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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS FIPF N° 380 MARS-AVRIL 2012 // MÉMO // // ÉPOQUE // La musique classique selon Jean-François Zygel Portrait de francophone : une Belge entre deux langues Des groupes d’échanges pédagogiques à Tokyo et à Chicago Suisse : un projet de didactique intégrée des langues // MÉTIER // Pratiques de lecture Le livre en mutation // DOSSIER // Jean Dujardin : parcours de l’artiste à Hollywood Le Cambodge romancé de Patrick Deville

Le français dans le monde N°380

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Numéro de mars-avril 2012 du Français dans le monde, la revue internationale et francophone des professeurs de français.

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ISBN 978-2-090-37068-3

9 782090 370720www.fdlm.org

REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAISFIP

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ISSN 0015-9395ISBN 978 209 037 073 7

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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAISFIP

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N° 380 MARS-AVRIL 2012

// MÉMO //

// ÉPOQUE //

La musique classique selon Jean-François Zygel

Portrait de francophone : une Belge entre deux langues

Des groupes d’échangespédagogiques à Tokyoet à Chicago

Suisse : un projet dedidactique intégrée des langues

// MÉTIER //

Pratiques de lectureLe livre en mutation

// DOSSIER //

Jean Dujardin : parcours de l’artiste à HollywoodLe Cambodge romancé de Patrick Deville

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*Le "Label des Labels" récompense les méthodes pédagogiques les plus innovantes en matière d’apprentissage et d’enseignement des langues étrangères, parmi toutes celles qui ont reçu le

"Label Européen des Langues" (initié par la Commission européenne) depuis 10 ans.

"7 Jours sur la planète" a reçu le "Label Européen des Langues" en 2006.

L’émission de TV5MONDE

"7 JOURS SUR LA PLANÈTE" pour apprendre le français avec l’actualité internationale

LAURÉATE 2012 du

"LABEL DES LABELS"*

www.tv5monde.com/7jours

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ÉPOQUE4. PortraitJean-François Zygel, pas si classique

6. TendanceLe bénévolat, nouvelle recherche de sens

7. SportProfession supporteur

8. ÉconomieBien gérer les ressources en eau pour mieux vivre en paix

10. Regard« Les jeunes ne perçoivent pas d’amélioration du niveau de vie »

12. ÉvènementQuand l’étranger était un monstre

14. Portrait de francophoneKatinka, d’une langue à l’autre

MÉTIER18. L’actuExpolangues

20. FocusLa grammaire et le vocabulaire à l’épreuve des situations de communication

22. Mot à motDites-moi Professeur

24. ExpérienceMon cours en ligne

26. ClésLa notion de pédagogie différenciée

28. Zoom« Quelle autre langue nous allons étudier avec toi l’année prochaine ? »

30. Savoir-faireObserver pour se former : ça se fait à Rio

Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

Le français dans le monde // n° 380 //mars-avril 2012 1

Sommaire Métier / Focus

32. EntretienJulien Lepers : « Certains téléspectateurs seconsidèrent comme des puristes de la langue »

34. ReportagePassepartout : un enseignement pour dépasser la salle de classe

36. InitiativeDe la solitude de la classe aux Groupes d’échanges pédagogiques

38. InnovationToute la langue dans sa poche

40. RessourcesQuand surfer aide à (s’)évaluer

MÉMO58. À voir60. À lire64. À écouter

Les fiches pédagogiques à télécharger

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel–Hovelacque – 75013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Rédacteur en chef Sébastien Langevin Conseiller de la rédaction Jacques Pécheur (Institut français) Lecture/correction Emmanuelle Dunoyer – Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0412T81661. 51e année. Imprimé par IME, Baume-les-Dames (25 110). Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Sébastien Langevin, Chantal Parpette, Manuela Pinto, Nathalie Spanghero-Gaillard. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Marc Berthon (MAEE), Jean-Pierre Cuq (FIPF),Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Jacques Pécheur (Institut français),Nadine Prost (MEN), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

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INTERLUDES2. GrapheParler

16. PoésieVictor Hugo : « À ceux qu’on foule aux pieds »

42. NouvelleJean-Christophe Rufin : « Passion francophone »

56. BDKak : « Espace à faire »

66. JeuxLa journée de la femme

Dossier

● Économie : Bien gérer

les ressources en eau

● Évènement : Quand l’étranger

était un monstre

● Clés : La notion de pédagogie

différenciée

● Poésie : « À ceux qu’on foule

aux pieds »

●Nouvelle : « Passion francophone »

● Dossier : Le village qui aimait

les livres

● Tests et jeux

fiches pédagogiques à télécharger sur :www.fdlm.org

numéro 380

46

Pratiques de lecture : le livre en mutation« Notre société a profondément évolué dans son rapport à la lecture » .............................48Bibliothèques : la métamorphose......................................................................................50Le village qui aimait les livres.............................................................................................52Du papier à l’écran : les nouvelles modalités de lecture.....................................................54

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2 Le français dans le monde // n° 380 // mars-avril 2012

Parler

Le « plus » audio surwww.fdlm.orgespace abonnés

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« Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autrechose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. »Jean-Luc Godard

« Agir est autrechose que parler, même avecéloquence, et quepenser, même avecingéniosité. »Marcel Proust, La Prisonnière

« À la cour, mon fils, l’art le plus nécessaireN’est pas de bien parler, mais de savoir se taire. »Voltaire, L’Indiscret

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3Le français dans le monde // n° 380 // mars-avril 2012

« Pour aller vite en amour, il vaut mieux parler qu’écrire. »Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses

« Les Français m’agacentprodigieusement, mais, comme je ne connais aucunelangue étrangère, je suis bien obligéde parler avec eux. »Michel Audiard

« Voir loin, parler franc, agir ferme. »Pierre de Coubertin

« Il n’importera pas de se direquelque chose de précis, mais seulement de se parler. Le langage étant un moyen de communication exclusif del’homme, tout refus du langageest une mort. »Roland Barthes

« Ne vaut-il pas mieuxparler tout seul que de ne pas parler du tout? »Adrien Thério, Soliloque en hommage à une femme

« Je vous parle d’un tempsQue les moins de vingt ansNe peuvent pas connaître… »Charles Aznavour, « La bohème »

« Écrire c’est aussi ne pasparler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit. »Marguerite Duras, Écrire

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époque // Portrait

Le français dans le monde // n° 380 //mars-avril 2012

pas si classiqueMusicien, professeur,

compositeur et animateurde télévision, Jean-François

Zygel refuse l’étiquette de pédagogue qui lui colle

à la peau depuis ses Leçons de musique.

