseille, 24 octobre 2005, no 04MA01403. L’arrêté ministériel autorise le transfertde l’officine de pharmacie que Mmes A. . . et B. . .exploitaient jusqu’alors dans le centre villed’Avignon, circonscrit par les anciens remparts, vers un quartier de cette commune situé àl’extérieur des dits remparts, délimité de manière précise par des voies et des éléments urba-nistiques et architecturaux identifiés, lesquels ne constituent pas un obstacle à la circulation desusagers, largement facilitée, au contraire, par les axes de cheminement précisés sur les plans joints,et comportant une population estimée en 1999 par l’Insee à 588 habitants, à laquelle il convientd’ajouter les apports de population d’ores et déjà certains eu égard aux projets d’urbanisme et deconstruction déjà engagés.

Par ailleurs, ce quartier, compte tenu des équipements administratifs, universitaires, sanitaires etcommerciaux qui s’y trouvent déjà implantés ou qui y sont projetés, constitue une zone d’attractionpour la population d’Avignon. Enfin, la pharmacie la plus proche de l’emplacement retenu pour letransfert se situe à 600 m de celui-ci et est localisée dans un quartier totalement distinct, lui-mêmeen expansion démographique, et desservi par ses propres voies de circulation.

Dès lors, le ministre de l’emploi et de la solidarité a fait une exacte application des dispositionsde l’article L.5125-3 du Code de santé publique.

2.5. Une population non desservie mais trop lointaine pour être prise en compte pourdélimiter le quartier d’accueil

La population de cette commune, située à plus de 3 km, ne peut être prise en considération, euégard à la configuration des lieux, pour délimiter le quartier d’accueil.

CAA Bordeaux, 23 mai 2006, no 05BX00819. En se bornant à faire valoir que la commune deTargé ne comporte pas d’officine de pharmacie et que l’officine projetée est facilement accessiblede cette collectivité, les intéressés n’établissent pas que le transfert litigieux répondrait de manièreoptimale aux besoins en médicaments de la population de cette commune, située à plus de 3 kmet qui, en tout état de cause, ne saurait être prise en considération, eu égard à la configuration deslieux, pour délimiter le quartier d’accueil.

3. Recherche de la solution optimale au sein d’un quartier

3.1. Nécessité de rechercher la solution optimale même à l’intérieur d’un même quartier

Le transfert d’une officine au sein de la même commune ne peut être autorisé que si la nouvelleimplantation répond de facon optimale aux besoins de la population du quartier d’accueil, alorsmême que l’implantation précédente de cette officine aurait été située dans le même quartier.

Conseil d’État, 15 juin 2009, no 320240. Pour rejeter la requête de la SNC Travert-Pilandontendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avait refuséd’annuler l’arrêté du 8 avril 2005 du préfet du Puy-de-Dôme autorisant le transfert de l’officinede pharmacie de Mme A. . . à Riom, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé que, lorsque letransfert d’une officine ne peut être regardé comme comportant transfert d’un quartier à un autre,il n’y a pas lieu pour le préfet d’apprécier si le nouvel emplacement répond de facon optimale auxbesoins de la population de ce quartier. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu’elle a, ce faisant,commis une erreur de droit.

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3.2. L’autorité préfectorale doit prendre en compte des officines implantées sur une autrecommune si le quartier d’accueil est concerné

Pour apprécier dans quelle mesure un projet de transfert satisfait de facon optimale les besoinsen médicaments de la population du quartier d’accueil, l’autorité administrative doit tenir compte,le cas échéant, de la desserte de la population de ce quartier par une autre officine, quand bienmême celle-ci se trouverait sur le territoire d’une autre commune.

Conseil d’État, 15 juin 2009, no 313809. Pour annuler par l’arrêt attaqué le jugement du tribunaladministratif d’Orléans qui avait annulé l’autorisation accordée le 6 octobre 2005 par le préfetd’Indre-et-Loire à Mme B. . . en vue de transférer l’officine de pharmacie qu’elle exploitait à Saint-Cyr-sur-Loire dans un centre commercial situé dans la même commune, la cour administratived’appel de Nantes a jugé qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte la population desservie parune autre pharmacie, au motif que celle-ci était située sur le territoire d’une autre commune, lesdeux pharmacies en cause devant de ce fait être regardées comme étant nécessairement situéesdans des quartiers distincts pour l’application des dispositions de l’article L. 5125-3 du Code dela santé publique.

