3
© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 112-114 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com COMMENT RÉDUIRE LA MORTALITÉ DU CANCER DU POUMON ? La lutte contre le tabagisme Stop smoking program Article rédigé par A. Boucly*, d’après la communication de B. Dautzenberg (Paris) 1 1 Service de Pneumologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 47-83 boulevard de l’Hôpial, 75013 Paris ; Université Pierre et Marie Curie Résumé La lutte contre le tabagisme permet de réduire la mortalité du cancer du poumon. Même après diagnostic d’un cancer bronchique le sevrage tabagique a des effets bénéÀques en diminuant le nombre de complications secondaires au traitement. © 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract The campaign against smoking reduces lung cancer mortality. Even after a diagnosis of bronchial cancer, smoking cessation resulted in a decrease in mortality and reduced treatment complications. © 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Athénaïs Boucly). MOTS CLÉS Sevrage tabagique Cancer du poumon Mortalité KEYWORDS Smoking cessation Lung cancer Mortality Introduction Quatre-vingt-dix pour cent des cancers du poumon sont liés au tabac. La lutte contre le tabagisme est un objectif majeur du 3 e plan cancer qui commence en 2014. Objectifs La lutte contre le tabagisme permet de : réduire le nombre de cancer du poumon ; réduire les complications des traitements ; augmenter l’efÀcacité des traitements ; augmenter le taux de guérison ; diminuer le risque de deuxième cancer ; augmenter la qualité de vie des cancéreux ; diminuer le taux de mortalité Réduire la toxicité du tabac est une démarche vaine Il est rappelé que, contrairement aux recommandations de l’HAS de 2013, le développement de nouvelles formes de tabac est à éviter.

La lutte contre le tabagisme

  • Upload
    b

  • View
    219

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La lutte contre le tabagisme

© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 112-114

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

COMMENT RÉDUIRE LA MORTALITÉ DU CANCER DU POUMON ?

La lutte contre le tabagismeStop smoking program

Article rédigé par A. Boucly*, d’après la communication de B. Dautzenberg (Paris)1

1Service de Pneumologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, 47-83 boulevard de l’Hôpial, 75013 Paris ; Université Pierre et Marie Curie

RésuméLa lutte contre le tabagisme permet de réduire la mortalité du cancer du poumon. Même après diagnostic d’un cancer bronchique le sevrage tabagique a des effets béné ques en diminuant le nombre de complications secondaires au traitement.© 2014 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

AbstractThe campaign against smoking reduces lung cancer mortality. Even after a diagnosis of bronchial cancer, smoking cessation resulted in a decrease in mortality and reduced treatment complications.© 2014 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

*Auteur correspondant. Adresse e- mail : [email protected] (Athénaïs Boucly).

MOTS CLÉS Sevrage tabagiqueCancer du poumonMortalité

KEYWORDS Smoking cessationLung cancerMortality

Introduction

Quatre-vingt-dix pour cent des cancers du poumon sont liés au tabac. La lutte contre le tabagisme est un objectif majeur du 3e plan cancer qui commence en 2014.

Objectifs

La lutte contre le tabagisme permet de :• réduire le nombre de cancer du poumon ;• réduire les complications des traitements ;• augmenter l’ef cacité des traitements ;

• augmenter le taux de guérison ;• diminuer le risque de deuxième cancer ;• augmenter la qualité de vie des cancéreux ;• diminuer le taux de mortalité

Réduire la toxicité du tabac est une démarche vaine

Il est rappelé que, contrairement aux recommandations de l’HAS de 2013, le développement de nouvelles formes de tabac est à éviter.

Page 2: La lutte contre le tabagisme

La lutte contre le tabagisme 113

Chimiothérapie

L’efficacité de la chimiothérapie est moindre chez les fumeurs : le risque relatif de non réponse à une chimiothé-rapie à base de sels de platine est de 10,42 % [6].

