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RÉACTIONS ADULTES AUX PRODUCTIONS MORPHOLOGIQUES DES ENFANTS Author(s): Marianne Kilani-Schoch, Wolfgang U. Dressler, Sabine Laaha and Katharina Korecky-Kröll Source: La Linguistique, Vol. 42, Fasc. 2, La reprise et ses fonctions (2006), pp. 51-65 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40605102 . Accessed: 15/06/2014 01:28 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.49 on Sun, 15 Jun 2014 01:28:22 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La reprise et ses fonctions || RÉACTIONS ADULTES AUX PRODUCTIONS MORPHOLOGIQUES DES ENFANTS

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RÉACTIONS ADULTES AUX PRODUCTIONS MORPHOLOGIQUES DES ENFANTSAuthor(s): Marianne Kilani-Schoch, Wolfgang U. Dressler, Sabine Laaha and KatharinaKorecky-KröllSource: La Linguistique, Vol. 42, Fasc. 2, La reprise et ses fonctions (2006), pp. 51-65Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40605102 .

Accessed: 15/06/2014 01:28

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RÉACTIONS ADULTES AUX PRODUCTIONS MORPHOLOGIQUES

DES ENFANTS

par Marianne KlLANl-SCHOCH*, Wolfgang U. DRESSLER**, Sabine LAAHA***, Katharina KoRECKY-KRÖLL***

This paper is a contrastive analysis of French and German adult reactions such as repeti- tions and other reformulations to morphologically incomplete or enoneous child productions on the one hand and to morphobgicaUy complete and conventional utterances on the other hand.

According to our results, adults of both languages seem to react differently to problems of synthe- tic morphobgy and of periphrastic morphology, the former being preferentially corrected whereas the latter tend to be accepted by the adults.

Introduction

Les répétitions et reformulations ou reprises ne constituent pas seulement un objet important pour la pragmatique et la lin- guistique textuelle mais aussi pour la morphologie telle qu'on la conçoit par exemple dans la théorie de la morphologie naturelle1. La morphologie naturelle représente le cadre théorique de cet article.

Pourquoi la morphologie des énoncés de l'enfant aurait-elle une incidence sur les réactions des adultes ? La raison en est que la morphologie appartient - tout comme la syntaxe et la phono- logie - aux conditions de félicité des actes de langage et de l'interaction en général. Si ces conditions de félicité ne sont pas satisfaites, on peut s'attendre à ce que les enchaînements, qu'il

* Université de Lausanne. ** Université de Vienne et Académie autrichienne des sciences.

*** Académie autrichienne des sciences. 1. Voir W. U. Dressler, Willi Mayerthaler, Oswald Panagl, Wolfgang U. Wurzel,

1987, Leitmotifs in Natural Morphology, Amsterdam, Benjamins ; M. Kilani-Schoch, 1988, Intro- duction à la morphobgie naturelle, Berne, Lang ; M. Kilani-Schoch, W. U. Dressier, 2005, Mor- phology naturelle et flexion du verbe français, Tübingen, Narr.

La Linguistique, vol. 42, fase. 2/2006

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s'agisse du développement du thème ou de l'introduction d'un nouveau thème, soient retardés voire empêchés, et donc le dérou- lement de l'interaction verbale affecté ou interrompu.

Dans cette présentation nous proposons une analyse contras- tive français-allemand des réactions adultes aux productions des enfants qui sont lacunaires ou erronées d'un point de vue mor- phologique, en comparaison avec les énoncés morphologique- ment complets et corrects/conventionnels.

Nos données sont constituées de deux corpus d'acquisition du français (Emma et Sophie)2 et d'un corpus allemand (Jan) (voir tableau 1). La période analysée commence à un an et trois mois, un an et quatre mois, un an et six mois selon l'enfant, et se ter- mine à deux ans et six mois. Pour le français nous n'avons retenu que les réactions des parents aux tours de parole des enfants contenant un verbe, en raison de la pauvreté de la morphologie flexionnelle du nom.

L'analyse du français se basera essentiellement sur le corpus d'Emma (voir n. 12).

