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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Médecine & Droit 2012 (2012) 188–192 Médecine judiciaire Le droit de recours en matière d’autopsies médico-légales The right to appeal in cases of forensic autopsies Patrick Mutzenberg a,, P. Mangin a,b , B. Elger a a Centre universitaire romand de médecine légale, université de Genève, Genève, Suisse b Centre universitaire romand de médecine légale, université de Lausanne, Lausanne, Suisse Résumé La décision de pratiquer des autopsies médico-légales est très fréquente pour déterminer les causes de décès, notamment lorsque ceux-ci semblent avoir des causes non naturelles. En Suisse, l’autorisation de procéder à des autopsies médico-légales est strictement encadrée sur le plan légal et la faculté de s’opposer à une telle autorisation reste très limitée. L’article s’attache à analyser les conditions qui permettent de recourir contre une décision d’autopsie médico-légale, à la lumière notamment des décisions du Tribunal Fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Autopsie médico-légale (Recours) Abstract The decision to carry out forensic autopsies is frequently made to determine the reasons of the death, especially in cases of non-natural death. In Switzerland, the judge strictly controls the authorisation to conduct forensic autopsies and the possibility to appeal against such a decision remains limited. This article aims to analyse the legal framework that enables appeals against a decision to conduct a forensic autopsy, taking into account the jurisprudence from the High Court of Switzerland (Tribunal Fédéral) and the European Court of Human Rights. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Forensic autopsy (Right to appeal) 1. Introduction La décision de pratiquer des autopsies médico-légales est très fréquente pour déterminer les causes de décès, notamment lorsque ceux-ci semblent avoir des causes non naturelles. En Suisse, on estime qu’environ 1600 autopsies médico- légales sont ordonnées chaque année 1 . La problématique autour Auteur correspondant. Centre pour les droits civils et politiques, 1, rue Varembé, 1202 Genève, Suisse. Adresse e-mail : [email protected] (P. Mutzenberg). 1 Communication personnelle de la part de P. Mangin. A notre connaissance, il n’existe pas de statistiques fédérales concernant le nombre total des décès en détention en Suisse (cf. note 2), mais en extrapolant sur la base des chiffres obtenus dans le canton de Genève et de la population générale incarcérée, ce nombre doit osciller entre 10 et 20 décès par année. En effet, lors des 30 der- nières années on recense dans le canton de Genève environ un décès survenu en détention par année (Statistiques non publiés du Centre universitaire romand de médecine légale). du droit de recours a une importance fondamentale qui mérite une clarification, indépendamment du contexte lié au décès 2 . Il convient de rappeler que les textes internationaux relatifs aux 2 Ce travail fait partie d’un projet sur les décès en détention Deaths in custody »), sous la direction du Prof. B. Elger, financé par le Swiss Network for International Studies (SNIS, 2008–2010). Le sujet du recours a retenu notre attention notamment dans le cadre de décès suspects comme l’un des facteurs qui pourraient interférer avec une investigation médico-légale et la recherche de la vérité. A Genève, durant les 30 dernières années en cas de décès en détention, une autopsie est pratiquée quasi systématiquement afin d’exclure des causes non naturelles ([16]), suivant les recommandations du Conseil de l’Europe (Council of Europe, 1999) 1. En cas de décès qui pourrait être à une cause non naturelle, l’autorité compétente, accompagnée d’un ou de plusieurs médecins légistes, devrait procéder, dans les cas appropriés, à l’examen des lieux et du cadavre, et décider si une autopsie s’avère nécessaire. 2. Les autopsies devraient être réalisées dans tous les cas de mort non naturelle évidente ou suspectée, quel que soit le délai entre l’événement responsable de la mort et la mort elle-même, en particulier dans les cas suivants: [. . .] i. décès en détention ou associé à des actions de police ou militaires ». 1246-7391/$ see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.meddro.2012.08.001

Le droit de recours en matière d’autopsies médico-légales

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Médecine & Droit 2012 (2012) 188–192