En statuant ainsi, alors qu’il résulte de ce qui a été dit plus haut que la circonstance qu’unepharmacie soit située dans une autre commune ne fait pas, par elle-même, obstacle à sa prise encompte pour l’appréciation des besoins en médicaments de la population résidant dans le quartierd’accueil d’une officine dont le transfert est envisagé, la cour a commis une erreur de droit.

3.3. Prise en compte d’officines implantées sur une autre commune (2)

Conseil d’État, 18 février 2009, no 294022. Par un jugement du 1er février 2005, le tribunaladministratif de Rennes a annulé, à la demande de M. B. . . qui avait été autorisé à exploiter uneofficine de pharmacie à Vannes, l’arrêté du préfet du Morbihan autorisant Mme A. . . à transférerdans le centre commercial les Trois Rois, à Saint-Avé, l’officine de pharmacie qu’elle exploitaitauparavant dans le centre-bourg de cette commune, au motif que le préfet avait omis de prendreen compte, pour apprécier les besoins de la population du quartier d’accueil de cette officine, laprésence de la pharmacie de M. B. . .

Pour annuler ce jugement par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Nantes a jugé queles deux pharmacies en cause, implantées dans des communes différentes, étaient nécessairementsituées dans des quartiers distincts pour l’application des dispositions de l’article L. 5125-3 duCode de la santé publique. En statuant ainsi, alors qu’il résulte de ce qui a été dit plus haut quela circonstance qu’une pharmacie soit située dans une autre commune ne fait pas obstacle à saprise en compte pour l’appréciation des besoins en médicaments de la population résidant dansle quartier d’accueil d’une officine dont le transfert est envisagé, la cour a commis une erreur dedroit.

4. Examen de toutes les circonstances de fait

4.1. Les chiffres du recensement doivent être complétés de tous les autres élémentsd’information

Le préfet, outre les chiffres issus du recensement, doit prendre en compte le nombre de permisde construire délivrés et les aménagements urbains d’un quartier en pleine mutation.

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CAA Lyon, 23 juin 2009, no 06LY01689. Le préfet, en se fondant exclusivement sur les chiffresissus du recensement de 1999, a considéré qu’une faible population de moins de 1000 habitantsserait susceptible d’être desservie par cette nouvelle implantation.

Il ressort des pièces du dossier qu’entre le 1er janvier 2000 et le 31 mars 2005, des permis deconstruire ont été délivrés par la commune autorisant la construction de 811 logements dans cequartier et que 286 autres logements ont été autorisés entre le 1er avril 2005 et le 31 août 2006.De même, à la date de la décision préfectorale, le quartier de l’avenue de République, voie de2 km de long qui relie le quartier du centre ville et le quartier de Montferrand, était en pleinemutation et faisait l’objet de nombreux projets de construction de logements, notamment sociaux,ainsi, par ailleurs, que d’équipements, dont des immeubles de bureau, l’installation du tramwaysur l’avenue et un nouvel hôpital sur l’ilot d’Estaing.

Dans ces conditions, eu égard à l’accroissement certain du nombre d’habitants du quartier et àl’importance de la population susceptible d’être desservie, le transfert d’une officine supplémen-taire devait être regardé comme répondant de facon optimale aux besoins en médicaments de lapopulation résidente du quartier.

Eu égard à la configuration des lieux et s’agissant de pharmacies situées en zones urbaines,sur les côtés opposés d’une large avenue, la circonstance que la nouvelle officine de Mme X. . .

serait située à 400 m de celle dont l’ouverture est en litige ne saurait suffire à regarder comme nonremplie cette condition.

4.2. Une erreur dans l’analyse du recensement n’est pas nécessairement une caused’annulation

Une erreur d’analyse du recensement d’une centaine de personnes ne suffit pas à remettre encause un arrêté préfectoral.

CAA Bordeaux, 23 mai 2006, no 05BX00819. M. X. . . et Mme Y. . . soutiennent que le ministrea commis une erreur dans l’évaluation du nombre d’habitants recensés en 1999 dans le quartierd’accueil de Châtellerault, dont ils revendiquent la desserte par l’officine transférée.

Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que les sections CK du cadastre de la communeprécitée, comptabilisées par les requérants dans le quartier dénommé « Les Gruges », sont situéesà proximité d’une officine de pharmacie, qui a vocation à répondre aux besoins en médicamentsde la population y résidant. Si l’évaluation faite par le ministre est inférieure d’un peu plus d’unecentaine d’habitants par rapport aux données du recensement, cette erreur n’est pas de nature àfaire regarder la décision attaquée comme entachée d’une erreur d’appréciation. M. X. . . et MmeY. . . ne peuvent se prévaloir de l’augmentation de la population dans le quartier dont s’agit depuisle recensement de 1999.

