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40 pratique conseil Actualités pharmaceutiques n° 512 Janvier 2012 La brûlure est un accident relativement fréquent de la vie courante. Dans un quart des cas, elle concerne un enfant de moins de cinq ans. Le pharmacien d’officine peut assurer la prise en charge des brûlures du premier degré et deuxième degré superficiel afin d’éviter complications, surinfection ou déshydratation. C hez l’adulte, les lésions dues aux brûlures sont, dans la majorité des cas, bénignes. Les patients peuvent donc être traités en ambulatoire. Chez le jeune enfant, particulièrement fragile, la brûlure représente une agression souvent importante, la surface cutanée atteinte excédant facilement les 10 %, ce qui la qualifie de brûlure grave. Physiopathologie La brûlure se définit comme la destruction de la peau et des tissus sous-jacents. Ses causes sont infinies mais classa- bles en quatre grands groupes : lésions thermiques, électriques, chimiques ou radiologiques. Les brûlures où la destruc- tion de la peau est rapide et massive (brûlures thermiques et électriques) sont distinguées de celles où elle s’opère sur plusieurs heures (brûlures chimiques) ou jours (brûlures radiologiques). L’appréciation de la gravité d’une brûlure est complexe et implique de connaître plusieurs éléments. La surface atteinte est déterminée à partir de la règle des 9 de Wallace, qui donne une évaluation en pourcentage de la surface corporelle totale. Pour les brûlu- res peu étendues, l’évaluation est faite en considérant que la paume de main de la victime représente environ 1 % de sa surface corporelle totale. Elle attribue des multiples de 9 % de la surface corporelle totale à différents territoires cutanés : 9 % pour la tête et le cou, 9 % pour chaque membre supérieur, 18 % pour chaque membre inférieur, 18 % pour chaque face du tronc et 1 % pour le périnée. La profondeur de l’atteinte est esti- mée, en l’absence de critères scientifiques bien définis, selon une classification histo- logique établie en fonction de l’atteinte de la membrane basale régénératrice de l’épiderme (tableau 1). La localisation des brûlures doit être prise en compte, certaines régions étant en effet plus sensibles que d’autres. Ainsi, les lésions de la face et du cou, qui s’accompagnent d’un œdème important, peuvent atteindre les voies aériennes et être sources d’obstruction. Les lésions du périnée s’accompagnent d’un risque infectieux dont il faut tenir compte. Enfin, celles des mains et des pieds sont dangereuses sur le plan fonctionnel en raison d’un risque d’atteinte de l’appareil tendino-articulaire. Les éventuelles lésions associées doivent également être prises en compte. Prévention Afin de prévenir les brûlures, il convient d’éviter les expositions prolongées au soleil, mais aussi entre 12 et 16 h, en particulier chez les personnes à risque comme les enfants. L’application régu- lière (toutes les 2 heures) d’une crème protectrice adaptée aux phototypes est indispensable. Une surveillance accrue des enfants est, par ailleurs, nécessaire en cas d’utilisation d’une source de chaleur active (cuisinière, four, bougies, feu de cheminée, grill, barbecue…), tout comme une vérification systématique de la température de l’eau du bain et du robinet. L’utilisation d’agents inflammables (alcool à brûler, essence…) afin d’allumer ou de ranimer un feu ou un barbecue est déconseillée. La prise en charge officinale des brûlures Tableau 1 : Profondeur des brûlures Classification Niveau d’atteinte Aspect clinique Évolution Premier degré Couche cornée de l’épiderme Érythème douloureux, coups de soleil Guérison et desquamation en 48 heures Deuxième degré superficiel Épiderme : membrane basale intacte Pas d’atteintes dermiques Douleur importante, phlyctène à paroi épaisse, suintements Guérison spontanée en 10 jours Deuxième degré profond ou intermédiaire superficiel Atteinte du derme Douleur importante, phlyctène à paroi épaisse, suintements Guérison spontanée en 15 jours, cicatrices Deuxième degré profond ou intermédiaire profond Atteinte du derme profond Douleur, anesthésie partielle, couleur blanche avec pétéchies rouges Guérison aléatoire en 3 semaines, cicatrices majeures Troisième degré Destruction de la totalité de l’épiderme et atteinte profonde du derme Anesthésie, texture de cuir, aspect sec, couleur variable Greffes obligatoires Prévenir les accidents domestiques est essentiel Les brûlures sont souvent la conséquence d’accidents domestiques impliquant les enfants. Ainsi, des campagnes de prévention sont menées en direction des familles afin de les sensibiliser sur ces risques et les moyens de les prévenir (allumettes et feu hors de portée des enfants, température du bain contrôlée, accès limité des enfants à la cuisine…). Pour plus d’informations, des brochures sont disponibles en ligne sur www.inpes.sante.fr. © DR © DR Guide grand public diffusé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).

La prise en charge officinale des brûlures

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40pratique

conseil

Actualités pharmaceutiques n° 512 Janvier 2012

La brûlure est un accident

relativement fréquent de la vie

courante. Dans un quart

des cas, elle concerne

un enfant de moins de cinq

ans. Le pharmacien d’officine

peut assurer la prise en charge

des brûlures du premier degré

et deuxième degré superficiel

afin d’éviter complications,

surinfection ou déshydratation.

