Laboratoire des idées - Le nouveau monde industriel

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Le nouveau monde industriel

Ont particip aux travaux : Date : Juillet 2011

claude alexandre, Olivier aubert, albert Sfax, Jean-Baptiste Soufron, Denis tersen, pierre vilpoux

Les rapports tablis par les groupes de rflexion du Lab sont des contributions libres aux dbats et rflexions politiques du parti socialiste.

www.laboratoire-des-idees.fr

SommaireIntroduction I- Le nouveau monde industriel Denis Tersen II- Innovation Alfred Sfax III- Concevoir, produire autrement : empreinte lgre et valeur ajoute socitale Olivier Aubert......................................................................................................................... ..........................................................

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1. Rendre la demande visible et accessible : la rvolution de la donne publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 1.1. Une loi sur la mise disposition de la donne publique 1.2. Une veille juridique sur les collaborations en rseau autour de linnovation 2. Provoquer de nouvelles dynamiques dinnovation : ltincelle de lchange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 2.1. Une commande publique exprime en tant quobjectifs de performance et fonctionnalits satisfaire, avec une prime au dpassement des normes en vigueur 2.2. 30 % dtudiants diplms aprs une exprience russie de projet interdisciplinaire 2.3. Des projets liant grandes entreprises et territoires sur des ruptures dusage 2.4. Un croisement cluster technologique/sciences humaines 2.5. Des projets vocation socitale ds le secondaire

IV- Mutation de l'industrie franaise Claude Alexandre

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1. Remdier linsuffisance chronique du nombre de PME et rtablir le lien entre nos groupes industriels, le territoire et lemploi national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 2. Faire en sorte que lindustrie franaise soit un acteur des mutations technologiques venir, et russir la transition nergtique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

V- Lentrepreneuriat innovant Pierre Vilpoux

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1. Renforcement des ples de dtection de projets et de talents, dentrepreneuriat au sein des tablissements denseignement suprieur . . . . . . . . . . . . . 22 2. Gnralisation des processus de labellisation des entreprises innovantes . . . . . . . . . . . . 22 3. Dcuplement de la proportion des moyens de la BPI destine lamorage et aux premires tapes de croissance des entreprises innovantes, via lagence des TPE/PME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3.1. Amorage 3.2. Premires phases de croissance 3.3. Cadre fiscal des investissements directs par les particuliers dans des PME 3.4. Financement de la croissance ultrieure des entreprises 4. Pour lavenir industriel de la France : implication des groupes industriels, technologiques et de services dans lanimation des cosystmes de linnovation franaise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 5. Dveloppement des rseaux dentraide transgnrationnels lentrepreneuriat innovant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

VI- Le droit au service de linnovation Jean-Baptiste Soufron

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Introduction

Aprs de nombreuses auditions et sances de rflexion, le groupe intitul initialement avenir des filires peut prsenter ses travaux. Il a tudi les grands systmes conomiques qui marquent et norment lconomie mondiale (la Chine, la Californie), comme linverse la place des territoires et des nouveaux moteurs de laction conomique publique, les collectivits territoriales notamment les rgions. Il a examin les exigences et opportunits nes de la transition cologique, les ressorts des dynamiques dinnovation, la mobilisation de la crativit comme force productive. Il a discut avec les tenants dune nouvelle vision de la production quelle relve de lconomie de la fonctionnalit ou de lconomie servicielle. Il sest finalement renomm avenir du systme productif 1, privilgiant une approche partir de linnovation plutt que par les filires et technologies, abordes par ailleurs dans les travaux mens au sein de ltat dans les restes de ce qui fut autrefois un ministre de lIndustrie. Il adhre donc totalement au choix du Projet socialiste pour linnovation. mais il propose de lenrichir et de ltoffer en accentuant lengagement en faveur de lentreprenariat et en repensant la notion mme dinnovation et de production industrielle. Il propose de favoriser le dveloppement dune pluralit de systmes dinnovation en rsonance et en cohrence les uns avec les autres : technologiques ou non technologiques, responsables, cratifs, tirs par les marchs ou la demande sociale et lexigence cologique, lobjet ou son usage, valant pour les parcs de recherche industrielle de Grenoble, Bordeaux ou Saclay comme pour les espaces urbains ou les banlieues mtropolitaines, voire les territoires priphriques de linnovation.

Le groupe propose des briques susceptibles dalimenter une politique industrielle et dinnovation augmente . Elles sont en famille les unes avec les autres, mais nont pas t harmonises et sont avances sous la responsabilit de chacun des auteurs. Ces contributions sont prsentes ci-joint dans une forme de classeur susceptible dtre discut, complt, enrichi comme un tout ou par partie. - Le nouveau monde industriel (Denis Tersen) - Linnovation (Albert Sfax) - Concevoir, produire autrement (Olivier Aubert) - Les mutations technologiques (Claude Alexandre) - Lentrepreneuriat innovant (Pierre Vilpoux) - Le droit au service de linnovation (Jean-Baptiste Soufron)

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Dans le mme esprit, lANR invite dfinir les systmes de production du futur dans un appel contributions rcent

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Le nouveau monde industrielDenis Tersen

Depuis dix ans, le systme productif franais stiole. Aux priodes datonie a succd une crise grave, avec au final un recul de la performance conomique et sociale de lconomie franaise. Les manifestations en sont bien connues : dsindustrialisation plus marque que dans les autres conomies matures, dgradation des comptes extrieurs du site France , dfaillance de la machine innover tous les stades de la squence innovante recherche, dveloppement, entreprenariat, croissance des entreprises et donc de la capacit crer des emplois durables et de qualit. Comme dautres, dans le mme temps, continuent davancer, dinventer, surtout hors dEurope bien sr et quel rythme ! le sentiment de dclin, diagnostiqu rcemment par Daniel Vasseur pour la Fondation Jean Jaurs lchelle de notre continent, sinstalleEt pourtant La rponse sarkoziste comme souvent a fluctu, additionnant diffrentes couches et logiques selon les humeurs et les circonstances : - un peu de soutien au capitalisme rticulaire et coopratif, en prolongeant lexprience des ples de comptitivit lance par son prdcesseur et investie par les collectivits locales, notamment les rgions ; - La solution librale, de libralisation des nergies avec la loi TEPA, le dbridage du Crdit Impt Recherche (CIR), le statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI), lautonomie des universits ; - Plus rcemment, la suite de la crise, le retour de ltat dveloppeur, dans la bonne vieille tradition franaise, un tat qui plonge pour secourir lindustrie, avec le Fonds Stratgique dInvestissement (FSI), les investissements davenir, et la

mobilisation de laction extrieure de la France au profit des grands contrats (sans beaucoup de succs). mais le rapport Etat/entreprises est presque invers : ce nest plus le premier qui guide et pilote les secondes pour pallier les dfaillances ou la myopie du march mais les groupes qui captent des ressources publiques trs comptes au profit des stratgies de dveloppement pourtant de moins en moins inscrites dans le territoire. Trop tard, parfois trop peu, mais surtout un diagnostic, et donc des politiques publiques, qui laissent de ct une des raisons du dmantlement progressif de notre systme productif : le passage un capitalisme actionnarial, la franaise, en incapacit darticuler dynamiques ( drives comme la crit michel Aglietta) financires et conomie relle. Et pourtant lavenir aime la France comme le proclame le projet Justement cet avenir prsente quelques lments de certitude : - Le dcentrement du monde (Esprit, juin 2007) ou plutt son recentrement si lon se rfre la longue priode, va se poursuivre. La division du travail implicite entre conomies industrialises et mergentes quil nous plaisait dimaginer nous la valeur ajoute, la conception et la prescription des produits, eux lassemblage et la production banalise est clairement derrire nous. Les pays mergents montent en gamme, investissent massivement dans la R&D, notamment dans les filires davenir,

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poussent leurs champions nationaux qui deviennent champions internationaux, commencent peser dans la bataille des normes, tout en jouant de leurs spcificits, davantages comparatifs qui ne sont pas prs de spuiser, et des rgles ou de labsence de rgles lies leur statut de pays en dveloppement. Bien sr, il y aura de nouveaux marchs immenses et durables pour peu quils nempruntent pas systmatiquement les voies occidentales intensives en matire d'nergie. mais nos entreprises sont loin den tirer pleinement parti. Le choc concurrentiel et les dfis de la coexistence dans un monde fini sont encore devant nous : - Nous sommes entrs dans une conomie des limites. Les ressources en matire et en nergie vont se rarfier, devenir plus chres, modifier les calculs conomiques. La rduction de lempreinte environnementale et carbone de lactivit humaine est un objectif indispensable la survie de lhumanit. Il va falloir compter et produire diffremment. La grande transformation cologique est concevoir et engager. - Source doptimisme, au regard de la certitude prcdente, linnovation, la technologie et la connaissance (le capitalisme cognitif ) resteront les moteurs des dynamiques conomiques et sociales et vont changer le monde, sans quelles ne prjugent elles-seules de la forme que prendra celui-ci et de la nature du nouveau modle de dveloppement. - Les forces dentropie sociale celles du grand dpaquetage 2 dcrit par Richard Baldwin qui affectent tant notre conomie, et dissocient entreprises et territoires, facteurs de production mobiles et attachs , seront toujours luvre.