4.3. Examen de toutes les circonstances de fait et notamment des évolutions de l’urbanisme

CAA Nancy, 22 juin 2009, no 07NC00262. La présence d’un trottoir étroit, d’une chausséerétrécie avec un important trafic routier lié notamment à la présence de la carrière et un station-nement très difficile rendaient l’accès de l’officine située 9-11 Grande-Rue très délicat. À la datede la décision attaquée, la population de Giromagny se développait dans la partie Sud et Est duvillage avec la création de nouveaux lotissements et d’habitats à loyers modérés dans les quartiersdu Rosemonts et de Fougerets. En revanche, il n’était plus possible de s’étendre au nord du vil-lage compte tenu de l’escarpement des terrains et de la présence d’une carrière entre Giromagnyet Lepuix-Gy. Des commerces se sont déplacés vers le sud ou s’y sont installés. Ainsi, la déci-

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sion attaquée répondait à la condition de satisfaction optimale des besoins en médicaments de lapopulation du quartier d’accueil posée par l’article L. 5125-3 du Code de la santé publique.

4.4. Examen de toutes les circonstances de fait : implantation d’une pharmacie dans unquartier en comprenant déjà quatre, et avec une ouverture à proximité

CAA Bordeaux, 3 juin 2008, no 06BX01741. Le quartier de la Croix-Daurade à Toulouse,lieu d’implantation de l’officine dont le transfert a été autorisé par l’arrêté contesté, comptaitune population de 12 639 habitants lors du dernier recensement de 1999 et connaissait une évo-lution démographique soutenue. Ce quartier était desservi par quatre pharmacies, situées pourtrois d’entre elles, à l’Est, le long de la route d’Albi, et pour la quatrième à son extrémitéSud-Ouest. Alors même qu’une partie de la population de ce quartier avait déjà été prise encompte pour autoriser, le 5 janvier 2000, la création de l’officine de pharmacie de Mme Y. . .,la population du quartier d’accueil, à la date de la décision attaquée, le 12 mai 2004, était suffi-sante pour autoriser l’implantation d’une autre pharmacie, notamment dans sa partie Ouest, peudesservie.

Dans ces conditions, eu égard tant au lieu d’implantation envisagé, situé du côté Ouest de laroute d’Albi, qu’à l’importance de la population du quartier de la Croix-Daurade à desservir, letransfert de l’officine de Mme X. . . doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, commerépondant de facon optimale aux besoins en médicaments de la population de ce quartier.

5. Implantation dans une zone urbaine sensible

5.1. Zone urbaine sensible (1)

Si l’officine est implantée dans une zone urbaine sensible, son transfert ne peut être autorisés’il est de nature à compromettre l’approvisionnement normal en médicaments de la populationde cette zone.

Conseil d’État, 27 octobre 2008, no 300789. Considérant qu’il résulte des dispositions del’article L. 5125-3 du Code de la santé publique, alors applicables, qu’un transfert d’officinede pharmacie ne peut être autorisé que si la nouvelle implantation répond de facon opti-male aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d’accueil ; qu’envertu de l’article L. 5125-14 du même Code dans sa rédaction alors en vigueur, si l’officineest implantée dans une zone urbaine sensible, son transfert ne peut être autorisé s’il est denature à compromettre l’approvisionnement normal en médicaments de la population de cettezone.

5.2. Zone urbaine sensible (2)

Conseil d’État, 18 juin 2007, no 279194. Ce transfert ne peut être autorisé, lorsque l’officineétait implantée dans une zone franche urbaine, que si ce transfert ne compromet pasl’approvisionnement normal en médicaments de la population de cette zone.

5.3. Zone urbaine sensible (3)

Il n’y a pas d’aggravation de la situation pour les habitants dans le cas d’un transfert de 300 met en présence de voies de circulation adaptées.

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CAA Nancy, 13 novembre 2006, no 05NC00568. Le préfet de la Marne a, par arrêté du1er décembre 2003, refusé d’autoriser le transfert de l’officine de pharmacie sise à Vitry-le-Francois rue Abraham Moivre, dans une zone urbaine sensible au sens de la loi susvisée du14 novembre 1996, au 1 faubourg de Chalons aux motifs que, si le transfert était demandé au seind’un même quartier, l’accès du nouveau local serait cependant moins aisé en raison de la présenced’une voie routière très fréquentée le séparant de la zone urbaine sensible, et que ce transfertrapprocherait l’officine des cinq pharmacies du centre-ville.

