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International African Institute L'Alimentation des Autochtones Dans les Possessions Tropicales Author(s): Henri Labouret Source: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 11, No. 2 (Apr., 1938), pp. 160-173 Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African Institute Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1155467 . Accessed: 15/06/2014 17:21 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Cambridge University Press and International African Institute are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Africa: Journal of the International African Institute. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.76.60 on Sun, 15 Jun 2014 17:21:03 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

L'Alimentation des Autochtones Dans les Possessions Tropicales

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L'Alimentation des Autochtones Dans les Possessions TropicalesAuthor(s): Henri LabouretSource: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 11, No. 2 (Apr., 1938), pp.160-173Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African InstituteStable URL: http://www.jstor.org/stable/1155467 .

Accessed: 15/06/2014 17:21

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[ 6o]

L'ALIMENTATION DES AUTOCHTONES DANS LES POSSESSIONS TROPICALES

HENRI LABOURET

nD IVERSES etudes, publiees dans Africa au cours des dernieres annees, ont signale combien la nourriture des populations vivant

sous les tropiques etait parfois insuffisante, irreguliere, peu variee, mal equilibree, et quelles consequences graves en resultaient pour celles qui sont soumises a un semblable regime. Cet article a pour but de resumer les principales mesures qui ont ete prises par les ]Etats colonisateurs dans leurs diverses possessions afin de combattre un pareil etat de choses.

Une situation analogue a celle de l'Afrique s'est revelee dans plu- sieurs contrees de l'Europe, de l'Asie et du Pacifique; elle a retenu l'attention du Comite d'Hygiene de Geneve et des gouvernements responsables, qui se sont efforces d'y porter remede. II est donc impossible de retracer en detail l'ceuvre qui se poursuit dans les terri- toires tropicaux, sans resumer d'abord les enquetes entreprises sur le plan international.

Des 1931, la Societe des Nations avait marque son interet pour les problemes alimentaires en organisant sous les auspices de son Comite d'Hygiene une conf6rence dont les travaux devaient porter sur l'hygiene rurale de l'Europe. L'action entreprise a ce moment permit la publication d'importantes etudes, dont plusieurs etaient relatives a d'autres continents, en particulier les rapports de la Con- ference Internationale qui s'etait tenue a Capetown en I932 et a laquelle avaient assiste des representants du Service de Sante de plusieurs territoires africains et de l'Inde britannique. Les annees suivantes paraissaient divers documents qui resument l'etat des travaux en cette matiere.'

Des 1932, au cours de la treizieme session de l'Assemblee, le

League of Nations Health Organization, Quarterly Bulletin, 933, vol. ii, n? I, p. 115 et s.; ibid., 1935, vol. iv, n? 2, Burnet, E. et Aykroyd, W. R., Nutrition and Public Health; ibid., I936, vol. i, The Problem of Nutrition; vol. ii, The Physiological Bases of Nutrition; vol. iii, Nutrition in Various Countries.

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES 16i

Delegue de l'Inde, appuye par celui de la Chine, avait exprime le vceu que l'Organisation de l'Hygiene provoquat pour l'Orient la reunion d'une conference analogue a celle qui s'etait tenue pour l'Europe en 193 . Cette proposition, favorablement accueillie, fut acceptee par la quinzieme Assemblee en 1934. La session prevue eut lieu en 1937 a Badoeng, aux Indes Neerlandaises, sur l'invitation du Gou- vernement des Pays-Bas. I1 avait ete convenu auparavant qu'une commission preparatoire de trois membres visiterait d'avril a aout 1936 l'Inde, la Birmanie, le Siam, la Malaisie, l'Indochine, les Iles Philippines, et les Indes Orientales Neerlandaises. Soixante- six delegues, dix-huit experts, onze observateurs representerent a la Conference la Birmanie, les territoires britanniques de Borneo, Ceylan, la Chine, les Iles du Pacifique Occidental, Hong-Kong, l'Inde, l'Indochine, le Japon, la Malaisie, les Indes Neerlandaises, les lies Philippines, et le Siam. Parmi les observateurs, on notait la presence de M. Selskar M. Gunn, Vice-President de la Fondation Rockefeller.

