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57 guide juridique Actualités pharmaceutiques n° 488 Septembre 2009 L a loi du 13 août 2004 relative à l’as- surance maladie, dans la recher- che d’encadrement des pratiques des laboratoires pharmaceutiques afin de réguler les dépenses de santé de façon efficiente, a imaginé un système afin de “contrôler” la visite médicale effectuée auprès des médecins par les délégués médicaux pour le compte des laboratoires pharmaceutiques. La loi a ainsi exigé qu’une charte de qualité des pratiques professionnelles des person- nes chargées de la promotion des médica- ments par prospection ou démarchage soit conclue entre le Comité économique des produits de santé (Ceps) et les syndicats représentatifs de la profession 1 , dans le but d’encadrer les pratiques commerciales ou promotionnelles qui pourraient nuire à la qualité des soins. À défaut, si les parties n’étaient pas arrivées à se mettre d’accord avant le 31 décembre de l’année 2004, la loi donnait au gouvernement le droit de légiférer par décret sur ce dossier. La volonté des pouvoirs publics d’avancer sur ce sujet était donc claire et réelle. Ils laissaient ainsi aux syndicats la possibilité de négocier la charte et de trouver un terrain d’entente avec le Ceps, sous menace d’une décision arbitraire en cas d’échec des “négociations”. Le dispositif était complété par un deuxième article de la loi, qui disposait que les entre- prises signataires s’engageaient à respecter la charte et, selon une procédure établie par la Haute Autorité de santé, à faire évaluer et certifier par des organismes accrédités la qualité et la conformité à cette charte de leur visite médicale 2 . Deux temps donc dans cette procédure : l’élaboration d’une charte, puis sa mise en œuvre et l’évaluation de son application sur le terrain par des organismes de certification. La charte a été signée le 22 décembre 2004 entre le Ceps et le Leem (Les entreprises du médicament). Le contenu de la charte Cette charte définit l’objet de la visite médi- cale d’une façon générale, ainsi que les dif- férents aspects de celle-ci. • L’objet de la visite médicale Jusqu’alors, la visite médicale, pratique issue des laboratoires pharmaceutiques afin de promouvoir la vente de leurs médicaments, n’avait jamais fait l’objet d’une définition juri- dique. Elle était cependant assimilée sur un plan juridique, au même titre qu’une publi- cité médicale, à une pratique de promotion. Si la définition de la visite médicale, telle qu’élaborée dans la charte, reconnaît que le premier objectif de celle-ci est d’assurer auprès du corps médical la promotion des médicaments et de contribuer au dévelop- pement des laboratoires pharmaceutiques, la charte vient accoler à cet objectif une deuxième mission, qui est celle de favori- ser la qualité du traitement médical dans le souci d’éviter le mésusage du médicament, de ne pas occasionner de dépenses inutiles et de participer à l’information du médecin. Ainsi, la charte a pour objet de renforcer le rôle de la visite médicale dans le bon usage du médicament et la qualité de l’informa- tion. Ainsi présentée comme un élément de réforme de l’assurance maladie et de la modification des comportements, elle devait ainsi contribuer au succès de la réduction du déficit de la Sécurité sociale. D’un outil qui était perçu comme néfaste à la réduc- tion des dépenses de santé, car incitant les médecins à prescrire sur des fondements considérés parfois comme non scientifiques et à visée purement promotionnelle, le minis- tère, via le Ceps, a tenté de le transformer à son avantage, le délégué médical devant, lors de cette visite, relayer le discours officiel des autorités sanitaires. • Les missions et déontologie du délégué médical Si, à l’origine, le but de la visite médicale est d’assurer la promotion du médicament, la charte insiste sur son aspect informatif du médecin et une utilisation conforme du médicament au bon usage. De façon concrète, le délégué médical est dans l’obligation d’attirer l’attention du prati- cien sur tous les aspects réglementaires et pharmacothérapeutiques du médicament ; mais également placer ce dernier dans la stratégie thérapeutique, en s’appuyant sur La visite médicale, une promotion très encadrée Exigée par le législateur pour mieux définir les pratiques des laboratoires pharmaceutiques, la charte de la visite médicale entend assurer les conditions de la promotion des médicaments, mais aussi favoriser la qualité du traitement médical par une meilleure information du praticien. Devenue un véritable relais entre autorités sanitaires et prescripteurs, la visite médicale est donc très précisément encadrée, et même contrôlée par une certification imposée aux entreprises du médicament. Si le premier objectif de la visite médicale est d’assurer auprès du corps médical la promotion des médicaments, sa deuxième mission est de favoriser la qualité du traitement médical. © BSIP/Vallancien