Si, en vertu des dispositions du 2e de l’article L. 5125-14 du Code de la santé publique, letransfert d’une officine de pharmacie implantée dans une zone urbaine sensible ne peut êtreaccordé lorsqu’il aurait pour effet de compromettre l’approvisionnement normal en médicamentsde ladite zone, il ressort des pièces du dossier que le transfert envisagé par la société requérante,d’ailleurs dans des locaux plus spacieux et plus fonctionnels de nature à améliorer les conditionsd’approvisionnement de la population en médicaments, n’éloignerait l’officine que d’environ300 m et que le franchissement de l’avenue du Général de Gaulle, prolongement de la routenationale no 44 déviée avant son entrée dans l’agglomération, s’effectue en toute sécurité pardes passages piétons protégés par des feux de circulation. Ainsi, l’approvisionnement normal enmédicaments des habitants de la zone urbaine sensible ne saurait être regardé comme compromisau sens des dispositions de l’article L. 5125-4 du Code de la santé publique par le transfert de laSELARL Pharmacie du Hamois.

Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait pris la même décisions’il ne s’était fondé que sur le motif tiré du rapprochement avec les pharmacies du centre-ville,qui constitue un quartier distinct de celui où serait maintenue l’officine de la société requérante.

Il y a lieu, en application de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, d’enjoindreau préfet de la Marne d’autoriser le transfert litigieux dans le délai d’un mois à comp-ter de la notification du présent arrêt, sous astreinte d’une somme de 100 euros par jour deretard.

5.4. Annulation d’un transfert de 400 m, mais en quittant une zone sensible

En zone sensible, un transfert ne peut avoir pour conséquence d’aggraver les conditionsd’approvisionnement en médicaments de la population.

CAA Paris, 12 juin 2006, no 05PA00496. L’arrêté ministériel contesté a pour objet d’autoriserle transfert de l’officine à une distance d’environ 400 m de son précédent lieu d’implantation,en dehors de la zone urbaine sensible où la SNC Jean X. . . s’est installée en 1996. Au der-nier recensement de 1999, la population résidant au voisinage du lieu où était implantée, àla date de la demande de transfert, l’officine litigieuse, s’élevait pour le seul quartier de laPierre au Prêtre à près de 3000 habitants, dont près de 20 % étaient des retraités et personnesâgées. Si trois autres pharmacies se situent dans le périmètre de la zone, elles sont cepen-dant implantées à la limite de cette zone, seule l’officine de la SNC Jean X. . . se situant enson centre. Il ne ressort pas en revanche des pièces du dossier que la zone dont s’agit seraitamenée à connaître une diminution de la population qui y réside, alors surtout que pour leseul quartier de la Pierre au Prêtre une opération de renouvellement du tissu urbain a été lan-cée dans le cadre du programme national de rénovation urbaine prévoyant la construction denouveaux logements. Dès lors, c’est par une inexacte application des dispositions de l’articleL. 5125-14 du CSP que le ministre a estimé que le transfert litigieux n’avait pas pour consé-quence d’aggraver les conditions d’approvisionnement en médicaments de la population de cettezone.

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6. Transfert dans un centre commercial

6.1. Transfert dans un centre commercial et examen de toutes les circonstances de fait

Le transfert peut être accepté dans le centre commercial s’il permet d’approvisionner la popu-lation résidente, de population issues de quartiers plus éloigné et dénués de pharmacie, et en tenantcompte des voies de communication.

Conseil d’État, 27 septembre 2006, no 278563. À la date de la décision attaquée, l’officinetransférée dans le centre commercial situé dans la zone d’aménagement concerté du Pied desGouttes à Montbéliard pouvait utilement approvisionner, en premier lieu, la population résidenteet saisonnière de ce quartier, en deuxième lieu, les habitants de zones résidentielles comme cellesdes Grands-Cantons, de Pezolle et du Grand-Chenois, proches de la zone d’aménagement concertédu Pied des Gouttes et dépourvues de pharmacie, et, en troisième lieu, une partie des quartiers dela Grande et de la Petite Hollande et des Portes du Jura, auxquels la zone d’aménagement concertédu Pied des Gouttes était reliée par un nombre croissant de voies de communication.