C’est dans sa «  garçon-nière » parisienne qu’ilnous reçoit, au milieu depiles de partitions, derevues et de livres po-

sées par terre ou sur son piano. Jean-François Zygel dit n’avoir aucun sou-venir de ses jeunes années – uneenfance passée en banlieue pari-sienne, où il apprend le piano versl’âge de 7 ans. Ses parents, d’ascen-dance polonaise, ne pratiquent pas la musique. Lui souhaite en vivre.Après un baccalauréat obtenu à 16 ans,il poursuit ses études musi-cales au Conservatoire de Paris. À 22 ans, il remporte le premier prix du

Concours international d’improvisa-tion au piano de la Ville de Lyon. Unedistinction parmi beaucoup d’autres.« Vers l’âge de 27 ans, je ne me suis passenti à l’aise par rapport à la manièredont fonctionnait le monde de la mu-sique classique. Tout se passe comme sinous étions au musée: j’ai l’impressionque le but des musiciens est seulementde conserver et de reproduire. Je mesuis plutôt fixé comme tâche d’inven-ter et de transmettre. Être fidèle aupassé, ce n’est pas le reproduire ! Il yavait autrefois une vie, une variétédans la musique, qu’il n’y a plus. Bach,Mozart ou Beethoven étaient des im-provisateurs, Liszt parlait pendant sesconcerts. On reste malheureusementdans ce rituel figé et bourgeois duXIXesiècle : des salles à velours rouge, onne parle pas au public, il y a un en-tracte, on salue à la japonaise… Il y aune crise de la musique classique dontnous, musiciens, sommes en partieresponsables. Nous devons être des

hommes modernes, ouverts aux au-tres arts, à d’autres lieux de concert ; latélévision et Internet en font partie. »

Faire connaître, faire aimerJean-François Zygel s’est fait connaî-tre par son travail de transmission etde vulgarisation de la musique clas-sique en direction du grand public,les profanes comme on les appelle.En 1995, il donne sa première« Leçon de musique » à la mairie du20e arrondissement de Paris. Devantun succès grandissant, les Leçons es-saiment dans d’autres lieux, puissont publiées sous forme de DVD.Avec la complicité de l’Orchestrephilharmonique de Radio France,dont il avait fait partie, il lance « Lesclés de l’orchestre », à destinationdes plus jeunes. Ses deux modèlessont Glenn Gould, pianiste maisaussi homme de radio et de télévi-sion, et Leonard Bernstein, chef d’orchestre, compositeur, pianiste,

Par Nicolas Dambre

Jean-François Zygel,

Nous devons être desmusiciens modernes,ouverts à d’autres arts,d’autres lieux de concert.

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5Le français dans le monde // n° 380 // mars-avril 2012

improvisateur et créateur de deux séries d’émissions télévisées.Jean-François Zygel prend le tempsd’expliquer avec des mots clairs,quitte à simplifier pour se faire com-prendre. Il dissèque par exemple lesquatre mouvements de la 40e Sym-phonie de Mozart, fait ressentir lechangement de couleur en transpo-sant la symphonie en mode mineur,souligne le dialogue vents/cordes oule contrepoint hérité de Bach.

Paroles et musiqueSur scène, Jean-François Zygel s’ex-prime avec humour et gourmandise.« C’est quelque chose de très sérieux,l’humour, c’est un raccourci poétiquede la pensée. Vous réinventez leschoses. Je suis de tradition juive, danslaquelle l’humour est important. », ex-plique celui qui déclare aimer deuxgrands humoristes: Raymond Devoset Friedrich Nietzsche.Malgré ce travail de vulgarisationtrès médiatisé, Jean-François Zygelne se voit pas comme un pédagogue.«  Ce n’est pas parce qu’il y a de la parole dans mes concerts-spectaclesque je suis un pédagogue. J’ai cetteimage à cause de mes émissions de télévision, qui rassemblent un largepublic. Or je ne fais que six ou septémissions par an pour environ centcinquante concerts. »

Quand il n’est pas à la télévision dans« La boîte à musique » (France 2, l’été)ou « Les clés de l’orchestre » (France 2et France 5), Jean-François Zygel en-seigne l’écriture et l’improvisation auConservatoire national supérieur demusique de Paris. Une facette moinsconnue du grand public.Yves Balmer a été son élève en 2000,au Conservatoire national supérieur

de musique de Paris. Il se souvient:«  Jean-François Zygel possède uneconnaissance du répertoire halluci-nante! Contrairement à d’autres pro-fesseurs, il ne nous donnait pas de trucs,de recettes, mais il nous procurait énor-mément de matière, c’était à nous d’eneffectuer la synthèse. La force de sa pé-dagogie m’est apparue bien plus tard.Mais un trait commun entre ses émis-sions et ses cours est cette volonté d’al-ler à l’essentiel en quelques phrases. »

Petits bémolsJean-François Zygel est aussi com-positeur et improvisateur. Visible-ment, il préférerait qu’on voie en luiun artiste plutôt qu’un présentateurqui explique la musique classique àla télévision. « Compositeur ? Cela sesaurait, je n’ai jamais entendu unenote de lui », s’amuse Marc Vignal,journaliste pour le mensuel Classica.Et d’ajouter: « Son émission “La boîteà musique” me met mal à l’aise, car ilréunit des invités qui s’y connaissentplus ou moins en classique et il les sou-met à des quiz, ce n’est pas très gentil !Il n’a pas de contradicteur, il peut doncaffirmer des choses inexactes sans êtreinquiété. Comme prétendre qu’unquintette pour clarinette inachevé deMozart est antérieur à celui que nousconnaissons. » Seuls les spécialistesauront tiqué.