Chez l’adulte, les lésions dues aux brûlures sont, dans la majorité des cas, bénignes. Les patients

peuvent donc être traités en ambulatoire. Chez le jeune enfant, particulièrement fragi le, la brûlure représente une agression souvent importante, la surface cutanée atteinte excédant facilement les 10 %, ce qui la qualifie de brûlure grave.

Physiopathologie La brûlure se définit comme la destruction de la peau et des tissus sous-jacents.Ses causes sont infinies mais classa-bles en quatre grands groupes : lésions thermiques, électriques, chimiques ou radio logiques. Les brûlu res où la destruc-tion de la peau est rapide et massi ve (brûlures thermiques et électriques) sont distinguées de celles où elle s’opère sur plusieurs heures (brûlu res chimiques) ou jours (brûlures radiologiques).

L’appréciation de la gravité d’une brûlure est complexe et implique de connaître plusieurs éléments. La surface atteinte est déterminée à

partir de la règle des 9 de Wallace, qui donne une évaluation en pourcentage de la surface corporelle totale. Pour les brûlu-res peu étendues, l’évaluation est faite en considérant que la paume de main de la victime représente environ 1 % de sa surfa ce corpo rel le totale. Elle attribue des multiples de 9 % de la surface corporelle totale à différents territoires cutanés : 9 % pour la tête et le cou, 9 % pour chaque membre supérieur, 18 % pour chaque membre inférieur, 18 % pour chaque face du tronc et 1 % pour le périnée. La profondeur de l’atteinte est esti-

mée, en l’absence de critères scientifiques bien définis, selon une classification histo-logique établie en fonction de l’atteinte de la membrane basale régénératrice de l’épiderme (tableau 1). La localisation des brûlures doit être

prise en compte, certaines régions étant en effet plus sensibles que d’autres. Ainsi, les lésions de la face et du cou, qui s’accom pa gnent d’un œdème important, peuvent atteindre les voies aériennes et être sources d’obstruction. Les lésions du périnée s’accompagnent d’un risque infectieux dont il faut tenir compte. Enfin, celles des mains et des pieds sont dange reu ses sur le plan fonctionnel en raison d’un risque d’atteinte de l’appareil tendino-articulaire. Les éventuelles lésions associées

doivent également être prises en compte.

Prévention Afin de prévenir les brûlures, il convient d’éviter les expositions prolongées au soleil, mais aussi entre 12 et 16 h, en particulier chez les personnes à risque comme les enfants. L’application régu-lière (toutes les 2 heures) d’une crème protectrice adaptée aux phototypes est indispensable.Une surveillance accrue des enfants est, par ailleurs, nécessaire en cas d’utilisation d’une source de chaleur active (cuisinière, four, bougies, feu de cheminée, grill, barbe cue…), tout comme une vérification systématique de la température de l’eau du bain et du robinet.L’utilisation d’agents inflammables (alcool à brûler, essence…) afin d’allumer ou de ranimer un feu ou un barbecue est déconseillée.

La prise en charge officinale des brûlures

Tableau 1 : Profondeur des brûlures

Classification Niveau d’atteinte Aspect clinique Évolution

Premier degré Couche cornée de l’épiderme Érythème douloureux, coups de soleil

Guérison et desquamation en 48 heures

Deuxième degré superficiel Épiderme : membrane basale intacte Pas d’atteintes dermiques

Douleur importante, phlyctène à paroi épaisse, suintements

Guérison spontanée en 10 jours

Deuxième degré profond ou intermédiaire superficiel

Atteinte du derme Douleur importante, phlyctène à paroi épaisse, suintements

Guérison spontanée en 15 jours, cicatrices

Deuxième degré profond ou intermédiaire profond

Atteinte du derme profond Douleur, anesthésie partielle, couleur blanche avec pétéchies rouges

Guérison aléatoire en 3 semaines, cicatrices majeures

Troisième degré Destruction de la totalité de l’épiderme et atteinte profonde du derme

Anesthésie, texture de cuir, aspect sec, couleur variable

Greffes obligatoires

Prévenir les accidents domestiques est essentielLes brûlures sont souvent la conséquence

d’accidents domestiques impliquant les

enfants. Ainsi, des campagnes de prévention

sont menées en direction des familles afin

de les sensibiliser sur ces risques et les moyens

de les prévenir (allumettes et feu hors de portée

des enfants, température du bain contrôlée,

accès limité des enfants à la cuisine…).

Pour plus d’informations, des brochures sont

disponibles en ligne sur www.inpes.sante.fr.

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Actualités pharmaceutiques n° 512 Janvier 2012

Risque de complicationsLes complications sont avant tout loca-les, avec un risque de cicatrisation de mauvai se qualité à l’origine de troubles esthétiques et parfois fonctionnels. En fonction de sa profondeur, la cica-trisation d’une brûlure peut être plus ou moins difficile.Il existe également un risque infectieux important dû à la destruction cutanée. De ce fait, la désinfection et l’hygiène des brûlures doivent être rigoureuses.Enfin, des risques de déshydratation peuvent survenir immédiatement après une brûlure dès lors qu’elle est étendue (à partir de 10 % de la surface du corps chez le nourrisson, 5 à 10 % chez la person ne âgée, 15 % chez l’adulte). Dans ce cas, une chute importante de la pression arté-rielle peut être observée, nécessitant une prise en charge médicale d’urgence.

