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La leçon du paradigme

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Page 1: La leçon du paradigme

L’évolution psychiatrique 74 (2009) 207–217

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Questions de théorie

La lecon du paradigme�

The lesson of paradigm

Cyrille Deloro ∗Docteur en philosophie, docteur en psychopathologie, psychanalyste, psychologue clinicien à l’Élan Retrouvé,

institut Paul-Sivadon, 23, rue La Rochefoucauld, 75009 Paris, France

Recu le 25 fevrier 2008 ; accepté le 4 mars 2009Disponible sur Internet le 16 avril 2009

Résumé

L’auteur rassemble d’abord certaines discussions soulevées par la notion de « paradigme », proposéepar Georges Lantéri-Laura pour l’historiographie de la psychiatrie, et formule ce qui pourrait être sonprésupposé : qu’il y ait, sous les dehors d’une pluralité affichée, une unité du discours psychiatrique. Unelecture articulée de ces critiques peut éclairer la difficulté pour le champ de la psychanalyse à admettrel’usage de la clef paradigmatique. Si Canguilhem mettait en garde l’historien de ne jamais confondre l’objetde l’histoire des sciences avec l’objet d’une science, l’unité d’un discours avec l’unicité de son objet, laconstruction du « paradigme » semble apporter une solution élégante au respect de leur intervalle. Mais cetteconstruction a un prix : la circularité de la démarche phénoménologique qu’elle mobilise chez son auteursemble revenir, à un niveau plus élevé, à éluder la division du discours historique, et cet intervalle même quefaisait valoir le philosophe des sciences. La lecon du paradigme appliqué à l’histoire de la psychiatrie nemontre qu’une seule chose : que sa propre logique n’est pas sans un effet de perte et que son reste, sous la guised’une autre idée du signe, est « ce que » relève la psychanalyse comme index de l’histoire de la psychiatrie.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Paradigme ; Historiographie ; Phénoménologie ; Sémiologie

Abstract

The author presents several debates raised by the notion of “paradigm” from Georges Lantéri-Laura, forthe historiography of psychiatry. He tries to formulate what could be the presupposition of the notion: underappearances of plurality, there might be a united psychiatric discourse. A review of these critics can helpto understand the reluctance of psychoanalysis in using the paradigm. Canguilhem warned the historiannever to confuse the object of a history of sciences and the object of a science, unity of the discourse and

� Toute référence à cet article doit porter mention : Deloro C. La lecon du paradigme. Evol psychiatr 2009; 74.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected].

0014-3855/$ – see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.evopsy.2009.03.006

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unicity of the object. The construction of the notion of Paradigm brings an elegant solution in order torespect their interval. Though, it has a cost: the circularity of its construction seems to elude the divisionof an historical discourse, the very interval designed by the French philosopher. The Lesson of Paradigm inhistory of psychiatry proves but one thing: its logic produces its own loss, and its remnant is the very objectof a psychoanalytical historiography.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Paradigm; Historiography; Phenomenology; Semiology

Dans une conférence de 1966 intitulée « L’Objet de l’histoire des sciences », Canguilhem expo-sait deux conceptions opposées de l’histoire des sciences : d’un côté, une méthode « externaliste »qui explique les événements scientifiques comme des phénomènes de culture, les conditionnantà leur portée sociale et économique, pratique et idéologique ; de l’autre, une analyse interneà l’œuvre scientifique, des démarches par lesquelles elle satisfait ou non aux attendus d’uneépoque. Mais en même temps que leur différence, apparaissait tout aussitôt « que l’une et l’autreposition revient à assimiler l’objet de l’histoire des sciences à l’objet d’une science » ([1], p. 15).Canguilhem faisait ainsi valoir une antinomie entre l’unité d’un discours historique, l’histoirecomme mise en récit et narration, et l’unicité de son objet, sa spécificité susceptible de passer,c’est-à-dire se supprimer en se conservant d’une époque à l’autre.

Cette antinomie semble radicalement inconciliable avec la conscience historienne, dont l’actepropre est de rompre le cercle pour pouvoir, précisément, en énoncer quelque chose. Pour l’histoired’une science, une décision originaire a toujours déjà eu lieu entre l’unité d’un discours ou l’unicitéde son objet. Cette décision, qui réserve en même temps le plus petit intervalle et la plus petitedistance entre la méthode et l’objet, il n’appartient pas à l’auteur de la dire, de la choisir ou mêmede la connaître. C’est proprement l’insu philosophique de la conscience historienne.