Jean-François Zygel est devenu unevedette de la télévision, soucieuse deson image et de son audience. Maiscet homme de 51 ans, improvisateurhors pair, n’a pas sacrifié pour autantson exigence et son plaisir à présen-ter ou à jouer de la musique, les deuxse répondant en permanence. « L’interprétation passe autant par laparole que par le jeu. Toute la musiquedu passé est disponible sur disque ou entéléchargement. Si vous allez dans unesalle de concert, c’est pour entendrequelque chose de différent », plaide-t-il.Travailleur acharné, Jean-FrançoisZygel livre peu de détails sur lui-même. Il dit ne pas avoir de loisirs etdormir peu, car c’est une perte detemps. « Ce qui est intéressant, ce n’estpas ce qu’on est, c’est ce que l’on fait ; ce n’est pas l’homme, c’est l’œuvre. » ■

C’est quelque chose detrès sérieux, l’humour,c’est un raccourcipoétique de la pensée.

Jean-François Zygel en 5 dates1960 Naissance à Paris.1982 Premier prix du Concours interna-tional d’improvisation au piano de la Villede Lyon.1995 Première « Leçon de musique » à lamairie du 20e arrondissement de Paris2006 « La Boîte à Musique », émission diffusée l’été sur France 2.2011 Lancement des « Concerts de l’im-probable » au théâtre du Châtelet, à Paris.

© N. MARQUES/KR Images Presse

Jean-François Zygel en 2009, avec l’Orchestre philharmonique de Radio France.

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Par Jean-Jacques Paubel

époque // Tendance

6 Le français dans le monde // n° 380 //mars-avril 2012

Le bénévolat,

Égoïstes? Indifférents? Non,impliqués et soucieux de

résultats. C’est la marque du nouvel engagement

associatif des jeunes.

J’aime aider les autres, me sentir utile me rend heureux. »Ou bien: « Une opportunitéfantastique pour apprendre àtravailler en équipe, à mener

un projet à bien, à ne pas renoncer mêmequand les choses avancent moins vitequ’on le souhaiterait. »Les témoignagesde bénévoles associatifs comme Derek,Tanguy ou Pauline viennent bousculerdes idées reçues: celles de jeuneségoïstes, indifférents à la vie publique etaux grandes causes.Au contraire, les chiffres parlentd’eux-mêmes : plus d’un quart desjeunes de 16 à 24 ans sont engagésdans une association, et ce pourcen-tage ne cesse d’augmenter. Quand onsait qu’il existe plus de 1 million d’as-sociations en France et qu’il s’en créeà peu près 70 000 par an, cela fait

beaucoup de monde au service d’in-nombrables causes et projets. Seule-ment, ils n’y sont pas présents de lamême manière que leurs aînés :moins dans la durée mais plus à fond,investis d’une façon plus personnelle.

Action locale pour enjeu global« C’est la nouvelle forme de politisation,de recherche de sens des jeunes  »,constate Roger Sue, auteur deSommes-nous vraiment prêts à chan-ger ? Le social au cœur de l’économie(éditions Les liens qui libèrent). Et ilest vrai que, lorsque l’on observe lesterrains qu’ils privilégient, on trouvedes enjeux globaux comme la protec-tion de l’environnement, la solidaritéinternationale ou encore le dévelop-pement de l’économie sociale et soli-daire. Qui plus est, si l’on en croitJean-Louis Laville, auteur de Politiquede l’association (Seuil), ils sont moins

dans le discours que leurs aînés: « Ilssont demandeurs d’activités concrètesoù ils peuvent s’impliquer à tous leséchelons et constater eux-mêmes les ré-sultats. C’est au niveau local qu’ils ex-priment leurs pistes de changementplus général. » Ici c’est un travail d’ac-compagnement en milieu péniten-tiaire dans la région parisienne, làl’ouverture d’une bibliothèque dansun village tunisien, ailleurs l’encoura-gement des pratiques artistiques parl’organisation d’ateliers, de festivalsou de concours, ou encore l’accom-pagnement des jeunes en quête de re-pères d’identité sexuelle…Au-delà de l’engagement social, le bé-névolat apparaît clairement pour lesjeunes comme un investissementpour leur propre avenir. « L’engage-ment apporte une expérience plus forteet plus concrète que des stages, analyseAhmed El Khadiri, délégué général

nouvelle recherche de sensd’Animafac, réseau rassemblant plusde 12000 associations étudiantes. Ellerévèle une forme de savoir-être, une ca-pacité à mener une équipe, à conduire lechangement. » Et il ajoute : « Entre-prises et associations partagent lamême culture du projet, que l’on ne ren-contre pas en milieu scolaire. C’est d’au-tant plus vrai aujourd’hui que le béné-volat de compétences est de plus en plusimportant. » D’ailleurs, les universitésne s’y trompent pas: elles sont plusd’une cinquantaine à permettre auxétudiants de transformer leur expé-rience associative en crédits ECTS. Etla Charte de la valorisation de l’enga-gement étudiant prévoit de générali-ser ce dispositif.Opportuniste, le bénévolat ? Non,d’abord une histoire d’engagement,de cet engagement qui fait dire à Timothée: « Ma mobilisation a donnédu sens à ma vie. Je me sens utile. » ■

De jeunes bénévoles de la Croix-Rouge lorsd’une inondation dans le sud de la France.

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7Le français dans le monde // n° 380 // mars-avril 2012

époque// sport

Par Pierre Godfrin

Profession

En Grande-Bretagne, le football est une passion qui

se conjugue souvent enfamille et entre amis. Portrait

d’un supporteur de Fulham,club typiquement londonien.