Tableau 1. - Données

Durée Période analysée Tours de parole d'enregistrement

Corpus français (avec verbe) Emma l;4-2;6 1 330 60 min/mois Sophie l;6-2;6 2 200 60 min/mois Corpus allemand Jan l;3-2;6 6 693 90 min/mois Analysés 645 (verbe)

182 (nom)

Classification

Notre classification des réactions adultes se base sur les caté- gories développées dans les travaux de Veneziano3, Clark et

2. Nous remercions les parents d'Emma et la mère de Sophie pour leurs enregistre- ments et le contrôle des transcriptions.

3. Edy Veneziano, 1999, « Early lexical, morphological and syntactic development in French: Some complex relations», International Journal of Biknguahsm, vol. 3/2, 3, p. 183- 217 ; Edy Veneziano, 2000, «Interaction, conversation et acquisition dans les trois pre- mières années », in Michèle Kail, Michel Fayol (sous la dir.), L'acquisition du langage, Paris, PUF, p. 231-265.

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Chouinard4, Chouinard et Clark5, Salazar Orvig6, de Week7, pour n'en mentionner que quelques-uns.

Nous avons cependant organisé ces catégories en fonction de nos objectifs particuliers et proposons de distinguer deux catégo- ries fondamentales : - les réactions à fonction principalement métadiscursive (qui

portent sur le dire de l'enfant, de dicto) ; - les réactions à fonction principalement conversationnelle (qui

portent sur le dit, de re).

Réactions à fonction pnncipalement MÉTADISCURSIVE

Elles comprennent :

a) répétitions ou reprises français 1;78 E(mma). Appuyer.

P(ère). Appuyer, oui c'est bien.

b) expansions 1;7 E. Elle est là.

M. // est là mon verre.

allemand 2;2 J(an). Selber issn « manger tout seul ».

M(utter) « mère ». Der kann schon selber ess(e)n ? « II sait déjà manger tout seul ? »

c) reformulations français 2;4 E. On va sorter.

P. On va sortir.

4. Èvc V. Clark, Michelle M. Chouinard, 2000, « Énoncés enfantins et reformulations adultes dans l'acquisition du langage », Langages, 140, p. 9-23.

5. Michelle M. Chouinard, Eve V. Clark, 2003, «Adult reformulations of child errors as negative evidence », Journal of Child Language, 30, p. 637-669.

6. Anne Salazar Orvig, 2000, « La reprise aux sources de la construction discursive », Langages, 140, p. 68-91.

7. Geneviève de Weck, 2000, « Reformulations et repetitions par les adultes du lan- gage des enfants : comparaison de dialogues avec des enfants normaux et dysphasiques », Langages, 140, p. 38-67.

8. Un an et 7 mois.

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allemand 2;4 J. Mit dem hat (- ist) der Pauli gefahren.

« Pauli AUX* roulé avec cela »9 M. Mit dem is(t) der Pauli gefahr(e)n ?

« Pauli a roulé avec cela ? » d) questions globales (qu'est-ce que tu as dit, quoi ?).

Réactions à fonction pnncipalement COJWERSA^JWELLE

d) répétitions ou reprises français 2;2 E. Tu veux regarder un Pingu ?

P. Regarder un Pingu, non, on va regarder Dodo mon ourson

après.

b1) expansions 2;1 E. Parce qu'us crient.

M. C'est vrai qu'us crient mais pourquoi ib crient ?

d) reformulations l;10 E. Mé oéz-oreilles.

P. Non c'est pas fait pour mettre dans les oreilles.

d') questions d'information/référentielles 1;9 E. C'est cassé là.

P. Qu'est-ce qui est caché ?

e') enchaînements (plus ou moins directs/immédiats) 1;4 Έΐ. Ah xx manger.

H. On va voir la tarte si elle est cuite.

allemand 2;3 J. Teletubbies seh(e)n.

« Voir teletubbies ». M. Die sind am Abend wieder.

« fls passeront de nouveau ce soir. » f) régulateurs (oui, humhum).

Chacune des deux catégories comprend donc des sous- catégories parallèles, c'est-à-dire des répétitions, expansions et reformulations. Par exemple, a) est une répétition métadiscursive

9. aux* est mis pour auxiliaire erroné.

