Le Controle de Gestion Des Services

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LE CONTROLE DE GESTION DES SERVICES : SPECIFICITES, OUTILS, ENJEUXService industry management control: specificities, tools, stakes

Rsum : Lobjet de larticle est dtablir un tat des lieux du contrle de gestion des activits de service. Les quatre spcificits des services sont analyses : immatrialit ; htrognit ; coconstruction de loffre ; ajustement temporel la demande. Les six outils les plus emblmatiques du contrle de gestion des services sont ensuite dcrits : valuation de lefficience par la mthode DEA ; logigrammes de production ; gestion des temps et des dlais ; gestion des revenus et des capacits ; mesure de la qualit Servqual ; tableau de bord prospectif. Les nouvelles perspectives en matire de contrle de gestion serviciel sont enfin discutes. Mots Cls : contrle de gestion, activits de service, gestion des oprations, gestion de la relation de service. Abstract:

The subject of the article is to realize an inventory of fixtures about service industry management control. The four specificities of the services are analysed: intangibility; heterogeneity; supply common construction; just in time ajustement. The six more emblematic management tools of services are then described: efficiency DEA method; blue print; delivery and waiting time management; yield and capacity management; Servqual quality measure; balanced scorecard. New perspectives for service management control are finally discussed. Keys Words: management control; service industry; oprations management ; service relation management.

IntroductionLes conomies dveloppes sont de plus en plus composes essentiellement dactivits de service. En France aujourdhui moins du quart des emplois se trouve dans lagriculture, lindustrie et la construction runies. Les services administrs reprsentent un gros quart des emplois totaux et les services marchands une petite moiti. Notre conomie est donc aujourdhui fondamentalement une conomie de service. La structure de lconomie a chang mais les modes de gestion ont t faonns dans le contexte dune conomie encore domine par sa composante industrielle. Ainsi, les outils et la fonction de contrle de gestion ont t essentiellement dvelopps au tournant du 20me sicle aux Etats-Unis pour rationaliser les mthodes de gestion et daccrotre lefficience des grandes entreprises industrielles. Les auteurs de rfrence de cette poque sont bien connus : Taylor (organisation scientifique du travail), Brown (pilotage de la performance financire), Wilson (optimisation logistique), Sloan (administration et budgets), etc. Les grandes entreprises pionnires taient surtout des firmes de la chimie, de la mtallurgie, de lautomobile. Mme si on trouve parfois dans les services la source de certains outils (le taux de rotation du contrle oprationnel de la grande distribution tant lorigine du ROI par exemple), les mthodes du contrle de gestion sont profondment imprgnes des problmatiques de la transformation matrielle des biens : la standardisation des mthodes et des process de production, la volont dhomogniser la production de masse et de raliser des conomies dchelle, la gestion et le contrle des stocks, la distribution des biens des centres de production aux lieux de consommation, etc. Certes une seconde vague majeure dinnovations en gestion des oprations et en contrle oprationnel est venue du Japon (elle a t connue par le monde dans les annes 80) avec le grand mouvement de qualit totale en gestion de production, les mthodes damlioration continue (kazen costing) et de cot cible (target costing) pour la matrise des cots, le kanban et le zro stock en fabrication et logistique. Elle a remis en cause loptimisation locale des productions de biens pour favoriser les interrelations sur lensemble des processus de la chaine de valeur, les flux tendus tirs par laval et la rduction des stocks tampons. La valeur fournie au client interne ou externe tait au cur de cette rvolution conceptuelle qui rapprochait lindustrie des proccupations des entreprises de service. Toutefois les activits de service se caractrisent par des diffrences fortes avec les activits industrielles dans quatre caractristiques fondamentales, reprises dans le fameux acronyme IHIP : le caractre immatriel (Intangibility) ; la faible standardisation (Heterogeneity) ; la production et la consommation simultanes (Inseparability) ; le stockage impossible (Perishability). On peut distinguer deux aspects principaux dans le contrle de gestion : le pilotage de la performance financire globale (contrle des rsultats) et lamlioration de la qualit des gestions locales (aide la dcision et contrle des comportements). Dans les business schools nord-amricaines les enseignements de contrle de gestion sont dailleurs scinds et rattachs pour partie la comptabilit (calcul et analyse des cots, contrle budgtaire) et pour partie la gestion des oprations (mthodes daction sur les cots, la qualit et les dlais ; indicateurs et tableaux de bord). Dans les entreprises, on constate aussi une volution divergente des fonctions contrle de gestion : plutt tournes vers la modlisation comptable et financire et la valeur cre pour lactionnaire au niveau groupe ; plutt tournes vers la gestion des oprations, les systmes dinformation et la valeur cre pour le client au niveau des units oprationnelles. Si le premier volet, la dimension financire du contrle de gestion, ne semble pas fondamentalement impact par la diffrence entre industrie et service (le travail des 2