L'interessant rapport, qui a ete publie a la fin de 93 7 sur les travaux de cette Conference, comporte un chapitre sur l'alimentation resumant certaines recommandations d'ordre general, des considerations techni- ques et des etudes sur le regime alimentaire en Chine, dans l'Inde, a Java et au Japon.

La meme annee, la Societe Scientifique d'Hygiene Alimentaire, presidee en France par le Professeur Mayer, organisait dans le cadre de l'Exposition de Paris le Deuxieme Congres Scientifique International de l'Alimentation et publiait a cette occasion un volume de 5 70 pages intitule La Science de l'alimentation en 2 7. Toute la troisieme section, comportant 163 pages, etait consacree aux problemes de la nourriture humaine dans les colonies belges, neerlandaises, frangaises et italiennes.

LES INITIATIVES DE LA GRANDE-BRETAGNE I1 est certain que ces divers travaux furent suivis avec grande atten-

tion par les puissances coloniales et qu'ils contribuerent a provoquer ou a mieux orienter plusieurs enquetes. Cependant il faut reconnaltre

que les autorites responsables des metropoles et de leurs dependances n'avaient pas attendu l'initiative internationale pour aborder le probleme.

Toutefois ces recherches, l'interet qu'elles exciterent dans le public M

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I6z L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES

contribuerent a hater la creation dans le Royaume-Uni d'un comite d'investigations, place sous la haute autorite de l'Economic Advisory Council et qui serait charge de fournir au Secretaire d'Etat pour les Colonies toutes les informations utiles relatives a l'alimentation.

En avril 1936, le Ministre qui etait alors le Rt. Hon. J. H. Thomas redigeait une Depeche (Colonial n? I2I) sous le titre Nutrition Poligy in the Colonial Empire, aux termes de laquelle il attirait l'attention des gouvernements locaux sur l'importance du probleme de l'alimenta- tion et sur les repercussions des moyens de nourriture sur la sante des populations. En meme temps, le Secretaire d'Etat ordonnait une

enquete approfondie dans chacun des territoires places sous son autorite, il indiquait le cadre dans lequel les recherches devaient etre poursuivies. Celui-ci prevoyait cinq sections:

(a) Etat actuel des connaissances sur l'alimentation humaine, biblio- graphie des travaux publies sur cette question.

(b) Etudes et recherches nouvelles qui paraltraient souhaitables. (c) Examen des mesures d'ordre pratique adoptees dans le passe

pour appliquer les decouvertes scientifiques a l'amelioration de la nourriture. Bibliographie.

(d) Mesures complementaires suggerees pour l'avenir. (e) Rapport special sur les consequences que l'amelioration des res-

sources alimentaires peut avoir sur l'economie du territoire considere. La depeche ministerielle insiste avec raison sur la collaboration

indispensable qui doit s'etablir entre les representants des Services de Sante, de l'Agriculture, de l'Elevage et de l'Enseignement pour mener a bien cette tache. Le Secretaire d'Etat ne se dissimule pas que les elements du probleme a resoudre sont infiniment complexes, car ils dependent du sol, du climat, de la civilisation, du degre d'evolution et des ressources des habitants. II faut donc s'attendre a des progres tres lents dans ce domaine; ils seront provoques par des changements successifs au sein de l'economie locale.

Ce document ne prenait pas les autorites locales au depourvu; les etudes publiees precedemment par Africa ont montre combien la situation alimentaire des autochtones avait deja retenu leur attention. De petits comites s'etaient formes spontanement dans certaines regions pour etudier le probleme signale par le Ministre; ils comprenaient des medecins, des fonctionnaires de l'enseignement, des services de l'agri-

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES 163 culture et de l'elevage. D'autres organismes du meme genre furent bientot constitues partout et commencerent leurs investigations. Les renseignements qu'ils purent transmettre au bout de quelques mois soulignaient l'etendue d'un mal determine depuis longtemps dans ses causes et dans ses effets. I1 etait dcu avant tout a la pauvrete, a Fin- suffisance des ressources economiques, a un niveau de vie qu'il con- venait de relever le plus vite possible.