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ayant pour fonction d'approuver le dire de l'enfant, tandis que a1) est une répétition conversationnelle servant de préparation à un refus.

Les sous-catégories des répétitions, expansions et reformula- tions peuvent être déclaratives ou interrogatives. Elles incluent les questions que nous appelons questions de clarification. Ces ques- tions de clarification (métadiscursives ou conversationnelles) cher- chent à vérifier ou à préciser ce que l'enfant veut dire :

1;9 E. È laver le main a laver. M. Tu veux laver les mains avec... ?

Elles peuvent être focalisées :

1;6 E. Vé toucher. M. Toucher ? oui tu peux toucher les bulles.

Les questions focalisées sont très pertinentes pour notre étude puisqu'elles permettent de mesurer directement l'impact de la morphologie.

Cntères de distinction

Pour distinguer entre les reprises métadiscursives et les reprises conversationnelles, qui se recouvrent largement du point de vue formel, nous avons d'abord considéré le contexte : par exemple en a) le contexte permet de savoir qu'il s'agit d'un jeu connu de l'enfant et que le père n'a pas de raison de le féliciter pour son action, en d'autres termes qu'il ne s'agit pas d'une approbation conversationnelle. Ensuite nous avons identifié les réactions méta- discursives selon l'occurrence de corrections directes ou explicites, par ex. le rejet de la production de l'enfant (on ne dit pas...).

Les réactions conversationnelles pour leur part introduisent un élément thématique nouveau et/ou s'articulent sur le contenu propositionnel ou la valeur illocutoire. Par exemple, en cf) le père réfute l'assertion d'Emma ou s'oppose à l'action qu'elle a l'intention de réaliser.

Avant de clore la question, ajoutons que la distinction entre fonction métadiscursive et fonction conversationnelle est essentiel- lement analytique. Les réactions métadiscursives et les réactions conversationnelles ont la même fonction pragmatique globale consistant à ratifier l'enfant dans son statut de partenaire conver- sationnel.

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Variables

Dans la langue adulte, les répétitions jouent à l'évidence un rôle important et remplissent des fonctions précises ainsi que l'ont montré par ex. Bernicot, Salazar Orvig et Veneziano10 ou Perrin, Deshaies et Paradis11. Mais les réactions à fonction principale- ment métadiscursive sont plus typiques des interactions entre adulte et enfant (ou de certaines interactions avec un locuteur non natif en situation d'apprentissage).

Nous considérons ces réactions à fonction principalement métadiscursive comme des interruptions dans le déroulement interactionnel, au contraire de celles qui ont une fonction princi- palement conversationnelle. Les réactions métadiscursives consti- tuent donc les variables que nous retenons pour notre analyse ; nous cherchons à déterminer dans quelle mesure la morphologie erronée ou lacunaire est reprise ou reformulée par les adultes et dans quelle mesure les adultes enchaînent sur le tour de parole de l'enfant sans en tenir compte, c'est-à-dire l'acceptent ou l'ignorent.

RÉACTIONS ADULTES

Dans cette partie nous présentons les résultats relatifs à la répartition des réactions des adultes dans les corpus12.

Réactions aux erreurs morphobgiques

Nous commencerons par examiner si les erreurs morphologi- ques déclenchent plus de réactions métadiscursives de la part des adultes que les productions correctes.

Dans les corpus français, la répartition des réactions métadis- cursives aux erreurs morphologiques fait apparaître que :

a) Les corrections directes ou explicites sont en nombre très réduit : six exemples dans l'input d'Emma, aucun exemple dans l'input de Sophie (ce qui est déjà un élément montrant la varia- tion d'attitude dans l'input).

10. Josie Bernicot, Anne Salazar Orvig, Edy Veneziano, « Les reprises : dialogue, formes, fonctions et ontogenèse », ce volume.

1 1 . Laurent Perrin, Denise Deshaies, Claude Paradis, 2003, « Pragmatic functions of local diaphonie repetitions in conversation », Journal of Pragmatics, 35, p. 1843-1860.

12. La mère de Sophie adopte une attitude de reformulation systématique, pour facili- ter la transcription et 1 analyse des productions verbales de l'enfant. La proportion des reformulations métadiscursives et des réactions conversationnelles est ainsi biaisée. Nous ne la quantifierons donc pas.