Médecine judiciaire

Le droit de recours en matière d’autopsies médico-légales

The right to appeal in cases of forensic autopsies

Patrick Mutzenberg a,∗, P. Mangin a,b, B. Elger a

a Centre universitaire romand de médecine légale, université de Genève, Genève, Suisseb Centre universitaire romand de médecine légale, université de Lausanne, Lausanne, Suisse

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La décision de pratiquer des autopsies médico-légales est très fréquente pour déterminer les causes de décès, notamment lorsque ceux-ci semblentvoir des causes non naturelles. En Suisse, l’autorisation de procéder à des autopsies médico-légales est strictement encadrée sur le plan légal eta faculté de s’opposer à une telle autorisation reste très limitée. L’article s’attache à analyser les conditions qui permettent de recourir contre uneécision d’autopsie médico-légale, à la lumière notamment des décisions du Tribunal Fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme.

2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

ots clés : Autopsie médico-légale (Recours)

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The decision to carry out forensic autopsies is frequently made to determine the reasons of the death, especially in cases of non-natural death. In

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2012 Published by Elsevier Masson SAS.

du droit de recours a une importance fondamentale qui mériteune clarification, indépendamment du contexte lié au décès2. Ilconvient de rappeler que les textes internationaux relatifs aux

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. Introduction

La décision de pratiquer des autopsies médico-légales estrès fréquente pour déterminer les causes de décès, notamment

orsque ceux-ci semblent avoir des causes non naturelles.

En Suisse, on estime qu’environ 1600 autopsies médico-égales sont ordonnées chaque année1. La problématique autour

∗ Auteur correspondant. Centre pour les droits civils et politiques, 1, ruearembé, 1202 Genève, Suisse.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Mutzenberg).1 Communication personnelle de la part de P. Mangin. A notre connaissance,

l n’existe pas de statistiques fédérales concernant le nombre total des décèsn détention en Suisse (cf. note 2), mais en extrapolant sur la base des chiffresbtenus dans le canton de Genève et de la population générale incarcérée, ceombre doit osciller entre 10 et 20 décès par année. En effet, lors des 30 der-ières années on recense dans le canton de Genève environ un décès survenu enétention par année (Statistiques non publiés du Centre universitaire romand deédecine légale).

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2 Ce travail fait partie d’un projet sur les décès en détention (« Deaths inustody »), sous la direction du Prof. B. Elger, financé par le Swiss Networkor International Studies (SNIS, 2008–2010). Le sujet du recours a retenu notrettention notamment dans le cadre de décès suspects comme l’un des facteursui pourraient interférer avec une investigation médico-légale et la recherche dea vérité. A Genève, durant les 30 dernières années en cas de décès en détention,ne autopsie est pratiquée quasi systématiquement afin d’exclure des causes nonaturelles ([16]), suivant les recommandations du Conseil de l’Europe (Councilf Europe, 1999) :« 1. En cas de décès qui pourrait être dû à une cause nonaturelle, l’autorité compétente, accompagnée d’un ou de plusieurs médecinségistes, devrait procéder, dans les cas appropriés, à l’examen des lieux et duadavre, et décider si une autopsie s’avère nécessaire. 2. Les autopsies devraienttre réalisées dans tous les cas de mort non naturelle évidente ou suspectée, quelue soit le délai entre l’événement responsable de la mort et la mort elle-même,n particulier dans les cas suivants: [. . .] i. décès en détention ou associé à desctions de police ou militaires ».

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utopsies médico-légales ne mentionnent pas le droit de recours1,2]. Le thème du droit au recours n’est pas non plus, à notreonnaissance, discuté dans la doctrine. Une analyse de la juris-rudence s’avère donc nécessaire. Notre étude vise à éclaircir lesifficultés liées au droit de s’opposer à une décision d’autopsierise dans le cadre d’investigations de décès survenus dans desontextes variés, en cas de détention.