Plusieurs de ces rapports indiquaient comment certains territoires avaient entrepris de lutter avec succes contre une pareille situation, notamment la Nigeria, l'Ouganda, le Kenya. Enfin, puisqu'il s'agit ici du continent tout entier, il convient de mentionner egalement les efforts accomplis dans le meme but par l'Union Sud-Africaine.

Tous ces documents insistent sur la necessite d'entreprendre sans delai des recherches plus approfondies en vue de reunir les elements d'information indispensables. Mais les enquetes a realiser entraine- raient des depenses assez elevees pour les territoires interesses, aussi a-t-il ete suggere de les faire supporter par une subvention convenable obtenue du Colonial Development Fund.

L'abondance de la documentation regue, le travail de classement, de depouillement et d'examen qu'elle exige a provoque la formation d'un Sous-Comite en liaison etroite avec l'Economic Advisory Council Nutrition Committee. La presidence en a ete confiee a Sir Edward Mellanby. Le r6ole de ce nouvel organisme est d'etudier les rapports qui lui parviennent, en vue de recommander un programme raisonne a suivre dans l'avenir. L'une des premieres propositions formulees par le Sous-Comite a ete la creation dans la metropole d'un conseil de trois membres, comprenant un medecin familiarise avec les pro- blemes tropicaux et deux experts dont l'un pourrait etre une femme possedant des connaissances en ethnologie. I1 serait charge de con- troler et d'orienter toutes les recherches a entreprendre dans l'empire colonial britannique au sujet de l'alimentation.

Ces dispositions une fois prises, il semble bien que certaines hesita- tions se soient manifestees en ce qui concerne le lieu, les modalites et la forme des enquetes a poursuivre. L'Institut International des Langues et Civilisations Africaines, ayant mis ce probleme a l'etude, considera que pour les recherches en Afrique la partie orientale du continent semblait le point le plus favorable pour des investigations

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164 L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES

du genre de celles qui etaient envisagees. I1 dressa en consequence un programme detaille qu'il soumit en novembre I936 au Nutrition Committee of the Advisory Council et il fut decide que l'enquete envisagee trouverait un terrain particulierement favorable au Nyasa- land. Le gouvernement de ce territoire fit connaitre 'a son tour qu'il etait pret "a accorder la collaboration de ses services de sante et d'agriculture pour les recherches proposees.

L'Institut forma alors un comite particulier afin de discuter et de rediger un programme de travail applicable au Nyasaland. Apres un echange prealable de vues, on decida que l'enquete porterait sur deux provinces differentes, signalees par le gouvernement de ce pays: I? celle de Dowa dans laquelle vivent cote a cote la tribu d'dle- veurs des Angoni, ayant comme nourriture principale le mais, et des agriculteurs Chewa, habitant sur les rives du lac et qui cultivent le manioc, le riz, tout en se livrant a la peche; 2? le pays montagneux du district de Ncheu, dans lequel une autre branche des eleveurs Angoni plante du mals, des arbres fruitiers importes d'Europe, et des legumes. Ils demeurent au voisinage des Yao et des Amanganja installes sur les bords du lac aux environs de Fort Johnstone et ont pour principales ressources alimentaires le manioc, le riz et le poisson.

Pour aboutir au resultat souhaite, les membres du comnite estimerent qu'il convenait de poursuivre trois enquetes paralleles, l'une relative 'a l'ethnologie, l'autre a l'alimentation, la derniere d'ordre medical.

Les recherches ethnologiques seraient entreprises les premieres pour permettre a l'expert qui en sera charge d'acquerir une connais- sance suffisante des parlers locaux, d'etudier le fonctionnement des cadres sociaux, de l'economie des tribus. Son attention se porterait en particulier sur les methodes employees par les indigenes pour pro- duire, garder, preparer la nourriture, sur les droits fonciers, la division du travail, la distribution des biens et les echanges, les mobiles qui poussent les deux sexes au labeur a l'epoque presente. I1 aurait egalement 'a observer les manieres de manger, les coutumes magico- religieuses concernant les differents aliments. La duree prevue pour cette enquete particuliere est de quinze mois.