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1;5 E. Mets, mets. H. Non mets c'est ouvnr Emma.

1;9 E. Elle aime P. Tu aimes? on dit pas elle aime, on dit j'aime, c'est toi qui parles.

2; 1 E. // est gentil les chevaux. M. IL· sont gentiL·, Emma, les chevaux, iL· sont gentiL· les che- vaux. Ou bien il est gentil le cheval.

b) La deuxième catégorie de réactions métadiscursives, les questions globales portant sur la morphologie, ne représentent que trois exemples dans le corpus d'Emma.

Et dans le corpus de Sophie, un seul exemple est identifiable en raison de l'interférence avec les problèmes phonologiques (et syntaxiques).

On ne constate donc pas de relation directe entre les erreurs morphologiques et les corrections directes ou les questions globales.

On relèvera aussi que plusieurs tours de parole complets et corrects du point de vue de la morphologie déclenchent quand même des questions globales de la part de l'adulte, ce qui va contre notre hypothèse de départ.

2;1 E. Elle a perdu son étoile. M. Quoi? E. Elle a perdu son étoile. M. Oui elle a perdu son étoile, elle la cherche là sous la cou- verture.

c) C'est la troisième catégorie métadiscursive des répétitions, expansions et reformulations (souvent sous la forme de questions de clarification) qui est la plus importante. Dans Pinput d'Emma ces réactions représentent 90 % des réactions métadiscursives ; dans l'input de Sophie, elles sont également très nombreuses pour les raisons mentionnées plus haut.

Considérées globalement, cependant, les réactions métadis- cursives aux productions morphologiques erronées ou incom- plètes sont moins nombreuses (42 %) que les réactions conversa- tionnelles (58 %). Notre hypothèse de départ sur la relation entre erreurs morphologiques et réactions métadiscursives n'est pas pour autant mise à mal. Car, en différenciant selon le type d'erreurs morphologiques, on constate que les erreurs de temps

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et de nombre déclenchent une très nette majorité de réactions métadiscursives (77 %) par rapport aux réactions conversationnel- les (23 %) (voir tableau 2 ci-dessous).

Ces réactions conversationnelles aux erreurs morphologiques sont par exemple :

1 ; 1 1 E. Elle va (= vont) dans le bain. P. Oui Emma ben ce sont des chaussettes, attends on va te déshabiller.

2;3 S(ophie). Ouvri ça. M. Pourquoi?

Dans le dernier exemple (ouori) la mère semble accepter ou au moins ne corrige pas une forme du participe passé incorrecte mais néanmoins potentielle, c'est-à-dire une forme correspondant au participe passé par défaut des verbes en -ir13.

Réactions aux productions correctes

La comparaison des réactions aux erreurs morphologiques d'Emma avec les réactions aux productions correctes de l'enfant (tableau 2 ci-dessous) montre d'ailleurs une grande différence : les

Tableau 2. - Réactions aux erreurs morphologiques et aux productions correctes14

Emma

Total Erreurs Participes Autres erreurs temps/ passés et erreurs Produc-

Type de morpho- nombre infinitifs morpho- tions réaction logiques sur le verbe « seuls » logiques correctes

méta 87 27 28 32 16 % 42 77 25 52 5 CONV 120 8 84 29 319 % 58 23 75 48 95

Total 208 35 112 61 335

13. Dans des tests psycholinguistiques que nous avons effectués, la forme oum est apparue comme plus acceptable que d'autres formes incorrectes, voir M. Kilani-Schoch, W. U. Dressler, 2002, « Affinités phonologiques dans l'organisation de la morphologie sta- tique : l'exemple de la flexion verbale française », Folia LtnguisUca, XXXVI/3-4, p. 297-312 (p. 310), M. Kilani-Schoch, W. U. Dressier, 2005, Morphology naturelle et flexion du verbe fran- çais, Tübingen, Narr (p. 212).

14. meta est mis pour métadiscursif, CONV pour conversationnel.

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réactions métadiscursives aux productions correctes ne dépassent pas 5 %, alors que les réactions métadiscursives aux énoncés avec erreur morphologique atteignent 42 %.