Le statut tabagique et l’arrêt du tabac sont deux des 4 seuls facteurs pronostiques de survie des cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques en 3e ligne [7].

Survie

En cas de cancer bronchique à petites à cellules localisé, la poursuite du tabagisme augmente signi cativement la mortalité : hazard ratio 1,86. En cas de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), la poursuite du tabagisme expose à une surmortalité (HR 2,94), à un risque de récidive (HR 1,86) et à la survenue d’un 2e cancer (HR 2,29) [8].

Thérapies ciblées

Il y a plus de mutations EGFR chez les non-fumeurs que chez les fumeurs. Le taux est intermédiaire chez les ex fumeurs. Inversement il y a plus de mutation KRAS en cas de tabagisme (Fig. 2) [9]. Dans la même étude, Varghese a montré que la survie est meilleure chez les non-fumeurs ou en cas de tabagisme <15PA.

Qualité de vie

Le sevrage tabagique permet d’améliorer la qualité de vie en diminuant la fatigue, la toux et la dyspnée [10].

Le tabagisme est la première cause évitable du cancer. L’arrêt du tabac est un des traitements du cancer du poumon qui change le pronostic.

Réduction de la mortalité

Pirie et Peto ont montré que la réduction du tabagisme permet de réduire de nombreux cancers [1]. En reprenant 6 cohortes américaines on observe qu’il y a 40 000 décès liés au cancer entre 1975 et 2000 (120 000 décès sans contrôle du tabac versus 80 000 avec un bon contrôle du tabac).

Lorsque l’on s’intéresse à la mortalité du cancer du pou-mon en France chez les hommes et les femmes on remarque que la mortalité diminue chez les hommes alors qu’elle augmente chez les femmes parallèlement à l’augmentation de la consommation du tabac chez les femmes.

Il existe un béné ce de l’arrêt selon l’âge de sevrage : en cas de sevrage avant 25 ans l’espérance de vie est de 98 % de celle d’un non-fumeur alors qu’elle n’est plus de 79 % en cas de sevrage à 50 ans.

Après le diagnostic de cancer du poumon

Selon Parsons, 40-60 % des fumeurs continuent de fumer après le diagnostic de cancer bronchique [2]. 39 % des patients fument au moment du diagnostic, et 5 mois après 14 % de fument toujours.

Impact du dépistage organisé

Certaines études ont montré qu’il y a moins d’arrêt du tabac en cas de dépistage par un scanner thoracique. Dans l’étude NELSON portant sur 15822 patients il y a 13 % de sevrage à 2 ans dans le groupe scanner versus 15 % dans le groupe contrôle. En cas de scanner thoracique normal ou indéterminé le taux de sevrage est encore plus faible (8,90 % en cas de scanner normal et 11 % en cas de scanner indéterminé) [3].

Ainsi tout programme de dépistage doit intégrer un volant arrêt du tabac.

Le tabagisme détériore l’ef cacité des traitements du cancer du poumon et augmente les effets secondaires

Chirurgie

Après une chirurgie thoracique pour un cancer bronchopul-monaire la mortalité hospitalière est de 1,40 % en cas de tabagisme actifs versus 0,39 % en cas de sevrage. De même on observe plus de complications respiratoires en cas de tabagisme actif (6,20 % versus 2,50 %) [4].

Radiothérapie

Le contrôle local et locorégional est meilleur chez les non-fumeurs ou en cas de tabagisme sevré (90 % versus 70 % en cas de tabagisme actif pour le contrôle local) (Fig. 1) [5].

Pro

babi

lity

of lo

cal c

ontr

ol

Complete CensoredNon-smokers

Smokers

1,0

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,00 12 24 36 48 60

Time (months)

72 84 96 108 120 132 144

49103

2783

2059

1540

1030

720

617

54

34

13

01

00

00

SmokersNon-smokers

p = 0,001

At risk

Figure 1. Contrôle local d’un cancer bronchopulmonaire sous radiothérapie, d’après [5].