contrleurs de gestion au niveau groupe tant fondamentalement identique dans les services et lindustrie), il nen est manifestement pas de mme pour le deuxime volet, la dimension oprationnelle du contrle de gestion (o le travail du contrleur de gestion des units oprationnelles a des particularits fortes dans le cas des activits de service). Chenhall (2003, p. 130) conseille de dvelopper les recherches, quil estime encore trop limites, sur le contrle de gestion du secteur des services. Dans cette perspective, lobjet de cette contribution est de rflchir aux mthodes et outils de gestion lis la monte en puissance des services dans les conomies contemporaines. Cette rflexion sest dj dploye pour le marketing des services depuis un certain temps (Lovelock et alii, 2008) et pour la gestion des oprations plus rcemment ( ce propos voir Heineke et Davis, 2007). Nous souhaitons faire de mme pour le contrle de gestion. Notre objectif, cette tape, nest pas daborder les systmes de contrle de gestion des entreprises de services comme des ensembles globaux et cohrents (contrairement ce que prconisent Malmi et Brown, 2008) mais de faire le travail pralable et ncessaire (qui a notre connaissance na jamais t fait sous cette forme) didentification des facteurs de contingence du secteur, de recensement des outils oprationnels emblmatiques et de mise en vidence des dynamiques dvolution en cours en matire de contrle de gestion. Nous allons dans une premire partie prsenter le cadre conceptuel de rfrence classique du management des services et discuter comment les spcificits de la chaine de valeur servicielle impactent les modes de contrle des oprations et des processus. Dans une deuxime partie nous prsenterons les outils de contrle de gestion ddis ou particulirement adapts aux activits de service. Dans une troisime partie, nous tudierons les dveloppements les plus rcents de lconomie des services et nous rflchirons ce que cela peut apporter comme modifications en matire de contrle de gestion oprationnel des services.

1. Les spcificits du contrle oprationnel des activits de serviceLes services ont quatre caractres qui les distinguent des activits industrielles : ils sont immatriels, htrognes, produits et consomms simultanment, non stockables (Van Looy, Gemmel et Van Dierdonck. 2003 ; Fitzsimmons et Fitzsimmons, 2008). Dans le secteur des services, le modle daffaires est compos de la cible commerciale (target market), des caractristiques intrinsques du service offert (service concept) et des modes de dlivrance de la prestation (service delivery system choices) comme lindiquent Roth et Menor (2003). Le mode de dlivrance de la prestation de service constituera llment le plus important de la rflexion sur les modalits et les outils du contrle. 1.1. Immatrialit des services Les services sont immatriels (intangible). Ils ne consistent pas en la ralisation dun objet physique mais en lexcution dun concept dans un acte ou un processus. Ceci a comme consquence que, linverse des biens physiques, les qualits intrinsques des services ne peuvent que rarement tre identifies de faon sre avant lachat, ne se rvlent quen partie lors de lexprience de consommation, et pour la plupart restent difficilement valuables mme ex post par le client (Zeithaml, 1981). On peut penser par exemple au cas des diagnostics mdicaux. Un lment essentiel de la gestion des services est donc de rendre tangible lintangible par lutilisation des supports physiques et des facteurs dambiance 3

(Bitner, 2000). On peut aussi accrotre la ligne de visibilit du client en dvoilant les processus productifs mis en uvre pour le servir (par exemple dans un restaurant japonais en ralisant sous les yeux du client les phases de traitement du poisson cru, la prparation et la cuisson des ingrdients daccompagnement, la confection des sushis, etc.) ou en rendant possible par lusage des technologies internet le suivi distance et de chez soi des courriers dlaboration ou de ralisation progressive de la prestation (comme dans le transport de lettres ou de colis). Les services tant immatriels, la production de services ncessite aussi limplication du client dans ce qui est une coproduction de la prestation qui associe loffreur (entreprise) et le consommateur (client). Le degr de coopration peut tre plus ou moins important mais dans tous les cas le personnel est amen grer simultanment deux faces de son mtier : la gestion oprationnelle (lutile pour le client) et la gestion relationnelle (lagrable pour le client). La satisfaction finale du client dpendra autant des conditions de ralisation de la prestation que du contenu mme du service qui lui est dlivr. 1.2. Htrognit des services Les services sont galement, par nature, beaucoup moins standardiss que les biens manufacturs produits en sries (heterogeneity). Le service est un processus stendant sur une fraction de temps plus ou moins importante, il subit donc des variations en fonction du comportement du personnel de contact, des attentes et des ractions du client, des facteurs lis lenvironnement de la prestation. A ct de cette htrognit subie, il y a aussi lhtrognit choisie : la varit des prestations et ladaptation aux demandes de la clientle peuvent constituer un facteur cl de succs au cur du modle daffaire de lentreprise. Lhtrognit intrinsque de la prestation de service dcoule naturellement de ce qui vient dtre dit sur laspect relationnel de la prestation : en gnral, lactivit de service est plus oriente vers les gens que vers les choses. Le personnel de contact, maillon ultime de la chaine de valeur, est llment dcisif de la prestation de service qui mobilise une proportion trs importante de facteur humain (beaucoup plus que dans lindustrie o le capital technique est central). Cest pourquoi la formation, lanimation et le contrle du personnel de contact sont des lments majeurs de performance des activits de service. 1.3. Coralisation de loffre de service avec le client Les services sont produits et consomms simultanment (inseparibility ou simultaneity). La production de service implique une interaction plus ou moins profonde de loffreur et du client. La zone de contact peut tre importante (high contact services) ou moindre (low contact services) mais la prestation est co-construite dans un processus dnomm servuction (Eiglier et Langeard, 1987 ; Eiglier, 2004). La Socialisation Organisationnelle du Client (SOC) est donc un lment fondamental pour russir lassociation du client dans le processus productif (Goudarzi et Eiglier, 2006). Comme le client doit tre prsent lors de la ralisation de la prestation, les points de dlivrance du service doivent tre proximit immdiate de la clientle vise : les services sont donc la plupart du temps dpendants de lemplacement. Linsparabilit de la production et de la consommation de service a un impact certain en matire de gestion des oprations. La production de biens se fait en usine dans un systme fondamentalement ferm (la prsence de stocks permettant de dcoupler la phase de production de la phase de commercialisation) mme si ceci peut tre nuanc quand on est dans le cadre dune production en juste temps o les flux productifs sont dclenchs par les commandes et donc tirs par laval (cest pour cette raison que nous avons indiqu dans lintroduction que le Toyotisme fait en partie entrer des proccupations de service dans lunivers manufacturier). Par opposition lappareil de production des services est un systme