1. « Structures subjectives du champ transcendantal »

Dès les mêmes années, les premières recherches philosophiques de Georges Lantéri-Lauraproposaient une interprétation de cet insu en termes d’intentionnalité et apportaient une résolutionélégante au problème. Dans ses grandes lignes, le programme des ouvrages de 1963 et 1968, Lapsychiatrie phénoménologique [2] et Structures subjectives du champ transcendantal [3] peutse résumer ainsi : si l’antinomie entre unité et unicité est inconciliable avec la conscience, c’estparce qu’elle est une antinomie de la conscience. Le conflit qu’elle est ainsi pour elle-même sedéveloppe en s’exposant devant elle comme son fond structural et sa fondamentale circularité.Appliquée à la question historiographique dont le thème apparaît dès la thèse de 1968, cetteanalyse consistera à liquider le cercle d’antinomie en montrant qu’il n’est pas seulement pourle moi de l’historien-praticien, mais appartient déjà à l’histoire de son savoir-faire, et se dévoilecomme un point de fixation pour l’évolution de sa discipline.

Il convient d’abord de relire ce texte pour mesurer à quel point, entre exigence et souplesse,la position phénoménologique de Lantéri-Laura a toujours été paradoxale. À la fois, elle méditele cercle instaurateur entre l’objet de connaissance et la forme du connaître et, en même temps,lorsqu’elle s’explicite comme cercle, elle tend à décliner son être, rétrocéder sa question auvocabulaire Gestaltiste de la théorie de la forme.

L’enjeu de la thèse était « d’acquérir une connaissance de l’existence singulière qui ne doiverien à l’intériorité, et ne fasse que développer un domaine particulier du champ perspectif ». Lantéri

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développant cette question : savoir laquelle est plus originelle entre l’expérience subjective ou ladescription phénoménologique de la subjectivité en général. Pour l’auteur, la phénoménologieest cette présentation-là qui fait de la subjectivité transcendantale et de sa méthode un seul etmême problème : « tout en maintenant l’obligation d’aboutir à une connaissance de l’expériencesubjective, l’on ne sait plus s’il faut s’attacher à en décrire les détails ou tenter d’en dévoiler lesens » ([3], p. 2). La démarche consiste à déployer le paradoxe instaurateur : montrer « commentla phénoménologie peut à la fois prendre son point de départ dans la subjectivité et devenir,cependant, une source de connaissance sur les fondement de cette subjectivité » ([3], p 9–10).

L’auteur demandait ainsi « tour à tour » si la subjectivité possède un sens phénoménologique,transcendantal et enfin ontologique. La notion de « figure sur un fond » servait à avancer que « sile sujet de la psychologie est un espace, une modalité de la surface où apparaissent et passent lesreprésentations, son fondement est à trouver dans une subjectivité impersonnelle » ([3], p. 88–102).De la même manière, l’être du monde n’a de sens que dans la mesure où le monde se révèle, maisréciproquement il n’y a de phénomène de « se révéler » que si l’être transcendant lui sert desupport.

C’est finalement la figure d’une limitation ultime qui apparaissait comme structure transcen-dantale. En chemin inverse, le fondement d’une subjectivité singulière est déduit de la subjectivitéimpersonnelle ([3], p 119–64). Et Lantéri-Laura opère un dernier renversement : c’est à partir del’existant historique que peuvent s’élucider les structures fondamentales de la transcendance etdu champ transcendantal. La subjectivité singulière et le temporel ont un rapport de fondementréciproque, comme « intersubjectivité primordiale ».

Le soupcon d’un raisonnement circulaire était déjà levé et débattu par l’auteur lui-même : « Enadoptant une attitude polémique, l’on pourrait prétendre que toutes les recherches antérieures (. . .)vivent d’un cercle vicieux plus ou moins bien dissimulé, et perdent toute signification dès qu’untel cercle se trouve élucidé – mais tout vient en fait du sujet psychologique » ([3], p. 291). Et la« réduction » phénoménologique opérée dans les premières pages de la thèse se dénonce curieuse-ment comme une métaphore lorsque Lantéri affirme : « Nous avons bien dû nous en inspirer dans lebut de nos recherches, lorsque nous avons formulé la phénoménologie en terme d’égologie trans-cendantale, mais nous avons vu très rapidement que nous ne demeurions sur un plan d’évidencequ’à la condition d’effectuer une description noématique du champ transcendantal sans aucuneréférence à quelque subjectivité que ce fût ». Il ne s’agit pas d’une réduction phénoménologiqueau sens strict, parce que la description n’est que l’introduction à une étude directe de cet existantauquel se rapportent à la fois la phénoménologie et les sciences mondaines ([3], p. 348–9). Leprojet dévoile à la fin sa portée réelle, d’être « l’introduction pour une anthropologie ».

La conclusion de la thèse était donc en réalité la même que son hypothèse de départ : la théoriede la forme peut « sans cesser d’être expérimentale, réaliser une connaissance rigoureuse de lasubjectivité qui [ne soit] rien d’autre qu’une étude de la structuration du champ perceptif ». LaGestalt apparaissait finalement à son auteur comme « plus performante » que les recherches deHusserl « parce qu’elle reste une discipline mondaine », elle « exerce une réflexion critique àl’égard de la psychologie expérimentale » ([2], p. 175). Lantéri-Laura développait ainsi l’idée quela Gestalt ne récuse pas le corps et ne met pas le mouvement entre parenthèses, « elle n’a pas àretrouver l’incarnation » ([2], p. 177–8). Elle n’a pas à la retrouver comme question, parce qu’ellese la donne comme fait.