Ainsi, la décision attaquée répondait à la condition de satisfaction optimale des besoins enmédicaments de la population du quartier d’accueil posée par l’article L. 5125-3 du Code de lasanté publique.

6.2. Transfert dans un centre commercial : population éloignée et accès difficile

L’installation dans un centre commercial situé à l’extérieur du bourg, à 570 m des habitationsles plus proches, d’un accès difficile pour les piétons en dépit des travaux entrepris par la communeet de quelques transports en commun, ne répond pas aux critères du CSP.

CAA Nancy, 23 mars 2009, no 06NC01018. Mme X. soutient que son officine de pharmaciequi est située à Dommartin-les-Toul, dans un ancien centre commercial réduit à l’état de fricheindustrielle, privé de tout dispositif de gardiennage et de sécurité ainsi que de toute possibilitéd’agrandir les locaux ne permet plus de répondre de manière optimale aux besoins de la population,il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que le transfert de cette officine dans un centrecommercial situé à l’extérieur du bourg, à 570 m des habitations les plus proches, d’un accèsdifficile pour les piétons en dépit des travaux entrepris par la commune et de quelques transports encommun, assure un meilleur approvisionnement en médicaments des communes de Dommartin-les Toul, Chaudeney et Villers-le-Sec qui sont desservies par l’officine de la requérante.

6.3. Transfert dans un centre commercial : population résidente de 1400 habitants, etlotissements en cours de réalisation

CAA Nantes, 14 novembre 2008, no 08NT01853. À la date de l’arrêté contesté, l’officine depharmacie transférée dans le centre commercial pouvait utilement approvisionner en médica-ments toutes les populations, comptant environ 1400 habitants, situées à l’Est de la piste cyclableet jusqu’alors éloignées des officines de pharmacie existantes, ainsi que les populations des lotis-sements en cours de réalisation ou en projet, situés, dans leur totalité, dans la partie Est de lacommune, et celles des communes de Mâché et La Chapelle-Palluau rattachées pour la desserteen médicaments à la commune d’Aizenay et fréquentant le centre commercial, les deux autresofficines implantées dans le centre de la commune d’Aizenay suffisant à desservir les populationsrésidant dans les autres zones ou quartiers.

En outre, aucun obstacle ou voie infranchissable n’entravait l’accès à l’officine transférée.

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Ainsi, l’arrêté contesté répondait à la condition de satisfaction optimale des besoins en médi-caments de la population du quartier d’accueil posée par l’article L. 5125-3 du Code de la santépublique.

6.4. Transfert dans un centre commercial : population résidente de 619 habitants,lotissements à proximité et voies de circulation aisée, population fréquentant deséquipements publics

CAA Nantes, 14 novembre 2008, no 07NT02853. La SELARL Henjajula est propriétaire d’uneofficine de pharmacie située dans le centre de la commune de Saint-Berthevin, à proximité immé-diate de l’une des deux autres officines installées sur le territoire de cette commune. Elle a demandé,le 4 juin 2004, au préfet de la Mayenne l’autorisation de transférer son officine dans la galeried’un centre commercial situé dans la zone Sud-Est de la commune, dénommée Les Loges.

À la date de la décision contestée, l’installation de cette officine dans la galerie ducentre commercial implanté dans ladite zone permettait de desservir la population, comportant618 habitants, d’un lotissement situé à proximité et jusqu’alors mal desservi par les officinesregroupées au centre de la commune, ainsi que la population fréquentant le parc d’exposition et lecentre de conférences situé à proximité immédiate, de même que celle à venir d’un autre lotisse-ment dont la réalisation au Nord de la zone des Loges était prévue à court terme et d’immeublesd’habitation devant être construits à proximité. L’accès au centre commercial, que ce soit envenant du centre de la commune, du Sud-Est ou du Nord-Est, était aisé en raison de l’ensembledes voies et des modes de transport existants. Dans ces conditions, la SELARL Henjajula estfondée à soutenir que le transfert sollicité permettait de répondre de facon optimale aux besoinsen médicaments de la population du quartier d’accueil.