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ouvert par nature. Si le gros problme de la gestion des oprations dans lindustrie est le problme des stocks, la principale difficult de la gestion des oprations dans les services rside dans la formation des files dattentes et la gestion des queues de consommateurs attendant leur tour. 1.4. Ajustement temporel de loffre de service la demande Les services sont non stockables (perishability). A linverse des biens manufacturs, les services ne peuvent pas tre stocks la fois en raison de leur nature immatrielle, de la simultanit de leur production et de leur consommation et de leur adaptation aux besoins spcifiques des diffrents clients. Il faut donc sadapter une demande qui est souvent fluctuante et volatile. Pour cette raison, le problme des pointes dactivit ( coups de feu ) et des files dattentes ( queues ) est au cur de la gestion oprationnelle des activits de service. Le non stockage est la source de tous les problmes inhrents aux services en raison dune capacit de production limite face une demande variable et parfois imprvisible. De nombreuses rflexions en management des services portent sur la dtermination de la capacit optimale (choix dinvestissement) et sur les leviers daction disponibles pour utiliser au mieux une capacit existante (gestion des oprations sur le terrain). Mais on peut aussi mobiliser des leviers daction pour agir en amont sur la demande, la dplacer et lcrmer (Meyssonnier, 2008). Ces quatre critres sont assez proches du triptyque des caractres techniques par lequel certains auteurs francophones dfinissent les activits de service : immatrialit, interactivit, immdiatet (cf. ce propos Djellal et Gallouj, 2007, page 10) mais sy rajoute lhtrognit qui est un lment essentiel quand on sintresse au contrle de gestion des services. On peut construire ensuite des classifications des services partir de tous ces critres : en fonction du degr dimmatrialit, du degr dhtrognit ou du degr de simultanit. On peut aussi introduire de nouveaux critres : limportance relative de la phase de contact entre le personnel et le client ; limportance des fluctuations (anticipes ou non) de la demande ; le degr de personnalisation des services ; lorientation des service plutt sur les personnes ou plutt sur des quipements ; etc. On peut enfin faire des typologies o on croise certains de ces facteurs deux deux (Mills et Margulies, 1980 ; Maister, 1997). Ces caractristiques ont, bien entendu, des consquences sur la gestion des oprations et des processus qui permettent la prestation de service. Pour maitriser les diffrentes dimensions spcifiques aux services, les entreprises du secteur se sont donc dotes doutils danalyse de la situation, de pilotage de la performance et de mise sous tension de lorganisation (Gervais, 2009).

2. Linstrumentation du pilotage de la performance dans les servicesSans mconnatre le dveloppement des services lis aux biens vendus que ce soit aux entreprises ou au particuliers (approche en termes de solutions qui est actuellement dveloppe par bon nombre dindustriels), nous nous intresserons plus particulirement aux activits de service purs aux particuliers (quils concernent un support matriel extrieur, leur personne physique ou leur personnalit) parce quelles sont au cur de lconomie des services. A lintrieur mme de lorganisation des entreprises de service, on peut identifier trois grands univers (Gadrey et Zarifian, 2001) : lunivers de la conception des nouveaux services (R & 5

D), lunivers des grands systmes techniques et administratifs (plateaux techniques ou centres de traitement administratifs) et lunivers de la relation directe avec les clients (rseau commercial et plates-formes tlphoniques). Cest dans la gestion du rseau et du personnel de front office que les spcificits du contrle des activits de service sont les plus fortes. Nous allons maintenant dcrire les plus courants des instruments emblmatiques du contrle de gestion des services quils soient spcifiquement au service des contrleurs de gestion (Ducrocq, Gervais et Herriau, 2001) ou activs par dautres acteurs dans lentreprise dans le cadre de leurs fonctions propres (voir ce propos Lorino, 2008) et nous allons examiner comment ils sarticulent. 2.1. Dterminer les units les plus efficientes du rseau de service par la mthode DEA La plupart des entreprises de services sont organises en rseaux dunits comparables dlivrant les prestations de service au plus prs des clients. Mais ces units de base ne sont jamais totalement similaires car la composition du bouquet de prestations (outputs) et la structure des consommations de ressources (inputs) varie toujours, plus ou moins, en fonction de la clientle. On peut mesurer la productivit de ces diffrentes units par la mise en uvre de la mthode DEA (Data Envelopment Analysis). Cette mthode de programmation linaire, particulirement bien adapte aux entreprises de service grant des agences, magasins ou bureaux comparables sur un vaste territoire, permet didentifier les units les plus efficientes et de quantifier les carts entre les units dexcellence et les moins performantes (Metters, Frei et Vargas, 1999). On connat les bonnes units et les units plus critiques mme si ceci ne nous dit pas les raisons du diffrentiel constat defficience (de La Villarmois, 1999). On a l une voie intressante pour mesurer la productivit des activits de service (Gervais et Thenet, 2004). On peut mme combiner des mesures de la performance oprationnelle fonde sur la bonne utilisation des ressources dans la production et une performance financire attache aux cots et aux marges des activits (Deville et Leleu, 2010). Cet outil danalyse sert en contrle de gestion comme une premire tape dans la mise en place dune dmarche de benchmarking interne approfondi pour trouver les raisons des diffrences constates de performance. Le travail du contrleur de gestion sera ensuite didentifier les meilleures pratiques et de donner les moyens aux units les moins performantes de saligner sur le comportement des units les plus performantes. Dans les activits de service et commerciales ceci reprsente une part trs importante du travail du contrleur de gestion. 2.2. Identifier puis standardiser les meilleurs processus serviciels par le blue print Aprs avoir dtermin les units de rfrence (par la mthode DEA), le contrleur de gestion des entreprises de service va tudier les pratiques managriales, les chanes de valeur et larticulation des tches dans les processus serviciels afin de comprendre les ressorts de la performance des entits locales au contact du client. Il sagira ensuite de formaliser ces modes opratoires et de standardiser les procdures afin de gnraliser la one best way ainsi mise en vidence. Un certain nombre dacquis des activits industrielles en matire de mthodes de production ont t transfrs aux activits de service afin dassurer la traabilit et lhomognit des prestations dlivres. La production et la consommation tant simultanes dans les services, il ne peut y avoir de contrle a posteriori : il doit tre effectu avant et pendant la prestation. En 1978, Sasser laborait des logigrammes intituls flow charts qui dcrivaient les diffrentes tapes des processus et les zones dinterfaces avec le client (Sasser