Il est tout à fait intéressant de voir un certain usage de la phénoménologie se retourner contreses propres concepts – ici la « réduction », dès lors qu’on tente de la réduire à la théorie de laforme et à la « figure sur un fond », en refermant d’un trait la question husserlienne ouverte dela chair (Leib, la chair vivante) et de l’incarnation. Autant comme méthode elle présente une

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approche des strates et mises en modes du phénomène, autant elle peut devenir, en n’interrogeantplus la chair, un simple mode de défense contre sa propre question. Les psychanalystes dirontqu’un certain usage de la phénoménologie résiste ; les philosophes plus radicalement sans doute,diront qu’elle se fonde sur l’oubli de ce dont elle prétendait pourtant faire problème, à savoir l’êtrelui-même.

Et cette utilisation plus que cavalière de la pensée de Husserl doit nous mettre sur la voied’un choix de Lantéri-Laura fait au commencement, d’une ambiguïté philosophique que rien neviendra combler au fil de ses réflexions sur l’histoire de la psychiatrie.

2. Paradigme, Modèle, Structure. . . unité ?

L’histoire de la psychiatrie proposée par Lantéri-Laura prend pour thème et fil conducteurla notion de paradigme de la folie et son évolution conceptuelle. Les deux ouvrages de 1991et 1998 : Psychiatrie et connaissance – Essai sur les fondements de la pathologie mentale de1991 [4] et l’Essai sur les paradigmes de la psychiatrie moderne de 1998 [5] ont conduit dansce sens à des débats stimulants, incontestablement féconds pour les temps actuels ([6] p. 130–4).L’auteur rapportait l’évolution de la psychiatrie à une histoire de ses « crises » paradigmatiques :de l’aliénation mentale unitaire de Pinel à la diversité des « maladies mentales » de Jean-PierreFalret, avant que n’émerge la notion contemporaine de « structures psychopathologiques ». Unquatrième moment implicite, à venir, répond à la préoccupation du disciple de Ey de sanctionnerle désastre des idéaux et les désillusions modernes de la « structure » – le thème en parcourt sonœuvre pour dire à quel point aujourd’hui la psychiatrie est en crise et nous oblige à repenser lefondement philosophique dont elle est issue : à savoir une phénoménologie du corps un peu viteassimilée à la théorie de la forme.

Au moment où commence l’étude de Lantéri-Laura, la notion de paradigme n’a pas d’autredétermination de départ que d’être déjà passé, de son usage linguistique, dans l’épistémologieanglo-saxonne dont il se réclame chez Thomas Kuhn. Le paradigme est un ensemble de convic-tions partagées par le groupe scientifique considéré à un moment donné de l’histoire. Pas unedoctrine dominante, mais « ce que partagent les membres d’une communauté scientifique et euxseuls. Inversement, c’est cette possession d’un paradigme commun qui constitue en communautéscientifique un groupe d’hommes par ailleurs disparates », ([7], p. 393).

D’un « ensemble morphosyntaxique dont les termes peuvent être substitués l’un à l’autre »,la notion de paradigme s’étend, hors dictionnaire, à une « modélisation qualitative des élémentsd’une ou plusieurs doctrines ». Elle désigne alors une vision du monde ou, si l’on peut dire,une réflexion sur les dogmes alternatifs. La démarche de l’épistémologue consiste à laisser jouerle décalage entre ces deux acceptions pour introduire, dans le mouvement de constitution dessciences, une analyse lexicale, rhétorique, une analyse de la psychiatrie comme discours.

Au moment où commence l’étude, donc, les deux démarches – linguistique et science del’observation – sont donc supposées conciliées selon une logique de l’invariant, de ce qui unifieau-delà de l’opposition et du conflit. Les premières critiques commencent. Car allons expliquer àun linguiste cet énoncé dépourvu de sens, que « le paradigme n’est pas en contradiction synchro-nique, ni diachronique avec d’autres paradigmes ». La démarche linguistique au contraire n’a desens que s’il ne peut exister qu’une seule déclinaison à la fois. Or les lecteurs ont parfaitementremarqué que le premier paradigme d’aliénation subsistait jusque dans le troisième ; que quand laseconde « crise » fait passer au paradigme des « structures », non seulement le premier garde uneexistence en arrière-plan (l’aliénation), mais parfois aussi le deuxième (les maladies mentales).Que la psychanalyse entrerait de droit dans le troisième, alors qu’elle provient historiquement du

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deuxième. Nous redoublons cette question : comment la spécificité psychiatrique peut-elle passer,c’est-à-dire se supprimer et se conserver, d’un paradigme à l’autre ?