La visite médicale, une promotion très encadrée

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juridique

Actualités pharmaceutiques • n° 488 • Septembre 2009

La loi du 13 août 2004 relative à l’as-surance maladie, dans la recher-che d’encadrement des pratiques

des laboratoires pharmaceutiques afi n de réguler les dépenses de santé de façon efficiente, a imaginé un système afin de “contrôler” la visite médicale effectuée auprès des médecins par les délégués médicaux pour le compte des laboratoires pharmaceutiques.La loi a ainsi exigé qu’une charte de qualité des pratiques professionnelles des person-nes chargées de la promotion des médica-ments par prospection ou démarchage soit conclue entre le Comité économique des produits de santé (Ceps) et les syndicats représentatifs de la profession1, dans le but d’encadrer les pratiques commerciales ou promotionnelles qui pourraient nuire à la qualité des soins.À défaut, si les parties n’étaient pas arrivées à se mettre d’accord avant le 31 décembre de l’année 2004, la loi donnait au gouvernement le droit de légiférer par décret sur ce dossier. La volonté des pouvoirs publics d’avancer sur ce sujet était donc claire et réelle. Ils laissaient ainsi aux syndicats la possibilité de négocier la charte et de trouver un terrain d’entente avec le Ceps, sous menace d’une décision arbitraire en cas d’échec des “négociations”. Le dispositif était complété par un deuxième article de la loi, qui disposait que les entre-prises signataires s’engageaient à respecter la charte et, selon une procédure établie par la Haute Autorité de santé, à faire évaluer et certifier par des organismes accrédités la qualité et la conformité à cette charte de leur visite médicale2.Deux temps donc dans cette procédure : l’élaboration d’une charte, puis sa mise en œuvre et l’évaluation de son application sur le terrain par des organismes de certifi cation. La charte a été signée le 22 décembre 2004 entre le Ceps et le Leem (Les entreprises du médicament).

Le contenu de la charteCette charte défi nit l’objet de la visite médi-cale d’une façon générale, ainsi que les dif-férents aspects de celle-ci.

• L’objet de la visite médicaleJusqu’alors, la visite médicale, pratique issue des laboratoires pharmaceutiques afi n de promouvoir la vente de leurs médicaments, n’avait jamais fait l’objet d’une défi nition juri-dique. Elle était cependant assimilée sur un plan juridique, au même titre qu’une publi-cité médicale, à une pratique de promotion. Si la défi nition de la visite médicale, telle qu’élaborée dans la charte, reconnaît que le premier objectif de celle-ci est d’assurer auprès du corps médical la promotion des médicaments et de contribuer au dévelop-pement des laboratoires pharmaceutiques, la charte vient accoler à cet objectif une deuxième mission, qui est celle de favori-ser la qualité du traitement médical dans le souci d’éviter le mésusage du médicament, de ne pas occasionner de dépenses inutiles et de participer à l’information du médecin. Ainsi, la charte a pour objet de renforcer le rôle de la visite médicale dans le bon usage du médicament et la qualité de l’informa-tion. Ainsi présentée comme un élément de réforme de l’assurance maladie et de la modifi cation des comportements, elle devait ainsi contribuer au succès de la réduction du défi cit de la Sécurité sociale. D’un outil qui était perçu comme néfaste à la réduc-tion des dépenses de santé, car incitant les médecins à prescrire sur des fondements considérés parfois comme non scientifi ques et à visée purement promotionnelle, le minis-tère, via le Ceps, a tenté de le transformer à son avantage, le délégué médical devant, lors de cette visite, relayer le discours offi ciel des autorités sanitaires.• Les missions et déontologie du délégué médicalSi, à l’origine, le but de la visite médicale est d’assurer la promotion du médicament, la charte insiste sur son aspect informatif du médecin et une utilisation conforme du médicament au bon usage. De façon concrète, le délégué médical est dans l’obligation d’attirer l’attention du prati-cien sur tous les aspects réglementaires et pharmacothérapeutiques du médicament ; mais également placer ce dernier dans la stratégie thérapeutique, en s’appuyant sur

La visite médicale, une promotion très encadrée

Exigée par le législateur

pour mieux défi nir

les pratiques des laboratoires

pharmaceutiques, la charte

de la visite médicale entend

assurer les conditions

de la promotion

des médicaments, mais

aussi favoriser la qualité

du traitement médical

par une meilleure

information du praticien.

Devenue un véritable relais

entre autorités sanitaires

et prescripteurs, la visite

médicale est donc très

précisément encadrée,

et même contrôlée

par une certifi cation

imposée aux entreprises

du médicament.

Si le premier objectif de la visite médicale est • d’assurer auprès du corps médical la promotion des médicaments, sa deuxième mission est de favoriser la qualité du traitement médical.