Samedi, jour de match àLondres dans l’un desstades les plus pitto-resques d’Angleterre :Craven Cottage. Un véri-

table monument qui accueille depuisla fin du XIXesiècle le Fulham FC. Alorsqu’elle végétait en troisième division,l’équipe est rachetée en 1997 par Mo-hamed al-Fayed, le célèbre hommed’affaires égyptien. En 2001, voilà les« Cottagers » (surnom donné aux sup-porteurs de Fulham en raison de laprésence de charmants cottages auxabords du stade) dans l’élite du foot-ball anglais aux côtés de leurs voisinslondoniens Chelsea et Arsenal. Dixans plus tard, Mohamed al-Fayeds’est offert un cadeau dans un coin dustade: une statue aussi surprenanteque vilaine de feu le roi de la pop, Michael Jackson. La seule note defantaisie pour un club aux ambitionssomme toute modestes. « Notre objec-tif n’est pas d’être champions mais biende survivre. Je n’aspire pas à mieux »,affirme Stephen, un jeune quadragé-

naire qui travaille aux impôts et a assisté à son premier match au stadeen 1983 avec son père. Cette trans-mission n’a pas sauté de générationpuisqu’il est souvent accompagné parson fils, Oscar, un petit roux à l’air ma-licieux, comme en ce samedi de fé-vrier face à Stoke City. Mais Stephenvient aussi parfois avec sa femme ouses amis. « Maintenant que j’ai des obligations familiales, je dois planifierles rencontres auxquelles j’assiste. J’yvais une fois par mois désormais. »

Un sanctuaire des temps modernesDans les tribunes du stade, construità quelques mètres de la Tamise, semassent à chaque rencontre plus de25000 spectateurs, essentiellementdes membres de la classe moyennedans un quartier pourtant trèshuppé. Mais l’ambiance est loind’être la plus délirante d’Angleterre,et, face à Stoke City, il faut même attendre que Fulham mène 2-0 pourentendre des chants timides.Quelques «  Come on, Fulham  »viennent enfin troubler un silence de

cathédrale, dû également au froidpolaire de l’hiver londonien. À la mi-temps, le présentateur souhaite lesanniversaires des abonnés alors quela majeure partie de l’assistance adéjà quitté les travées pour sirotercafés ou chocolats bien fumants. « Fulham est avant tout un club fami-lial. On est petits et pas nécessairementobsédés par la victoire, explique Stephen dans un anglais oxfordien.Traditionnellement, les fans de Fulhamadorent voir du bon football à CravenCottage. Nous aimons notre stade plusque tout. On ne veut pas le quitter. »S’il affirme avoir peur d’emmener sonfils assister à un match en Italie, ce fande la première heure préfère ne pastrop s’attacher aux vedettes del’équipe (un Belge et un Américain),susceptibles de rejoindre un grandclub dans les prochains mois. Qu’im-porte, puisque son club de naissanceet de cœur s’est finalement imposé 2-1. Au coup de sifflet final, les supporteurs de Fulham regagnent, lesourire aux lèvres, leurs coquettes demeures dans le calme. Sans rien demander de plus.■

1879 Fondation du plus vieux club professionnel de Londres.1896 Premier match disputé à Craven Cottage.1997 Montée en 3e division et rachatdu club par l’homme d’affaires égyp-tien Mohamed al-Fayed.2001 Première saison en PremierLeague, la 1re division anglaise.2010 Défaite en finale de la Ligue Europa.

Le Fulham Football Club en 5 dates

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Page 10: Le français dans le monde N°380

Lexique

époque // Économie

8 Le français dans le monde // n° 380 //mars-avril 2012

Bien gérer

L’eau douce viendra-t-elle unjour à manquer? Pour de

bon et pour tout le monde?Des questions qui en

soulèvent mille autres,humaines, économiques,

environnementales,géostratégiques…

Les experts s’accordent àdire que le problème n’estpas tant un manque d’eauqu’une mauvaise gestionde la ressource. Beau-

coup d’entre eux se retrouveront àMarseille, au Forum mondial del’eau, dont la sixième édition se dé-roule du 12 au 17 mars.« L’eau sera-t-elle, comme on l’entendde plus en plus, au cœur des conflits duXXIesiècle ? Ou ce nouveau siècle verra-t-il le triomphe progressif d’un espritde coopération autour d’une ressourcefondamentale et pour laquelle il

n’existe aucun substitut ? », s’interro-geait Frédéric Lasserre, directeur del’Observatoire de recherches inter-nationales sur l’eau de l’universitéLaval, au Québec, dans son ouvrageLes Guerres de l’eau (Éditions Dela-villa, 2009).

Une eau polluée et inaccessibleÀ la fin de 2008, 87 % de la popula-tion mondiale utilisait une sourceaméliorée d’eau (prise d’eau ména-gère, réservoir public au sol, puits,source protégée, eaux pluviales col-lectées…), à ceci près que, mêmedans ce cas, une eau peut être im-propre à la consommation, se situerdans des zones en conflit ou encorenécessiter des heures de marche.Plusieurs milliards de personnesn’auraient pas accès à des structuresd’assainissement* fiables. Avec pourconséquence la mort de 3 millions

d’enfants de moins de 5 ans chaqueannée. Selon l’OMS, 38 % des décèsd’enfants peuvent être attribués auxrisques liés à l’eau ; si des mesuresd’assainissement étaient prises, lamortalité infantile pourrait être réduite de 32 %…L’eau peut également être la causeindirecte de graves maladies: le pa-ludisme et la dengue, qui sont lesplus grandes épidémies mondialesen termes de populations touchées

Par Marie-Christine Simonet

Aquifère: couche de terrain contenantde l’eau; ou la nappe d’eau elle-même.

Assainissement: ensemble des tech-niques visant à traiter les eaux usées.

Eaux stagnantes: étendues d’eaudouce au courant très faible ou nul.

Selon l’OMS, 38 % desdécès d’enfants peuventêtre attribués auxrisques liés à l’eau.

les ressources en eaupour mieux vivre en paix

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87 % de la population mondiale utiliserait unesource améliorée d’eau : ici, un puits au Sénégal.

La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org

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Page 11: Le français dans le monde N°380

Pour la première fois, le nombrede citadins dépasse le nombrede ruraux en Chine. Fin 2011, lepays comptait 690,79 millionsd’urbains, contre 656,56 mil-lions de ruraux.

Le Japon pourrait n’avoir plusaucun réacteur nucléaire enactivité à l’été 2012 vu la réti-cence de la population et desautorités locales. Sur un parcde 54 réacteurs, 5 restent enactivité, mais ils doivent êtrestoppés d’ici à mai.

En 2011, un tiers des pays del’Afrique subsaharienne ont euune croissance d’au moins 6 %,et 40 % se sont situés entre 4 et6%, constate la Banque mondialedans ses «Perspectives pourl’économie mondiale». Lacroissance pour l’ensem-ble des pays de la régionest passée de 4,8 %en 2010 à 4,9 % enen 2011.

