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INTRODUCTION La sécurité sociale pour tous D ans le commentaire qu’il a fait pour ce numéro spécial, le Secrétaire gé- néral de l’AISS, Hans-Horst Konkolewsky, précise que l’avantage com- paratif de l’Association a toujours résidé dans l’observation, l’analyse et la communication des développements actuels et des tendances qui se déga- gent. Il va sans dire que les pays sont toujours mieux placés pour prendre les décisions importantes concernant les meilleures politiques en matière de sécurité sociale. Cela étant, rares sont ceux qui ne subissent pas les influen- ces de leurs voisins et de la communauté mondiale. A des degrés et à des moments divers, les acteurs internationaux ont contribué à orienter l’évolu- tion de la sécurité sociale dans de nombreux pays. Et, naturellement, l’un des rôles de l’AISS a toujours été de servir de tribune pour faciliter cette pos- sibilité. La diffusion dans le monde des modèles et des pratiques de sécurité sociale a permis de dégager de «bonnes pratiques». Ce numéro spécial entend contribuer à cette diffusion. Plus précisément, le thème qui a été choisi est celui de l’extension de la couverture à tous, en- jeu majeur de la sécurité sociale d’aujourd’hui. Ce numéro met en avant l’intérêt renouvelé des pouvoirs publics pour la réduction de la pauvreté. C’est elle en effet qui a conduit au développement spectaculaire de la sécu- rité sociale financée par l’impôt, notamment dans les pays à revenus moyens. Elle a aussi permis la promotion d’une approche de la sécurité so- ciale fondée sur les droits et d’un «socle social à l’échelle mondiale». Il passe aussi en revue les grandes tendances de l’assurance sociale et traite de la dif- ficulté d’étendre la couverture aux travailleurs du secteur non structuré de l’économie et à leur famille. Il examine ensuite comment la sécurité sociale financée par l’impôt et l’assurance sociale peuvent se compléter pour amé- liorer la couverture de sécurité sociale pour tous. Le présent numéro est riche d’informations nouvelles. La présente intro- duction permet d’avoir une vue d’ensemble des principales conclusions des divers articles, regroupées en sept thèmes, avant quelques remarques finales. Etendre la notion de sécurité sociale et évaluer la couverture Dans l’introduction de son article, Kannan préconise d’élargir le concept de sécurité sociale pour traiter du double problème de la carence, par l’intermédiaire de la sécurité sociale «élémentaire», et de l’adversité, par © 2007 Auteur(s) Compilation des articles © 2007 AISS Revue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007 Publié par Blackwell Publishing Ltd, 9600 Garsington Road, Oxford OX4 2DQ, UK et 350 Main Street, Malden, MA 02148, USA 5

La sécurité sociale pour tous

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INTRODUCTION

La sécurité sociale

pour tous

Dans le com men taire qu ’il a fait pour ce nu méro spé cial, le Se cré taire gé -

né ral de l’AISS, Hans-Horst Kon ko lewsky, pré cise que l’a van tage com -

pa ra tif de l’Asso cia tion a tou jours ré sidé dans l’ob ser va tion, l’a na lyse et la

com mu ni ca tion des dé ve lop pe ments ac tuels et des ten dan ces qui se dé ga -

gent. Il va sans dire que les pays sont tou jours mieux pla cés pour prendre

les dé ci sions im por tan tes concer nant les meil leu res po li ti ques en ma tière de

sé cu rité so ciale. Cela étant, ra res sont ceux qui ne su bis sent pas les in fluen -

ces de leurs voi sins et de la com mu nauté mon diale. A des de grés et à des

mo ments di vers, les ac teurs in ter na tio naux ont con tri bué à orien ter l’é vo lu -

tion de la sé cu rité so ciale dans de nom breux pays. Et, na tu rel le ment, l’un

des rô les de l’AISS a tou jours été de ser vir de tri bune pour fa ci li ter cette pos -

si bi lité. La dif fu sion dans le monde des mo dè les et des pra ti ques de sé cu rité

so ciale a per mis de dé ga ger de «bon nes pra ti ques».

Ce nu méro spé cial en tend con tri buer à cette dif fu sion. Plus pré ci sé ment,

le thème qui a été choisi est ce lui de l’ex ten sion de la cou ver ture à tous, en -

jeu ma jeur de la sé cu rité so ciale d’au jourd ’hui. Ce nu méro met en avant

l’in té rêt re nou velé des pou voirs pu blics pour la ré duc tion de la pau vreté.

C’est elle en ef fet qui a conduit au dé ve lop pe ment spec ta cu laire de la sé cu -

rité so ciale fi nancée par l’im pôt, no tam ment dans les pays à re ve nus

moyens. Elle a aussi per mis la pro mo tion d’une ap proche de la sé cu rité so -

ciale fondée sur les droits et d’un «socle so cial à l’é chelle mon diale». Il passe

aussi en revue les gran des ten dan ces de l’as su rance so ciale et traite de la dif -

fi culté d’é tendre la cou ver ture aux tra vail leurs du sec teur non struc turé de

l’é co nomie et à leur fa mille. Il exa mine en suite com ment la sé cu rité so ciale

fi nancée par l’im pôt et l’as su rance so ciale peu vent se com plé ter pour amé -

lio rer la cou ver ture de sé cu rité so ciale pour tous.

Le pré sent nu méro est riche d’in for ma tions nou vel les. La pré sente in tro -

duc tion per met d’a voir une vue d’en semble des prin ci pa les con clu sions

des di vers ar ti cles, re grou pées en sept thè mes, avant quel ques re mar ques

fi na les.