La problématique est caractérisée par l’existence de différentsntérêts en conflit :

d’une part, le droit au recours contre une décision d’autopsieest considéré comme un droit fondamental ;

d’autre part, un recours contre la décision d’autopsie médico-légale n’est pas sans conséquence sur la qualité de l’autopsie,puisque tout retard dans son déroulement peut sensiblementmodifier les résultats obtenus et avoir des conséquencessur l’administration de la preuve médicale et in fine surl’ensemble de la procédure judiciaire. Il est en effet reconnuque le fait de différer une autopsie médico-légale de 24 à48 heures peut modifier les résultats de manière significative,que ce soit dans les domaines histologiques, toxicologiquesou biochimiques, et cela même si le corps est maintenu enchambre froide.

Pour comprendre les deux intérêts en conflit, il convient’examiner en détail dans un premier temps les conséquencesossibles d’un recours sur la qualité de l’autopsie et ensuitee cadre légal du droit de recours à l’autopsie afin de clarifiera conduite à tenir par les médecins légistes et d’autres per-onnes concernées. Comme nous allons voir, le cadre légal quintoure ces autopsies reste pour le moins très flou, et cela indé-endamment du système juridique en vigueur. À ce titre, laifficulté d’exercer un recours contre les décisions d’autopsiesédico-légales semble assez emblématique. Une analyse com-

arée des textes juridiques montre que si le droit au recoursemble reconnu en tant que principe, son application demeurearticulièrement délicate.

. Les conséquences médicales du droit de recours

Un délai de 24 à 36 heures peut rendre plus difficile les exa-ens histologiques, le temps altérant les structures tissulaires

3,4]. Dans le cas d’une thrombose aiguë d’une artère coronaireout retard dans les analyses peut avoir pour conséquence la dis-arition du thrombus du fait de son délitement progressif parutolyse [5,6].

De plus, l’analyse toxicologique peut se révéler délicate si’autopsie médico-légale n’est pas réalisée à brève échéance7]. En effet, certaines substances disparaissent rapidementans l’organisme et deviennent difficiles à déceler, et cela déjàuelques heures après le décès. L’exemple le plus emblématiqueoncerne les cas de mort pour cause d’hypoglycémie due à unenjection massive d’insuline. Le fait de retarder une autopsie de

lus de 72 heures rend pratiquement impossible toute détection’une telle substance qui se dégrade rapidement après le décès.

Enfin, les investigations biochimiques postmortem néces-itent également d’être faites à brève échéance, notamment en

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e qui concerne certains biomarqueurs d’infections qui sontétectables uniquement dans les 48 heures suivant le décès [8].

Ces exemples montrent que la qualité et la fiabilité de’autopsie médico-légale dépendent en grande partie de la rapi-ité avec laquelle celle-ci est effectuée. Un recours dirigé contrene décision d’autopsie médico-légale peut dans ces cas avoirn impact significatif, puisque le juge peut éventuellement sus-endre son déroulement, le temps d’examiner le bien-fondé duecours. Dans ce contexte, un tel retard peut avoir des consé-uences importantes sur le cours de la procédure judiciaire.

. Le cadre légal

.1. La compétence pour procéder à une autopsie judiciaire

En Suisse, la possibilité d’exercer un recours contre uneutopsie judicaire est prévue, tant par les codes de procéduresénales cantonaux que par le nouveau code de procédure pénaleédéral. Un rapide survol des procédures cantonales montre que’est en principe le Ministère Public qui est compétent pourrdonner un tel acte, avec le cas échéant une possibilité deéléguer sa compétence à la police.