assurer la solidit de notre systme productif face aux modles de gestion court-termiste et aux stratgies non coopratives que le march postfordiste continuera vouloir imposer. Le deuxime dfi est prcisment dassurer la cohabitation entre entreprises et systmes conomiques fonctionnant partir de prfrences collectives et de rgles diffrentes, en permettant celles et ceux qui auront fait le choix du nouveau modle de dveloppement dexprimenter et de crotre. Cest lenjeu des propositions du projet sur les cluses sociales et environnementales et de notre capacit convaincre nos partenaires europens daller de lavant en ce sens. Face la stigmatisation protectionniste laquelle nous serons ncessairement confronts, notre proposition dans ce domaine devra porter sur les valeurs et les normes. Au-del des principes, elle reste laborer. Enfin, nous avons des (quasi) certitudes sur lhorizon productif 20 ou 30 ans, sur la place des mergents, les volutions dmographiques, les concentrations humaines (les villes), le rchauffement climatique si rien nest fait, les pics de production de matires premires ou de sources dnergie. mais nous ne connaissons rien ou si peu du sentier emprunter pour que le point darrive soit celui dun monde harmonieux, ouvert et accueillant aux gnrations futures. Il sagit du dfi de la nouvelle grande transformation de notre conomie. En dautres temps, il aurait appel un programme de transition. Aujourdhui il sincarne dans un projet : le changement . Ce projet fait le choix de l ambition productive et de lindustrie, rebours des invitations miser sur une conomie post-industrielle et de services3. On en voit bien les raisons et les enjeux : les impratifs de souverainet pour les industries stratgiques, certainement traiter un niveau europen, leffet daspiration de la production sur la

Il y a, on le voit, un premier dfi : il convient dimposer des proccupations de long terme et une logique de choix collectifs de biens publics pour parler le langage des conomistes pour

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Richard Baldwin The Great unbundling(s) 2006

Cf les diffrents travaux de Daniel Cohen sur ce sujet, notamment le rapport labor pour le Centre danalyse stratgique Sortie de crise : vers lmergence de nouveaux modles de croissance ? (2009)

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recherche si nous laissons filer la premire, les dynamiques conomiques induites par lindustrie (recherche, innovation, comptitivit externe), limpact sur lemploi : la dsindustrialisation discrimine sur le march du travail ; elle sopre au dtriment des hommes peu qualifis et des qualifications intermdiaires, des techniciens, des classes moyennes4. mais il y a plus. Les objets ou plutt les couples produits/services qui sont ou seront proposs aux consommateurs/usagers sont porteurs de valeurs, dorganisation sociale, spatiale, temporelle, de rapports sociaux. Il suffit de penser aux choix nergtiques, ceux qui concernent la mobilit (par exemple le passage aux vhicules dcarbons), les sciences du vivant, lalimentation. tre (redevenir) une nation industrielle, cest rester en capacit de peser sur son destin, dans une matrise permettant dlaborer de manire partage avec nos partenaires europens et au niveau mondial. Cest passer dune innovation subie une innovation choisie. Le parti-pris industriel en impose un autre : celui de linnovation, comme le met en avant le projet. Notre proposition est daller plus loin dans cette direction, de la faire dborder. De la mme manire quil y a une diversit des capitalismes, trs bien thorise par lcole franaise de la rgulation, il y a une pluralit des systmes sociaux dinnovation 5, plus ou moins efficace selon les industries susceptibles de porter la croissance. Les grands domaines stratgiques , intensifs en technologie et en capitaux, verticaux et structurs en filires, et servant un nombre limit de clients, acteurs publics ou entreprises, ne sont pas tout. Il convient de les rinvestir mais le fordisme ne fera pas son retour. De plus, surtout, il y a tout le reste, dans lequel dautres formes dinnovation sont dominantes. Les enjeux y sont tout autant dcisifs pour lavenir de notre conomie. Notre pays doit sy engager rsolument et construire le nouveau monde industriel6 ! Nous lavons vu, le dfi principal pour notre pays est de rcrer du lien, de lancrage et des interactions dynamiques et positives entre les entreprises et le territoire national, au-del mme des raccourcissements des circuits de

production et de consommation qui rsulteront de notre capacit internaliser les externalits environnementales ngatives nes de lactivit conomique. Lobjectif est de crer de nouveaux cosystmes dinnovation et de croissance7 non toxique8 susceptibles de nourrir la transformation de notre modle de dveloppement. Cela passe par des avances dans plusieurs domaines, prsentes dans les contributions du groupe de travail. Comme soulign par le projet, la priorit est linnovation. mais celle-ci doit tre repense, largie, dsencastre (cf la contribution dAlbert Sfax). Les principes guidant ces nouveaux systmes dinnovation sont connus parce que mis en pratique ailleurs dans le monde ou travers de nouvelles approches (open source) : coopration, partage, participation. Les rapports entre les acteurs sont donc modifis, les liens entre spcialits galement. Le nouveau monde industriel va crotre partir de rencontres improbables, dhybridations, de passerelles, des mtamorphoses mtisses dont parle Toni Negri. Jillustre par deux anglicismes voisins : les cross-over, comme lentend le jazz, lapport et le mlange sur une mme scne de musiques a priori trangres, laissant une place limprovisation, ou encore dans le mme registre linguistique, les crossing-over de la biologie les enjambements les changes de segments chromosomiques, porteurs de gnes pour reprendre la dfinition du petit Robert. On voit bien les dveloppements dj attendus en matire de technologies hybrides (bio-techs de toutes les couleurs, clean-tic), denrichissement des objets (objets relationnels, objets furtifs,

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cf Lindustrie a-t-elle encore un avenir en France ? Andr Gauron fvrier 2010

cf Institutions et innovation, de la recherche aux systmes sociaux dinnovation, Centre Cournot pour la recherche en conomie (2002)5 6 Cette appellation, en forme dappel, renvoie notamment Pierre Veltz ( le nouveau monde industriel 2000), grand analyste des dynamiques territoriales, aujourdhui impliqu dans le dveloppement trs incertain du Plateau de Saclay, et aux rencontres du nouveau monde industriel organises chaque anne par le ple de comptitivit des contenus numriques Cap Digital et lassociation Ars Industrialis anim par le philosophe Bernard Stiegler. Ces rfrences ne sont pas neutres pour le propos prsent ici. 7 Je reprends le terme du rapport de Christian Blanc lorigine de linitiative des ples de comptitivit, pour le dpasser. 8

Lavenir de la croissance Bernard Stiegler, 2010

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reprogrammables)9. L'innovation suppose surtout de reconsidrer le rapport la technologie et la place de lusager, de lutilisateur, substitut partiel du consommateur, et pleinement partie-prenante du processus de cration de valeur10. Lutilisateur sera proposant, discutant, testeur, apporteur de solutions et alimentera le systme productif (cf la contribution dOlivier Aubert). Lusage (la demande) devient le moteur du processus dinnovation et de production, travers la dfinition de couples produits/services tire par les besoins sociaux et environnementaux (mobilit, sant, communication et change, logement) et le principe dconomie des ressources puisables11. La valeur dusage aura dpass et sauv la valeur dchange. Dernier assemblage du nouveau monde industriel : celui qui doit unir crativit et technologie. En 1982, la gauche cre une nouvelle cole, lcole nationale suprieure de cration industrielle (ENSCI) pour assurer cette interface. Trente ans aprs, cette intuition devra tre confirme et tendue. Le chercheur en technologie a besoin dtre au contact du designer, de spcialistes des sciences humaines, lingnieur dtre dans la rue, dans la vie : Renault a install en 2003 une quipe avance de designers au cur du quartier de la Bastille12. Cette innovation augmente a besoin de rseaux ouverts, despaces de confiance, de lieux de rencontres et de production partage, de dmonstrateurs. On voit quelle redonne de la chance aux conomies matures qui peuvent offrir au nouveau monde industriel leurs usagerscitoyens, leur libert crative, leur diversit et leur interdisciplinarit, leurs expriences dun vieux monde dpasser et leur engagement pour la transformation cologique de lconomie. Elle fait du territoire, ou plutt des territoires, des acteurs majeurs du systme productif. Ils sont les espaces naturels de dialogue et de confiance, des lieux dexprimentation et de test, des instances de mobilisation des utilisateurs. Jouer ce rle appelle des responsabilits clairement accordes lchelon territorial pertinent et la collectivit

publique qui lincarne : la Rgion, et cela constitue donc une nouvelle tape de la dcentralisation. Ce nouvel cosystme dinnovation doit permettre lclosion de nouvelles entreprises et de nouvelles formes dentreprises innovantes (les entreprises du champ de lconomie sociale et solidaire y occuperont une place plus importante). Il conviendra de leur donner les moyens financiers de leur dveloppement, notamment au stade de lamorage (cf la contribution de Pierre Vilpoux) et un environnement juridique propice leur closion (cf la contribution de Jean-Baptiste Soufron). Des cosystmes dinnovation ouverts et performants, des entreprises innovantes, des outils de financement public-priv pour favoriser leur cration et les aider grandir : le systme productif se remettra en marche. Il appelle naturellement limplication dun dernier acteur majeur : les grandes entreprises. On bute ici sur un angle mort du capitalisme franais : les groupes franais russissent dans la mondialisation, la connivence industrie/mdias/pouvoir joue plein, la classe dirigeante est remarquablement mixte public/ priv : le corpsard membre dun cabinet ministriel daujourdhui est le capitaliste drgulateur de demain. mais les liens entreprises/territoires, intrts privs/sens collectif se sont distendus. En France, contrairement au capitalisme rhnan et son dialogue social institu, ou au Japon et ses relations de long terme et souvent incestueuses groupes/fournisseurs/banques, lintrt gnral conomique tait assur par ltat. Celui-ci a t victime des politiques no-librales sans quaucune instance rgulatrice et garante du long terme (lEurope ?) nait pu sy substituer. Il convient donc de trouver les moyens de politiques publiques permettant de ramarrer les grandes entreprises

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Cf les propositions et projets du designer Jean-Louis Frechin (agence no design )

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les acteurs individuels, souvent en rseaux, prennent le pas sur les systmes institus pour imaginer et construire le futur Alain Cadix, directeur de lENSCI impertinences 2009

11 Les tenants de lconomie de la fonctionnalit et de lconomie servicielle ont des exemples et des propositions pour avancer dans ce sens 12 Exprience interrompue en 2010 aprs le dpart du responsable du design du constructeur lorigine de cette initiative

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lconomie nationale et aux rseaux de PmEPmI. Cela passe naturellement par lattractivit et la performance du site conomique France et de ses cosystmes dinnovation. La dynamique dinnovation, de crativit et dexprimentation que nous russirons crer sera une incitation forte au dveloppement dactivits au sein de lconomie franaise. Le dialogue avec les acteurs publics y contribuera galement. Cela ne suffira pas. Ltat, les Rgions doivent notamment conduire les grandes entreprises agir dans deux directions (cf les contributions de Claude Alexandre et de Pierre Vilpoux) : - La relation avec les fournisseurs et les PME de lcosystme devenus des partenaires, comme le propose le Projet. De nombreuses initiatives existent dj, qui mritent dtre tendues et consolides : mises disposition de techniciens ou cadres seniors, financement de startups travers des fonds damorage ddis, accompagnements sur les marchs trangers de rfrence, mutualisation des quipements de recherche du groupe au profit des PmE, engagements contractuels de partenariat de moyen terme entre groupes et PmE. Ces dernires seront incites se regrouper en rseaux structurs afin de les aider dans leur dialogue avec les grandes entreprises ; - La prise en compte des exigences de long terme lies au passage une conomie basse intensit carbone et faible empreinte cologique. Les grandes entreprises devront laborer des feuilles de route (roadmaps) de transition cologique, discutes en comit dentreprise, dtaillant les volutions technologiques devant tre mises en uvre et les consquences anticiper en terme de qualifications de la main duvre tant dans lentreprise que chez ses partenaires/fournisseurs.