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et alii, 1978). Ceci a t approfondi par tout un courant de recherche et a abouti au blue print de Schostack (1992). Ce document fournit une description complte du mode de dlivrance de la prestation avec identification des diffrentes phases de la prestation de service et des zones problmes. Les actions se droulent dans le temps de haut en bas de la reprsentation graphique et on voit clairement de gauche droite ce qui relve respectivement : du back office ; des supports physiques, artefacts et outils ; des actions du personnel en contact ; des actions du client. A partir de l, on peut identifier les points dchec potentiels et essayer danticiper ou dviter ces problmes qualifis dOTSU (Opportunity To Screw Up) par Maitser (2001) ou encore de modifier lorganisation des processus dans une dmarche de redesign (Berry et Lampo, 2000). Il est mme possible daller plus loin et de tenter de reprsenter le schma mental des attentes du client nourri par ses expriences prcdentes. Ce document, appel script, est en quelque sorte le blue print des servuctions attendues par le client (Orsingher, 2006). Aprs lorganisation de la prestation de service ex ante, il faut grer, en situation, la diversit de la demande aussi bien qualitativement (composition htrogne et instable de la demande) que quantitativement (pointes dactivits anticipables ou subies). 2.3. Grer et contrler les temps et les dlais par une large palette de techniques complmentaires Dans le contrle oprationnel des prestations de service, on doit faire face comme dans les activits industrielles au problme de la gestion conjointe du triplet cot-qualit-dlai (cf. lexemple de la restauration commerciale tudi par Goureaux et Meyssonnier, 2009). La dimension temporelle est probablement llment crucial et fondateur de lapproche servicielle de la gestion conjointe des cots, de la qualit et des dlais. Le temps est la fois un input (ressource consomme) et un output (prestation dlivre) dans les services. Le temps est une source de cot (rmunration de la main duvre) mais aussi parfois une source de revenus (quand le service est factur la dure). Le temps est un lment de non qualit, facteur de destruction de valeur pour le client (quand il sagit dun temps dattente ou dune dure trop longue de dlivrance de la prestation) mais aussi de qualit perue, contribuant crer de la valeur pour le client (quand le personnel de contact sadapte aux demandes de la clientle et gre la relation autant que les oprations au rythme et en fonction des attentes de la clientle). La prise en compte subjective des dlais par les consommateurs tant un lment souvent dcisif dans la qualit perue, Bitran, Ferrer et Rocha e Oliveira (2008) insistent pour que ceci soit au centre des proccupations des gestionnaires des oprations. Dans les services, la temporalit est donc un lment prdominant prendre en compte avec deux volets. On peut quantifier et contrler le temps de rponse et daction de lentreprise (delivery time), par diffrents systmes de mesure (Klassen, Russel et Chrisman, 1998). Depuis quelques annes des innovations de gestion vont dans ce sens et sont particulirement utiles dans les services comme la mthode TD-ABC (Time Driven Activity Based Costing) par exemple. La mthode de calcul des cots fonde sur la prise en compte des temps, TDABC dveloppe rcemment par Kaplan et Anderson (2008) est fonde sur la dtermination des standards en matire de temps allous aux oprations et aux processus (ceci peut venir dans la continuit des pratiques de benchmarking prsentes au point prcdent), sur ltablissement dquations de temps correspondant aux diffrentes prestations et la mise en uvre dun suivi chiffr des ralisations au travers des budgets qui sont lexpression montaire de cette consommation de la ressource temps.