6.5. Transfert dans un centre commercial : service à la population résidant aux abordsimmédiats ; accroissement prévisible de la population ; accessibilité

CAA Nantes, 21 décembre 2007, no 07NT02293. À la date de l’autorisation de transfert contes-tée, il existait sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-sur-Loire six officines de pharmaciepour une population recensée en 1999 de 16 021 habitants. Aucune officine de pharmacie n’étaitimplantée dans la partie Nord de la commune. Sans qu’il y ait lieu de prendre en considérationla population desservie par la pharmacie de M. Z. . ., située sur le territoire de la commune deTours et, par voie de conséquence, dans un autre quartier d’accueil2, l’officine de pharmacie deMme Y. . . transférée dans la galerie commerciale Auchan, se trouvant au centre de la zone Nordde Saint-Cyr-sur-Loire, pouvait utilement approvisionner en médicaments la population résidantdans les abords immédiats de ce centre commercial ainsi que celle, destinée à s’accroître selon lesdocuments d’urbanisme produits au dossier, résidant dans les quartiers de la Ménardière à l’Estet de Périgourd à l’Ouest, situés à proximité du site de son implantation et auxquels le centrecommercial était relié par un nombre suffisant de voies de communication accessibles et fran-chissables dans de bonnes conditions. Ainsi, la décision de transfert répondait à la condition desatisfaction optimale des besoins en médicaments de la population des quartiers d’accueil poséepar l’article L. 5125-3 du Code de la santé publique.

2 Analyse désormais remise en cause par le Conseil d’État : les officines des communes limitrophes peuvent être priseen compte.

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6.6. Transfert dans un centre commercial : officines existantes proches et bien accessibles,contrairement à celle du lieu d’implantation qui n’est accessible qu’en voiture.

CAA Nancy, 10 décembre 2007, no 07NC00150. Il ressort des pièces du dossier que troispharmacies sont implantées dans la commune d’Erstein, assurant l’approvisionnement en médi-caments de la commune, qui compte 9665 habitants, et de deux communes voisines représentant1150 habitants supplémentaires.

Mme X. . ., qui exploite l’officine située rue de Savoie dans le quartier du Bruhly depuis 1990,a demandé le transfert de sa pharmacie dans la galerie commerciale de l’hypermarché Leclercsitué rue du Printemps, en périphérie de l’agglomération d’Erstein, et à proximité du quartierdu Breitenweg. L’autorisation a été refusée le 22 septembre 2004 par le préfet du Bas-Rhin, puisaccordée sur recours hiérarchique de l’intéressée le 7 février 2005, par décision du ministre dessolidarités, de la santé et des familles.

D’abord, les deux pharmacies du centre-ville sont proches et aisément accessibles par la popu-lation du quartier du Breitenweg, qui compte 1600 habitants, alors au demeurant que ceux duBruhly et de Kraft, que desservait l’officine de la requérante dans son emplacement initial, sépa-rés de la ville par l’Ill, en comportent 2100. De plus, si la localisation dans la galerie commercialedu centre Leclerc favorise l’accès automobile, il n’en va pas de même, particulièrement durantles services de garde, pour les populations dépourvues d’un tel moyen de transport, notammentparmi les personnes âgées, plus nombreuses dans les quartiers du Bruhly et de Kraft à l’Ouestde la ville. Ainsi, l’autorisation de transfert délivrée par le ministre ne répond pas à la conditionde satisfaction optimale des besoins en médicaments de la population du quartier d’accueil poséepar l’article L. 5125-3 du Code de la santé publique.

7. La décision préfectorale

7.1. Droit d’antériorité

Le droit d’antériorité conduit, en présence de demandes concurrentes de transfert au sein de lamême commune, à examiner en premier celle qui bénéficie de ce droit.

Cette circonstance n’empêche pas de rechercher si ce transfert satisfait de manière optimaleles besoins de la population du quartier d’accueil.

L’acceptation de la première demande ne suffit pas à écarter la deuxième, qu’elle aussi doitêtre étudiée.

Conseil d’État, 18 juin 2007, no 279194. Le droit d’antériorité énoncé au dernier alinéa del’article L. 5125-5 conduit, en présence de demandes concurrentes de transfert au sein de la mêmecommune, à examiner en premier celle qui bénéficie de ce droit.

Deux implantations envisagées respectivement par M. G. . . et par la société Pharma 6, distantesde moins de 500 m et situées à moins de 19 numéros dans la même rue sans que la configurationdes lieux puisse conduire à estimer qu’il s’agirait de deux quartiers différents, sont concurrentes.