Allemand

Verbe

En allemand les réactions métadiscursives de la mère sont éga- lement plus fréquentes par rapport aux erreurs (47 %) que par rapport aux productions correctes (23 %) (voir tableau ci-dessous) :

Tableau 3. - Verbe allemand : réactions aux erreurs morphologiques (et morphosyntaxiques) et aux productions correctes

Erreurs Erreurs Productions Type de morpho- morpho- Productions correctes réaction logiques logiques (%) correctes (%)

méta 141 47 81 23 CONV 159 53 264 77

Total 300 100 345 100

Nom

En ce qui concerne le nom, les résultats sont parallèles à ceux du verbe avec un plus grand nombre de réactions métadiscursives aux erreurs (39 %) qu'aux productions correctes (11 %).

Tableau 4. - Nom allemand : réactions aux erreurs morphologiques (et morphosyntaxiques) et aux productions correctes

Erreurs Erreurs Productions Type de morpho- morpho- Productions correctes réaction logiques logiques (%) correctes (%)

MÉTA 8 39 42 11 CONV 66 61 66 89

Total 74 100 108 100

Les réactions se répartissent différemment en fonction des dif- férents types d'erreurs morphologiques (et morphosyntaxiques) du

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nom : l'omission de l'article est plus acceptée que les erreurs d'accord et de flexion, comme par exemple :

Tableau 5. - Nom allemand : réactions aux erreurs morphologiques (et morphosyntaxiques) : vue détaillée

Type de Omission Erreur Erreur réaction d'article d'accord de flexion Total

méta 28 3 11 42 % 34 60 52 39 CONV 54 2 10 66 % 66 40 48 61

Total 82 5 21 108

Répartition des réactions adultes: conclusion

La comparaison des réactions métadiscursives et conversa- tionnelles adultes corrobore donc notre hypothèse de l'impact des problèmes de la morphologie sur les réactions adultes, même si ce n'est que de manière relative.

Avec le développement, c'est-à-dire l'augmentation du nombre des catégories et l'émergence des classes et paradigmes flexionnels, et avec la diminution du nombre d'erreurs, la propor- tion des réactions métadiscursives diminue. Cela constitue une nouvelle illustration de l'ajustement des parents (fine-tuning)15 à la production des enfants.

Tableau 6. - Évolution des réactions métadiscursives aux erreurs morphologiques

Emma 1;4 1;8 2;1 2;2 2;4 2;6

Erreurs morphologiques 7 14 22 18 13 14 % par rapport aux tours de parole 88 21 13 10 10 11 Réactions MÉTA 7 9 11 7 5 1 % 88 57 50 39 38 7

15. Voir Catherine Snow, 1989, « Understanding social interaction and language acquisition : Sentences are not enough », in Marc H. Bornstein, Jérôme S. Bruner (eds), Interaction in Human Development, Hillsdale, Erlbaum, p. 83-103.

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Réactions adultes aux productions morphofogiques des enfants 61

en allemand également :

Tableau 7. - Évolution des réactions adultes (verbe)

Type de Avant 2 ans Après 2 ans réaction Avant 2 ans (%) Après 2 ans (%)

meta 122 44 100 27 CONV 157 56 266 73

Total 279 100 366 100

Formes verbales non reprises

Les réactions conversationnelles aux erreurs morphologiques ont révélé un fait remarquable, illustré aussi par l'exemple d'otwri. Ce fait remarquable est le nombre de participes passés et d'infi- nitifs « seuls » (angl. root ou bare past partkiples/ infinitives) acceptés, c'est-à-dire non reformulés, questionnés ou corrigés par l'adulte.

Participes passés «seuls»

Nous commencerons par les participes passés « seuls » qui sont le produit de constructions périphrastiques elliptiques (au passé composé).

Plus de la moitié des participes passés « seuls » du corpus d'Emma (une vingtaine d'occurrences - angl. tokens - sur 3 093) sont acceptés, ou ignorés, par les adultes qui enchaînent :

1;8 E. Couché bébé. M. Τ *es fatiguée ■?

Même le corpus de Sophie en présente cinq exemples : 1;11 S. Bédu [= perdu] bébé.