Premiers gestesAprès avoir soustrait immédiatement la victime de la source de chaleur, il est conseillé d’arroser le plus vite possi-ble la zone brûlée avec de l’eau froide pendant plusieurs minutes, afin de limiter son expansion et de soulager la douleur. Une règle, reproductible, est largement utilisée par les services de secours, la “règle dite des 15” : 15 minutes d’appli-cation d’une eau à 15 °C.Aucune solution colorée ne doit être appli-quée sur la zone brûlée afin de ne pas compromettre l’appréciation du degré de gravité de la brûlure. Cependant, l’appli-ca tion d’un antiseptique non alcoolisé sur une brûlure superficielle permet de prévenir tout risque de complication infectieuse.Enfin, si dans les heures qui suivent l’acci-dent, des cloques – qu’il ne faut, bien entendu, jamais percer – apparaissent ou si la zone brûlée devient blanchâtre, doulou-reuse, mais insensible au toucher, il s’agit probablement d’une brûlure profonde qui exige des soins médicaux urgents.

Traitement À l’officine, la prise en charge des

brûlu res se limite à celle des brûlures légères du premier degré ou du deuxième degré superficiel. Les brûlures profondes

ou du troisième degré sont, quant à elles, prises en charge par un médecin urgen-tiste et ceci, le plus rapidement possible afin d’éviter tout risque de complications mettant en jeu le pronostic vital tel qu’hypo-volémie, insuffisance rénale aiguë, dépres-sion respi ra toi re… Dans ce dernier cas, le blessé doit être orienté vers un médecin ou pris en charge par les services d’urgence qui prodigueront les premiers gestes essen-tiels : retirer les vêtements autour de la zone touchée, couvrir la brûlure d’une serviette imbibée d’eau froide… Les brûlures du premier degré doivent

être désinfectées à l’aide de chlorhexidine ou de dérivés d’ammonium quaternaires (Sédaplaie®). Une pommade cicatrisante (Cicalfate®, Cicatryl®) peut ensuite être appliquée.Parmi les gels disponibles, Osmosoft® présente un fort pouvoir osmotique et un triple intérêt (propriétés apaisante et hydratante, réduction de la rougeur) dans le traitement des brûlures du premier degré et du deuxième degré superficiel, mais également des coups de soleil. Le traitement local des brûlures du

deuxième degré superficiel a pour but d’éviter le développement des lésions et de ralentir la nécrose afin de prévenir les séquelles. Ainsi, leur refroidis sement immédiat par l’eau tiède durant 5 à 10 minutes permet de limiter l’étendue des lésions et l’intensité de la douleur. Ce refroidis sement ne doit concerner que la zone brûlée afin d’éviter tout risque d’hypothermie, notamment chez l’enfant. Une désinfection de la plaie doit ensuite être réalisée. La sulfadiazine argentique, antibiotique de la famille des sulfamides sous forme de sel argentique antisepti-que (Flammazine®), est ensuite appliquée en couche épaisse recouverte d’une compres se stérile en coton tissé. Divers pansements, ayant un pouvoir

couvrant, protecteur et adsorbant, sont utili-sés en fonction de la gravité de la brûlure :– les pansements hydrogels, utilisés sur des brûlures superficielles peu exsuda-tives, qui créent et maintiennent un milieu humide optimal, adsorbent les exsudats en petite quantité en laissant la plaie sans résidus (Hydrosorb®, Burnfree®, Intrasite conformable®) ;

– les pansements hydrocolloïdes, indi-qués dans les brûlures du deuxième degré, couvrent la brûlure, la protègent, absorbent éventuellement les exsudats et maintiennent un milieu humide, favorable à la cicatrisation (Hydrocoll®, Algoplaque®, Comfeel®, Duoderm®…) ;– les pansements vaselinés, utilisés sur les brûlures du deuxième degré, évi-tent la macération et drainent les exsu-dats, la vaseline garantissant un retrait atraumatique (Jelonet®, Tullegras MS®, Grassolind Neutral®) ; ils doivent être associés à un pansement secondaire absorbant (compresses) et à des moyens de contention ;– les alginates, destinés aux brûlures du deuxième degré modérément à fortement exsudatives, ont la particularité d’épou-ser la morphologie de la plaie d’adsorber les exsudats en favorisant l’hémostase. Ils forment un gel créant un milieu humide favorable à la cicatrisation (Algisite M®, Sorbalgon®, Urgosorb®). Afin d’éviter tout risque de déshydra-

tation, il est conseillé de boire beaucoup d’eau. La douleur peut être prise en charge par

un traitement antalgique tel que le para-cétamol ou l’ibuprofène. �

Nicolas Clere

Pharmacien, Angers (49)

[email protected]

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Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.