Pour y parvenir, ltat jouera de sa position dactionnaire qui reste forte dans de nombreuses entreprises, de la commande publique et de laccs aux appels projets de recherche et dveloppement.

Il y a naturellement un sous-jacent conomique au systme dinnovation que nous proposons dajouter aux prconisations du projet. Pour faire court, je dirais quil est surtout numrique et mtropolitain. Il nous revient dimaginer des prolongations et relais possibles dautres cosystmes territoriaux plus tourns vers lconomie rsidentielle ou prsentielle (Laurent Davezies) ou les modles industriels B2B. Les rhizomes chers Christian Portzamparc, la rflexion sur les lieux numriques en milieux ruraux ou priurbains (coworking space, tltravail) ouvrent des pistes. Elles permettront de donner une unit aux diffrentes formes productives dont notre pays doit se doter sil veut peser dans la construction du prochain monde industriel.

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InnovationAlfred Sfax

Linnovation est le processus par lequel une socit assimile le progrs. Ce processus aboutit ladoption par les membres de cette socit de nouveaux produits, de nouveau services, de nouvelles rgles ou de nouveaux usages. Ce processus est extrmement long puisquil dure des dizaines dannes, depuis les phases amonts de la recherche fondamentale (par exemple nouveaux outils mathmatiques, nouveaux matriaux ou dcouvertes dans les sciences de la vie) jusqu la commercialisation de produits et de services rencontrant le succs auprs du public. Sous la pression des phnomnes de mondialisation, qui mettent en commun les moyens et les marchs, ce processus a cependant tendance se raccourcir. Lenjeu, pour la socit franaise est de faciliter lensemble de ce processus, depuis ses racines jusqu son aboutissement pour maximiser le bientre de sa population et sa participation aux enjeux du monde daujourdhui (par exemple lefficacit nergtique ou la sant pour ne citer queux).

une autre ide reue est quil est possible de stimuler linnovation sans recherche, que seule la crativit compte. Cest partiellement vrai car dans un march mondialis la comptition exacerbe, le seul moyen de donner un avantage comptitif nos produits et services est de les dvelopper sur la base de connaissances thoriques solides mais surtout sur des hommes, les chercheurs, les plus en pointe dans leurs champs de connaissance. Enfin, une autre ide reue trs rpandue consiste penser quil est possible de vivre sans innovation et que linnovation pourrait en quelque sorte tre nfaste notre bien-tre. Rien nest nouveau plus faux. Linnovation est le processus dassimilation du progrs par la socit, ou pour tre plus prcis, le processus qui permet aux membres dune socit de rpondre leurs nouveaux besoins. Il sagit dun processus continu, permanent et irrversible. Dans tous les cas, sauf cas de socits extrmement fermes comme la Core du Nord, les citoyens trouveront systmatiquement le moyen de rpondre leurs besoins quitte introduire massivement des produits et services venant dautres pays. En ce sens, linnovation nest ni bonne ni mauvaise, elle accompagne lvolution de notre socit dans toutes ses dimensions.

Linnovation est un processus souvent mal comprisune ide reue est quil suffit de financer des efforts de recherche importants pour que linnovation suive. Rien nest plus faux. La recherche est un processus qui aboutit la cration de connaissance et de savoir-faire et non de produits ou de services. Pour que les efforts de recherche conduisent linnovation, lensemble de la socit doit receler des mcanismes permettant la mise en commun de la connaissance cre. Ces mcanismes peuvent tre par exemple, des units dincubation au sein des universits et laboratoires de recherche qui permettent aux jeunes entreprises de faire appel aux connaissances des chercheurs sur place lors du dveloppement de leurs produits et services.

Linnovation est le processus par lequel la socit assimile le progrsCe progrs concerne lensemble des dimensions de notre socit : sociale, culturelle, conomique, dmocratique, cologique, politique, sant, culinaire, etc. Pour les acteurs de la vie politique, il est important de comprendre comment stimuler linnovation pour faire voluer notre socit dans le sens dune meilleure qualit de vie des citoyens. La technologie, c'est--dire lensemble des

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techniques et des savoir-faire lis ces techniques, apparat comme un moteur de linnovation plutt que comme une finalit. En ce sens, on devrait donc plutt parler dinnovation par la technologie plutt que dinnovation technologique. La question qui sadresse aux politiques est de permettre une innovation de progrs qui rponde aux aspirations du peuple, c'est--dire qui soit en phase avec lhistoire et la culture de ce peuple. Si lon part du principe que linnovation est un processus inexorable, il sagit quelle serve au mieux le progrs dans un sens accept par tous. Pour cela, ce processus doit tre anim par la socit elle-mme. Lalternative qui se prsente est alors : innovation subie et impose par dautres peuples ou innovation choisie et anime par le peuple. Nous avons de multiples exemples dans lhistoire dinnovation subie comme par exemple les biens et services lis lindustrie de linformatique qui modlent en profondeur notre socit selon des modalits et des valeurs importes dautres pays (dailleurs, il existe des champs dinnovation spcifiques comme les sciences de la vie ou les TICs dont les impacts sur la socit sont particulirement profonds mais aussi particulirement mondialiss et dont les enjeux sont donc majeurs). Dans la prfrence dune innovation choisie, lenjeu est de rconcilier le crateur et le consommateur chez le citoyen.

premire fois sur le march national et la deuxime fois sur le march international. Lors du premier parcours, la force du lien entre crateur, culture et consommateur est primordiale pour permettre lapparition dinnovations fortes et profondes solidement ancres dans la socit. Lors du deuxime parcours de la boucle, le partage de notre culture avec les autres pays est primordial puisquil permet lacceptation de nos biens et services par le march international (pour ne prendre quun exemple concernant le march automobile, on observe aujourdhui une revendication forte de lidentit allemande dans les campagnes de communication actuelles de leurs grandes marques de voitures). Cest pourquoi en terme dinnovation, la vitalit et surtout la qualit culturelle du march national sont primordiales. Cest aussi pourquoi il ne peut y avoir dinnovation choisie sans identit culturelle forte la fois sur le territoire national et dans les autres pays. Notre socit nationale est alors le beta-march (le march de test ou de betatesteurs) du march mondial, beta-march attirant et apprci des autres pays. Lattractivit de notre territoire, de notre structure nationale de recherche et de notre infrastructure devient alors fondamentale. Ce territoire devient le lieu de rencontre des crateurs et des consommateurs.

Lieux dinnovation Lancre culturelleLa condition principale pour une innovation choisie de progrs, cest laccs de chacun sa culture propre. Si lon dsire que chaque tape du processus fasse avancer la socit vers une meilleure qualit de vie, il sagit de rconcilier le crateur et le consommateur autour de leurs cultures, spcifiques et partages, pour les inscrire dans la trajectoire de leur histoire. Si ce lien entre la culture et le crateur est rompu, ses propositions dinnovation ne rencontreront pas le succs du march. Si ce lien entre la culture et le consommateur est rompu, la proposition dinnovation ne sera pas comprise. Ce lien sincarne donc dans une boucle crateur-culture-consommateur. Dans un contexte mondialis, cette boucle est parcourue deux fois : la une politique dinnovation forte doit crer des lieux ouverts dinnovation la croise des chemins entre crateurs, consommateurs et culture. Ces lieux doivent se construire sur la base des laboratoires de recherche publics et privs au cur de la socit franaise. Ces lieux doivent permettre de crer un continuum entre les crateurs de connaissance et les crateurs de produits et services, entre les consommateurs et les crateurs et entre les acteurs nationaux et internationaux. Ces lieux doivent tre connects culturellement et physiquement (par des moyens de tlcommunication, par des modes dorganisation et par des changes) entre eux sur notre territoire mais aussi avec les autres pays. De plus, ils doivent tre accessibles nos crateurs et entrepreneurs expatris sur les marchs

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trangers. Pour que la boucle crateur-cultureconsommateur soit complte, ces lieux doivent devenir aussi des laboratoires de lhomme offrant culture pour tous et accessibles universellement o culture et sciences de lhomme sont en perptuel questionnement. La France de linnovation est la France de la gnrosit qui gnre envie chez nos voisins et tire partie de la permabilit de notre territoire.