Etendre la notion de sécurité socialeet évaluer la couverture

Dans l’in tro duc tion de son ar ticle, Kan nan pré co nise d’é lar gir le concept

de sé cu rité so ciale pour trai ter du double pro blème de la ca rence, par

l’intermédiaire de la sé cu rité so ciale «élé men taire», et de l’ad ver sité, par

© 2007 Auteur(s) Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007

Publié par Blackwell Pub lish ing Ltd, 9600 Garsington Road, Ox ford OX4 2DQ, UK et 350 Main Street, Malden, MA 02148, USA

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l’in ter mé diaire de la sé cu rité so ciale «pa rade». Cette der nière per met de

faire face à l’ad ver sité et à des si tua tions ou à des éven tua li tés par ti cu liè re -

ment dif fi ci les, comme la vieil lesse, les ac ci dents ou la ma ladie. La sé cu rité

so ciale élé men taire est sou vent prévue pour les ci toyens alors que la sé cu -

rité so ciale pa rade s’ap plique gé né ra le ment aux tra vail leurs (qui la co fi nan -

cent). Elles sont com plé men tai res et la pre mière ne sau rait don ner de ré sul -

tats sans la deuxième.

Kan nan montre que l’ex pé rience des pays ri ches qui ont mis au point un

sys tème d’Etat pro vi dence et de sé cu rité so ciale en gé né ral est utile aux

pays en dé ve lop pe ment. En fait, l’Etat joue un rôle consi dé rable dans le dé -

ve lop pe ment de la sé cu rité so ciale élé men taire, et ce même avant l’in dus -

tria li sa tion à grande échelle. Les pays en dé ve lop pe ment (à fai bles re ve nus)

sont donc éga le ment en me sure de ré gler tou tes les ques tions re la ti ves au

vo let élé men taire de la sé cu rité so ciale. La dy na mique so ciale, sous forme

de tri par tisme, d’or ga ni sa tions de la so ciété ci vile et de mou ve ments de li -

bé ra tion, joue aussi un rôle dans ce pro ces sus. La dif fé rence tient tou te fois à

ce que les at ten tes ac tuel les des po pu la tions des pays en dé ve lop pe ment

sont sans doute très su pé rieu res à cel les des Eu ro péens au tre fois. Cet état de

fait s’ex plique par le pro ces sus de mon dia li sa tion des com mu ni ca tions et de

trans mis sion des idées et des ima ges de pays à pays. Ces pro ces sus mon -

diaux ont aussi en traîné la concep tua li sa tion des po li ti ques mon dia les pour

faire face à la di men sion so ciale de la mon dia li sa tion, comme le prouve

l’idée d’un socle so cial mon dial.

La cou ver ture de sé cu rité so ciale compte d’or di naire trois di men sions:

les per son nes, le ni veau des pres ta tions et leur portée (éven tua li tés). Van

Gin ne ken a étu dié l’ex pé rience de cer tains pays clés à re ve nus fai bles,

moyens et éle vés ayant réussi à étendre la sé cu rité so ciale ou s’y em ployant.

Ce fai sant, il a passé en revue un cer tain nombre d’in di ca teurs de la cou -

verture de sé cu rité so ciale pour ce qui est des ré gi mes de sé cu rité so ciale

con tri bu tifs et de ceux fi nan cés par les re cet tes fis ca les et de la cou ver ture

ma ladie. Ces in di ca teurs sont des points de re père im por tants pour les po li -

ti ques na tio na les et in ter na tio na les et per met tent d’é tu dier les fac teurs qui

éten dent ou res trei gnent la cou ver ture de sé cu rité so ciale. Pour les ré gi mes

con tri bu tifs et ceux fi nan cés par les re cet tes fis ca les, les in di ca teurs des bé -

né fi ciai res sont gé né ra le ment les plus par lants. Les in di ca teurs de la cou -

ver ture ma ladie non seu le ment me su rent la cou ver ture par les con tri bu -

tions et les ser vi ces mais peu vent aussi éva luer l’ef fi ca cité en ter mes de

gains de santé.

Dans leur ar ticle, Ci chon et Ha ge me jer es ti ment qu ’entre un tiers et la

moi tié de la po pu la tion des pays en dé ve lop pe ment n’a pas ac cès à des ser -

vi ces de santé ef fi ca ces. Ces es ti ma tions re po sent sur des sta tis ti ques re la ti -

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ves au taux d’ac cès à l’ac cou che ment par du per son nel qua li fié et au taux

d’ac cès aux soins pré na taux dans dif fé ren tes par ties du monde. D’a près des

don nées is sues de la nou velle en quête du BIT sur la sé cu rité so ciale, 20 à

30 pour cent au plus, d’a près les es ti ma tions, de la po pu la tion mon diale ont

ac cès à des pres ta tions en es pè ces di gnes de ce nom. Entre 70 et 80 pour cent

de la po pu la tion mon diale vi vent dans un état d’«in sé cu rité so ciale» plus

ou moins grave, c’est-à-dire n’ont pas ac cès à la sé cu rité so ciale for melle.

Sur ces 70 à 80 pour cent, 20 pour cent sont in di gents, c’est-à-dire ont moins

de 1 USD par per sonne et par jour (d’a près le pou voir d’a chat de 1993).

Expériences de pays ayant réussi à étendrela sécurité sociale

Un cer tain nombre d’ex pé rien ces de pays ayant réussi à étendre la sé cu rité

so ciale est pré senté par van Gin ne ken. La plu part des pays de l’OCDE sont

par ve nus à une cou ver ture ma ladie uni ver selle. Dans le cas des pen sions, la

cou ver ture uni ver selle a gé né ra le ment été réa lisée par un sys tème com bi -

nant ré gi mes con tri bu tifs obli ga toi res et ré gi mes fi nan cés par l’im pôt. Cela

étant, le ni veau des pen sions, du moins pour les ré gi mes con tri bu tifs obli ga -

toi res, a baissé d’une ma nière gé né rale.

Un large éven tail de pays à re ve nus in ter mé diai res est par venu à une

cou ver ture uni ver selle dans l’une au moins des bran ches de la sé cu rité so -

ciale (comme le Chili, le Costa Rica et la Ré pu blique de Corée). D’au tres ont

fait un gros ef fort dans ce sens (comme le Bré sil, la Co lombie, les Phi lip pi -

nes, la Thaï lande et la Tu nisie). Poussée par la crois sance éco no mique et les

at ten tes de la po pu la tion, la Chine semble avan cer à grands pas tan dis que

l’Inde a ré cem ment mis en place un nou veau ré gime in ti tulé Ré gime na tio -

nal de ga rantie de l’em ploi en mi lieu ru ral.