3. Paradigme et Épistémè

Par construction, la fonction du paradigme est de distinguer les éléments rapportés à la psy-chiatrie, de ce qui se présenterait comme son unité de production conceptuelle, émargeant ensuitevers sa périphérie à partir de son élément propre. Lantéri a pu présenter cette « élucidation presquekantienne sur ce qui fonde ou ne fonde pas les connaissances en jeu dans la psychiatrie » ([4],p. 7) comme la recherche du lieu d’énonciation d’un discours psychiatrique pur a priori, sa chosemême.

La valeur du paradigme en revanche glisse sur une opération toujours dissimulée, qui est laréférence à une instance tierce, une objectivité tout à fait extérieure à la construction du conceptet qui suppose a priori le principe de validité de la syntaxe. Il ne s’agit pas seulement de direque les propositions « l’objet de la psychiatrie est l’aliénation mentale unique », « . . .les maladiesmentales diverses » ou « . . .les structures mentales globales » ont une syntaxe comparable. C’estun certain glissement sémantique qui a tendance à référer à la validité formelle de l’énoncé tousles éléments qui se déclinent sur l’axe paradigmatique. Au lieu que l’hypothèse d’une mise enparadigme soit donc réellement construite et abordée de front, la question se déporte sous le regardd’une objectivité tierce en fonction de laquelle une interprétation de l’histoire de la psychiatriedevienne possible.

La thèse de l’auteur, pour être strict, n’est donc pas qu’il y a trois paradigmes, mais troisflexions historiques qui se déclinent sur un axe paradigmatique. Et l’essentiel de la question estque la psychiatrie soit ou puisse essentiellement être cette mise en paradigme. De cette facon,nous ne savons plus quand Lantéri-Laura adopte le point de vue intrinsèque de ce qui émergedepuis le discours psychiatrique, et quand il réfère cette production à un concept d’objectivitétoujours extérieur, qui recolle dans une même opération la recherche de vérité philosophique surle principe de la validité syntaxique.

Ce mélange des plans – disons : ce refus de thématiser la différence de niveaux comme le travaild’une discordance entraîne une certaine confusion entre la conscience de soi des générations dansson mouvement d’autoapparition et d’autodiction, d’une part, et le non-savoir de son destin, prisdans une chaîne où il ne sait quel destinataire il est pour la tradition, ni à quelle postérité ils’adresse. Il y a une conscience de soi historique, mais son historialité demeure, à proprementparler, inconsciente. Pourtant Lantéri-Laura relevait avec beaucoup de finesse la rhétorique dela conscience de soi chez Pinel, fondant à partir de rien d’autre que soi, sur l’oubli délibéréde ses sources, le sujet de la modernité s’instaurant de se présupposer [8]. À sa suite, rappellePatrice Belzaux, « Jean-Pierre Falret est tout à fait conscient de sa rupture à l’égard de l’aliénationmentale, Bleuler rompt ouvertement avec la conception kraepelinienne, Ey s’engage résolumentdans la lutte contre les constitutions et contre le morcellement clinique du mécanicisme » [9], etla révolution neuroleptique se sait elle-même, en même temps, une révolution dans l’ordre duconcept.

S’il convient d’être souple, annoncait l’auteur, « c’est probablement qu’un paradigme, en psy-chiatrie, pose une question fondamentale qu’il ne sait pas résoudre lui-même et qu’il tente plustard, à sa facon larvée, d’indiquer au second, voire au troisième, comme une aporie persistante »([5], p. 44). Mais cette conception me semble rejoindre le leurre dénoncé par Canguilhem à unniveau supérieur. La pensée paradigmatique se donne à la fois comme catégorie épistémique, hori-zon qui rassemble les antinomies, et comme concept épistémologique justifiant toute la démarche.

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Cette « souplesse » du paradigme à jouer sur les deux registres est certes justifiée par la circularitéaffirmée de la démarche phénoménologique, elle n’en est pas moins, en même temps, sa faiblesseconceptuelle. Pour cela, il suffira de montrer que ce cercle n’est pas sans reste et laisse plutôtapparaître un point qui aurait dû servir à élaborer une autre histoire de la psychiatrie.

La proposition de Patrice Belzeaux [9] en ce sens est très suggestive : « . . .il eût fallu aban-donner la lecture phénoménologique des auteurs et dégager un insu des auteurs pour pouvoirfaire tenir en raison la conception du paradigme que l’on habite comme “représentation sanscontenu discernable” et admettre une part d’interprétation, d’au-delà du texte même, à mettreen rapport avec d’autres textes de l’époque dans des registres peut-être éloignés, formant ce queM. Foucault a développé en 1963 sous le nom d’archéologie du regard médical dans sa Naissancede la clinique ».