Une alternative au charbon et au pétrole? La « glace defeu » devrait bientôt être ex-traite en Alaska. Constituéede méthane et d’eau, cettecouche terrestre qui s’est for-mée au fil des siècles à partirdu carbone organique se pré-sente sous forme de cristaux.Les principaux gisements sesitueraient dans les fondsmarins et le permafrost.

À partir de 2019, les pays mem-bres de l’Union européenne de-vront collecter au moins 85 %de leurs déchets électriques etélectroniques, mieux les valori-ser et les recycler, selon une directive du 19 janvier du Parle-ment européen.

en bref

9Le français dans le monde // n° 380 // mars-avril 2012

(plusieurs centaines de millions depersonnes), sont transmises par desmoustiques dont les larves se déve-loppent dans les eaux stagnantes*présentes en grand nombre dans lesmilieux mal assainis.

Urbanisation et raréfactionL’urbanisation exponentielle génèreune hausse importante de la de-mande en eau, en nourriture et enénergie, et appelle des réponses rapides et durables autant qu’uneplanification sérieuse, d’amont enaval, avec, au minimum, la créationd’installations d’assainissement àfaible coût pour les plus démunis.Dans les quartiers défavorisés, lespopulations paient l’eau plus cher –jusqu’à vingt fois le prix pratiqué encentre-ville –, pour un service desplus médiocres.Autre problème: la concurrence au-tour d’une ressource qui se raréfie.Cette concurrence s’intensifie biensouvent sous l’action conjuguée duchangement climatique et de l’aug-mentation de la population mon-diale. Dans certaines régions dumonde – au Proche-Orient notam-ment –, le besoin en eau n’est pasétranger aux tensions géopolitiques.

Il est nécessaire d’ajuster les pressions etles empreintes des activités humainessur les ressources en eau – un objectifprogrammé au Forum mondial de l’eaude Marseille. Sachant que l’eau est aussiun élément essentiel pour la productionde cultures vivrières: 40 % de l’alimen-tation mondiale est issue de systèmesd’agriculture irriguée.Ces dernières décennies ont été mar-quées par une augmentation du nom-bre de pays affectés par les catas-trophes climatiques – Bangladesh en2010, Thaïlande en 2011 – et, parconséquent, du montant des dom-mages économiques. La réduction desrisques est donc désormais aussi bienun impératif économique qu’une prio-rité stratégique.

Des investissements insuffisantsSelon le Partenariat français pourl’eau (PFE), on estime à près de75 milliards d’euros les investisse-ments annuels mondiaux dans le domaine de l’eau, sur des besoins totaux évalués à 180 milliards d’eu-ros par an pour les vingt-cinq pro-chaines années.Et c’est un minimum. Car la moitiédes grands fleuves et des lacs de laplanète sont pollués. La moitié des

zones humides ont disparu depuis ledébut du XXe siècle. La biodiversité adiminué de moitié dans les eauxdouces. Les aquifères* sont de plusen plus surexploités et pollués. Toutlaisse présager une aggravation deces tendances.La pression s’accentue égalementsur les plus de 300 fleuves ou aqui-fères partagés entre plusieurs pays –deux personnes sur cinq en dépen-dent – et sur les 15 % des pays qui re-çoivent la moitié de leur eau de payssitués en amont.Certes, la convention de Genève de1949 interdit toute attaque arméesur les barrages, mais ceci mis à part,on recense peu d’accords internatio-naux de gestion.Pour le PFE, « la question de l’eau sesitue ainsi au cœur des grands cou-rants structurants que sont la démo-cratisation, la décentralisation, l’or-ganisation de la société civile, lagestion durable, la lutte contre la pau-vreté ou encore les réflexions sur lesbiens publics mondiaux ». ■

La moitié des grandsfleuves et des lacs de la planète sont pollués.

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de systèmes d’agriculture irriguée.

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époque // regard

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Nicolas Bouzou, économiste,et Luc Ferry, ancien ministre

de l’Éducation nationale,appellent à une « vraie »

politique de la jeunesse, àmême de redonner confiance

aux jeunes Français.

Votre ouvrage commence par un plaidoyer en faveur d’une politique de la jeunesse.N’y en a-t-il jamais eu?Nicolas Bouzou : Des mesures quiont ciblé la jeunesse, il y en a eubeaucoup. Elles ont souvent été vé-cues comme stigmatisantes et sus-cité la méfiance : rappelez-vous leCPE [Contrat première embauche,destiné aux moins de 26 ans, proposéen 2006, ndlr], il a provoqué un rejetmassif ! C’est une évidence, lesjeunes d’aujourd’hui sont les vieuxde demain. Il faut donc une politiquequi profite à l’ensemble de la société,sur le long terme. Les dispositifs

ciblés sur les jeunes ont eu des effets secondaires très négatifs. Et un constat demeure : les jeunes Français ont particulièrement peuconfiance en l’avenir.

Les jeunes Français ont-ils devraies raisons d’être pessimistesou bien réagissent-il comme desenfants gâtés?N. B. : C’était un peu la réaction deLuc Ferry quand nous avons com-mencé à travailler : les jeunes Fran-çais d’aujourd’hui n’ont pourtant pasconnu la guerre, ils sont mieux soi-gnés, mieux aimés que ne l’ont étéles générations précédentes ! Maisles études réalisées par les écono-mistes sur le bonheur le montrent

bien : la comparaison ne se fait pasavec le passé, mais avec le présent.Les jeunes ressentent des inégalitésde traitement de plus en plus fortes:même si leur niveau de vie a pro-gressé, il est, comparé au reste de lapopulation, en baisse, leur taux dechômage proportionnellement enhausse et le patrimoine de plus enplus concentré entre les mains desseniors…

Le manque de confiance est-ilspécifique aux Français?N. B. : Ce pessimisme des jeunes estparticulièrement fort en France,mais il se retrouve à des niveaux divers dans tous les pays dévelop-pés. Le niveau de confiance ne dé-

Propos recueillis par Alice Tillier

Nicolas Bouzou, économiste, diri-geant du cabinet de conseil Aste-rès, enseigne à l’École de droit etde management de Paris-II Assas.Il a écrit La Politique de la jeunesseavec Luc Ferry, philosophe, ancienministre de l’Éducation nationaleet président du Conseil d’analysede la société.