Dans les pays à re ve nus fai bles, et en par ti cu lier en Afrique sub sa ha -

rienne, la ten dance est au dé ve lop pe ment, de puis le dé but des an nées

quatre- vingt-dix, de ré gi mes de mi cro-as su rance au ni veau lo cal. Ces ré gi -

mes of frent es sen tiel le ment une as su rance ma ladie, car les Etats n’as su rent

gé né ra le ment pas l’ac cès gra tuit aux soins à l’en semble de la po pu la tion.

Plu sieurs pays ont aussi éla boré des plans na tio naux de pro tec tion so ciale

ou de sé cu rité so ciale qui vi sent à étendre la cou ver ture et à as su rer à long

terme une cou verture uni ver selle. Le plan sé né ga lais de pro tec tion so ciale,

par exemple, pré voit de faire pas ser la cou ver ture de 20 à 50 pour cent entre

2005 et 2015, es sen tiel le ment grâce à de nou veaux ré gi mes pour les tra vail -

leurs du sec teur agri cole et de ce lui des trans ports.

L’ar ticle de Bar rien tos porte sur l’ex pé rience de pays en dé ve lop pe ment

dont le ré gime (d’aide so ciale) est fi nancé par l’im pôt. Un cer tain nombre de

© 2007 Auteur(s) Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007

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rai sons ex plique le rythme spec ta cu laire au quel ces ré gi mes se sont dé ve -

lop pés, no tam ment dans les pays à re ve nus in ter mé diai res. Il est symp to -

ma tique que le but des ré gi mes de sé cu rité so ciale fi nan cés par l’im pôt ne

consiste pas sim ple ment à s’at ta quer aux symp tô mes de la pau vreté mais

aussi à ses cau ses. La pau vreté est de plus en plus consi dérée comme un

phé no mène mul ti di men sion nel. Les Objec tifs du Mil lé naire pour le dé ve -

lop pe ment ont en outre concen tré l’at ten tion sur la ré duc tion de la pau -

vreté, en en fai sant la prin ci pale prio rité des or ga ni sa tions in ter na tio na les et

des gou ver ne ments na tio naux. De plus, le ca rac tère de plus en plus in for -

mel de l’em ploi com pro met la via bi lité fi nan cière de l’as su rance so ciale

fondée sur l’em ploi. Sans fi lets de pro tec tion so li des, les in cer ti tu des sus ci -

tées par les trans for ma tions so cia les et éco no mi ques peu vent donc fa ci le -

ment être à l’o ri gine de trou bles so ciaux et de di vi sions po li ti ques.

Dans les pays à re ve nus fai bles et in ter mé diai res, les nou vel les for mes de

sé cu rité so ciale fi nancée par l’im pôt consis tent en trans ferts de re ve nus

condi tion nels. Dans cer tains cas, les mé na ges bé né fi ciai res doi vent four nir

du tra vail. Dans d’au tres, les en fants doi vent fré quen ter l’é cole ou les mem -

bres des mé na ges doi vent re ce voir des soins de santé pri mai res de fa çon ré -

gu lière. Les trans ferts de rev enu s’in tè grent aussi de plus en plus dans des

pro grammes in té grés de lutte contre la pau vreté. Ces pro grammes four nis -

sent des ser vi ces de base tels que la santé et l’é du ca tion (voir Opor tu ni da des

au Mexique). D’au tres, comme Chile So li da rio, vi sent une stra tégie d’in té gra -

tion so ciale plus vaste. Les pro grammes sont aussi concen trés sur le mé nage

plu tôt que sur la per sonne ou la com mu nauté. Se lon Bar rien tos, l’é va lua -

tion des ré per cus sions des trans ferts condi tion nels de meure tou te fois dif fi -

cile. En ef fet, il n’est pas cer tain que le re trait ou la sup pres sion des condi -

tions com pro mette la réa li sa tion des ob jec tifs des pro grammes et si tel est le

cas, il est dif fi cile d’en ap pré cier l’am pleur.

Le financement des soins de santé, la sécurité socialeet le secteur non structuré de l’économie

Baeza et Pac kard com men cent leur ar ticle par l’ob ser va tion se lon la quelle le

fi nan ce ment gé né ral par l’im pôt est la ma nière la plus équi table de don ner

ac cès aux soins de santé. Il évite aux per son nes pau vres et vul né ra bles de

su bir les consé quen ces fi nan ciè res des coûts de santé et ré duit les ef fets des

pro blè mes de santé. L’as su rance so ciale est d’or di naire la so lu tion la plus

équi table lors qu ’une grande partie de la po pu la tion est cou verte, car les

apporteurs de re ve nus éle vés peu vent sub ven tion ner l’ac cès aux soins de

santé de la po pu la tion à re ve nus fai bles. Un cer tain nombre de pays dé ve -

lop pés et de pays à re ve nus in ter mé diai res ont déjà adopté ce type de sys tè -

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mes. Cela étant, de nom breux ré gi mes d’as su rance so ciale sont sour ces de

fraude, en par ti cu lier dans les pays en dé ve lop pe ment. Les au teurs pen sent

que la ma nière dont ces sys tè mes sont conçus est un fac teur im por tant du

ca rac tère de plus en plus in for mel de l’em ploi. Cela s’ex plique par l’é norme

écart entre les co ti sa tions d’as su rance so ciale ver sées et les avan ta ges ob te -

nus (ou es ti més ob te nus en con tre partie). Cet écart peut être en core plus im -

por tant lorsque les pres ta tions d’as su rance so ciale sont grou pées avec d’au -

tres pres ta tions, comme les pen sions.