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On peut galement mobiliser de nombreuses techniques pour grer les files dattente et les dlais perus par les clients (waiting time). Une synthse des travaux de recherche sur cette question a t effectue par Durrande-Moreau (1999). On dveloppe dans les services de nombreuses techniques pour diminuer les temps dattente (Meyssonnier, 2008) par la rorganisation du dispositif daccueil et de traitement des clients (ce qui peut passer par le dveloppement de la polyvalence ou au contraire de la spcialisation selon les cas), en impliquant le client dans la prparation de la dlivrance de la prestation avant mme la phase de contact au guichet (distribution de dossiers, formalisation anticipe de la demande, orientation diffrencie des clients en fonction de la nature de la demande, etc.) ou en faisant que lattente par le client ne soit plus du temps mort (distribution de tickets, dveloppement dactivits parallles pendant le temps dattente, etc.). Mais fondamentalement, par del ces ajustements, la question de ladquation structurelle entre demande et capacit est centrale dans les activits de service o le stockage est impossible. 2.4. Agir sur la demande par le yield management et sur les capacits par des actions de calibrage et doptimisation Cest l un enjeu majeur des activits de service (Crandall et Markland, 1996). Pour grer les capacits et optimiser les recettes, une dmarche de yield management est souvent mise en uvre dans les entreprises de service qui prsentent pour la plupart les caractristiques suivantes : un stock prissable ou une impossibilit de stockage, une demande variable face une capacit fixe, des ventes par rservation, des cots marginaux faibles (Kimes et Chase, 1998). Elle permet de dplacer la demande par le transfert de la clientle des priodes satures vers les priodes o loffre est disponible et de lcrmer par laugmentation des tarifs en priodes de pointe (Weatherford et Bodily, 1992 ; Capiez, 2003). On peut aussi combiner cela avec des pratiques de surbooking. Cette gestion des revenus dpasse le cadre des fonctions traditionnelles. Base sur lusage intensif des bases de donnes et des sries statistiques, elle associe les spcialistes du marketing, ceux de la gestion des oprations et les responsables financiers et du contrle de gestion. Plus les cots fixes seront levs et les cots variables faibles, plus la dmarche de yield management sera pertinente et ses apports lamlioration de la marge de lentreprise significatifs. Si les actions marketing ne suffisent pas, on doit agir sur la flexibilit de la capacit de production (Klassen et Rohleder, 2001). Dans les services on a en effet tout un champ dactions possible pour grer la structure de production (capacity management). Aprs avoir dtermin les capacits ncessaires dans une approche en terme de seuil de rentabilit, il sagit doptimiser ensuite les capacits installes. 2.5. Mesurer la qualit perue et la valeur cre pour le client grce Servqual La satisfaction du client et la valeur perue, ne dpendent pas que de la qualit objective du service dlivr (mesurable par des indicateurs internes prcis et durs ) mais aussi de la perception subjective qua le client de ladquation de la prestation vcue avec son attente (mesurable uniquement par des indicateurs externes plus gnraux et mous ). Cette dernire dimension est au cur des modles de mesure de la satisfaction dans les services labors partir de 1985 par Parasuraman, Zeithaml et Berry. Lvaluation de la perception

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de la qualit du service par le client se fait autour de 5 dimensions : leffectivit suppose (apparence du contexte matriel et des lments physiques de support entourant la prestation), la fiabilit (respect des engagements, performances srieuses et rgulires), la ractivit (aide et promptitude face aux alas), lassurance (comptence, courtoisie, crdibilit, scurit) et lempathie (accs facile, bonne communication et comprhension du client). Loutil de mesure Servqual permet dvaluer la satisfaction du client. Une identification des carts entre les attentes du client et sa perception de la prestation (gaps model) est galement ralisable. A ce propos on peut mettre en vidence une zone de tolrance du client lintrieur de laquelle il ne prte pas dattention la variation dans le niveau de performance de certains attributs du service (Johnston, 1995). Dans la priode rcente le modle Servqual est toutefois critiqu (Morrison-Coulthard, 2004). La mesure de la qualit peut sembler un outil relevant plus du marketing que du contrle de gestion. Mais le lien entre la valeur perue par le client et les cots engags par lentreprise est au cur de nombreux dbats en contrle de gestion. La volont de construire un pont entre les cots et la valeur est consubstantielle un certain nombre doutils comme le target costing (Meyssonnier, 2001) ou lABC (Mac Nair et alii., 2001). Par exemple, Cugini, Caru et Zerbini (2007) prsentent et discutent un cas de mise en relation des cots et de la valeur perue dans une activit de service. Certains auteurs doutent pourtant de la possibilit de russir cela (Malleret, 2009). 2.6. Mettre sous tension lentreprise de service par le balanced scorecard Dans les activits de service on gre une relation autant que des oprations et on coconstruit la prestation avec le client. Ceci amne devoir contrler un spectre probablement beaucoup plus large dlments que dans lindustrie classique afin dassurer la convergence des comportements des membres de lentreprise. Il semble donc quun outil comme le balanced scorecard (Kaplan, 2009), tableau de bord stratgique multi dimensionnel regroupant divers indicateurs relatifs toutes les dimensions daction de lentreprise (aspects financiers ; commerciaux et de satisfaction du client ; relatifs aux processus de transformation et la chaine de valeur ; lis aux connaissances et aux savoirs faire) soit particulirement adapt au contexte des activits de service. Au cur du balanced scorecard, on a la matrialisation des chanes de causalit qui, partant des paramtres oprationnels, sagrgent en bouquets de caractristiques des facteurs cls de succs identifis dans une carte cognitive partage par les managers et qui doit aboutir la performance financire si cette vision stratgique subjective est valide objectivement par le march. La diversit des paramtres grer conjointement au niveau du personnel de contact peut tre apprhende grce cet outil. Dans le secteur des services les tableaux de bord sont au cur du pilotage de la performance (probablement plus que les budgets) et le lien entre les indicateurs oprationnels (mesure avance de la performance en train de se construire) et indicateurs financiers (mesure retarde de la performance constate) se fait particulirement bien dans le cadre du balanced scorecard.