Parallelement se poursuivraient les recherches d'un expert specialise dans l'etude de l'alimentation et qui vivrait alternativement dans les

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES 165 villages des tribus choisies, peserait les quantites de nourriture pre- parees et consommees dans trois ou quatre maisonnees typiques. I1 aurait en outre a prelever des echantillons de denrees et d'aliments afin de les soumettre a l'analyse des laboratoires.

La collaboration de ces etablissements pourrait etre assez reduite, puisque la composition de la nourriture a deja fait l'objet de nombreux travaux et qu'un tableau tres documente a ete compose par les soins de l'Imperial Bureau of Animal Nutrition.'

Pour completer les informations recueillies au cours des enquetes precedentes des observations medicales et clinlques s'imposent; elles devraient porter au minimum sur 1,500 individus des deux sexes dans chaque tribu et etre conduites de fa5on a montrer clairement la correla- tion qui existe entre le regime alimentaire et 1'etat physique des individus.

Ainsi qu'on le voit le probleme de l'alimentation des indigenes a ete pris en tres serieuse consideration par le Departement des Colonies et par les gouvernements locaux. Les enquetes extensives et en pro- fondeur se poursuivent sur les bases scientifiques et logiques.

L'EFFORT BELGE

Des I909 un savant belge E. de Wildeman signalait dans ses ecrits que le Noir du Congo etait sous-alimente. Depuis cette epoque le meme auteur est revenu 'a plusieurs reprises sur cette question; il a ete soutenu par le Dr. Trolli et M. Laplae, qui remarquent avec- lui l'urgence de remedier a cette situation. Mais c'est seulement au bout de plusieurs annees que le gouvernement s'occupa d'ameliorer la nourriture des indigenes. En 1917, la reglementation en vigueur stipulait que les chefferies devaient s'employer 'a l'extension des sur- faces cultivees. Deux ans plus tard, la Commission de protection des indigenes insistait sur la necessite de developper les cultures vivrieres afin de mieux nourrir les Congolais; elle allait meme plus loin, n'hesi- tant pas 'a preconiser les cultures obligatoires pour secouer linertie des interesses. Se rendant a ces raisons, le gouvernement etablit en I934 un programme agricole qui se fondait sur les rapports et les proposi-

I Voir le Memorandum XIII de l'Institut: The Food and Nutrition of African Natives.

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tions des services de la colonie. II se resumait dans les cinq directives suivantes:

10 Instruire les indigenes, leur faire connaitre des methodes de culture plus perfectionnees.

2? Etudier en vue d'un meilleur rendement quantitatif et qualitatif les diverses cultures pratiquees par les autochtones et leurs procedes d'elevage.

30 Rationaliser le travail de maniere 'a passer progressivement du stade de la culture extensive et devastatrice "a celui des cycles par assolement.

40 Selectionner des semences etles mettre a la disposition des paysans. 5? Parer sans delai aux mefaits de l'agriculture extensive en re-

boisant les surfaces defrichees puis abandonnees, travailler methodique- ment en vue de la regeneration forestiere qui s'impose dans certaines regions particulierement eprouvees.

Ce programme a ete applique avec perseverance, il commence a donner des resultats. L'education agricole est dispensee dans une soixantaine de centres officiels ou missionnaires, en liaison avec l'Institut National agronomique; les societes concessionnaires s'in- teressent egalement a cette grave question et se livrent 'a des expe- riences utiles, de meme que les tres distingues medecins travaillant au Congo sous les auspices du Fonds de la Reine Elisabeth (Foreami).

D'autre part une double action se poursuit pour augmenter les superficies cultivees, remplacer certains produits par d'autres d'un rendement superieur et obtenir des indigenes une preparation amelio- ree des denrees qu'ils consomment.

L' etude de la geographie alimentaire a ete poussee relativement loin, on a pu determiner ainsi l'existence dans la colonie des divers regimes qui y sont en usage:

(a) Regime 'a predominance de manioc. (b) Regime 'a predominance de cereales des populations pastorales

du Nord-Est. (c) Regime 'a predominance de bananes.