Baeza et Pac kard se sont aper çus, en par ti cu lier dans les pays à re ve nus

fai bles, que les gou ver ne ments n’ont pas la pos si bi lité, bud gé tai re ment,

de fi nan cer un ac cès gé né ral et gra tuit aux soins de santé même en te nant

compte des nom breu ses ai des pu bli ques in ter na tio na les. Ils pro po sent

donc, pour la pé riode de tran si tion, un ac cès aux soins de santé fi nan cés par

l’im pôt su bor donné à un con trôle des res sour ces pour les per son nes pau -

vres et vul né ra bles. Ce dis po si tif pré voit éga le ment des pri mes ba sées sur le

risque qui re lie raient les co ti sa tions au risque ac tua riel du tra vail leur ou du

mé nage. L’in tro duc tion de pri mes ba sées sur le risque se rait le moyen le

plus di rect de ré duire l’é cart perçu entre les co ti sa tions et les pres ta tions de

santé sans re cou rir aux sub ven tions pu bli ques. Elle pour rait ac croître les in -

ci ta tions des tra vail leurs non pau vres in for mels et non sa la riés à par ti ci per

à une as su rance con tri bu tive. Les au teurs re con nais sent que le pas sage de

l’im pôt sur la masse sa la riale à des co ti sa tions ba sées sur le risque de vrait

s’ac com pa gner de po li ti ques pu bli ques ac ti ves pour com pen ser les in ci den -

ces éven tuel les en ma tière d’é quité. Leur pro po si tion en traî ne rait la dis so -

cia tion de la cou ver ture du mar ché du tra vail et le pas sage à une mu tua li sa -

tion des ris ques fi nancée par le bud get de l’Etat à tra vers une co ti sa tion

basée sur le risque. Elle se rait ac ces sible à tous les tra vail leurs et pas seu le -

ment à ceux du sec teur non struc turé. Pour les au teurs, cette op tion aura des

in ci den ces ma jeu res sur la ré forme de l’as su rance so ciale dans les pays en

dé ve lop pe ment et né ces si tera une étude mi nu tieuse et ap pro fondie ainsi

qu ’une ana lyse na tio nale spé ci fique avant sa mise en œuvre.

Il convient de fé li ci ter Baeza et Pac kard de s’être at ta qués d’emblée au

lien entre la sé cu rité so ciale obli ga toire et le ca rac tère de plus en plus in for -

mel du tra vail. Cela étant, de nom breu ses ques tions de meu rent. Pre miè re -

ment, des ar gu ments ana lo gues ont été avan cés il y a vingt-cinq ans pour

jus ti fier le pas sage de l’as su rance so ciale aux ré gi mes de re traite par ca pi ta -

li sa tion, no tam ment en Amé rique la tine. Ce pas sage a ré duit l’é cart perçu

entre les co ti sa tions et les pen sions mais les pen sions con tri bu ti ves ne cou -

vrent pas, au jourd ’hui, plus de re trai tés qu ’il y a vingt-cinq ans. Les for ces

qui pous sent vers le ca rac tère de plus en plus in for mel du tra vail ont pro ba -

ble ment un ca rac tère beau coup plus struc tu rel et dé pen dent des for ces éco -

© 2007 Auteur(s) Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007

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no mi ques de la mon dia li sa tion et de la concur rence et non de choix in di vi -

duels concer nant les coûts et les pres ta tions. Deuxiè me ment, com ment pro -

mou voir des sys tè mes de mu tua li sa tion des ris ques? Cela si gni fie rait-il

que, pen dant une pé riode tran si toire, nous ac cep te rions des ré gi mes de mi -

cro-as su rance ou d’au tres ré gi mes col lec tifs? Et que ces ré gi mes exis te raient

pa ral lè le ment aux ré gi mes obli ga toi res, ou en fin de compte même sans

eux? Ou le sec teur privé se rait-il en me sure d’of frir une telle as su rance?

Ma res exa mine aussi le rap port entre le mar ché du tra vail et la ré gle men -

ta tion so ciale et la taille du sec teur non struc turé de l’é co nomie. Une série

d’ar gu ments pose en prin cipe que les co ti sa tions de sé cu rité so ciale et les

au tres ré gle men ta tions du mar ché du tra vail sont la prin ci pale cause du

«dua lisme» du mar ché du tra vail dans les pays en dé ve lop pe ment. D’au tres

étu des, comme celle de De Soto (1989), voient dans la ré gle men ta tion bu -

reau cra tique et la «pa pe ras serie», et non dans les pro grammes de sé cu rité

so ciale pro pre ment dits, le prin ci pal fac teur de l’im por tance du ca rac tère

informel. De nom breu ses don nées d’ob ser va tion font dou ter du pou voir

explicatif de ces théo ries. Dans de nom breux pays d’Amé rique la tine, la

réglementation re la tive au sa laire mi ni mum n’a pas été ap pliquée ces vingt

der niè res an nées, d’où une ten dance marquée à la baisse des sa lai res. Pa ral -

lè le ment, de nom breux pro grammes d’as su rance so ciale ont été dé man te lés

ou for te ment ré duits. Ces chan ge ments n’ont tou te fois pas en traîné de ré -

duc tion de la taille du sec teur non struc turé de l’é co nomie de la ré gion.

D’au tres étu des mon trent que l‘em ploi in for mel concerne es sen tiel le ment

les tra vail leurs dont le ni veau de for ma tion est in fé rieur. Elles don nent donc

à pen ser qu ’une aug men ta tion des dé pen ses consa crées à l’é du ca tion et au

ca pi tal hu main pour rait ré duire la taille du sec teur non struc turé de l’é co -

nomie.

Sé cu rité so ciale, dé ve lop pe ment et em ploi

Dans son com men taire, Vla di mir Rys, Se cré taire gé né ral de l’AISS entre

1975 et 1990, rap pelle que le dé but des an nées soixante a été une pé riode très

sti mu lante pour la sé cu rité so ciale. La pro tec tion so ciale était en pleine pro -

gres sion et au cun gou ver ne ment n’é tait as sez fou pour prendre le risque

d’être re mer cié en la re met tant en cause. Les en ne mis des sys tè mes col lec tifs

de sé cu rité so ciale étaient re lé gués dans une poignée de cen tres uni ver si tai -

res et, pour le meil leur ou pour le pire, l’as su rance so ciale de ve nait pro gres -

si ve ment un ins tru ment très im por tant de re dis tri bu tion des re ve nus. Les

temps ont ra di ca le ment changé. Après les deux cri ses pé tro liè res de 1973 et

de 1980 au cours des quel les la crois sance éco no mique s’est ra lentie, les ef -

fets éco no mi ques po si tifs des dé pen ses de pro tec tion so ciale ont été re mis

Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007 Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS © 2007 Auteur(s)

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en cause. En consé quence, et comme le fait ob ser ver Dal mer Hos kins, Se cré -

taire gé né ral de l’AISS de 1990 à 2005, dans son ju di cieux com men taire, la

fin du siècle der nier s’est ré vélée très tur bu lente et in cer taine pour la sé cu -

rité so ciale.