Il n’est pas contesté que M. G. . . avait présenté en premier sa demande. Ainsi et nonobstantla circonstance que le transfert sollicité par la société Pharma 6 se faisait à l’intérieur du mêmequartier, c’est à bon droit que le ministre a décidé que la demande de M. G. . . devait être examinéeen premier. Toutefois, contrairement à ce que les motifs de la décision ministérielle font apparaître,cette seule circonstance ne suffisait pas, en l’absence de l’examen de la manière optimale desatisfaire les besoins de la population du quartier d’accueil, à accorder l’autorisation sollicitée.Par suite, et faute pour le ministre d’avoir procédé à cet examen, sa décision en date du 12 octobre

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2001 retirant la décision préfectorale en date du 14 mai 2001 qui avait refusé de délivrer à M.G l’autorisation de transfert qu’il sollicitait et accordant à ce dernier cette autorisation, doit êtreannulée.

Si, ainsi qu’il a été dit, le projet de transfert de M. G. . . bénéficiait de l’antériorité par rapport àcelui de la société Pharma 6, cette circonstance ne pouvait suffire à justifier le rejet de la demandede cette société, dès lors qu’il appartenait au ministre, après avoir statué sur la demande de M.G. . . et le cas échéant fait droit à celle-ci, d’examiner si les conditions posées par les dispositionsdes articles L. 5125-14 et L. 5125-3 du Code de la santé publique au transfert de la pharmacieexploitée par la société Pharma 6 pouvaient néanmoins être regardées comme réunies.

7.2. Droit d’antériorité. Modalités

Le droit d’antériorité, en présence de demandes concurrentes de transfert au sein de la mêmecommune, oblige à examiner en premier celle qui bénéficie de ce droit.

CAA Lyon, 23 juin 2009, no 06LY01689. Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 5125-5 du CSP : « Toute demande ayant fait l’objet du dépôt d’un dossier complet bénéficie d’un droitd’antériorité par rapport aux demandes ultérieures concurrentes, dans des conditions fixées par ledécret mentionné à l’article L. 5125-32 ».

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que le droit d’antériorité énoncéau dernier alinéa de l’article L. 5125-5 conduit, en présence de demandes concurrentes de transfertau sein de la même commune, à examiner en premier celle qui bénéficie de ce droit.

Les deux implantations envisagées respectivement par Mme X. . . et par M. Y. . . et la SELARLPharmacie Victoire, distantes de 400 m dans la même rue, sans que la configuration des lieux puisseconduire à estimer qu’il s’agirait de deux quartiers différents, sont concurrentes. Il y a lieu, dèslors, de déterminer dans quel ordre le préfet devait examiner ces demandes.

7.3. Maintien de l’antériorité en cas de modifications mineures du dossier d’urbanisme

L’attestation sur l’honneur selon laquelle la demande n’implique ni une demande de permis deconstruire ni une déclaration de travaux au titre du Code de l’urbanisme a pour objet de permettreà l’administration de vérifier la possibilité de réaliser les aménagements nécessaires dans le localoù il entend exploiter son officine, notamment lorsque ces aménagements nécessitent l’obtentionpréalable d’un permis de construire.

CAA Lyon, 23 juin 2009, no 06LY01689.Textes. L’arrêté du 21 mars 2000, pris pour l’application de l’article R. 5089-1 du Code de

la santé publique, dispose que : « Pour toute demande de transfert d’officine de pharmacie, ledossier prévu à l’article R. 5089-1 du Code de la santé publique comporte (. . .). II–Les élémentssuivants : (. . .). 2 Toutes pièces établissant que le ou les pharmaciens ou la société seront, aumoment de l’octroi de la licence, propriétaires ou locataires du local et justifiant que celui-ci estdestiné à un usage commercial ; 3 L’un des documents suivants : a) Soit le permis de construirelorsque celui-ci est exigé en application de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme pour laréalisation ou l’aménagement des locaux (. . .) b) Soit dans le cas de travaux soumis à la déclarationprévue à l’article L. 422-2 du Code de l’urbanisme, la justification du dépôt de cette déclarationde travaux (. . .) c) Soit une attestation sur l’honneur du demandeur selon laquelle sa demanden’implique ni une demande de permis de construire ni une déclaration de travaux au titre du Codede l’urbanisme ».

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Analyse. Ces dernières dispositions ont pour objet de permettre à l’administration de vérifierla possibilité, pour le pharmacien qui sollicite une autorisation de transfert, de réaliser les amé-nagements nécessaires dans le local où il entend exploiter son officine, notamment lorsque cesaménagements nécessitent l’obtention préalable d’un permis de construire.