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Concevoir, produire autrement : empreinte lgre et valeur ajoute socitaleOlivier AubertLes consommateurs veulent des solutions qui ne portent plus prjudice leur descendanceLa course dans laquelle nos socits sont aujourdhui entranes est un fait majeur de civilisation : quelle vitesse pouvons-nous modifier nos modes de vie pour permettre plus de 9 milliards dindividus en 2050 de mieux vivre sur la plante, alors quune volution acclre, incontrle du climat est en cours et que les ressources naturelles sont en quantit limite (ex : les rserves mondiales de cuivre devraient tre puises avant 2025 au rythme actuel de notre consommation) ? Cette ralit anticipe est dj tangible : renchrissement continu du cot de lnergie et des matires premires, variations brutales et substantielles des cours des matires et biens agricoles, frquence leve des vnements climatiques violents, accroissement des dsquilibres entre les besoins des populations et les ressources de leurs territoires (ex: la Chine compte aujourdhui 21 % de la population mondiale et ne dispose que de 6,2 % des ressources en eau douce). Elle se traduit galement dans les phnomnes massifs daccaparement des terres arables en Asie, en Afrique ou en Amrique du Sud, avec tous les risques conomiques et politiques gnrs par ces dsquilibres et ces ingalits de moins en moins supportables. Cette question re-dessine les attentes des individus et des communauts, les possibilits dchanges et de consommation. Plus profondment encore dans les consciences, elle redonne aussi une opportunit de sens lengagement professionnel et citoyen. De nouvelles considrations entrent ainsi en ligne de compte dans la rflexion des consommateurs : disposer toujours du meilleur rapport qualit/prix, certes, mais sassurer aussi que loffre propose va dans le bon sens , quelle permet de rduire le prlvement de ressources dans lenvironnement, quelle concourt attnuer les effets du changement climatique. Chacun veut pouvoir participer positivement cette course de vitesse. Le modle de consommation et les valeurs quil incarne changent de fait. Deux tendances nouvelles, peut-tre prludes dautres, sont visibles aujourdhui. - Lune porte sur la frugalit, le moins consommer, lvitement, et par ncessit, sur lefficacit du processus complet de transformation des ressources : le minimum de ressources prleves, le minimum dnergie utilise, le maximum de ressources rendues la nature ou rinjectes dans le cycle de consommation (ex : recyclage domestique, filire locale dalimentation et circuit court de distribution, dveloppement des nergies renouvenables, logements nergie positive, dveloppement de lusage des transports en commun, ...). - Lautre porte sur lutilisation maximale des biens et services produits, le partage, la location avec une dimension supplmentaire de solidarit et de partage : plutt que de possder quelque chose et de ne lutiliser pour soi que peu intensment, faire en sorte que son utilisation soit maximale, en rendant aussi ce quelque chose disponible pour autrui (ex : co-voiturage, location/ prt entre particuliers de logements, biens dquipements, location de vlo urbain, offre multi-usages tlphonie/ordinateur/TV ou applications multiples tlcharger sur son smartphone, ...).12

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Sinstaure ainsi une logique de retour sur investissement des ressources prleves lenvironnement : le moins dempreinte en dnominateur, le maximum dusage en numrateur, intgrant cette plus-value socitale porteuse de sens, individuellement et collectivement. Cette extension du champ des valeurs et des critres de choix modifie le cahier des charges des biens et services futurs. Cest une rvolution substantielle qui est propose aux entreprises et aux socits.

de tiers. Ltincelle de linnovation nest plus produite dans le seul secret dun laboratoire mais aussi issue dchanges sensibles et rguliers avec lextrieur. Sil reste trs important daccder des matires premires et des ressources bon prix, savoir en assurer la meilleure transformation possible pour les actionnaires et pour lenvironnement dans la perspective dun usage le plus large possible devient prpondrant. Pour ce faire, la co-conception avec des tiers, la comprhension des usages et la quantification de leur valeur, la collaboration extra-muros, en mode open source en matire de recherche fondamentale et applique, la capacit percevoir les besoins/ dsirs/rves de forme et de fonctionnalit (design) deviennent les domaines dans lesquels les entreprises doivent investir et se diffrencier. Plus la combinaison de ces lments est intense, plus loffre peut rpondre lensemble du champ des attentes des consommateurs. De fait, la rponse devient aussi plus spcifique un environnement culturel, territorial et plus difficile reproduire par la concurrence. Le rsultat de ce type de processus nest plus aussi simplement un produit, un service, ou un produit et un service mais une solution, couvrant une problmatique complexe, celle dune chane de valeur complte et la satisfaction maximale dun usage et des usagers. La solution se prsentera ainsi avec un ou plusieurs produits, des services, un rseau engag dutilisateurs et de tiers co-concepteurs/testeurs, voire de territoires, parties prenantes, associant plusieurs entreprises et vendue sous la bannire dune promesse vrifiable de qualit/prix, dusage maximal, defficacit environnementale. Linitiative dans le domaine du vhicule lectrique est un exemple de cette extension du domaine de la conception. La rflexion porte davantage sur une solution de mobilit individuelle rpondant aux attentes environnementales quune simple

Une industrie avec, comme matire premire, la connaissance, celle des usages et celle qui permet dinnoverCette nouvelle donne invite lentreprise dvelopper de nouvelles mthodes de travail et assimiler plus dinformations que par le pass dans la prparation de ses nouveaux produits et services. La rflexion sur lefficacit environnementale induit un dialogue intgr avec les parties prenantes de la chane de valeur (fournisseurs, fournisseurs des fournisseurs, clients, clients des clients) pour optimiser dun bout lautre le volume des matires consommes, lefficacit des processus industriels et logistiques, le taux de recyclage des composants, etc. Apparaissent ainsi des concepts innovants dconomie circulaire ou dapproche en boucle ferme du cycle de production et de consommation. De mme, elle amne lentreprise connatre et dcouvrir avec beaucoup plus de prcision les usages possibles du bien ou du service requis (voire en inventer ou en dcouvrir de nouveaux auxquels elle navait pas pens !) et dvelopper des liens trs proches avec les utilisateurs finaux. Ici aussi apparaissent des nouveaux concepts tels que l open source , lconomie de fonctionnalit et de lusage. Ces volutions font bouger les limites traditionnelles de lentreprise. Il ne sagit plus danimer seulement des collaborateurs, mais aussi des communauts

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substitution dun vhicule moteur atmosphrique par un moteur lectrique. Tout un nouvel cosystme est crer : batterie, ses composants et leur cycle de vie, design du nouveau mode de transport et de ses services bord, recherche de nouveaux matriaux/composants pour gagner en lgret, quipements externes et rseau de stations de remplissage dans les lieux de vie maisons, espaces urbains, bureaux, lieux de commerce , loueurs/oprateurs de flotte, fournisseurs dlectricit la plus dcarbone possible, systmes dinformation liant les parties prenantes, service dassistance, rglementation... Si le processus de dveloppement de cette solution est russi, la configuration de lindustrie automobile en sera structurellement change et le futur utilisateur, install au volant, entrera dans un nouveau champ de valeurs, en phase avec ses attentes de modernit et dexigence morale. Son succs dpend aussi de la vitesse dassimilation et dadaptation du territoire dans lequel la solution est propose.

droits de lhomme, de savoir-vivre, de culture et de luxe est associe notre pays, laborons aussi une image dinnovation dans les solutions pour grer un monde urbanis (depuis 2009, plus de 50 % de la population mondiale vit dans les villes), aux ressources finies. Allons au-del des normes et exigences de performance en vigueur, pour pousser au plus loin nos efforts dinnovation et prendre de lavance. Nous construirons ainsi une image, une offre originale au monde, source future dchanges et de richesse. Linterdisciplinarit (marketing, design, recherche, ingnierie, sciences humaines), linclusion de parties externes (clients, fournisseurs, partenaires, territoires) et internes (collaborateurs, partenaires sociaux), la comprhension intime des modes de vie, des systmes de valeur et des nouveaux usages deviennent les caractristiques cls de notre activit industrielle et de services. De mme, la capacit dun territoire dbattre et conclure dmocratiquement, pour que cela soit durable, de nouveaux usages et solutions est tout autant essentielle. La recherche de nouvelles solutions porte en soi de nouvelles normes, repres moraux/esthtiques, pratiques qui vont modifier notre systme de valeurs. Il faut pouvoir prparer ces changements, impliquer toutes les parties prenantes, notamment les populations locales, utilisateurs ou non des futures solutions ; adopter des mthodes altruistes, participatives, telles que celles mises en uvre par la socit de conseil La 27me rgion (mthode des Territoires en rsidences ). un territoire taille humaine, une recherche ple de rfrence dans le monde en sciences exactes et en sciences humaines, une ligne de crateurs/marketeurs/designers toujours vive (Eiffel, Citron, Pierrand, Starck, Le Corbusier, les ingnieurs du TGV, du nuclaire, lartisanat des savoir-faire rares, etc.), un tat dmocratique, de droit, la France dispose, par hritage, de tous les atouts structurels pour tre un des lieux dans le

La France, patrie des modes de vie durables dans un monde urbanis aux ressources finiesLavenir de notre industrie sur notre territoire nest plus dans la production de masse de produits : nous navons ni les matires premires, ni le march domestique suffisant pour bnficier dconomies dchelle et tre comptitif. Cet avenir est dans la production de produits, sintgrant dans des solutions spcifiques, rpondant des attentes dusage prcis, dans une pratique defficacit environnementale. Le champ dapplication est large : mobilit, habitat, alimentation, sant, connaissance. La France peut devenir un territoire dexploration et de mise en uvre de nouvelles solutions, qui devienne une rfrence. De mme quune image de

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monde, o les nouveaux modes de vie peuvent tre imagins et mis en uvre. Reste panouir encore notre cosystme et librer davantage nos potentialits.

dans lesquelles lEtat dispose dune participation, au nom de lintrt gnral, doit tre mise la disposition du public, toutes fins utiles. Plus cette information sera de qualit, meilleurs pourront tre les processus dinnovation qui sappuieront dessus. Cette mesure doit en particulier permettre aux petites entreprises daccder de linformation qu'il leur cote trop cher dacqurir ou de constituer par leurs propres moyens. 1.2. Une veille juridique sur les collaborations en rseau autour de linnovation Qui est propritaire dune innovation, fruit dune collaboration entre entreprises, agences publiques, utilisateurs ? une veille juridique doit tre active pour tudier lvolution de ces collaborations et les nouveaux besoins de protection juridique. De nouveaux cadres juridiques seront ncessaires.