Élève aussi de Canguilhem, Michel Foucault s’est proposé de prendre le discontinu, le multipleet la dispersion au sérieux en faisant subir à l’histoire du savoir une mutation dans ses méthodeset ses perspectives. La critique du savoir psychiatrique n’est pas la recherche de quelque lieuoriginaire où viendrait s’enraciner une tradition continue, mais « une analyse comparative quin’est pas destinée à réduire la diversité des discours et à dessiner l’unité qui doit la totaliser,mais qui est destinée à répartir leur diversité dans des figures différentes » [10]. Alors que chezLantéri-Laura la diversité du multiple passait au deuxième plan, derrière l’unité scientifique duparadigme, passent au premier les concepts qui permettent de penser la discontinuité (seuil,rupture, coupure, mutation) de formations discursives irréductibles les unes aux autres. Foucaultles nomme épistémè. Espace de dispersion, lignes de rupture d’un plan d’immanence forméentre les multiples discours d’une époque : « par épistémè, on entend, en fait, l’ensemble desrelations pouvant unir, à une époque donnée, les pratiques discursives qui donnent lieu à desfigures épistémologiques, à des sciences, éventuellement à des systèmes formalisés ».

Ce n’est pas le lieu de faire la critique de cette pensée qui tend à dissoudre la notion de faitclinique. Remarquons seulement que cette archéologie du savoir tient au refus, à tout moment,de postuler un champ disciplinaire unifié. Lantéri-Laura serait ici en contradiction totale avecMichel Foucault. Cette contradiction, soutenue en silence et quasiment forclose dans son œuvre,ouvre pourtant un écart utile pour notre recherche. Présupposition de l’un pour Lantéri, refusselon Foucault : quoi entre ?

4. Une autre histoire de la psychiatrie (1) : la dialectique du signe

Si l’on parcourt avec Patrice Belzeaux [9] l’histoire tracée par Lantéri-Laura, peut-être pourra-t-on proposer que son fil directeur n’est possible qu’à partir d’une autre idée du signe que cellepromue et affichée par la psychiatrie traditionnelle. Cette autre idée du signe est à la fois laisséeen marge de la sémiologie médicale, et entièrement produite par elle. Selon le paradigme del’aliénation mentale, le programme était explicitement de rassembler l’essence de l’objet psy-chiatrique, l’élever à la dignité d’un concept, et d’initier une tradition scientifique de l’aliénationmentale. Avec Pinel, il fallait :

« . . .s’en tenir strictement à l’observation des faits, et s’élever à une histoire générale etbien caractérisée de l’aliénation mentale, ce qui ne peut résulter que du rapprochement d’ungrand nombre d’observations particulières, tracées avec grand soin durant le cours et lesdiverses périodes de la maladie, depuis son début jusqu’à sa terminaison » ([11], p. 86).

Lantéri-Laura montrait que la production du savoir et la spécificité de l’institution répondent àla même nécessité et d’autre part, que les différentes formes de l’aliénation « sont des apparences

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qui manifestent diversement cette aliénation mentale et dont il faut identifier les variétés. . . » ([5],p. 63). Dans la démarche médicophilosophique, le regroupement de signes identifie une variétéreconnaissable d’aliénation unique, ce qui interdit stricto sensu de parler de nosographie. Cetteidentité de la nosologie et de la nosographie dans l’unité indivise du concept de folie ou de la foliecomme concept, interdit le minimum de jeu pour la constitution de la sémiologie puisqu’« un signepour exister comme signe doit s’opposer à un autre signe et renvoyer à des entités distinctes ».

Avec la première distinction esquirolienne entre hallucinations et illusions, l’unité del’aliénation peut naître à la première ébauche d’une sémiologie. Ce qui fonde le paradigme del’aliénation mentale est le rapport des apparences diverses de l’observation à une entité unique :il faut donc étudier les apparences et les décrire pour bien connaître leur variété d’expression.L’apparence vaut pour elle-même et n’est pas trompeuse.

Avec Jean-Pierre Falret, le signe est ce qui se différencie d’un autre, d’abord parce qu’il ren-voie expressément à des entités distinctes et autonomes ; ils forment entre eux des « ensemblescomplexes » et caractérisent les évolutions de telle ou telle affection, loin des théories géné-rales, tirant un pont entre l’esprit de Sydenham et l’objectivisme de l’École de Paris. Dansune telle approche, l’apparence est maintenant considérée comme trompeuse, il faut rechercherobjectivement les signes et ne pas se contenter d’être le sténographe des malades.

De Kraepelin à Bleuler, le rapport du signe à l’apparence change à nouveau de sol conceptuel.Le discours clinique mêle à la recherche des signes des considérations pathogéniques qui vontles déterminer en retour. Ici « la clinique, s’inspire de conceptions non cliniques, dont elle dérivepour la plus grande partie » ([5], p. 138). Le ton devient celui d’une psychopathologie générale,sillage philosophique des grandes synthèses cliniques. L’attitude envers le malade s’approche auplus près de ce qu’il est supposé vivre, de ce qui peut se passer en son for intérieur même s’iln’en a pas conscience. L’apparence, à nouveau mais différemment, n’est plus trompeuse ; elleredevient une forme d’expression d’un processus occulte qui peut bien être unitaire signalée parles symptômes primaires (Bleuler) ou négatifs (Ey), dont il faut avoir une représentation articulée,tout en reconnaissant l’expression de la subjectivité du patient à travers les symptômes positifs(Ey) ou secondaires (Bleuler). Chez Freud typiquement, « le registre de la sémiotique et celui dela pathogénie sont liés et fonctionnent corrélativement » ([4], p. 98–9) le symptôme parle de sacause même.

