2
M. Mammeri est-il réellement mort par accident de la route ? Par : D.Messaoudi Dans son édition du lundi 27 février 1989, le quotidien d’État El Moudjahid rapporte « L’écrivain algérien Mouloud Mammeri, est décédé à la suite d'un terrible accident de la circulation dans la nuit de samedi à dimanche, à proximité de Ain Defla (200 km à l'ouest d'Alger). Mouloud Mammeri qui était au volant de son véhicule, a percuté de plein fouet un tronc d'arbre, que de fortes rafales de vent avaient abattu en travers de la route. » Vu la popularité de cet homme, la nouvelle a été accueillie avec une très grande tristesse par les Kabyles, mais, chose étonnante, tout le monde a pris la cause avancée par les organes de presse gouvernementale, pourtant connus pour être au service du pouvoir, pour une vérité absolue, et de ce fait personne ne s’est donné la peine de soulever des doutes et d’appeler à la recherche de la vérité. À mon avis, il y a plusieurs éléments qui font penser plutôt à un assassinat politique. Le premier est lié au contexte dans lequel s’est trouvée l’Algérie après l’effondrement du bloc socialiste et l’apparition de jeunes démocraties. Dans cette période-là, le régime algérien, à l’instar des pays gouvernés par des dictatures, s’est vu contraint, pour amorcer la fracture et sauver son système, de céder, sans pour autant lâcher tout réellement, sur certaines choses telles que le monopole du pouvoir, l’uniformité culturelle et linguistique, etc. Ainsi, des partis politiques, des associations culturelles, des organisations pour la défense des droits de l’homme et bien d’autres nouveautés jusque là inconnues du peuple algérien, sont nés, annonçant de très grands changements en Algérie. Bien entendu, le régime liberticide algérien est conscient de ce que peuvent faire les intellectuels et les artistes kabyles dans ce contexte-là. Pour cette raison, il a vite mis un plan pour leur liquidation physique. Mouloud Mammeri a été la première cible à être abattue au tout début de l’ère dite démocratique. Ensuite d’autres, comme Tahar Djaout, Smaïl Yefsah, Saïd Mekbel, Matoub Lounes, etc., ont connu le même sort. Le deuxième élément est lié au temps et à l’endroit où s’est déroulé le soi-disant accident. C’était une nuit d’hiver opaque, au virage d’une route déserte hors de toute zone d’habitation. Les seuls témoins sur place étaient le chauffeur du camion en stationnement, feux éteints et sans triangle de panne, et celui de la voiture qui venait à contre sens pour l’aveugler avec ses phares. Comme on le voit très bien à travers ces deux éléments, i.e. le lieu et le temps, cet accident ressemble plutôt à une embuscade. Même si la victime avait eu la chance de s’en sortir après sa chute dans le ravin, les deux témoins, qui se faisaient passer pour des routiers et qui seraient en fait les auteurs du meurtre à la solde du

La Mort Absurde de Mouloud Mammeri

Embed Size (px)

DESCRIPTION

La mort de l'écrivain kabyle, Mouloud Mammeri, est-elle accidentelle ou s'agit-il d'un assassinat ? Réponse.

Citation preview

Page 1: La Mort Absurde de Mouloud Mammeri

M. Mammeri est-il réellement mort par accident de la route ?Par : D.Messaoudi

Dans son édition du lundi 27 février 1989, le quotidien d’État El Moudjahid rapporte « L’écrivain algérien Mouloud Mammeri, est décédé à la suite d'un terrible accident de la circulation dans la nuit de samedi à dimanche, à proximité de Ain Defla (200 km à l'ouest d'Alger). Mouloud Mammeri qui était au volant de son véhicule, a percuté de plein fouet un tronc d'arbre, que de fortes rafales de vent avaient abattu en travers de la route. »

Vu la popularité de cet homme, la nouvelle a été accueillie avec une très grande tristesse par les Kabyles, mais, chose étonnante, tout le monde a pris la cause avancée par les organes de presse gouvernementale, pourtant connus pour être au service du pouvoir, pour une vérité absolue, et de ce fait personne ne s’est donné la peine de soulever des doutes et d’appeler à la recherche de la vérité.