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les recommandations des autorités sani-taires. Ainsi, la charte contient une liste de documents que le délégué doit remettre au médecin (RCP, classement du médica-ment, prix de vente, avis de la Commission de la transparence, recommandations liées au produit...). Le délégué ne peut utiliser exclusivement que des documents qui ont été déposés auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Il ne pourra plus proposer aux médecins d’analyses pharmaco-économi-ques ou d’essais cliniques post-AMM (mais il pourra en assurer le suivi).La charte vient également défi nir un code de bonne conduite à l’attention du délé-gué. Outre des obligations que l’on pour-rait qualifi er de classiques, telles que le respect du secret professionnel et du bon fonctionnement du cabinet médical (en particulier celui du rythme et des horai-res de visites souhaités par le médecin), respect des obligations imposées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), absence de dénigrement des produits et entreprises concurrents, la charte insère l’interdiction des cadeaux et échantillons remis au médecin. Dès lors, toute remise d’objets, ne serait-ce que du petit matériel de bureau, tels crayons, stylos, Post-it®, est strictement interdite dans le cadre de la visite médicale (mais demeure autorisée lors des manifestations scientifi ques). De plus, est confi rmé le rôle du délégué médical dans la remontée des informations liées à la pharmacovigilance. Enfi n, au regard de l’assurance maladie, le délégué médical doit présenter au médecin les différents conditionnements possibles du médicament, dont les moins onéreux, et préciser si le médicament fait l’objet d’un tarif forfaitaire de responsabilité.• Le rôle-clé du pharmacien responsableC’est sur le pharmacien responsable du laboratoire pharmaceutique que repose l’ensemble du fonctionnement du sys-tème. Celui-ci doit d’abord s’assurer que le délégué remplit les conditions légales de formation (diplôme de délégué médical) et que ses connaissances sont régulièrement actualisées.Il doit ensuite vérifi er le contenu des docu-ments qui seront remis lors de la visite, notamment leur qualité scientifi que et éco-

nomique. Le pharmacien est responsable du contenu des messages délivrés par le délégué : il doit donc s’assurer que la pré-sentation orale du délégué sera conforme à la réglementation, et qu’elle répondra aux exigences de la charte. C’est enfi n le phar-macien responsable qui gère la traçabilité des documents utilisés pour la visite, et tient à jour la liste des documents remis dans ce cadre.• Le contrôle de la visite en fonction de la classe des médicamentsEn juillet 2005, un avenant à la charte avait été signé, mettant en place un dispositif expérimental de contrôle du contenu de la visite au regard des classes pharmaco- thé-rapeutiques dont les laboratoires souhaitaient effectuer la promotion. Ainsi, le Ceps devait arrêter chaque année la liste des classes pharmaco thérapeutiques pour lesquelles il estimait qu’une réduction de la visite médi-cale était nécessaire, en fi xant un taux annuel d’évolution du nombre de contacts avec les médecins par le biais des délégués médi-caux. Surtout, l’avenant à la charte prévoyait des sanctions fi nancières (baisse de prix du médicament) en cas de non-respect de ce taux de visites par le laboratoire pharmaceu-tique concerné.La première limitation avait été prévue pour quatre classes thérapeutiques, dont celles “association statine et Ezétrol®” dans le trai-tement de l’hypercholestérolémie, puis celle “associations corticoïdes-bêta-2 antagonis-tes + Singulair®” indiquée dans le traitement de l’asthme. Attaquée par les laboratoires

Pfi zer et GlaxoSmith Kline, cette limitation a été annulée par le Conseil d’État pour défaut de compétence des signataires.• La charte étendue à l’hôpitalLa charte de la visite médicale a été étendue en juillet 2008 à l’hôpital, l’intégralité des dis-positions prévues pour la visite en médecine de ville étant désormais applicable en éta-blissements de santé. Ces derniers attendent donc les modalités d’application pratique de la charte sur le terrain, des dispositions qui doivent être déterminées prochainement par la Haute Autorité de santé.

Le contrôle de la bonne mise en œuvre de la charte Avoir élaboré une charte ne suffit pas. Les autorités sanitaires, voulant s’assurer que les modalités de celles-ci étaient bien respectées par les laboratoires pharmaceu-tiques, ont exigé que la visite médicale des laboratoires soit certifi ée.• Une certifi cation obligatoireCette certifi cation est obligatoire en France pour les laboratoires pharmaceutiques et les prestataires de service mettant à la disposition des laboratoires un réseau de délégués médicaux.Les entreprises devront donc déposer un dossier de demande de certifi cation auprès d’un organisme certifi cateur, celui-ci s’as-surant du respect par l’entreprise du réfé-rentiel de certifi cation de la visite médicale, élaboré par la Haute Autorité de santé.• Un audit de surveillanceLe certifi cat, délivré par l’organisme certifi ca-teur si l’entreprise passe avec succès l’audit de certifi cation, sera délivré pour une durée de trois ans. Pendant ces trois ans, un audit de surveillance est réalisé a minima, afi n de s’assurer que l’entreprise certifi ée est tou-jours en conformité avec les exigences du référentiel. Le certifi cat pourra être suspendu ou retiré s’il est avéré que l’entreprise ne remplit plus ses conditions d’attribution. �

Caroline Mascret

Maître de conférences en droit pharmaceutique

auprès de l’université d’Angers (49)

[email protected]

Références1. Art. L.162-17-8 du Code de la Sécurité sociale.

2. Art. L.162-17-4 du Code de la Sécurité sociale.

Le délégué ne peut utiliser que des documents • qui ont été déposés auprès de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

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