Page 3: La lutte contre le tabagisme

114 B. Dautzenberg

[2] Parsons A, Daley A, Begh R, Aveyard P. In uence of smoking cessation after diagnosis of early stage lung cancer on progno-sis: systematic review of observational studies with meta-ana-lysis. BMJ 2010;340: b5569.

[3] Characteristics of lung cancers detected by computer tomogra-phy screening in the randomized NELSON trial. AJRCCM 2013

[4] Mason DP, Subramanian S, Nowicki ER, Grab JD, Murthy SC, Rice TW, Blackstone EH. Impact of smoking cessation before resec-tion of lung cancer: a Society of Thoracic Surgeons General Tho-racic Surgery Database study. Ann Thorac Surg 2009;88:362-70.

[5] Nguyen SK, Masson-Côté L, Fortin A, Dagnault A. In uence of smoking status on treatment outcomes after post-operative radiation therapy for non-small-cell lung cancer. Radiother Oncol 2010;96:89-93.

[6] Duarte RL, Luiz RR, Paschoal ME. The cigarette burden (mea-sured by the number of pack-years smoked) negatively impacts the response rate to platinum-based chemotherapy in lung can-cer patients, Lung Cancer 2008;61:244-54.

[7] Reinmuth N, Payer N, Muley T, Hoffmann H, Herth FJ, Villa-lobos M, Thomas M. Treatment and outcome of patients with metastatic NSCLC: a retrospective institution analysis of 493 patients. Repir Res 2013;14:139.

[8] Parsons A, Daley A, Begh R, Aveyard P. In uence of smoking cessation after diagnosis of early stage lung cancer on progno-sis: systematic review of observational studies with meta-ana-lysis. BMJ 2010;340:b5569.

[9] Varghese AM, Sima CS, Chaft JE, Johnson ML, Riely GJ, Lada-nyi M, Kris MG. Lungs don’t forget: Comparison of the KRAS and EGFR mutation pro le and survival of collegiate smokers and never smokers with advanced lung cancers, J Thorac Oncol 2013;8:123-5.

[10] Andreas S, Rittmeyer A, Hinterthaner M, Huber RM. Smo-king cessation in lung cancer-achievable and effective. Dtsch Arztebl Int 2013;110:719-24.

Conclusion

Le tabagisme augmente le taux de cancer du poumon et la moitié des fumeurs continuent à fumer après le diagnostic.

Le tabagisme a un effet délétère sur la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et les thérapies ciblées. Elle diminue la réponse au traitement, augmente le taux de deuxième cancer et diminue la survie globale et la qualité de vie.

La prise en charge du tabagique doit être partie inté-grante de la prise en charge du cancer du poumon, de la prévention du dépistage, du traitement curatif, du traite-ment symptomatique.

Liens d’intérêts

B. Dautzenberg : Aucun lien avec l’industrie du tabac. Contacts épisodiques avec les industriels de l’E.cigarettes au siège de l’INC. Liens d’intérêts sans aucune rémunération personnelle avec tous les laboratoires faisant des produits d’aide à l’arrêt du tabac.

A. Boucly : aucun.

Références[1] Pirie K, Peto G, Reeves GK, Green J, Beral V; Million Women

Study Collaborators. The 21st century hazards of smoking and bene ts of stopping: a prospective study of one million women in the UK. Lancet 2013;381:133-41.

Formes smokers : ≥ 15 pack years

Formes smokers : 5 to 5 pack years

“Collegiate smokers” :101 lifetime cigarettes

to 5 pack yearsNever smokers

49 %(124)

56 %(34)

13 %(8)

31 %(19)

27 %(15)

15 %(8)

4 %(13)

49 %(149)

58 %(32)

47 %(145)

40 %(100)

11 %(27)

P < 0,001 P < 0,001

P = 0,9

KRAS Mutant EGFR Mutant EGFR WT / KRAS WT

Figure 2. Répartition des mutations EGFR et KRAS selon le statut tabagique, d’après [10].