Faits. La demande de transfert de Mme X. . . a été enregistrée à la direction régionale desaffaires sanitaires et sociales le 25 novembre 2004. Il ressort des pièces du dossier que le localdevant accueillir l’officine faisait partie d’un immeuble de plusieurs étages comportant une sur-face de 701 m2 de locaux commerciaux. L’intéressée a joint au dossier qu’elle a déposé le permisde construire accordé à la société Elige pour la construction d’un immeuble, ainsi qu’une pro-messe de bail commercial conclu entre la SCI Clermont République et la SARL X portant sur unlocal commercial de 187 m2 devant être exploité en tant que pharmacie, ainsi qu’un exemplaire del’avant-projet sommaire établi le 19 octobre 2004 présentant l’aménagement du local. Ces docu-ments mettaient ainsi l’autorité administrative en mesure de vérifier l’existence des aménagementsnécessaires au transfert de son officine et de vérifier le respect des conditions minimales prévuespar les articles R. 5089-9 et R. 5089-10 du Code de la santé publique.

Si M. Y. . . et la SELARL Pharmacie Victoire, dont le dossier de demande a été enregistréle 4 janvier 2005, font valoir que Mme X. . . a ultérieurement sollicité deux permis de construiremodificatifs, lesquels établiraient le caractère incomplet de son dossier initial, il ressort des piècesdu dossier que ces autorisations complémentaires, qui portent sur des aménagements extérieurset intérieurs d’importance mineure, ne permettent pas de remettre en cause le caractère completdu dossier d’origine de celle-ci. Ainsi, c’est à bon droit que le préfet du Puy de Dôme a regardéle dossier de Mme X. . . comme bénéficiant de l’antériorité.

8. La procédure contentieuse

8.1. Intérêt à agir du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens

Le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens (CROP) a intérêt à agir en annulation d’unedécision préfectorale.

CAA Marseille, 13 avril 2007, no 06MA01705. En vertu de l’article L.5125-4 du Code de lasanté publique le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens émet un avis sur les demandes decréation, de transfert ou de regroupement des officines de pharmacie.

Eu égard au rôle que lui attribue la loi, il justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour contester,notamment, les décisions portant autorisations de transfert des officines de pharmacie.

8.2. Intérêt à agir d’un pharmacien

Un pharmacien, qui a été autorisé à exploiter une officine à proximité de l’emplacement prévupour le transfert d’une autre officine, justifie de ce fait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Conseil d’État, 18 février 2009, no 29402. M. B. . ., qui a été autorisé à exploiter une officineà proximité de l’emplacement prévu pour celle de Mme A. . ., justifie de ce fait d’un intérêt luidonnant qualité pour agir contre l’autorisation accordée à cette dernière, contrairement à ce qu’ellesoutient, alors même que l’autorisation de transfert dont il a lui-même bénéficié a été accordéepar le préfet du Morbihan le même jour que celle de Mme A. . ., et que celle-ci avait présenté sademande de transfert avant le dépôt par M. B. . . de sa propre demande.

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8.3. Intérêt à agir en cas de rejet d’une demande antérieure

Le fait d’avoir sollicité le 23 avril 1993 la création d’une officine de pharmacie justifiait d’unintérêt à demander l’annulation de l’autorisation de transfert délivrée le 14 janvier 1997 à un autrepharmacien.

CAA Bordeaux, 10 février 2009, no 07BX00922. Mme Piccirillo a sollicité le 8 janvier1996 l’autorisation de transférer sa pharmacie de Bordeaux à Pessac, dans le quartier de Magonty.Le préfet de la Gironde a accordé cette autorisation par un arrêté du 14 janvier 1997, qui a étéannulé par le Conseil d’État statuant au contentieux, par décision du 26 mars 2004. En exécutionde cette décision, le préfet de la Gironde a réexaminé la demande de Mme Piccirillo et délivrél’autorisation sollicitée à la SNC Piccirillo-Vayssie, venant aux droits de Mme Piccirillo, parun arrêté du 15 juillet 2004. Le tribunal administratif de Bordeaux, le 22 février 2007, a annulél’arrêté du préfet de la Gironde en date du 15 juillet 2004.

M. X. . . pharmacien, qui avait sollicité le 23 avril 1993 la création d’une officine de pharmacie àPessac, justifiait d’un intérêt à demander l’annulation de l’autorisation délivrée à la SNC Piccirillo-Vayssie, par l’arrêté du préfet de la Gironde en date du 15 juillet 2004, de transférer une officineà Pessac.