Dans le canton de Genève, avant l’entrée en vigueur du Codee procédure pénale suisse, le 1er janvier 2011, la compétencetait attribuée au Procureur Général ou à un officier de police.’article 112A du Code de procédure pénale genevois disposaitCCP/GE) : « Le procureur général ou un officier de police peutharger l’institut universitaire de médecine légale de procéder à’autopsie d’un cadavre et de faire rapport sur les circonstancest les causes du décès ». Cela était confirmé par la loi genevoiseur la police (LPol) qui prévoyait dans son article 13 al. 2 que

Le chef de la police et les officiers de police sont compétentsour accomplir les formalités de levée de corps et, le cas échéant,rdonner qu’il soit procédé à une autopsie légale en cas de mortiolente ou indéterminée » [9].

Dans le canton de Vaud une disposition similaire est appli-able, cependant, seul le juge est compétent pour ordonner’autopsie médico-légale. La loi sur les expertises médico-égales en matière pénale (LEML 312.21) prévoit dans sonrticle 7 que « le juge désigne dans son ordonnance le médecinesponsable de l’autopsie ». Cette loi est complétée par l’article1 du Règlement 818.41.1 sur « les inhumations, les incinéra-ions et les interventions médicales pratiquées sur des cadavres »RIMC) qui, conformément à l’article 26 de la Loi sur la Santéublique (LSP 800.01), confère au juge d’instruction la compé-ence de décider de l’opportunité de procéder à une autopsie :

En application des articles 26 et 27 LSP A, les interventionsédicales qui peuvent être pratiquées sur des cadavres sont : lesutopsies médico-légales ordonnées par le juge d’instructionantonal ou les juges instructeurs lorsqu’une enquête pénalee justifie. Ces autopsies font l’objet de dispositions légalesarticulières [. . .] » [10].

Ailleurs en Europe, les dispositions varient. En France, c’est

galement le Procureur de la République qui est compétent pourequérir une autopsie judiciaire. L’article 74 du Code de pro-édure pénale prévoit qu’en « cas de découverte d’un cadavre,u’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en
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st inconnue ou suspecte, [. . .] le procureur de la République. . .] se rend sur place s’il le juge nécessaire et se fait assistere personnes capables d’apprécier la nature des circonstancesu décès. Il peut, toutefois, déléguer aux mêmes fins, un officiere police judiciaire de son choix. Le procureur de la Républiqueeut aussi requérir information pour recherche des causes de laort » [11].Dans les pays anglo-saxons, c’est le Coroner (avocat [soli-

itor ou barrister] ou [médecin]) qui est compétent pouréterminer — dans le cadre d’une enquête [inquest] — lesauses de décès survenus en cas de mort violente. Dans ce cadre,l peut demander qu’une autopsie médico-légale soit pratiquée.’est par exemple le cas en Australie où les États fédérés garan-

issent (avec quelques variantes) cette possibilité. Ainsi dans’État du Queensland, l’article 19 du Coroners Act 2003 [12]révoit les cas où le Coroner doit requérir une autopsie médico-égale. Il en va de même dans l’État du New South Wales où leoroners Act 2009 [13] donne la compétence au Coroner pouriligenter une autopsie médico-légale mais également interférerans la conduite de celle-ci (section 89).

En définitive, la décision de procéder à une autopsie médico-égale est donc prononcée en principe, par une autorité judiciairen vertu de ses pouvoirs d’enquête. Dans certains cas, cette déci-ion peut éventuellement être déléguée à un officier de police.

.2. Le fondement légal du droit au recours contre uneécision d’autopsie : le respect de l’article 6 §1 de laonvention européenne des Droits de l’Homme (CEDH)

Avant d’analyser les modalités de recours offertes par leségislations cantonales suisses et étrangères, il est nécessaire deéfinir la nature juridique des décisions de procéder à une autop-ie médico-légale et le cas échéant déterminer si le justiciableispose d’un droit au recours dans ce domaine.

En ce qui concerne la Suisse, il faut se référer à la juris-rudence du Tribunal Fédéral qui, dans un arrêt de principe deuin 2001, rendu contre le Tribunal administratif du canton deenève [14], a reconnu qu’il existait un droit de recours contre

es décisions d’autopsies médico-légales. Celui-ci est fondé sure respect de l’article 6§1 CEDH qui garantit que « « toute per-onne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,ubliquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indé-endant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit desontestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soitu bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigéeontre elle » [15].