À mon avis, il y a plusieurs éléments qui font penser plutôt à un assassinat politique. Le premier est lié au contexte dans lequel s’est trouvée l’Algérie après l’effondrement du bloc socialiste et l’apparition de jeunes démocraties. Dans cette période-là, le régime algérien, à l’instar des pays gouvernés par des dictatures, s’est vu contraint, pour amorcer la fracture et sauver son système, de céder, sans pour autant lâcher tout réellement, sur certaines choses telles que le monopole du pouvoir, l’uniformité culturelle et linguistique, etc. Ainsi, des partis politiques, des associations culturelles, des organisations pour la défense des droits de l’homme et bien d’autres nouveautés jusque là inconnues du peuple algérien, sont nés, annonçant de très grands changements en Algérie. Bien entendu, le régime liberticide algérien est conscient de ce que peuvent faire les intellectuels et les artistes kabyles dans ce contexte-là. Pour cette raison, il a vite mis un plan pour leur liquidation physique. Mouloud Mammeri a été la première cible à être abattue au tout début de l’ère dite démocratique. Ensuite d’autres, comme Tahar Djaout, Smaïl Yefsah, Saïd Mekbel, Matoub Lounes, etc., ont connu le même sort.

Le deuxième élément est lié au temps et à l’endroit où s’est déroulé le soi-disant accident. C’était une nuit d’hiver opaque, au virage d’une route déserte hors de toute zone d’habitation. Les seuls témoins sur place étaient le chauffeur du camion en stationnement, feux éteints et sans triangle de panne, et celui de la voiture qui venait à contre sens pour l’aveugler avec ses phares. Comme on le voit très bien à travers ces deux éléments, i.e. le lieu et le temps, cet accident ressemble plutôt à une embuscade. Même si la victime avait eu la chance de s’en sortir après sa chute dans le ravin, les deux témoins, qui se faisaient passer pour des routiers et qui seraient en fait les auteurs du meurtre à la solde du régime algérien, l’auraient achevé sans être vus par personne. Un crime parfait !

Et puis, comme vous pouvez le constater, cette dernière version racontée par des curieux s’étant déplacés sur le lieu de « l’accident » le lendemain, est différente de celle racontée par la presse, la radio et la télévision d’État, ce qui soulève déjà des questions.

Le dernier élément est lié aux propos de Tahar Djaout, journaliste qui, au compte de Le Matin du Sahara Magazine, a interviewé Mammeri au Maroc 24 heures avant sa mort. Djaout a déclaré que Mouloud Mammeri lui avait dit à Oujda qu’il avait un rendez-vous. De quel rendez-vous s’agitait-il ? Quelqu’un l’aurait-il, pour une raison ou une autre, appelé par téléphone depuis Alger afin qu’il rentre vite, ce qui l’aurait poussé à voyager la nuit dans la précipitation pour tomber dans le piège ?

Pour expliquer la mort absurde de Mouloud Mammeri, j’invite ses proches, ses amis, et tous ceux désireux de rendre justice à cet homme de grande valeur, d’enrichir cet article de leurs informations et témoignages.

Page 2: La Mort Absurde de Mouloud Mammeri

Note : 1- Si l’on sait que le royaume du Maroc était aussi allergique à la question amazighe que le pouvoir algérien, on ne

peut s’empêcher de penser qu’il est, lui aussi, impliqué dans l’assassinat masqué de Mouloud Mammeri. Celui-ci ne se déplaçait-il pas régulièrement entre les deux pays pour ramasser des informations pour ses ouvrages ou pour organiser des conférences sur tamazight ?

2- L’opposant marocain, l’amazigh Ahmed Adgherni, n’a-t-il pas été victime d’un attentat semblable qui a failli le tuer ? Voir sur Internet le détail de cette affaire.