(d) Les regimes mixtes des provinces du Congo-Kasai et du Katanga. Les menus ont ete inventories avec soin. Les enqueteurs ne se sont

pas bornes a indiquer l'element de base, ils ont aussi releve la liste de toutes les denrees consommees en citant les feculents, les legumes, les

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES I67 fruits, les viandes, les poissons, les produits de cueillette, escargots, crevettes, insectes, chenilles, vets de palmier, etc., qui entrent dans l'alimentation.

Malgre l'abondance de cette documentation, les auteurs belges, en particulier les Docteurs E. J. Bigwood et G. Trolli, n'hesitent pas a declarer qu'elle est insuffisante. 'I1 n'existe pas de donnees precises et completes a ce sujet,' ecrivent-ils, ' aucune enquete sur les conditions de vie en general, telles que nous les concevons en Europe, avec le caractere quantitatif que cela comporte, n'ayant pu etre faite jusqu'a present dans la colonie.'"

Pour remedier a cette absence de renseignements contr6les en ce qui touche la population villageoise, les auteurs belges se sont fondes sur les evaluations figurant dans les rapports officiels et relatifs aux super- ficies cultivees en produits vivriers. Mais ces estimations sont elles- memes assez suspectes, ainsi que les rendements qui leur sont attribues. Pour faire cesser cette incertitude le premier moyen qui se presente a l'esprit est celui de sondages operes avec les garanties necessaires parmi les populations soumises aux diff6rents regimes alimentaires.

Mais en attendant que ces recherches soient effectuees, l'Administra- tion congolaise n'est pas d6pourvue des precisions quantitatives necessaires. Elle a toujours apporte un grand soin au controle des entreprises europeennes employant des travailleurs indigenes. Elle s'est trouvee en presence d'une tres grosse difficulte lorsqu'il s'est agi d'assurer a cette main-d'ceuvre un regime assez abondant pour couvrir ses besoins energetiques et repondant aux coutumes alimentaires des diverses regions de la colonie. A partir de 1915 elle prit l'initiative de faire rechercher par des specialistes les types de rations qui con- venaient aux indigenes embauches par les grandes societes agricoles, industrielles ou commerciales de la colonie. Aujourd'hui elle dispose de vingt-cinq regimes alimentaires regionaux dont les elements ont etc chimiquement analyses pour en degager la valeur en proteines, graisses, glucides et calories nettes, meme lorsqu'il s'agit de chenilles sechees jeunes ou vieilles.

Dans la conclusion de l'article precite sur l'alimentation au Congo Belge, les auteurs observent que des recherches approfondies per-

I Dr. E. J. Bigwood et Dr. J. Trolli, ' Problemes de l'alimentation au Congo Belge ', dans La Science de l'alimentation en I37, C. 6.

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mettraient de combler certaines lacunes subsistant encore dans l'etat actuel de la science en ce qui touche le deficit possible en materiaux calorigenes dans le regime villageois, la consommation moyenne des fruits et legumes frais, l'importance des plantes amylacees cultivees, la quantite de viande et poisson figurant dans la ration, la composition des aliments en elements inorganiques et en vitamines. Le Dr. Trolli a deja signale a diverses reprises qu'une institution centrale specia- lisee dans de telles etudes pourrait etre chargee de ce travail en plein accord et avec la collaboration de la colonie. On peut esperer que cette heureuse initiative sera bientot prise.

L'ALIMENTATION DES COLONIES ITALIENNES

Dans l'empire colonial de l'Italie, les recherches quantitatives n'ont pas encore ete poussees aussi loin que le desirent les savants charges d'etudier l'alimentation des indigenes. ' Nous manquons', ecrit le Professeur Sabato Visco, ' de toute donnee certaine sur la production des principales denrees alimentaires et sur leur commerce d'importa- tion ou d'exportation. Nous ne connaissons pas davantage, avec assez d'exactitude, le nombre des habitants et la constitution de la popula- tion de nos colonies pour que mreme des donnees statistiques tirees du calcul des disponibilites puissent nous mener 'a la connaissance de la question etudiee."'