Il n’est pas inutile de revenir au fond de l’affaire pour appré-ier dans quelle impasse juridique se trouvaient les recourants.récisément, les époux W. alléguaient ne pas avoir été en mesuree s’opposer à une décision d’autopsie médico-légale, ordonnée

par le Chef de la police de sûreté [. . .] en vertu d’une directivee l’état-major de la police d’octobre 1989, selon laquelle uneelle mesure est requise lors de tout accident de la circulation ou

e chantier, afin de définir si le décès est causé par un accident,e retard des secours ou des erreurs médicales ».

S’opposant à cette décision, les époux W. ont saisi le Tribu-al administratif genevois qui a déclaré irrecevable le recours

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irigé contre l’ordre d’autopsie. Les juges administratifs ont enffet considéré que l’ordre d’autopsie était un acte de policeccompli en vertu de la loi genevoise sur la police et du codee procédure pénale genevois, et que dès lors le Tribunal admi-istratif n’était pas compétent pour se prononcer sur un tel acte.es juges ont considéré en outre que les recourants n’avaient pas’intérêt à agir, puisque l’ordre contesté avait déjà été exécuté.u surplus, le Tribunal administratif rappelait que la décision

vait été communiquée au Procureur général, en tant qu’autoritée surveillance de la police.

Les juges du Tribunal Fédéral n’ont pas suivi la position de lauridiction cantonale. Ils rappellent dans leur arrêt que l’absencee droit de recours en matière d’autopsie est contraire à l’article

§1 CEDH précité. Dans cette affaire, si le volet pénal doit êtrecarté, le Tribunal rappelle que la notion de « droits et obliga-ions de caractère civil » telle que prévue par l’article 6 CEDHe se limite pas à « des contestations de droit privé au senstroit [. . .] mais [s’étend] aussi aux actes administratifs adop-és par une autorité dans l’exercice de la puissance publique,our autant qu’ils produisent un effet déterminant sur des droitse caractère civil ».

Dans ce contexte, les juges considèrent que les droits de laersonnalité tels que garantis en droit civil et par les articles8 et suivants de la Constitution suisse, protègent les individus’une intervention illicite sur le corps de la personne concernée.ien que la mort et la fin de la personnalité entraînent la fin desroits attachés au défunt, l’ordre juridique admet toutefois larolongation de cette protection « eu égard à la dignité du défuntt au sentiment de piété de ses proches ». Dès lors, estimentncore les juges, il existe–en Suisse–un droit subjectif pour lesroches du défunt de s’opposer à l’intervention d’un tiers sure corps d’un proche défunt, ce droit étant également opposable

l’État. Les actes d’autopsies médico-légales relèvent de ceroit subjectif concluent les juges : « Compte tenu de la natureu droit invoqué, la contestation relative à un ordre d’autopsieombe sous le coup de l’article 6 §1 CEDH et doit en principetre soumise à un tribunal au sens de cette disposition ».

.3. L’effectivité du recours remis en question

Si les textes déterminent précisément quelles sont les auto-ités compétentes pour procéder à une autopsie médico-légale,ls sont en revanche beaucoup moins explicites sur la natureuridique de ces actes et sur les voies de recours éventuellesour s’opposer à une telle décision. Le silence des textes peutérieusement limiter l’effectivité d’un tel recours, pourtanteconnu par le Tribunal Fédéral en 2001. La législation duanton de Genève à l’instar de la majorité des codes derocédures cantonaux ne prévoit pas de voies de recours enas de décision d’autopsie médico-légale. C’est d’ailleurs ceue relève le Tribunal Fédéral dans l’arrêt précité. Tout enonsidérant que la Loi sur l’organisation judiciaire (LOJ) neésignait effectivement pas le Tribunal administratif genevois

omme l’autorité de recours compétente pour se prononcerur la légalité des décisions de la police judiciaire, les jugesstiment que cette instance « ne pouvait se borner à décliner saompétence [. . .] dès lors que l’ordre d’autopsie doit pouvoir
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aire l’objet d’un contrôle judiciaire, elle devait soit renvoyeres recourants à mieux agir, soit se saisir du litige en dépit duroit cantonal, en application directe de l’article 6 § 1 CEDH ».