Avec le DSM, les signes ne renvoient plus qu’à eux-mêmes pris comme ensemble et la démarchequalifiée d’athéorique se veut résolument empirique. Exeunt psychopathologie, métapsychologieet autre construction théorique ou hypothèses étiopathogéniques. Les regroupements de signessont syndromiques et les entités sont qualifiées de « trouble ». Les définitions effacent l’histoire dela constitution du signe et le rapport qu’il a entretenu avec les conceptions globales ou particulièresde l’époque de sa distinction. Comme le rappelle Belzeaux, Lantéri-Laura lui-même écrivait qu’« ilne s’agit plus de reporter le domaine des apparences cliniques à un autre domaine, celui desprocessus, mais de s’en tenir au registre pur et exclusif de l’immanence, se suffisant à elle-mêmeet constituant sa propre épaisseur, se suffisant à elle-même et constituant sa propre épaisseur,comme une feuille parfaitement transparente et dépourvue de la moindre hauteur, rigoureusementplate et sans rien au dessous d’elle » ([5], p. 219).

5. Une autre histoire de la psychiatrie (2) : la négativité

De cette dialectique du signe, la conclusion n’a pas toujours été tirée. Elle est pourtant évidente :le « signe » de la sémiologie n’est que la marque apposée par la préstructuration du regard dansla chose vue, son moment négatif à l’œil nu. La question du « passage d’un paradigme à l’autre »

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ne s’entend que comme le moment cinétique de ce passage-là où le cillement du signe apparaîtpour ce qu’il est : l’apparition disparaissante d’une chute, d’un clin de la théorie dans son objet.Ce qui me paraît en même temps une approche spéculative de la notion de clinique. Une autrehistoire de la psychiatrie peut ainsi prendre la signification d’un dépassement de la dialectique dusigne à partir de ce point de recoupe, pli topologique d’une pensée impliquée dans son thème.

Chez Pinel, le point d’insertion de la méthode dans son objet devient lisible dans la catégorienosographique de la mélancolie. Elle rassemble par le manque la classification des maladies etla subjectivité du patient. Comme plus haut point de la méthode philosophique et premier objetde son propre classement, elle est ambiguë, surdéterminée, cellule conceptuelle redoublée dansla manie sans délire. Elle indique un point spéculatif où l’auteur encrypte sa propre rationalité,élucide ses propres concepts, parle de sa position épistémologique, qui est immédiatement uneposture à l’endroit du malade. Une certaine fonction de la mélancolie dans la logique pinéliennedoit se révéler après coup pour être d’abord et avant tout accès et lien entre le praticien et sonmalade, et leur confiance mutuelle trouvera sa source à cette commune notion de manque.

Avec Lasègue et Jean-Pierre Falret, le point d’insertion de la méthode prend pour objet le« fond maladif » du patient. La deuxième génération d’aliénistes ouvre une méditation phénomé-nologique sur le corps et la force spéculative de Falret consiste à montrer que ce « fond » à la foisappartient et n’appartient pas au champ médical. Il rassemble dans une même question concep-tuelle le fondement de la médecine et l’essence du sujet, il est essentiellement ce qui est sur le pointd’apparaître dans un cadre disciplinaire, de livrer l’objet propre de la discipline médicale ou de semanifester en symptôme. Par une éducation du regard, le psychiatre écarte et traverse les discoursmédicaux spécialisés pour mieux viser en propre l’essence du médical. Loin de disqualifier lesdiscours régionaux : anatomie, étiologie, psychologie, statistique, elle les laisse aller hors d’elleet pose la question de leur fondement à même le corps, le fond du malade pleinement explicitécomme sujet-substance. Avec l’article de 1852 sur le Délire de Persécution, la notion « d’époquede floraison » vient nommer l’ambiguïté de ce fond méthodique, Lasègue demandant s’il relèved’une antériorité logique ou chronologique, s’il survit comme fond à son moment d’apparition,ou disparaît en elle.

De Morel à Magnan, le geste psychiatrique consiste à travailler cette opposition entre fond etdéveloppement, discours fondamental et science régionale, à partir de leur différence – c’est-à-direaussi de leur contiguïté. Le fond pathologique du patient et le fond disciplinaire de la psychiatriesont rassemblés dans un même concept comme partie intégrante et concrète d’une base plus largecomprise dans la notion d’évolution. Par ce moyen, la notion de chronicité résout et prend sur ellela contradiction précédente, puisqu’elle ne sépare plus l’historicité du symptôme de l’histoire de lamaladie, ni le progrès psychiatrique du progrès médical. Le fond maladif et l’unité négative de lapsychiatrie se regardaient comme une cellule conceptuelle redoublée dans deux séries disjointes,clinique et épistémologique. Avec leur définition commune comme foncièrement évolutive, c’està présent la notion de temporalité qui se dédouble. La promotion de l’étiologie au rang de méthodenosographique (Morel), la stabilité des folies raisonnantes (Falret fils) et les débats sur l’évolutiondes délires chroniques (Magnan), attestent que le corps du patient est à présent pris dans deuxperspectives temporelles, l’une ponctuelle et singulière, l’autre universelle et durative.