Mais si les appreciations quantitatives manquent encore, ce qui s'explique par la date recente a laquelle les colonies italiennes se sont etendues, les elements qualitatifs ont ete scrutes par la science depuis longtemps en Libye et plus recemment dans l'Afrique Orientale ou les investigations se poursuivent. Ces travaux ont permis 'a l'Institut National de Biologie du Conseil National de Recherches de dresser le tableau des analyses effectuees sur les cereales et les legumineuses entrant dans la nourriture des habitants de l'Afrique Italienne. De plus la Commission pour l'1tude des Problemes de l'Alimentation etend ses preoccupations aux territoires d'outre-mer. Sous son impul- sion des renseignements approfondis ont ete recueillis deja sur les

I Prof. Sabato Visco, Directeur de l'Institut de Physiologie de l'Universite de Rome, Secretaire de la Commission pour l'etude des problemes de l'alimenta- tion: ' Alimentation dans les Colonies Italiennes ', dans La Science de l'alimentation en 1937, C. 135-136.

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES 169 habitudes, les denrees alimentaires et les boissons. De plus des recherches ont ete effectuees pour etablir la composition des menus familiaux dans certaines regions et etudier leur composition en prin- cipes immediats et en elements inorganiques.

Ainsi que l'on peut le constater par ce bref resume, le probleme qui nous occupe est loin d'etre neglige dans les possessions italiennes, les enquetes actuellement en cours ne manqueront pas d'apporter a la science des elements nouveaux et decisifs.

LE PROBLEME ALIMENTAIRE DANS LES POSSESSIONS FRAN;AISES

Dans les possessions fran[aises, le probleme alimentaire a ete suivi depuis de longues annees par les pouvoirs publics et les medecins; les elements de sa solution ont ete indiques a diverses reprises dans des articles publies par des revues scientifiques jusqu'en 1925. Mais a partir de cette epoque un interet plus grand lui a ete temoigne a la suite d'un rapport presente par les Professeurs Calmette et Roubaud a l'Academie des Sciences Coloniales sur 'L'Insuffisance alimentaire des indigenes dans nos colonies'. Cette assemblee resolut de trans- mettre le memoire au Ministre des Colonies en y joignant une serie de vceux tendant "a obtenir, par des moyens appropries, l'extension des cultures vivrieres, de la peche, de l'elevage, la creation d'un ' Service Technique de l'Alimentation indigene ' qui serait confie a des mede- cins, a des agronomes et a des veterinaires.

Apres avoir pris connaissance de ces documents, le Ministre signait le 4 avril de la meme annee une circulaire qui prescrivait de developper toutes les ressources susceptibles de fournir aux indigenes les aliments necessaires, en quantite suffisante pour leur permettre de constituer des reserves. En meme temps les laboratoires de chaque colonie, en liaison avec le Laboratoire de Chimie du Service General devaient analyser les elements de la ration, etablir la valeur de ces elements et etudier les moyens de remedier aux insuffisances constatees.

Cette circulaire provoqua un certain nombre de recherches inte- ressantes, elle contribua a faire adopter une serie de rations-types pour les militaires indigenes, les ouvriers autochtones employes dans les entreprises publiques et privees. Cette mesure qui intervenait a la suite de l'accord relatif aux Conventions Internationales sur le Travail eut les plus heureux resultats. Desormais les territoires

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70o L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES

frangais connaissent, comme les possessions belges, un certain nombre de menus determines suivant la quantite et la qualite pour chaque region alimentaire.

Mais cette innovation ne touchait qu'une minorite, le probleme demeurait entier pour le reste de la population. En 1933 la Societe de Geographie Commerciale et d't2tudes Economiques, s'adressant a l'Academie de Medecine, emettait le vceu que l'alimentation habi- tuelle des indigenes ffit etudiee dans ses rapports avec le developpe- ment demographique des populations. Pour repondre a ce desir une commission fut designee et, quelques semaines plus tard, son rap- porteur le Professeur Marchoux formulait les conclusions suivantes. I1 remarquait d'abord que l'Academie de Medecine n'avait pas la

possibilite d'entreprendre une etude qui releve essentiellement de laboratoires specialises; il ajoutait que l'examen des documents deja rassembles sur cette question revelait une grande incertitude en ce

qui touche la valeur de la ration quantitative et qualitative des indi- genes. En consequence, il suggerait l'envoi sur place de savants, specialises en physiologie alimentaire et choisis par l'Academie de Medecine, auxquels seraient ouverts les Instituts Pasteur d'Afrique et d'Asie tropicales, et qui seraient charges d'etablir sur des bases exactes la composition et l'importance de la ration alimentaire des travailleurs indigenes.