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----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Linstrumentation du contrle de gestion des activits de servicesElments caractristiques des activits de service Principaux instruments de contrle de gestion dvelopps en consquence dtermination des units les plus efficientes par la mthode DEA benchmarking et contrle du processus par le logigramme valuation des temps productifs par le TD-ABC, puis minimisation des queues action sur la demande par la gestion des revenus, puis gestion des capacits mesure de la qualit subjective par Servqual, puis mise en relation avec les cots mise sous tension par le balanced scorecard Facteurs de contingence favorables la gnralisation de loutil

1 ) 2 ) 3 ) 4 ) 5 )

organisation en rseau dunits identiques production et consommation simultanes

forte densit de limplantation des units sur le terrain

service homogne pour une clientle de masse

coproduction avec le client

rapidit du service fortement valorise par le client

pas de stockage

cots fixes levs et cots variables faibles

gestion des oprations mais aussi de la relation

complexit et diversit de la prestation

6 )

importance du personnel de contact

multi dimensionnalit des facteurs de performance

Ces mthodes et outils dont les caractristiques techniques sont bien adaptes aux particularits des services ont des degrs de diffusion variables. La mthode DEA est trs courante dans le secteur bancaire et dans la distribution. Lusage des blue prints est classique dans tous les services la personne (restauration commerciale, garage, etc.) et est parfois confort par des codes dontologiques ou des rgles professionnelles (dans la sant, les services financiers, etc.). La gestion des files dattente est maintenant gnralise dans les services mais loutil TD-ABC qui permet de calculer des cots sur la base des temps dactivit mesurs est rcent et encore peu rpandu. Le yield management et la gestion des capacits sont tout fait courants dans les transports (depuis trente ans dans le transport arien, depuis une dizaine dannes dans le transport ferroviaire) et se sont progressivement gnraliss dans lhtellerie, la location de voitures et les activits de service analogues. Les questionnaires et enqutes de satisfaction sont rpandus partout dans les services mais le lien avec les cots engags mesurs par lABC est encore assez rare. Les balanced scorecards sont maintenant habituels dans la plupart des entreprises de service depuis une dizaine dannes. 10

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------Nous avons synthtis les principales caractristiques et techniques du contrle de gestion des activits de service dans lencadr prcdent. Si on devait distinguer comme le prconisent Malmi et Brown (2008) entre les outils daide la dcision et ceux qui relvent plus de lorientation des comportements, on devrait mettre la mthode DEA, les gestions des revenus et des capacits et la mesure servqual de la qualit perue dans la premire catgorie (aide la dcision) et le blue print, la gestion des temps et des dlais et le balanced scorecard dans la deuxime catgorie (orientation des comportements). Mais en mme temps on voit bien le lien entre ces lments par paires : la mthode DEA permet le benchmarking des processus et llaboration des logigrammes ; la gestion des temps et des dlais met en vidence les contraintes insurmontables et appelle le yield management et la gestion des capacits ; lvaluation de la qualit perue par le client (servqual) ouvre la voie au pilotage des leviers daction cls contribuant cette valeur pour le client (balanced scorecard). Il semble donc vain de vouloir opposer ces deux varits doutils tant elles sont interdpendantes. Voyons maintenant les volutions en cours.

3. Nouvelles approches du contrle de gestion des services3.1. Changement de cadre conceptuel de rfrence pour les activits de service Le secteur des services est lobjet de mutations qui le transforment en profondeur. Ces volutions majeures des activits de service interviennent dans trois dimensions : les modles daffaire se diffrencient et se juxtaposent (signe de maturit dans le cycle de vie des offres de service) ; les services se globalisent, deviennent multipartenaires et sont de plus en plus le fait de rseaux inter organisationnels ; enfin, grce la technologie (les automates et internet) le client est de plus en plus impliqu dans la prestation en se passant mme parfois du personnel de contact. Alors que loffre de service a t pendant longtemps relativement homogne dans ses paramtres commerciaux et stratgiques avec des successions de formes de prestations qui taient gnralises sur un march, on assiste maintenant de plus en plus la coexistence sur un mme march de chaines de valeur trs diffrentes : par exemple une offre haut de gamme, une offre low cost et plusieurs offres intermdiaires ddies certaines cibles. On a donc plusieurs modles daffaires qui se concurrencent mais qui sont bien diffrents dans les caractristiques de loffre (services standards ou sur mesure par exemple) comme dans la clientle vise (focalisation sur des segments distincts du march global). La ncessit pour les entreprises innovantes de service de crotre rapidement face la concurrence les amne souvent, si elles doivent dvelopper un rseau dagences, de bureaux ou de points de dlivrance de la prestation au voisinage de la clientle, choisir un mode de gnralisation passant par la dlgation ou lassociation comme par exemple dans le cas des rseaux de franchise (voir sur les modalits du contrle des rseaux de franchise la contribution de Goullet et Meyssonnier, 2011). Parfois, il faut faire aussi une offre globale au client englobant des prestations diffrentes mais lies sur la mme chane de valeur (par exemple dans le tourisme). Dans toutes ces situations, se posent les problmes de 11