M. Ben oui tant pls. Non seulement les adultes tendent à enchaîner sur les partici-

pes passés « seuls » mais ils les utilisent eux-mêmes dans divers actes de langage non métadiscursifs :

1;5 E. Assis. M. Assis, ouais, assis, vas-y tu peux (participe passé répété comme préliminaire à la permission).

2;6 E. Et flop partis les legos. M. Et flop parti le mailbt de bain.

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La situation est identique en allemand où l'on trouve des exemples parallèles d'enchaînement et d'utilisation des participes passés par les adultes :

J. Decke gefall(e)n. « Tombée couverture ». M. Mh, armer Pauli Kaninchen. Aber aufpassen Jan ! Sonst tut er sich noch weh !

« Mh, pauvre Pauli le lapin. Mais fais attention, Jan ! Sinon, il va encore se faire mal ! »

Les adultes utilisent les participes passés « seuls », indépen- damment de l'occurrence d'un participe passé «seul», dans le tour de parole de l'enfant, conformément aux possibilités du sys- tème adulte :

1;9 S. Boum. M. tombé.

2;5 E. Je mets dans Veau le poisson, encore faire xxx. F. Attrapé!

Infinitifs «seuls»

Les infinitifs « seuls » apparaissent dans les deux corpus fran- çais mais sont particulièrement nombreux dans le langage de Sophie où ils représentent 23 % des tokens verbaux (Emma 3 %) :

Les infinitifs « seuls » remplissent plusieurs fonctions dans le langage des enfants. Ds peuvent être des réductions de structures périphrastiques, en l'occurrence du futur périphrastique :

1;9 E. A chercher Papa. P. Papa va chercher le dentifrice.

l;10 S. Anir. M. // va venir

ou des réductions de structures modales :

1;7 E. È a mettre. P. Tu veux le mettre

2;4 S. Moi prendre. M. Qu'est-ce que t'aimerais prendre ?

ou encore une valeur imperative /jussive :

1;9 S. Chercher (= je cherche). 2;0 S. E lire Maman ! (= lis).

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Réactions adultes aux productions morphologiques des enfants 63

Les réactions des adultes à ces infinitifs « seuls » montrent qu'ils sont acceptés :

Tableau 8. - Réactions adultes aux infinitifs « seuls »

Infinitifs « seuls » Réactions Réactions Emma (tokens) META CONV Ignorés

93 20 70 3 % 22 75 3

- seulement 22 % (20/93) d'entre eux sont reformulés morpho- logiquement, tandis que 75 % (70/93) sont enchaînés (3 % ignorés); - on ne relève aucune correction directe ni aucune question globale métadiscursive sur ces infinitifs « seuls » ;

- les questions de clarification focalisées sur l'infinitif « seul » se limitent à un unique exemple dans le corpus d'Emma : 2; 1 E. Ensemble promener.

M. Ensemble promener ? E. Voilà ensemble promener. H. IL· se promènent ensemble ? hum ? E. Se proner /mènent ensemble.

Infinitifs «seuL·» dans l'input Dans l'input les infinitifs « seuls » représentent parmi les phé-

nomènes traditionnellement attribués au parler bébé (de Boysson- Bardies)16 (angl. motherese) la part nettement la plus importante17 :

Tableau 9. - Parler bébé

Input Emma Input Sophie

Types Tokens Types Tokens

Infinitifs « seuls» 42 46 14 19 Participes passés « seuls » 8 19 4 5 Tokens verbaux input -* 2;6 6 169 10 176 Absence de clitique sujet 7 1 Absence d'article 4 1

16. Bénédicte de Boysson-Bardies, 1996, Comment la parole vient aux enfants, Paris, Odile Tacob.

17. D n'y a pas de corrélation entre input et output en ce qui concerne la quantité d'infinitifs « seuls » : Sophie fait un usage important de ceux-ci, alors que son input en contient beaucoup moins que l'input d'Emma.

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D'ailleurs leur usage excède tout à fait les limites du parler bébé et appartient pleinement au système de la langue adulte (Lasser18, Laaha19). Cela explique pourquoi on observe dans les réactions adultes des exemples d'expansions sur des infinitifs « seuls » des enfants :

1 ; 1 1 P. Tu fais aussi du gâteau ? E. Ouais et jouer. P. Jouer au gâteau ?