L'initiative de la Societe de Geographie Commerciale ne donna aucun resultat, mais elle prouvait l'interet de plus en plus considerable

que les esprits avertis prenaient a cette grave question. Deja le Directeur de l'Ecole Coloniale, M. G. Hardy avait organise dans cet etablissement un programme de conferences s'adressant au public et aux etudiants et qui avait pour titre ' L'Alimentation indigene dans les colonies fran9aises '; le Professeur Charles Richet fils decidait peu apres de publier sous ce meme titre cette serie d'exposes, augmentee de nombreuses etudes redigees par lui-meme et par d'autres savants. Cette initiative mettait "a la disposition des chercheurs un ouvrage de 386 pages qui resumait l'etat de la question en 1933.

Cependant les gouvernements locaux avaient a faire face a certaines difficultes provenant de l'alimentation. Deja les menaces de famine et les effets de la disette les contraignaient a prendre des mesures de ravitaillement et de prevoyance qui furent rendues obligatoires dans

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES 17I

toutes les provinces menacees. De nombreuses circulaires ont ete redigees dans ce but. Les dernieres en date sont du 24 juin 1936 et du io fevrier 1937; elles emanent de M. Marius Moutet et traitent de la crise alimentaire aux colonies.

Ces instructions n'ont pas surpris les chefs des differents territoires, qui avaient deja mis en ceuvre presque toutes les mesures qui leur etaient recommandees. Ainsi, pour remedier aux famines acciden- telles, qui se produisent surtout en Afrique tropicale dans les climats de savane et de steppes, souvent mal arroses, les gouverneurs ont elabore des programmes ressemblant assez a des plans militaires de mobilisation. Ayant constate que l'insuffisance de nourriture dans certains districts, a des epoques donnees, ne resulte pas a proprement parler d'un manque total de produits alimentaires, mais de l'absence de moyens pour repartir convenablement entre les habitants l'ensemble des denrees disponibles, ils se sont efforces de prevoir afin de pourvoir. Dans ce but ils ont constitue en periode normale des magasins destines a abriter les stocks qui seraient utilises en cas de famine, dresse la liste des vehicules disporibles, etudie les itineraires a emprunter pour les transports, fixe les lieux de distributions possibles. Grace a ces pre- cautions, les famines seraient desormais combattues avec des moyens efficaces des leur apparition.

D'autre part, une politique alimentaire nouvelle a ete instituee surtout dans les deux gouvernements generaux de l'Afrique Occi- dentale et de l'Afrique Equatoriale qui sont les plus menaces par la disette. Elle commence a l'ecole oiu une education agricole essentielle- ment pratique est donnee aux eleves. Elle se poursuit dans chaque contree par les soins des Services de l'Agriculture qui introduisent des plantes alimentaires nouvelles et variees et des legumineuses a

coques capables de resister aux attaques des acridiens. Les Societes de Prevoyance participent a cette action en fournis-

sant un outillage ameliore, des semences selectionnees, en creusant des puits et en pratiquant de petits travaux d'irrigation. Depuis quelque temps il existe aussi par region un Office de l'alimentation indigene dont le r6ole est de contr6ler et de surveiller les moyens de nourriture des autochtones.

Une telle politique ne saurait evidemment produire des effets imme- diats, mais on peut deja constater les resultats obtenus par elle dans

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172 L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES certaines contrees jusqu'ici assez desheritees de l'Afrique Equatoriale, qui manquaient de voies de communication. Le Gouverneur General Reste souligne avec raison dans le dernier discours qu'il a prononce ia l'ouverture du Conseil de Gouvernement en decembre dernier que les sommes tirees par les indigenes de la vente de leurs produits, celles

qu'ils ont regues en salaires dans les mines s'elevent a 7I millions, et que grace a ces benefices, ils ont deja pu ameliorer sensiblement leur niveau de vie.