Dans son ar ticle, Ma res passe en revue des étu des qui com pren nent des

don nées jus qu’à la moi tié des an nées quatre-vingt-dix. La plu part des étu -

des cou vrant la pé riode al lant jus qu’à la moi tié des an nées soixante-dix ont

re levé un rap port po si tif entre la taille du sec teur pu blic et la crois sance éco -

no mique. Cel les qui cou vrent les an nées qui ont suivi n’ont en re vanche pas

éta bli de rap port si gni fi ca tif. Ce rap port po si tif pour rait s’ex pli quer par le

fait que les pays dont le sys tème de pro tec tion so ciale est im por tant fi nan -

çaient ce der nier par des sys tè mes fis caux gé né ra le ment ré gres sifs. L’in -

verse se rait vrai pour les pays dont le sys tème de pro tec tion so ciale est li -

mité. L’hy po thèse se lon la quelle l’in ves tis se ment dans l’é du ca tion pu -

blique et le ca pi tal hu main ren for ce rait la crois sance fait ce pen dant l’u na ni -

mité. Plu sieurs étu des ont en outre mon tré que les po li ti ques d’as su rance

so ciale ont eu des ef fets sur les in ci ta tions des em ployés et des em ployeurs à

in ves tir à long terme dans le dé ve lop pe ment des com pé ten ces. De nom -

breu ses étu des ont avancé la thèse se lon la quelle, aux pre miers sta des du

dé ve lop pe ment éco no mique no tam ment, des dé pen ses de santé même mo -

dé rées peu vent en traî ner une ré duc tion sen sible des ma la dies in fec tieu ses

et de la mal nu tri tion. Les consé quen ces pour la pro duc ti vité glo bale de la

main-d’œuvre se raient donc loin d’être né gli gea bles.

Pour ce qui est des consé quen ces pour l’em ploi de sys tè mes de pro tec -

tion so ciale plus im por tants, le cadre éco no mique néo-clas sique consi dère

que les pro grammes so ciaux et les ré gle men ta tions sur la sé cu rité de l’em -

ploi font aug men ter les coûts sa la riaux des en tre pri ses. L’am pleur de l’ef fet

d’une hausse de ces coûts sa la riaux dé pend, en der nier res sort, de la ma -

nière dont ils sont ré par tis entre les en tre pri ses et les tra vail leurs. Ma res

cons tate que les consé quen ces du sys tème de pro tec tion so ciale se font sen -

tir par l’in ter mé diaire des ins ti tu tions et po li ti ques exis tan tes, comme le de -

gré de cen tra li sa tion de la né go cia tion sa la riale. Ainsi, ce der nier influe sur

la re dis tri bu tion de char ges sa la ria les plus éle vées entre les tra vail leurs et

les en tre pri ses. La mo dé ra tion sa la riale va gé né ra le ment de pair avec des

sys tè mes dé cen tra li sés. Tel est aussi le cas dans les sys tè mes cen tra li sés de

né go cia tion sa la riale, où le taux de syn di ca li sa tion est élevé et où les syn di -

cats ac cep tent une mo dé ra tion des sa lai res en échange d’une ex pan sion des

pro grammes so ciaux pu blics. Dans le cadre d’une né go cia tion sa la riale

(sec to rielle) moyen ne ment cen tra lisée, les em ployeurs sont sou vent en me -

sure de ré per cu ter l’aug men ta tion des char ges sa la ria les (ou une partie) sur

le consom ma teur.

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Page 8: La sécurité sociale pour tous

Dans leur ar ticle col lec tif, Ci chon et Ha ge me jer dé men tent le mythe de

l’ar bi trage entre équité et ef fi ca cité. L’a na lyse sta tis tique des pays de

l’OCDE montre qu ’il n’existe presque pas de re la tion di recte entre la crois -

sance moyenne à long terme (PIB entre 1980 et 2001) et la part moyenne du

PIB af fectée aux dé pen ses so cia les (taux des dé pen ses so cia les) sur la même

pé riode. Les concep tions des po li ti ques et des sys tè mes de sé cu rité so ciale

peu vent en traî ner des ni veaux ex trê me ment dif fé rents de dé pen ses so cia les

pour chaque ni veau du PIB. Cela étant, les au teurs cons ta tent une forte cor -

ré la tion sta tis tique entre la pro duc ti vité ho raire de la main-d’œuvre et les

dé pen ses so cia les par ha bi tant, dans les pays de l’OCDE et dans ceux qui

n’en sont pas mem bres. Cette re la tion est par ti cu liè re ment forte pour les dé -

pen ses de santé dans les pays qui ne sont pas mem bres de l’OCDE. On

pour rait in ter pré ter ces don nées comme si gni fiant que les dé pen ses so cia les

sont une condi tion préa lable de la crois sance. On peut aussi sim ple ment af -

fir mer qu ’en cas de crois sance éco no mique et d’aug men ta tion de la pro duc -

ti vité, les dé pen ses so cia les (réa gis sant presque comme un «bien de luxe»)

aug men tent aussi. Quelle que soit la bonne in ter pré ta tion, rien n’in dique

que des dé pen ses de pro tec tion so ciale éle vées sont as so ciées à une pro duc -

ti vité faible.