Dans l’entre-deux-guerres, les « tendances les plus jeunes de la psychiatrie francaise » prennentpour objet de spéculation les concepts opératoires mêmes de la pensée psychiatrique, c’est-à-direles relations de compréhension qui donnent accès au patient, à commencer par les concepts destructure, constitution, unité. L’automatisme mental de Clérambault apparaît comme le dernier« concept » en date de la pensée psychiatrique et ne laisse au xxe siècle que de s’inscrire pourou contre sa portée épistémique. Il représente une pensée du sujet ET une pensée de la pensée.

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Pour cette raison nous le voyons émerger à la fois comme objet clinique empreint de classicisme,et comme concept épistémologique fort dont s’emparent Ey et Lacan, pour le discuter sur unmode qui n’a plus besoin d’être appelé philosophique ou médical, puisqu’il est explicitementdialectique. La pensée spéculative psychiatrique prend pour objet d’étude et de présentation sapropre dialectique conceptuelle. C’est l’intériorisation du temps vécu du patient dans une approcheà la fois dialectique et phénoménologique. Mais les deux acceptions vont entrer en opposition,pour ce que l’une présente de critique dynamique, et l’autre de fondation du regard.

À partir des années 1950, l’essentiel est sans doute ce basculement qui s’opère de part et d’autrede la « révolution » du Largactil, dans l’enrôlement d’un discours phénoménologique ouvrant unenouvelle conception de la vérité du patient en psychiatrie. Deniker est sollicité sur la question dela relation de compréhension et de concept opératoire de la psychiatrie et répond sur le terrain del’intentionnalisation du corps et l’ubiquité d’action symptomatique du neuroleptique. Le conceptde neuroleptique dépasse de beaucoup ce qu’il est comme objet thérapeutique, pour signifier auxpenseurs le retour de la négativité dans la recherche et ici nous avons une représentation sensiblede ce qu’il faut entendre par négativité, comme cet objet à la fois opérant et inconnu, central etnon thématisé dans le discours, qui traverse et réorganise autour de lui le champ du savoir.

De la « non-existence du paradigme »

« Il resterait à savoir si Georges Lantéri-Laura s’est éloigné de la phénoménologie aussi,comme de la Ganzheittheorie, s’il s’est départi aussi, de gaîté de cœur, de l’attitude phé-noménologique à laquelle son nom reste attaché. Comment prendre pour objet un Sujet ?Mais alors pourquoi la Psychanalyse ne fait-elle pas l’affaire. . . depuis un siècle ? À moinsque ca ne soit elle le “quatrième paradigme”. . . Et qu’elle n’ait donc rien à voir avec lesStructures ?. . . Ca ne m’étonnerait pas. . . » [12].

Cette contre-proposition de Robert-Michel Palem vient ironiquement réactiver la teneur etl’origine philosophiques du débat : que la psychanalyse n’ait rien à voir avec les « structures », etqu’elle puisse être le quatrième paradigme demandé par l’historien, sont des aiguillons utiles pourla pensée. D’abord, ils remettent en question les notions de structure et de structuralisme. Au sensde Lantéri-Laura, la structure était toujours qualifiée de psychopathologique et désignait le moded’organisation du patient considéré sous un certain angle par le regard médical. Elle était prisestrictement au sens de la phénoménologie descriptive, comme une modalité de rencontre entre uncertain regard et un certain phénomène. Si l’ère des « grandes structures psychopathologiques »semblait porter le sens de la clinique du début xxe siècle, c’est parce qu’elle était en mêmetemps l’intégralité du geste phénoménologique (Jaspers), de comprendre sa propre compréhensioncomme un mode, une apparition modalisée des phénomènes cliniques. Mais de la structurationdu phénomène par le regard médical, il n’était pas question.

« Structure » était pris au sens des années 1930, où par exemple Lacan l’employait dans lespremiers articles, comme une intentionnalité pure et neutre a priori, zone d’équilibre et de passageentre conceptualisation et observation. Mais au sens où l’emploie Robert-Michel Palem, il y aaujourd’hui quelque contresens à présenter la psychanalyse comme une, sinon la représentantedu troisième paradigme. De fait il est très observable lorsque Lacan rompt avec le structuralismeque la psychanalyse survit bien au-delà de la pensée des structures psychopathologiques. C’estprobablement aussi tout le sens du retour à Freud que Lacan n’ait pas de métapsychologie propre,mais réinterroge, dans le vocabulaire du « pas en arrière » ou du « retour », la conception mêmede métapsychologie.