2;1 E. Veux appuyer. M. Hein? E. Pilé (= ? appuyer) M. Appuyer mais en bas comme ça.

2;4 S. Pas donner. M. Pas donner quoi ?

On trouve également des exemples de coénonciation avec les infinitifs « seuls » des enfants :

2;1 M. Et puis là qu'est-ce qu'elle fait Laura ? E. Raconter une histoire. M. Oui à l'étoile, son histoire préférée.

2;3 E. Regarder un Pingu, tu veux ? P. Après k repas.

Approche théorique des réactions aux participes passés et infinitifs «seuls»

Pour conclure sur cette question des réactions adultes aux participes passés et infinitifs « seuls », l'approche théorique est cruciale. Conformément aux modèles théoriques dominants (voir Lasser)20, nous n'analysons pas les infinitifs « seuls » comme des ellipses syntaxiques de structures modales ou périphrastiques. La diversité de leurs usages (descriptifs, exclamatifs, jussifs, etc.) est en effet plus grande. Néanmoins, une partie importante des infi- nitifs « seuls » que les enfants utilisent correspondent à des struc-

18. Ingeborg Lasser, 2002, «The roots of infinitives : Remarks on infinitival main clauses in adult and child language », Linguistics, 40, 4, p. 767-797.

19. Sabine Laaha, 2004, Développement précoce de la morphologie verbale : une étude comparative sur l'acquisition de l'allemand autrichien et du fiançais, Universität Wien et Université René- Descartes - Paris V.

20. Lasser, 2002, « The roots of infinitives... ».

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Réactions adultes aux productions morphologiques des enfants 65

tures périphrastiques ou sont attribuables par les adultes à des structures périphrastiques.

Les participes passés « seuls » des enfants sont, quant à eux, clairement des réductions de structures périphrastiques. Ils nous permettent de formuler Phypothèse suivante : les adultes réagis- sent différemment selon qu'il s'agit de problèmes de morphologie synthétique ou de problèmes de morphologie périphrastique21.

Les résultats de notre recherche, à savoir la tolérance aux infinitifs et participes passés « seuls » des enfants en comparaison avec d'autres productions morphologiques erronées, montrent ainsi que les erreurs affectant la morphologie synthétique sont le plus généralement corrigées (directement ou indirectement par des reformulations), tandis que les lacunes dans la morphologie périphrastique sont acceptées par les adultes.

Conclusion

En conclusion, les données des deux langues confirment notre hypothèse de départ selon laquelle la morphologie des énoncés de l'enfant a une incidence sur les réactions adultes. Mais elles montrent une différenciation entre les réactions à la morphologie erronée et les réactions à la morphologie lacunaire.

La faible proportion de réactions métadiscursives aux parti- cipes passés et infinitifs « seuls » peut expliquer leur persistance dans le langage enfantin et représente un facteur supplémentaire par rapport aux facteurs mis en évidence par Bassano, Laaha, Maillochon et Dressler22. Nous retrouvons ici l'importance de l'évidence négative23, c'est-à-dire de l'information sur les erreurs fournie à l'enfant par les réactions adultes, plus grande pour les erreurs de morphologie synthétique que pour les erreurs de mor- phologie périphrastique.

2 1 . La morphologie synthétique exprime les catégories morphologiques sur le mot au moyen d'affixes. La morphologie périphrastique les exprime au moyen de mots séparés, c'est-à-dire de manière morphosyntaxique.

II. Dominique Bassano, aabine Laana, Isabelle Maillochon, w. u. Dressler, züU4, « Early acquisition of verb grammar and lexical development : Evidence from periphrastic constructions in French and Austrian German », First Language, vol. 24/ 1 , p. 33-70.

23. Cf. Brian MacWhinney, 2004, «A multiple process solution to the logical pro- blem of language acquisition », Journal of Child Language, 31, p. 883-914 ; Matthew Saxton, Phillip Backley, Clare Gallaway, 2005, « Negative input for grammatical errors : Effects after a lag of 12 weeks », Journal of Child Language, 32, p. 643-672.

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