PropositionsVoici quelques propositions visant rendre plus intense, naturelle, la recherche de nouvelles solutions et ouvrir, lindustrie, de nouveaux champs de dveloppement sur notre territoire. Elles reposent sur 3 principes : 1/ la collaboration entre les parties prenantes, prives et publiques, 2/ linterdisciplinarit dans le dveloppement de nouvelles solutions, 3/ la connaissance comme nouvelle matire premire.

1. Rendre la demande visible et accessible : la rvolution de la donne publique 1.1. Une loi sur la mise disposition de la donne publique La connaissance intime, qualitative, quantitative des usages, des modes de vie doit devenir un domaine de recherche prioritaire, accessible lensemble des parties prenantes de lconomie (associations de consommateurs, centres de recherches, instituts denqutes, entreprises, ...). Chaque citoyen doit en comprendre limportance. Cette connaissance, rendue anonyme, doit devenir notre richesse collective. Cest la matire premire de notre future conomie. une loi pourrait en reconnatre limportance et en encadrer la dontologie de collecte, de conservation, de diffusion. Linformation (rendue anonyme, sur les usages, les consommations et les comportements des citoyens) dtenue par les collectivits, ltat, les agences gouvernementales, les entreprises

2. Provoquer de nouvelles dynamiques dinnovation : ltincelle de lchange 2.1. Une commande publique exprime en tant quobjectifs de performance et fonctionnalits satisfaire, avec une prime au dpassement des normes en vigueur La commande publique portant sur des projets pouvant influer sur des changements de mode de vie (sant, alimentation, mobilit, connaissance, logement), doit sexprimer selon des objectifs atteindre et non sur des cahiers des charges techniques exprimant un comment . Elle doit ouvrir le plus possible le champ dexploration des solutions. Elle doit favoriser des associations de comptences, dentreprises, grandes et petites, valoriser linnovation, tant dans le rsultat que dans la manire dont le projet est conduit.15

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Elle doit viser faire franchir un cap par rapport aux normes/exigences de performance existantes. 2.2. 30 % dtudiants diplms aprs une exprience russie de projet interdisciplinaire 30 % des diplms des grandes coles/universits dlivrant des diplmes dingnieur, de commerce, de design, de sciences exactes doivent avoir travaill pendant leur dernire anne un projet interdisciplinaire de recherche (associant systmatiquement les diffrentes filires), visant concevoir de nouvelles solutions dusage en rupture. Ils doivent sassocier un centre public ou priv de recherche fondamentale ou applique, avec ou sans association dentreprises. Dautres filires universitaires telles que les sciences humaines anthropologie, sociologie, psychologie, histoire, conomie, gographie... peuvent tre impliques. Chaque projet doit tre valid par un jury interdisciplinaire avec des membres qualifis de la socit civile, qui apprciera la qualit du rsultat mais aussi lapprentissage de linterdisciplinarit.

une mdiatisation publique de ces initiatives citoyennes, commencer par un appel projets, sera organise. une agence, agissant dans une logique de gestion de programme, sera cre et ddie la gestion de cette initiative. 2.4. Un croisement cluster technologique/ sciences humaines Il est important de croiser les logiques de clusters encore trop axs sur la technique avec les acteurs socitaux (universits et centres de recherche de type EHESS, collectivits, living labs, ). Cela permettra de rendre encore plus fertile linnovation. La grande innovation est bien la rencontre dune rupture technologique et dune rupture socitale. 2.5. Des projets vocation socitale ds le secondaire Il faut encourager ds lenseignement secondaire la co-cration de business model vocation sociale ou socitale, en commenant par un dispositif pilote de formation des professeurs (cf. exprimentation au Brsil). Cela doit permettre de construire une culture de la crativit et de linnovation pour entreprendre ensemble et autrement.

2.3. Des projets liant grandes entreprises et territoires sur des ruptures dusage Chaque grande entreprise franaise du CAC40 et du SBF120, en association avec un ou plusieurs territoires est invite proposer un projet de rupture visant dvelopper de nouvelles solutions, en crant de nouveaux co-systmes. Les projets, financs par les entreprises, devront inclure dautres entreprises, petites et moyennes et avoir une incidence concrte et durable sur le territoire. Les Rgions et ltat mobiliseront leurs lus et reprsentants, apporteront la contribution de leurs centres de recherche/ples de comptitivit, services adquats pour runir le maximum de conditions de russite. Le nouveau monde industriel / Le Laboratoire des ides du Parti socialiste / Juillet 2011 16

Mutation de l'industrie franaiseClaude Alexandre

Pour l'emploi, par l'innovation, vers l'efficacit nergtiquemalgr la poursuite de lessor du secteur des services et la destruction rgulire demplois dans lindustrie, celle-ci demeure une composante essentielle de notre comptitivit, de la matrise de notre souverainet conomique et de la structuration des territoires. Elle reprsente les trois quarts de la valeur des exportations de biens et services et 70 % des dpenses prives de R&D. Lindustrie est source de richesse immdiate, par la production et lchange, et future, par linnovation. Or, sa part dans le PIB, 16 %, est lune des plus faibles de la zone euro. La France subit une dsindustrialisation bien plus forte que notre principal partenaire et concurrent, lAllemagne, avec lequel lcart saccrot. La principale source de notre dsindustrialisation est dailleurs notre perte de comptitivit lgard des autres pays dvelopps. De mme, la concurrence des pays mergents, et notamment de la Chine, affecte notre emploi industriel plus quil naffecte celui doutre-Rhin. La politique industrielle de Nicolas Sarkozy est un chec. Pourtant, la France dispose de grandes entreprises de taille mondiale, dont la comptence est reconnue. Le tissu industriel de notre pays sappauvrit et, dans le mme temps, ses grands groupes figurent parmi les principaux investisseurs internationaux. Ce constat nest pas paradoxal si lon considre que les grandes entreprises dtruisent de lemploi (44 000 emplois supprims par le CAC 40 entre 2005 et 2009 alors que lensemble du secteur priv a un solde net largement positif) sur le territoire national pour en crer ailleurs, sans que cela ait un effet positif en terme de comptitivit et de parts de march : le solde de notre balance commerciale se dgrade inexorablement. Le lien se distend entre nos grandes entreprises et lconomie franaise, ce qui contribue au sentiment dinquitude des Franais lgard de la mondialisation, et dans le mme temps, la France apparat incapable de faire merger de nouvelles entreprises de taille mondiale. Nous navons pas suffisamment dindustriels et notamment de PmE, sources dinnovations, demplois et de comptitivit. Au total, nous subissons un affaiblissement industriel rgulier. Notre politique industrielle doit encourager lmergence dune nouvelle gnration dentreprises, permettre aux PmE de jouer leur rle de cration demplois et de source dinnovations et renouer un lien de confiance avec les grands groupes. Afin de prparer les mutations venir, elle devra par ailleurs se fixer lobjectif prioritaire de russir la transition nergtique.

1. Remdier linsuffisance chronique du nombre de PME et rtablir le lien entre nos groupes industriels, le territoire et lemploi national1.1. La forte insuffisance du nombre de PmE est lune des principales faiblesses de notre industrie, qui nous cote plus de 2 millions demplois. La structure et la maturit de notre conomie devraient nous permettre de disposer de centaines de milliers de PME supplmentaires. En complment de ce que prvoit le Projet socialiste, la rgnration du tissu industriel, destine favoriser lmergence de nouvelles entreprises doit reposer sur quelques axes, prenant en compte les difficults rencontres par les entrepreneurs et les causes de mortalit des

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PmE : 1) une rduction des dlais de paiement, 2) une politique des marchs publics, 3) une politique du financement de linnovation (cf la contribution de Pierre Vilpoux qui suit). 1.2. Les collectivits publiques et entreprises doivent rapprendre travailler ensemble. Il ny a aucune raison pour que les industriels franais aient moins le sens de lintrt national que leurs confrres allemands. Ltat et ses relais (Banque Publique dinvestissement, Agence nationale des PmE) doivent accompagner les entreprises dans leurs investissements et leur innovation, tout en posant les conditions du bon usage des fonds publics comme le prvoit le Projet socialiste. En retour, les entreprises doivent pouvoir compter sur un environnement juridique prvisible, qui ne soit pas affect par des remises en cause permanentes des rgles sociales, fiscales, environnementales, vritables allers - retours dissuadant tout investissement. Ltat contractualisera, de manire souple, ses relations avec les grands groupes, sagissant des aides publiques, en nonant clairement les critres correspondant ses priorits en termes demplois, en nombre et en qualit (galit des sexes, lutte contre les discriminations) et veillera la prvisibilit de lenvironnement rglementaire, tout en faisant avancer la politique industrielle et leffort daide linnovation lchelle de lunion europenne.

2.2. Des bouleversements profonds vont affecter notre systme productif en raison de la rarfaction et du renchrissement des sources dnergie. La France ne peut se permettre de manquer la rvolution des nanotechnologies ni la transition vers lefficacit nergtique, sources dinnovations au mme titre que la rvolution numrique et celle des biotechnologies. La premire va aboutir redfinir la matire lchelle de linfiniment petit et modifier les modes de conception et les processus de production des composants et des demi-produits dans la chimie et la pharmacie, lagroalimentaire, les technologies de linformation, les matriaux de construction Il faut aller au-del du Projet socialiste, qui mentionne lapplication des nanotechnologies dans le domaine de la sant, et en faire une des priorits de la politique industrielle, avec une composante de prcaution, compte tenu des risques pour la sant humaine et lenvironnement. 2.3. Une priorit forte doit tre donne leffort de recherche et dveloppement assurant que nos entreprises sauront sadapter la mutation nergtique qui sannonce. Il y va du maintien de la France au rang des grandes nations industrielles. Lconomie mondiale va connatre un bouleversement profond en matire dapprovisionnement en nergie dans les prochaines annes, compte tenu de la rarfaction dsormais avre des ressources en hydrocarbures. Elle doit galement intgrer la contrainte du changement climatique et lapprhension lgitime des risques que prsente le nuclaire, tragiquement mis en vidence par laccident de Fukushima. a. Nous allons connatre la remise en cause du modle productif fond sur lnergie bon march. Il ne sagit plus aujourdhui seulement dassurer le meilleur mix nergtique, de combiner les diffrentes sources selon leur cot, leur disponibilit et la ncessit dassurer notre indpendance mais de rduire notre dpendance au ptrole et au nuclaire. Cela ne sera possible quen rduisant la consommation dnergie tout en assurant la croissance.