« Les jeunes ne pd’amélioration

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pend pas des revenus, mais de leurdynamique. On peut être pauvre etconfiant, riche et inquiet. Les paysémergents ressentent des change-ments qui agissent positivementsur leur moral – là où, en Occident,on peut avoir l’impression d’unestagnation : l’amélioration du ni-veau de vie n’est pas perceptible auquotidien.

Selon un sondage que vousévoquez, beaucoup de jeunesFrançais désirent devenirfonctionnaires. Une peur du risque qui serait inscrite dans les mentalités?N. B. : Non, il n’y a absolument pasde fatalité ! C’est l’environnement

institutionnel actuel qui est encause : une entreprise globalementpeu accueillante pour les jeunes, desresponsabilités politiques concen-trées entre les mains d’une classe politique âgée, un enseignementpeu participatif, qui ne conduit pasnaturellement à agir sur le cours deses études, une difficulté des jeunesà se loger… Il est possible de briser lecercle vicieux et d’agir sur la fiscalité,le marché du travail, la formation, lelogement. Des réformes certeslongues, mais dont on peut espérerqu’elles aboutiront : certaines, no-tamment la relance d’une grande politique de logement, dégagent un fort consensus à l’heure actuelle.Par-delà les clivages politiques. ■

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Au départ, un constat : la jeunesse a conquisune place croissante dans la société fran-çaise, à partir de la révolution de 1789, ré-solument tournée vers l’avenir et fondée surles valeurs de progrès et d’innovation, là oùles sociétés traditionnelles étaient forte-ment ancrées dans le passé. Dans les an-nées 1950, la jeunesse émerge comme ac-teur social, économique et politique majeur,pendant que la famille se modifie peu à peu,plaçant l’amour en son cœur, d’abord ausein du couple, puis dans le rapport aux en-fants – qui deviennent peu à peu des êtresprécieux dont la vie n’a pas de prix. Pour Ni-colas Bouzou et Luc Ferry, cette importancecroissante de la jeunesse au sein de la so-ciété appelle à une politique spécifique, pro-pre à préparer l’avenir et à échapper au

court-termisme. Les deux auteurs analysentles difficultés de la jeunesse française, chif-fres à l’appui (manque de confiance, pro-blèmes de logement, fossé qui les séparedes générations plus âgées, chômage et,plus largement, difficultés d’insertion dansla vie professionnelle avec des contrats àdurée déterminée…). Puis viennent les pro-positions: à titre d’exemples, le développe-ment du service civique pour favoriser l’in-tégration dans la société, la constructionmassive de logements, une réforme du per-mis de conduire pour le rendre plus acces-sible et accroître la mobilité des jeunes…Cent vingt petites pages au total, concrèteset enlevées, pour ouvrir le débat sur la jeu-nesse actuelle.A. T.

compte rendu

Une jeunesse protégée mais inquiète

« La situation actuelle des jeunes Euro-péens de l’Ouest apparaît aujourd’hui toutà fait paradoxale: elle est tout à la foismeilleure que jamais au regard du tempslong, et pourtant en phase de régressionsur les toutes dernières années […].Objectivement, en effet, la situation desjeunes est à de nombreux égards plus fa-vorable que jamais par le passé. Êtrejeune dans l’Europe des années 1930,avec une crise économique effroyable etla perspective d’une Seconde Guerremondiale, devait sans doute être autre-ment plus angoissant que se trouver dansla situation actuelle de nos démocratiespaisibles et, malgré tout, encore fort pros-pères, démocraties où nos enfants sontentourés de parents aimants et attentifs

à leur sort comme jamais dans l’histoirede l’humanité. […]Pourtant, notre jeunesse semble plus désarçonnée, plus pessimiste, plus in-quiète et plus dépressive que toutescelles du tiers-monde réunies. Comme entémoigne une enquête récente menée parla Fondation pour l’innovation politique,17 % seulement des jeunes Français sontoptimistes touchant l’avenir de leur pays(nous sommes, sur ce point, au même niveau que la Grèce!), contre 83 % desjeunes Indiens, 72 % des Brésiliens ou encore 67 % des Marocains! »

Nicolas Bouzou, Luc Ferry, La Politique de lajeunesse, Odile Jacob, coll. « Penser la société »,2011. Première partie : « Plaidoyer pour unepolitique de la jeunesse », par Luc Ferry, pp. 22-24.

extrait

perçoivent pasdu niveau devie »

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Par Bernard Magnier

époque // Évè nement

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Quand l’étrangerPendant cinq siècles,

en Occident, des êtreshumains ont été montrés

comme des animaux de foire. L’exposition

« Exhibitions, l’invention du sauvage » témoigne

de ces pratiques nées de la peur de l’autre.

Présentée au musée duQuai Branly, cette exposi-tion retrace l’histoire del’exhibition, dans les Sa-lons, les foires, les cirques,

les théâtres, les jardins d’acclimatationet les zoos, de l’« autre exotique » et dela fabrication du «sauvage» par l’ima-gerie occidentale.Elle montre com-ment l’autre, l’étranger, le lointain, estdevenu peu à peu l’étrange, le monstre,l’« indigène », celui dont on a peur ou à

qui on doit, avec condescendance, ap-porter la civilisation. Comment le scien-tifique s’en est mêlé (le sort réservé à laVénus hottentote est sur ce plan exem-plairement affligeant) et a offert des ar-guments pour étayer les thèses, tour àtour curieuses, naïves ou maladroites,souvent imbéciles ou méprisantes, oubien tout simplement racistes et osten-siblement décomplexées.