A l’a ve nir, des re cher ches com plé men tai res sur les pays en dé ve lop pe -

ment et les ef fets mi croé co no mi ques de la sé cu rité so ciale sur les mé na ges et

les en tre pri ses s’im po sent. Cer tains des tra vaux de re cherche sur la pro tec -

tion so ciale et la pro duc ti vité du tra vail sont ré su més dans van Gin ne ken

(2005).

Une sécurité sociale dynamique: modèle

Dans son ar ticle, McKin non ébauche un mo dèle de sé cu rité so ciale dy na -

mique pour ai der les ins ti tu tions de sé cu rité so ciale à me ner des ré for mes et

à s’a dap ter et, au be soin, à prendre de nou vel les orien ta tions. Dans son

com men taire, M. Kon ko lewsky, Se cré taire gé né ral de l’AISS, met ce mo dèle

au ser vice de sa concep tion per son nelle du dé ve lop pe ment fu tur du rôle

international de l’AISS.

Le point de dé part com mun est l’ob ser va tion se lon la quelle les ins ti tu -

tions de sé cu rité so ciale ont un cer tain nombre d’ob jec tifs iden ti fia bles. Ces

ins ti tu tions et les pres ta tions et les ser vi ces qu ’el les four nis sent doi vent être

adap tés à la so ciété. Les ad mi nis tra tions doi vent être mieux di ri gées et plus

ef fi ca ce ment. Les pres ta tions doi vent cor res pondre aux be soins des per son -

nes et des mé na ges et el les doi vent aussi être suf fi san tes. De fa çon plus gé -

né rale, la sé cu rité so ciale doit s’ef for cer d’être viable des points de vue fi -

nan cier, po li tique et so cial. Elle ne s’en trouve pas moins con frontée à des

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pro blè mes plus fon da men taux et en par ti cu lier à son ex ten sion à l’en semble

des ci toyens.

Afin de mieux com prendre, ana ly ser et com mu ni quer la na ture pro fonde

des pro ces sus de ré forme en cours dans le monde, un mo dèle dy na mique

de sé cu rité so ciale de vrait ai der les ins ti tu tions de sé cu rité so ciale de tous

les pays, dé ve lop pés et moins dé ve lop pés, à ar rê ter leur po li tique gé né rale

ou leurs pro grammes d’ac tion dans les buts sui vants:

• Mieux ré pondre aux be soins ac tuels et fu turs en ce qui concerne leur

fonc tion ne ment. De nom breu ses ins ti tu tions doi vent amé lio rer leur rap port

coût-ef fi ca cité, par exemple en uti li sant des ou tils de ges tion de la per for -

mance et en adap tant leurs mé tho des de fonc tion ne ment.

• Réa li ser les ob jec tifs as si gnés à la sé cu rité so ciale. La ques tion qui se pose

est la sui vante: com ment la sé cu rité so ciale peut-elle mieux te nir compte des

nou veaux ob jec tifs, comme l’ex ten sion de la cou ver ture?

• Ré pondre aux be soins gé né raux de l’é co nomie et de la so ciété. La sé cu rité

so ciale doit se re dé fi nir et s’a dap ter aux nou vel les ten dan ces dé mo gra phi -

ques, so cié ta les et éco no mi ques. Les en jeux aux quels elle est con frontée

sont par exemple le vieil lis se ment, l’é vo lu tion des struc tu res fa mi lia les et

du rôle des hom mes et des fem mes, l’é vo lu tion des ris ques aux quels les in -

di vi dus sont ex po sés dans leur vie et leur em ploi, la co or di na tion avec les

po li ti ques d’in ser tion pro fes sion nelle, et sa con tri bu tion au ren for ce ment

de la ca pa cité d’in té gra tion de la so ciété et de la ca pa cité de pro duc tion de

l’é co nomie.

Financement d’un socle social minimumà l’échelle mondiale

Ci chon et Ha ge me jer dé fen dent l’ob jec tif d’un socle de sé cu rité so ciale à

l’échelle mon diale. Il per met trait aux pau vres d’ac croître leur pro duc ti vité

et leurs re ve nus, et con tri bue rait à lé gi ti mer la mon dia li sa tion, comme l’af -

firme la Com mis sion mon diale sur la di men sion so ciale de la mon dia li sa -

tion. Ce socle pour rait com prendre les élé ments sui vants:

• Accès aux soins de santé par l’in ter mé diaire de sys tè mes na tio naux plu -

ra lis tes (fi nan cés par les re cet tes fis ca les et par l’as su rance privée et so ciale

et la mi cro-as su rance).

• Sys tème de pres ta tions fa mi lia les per met tant aux en fants de fré quen ter

l’é cole.

• Sys tème d’aide so ciale de base au to ciblée (pro grammes tra vail contre ré -

mu né ra tion) con tri buant à sur mon ter la mi sère pour ceux qui sont ca pa bles

de tra vail ler.

• Mise en place d’un sys tème de pen sion uni ver selle pour la vieil lesse, l’in -

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va li dité et les sur vi vants qui as sure réel le ment la sub sis tance de fa mil les en -

tiè res.

La pro mo tion de ce socle de sé cu rité so ciale à l’é chelle mon diale ne peut

être cré dible que si le socle est abor dable et réa li sable sur le plan de la lo gis -

tique. La fai sa bi lité lo gis tique a été prouvée par les pays qui ont réussi à

mettre en place de vas tes pro grammes d’as sis tance so ciale, comme le Bots -

wana, le Bré sil, le Mexique, la Na mibie et l’Afrique du Sud. D’a près les es ti -

ma tions, le coût de ce socle se si tue rait entre 1,2 (pour un seuil de pau vreté

de 1 USD par per sonne et par jour) et 1,7 pour cent (pour des seuils de pau -

vreté su pé rieurs de 30 pour cent) du PNB mon dial pour le groupe des très

pau vres uni que ment, c’est-à-dire le groupe cible de l’Objec tif 1 du Mil lé -

naire pour le dé ve lop pe ment. Par me sure de pré cau tion, il fau drait es ti mer

le coût à 2 pour cent en vi ron du PNB mon dial, car cer tai nes pres ta tions ne

se raient pas ci blées (comme les pen sions uni ver sel les et les pres ta tions pour

en fant/sco la rité et soins de santé).