2. Faire en sorte que lindustrie franaise soit un acteur des mutations technologiques venir, et russir la transition nergtique2.1. Ltat doit jouer son rle en supportant la part de risque lie lincertitude sur lavenir et aux changements radicaux qui sont en train de se produire. La droite a supprim le Commissariat au Plan cr par Jean monnet en le transformant en un Conseil danalyse Stratgique (CAS) qui ne dispose daucun moyen. Le rtablissement de ltat stratge que propose le Projet socialiste suppose non seulement de renforcer le CAS mais de reconstituer une force prospective et de dialogue, rassemblant acteurs publics, productifs et sociaux.

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Le pic ptrolier est atteint ; depuis 2006, la production a commenc baisser. Les dcouvertes ne permettront pas de renouveler les rserves un rythme rpondant laccroissement de la consommation. Les ressources alternatives (liqufaction du gaz naturel, gaz de schistes, liqufaction du charbon) qui pourraient tre dveloppes par les groupes ptroliers ne reprsentent pas une voie souhaitable : elles supposent de lourds investissements, prsentent des risques srieux pour lenvironnement ou ne sont pas encore au point. Surtout, parce quelles sont carbones, elles contribuent lmission de gaz effet de serre (GES) et vont lencontre de la lutte contre le changement climatique. La voie des biocarburants, source dnergie renouvelable, ne peut tre non plus suivie de manire significative par la France puisquelle contribue au renchrissement des matires premires agricoles et a un bilan dfavorable en matire de GES. Le nuclaire, neutre en termes de GES, a permis notre pays dacqurir trs largement son indpendance nergtique et de se doter dune expertise technologique et industrielle. Il ne peut tre une solution de rechange exclusive : il nous rend dpendant des ressources en uranium ou en plutonium retrait et il prsente des risques dont la matrise demeure difficile (quelle que soit lexcellence de lexpertise franaise), dont la survenance, comme Fukushima la montr, est complexe surmonter, longue rparer et dont lventualit est insupportable. De ce point de vue, la politique engage ces dernires annes du tout export, quelles que soient les rgions, leur stabilit politique et lexpertise en matire de sret des pays bnficiaires, manque de discernement. La France ferait mieux de participer au renforcement de la discipline internationale, en ouvrant des marchs prsentant toutes les garanties ncessaires, plutt que de contribuer la dangerosit du monde. Surtout, comme lAllemagne la bien compris, mme si son choix est galement influenc par des raisons historiques (rejet de latome militaire, symbole de la guerre froide, conscience aigu, depuis Tchernobyl, de la dangerosit du nuclaire civil) et politique (poids des grnen), le nuclaire peut tre un frein

leffort ncessaire dconomies dnergie et linnovation. Enfin, la question du traitement des dchets de longue dure de vie nest pas encore rgle de manire dfinitive. b. Les nergies renouvelables (ENR) sont une des voies de notre politique dinnovation face la transition nergtique mais qui ne peut tre exclusive. Certes, celles-ci permettent de rduire notre dpendance lgard du nuclaire et du ptrole, contribuent la lutte contre le rchauffement climatique et peuvent tre une source dinnovation et de cration demplois si nous parvenons, en dpit des retards pris lgard des engagements annoncs et des atermoiements sur la filire photovoltaque, tre comptitifs. Alors qu ce jour la cration demplois dans les filires vertes demeure modeste, lindustrie franaise doit prendre sa part dans le dveloppement du solaire, de lolien, de la biomasse, de la gothermie et de lnergie marine. La recherche doit galement porter sur la manire la plus efficace de stocker lnergie produite par le soleil et le vent, compte tenu de leur dpendance aux lments naturels. Les modes de distribution de llectricit vont voluer, intgrant ces diffrentes sources dnergie ; la mise au point de rseaux intelligents est un domaine dans lequel nos ingnieurs disposent de comptences reconnues. Le dveloppement des ENR est une voie davenir et sa russite dpend avant tout, comme la soulign le rapport du Groupe dexperts intergouvernemental sur lvolution du climat (GIEC) de mai 2011, des politiques publiques qui seront engages. mais la voie des ENR ne sera quune des composantes de notre politique industrielle, en matire de production dnergie, et non la solution miracle. Face la concurrence, notamment chinoise, de produits et quipements bas cot, nous devrons porter nos efforts sur la recherche dun accroissement du rendement nergtique des centrales existantes et maintenir une longueur davance. Par ailleurs, les fermes solaires et oliennes, les installations de biomasse, de biogaz, ne pourront avant longtemps avoir la puissance des grandes centrales thermiques et nuclaires.

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c. La priorit doit tre de rduire notre dpendance lnergie, de produire autant en consommant moins dnergie. Notre politique industrielle doit intgrer le fait que la prochaine bataille de la comptitivit nergtique sera celle de lefficacit, de la production de matriaux et de produits finis en utilisant moins dnergie, en produisant moins de dchets et moins de GES. ct dune politique ambitieuse de rnovation et disolation thermique des btiments, plusieurs pistes souvrent qui devront tre prcises ds le dbat lanc en 2012. La mise au point de centrales lectriques plus efficaces, au rendement nergtique accru, sera un des premiers chantiers dinnovation et un facteur du maintien de notre comptitivit lexportation. Il sagit de dvelopper des co-industries et des coservices, comme le Projet le mentionne, de mettre au point des appareils mnagers plus conomes et dadapter les rseaux lectriques mais plus largement, dassurer la conversion de lensemble de lindustrie, de mettre au point les processus, les modes de production qui vont lirriguer. Cette rvolution, analogue celle en cours en matire de rduction de la consommation de lnergie primaire dans lautomobile et des conomies dans le btiment, mobilise les centres de recherche dans le monde ; nous devons y participer. Ltat dfinira la transition nergtique comme une priorit de premier rang. Il mobilisera la recherche publique en ce sens et, dans le cadre du dbat national sur la transition nergtique prvu par le Projet, proposera aux industriels et la recherche prive de participer cet effort. La France, loin dtre isole, soulvera cette question au niveau europen, au titre du Programme cadre de recherche-dveloppement-technologie (PCRDT), et en utilisant la normalisation lchelle europenne. Lunion europenne est la rgion du monde la plus avance en matire de protection de lenvironnement et de lutte contre le changement climatique ; ses normes peuvent tre un puissant encouragement lefficacit nergtique. Par ailleurs, les partenariats internationaux seront encourags dans le domaine de la recherche et du dveloppement industriel. La France a donn

limpression de se replier sur elle-mme ; il est temps quelle souvre au monde. ce titre, les politiques dattraction des investisseurs et des chercheurs trangers seront revitalises.

Propositions1/ Contractualiser les relations entre ltat et les grands groupes afin dinverser le flux destructeur demplois, 2/ Accrotre linvestissement public dans les rseaux lectriques intelligents, 3/ Dfinir la transition nergtique comme une priorit de la politique industrielle et inscrire au dbat national qui sera organis en 2012 lefficacit nergtique au mme titre que le dveloppement des nergies renouvelables, 4/ Revitaliser les politiques dattraction des chercheurs et des investisseurs trangers, dvelopper les cooprations internationales.

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Lentrepreneuriat innovantPierre Vilpoux

Miser sur lentrepreneuriat innovant pour que la socit crative soit synonyme dopportunits pour les jeunes, de valorisation dexprience chez les seniors et de croissance pour la France Nous, tous et maintenant ! est le mot dordre du Parti socialiste pour lmergence de la socit crative. Librer les capacits dinnovation de chacun au lieu dinfantiliser la jeunesse, telle est la voie porteuse de dynamique, dautonomie, de cration demploi, de croissance. Les excellentes performances de grandes entreprises franaises, parfois leaders mondiaux de leurs secteurs, masquent une situation conomique tristement consensuelle : notre industrie a srieusement ralenti son rythme dinnovation, nous manquons cruellement dETI (Entreprises de Taille Intermdiaire), nous avons largement laiss passer le premier train dopportunits lies lconomie numrique immatrielle. Dautres considrations sont cependant trop souvent mconnues ou sous-estimes lors de la mise au point des remdes par le pouvoir politique : - Ce sont les nouvelles entreprises qui crent des emplois, ce sont elles qui innovent dans tous les domaines stratgiques du 21e sicle, et paradoxalement, les moyens financiers qui leur sont accessibles en France sont dramatiquement faibles13 (50 100 fois moindres quaux tats-unis, le rapport entre les PIB tant de 5,614). - Cette insuffisance des moyens financiers consacrs lamorage des socits innovantes limite le potentiel de cration dentreprises fort potentiel15, et limite donc notre capacit gnrer rapidement de lemploi et de la valeur conomique en sortie des cursus ducatifs. - En consquence la France na pas le terreau de startups, de jeunes socits innovantes qui serait statistiquement attendu dun pays dont le niveau de formation reste trs lev. Ceci explique la faible activit de lindustrie du capital-risque en France, industrie globale qui se concentre l o se crent et o se financent le plus grand nombre de startups, les tats-unis en premier lieu. - Cette quasi-absence du capital-risque explique ensuite partiellement le faible nombre dentreprises de taille intermdiaire (ETI) franaises, les PmE ne trouvant pas facilement les capitaux pour financer leur croissance et leurs investissements. - Les grandes entreprises, notamment industrielles, sont sous pression de leurs actionnaires et donc peu enclines la prise de risque inhrente linnovation. Elles ne sont pas non plus suffisamment impliques dans lanimation des cosystmes de linnovation de leurs secteurs dactivits, et ont plus la culture de la sous-traitance des tches faible valeur ajoute que la culture du co-dveloppement avec des PmE capables dinnover rapidement. - Cette mauvaise qualit de relations entre la grande et la petite entreprise est une seconde explication au faible nombre dETI franaises.