Les recourants, dans leurs moyens, allèguent également qu’il’est pas possible de considérer que le Procureur Général soitne autorité de recours dans la mesure où ce dernier est égale-ent compétent pour décider de l’opportunité d’une telle action.

ls estiment en outre qu’il n’est pas non plus établi que l’autoritée contrôle des décisions du Procureur Général–en l’occurrence

Genève, la Chambre d’accusation - soit compétente pouronnaître des recours formés contre de telles décisions.

Dans ses conclusions, le Tribunal Fédéral se garde de déter-iner quelle est l’autorité cantonale de recours compétente,

onsidérant que c’est au « Tribunal Administratif, auteur de laécision attaquée et juridiction de recours ordinaire en matièredministrative, qu’il appartien[t] de décider de quelle manièrel peut être pourvu au contrôle exigé par l’article 6 § 1 CEDH ».

Ainsi, alors même que le droit au recours est reconnu pare Tribunal Fédéral, il demeure difficile d’établir avec certitudeuel est l’organe compétent pour connaître de tels recours. En’espèce, dans le Canton de Genève, la situation demeure unas d’école, puisque à notre connaissance, aucun recours n’até formé depuis 2001, ce qui n’a pas permis aux juridictionsenevoises de déterminer quelle instance devait être compétente.

En comparaison, la situation en France est toute autre,uisque l’article 74 du Code de procédure pénale susmentionnée prévoit pas de voie de recours en cas d’autopsie médico-égale prononcée par le Procureur de la République ou par leuge d’Instruction. Plus largement, au niveau européen, les Étatse semblent pas se prononcer en faveur de voie de recours, enépit des droits garantis par l’article 6 CEDH. Le Conseil de’Europe s’est penché sur l’harmonisation « des règles en matière’autopsie médico-légale » et a adopté une recommandation,n date du 6 janvier 1999, dans laquelle plusieurs dispositionsisent à unifier les pratiques européennes sur cette question.ette recommandation reste toutefois silencieuse–notammentans son principe IV relatif aux considérations générales–à touteoie de recours ouverte en cas d’opposition à une autopsieédico-légale.

. Discussion

En pratique, le droit de recours contre une autopsie peutmpêcher son déroulement ou à tout le moins retarder son exé-ution. Ce retard peut avoir des conséquences significatives sura qualité de l’autopsie. De ce fait, le droit de recours pourraitmpêcher ou interférer avec l’investigation efficace de la causeu décès et avec la recherche de la vérité. Une telle interférencest particulièrement problématique dans les cas de décès dus àne cause non naturelle où le ou les facteurs qui ont causé leécès pourraient persister et par la suite causer d’autres décèsu lésions corporelles.

Dans ce contexte, il est fondamental que le juge se livre à

ne pesée des intérêts, à savoir d’une part, le respect du droitu recours contre une décision d’autopsie, considéré comme unroit fondamental et, d’autre part, les nécessités de l’enquêtempliquant que toutes les mesures soient prises pour déterminer

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a cause du décès, y compris de procéder très rapidement à uneutopsie médico-légale en vue d’obtenir des résultats fiables etncontestables.