coordination et de contrle de la qualit des prestations dans une offre combine et solidaire. La technologie joue aussi un grand rle dans lvolution rcente du secteur des services. Le dveloppement des automates fait que les clients sont de plus en plus actifs et impliqus dans la dlivrance de la prestation mais avec une baisse de lintensit de la phase dinteraction humaine avec le personnel de contact. Cest le cas quand le client passe par un standard tlphonique automatis, quand il prend et paie tout seul son billet de train ou fait des oprations au guichet automatis dune banque. Cest toujours le cas quand il se sert, pse, enregistre et paie ses courses dans la grande distribution gnraliste en totale autonomie par rapport au personnel de caisse de la grande surface. Ces modifications font que la dfinition des services par les quatre attributs voqus prcdemment devient de plus en plus fragile (car de nombreux services ne les respectent plus de faon exhaustive). Ceci amne sinterroger sur le cadre conceptuel permettant dapprhender de faon globale et intellectuellement unifie les services. Certains auteurs proposent un nouveau paradigme dfinissant les services comme de la cration de valeur pour le client sans cession de droits de proprit (Lovelock et Gummesson, 2004). Pour eux les concepts de location ou de droits daccs sont centraux dans la dfinition des services mais doivent tre prciss et la thorie discute partir dtudes sur les sous-catgories de services afin dviter des gnralisations abusives ou mal fondes. Dautres proposent dlaborer une nouvelle thorie unifiante des services autour de la place centrale du consommateur dans la coconstruction de la prestation (Sampson et Froehle, 2006). Et ils insistent alors sur limportance du degr de standardisation des processus de production et de loffre commerciale. Dans cette approche, ils reprennent la tradition qui fait de la relation de service (comme mode de coordination entre agents conomiques) llment fondateur de ce type dactivits (de Bandt et Gadrey, 1994). La prestation de service est dfinie comme lensemble des actes raliss par le prestataire au profit dun client, souvent avec sa participation (coproduction) en ayant pour objectif de transformer ltat dun support. Il sagit donc pour le prestataire de rsoudre un problme qui concerne un support (bien matriel, information codifie, connaissances ou lindividu lui-mme). Cette prestation de service est la combinaison de diffrentes fonctions : matrielles (entretien ou transport dun bien par exemple), informationnelles (production ou traitement dune information codifie comme le font un concepteur de logiciels ou un expert-comptable), relationnelles (service direct au contact du client comme dans une agence de voyage) ou mthodologique (traitement des aspects cognitifs comme dans le cas dun consultant en stratgie) daprs Djellal et Gallouj (2007). La proposition visant faire du concept de location llment fondamental de dfinition des services polarise lattention sur les caractristiques intrinsques du service offert. Alors que la proposition visant faire du concept de coproduction llment central de lidentit des services focalise lattention plutt sur le mode de dlivrance de la prestation. Pour la rflexion en matire de contrle de gestion oprationnel, cest bien naturellement cette dernire voie qui est la plus intressante. 3.2. Perspectives pour le contrle de gestion serviciel Depuis les travaux pionniers de Hayes et Wheelwright (1979) sur les matrices de processus productifs, de nombreux auteurs ont dvelopp des approches typologiques, fondes sur la mise en vidence de configurations de rfrence, dans les services. A ce jour le travail le plus

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abouti semble tre la proposition de positionnement matriciel des services de Collier et Meyer (1998) mettant en relation deux concepts : la nature de la demande du client et les modes de dlivrance de la prestation de lentreprise de service. Le consommateur peut attendre soit une prestation unique et ajuste des besoins spcifiques levs soit des prestations nombreuses, avec moins de spcificits et un niveau dexigence rduit. Le systme de dlivrance de la prestation peut tre peu normalis car sadressant une clientle diversifie ou bien fortement contrl car visant un segment particulier. Ceci conduit mettre en exergue deux positionnements extrmes : lun orient vers la demande (adapt aux besoins divers dune clientle exigeante), lautre sappuyant sur loffre (capable dassurer une prestation homogne et calibre auprs dune clientle cible et peu exigeante). Dans cette perspective, une tude dans la restauration commerciale (Goureaux et Meyssonnier, 2009) a permis de mettre en vidence les diffrences entre tablissements dans la gestion conjointe des cots, de la qualit et des dlais. Dans les cots, il y a les cots externaliss assums par le client et les cots supports par lentreprise quils soient lis la gestion des oprations ou la gestion de la relation entreprise-client. En matire de qualit, on peroit la non-qualit accepte par le client et les lments qui caractrisent la qualit objective comme la qualit subjective attendue par le client. Dans la dimension logistique certains dlais sont accepts par le client. Parmi ceux qui sont intgrs et assums par lentreprise, on identifie les dlais non perus par le client et traits en back office (qui impactent les cots lis aux oprations) et les dlais perceptibles par les clients en front office (sources de non qualit objective). Une reprsentation graphique est propose ci-dessous (schma 1). Schma 1

Dans les services classiques, la varit est internalise et gre par lentreprise. La traabilit

Dim ensi

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est relativement rduite ou pas totalement respecte. Les ajustements sont raliss in situ par les managers ou le personnel de contact. Pour ces raisons les leviers de performance sont essentiellement la formation et la capacit dadaptation du personnel de contact dans la dernire maille de la chane de valeur de lentreprise (qui seront suivies dans le cadre de laxe apprentissage organisationnel du balanced scorecard). Par contre, il est possible de trouver des cas o le business model nest plus gnraliste mais centr. La varit prise en charge par lentreprise est alors limite, comme dans le cas des compagnies low cost, par rduction des engagements de lentreprise dans le business model et par ciblage de la clientle. Le primtre de ce qui relve vraiment de lentreprise est moindre que dans le cas prcdent (ce qui clair dans le schma 2 ci-dessous). Schma 2

Dans ce cas, la varit est externalise : sur la chane de valeur de la prestation de services, la frontire entre ce qui est pris en charge par lentreprise et ce qui est assum par le client se dplace rduisant la part du travail impute lentreprise. La traabilit conjointe cots-valeur semble alors possible dans le cadre de lactivit de lentreprise. Dans cette situation, les leviers de performance sont essentiellement lis la formalisation des processus et linstrumentation de la gestion interne (avec le rle fondamental du blue print).