La base de don nées pour 2001 est la sui vante: 1,1 mil liard de per son nes

vi vaient avec moins de 1 USD par per sonne et par jour, 1,5 mil liard vi vaient

en des sous du seuil de pau vreté re la tif es timé au ni veau na tio nal et 2,7 mil -

liards vi vaient avec moins de 2 USD par per sonne et par jour. S’il fallait

étendre le socle de sé cu rité so ciale de base, dé fini comme le seuil de pau -

vreté le plus élevé, à tous, les res sour ces né ces sai res s’é lè ve raient à 5 à

6 pour cent du PIB à l’é chelle mon diale.

Les dé pen ses pu bli ques de consom ma tion au ni veau mon dial re pré sen -

tent en vi ron 17 pour cent du PIB mon dial de sorte qu ’un socle de base com -

plet de sé cu rité so ciale re pré sen te rait en vi ron un tiers des dé pen ses pu bli -

ques de consom ma tion ac tuel les au ni veau mon dial. Le to tal de l’aide of fi -

cielle au dé ve lop pe ment n’est que d’en vi ron 1 mil liard de USD par an (dé -

cais se ments nets); le com ble ment du dé fi cit de sé cu rité so ciale pour les plus

pau vres au rait un coût, d’a près les es ti ma tions, de l’ordre de 380 mil liards

de USD par an (en mai 2007, 1 USD = 0,74 EUR approximati vement).

Réaliser le droit à la sécurité sociale

Dans son ar ticle, Kulke montre que de puis la fin de la deuxième guerre

mon diale, le droit à la sé cu rité so ciale fi gure dans la Dé cla ra tion uni ver selle

des droits de l’homme et dans le Pacte in ter na tio nal re la tif aux droits éco -

nomiques, so ciaux et cul tu rels. Dans le sys tème des Na tions Unies, l’OIT

a donné corps à ce droit dans sa con ven tion «phare» no 102, qui a été rati -

fiée par de nom breux pays dé ve lop pés mais seu le ment par une poignée de

pays en dé ve lop pe ment. Les dis po si tions de la con ven tion sur la couver -

ture personnelle res tent en deçà du mi ni mum né ces saire pour at teindre le

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socle so cial de base condui sant à la pleine réa li sa tion du droit à la sé cu rité

so ciale.

Les droits ac cor dés dans le cadre des ins tru ments re la tifs aux droits de

l’homme peu vent être di vi sés en deux gran des ca té go ries, se lon la na ture

de l’o bli ga tion ju ri dique qu ’ils en traî nent, à sa voir une «obli ga tion de

moyens» et une «obli ga tion de ré sul tat». Compte tenu des dif fé rents ni -

veaux de dé ve lop pe ment éco no mique, le Pacte in ter na tio nal re la tif aux

droits éco no mi ques, so ciaux et cul tu rels per met aux pays de «réa li ser pro -

gres si ve ment» les droits ac cor dés par le Pacte (l’o bli ga tion de moyens).

Tou te fois, les pays ne peu vent se ser vir de la dis po si tion de l’ar ticle 2

comme d'un pré texte pour ne pas res pec ter leurs en ga ge ments. Il existe

donc une cer taine sou plesse dans la ma nière dont les Etats peu vent ap pli -

quer les dis po si tions du Pacte mais ce der nier im pose aussi une obli ga tion

stricte de réa li sa tion pro gres sive des droits res pec tifs. De plus, tout Etat

partie au Pacte a l’o bli ga tion d’as su rer un ni veau mi ni mum de jouis sance

de chaque droit. Les mots «contenu fon da men tal» n’ont pas en core été clai -

re ment dé fi nis. D’a près le Pacte tou te fois, le contenu fon da men tal mi ni -

mum de chaque droit cons titue une li mite en des sous de la quelle les condi -

tions ne de vraient pas tom ber et ce, quel que soit l’Etat partie. Ce socle so cial

de base n’est pas né go ciable et de vrait cou vrir les be soins fon da men taux en

ma tière de pro tec tion so ciale. Il ne de vrait pas non plus être re mis en ques -

tion pour des rai sons éco no mi ques. De plus, sa réa li sa tion ne de vrait pas

être dif férée.

D’a près le BIT et dans le droit fil de l’ar ticle de Ci chon/Ha ge me jer, le

«contenu fon da men tal» du droit à la sé cu rité so ciale de vrait com prendre

trois élé ments: i) ac cès aux soins de santé de base, ii) pres ta tions fa mi lia les

de base; et iii) pen sions de base pour la vieil lesse, l’in ca pa cité et les sur vi -

vants. Les obli ga tions de ré sul tat et de moyens, pré vues dans les ins tru -

ments re la tifs aux droits de l’homme, pour raient don ner lieu à un nou vel

ins tru ment de l’OIT. Ce der nier fa vo ri se rait la cou ver ture uni ver selle par

un en semble dé fini de pres ta tions de base et une obli ga tion de re le ver le ni -

veau de la pro tec tion en fonc tion du dé ve lop pe ment éco no mique. Cet ins -

tru ment pour rait en outre con tri buer sen si ble ment à la réa li sa tion des

Objec tifs du Mil lé naire en ma tière de dé ve lop pe ment et à la ré duc tion de la

pau vreté au-delà de 2015.

Conclusion

Alors qu ’elle cé lèbre son 80e an ni ver saire, l’AISS, as so cia tion in ter na tio nale

dont sont mem bres des ad mi nis tra tions na tio na les de sé cu rité so ciale, se

trouve face à une série de ques tions fon da men ta les.