Voir notamment les donnes des associations de business angels, et le rapport de lIRDEmE Trou de financement en amorage : des entrepreneurs tmoignent 13 14 15

Source : INSEE

Voir lenqute INSEE Sine 2009 montrant la corrlation entre les chances de survie 3 ans des entreprises cres en 2006 en fonction du capital investi

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De notre situation conomique actuelle dcoule la ralit sociale suivante : - Dune part, et malgr la capacit dinnovation et la volont dentreprendre de la jeunesse en France, le chmage des jeunes est plus qualarmant, et la priode de fin dtudes en devient anxiogne. - loppos dmographique, les salaris de plus de 50 ans, y compris les cadres de haut niveau et y compris dans les grands groupes prospres, sont en inscurit professionnelle permanente et sont constamment mis en concurrence en termes de rentabilit court terme avec leurs cadets aux salaires moindres. Ici se rencontrent donc deux besoins dutilit collective : valoriser le caractre entreprenant de la jeunesse et valoriser lexprience de seniors qui souhaitent demeurer actifs en fin de carrire ou au dbut de leur retraite (fut-ce titre bnvole pour ceux qui peuvent se le permettre). Il sagit de redonner chacun confiance en sa capacit contribuer son propre avenir et offrir aux prochaines gnrations une opportunit de vie meilleure.

La Gauche, en responsabilit gouvernementale, peut saisir lopportunit, en sappuyant sur sa forte implantation rgionale, de remdier efficacement aux lacunes prcites, et par l-mme de donner un sens nouveau, dynamique et solidaire, notre socit en reconstruction. La promotion de linnovation est un enjeu stratgique. Cest la seule voie permettant de crer 1 million demplois16 haute valeur ajoute en France sous 10 ans, et de garantir notre pays un avenir industriel plus serein et une solide croissance. Vous trouverez ci-dessous nos mesures pour faciliter cette mutation.

et Larry Page ont lanc Google 26 ans... Dans les secteurs innovants, ces exemples se multiplient. Ils nous incitent tudier lenvironnement de leurs fondateurs, ces universits clbres pour leur capacit gnrer non seulement des projets innovants, mais aussi des entreprises dont un pourcentage rencontre immanquablement le succs. En France comme ailleurs, en fin de cursus, un tudiant choisit un sujet de projet, dtude ou de recherche qui sera laboutissement de son parcours ducatif. un trs faible pourcentage de ces projets est lorigine du dpt dun brevet ou du dmarrage dun projet dentreprise. Peut-on sinspirer partiellement des rfrences mondiales que sont Stanford ou Harvard pour favoriser, dvelopper, multiplier ces cas ? une partie des professeurs encadrant les projets y sont aguerris la cration dentreprise et incitent les tudiants orienter, adapter leurs projets pour valider et valoriser leur potentiel. Le renforcement, car de nombreux dirigeants dtablissements travaillent assurment dj en ce sens, dans chaque universit, cole, ou tablissement denseignement suprieur franais, des ples de dtection serait un investissement trs mesur, mais assurment trs rentable sur la dure car porteur du retour sur investissement pour la dpense publique en matire denseignement suprieur et de recherche !

2. Gnralisation des processus de labellisation des entreprises innovantesLa cration du Fonds Stratgique dInvestissement, a ncessit la mise au point dune liste de secteurs dactivits stratgiques (actuellement TIC, Sant, Transport, co-industrie). La mise jour rgulire de cette liste devra permettre le dploiement de politiques de soutien lamorage cohrentes. Des processus de labellisation de jeunes entreprises sont en cours, au travers dinitiatives locales des Chambres de Commerce, dOSEO, ou dautres organismes rgionaux, qui impliquent notamment des experts privs. Ces labellisations des entreprises en phase damorage sont un premier accompagnement efficace quil faut16

1. Renforcement des ples de dtection de projets et de talents, dentrepreneuriat au sein des tablissements denseignement suprieurBill Gates et Paul Allen ont fond microsoft 20 et 22 ans, Steve Jobs a fond Apple 21 ans, mark Zuckerberg cre Facebook 19 ans, Sergey Brin

Source : SYNNOV

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rpertorier, harmoniser, et complter pour quelles concernent tous les secteurs et sous-secteurs identifis stratgiques . La coordination de ces labellisations doit tre une mission prioritaire de lagence des TPE/PmE qui sera cre au sein de la Banque Publique dInvestissement (BPI) du Projet socialiste.

3. Dcuplement de la proportion des moyens de la BPI destine lamorage et aux premires tapes de croissance des entreprises innovantes, via lagence des TPE/PMELagence des TPE/PmE doit tre en mesure dinvestir au niveau rgional en abondement des socits labellises17. une partie importante des fonds rgionaux crs dans le cadre de la Banque Publique dInvestissement doit donc lui tre rserve. Le montant de 1,5 milliard deuros par an18 ( rpartir par secteur stratgique), semble pouvoir rpondre au besoin actuel de lamorage et des premires croissances, en abondement des investissements privs (business-angels et petits fonds damorage). 3.1. Amorage Sur la base dun abondement de 3 euros pour 1 euro priv investi et dans une limite de 500 000 euros et de 20 % des parts sociales provenant de la BPI, 3 000 jeunes entreprises innovantes pourront voir leur amorage financ chaque anne pour 1 milliard deuros investis. 3.2. Premires phases de croissance Sur la base dun abondement de 1 euro pour 1 euro priv investi et dans une limite de 1,5 million deuros (pour un maximum de 25 % des parts sociales cumules) provenant de la BPI, 500 jeunes entreprises innovantes pourront voir leurs premires phases de croissance finances chaque anne, pour un montant global de 500 millions deuros investis. 3.3. Cadre fiscal des investissements directs par les particuliers dans des PME propos des incitations fiscales des investissements directs privs (particuliers et regroupements de particuliers) dans des PmE,

lobjectif doit tre autant de faire merger une source de financement efficace, car quasiment directe et destine lemploi, que de favoriser un modle collaboratif transgnrationnel entre jeunes crateurs et personnes exprimentes, les parrains professionnels . Pour que ces deux enjeux se rencontrent, il faut recentrer ces incitations fiscales sur investissements dans les micro-entreprises (moins de 2m de CA, moins de 10 salaris) et dans les petites entreprises (moins de 10m de CA, moins de 50 salaris). Les entreprises recevant ces investissements pourront ainsi bnficier efficacement de leffet levier de la BPI dans le cadre de sa politique dabondement aux investissements privs dans lamorage et les premires phases de croissance. 3.4. Financement de la croissance ultrieure des entreprises Les 3 mesures prcdentes doivent aboutir ce que le financement des tapes suivantes de croissance des PmE redevienne majoritairement, sauf cas spcifiques jugs stratgiques par la BPI, affaire dacteurs spcialiss, notamment du capitalrisque et des banques prives dinvestissement. Cette industrie du financement priv saura sans aucun doute simpliquer en France une fois que le potentiel de linnovation sera effectivement amorc, et que le nombre et la qualit des jeunes entreprises innovantes seront tels quils justifient de sy intresser srieusement localement. La gauche peut russir le pari du financement local de lamorage, ce que les quipes actuelles ont de grandes difficults mettre en uvre faute dun accs efficace aux cosystmes rgionaux. Cest ainsi que le FSI sest retrouv quasi-exclusivement absorb par les grands groupes et na rserv que 2 % de son enveloppe prvisionnelle au fonds damorage de la Caisse des Dpts et Consignations (en cration) ! Ne nous leurrons pas : pour quun prochain Google, Facebook ou Apple17

Le principe des fonds publics dabondement a fait ses preuves par ailleurs, et ladministration amricaine vient dailleurs den annoncer un nouveau, alors mme que la fondation J-Jaurs estime 26 md $ le financement priv damorage aux tats-unis (contre 125 a 300 millions deuros en France selon les sources) Analyse du SYNNOV

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soit franais, il faut que des milliers de nouvelles entreprises innovantes naissent chaque anne en France. Ces investissements peuvent tre initialement financs par une rorientation intelligente de lpargne populaire, trs importante en France. Ils seront efficaces trs court terme car instantanment gnrateurs demplois dans des secteurs stratgiques. Ils doivent en outre montrer sous 10 ans un autofinancement par la valorisation attendue en sortie (boursire, acquisition) dun pourcentage, mme faible, des socits finances par la Banque Publique dInvestissement.