Dim ensio

Cette approche consacre au contrle oprationnel de la chane de valeur converge avec la vision de Muriel Jougleux (2006) en marketing des services. Elle propose de distinguer dans la qualit dun service, au sens large de satisfaction globale (mme si nous savons quil faut distinguer la qualit perue lie au service et la satisfaction proprement dite qui dpend des affects du client comme le souligne Olivier, 1996), ce qui relve de la qualit de service et ce

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qui relve de la qualit du service. Pour elle, plus la personnalisation du service est importante et plus les units locales sont directement responsables de la satisfaction du client. La qualit de service du personnel de contact est alors dterminante. Par contre, si le service est standardis aussi bien dans son processus de production que dans son output, les marges de manuvre du personnel de contact dans la dernire maille de la chane de valeur sont limites. La qualit du service est totalement spcifie et cest par le respect des normes fonctionnelles et le contrle oprationnel que la satisfaction du client est garantie. Le contrle de gestion joue alors un rle central dans la recherche de la performance. Comme nous lavons voqu prcdemment, deux autres volutions interviennent dans les volutions actuelles du contrle de gestion : le dveloppement des partenariats sur la chaine de valeur globale et le rle croissant des nouvelles technologies. De plus en plus, loffre de service au client est globale et donc les entreprises de service offre un bouquet de prestations lies, articules les unes aux autres dans un ensemble cohrent et complmentaire (cf. par exemple un circuit organis dans le tourisme avec un voyage en avion, des lieux de rsidence et doccupations rgulires, la proposition dexcursion, dactivits spciales optionnelles, la ralisation dvnements, etc.). Le contrle de gestion ne sera plus intra organisationnel, stable, formalis et univoque mais inter organisationnel, adaptatif, plus ou moins formalis et parfois crois. La mise en uvre du contrle de gestion dans les ensembles coopratifs structurs autour dune chaine de valeur partage est une des nouveauts actuelles du pilotage de la performance dans les services. La technologie change aussi beaucoup un des traits fondamentaux du secteur des services. Le personnel de contact est de plus en plus impact par le dveloppement des technologies de linformation et de la communication. Une visibilit pntrante est maintenant possible en temps rel sur le comportement du personnel de contact. Les tches physiques et les activits mentales sont de plus en plus lourdes ce qui amne dans de nombreux cas dvelopper un middle office entre le back office et le front office. Ce middle office joue un rle de mdiateur, soutien et superviseur (Baranger et alii, 2009). Les managers de terrain peuvent ainsi venir en renfort du personnel de contact des services tayloriss en cas de ncessit ou fournir un appui de type bote outils dans les services de type projet. Mais le dveloppement de limplication du consommateur dans la coralisation de la prestation en sappuyant sur les nouvelles technologies peut galement amener diminuer limportance du personnel de contact, voire le faire disparatre. Le dveloppement des services en ligne permet des traitement distance (hot line) voire des disparitions de certains des acteurs humains dans la maille de contact (standards tlphoniques informatiss pour les demandes de renseignement ou la ralisation de tches distance ; passage par des caisses totalement automatises dans les grandes surfaces de distribution ; automates bancaires ou dans les transports publics). Le recours de plus en plus frquent aux technologies de self service diminue alors limportance des aspects managriaux du pilotage de la performance, les hommes tant remplacs par des machines ou des systmes informatiques actionns directement par les clients

ConclusionNous avons pu souligner limportance des services dans lconomie contemporaine et prsenter les caractristiques des activits de service. Les quatre principaux attributs des services (aspect immatriel ; diversit des ralisations ; coralisation de la prestation avec le client ; adaptation permanente aux fluctuations de la demande et gestion des files dattente) expliquent certains traits du contrle de gestion du secteur.

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Nous avons dcrit six mthodes et outils emblmatiques des services. Ces outils permettent respectivement : didentifier les units les plus efficientes dans un rseau dunits comparables maillant un territoire ; de dtecter les meilleures pratiques et de les gnraliser dans des standards trs prcis ; de grer la temporalit qui est llment central de la prestation de service que ce soit un temps actif ou un temps perdu ; de dplacer la demande, doptimiser les prix, de calibrer et doptimiser les capacits de production ; de mesurer la qualit perue par le client et dessayer darticuler cots et valeur dans loffre de service ; de mettre sous tension lorganisation par lusage dindicateurs articuls dans des relations de cause effet lintrieur dune tableau de bord stratgique densemble. Les enjeux actuels du contrle de gestion dans les services nous semblent tourner autour de la standardisation des comportements (versus empowerment et knowledge management), du dveloppement doffres globales de service (intgration autour de loffreur, dominant et responsable, ou coopration entre spcialistes restant autonomes) et de la place croissante de la technologie (qui amne repenser le rle du personnel de contact soit par le dveloppement dun middle office, soit par la gnralisation des pratiques de self service). Bien videmment la nature et limportance du contrle de gestion des activits de service dpendront de la nature des services. Certains auteurs (Baranger et alii, 2009) distinguent, en fonction de lvolutivit des savoirs et de lintensit de laspect relationnel de la prestation de service, des entreprises de service minimales , programmes , servicielles et apprenantes . Dans les deux premiers cas, le contrle de gestion assurant le respect des rgularits en matire de comportement et de rsultat sera essentiel. Dans les deux derniers, lautonomie des acteurs du front office et le dveloppement des connaissances des communauts de pratiques constitues par les personnels de contact seront privilgis. Les pratiques de contrle de gestion des activits de service semblent riches denseignements. Ltude du contrle de gestion des services devrait avoir une place beaucoup plus importante que ce nest le cas aujourdhui dans la rflexion acadmique en contrle de gestion (en raison des particularits remarquables de linstrumentation de gestion dans le secteur) comme dans la formation des tudiants en gestion (qui seront amens pour la majeure partie dentre eux travailler des entreprises de service). La synthse que nous avons ralise constitue une premire contribution cette ncessaire connaissance du contrle de gestion oprationnel des services.

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