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Kulke af firme dans le pré sent nu méro que l’ob jec tif pre mier de la sé cu rité

so ciale a ra di ca le ment changé: il ne s’a git plus d’un dis po si tif de rem pla ce -

ment du rev enu mais d’un ou til in dis pen sable pour lut ter contre la pau -

vreté. Si tel est le cas, nous de vons ré flé chir à ce que de vrait être le rôle de

la sé cu rité so ciale. Il ne fait au cun doute que l’ac cent dé sor mais mis sur la

ré duc tion de la pau vreté, mis en va leur et ren forcé par une ap proche de la

sé cu rité so ciale fondée sur les droits, aura de pro fon des ré per cus sions sur

les pra ti ques nor ma ti ves ac tuel les en ma tière de sé cu rité so ciale. Se pose

donc la ques tion sui vante: com ment main te nir ef fi ca ce ment les mo dè les

tra di tion nels de sé cu rité so ciale «col lec tive» fi nan cés par les co ti sa tions

— sa la ria les et pa tro na les et par fois aussi de l’Etat — et les in té grer plus

plei ne ment dans un mo dèle qui donne de plus en plus la prio rité, bien que

sou vent pour des rai sons dif fé ren tes et par des moyens ins ti tu tion nels di -

vers, à la pri mauté de l’in di vidu? Au jourd ’hui, les ap pro ches plu ra lis tes ou

à plu sieurs ni veaux de la sé cu rité so ciale sont gé né ra le ment ac cep tées.

Pour tant, en don nant en core plus de poids aux ar gu ments fa vo ra bles à une

ap proche fondée sur les droits pour réa li ser une cou ver ture uni ver selle, la

ma nière dont les res pon sa bi li tés col lec ti ves et in di vi duel les de vraient être

dé li mi tées, équi li brées et ré par ties entre les tra vail leurs et les em ployeurs,

entre les tra vail leurs ri ches et les tra vail leurs pau vres, entre les per son nes

ayant des em plois plus ou moins for mels et entre les mem bres de la so ciété

«ac tifs» et «non ac tifs» a de vé ri ta bles im pli ca tions pra ti ques.

L’in ter ven tion de l’Etat sem ble rait quant à elle avoir des im pli ca tions

tout aussi im por tan tes. Pre nons le cas des pres ta tions fi nan cées par l’im pôt.

Nous avons la preuve que la plu part des pays sont en me sure de trou ver la

marge bud gé taire né ces saire pour ser vir des pres ta tions fi nan cées par l’im -

pôt afin de ré duire la pau vreté. Mal gré cela, il fau dra trou ver de puis sants

ar gu ments en fa veur de la fai sa bi lité po li tique de cet ob jec tif à une échelle

vé ri ta ble ment mon diale. A cette fin, et dans le cadre du pro ces sus po li tique

né ces saire, tou tes les ad mi nis tra tions de sé cu rité so ciale au ront in té rêt à en -

ga ger le dé bat for tes de leur ex pé rience pra tique et de leur ex per tise.

L’ap pa ri tion, dans les pays en dé ve lop pe ment, d’une sé cu rité so ciale fi -

nancée par l’im pôt pro met d’a voir une in ci dence sur la pau vreté et la vul né -

ra bi lité à l’é chelle mon diale. Néan moins, le prin ci pal défi est de veil ler à ce

que cela con tribue au dé ve lop pe ment de sys tè mes glo baux de sé cu rité so -

ciale. Dans les pays à fai bles re ve nus, l’en jeu est de ga ran tir que la mise en

place d’une sé cu rité so ciale fi nancée par l’im pôt en traîne la so li da rité, la

cré di bi lité et la ca pa cité né ces sai res pour créer des ins ti tu tions de sé cu rité

so ciale for tes et sta bles. En ce qui concerne le fi nan ce ment de la cou ver ture

de ma ladie uni ver selle, le fi nan ce ment par l’im pôt est d’or di naire jugé plus

équi table et moins oné reux du point de vue ma croé co no mique. Dans la pra -

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tique, tou te fois, il fau dra as so cier plu sieurs for mes de fi nan ce ment pour en

ré duire les consé quen ces pour les fi nan ces pu bli ques. Pour ce qui est des

pen sions, l’offre de pen sions so cia les risque de dé cou ra ger les par ti cu liers

de prendre d’au tres dis po si tions, in di vi duel le ment ou col lec ti ve ment. Il

faut donc, dans tous les pays, dé fi nir les po li ti ques en ma tière de pen sion

dans le contexte d’un cadre so cio-éco no mique plus large qui inclue des sys -

tè mes d’aide fa mi liale, une épargne et l’ac cu mu la tion d’a voirs per son nels,

comme un lo ge ment.

Comme le Se cré taire gé né ral, M. Kon ko lewsky, l’af firme dans la con clu -

sion du com men taire qu ’il a fait pour le pré sent nu méro spé cial, l’his toire

de la sé cu rité so ciale est une longue his toire d’a dap ta tion. Et comme l’é vo -

lu tion dans les pays le montre, ce pro ces sus d’a dap ta tion se pour suit. Cela

étant, à l’heure de la mon dia li sa tion, les sys tè mes na tio naux de sé cu rité so -

ciale ne peu vent faire abs trac tion de la scène in ter na tio nale. Dans cet es prit,

l’idée du Se cré taire gé né ral de mettre au point un «par te na riat mon dial de

la sé cu rité so ciale» pour ren for cer la re pré sen ta tion et la voix des or ga ni sa -

tions mem bres de l’AISS aux cô tés des au tres par ties in té res sées, et no tam -

ment l’OIT et la Banque mon diale, est par ti cu liè re ment op por tune. L’un des

rô les es sen tiels d’un par te na riat de ce type doit être de dé ga ger un consen -

sus sur les mo da li tés pra ti ques d’ex ten sion de la sé cu rité so ciale à tous de

ma nière à con tri buer à un dé ve lop pe ment équi table et du rable au ni veau

mon dial. C’est à cela que la pré sente série de do cu ments en tend con tri buer.

Wou ter van Gin ne ken

Ancien fonc tion naire du Bu reau in ter na tio nal du Tra vail

Roddy McKin non

Asso cia tion in ter na tio nale de la sé cu rité so ciale

Ré dac teurs in vi tés

Bibliographie

de Soto, H. 1989. The other path: The invis i ble rev o lu tion in the third world. New York,

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van Ginneken, W. 2005. Man ag ing risk and min i miz ing vul ner a bil ity: The role of social

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