Tout en rendant hommage aux directives et activites diverses qui ont obtenu d'aussi bons resultats, il faut reconnaitre cependant que certains elements du probleme a resoudre demeurent negliges, puisque l'on continue toujours a ignorer de maniere a peu pres complete quels sont les moyens d'existence des populations indigenes.

La Commission d'Enquete dans les Territoires d'Outre-Mer, creee par la loi du 30 janvier I937 en vue d'etudier les besoins et aspirations legitimes des populations coloniales, a estime qu'elle avait le devoir de combler cette lacune, et pour cela de consacrer ses premieres recherches a l'alimentation et aux niveaux de vie des indigenes. Une

enquete de ce genre revet deux aspects principaux, l'un de nature

chimique et medicale, l'autre d'ordre ethnologique; il a ete decide de la faire poursuivre en consequence par des specialistes qualifies et des medecins d'une part; et en meme temps par diff6rentes categories de per- sonnes, agissant en liaison et chargees de recueillir une documentation directe, qui sera adressee a un organisme central charge de la depouiller.

Les investigations de caractere scientifique sont dirigees par le Professeur Marchoux de l'Institut Pasteur qui a redige et adresse aux medecins en service aux colonies un questionnaire detaille qui leur a ete transmis par les soins des Services de Sante Locaux. Les labora- toires des etablissements d'outre-mer participeront a ces etudes.

Les informations d'ordre social seront reunies d'apres les directives contenues dans trois notes detaillees, destinees l'une aux administra- teurs de circonscription, la seconde aux fonctionnaires de l'agriculture et de l'elevage, la derniere aux instituteurs indigenes et aux agents indigenes des diff6rentes categories qui seront juges susceptibles de fournir des renseignements precis.

Cette repartition du travail offre en apparence certains inconvenients en ce sens que l'on peut redouter l'indifference ou l'ignorance de ceux

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L'ALIMENTATION DANS LES POSSESSIONS TROPICALES I73

auxquels les renseignements sont demandes. En reponse a cette objection, on observera que les questions posees sont toutes de la competence des informateurs. Parmi ces derniers les indigenes fourni- ront certainement la contribution la plus nouvelle et la plus originale grace aux explications contenues dans les instructions. Ils seront de plus guides sur place par fonctionnaires europeens qui les aideront de leurs lumieres. La methode employee est extensive, elle permet de prospecter des territoires tres vastes et d'obtenir partout des ren- seignements valables sans frais, ce qui est digne de consideration.

L'enquete qui vient d'etre commencee ne donnera pas de resultats avant une annee. La Commission d'Enquete dans les Territoires d'Outre-Mer les attend avec confiance.

CONCLUSIONS

Les explications qui precedent montrent que l'alimentation des indigenes tient une place de plus en plus considerable dans les pre- occupations des gouvernements coloniaux. Pour remedier aux lacunes, aux inconvenients et aux dangers qu'ils pressentent la plupart se sont adressees aux medecins et aux chimistes qui ont deja accompli un tres beau travail de prospection et reuni des donnees scientifiques de premiere importance en vue de la solution du probleme. Mais on

peut dire que cette solution est theorique, car elle a ete degagee dans l'abstrait, en vue de decouvrir la serie des rations-types convenables pour les autochtones habitant les differentes provinces geographiques. Pendant une assez longue periode l'dlement fonctionnel et social, sans avoir ete deliberement ecarte, n'a pas ete pris en. consideration comme il meritait de l'etre. De ce fait les recherches sont demeurees dans le domaine qualitatif, sans aborder l'element quantitatif resultant du milieu, des ressources qu'il offre et des activites humaines. A cet egard les informations que nous possedons sur le probleme de l'alimentation en Afrique concordent toutes. Cependant peu "a peu la necessite de serrer le sujet de plus pres, d'etudier la production, la preparation, la cuisine et la consommation au foyer indigene s'est imposee dans tous les pays, en meme temps que se faisait jour la notion du travail en equipe pour traiter un sujet aussi delicat et complexe. Nous sommes au debut d'une periode nouvelle, c'est ce qui justifie la mise au point qui a ete essayee dans cet expose. HENRI LABOURET.

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