4. Pour lavenir industriel de la France : implication des groupes industriels, technologiques et de services dans lanimation des cosystmes de linnovation franaiseLes relations insuffisantes en France entre la petite et la grande entreprise nuisent grandement lmergence de grosses PmE, voir dETI lallemande, impliques dans des processus industriels de pointe, ce qui est trs diffrent du statut de sous-traitant de grands groupes. Cette situation nest pas seulement prjudiciable la petite entreprise : les grandes entreprises, et en premier lieu les groupes industriels, subissent logiquement linertie de leurs structures. Elles ont donc de grandes difficults innover au rythme dun march des technologies et des usages en mouvement sans cesse acclr. Leur relatif manque dintrt vis--vis des petites structures les fait galement passer ct dopportunits dintgration et de croissance externe. Certains grands groupes ont cependant compris limportance de leurs relations avec les PmE, et ont cr en leur sein des structures lgres parfois moins de 10 personnes de veille externe et danimation de leur cosystme. Ces quipes, dont la finalit nest pas dexternaliser la R&D, sont charges de suivre les volutions de leur secteur, didentifier de ce fait de nouvelles ides et des opportunits dintgration et de dveloppement industriels. Les structures de veille ont un rle stratgique dans lavenir de ces groupes, un jour leaders innovants de leur secteur, et trop souvent actuellement en

perte de comptitivit face une concurrence mondialise et galopante . La gnralisation de ces initiatives dans les grandes entreprises peut galement leur permettre de devenir attentives au potentiel dessaimage technologique : une grande entreprise spcialise dans un secteur spcifique peut avoir dvelopp une technologie dont le potentiel va bien au-del de son secteur. Si la stratgie du groupe nest pas la diversification, alors une politique dessaimage peut tre une excellente opration pour la cration demplois et de valeur, y compris bien entendu pour le groupe qui sy applique. Enfin, et lenjeu nest pas des moindres, ces quipes peuvent tre celles qui tudient et planifient les innovations de leurs produits et de leurs processus industriels vers la croissance bas carbone . un temps considrs comme uniquement cologiques, les bnfices attendus de ces innovations sont galement conomiques du fait de laugmentation durable et irrversible des cots des matires premires et de lnergie et, plus ou moins long terme, de la gnralisation et du durcissement des normes et taxes lies aux missions polluantes et au recyclage. Il semble donc opportun que ltat promeuve trs activement lengagement des grands groupes favoriser lcosystme de leur secteur au sens large, cest--dire en associant les jeunes socits innovantes leurs programmes et donc en restant toujours en veille attentive de celles-ci. Des actions de communication, de lobbying, et le cas chant lorsque ltat est un actionnaire (France Tlcom, EDF, GDF-Suez, Air France, SNCF, Renault, Areva, Total, Airbus) des mesures visant inciter ces politiques proactives, doivent tre mises en uvre par le pouvoir politique. Le conditionnement de certaines aides des comportements vertueux envers lcosystme est dailleurs parfois dj appliqu au niveau rgional, avec une efficacit certaine. Les bnfices attendus de limplication croissante des grandes entreprises dans lanimation des cosystmes de linnovation sont les suivants : - Dveloppement des relations entre TPEPME et grandes entreprises, pour trouver des dbouchs pour les petites socits innovantes

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- mergence dETI notamment industrielles - Acclration, au travers de ces relations renforces, des cycles dinnovation chez les leaders franais, notamment industriels - Multiplication des processus dessaimage lorsque les technologies et la stratgie des grands groupes sy prtent. Les acquisitions en provenance de groupes franais seront quant elles mcaniquement augmentes, avec leffet positif damliorer les retombes locales en termes demploi, de PIB et de commerce extrieur.

Propositions1/ Renforcer les ples de dtection de projets et de talents, dentrepreneuriat au sein des tablissements denseignement suprieur, 2/ Gnraliser les processus de labellisation des entreprises innovantes, 3/ Dcupler la proportion des moyens de la BPI destine lamorage et aux premires tapes de croissance des entreprises innovantes, via lagence des TPE/PME, 4/ Pour lavenir industriel de la France : impliquer les groupes industriels, technologiques et de services dans lanimation des cosystmes de linnovation franais, 5/ Dvelopper les rseaux dentraide transgnrationnels lentrepreneuriat innovant.

5. Dveloppement des rseaux dentraide transgnrationnels lentrepreneuriat innovantLes administrations locales (rgions, dpartements, communes) doivent favoriser lmergence de rseaux locaux de parrains professionnels bnvoles (extrapolation trs largie du modle des associations de business-angels ). Ces rseaux montrent chaque jour quil est possible de mixer positivement crativit et exprience, de mettre lexprience au service de la crativit. Ces rseaux largis en termes de population rpondront la demande dimplication associative, et donc au dveloppement de liens sociaux et transgnrationnels forts et qui font souvent dfaut dans nos villes, tout en apportant une formidable dynamique entrepreneuriale chez les jeunes qui tireraient bnfice de ces accompagnements. Limpact dun accompagnement efficace des entreprises est bien connu, les socits en bnficiant ont un taux de survie 5 ans de lordre de 80 90 %19, comparer au taux moyen denviron 50 %20.

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Sources : incubateurs, associations Source : INSEE

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Le droit au service de linnovationJean-Baptiste Soufron

Accueillir les trangers. Plus de la moiti des entreprises de la Silicon Valley ont t fondes par des trangers. Et le retard de la France dans ce domaine saccrot encore par rapport aux tatsunis ou au Royaume-uni qui viennent de mettre en place des politiques de startup visa et qui disposent dincubateurs de niveau international. Le rapport linternational doit tre encourag. Dans de nombreux secteurs, les entreprises franaises sont immdiatement confrontes une comptition internationale mme simple startup, nimporte quel dveloppeur dapplication iPhone doit se confronter des concurrents situs partout dans le monde. Naturellement, il faut leur permettre de se dvelopper ltranger, mais comme savent le faire Isral et les tats-unis, il faut attirer des capitaux et des comptences trangers. Enfin, il faut renforcer le droit de la concurrence, et dvelopper des mcanismes permettant de protger les startups franaises contre des concurrents trangers en situation de monopole.

Adapter la proprit intellectuelle au dveloppement des nouveaux cosystmes. Le rle des cosystmes dinnovation et de collaboration est structurant. On sait par exemple que le nombre de dpts de brevets activit essentiellement commerciale et individuelle est exactement corrl au nombre de publications scientifiques activit non-commerciale et communautaire.500 000 Scientific articles published

400 000

300 000

200 000

100 000

Patent applications 1850 1900 1950 2000

Autoriser les checs. Le modle actuel recherche lexcellence et fait la promotion du succs. mais il freine la prise de risque, et empche la pollinisation entre acteurs. Linnovation est favorise par un environnement riche de nombreux essais, et bien sr de nombreuses erreurs. Cest indispensable la constitution dun savoir collectif qui permet chacun de construire et de r-essayer sur la base des erreurs prcdentes. Cest galement indispensable au dveloppement dune culture de srendipit dans laquelle les acteurs sont capables de saisir les opportunits et ne se contentent pas de coller aux attentes de leurs dcideurs et financeurs. Linnovation na pas seulement besoin dtre nouvelle, elle a besoin dtre recycle.

Total Patent Applications and Scientific Articles. The number of patent applications at the u.S. Patent Office and the worldwide publication of scientific articles follow nearly the same curve of exponential growth.

De la mme faon que lon soutient aujourdhui les recherches et le dpt de brevet, il faut dvelopper des outils pour soutenir les cosystmes reposant sur le logiciel libre, sur le droit dauteur, sur des rseaux de savoir-faire, etc.

Simplifier les mcanismes. Les droits garantis par le mcanisme de brevets ou par la protection du droit dauteur sont parmi les incitations les plus importantes linnovation et la cration dentreprise. mais leur envergure et les procdures

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pour les obtenir ne sont plus adaptes lunivers des startups. Lobtention dun brevet peut prendre des annes, son application demeurer incertaine et sa valorisation reste aujourdhui hors de porte dune petite PmE. Et il nexiste pas de mcanisme fiable de peer-to-patent 21 permettant de dvelopper des brevets en consortium petite chelle, rendant ainsi difficile tout travail collectif valoris de cette faon.

- Repenser la proprit intellectuelle de linnovation : Rduire la dure de dpt des brevets, dvelopper des mcanismes de peer to patent Intgrer les logiques du droit dauteur en valorisant notamment les codes sources, les contenus, les dveloppements sous licences libres ou sous standards ouverts - Dvelopper linsertion internationale de la France dans le circuit de linnovation Favoriser la cration dun march europen du numrique Attirer les chercheurs et les tudiants trangers Dvelopper un programme de type startup visa Attirer les investissements trangers en leur ouvrant les outils de financement franais voire europens ? - Dvelopper des enjeux stratgiques nationaux en parallle avec une implication sociale : Dvelopper un programme et un portail startup.fr destin spcifiquement aux JEI afin de les informer sur les procdures qui les concernent, les vnements, leur cosystme, etc. Protger les TPE et les PME dans leurs relations avec les grands groupes et leurs clients dans lesprit des lois rgissant les rapports commerciaux entre producteurs et distributeurs. Renforcer la capacit de prospective, danalyse et de dialogue du gouvernement en crant deux postes de CTO et de CIO.

Le droit dauteur est essentiel dans lenvironnement numrique. De mme, le droit dauteur sur les logiciels et les contenus nest pas valoris, sans indicateur de mesure permettant de le reprsenter dans les dossiers de financement. Au-del, les outils les plus volus tels que les logiciels libres et les standards ouverts ne sont pas assez pris en compte, ni par les financeurs privs, ni par les financeurs publics. Ils reprsentent pourtant une source de valeur extrmement importante. Naturellement, ces volutions supposent lamlioration des capacits prospectives de ltat, par exemple en dveloppant des postes de Chief Technologic Officer (CTO) et de Chief Information Officer (CIO) au sein du gouvernement.

Dvelopper un march numrique de taille europenne. De ce fait, de nombreuses rglementations doivent voluer. Ltat doit jouer pleinement son rle pour aider au dveloppement et ladoption de standards sur lensemble des secteurs mergents aussi bien de standards technologiques que de standards dusage. Autant au niveau europen que franais, ce rle est important pour protger les entreprises et les aider travailler ensemble dveloppant ainsi lemploi et la consommation. La cration dun march europen du numrique doit tre une priorit afin dviter la situation actuelle dans laquelle des marchs de petites tailles aboutissent une concurrence inutile et une balkanisation du secteur.

21 Le Peer to Patent est un projet dvelopp partir de 2007 aux tats-unis visant crer une communaut publique d'examinateurs de brevets. Tout le monde peut s'inscrire de manire examiner la validit d'une demande de brevets en cours d'examen et proposer des documents qui pourraient remettre en question la validit de la demande de brevets (recherche des antcdents), liminant ainsi les brevets triviaux (source PCInpact)

Le