À ce stade, il est intéressant de rappeler l’arrêt évoqué plusaut, dans lequel les juges du Tribunal Fédéral se montrent trèsrudents. Ils relèvent que l’effet suspensif ne saurait entravera conduite d’une autopsie médico-légale : « Compte tenu dea nature du droit invoqué, la contestation relative à un ordre’autopsie tombe sous le coup de l’article 6 § 1 CEDH et doitn principe être soumise à un tribunal dans le sens de cetteisposition. Cela ne signifie pas que l’intervention du juge doitbligatoirement être requise avant même qu’il soit procédé àa mesure contesté ; un tel contrôle préalable ne serait généra-ement pas réalisable, comme en témoigne la présente espèce.n revanche, lorsque le bien-fondé d’un ordre d’autopsie estontesté, cela implique l’intervention, a posteriori, d’une auto-ité judiciaire satisfaisant aux exigences de l’article 6 CEDH ».

En conclusion, c’est donc une voie médiane qui semble seessiner, prenant en considération tant le droit de s’opposer

une autopsie médico-légale conformément à l’article 61 CEDH, que les impératifs liés aux exigences du bon dérou-ement de l’enquête. Ainsi, même si le recours contre lesutopsies médico-légales est reconnu, il ne saurait — en prin-ipe — être accompagné d’un effet suspensif. Il n’en demeureas moins que les personnes lésées, peuvent, dans le cadre deeur recours, intenter — a posteriori — une action en réparationontre l’autorité ayant ordonné l’autopsie médico-légale injus-ifiée.

emerciements

Nous remercions M. Ummel pour son aide concernant’identification des textes juridiques pertinents.

éférences

[1] Conseil de l’Europe. Comité des ministres, recommendation R (99)3 du Comité des ministres aux États membres relative à l’harmonisationdes règles en matière d’autopsie médico-légale; 1999 [Accédéle 10 septembre 2010] http://www.coe.int/t/dg3/healthbioethic/texts anddocuments/default fr.asp.

[2] Nations Unies. United Nations manual on the effective preventionand investigation of extra-legal, Arbitrary and summary executions,U. N. Doc. E/ST/CSDHA/. 12; 1991 [Accédé le 8 octobre 2010]http://www1.umn.edu/humanrts/instree/executioninvestigation-91.html.

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[9] Le Grand Conseil de la République et canton de Genève. Codede procédure pénale (CPP-GE); 1978 [Accédé le 10 octobre 2010]http://www.geneve.ch/legislation/rsg/f/s/rsg E4 20.html.

10] LEML. Loi du 27 novembre 1972 sur les expertises médico-légalesen matière pénale (LEML). Lausanne: Suisse: Canton de Vaud;1972.

11] Légifrance. Code de procédure pénale. Créé par Loi no 2000-516 du15 juin 2000 – art. 1 JORF 16 juin 2000. Version consolidée au14 novembre 2010; 2010 [Accédé le 20 novembre 2010] http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20101128.

12] Office of the Queensland Parliamentary Counsel. Coroners Act2003 (Reprints Act 1992, reprinted as at 1 September 2010); 1992[Accédé le 5 octobre 2010] http://www.legislation.qld.gov.au/LEGISLTN/CURRENT/C/CoronersA03.pdf.

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Droit 2012 (2012) 188–192

13] New South Wales. Coroners Act 2009 (Act 41 of 2009 as at24 August 2010); 2009, http://www.austlii.edu.au/au/legis/nsw/consolact/ca2009120/.

14] Tribunal fédéral. Extrait de l’arrêt de la Cour de droit public du18 juin 2001 dans la cause époux W. contre Tribunal administratifdu canton de Genève (recours de droit public); 2001 [Accédé le15 septembre 2010] http://www.bger.ch/fr/index/juridiction/jurisdiction-inherit-template/jurisdiction-recht/jurisdiction-recht-urteile2000.htm.

15] Conseil de l’Europe. La Convention européenne des droits del’homme; 1950 [Accédé le 20 juin 2010] http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/Basic+Texts/The+Convention+and+additional

+protocols/The+European+Convention+on+Human+Rights.

16] Elger BS, Gaggioli G. Death in custody: towards an international frame-work for investigation and prevention. In: O’Brien E, Hayes N, editors.Human rights and forensic science. New York: Springer; 2010.