Homme-lions, femmes-crocodilesTout commence avec Christophe Colomb ramenant six Indiens de sonpremier voyage, puis trente du se-cond, qui seront exhibés à la cour d’Es-pagne. Le spectacle est alors réservé àune élite de puissants et de nantis. Plus tard, c’est un plus large publicqui sera convié à admirer dans lescirques (notamment Barnum et sonchapiteau géant) des cavalcades

d’hommes-lions, de nains chinois, defemmes-crocodiles et autres Ele-phant Man, William Henry Johnson,Noir américain plus connu sous lenom de « What is it ? », Maximo etBartola, deux enfants hydrocéphales« descendants d’Aztèques », les Bush-men exhibés par Farini le funam-bule… Ou bien encore, dans desspectacles aux prétentions artis-tiques souvent teintées de mépris,Chocolat le clown cubain, l’acrobateMiss Lala, les Zoulous aux Folies-Bergère, sans oublier, bien sûr, Joséphine Baker et sa ceinture de bananes, tour à tour moquée ou portée aux… nues! Les jardins d’acclimatation, les zooshumains et les villages nègres, puisles Expositions coloniales et univer-selles, permettront ensuite des exhi-bitions à grande échelle qui attire-

était un monstre

L’autre, l’étranger, le lointain, est devenu peu à peu l’étrange, le monstre, l’«indigène»,celui dont on a peur …

© Musée du quai Branly, Gautier Deblonde©

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La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org

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ront des millions de visiteurs. Extrêmement documentés, l’exposi-tion et son catalogue retracent cephénomène non seulement en Europe, mais aux États-Unis et, au-delà de l’Occident, au Japon.

Le catalogue réunit les contributionsde près de 70 historiens, chercheurs,anthropologues, artistes qui, par desarticles courts et pertinents, apportentun éclairage, un regard, une informa-tion utiles à l’interprétation de la fa-buleuse iconographie réunie. Une ex-position à succès (80000 entrées enun mois) et un catalogue édifiants àne pas manquer (l’un n’excluant nul-lement l’autre), même si cette visite etcette lecture ressemblent souvent à lafréquentation d’un cabinet de…(nos!) monstruosités. ■

Exhibitions, l’invention du sauvage, jusqu’au 3 juin2012 au musée du Quai Branly, Paris. Catalogue del’exposition par Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch,Nanette Jocomijn Snoep et Lilian Thuram, Actes Sud/Musée du Quai Branly

Quels étaient vos objectifs lorsque vous avez monté cette exposition?Pascal Blanchard: Il s’agissait de fabriquer unparcours permettant de donner, avec une vraiedimension internationale et sur cinq siècles,une vision de toutes les populations exhibées etde tous les espaces d’exhibition afin de montrerla diversité des supports et comment on a pupasser de quelques spécimens exhibés à plu-sieurs milliers, et de quelques dizaines de visi-teurs à plusieurs dizaines de millions. Commenta été fabriquée une idée de l’autre et commenta été « inventé » le « sauvage ».

De quel matériel disposiez-vous?P. B. : Les zoos humains sont des spectacles : ilsont donc produit un matériel, des affiches, desprogrammes, un discours pour faire venir le vi-siteur. Ils ont produit un imaginaire, non pasthéorique mais bien concret. L’exposition per-met de montrer par ces documents ce qu’ont étéles zoos humains et d’en révéler en même tempsles mécanismes, en dévoilant l’envers du décoret l’ensemble des éléments picturaux disponi-bles. Dire que les zoos humains ont eu 1,4 mil-liard de visiteurs, que l’Exposition universellede Paris a eu 50 millions de visiteurs, c’est assezabstrait et même difficilement imaginable, maislorsque vous le voyez en images, et de façon ré-pétitive, vous entrez dans quelque chose quiétonne par son côté massif.

La collecte des documents a-t-elle été difficile?P. B. : Pendant longtemps, elle a été assez facileparce que ces documents n’étaient pas considé-rés comme un patrimoine. 70 % des documentsprésentés ont été trouvés dans des brocantes et

ils ne sont pas encore entrés au musée, saufquelques œuvres. Ces images ne sont regardéesque depuis très peu de temps comme un des élé-ments de la compréhension de l’histoire dumonde. Les présenter dans un musée, c’est déjàleur donner une valeur patrimoniale, une va-leur tangible de conservation.

Vous montrez des documents qui relèvent de la monstruosité, mais aussi des imagesadmirables. Avec les danseuses khmères ou les magnifiques portraits d’Indiens, est-on vraiment sur le même registre?P. B. : C’est nous qui considérons que nous nesommes pas dans le même registre. À l’époque,l’ailleurs est un espace qui fait peur parce qu’ilest inconnu, dangereux, et, en même temps, ilfait rêver. C’est la danseuse du ventre et le fé-roce Arabe, le sauvage cannibale et la fantas-tique vahiné ! On joue en permanence sur lesnotions d’attirance et de répulsion. On a peuret on est fasciné. On vient découvrir un boutdu monde qu’on ne verra jamais de ses yeux.Et on croit ce qu’on voit ! On fabrique de splen-dides affiches pour attirer le visiteur, qui paiepour assister à un spectacle. La différence faitspectacle, et c’en est un. Un spectacle capita-liste qui doit être rentable.

Et qui va s’arrêter lorsqu’il ne le sera plus… À quel moment?P. B. : Avec Hollywood! C’est alors bien mieuxd’aller voir Tarzan au cinéma. Et puis les « sau-vages » commencent à migrer, ils viennent fairela guerre et se promènent dans nos rues. L’autreexhibé n’a plus beaucoup d’intérêt, il est là,proche, il travaille à côté. En 1931, ce sont lesderniers fastes de ce « théâtre colonial ». ■

« Les zoos humains sont un élément de compréhension de l’histoire du monde »

Jardins d’acclimatation,zoos humains, villagesnègres, expositionscoloniales ont attiré desmillions de visiteurs.

Pascal Blanchard est l’un deshistoriens qui ont mis au jour les

zones d’ombre les plus obscures de l’histoire coloniale. Avec Nanette Jocomijn Snoep et

Lilian Thuram, il est commissaire de l’exposition « Exhibitions ».