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Que la psychanalyse puisse seulement prétendre au « quatrième paradigme » démontre, enle prolongeant à l’absurde, quel renversement peut subir la pensée de Lantéri-Laura. Car nonseulement la psychanalyse désature ou décomplète la notion de paradigme, mais de plus elle seconstruit sur de la logique circulaire pour faire jouer, sous le dispositif psychiatrique, la questionjamais résorbée de la négativité du désir, et d’un Sujet qui ne soit retranché du discours médical.S’il y a une histoire de la psychiatrie, elle ne peut s’ouvrir que par la désobstruction de la notionde paradigme. On ne peut certes pas se passer, en première approche, de lectures dialectiquesde l’histoire du signe dans la sémiologie psychiatrique (telles que les ont proposées Wallon, Eyet Lantéri-Laura). Mais la psychanalyse comme entreprise de « sortie de la dialectique » peutinterpréter cet ordre de présentation comme la tentative de récupérer ses propres effets de perte[13]. Comme le sujet vient « décompléter le champ de l’Autre », la psychanalyse vient sans douteaussi « désuturer » la pensée par paradigme.

La thèse de Paul Bercherie annoncait que « La mutation conceptuelle qui prépare l’étapesuivante est encore en cours et elle est suffisamment profonde et fondamentale pour demanderune longue gestation. Il n’est pas difficile au reste de savoir de quel côté il faut l’attendre : depuistrois quart de siècles, le développement du mouvement psychanalytique en accumule en désordreles matériaux » ([14], p. 17). Thèse à front renversé des prophéties sur sa disparition pure etsimple et son exclusion du champ de la médecine : au lieu que la psychanalyse soit le domaine oùa cessé de se jouer la vérité de la médecine, c’est elle qui peut ré-érotiser la psychiatrie en prenantla mesure du non-sens, de l’angoisse de morcellement, de l’étouffement que cette dernière estdevenue pour elle-même.

Sous les dehors d’une simple dénomination, la notion de « paradigme » renferme toute unedoctrine. Cette notion, qui cherche à ordonner les modèles psychiatriques selon une perspectivehistorique, est en définitive tissée de ces questions :

• la possibilité de ramener à l’unité le sens d’une époque scientifique ;• savoir s’il faut l’entendre comme un horizon d’intelligibilité qui rende lisibles les divers débats

d’une époque, donc un statut transcendantal, ou – ce que j’ai avancé – comme le point de butéed’une intentionnalité, une limite ultime à leur interprétation.

Donc un point de renversement qui renverrait plutôt à une ineffacable empreinte du sujetempirique dans son discours.

De ce point de vue, la question laissée par Lantéri-Laura n’est peut-être pas tant celle d’unparadigme à venir, que celle d’un certain usage de la phénoménologie où la démarche semblepouvoir se développer en un mode de défense contre l’inconscient, où les temps actuels de lapsychiatrie semblent se retourner contre le psychisme, dont elle tirait pourtant son origine, et sonproblème.

Références

[1] Canguilhem G. Études d’histoire et de philosophie des sciences. Paris: Vrin; 1989.[2] Lantéri-Laura G. La psychiatrie phénoménologique, fondements philosophiques. Paris: PUF; 1963.[3] Lantéri-Laura G. Structures subjectives du champ transcendantal. Paris: PUF, coll. « Épiméthée »; 1968.[4] Lantéri-Laura G. Psychiatrie et connaissance, essai sur les fondements de la pathologie mentale. Paris: Sciences en

situation; 1991.[5] Lantéri-Laura G. Essai sur les paradigmes de la psychiatrie moderne. Paris: éd. du Temps; 1998.[6] Haustgen T. Retour à la clinique. Georges Lantéri-Laura clinicien. Evol Psychiatr 2007;72:125–41.[7] Kuhn T. La tension essentielle. Paris: Gallimard; 1990.

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[8] Lantéri-Laura G. La constitution civile du cerveau. Rev Int Hist Psychiatr 1983;1:23–45.[9] Belzeaux P. Le lieu et l’objet de l’histoire : l’insu des paradigmes en psychiatrie. Cahiers Henri Ey 2000;1:27–41.

[10] Chebili S. La philosophie dans l’essai de Georges Lantéri-Laura. Cahiers Henri Ey 2000;1:51–67.[11] Pinel P. Traité médico-philosophique. [2e éd. 1809] Paris: Seuil : Les empêcheurs de penser en rond; 2005.[12] Palem RM. L’histoire de la psychiatrie selon Georges Lanteri-Laura et quelques autres (H. Ey, H. Bernard. . .). Cahiers

Henri Ey 2000;1:69–80.[13] Lacan J. Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, lecon du 2 décembre 1964. Paris: ALI; 2000.[14] Bercherie P. Histoire et structure du savoir psychiatrique. Paris: Harmattan; 2004.