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époque // Portrait de francophone (1/6)

14 Le français dans le monde // n° 380 //mars-avril 2012

Katinka,

Chaque jour, la BelgeKatinka passe du

néerlandais au français sans effort et sans

heurts. Un modèle deplurilinguisme ? L

e français ? Je l’ai appris àl’école et à la maison.  »Katinka est flamande. Ellevit à Gand. Le calme et ladouceur de vivre règnent

dans cette jolie ville très active de plusde 200 000 habitants. Katinka a unequarantaine d’années. Est-elle fran-cophone ? « Non, bien sûr, répond-elle… en français. Je suis flamande,néerlandophone. » Pourtant, elle parleparfaitement français, ce qui est fré-quent en Flandre. Même si un peumoins de la moitié de la populationbelge est francophone de naissance,90 % des habitants du royaume par-lent plus ou moins le français. EnFlandre, apprendre cette langue est

presque obligatoire. Katinka l’a ap-prise à l’école comme la quasi-totalitédes jeunes Flamands. Le français y estenseigné dès le primaire. Au secon-daire, la plupart continuent tout encommençant l’anglais. À l’inverse,seule une minorité de Wallons, c’est-à-dire de Belges francophones, apprend le néerlandais.

La langue sans la cultureKatinka a aussi appris le françaischez elle : « J’ai habité chez ma sœurà partir de l’âge de 13 ans. Son mariest d’origine italienne. Comme il neparlait pas très bien néerlandais, onparlait français. C’est là que j’ai le plusappris, en parlant avec lui et en regar-dant la télévision française ».Katinka passe donc tout naturellementdu néerlandais au français… mais sans

s’intéresser particulièrement à la cul-ture française. « Je dois avouer que je neregarde plus la télévision française depuislongtemps. Je ne lis pas en français nonplus. J’allais autrefois en vacances enProvence, mais je le fais de moins enmoins, et la dernière chanteuse françaisedont je me souvienne est… France Gall.C’est un peu daté, non ? »Selon une enquête, près de 50 % desFlamands continuent à lire, à regar-der la télévision ou à aller voir des

Texte et photos par Pierre-Alain Le Chevillier

d’une langue à l’autre

10,5 millions d’habitantsNéerlandophones : 56 à 59 % de la populationFrancophones : 40 à 43 % (80 à 90 % à Bruxelles)Germanophones: 1 %

La Belgique en chiffres

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films en français de façon plus oumoins régulière. Mais Katinkaconstate que, souvent, Belges fran-cophones et néerlandophones nes’intéressent pas aux mêmes choses :« Quand on regarde un journal télé-visé francophone, puis un néerlando-phone, presque tous les sujets sont dif-férents. N’est-ce pas étonnant pour unmême pays ? »

Bruxelles la francophonePourtant, Katinka travaille avec desBelges francophones. Tous les jours,comme des centaines de milliers deFlamands et de Wallons, elle va en voi-ture ou en train à Bruxelles, à 60 kilo-mètres de chez elle. En faisant ce tra-jet, elle change un peu de monde.Contrairement à Gand, Bruxelles estpeuplée à 90  % de personnes delangue maternelle française.Pour Katinka, cependant, cela ne faitpas vraiment de différence. Elle se sentaussi à l’aise à Gand que dans la capi-tale belge. Katinka est informaticienneà l’Observatoire royal de Belgique. Làtravaillent les scientifiques belges quiétudient les volcans, les tremblements

de terre, l’espace… Normal, il y avaitici autrefois un télescope. Il n’est plusen service depuis longtemps, mais lesite est toujours utilisé par les astro-nomes belges pour préparer leurs observations avant d’utiliser d’autrestélescopes.L’observatoire est un service publicbelge. En théorie, il est trilingue, maisce n’est pas vraiment le cas dans le dé-partement de Katinka. « Je travaille auservice informatique. La plupart de mescollègues sont francophones, donc jeparle français. C’est aussi un moyen de nepas oublier… » Certains parlent néer-landais, mais c’est une minorité.

Deux langues pour un travailComme souvent à Bruxelles, les tra-vailleurs changent de langue en fonc-tion de celle de leur collègue et du

contexte dans lequel ils sont. Il n’estpas surprenant de voir dans un super-marché une caissière s’adresser à sacollègue de droite en néerlandais, puisà celle de gauche en français… Consé-quence : il est chaudement recom-mandé de parler les deux langues pourtrouver du travail ! Et que se passe-t-ilsi, dans une réunion, une partie desparticipants ne maîtrise pas bien lefrançais tandis que l’autre parle mal lenéerlandais ? « Dans ce cas, on parle an-glais ! », répond Katinka.

Katinka parle donc français au travailet néerlandais à la maison. Enfin...sauf lors des réunions de famille. Sesbeaux-frères sont en effet d’originestunisienne et italienne. « Ils se dé-brouillent en néerlandais, mais nousavons pris l’habitude de parler françaislorsqu’ils sont là. »Du français au néerlandais, du néer-landais au français, Katinka passed’une langue à l’autre avec une faci-lité déconcertante : un bel exemplede plurilinguisme ! ■

La Belgique est un pays trilingue. Le néer-landais, le français et l’allemand sont lestrois langues officielles de ce petit royaumesitué entre la France, les Pays-Bas et l’Al-lemagne. Dans le Nord, en Flandre, lalangue officielle est le néerlandais. Dans lele Sud, en Wallonie, c’est le français. Àl’est, on parle allemand dans quelquescommunes annexées après la PremièreGuerre mondiale. Bruxelles, au centre dupays, est une région bilingue, francophoneet néerlandophone. La frontière entre laFlandre et la Wallonie est aussi la frontièrelinguistique entre le français et le néerlan-

dais. Dans quelques communesde Wallonie et de Flandre, néerlan-dophones et francophones ont desdroits spéciaux, comme celuid’avoir des écoles publiques dansleur langue. Les francophones de lapériphérie de Bruxelles bénéficienten outre de certains droits supplé-mentaires. C’est la réduction deces droits qui a été à l’origine de lacrise gouvernementale ayant em-pêché la formation d’un gouverne-ment belge pendant près de deuxans, entre 2009 et 2011.

La Belgique et ses frontières linguistiques

Presque tous les jeunesFlamands apprennent le français à l’école. À l’inverse, seule uneminorité de Wallonsapprend le néerlandais.

Il n’est pas surprenant devoir dans un supermarchéune caissière s’adresser à sa collègue de droite ennéerlandais, puis à celle de gauche en français…

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