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Le français dans le monde N°382

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Numéro de juillet-aout 2012 de la revue Le français dans le monde

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*Le "Label des Labels" récompense les méthodes pédagogiques les plus innovantes en matière d’apprentissage et d’enseignement des langues étrangères, parmi toutes celles qui ont reçu le

"Label Européen des Langues" (initié par la Commission européenne) depuis 10 ans.

"7 Jours sur la planète" a reçu le "Label Européen des Langues" en 2006.

L’émission de TV5MONDE

"7 JOURS SUR LA PLANÈTE" pour apprendre le français avec l’actualité internationale

LAURÉATE 2012 du

"LABEL DES LABELS"*

www.tv5monde.com/7jours

© Eclydre - T

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2. ÉvènementXIIIe congrès mondial de la FIPF à Durban

ÉPOQUE6. PortraitLaure Manaudou, histoire d’une résurrection

8. TendanceProfession : homme d’intérieur

9. ExpositionIls sont étonnants, ces Gaulois !

10. ÉconomieLa franchise, une affaire qui marche !

12. Regard« Des réseaux fondés sur le plaisir d’êtreensemble »

14. FestivalSonges dans la vallée de la Loire

15. SportAlexandre, véritable enfant de la balle

16. Portrait de francophoneJohn, un Américain au Québec

MÉTIER20. FocusMieux comprendre les contextes locauxd’enseignement

22. Mot à motDites-moi Professeur

24. ClésLa notion d’autoévaluation

26. Savoir-faireProf-acteur : deux rôles en un

28. ZoomSi le français nous parlait de lui-même

Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012 1

SommaireMétier /Initiative

30. ExpérienceQuand l’entreprise prend le volant de la voiture francophone

32. EnquêteErasmus : 25 ans déjà !

34. ReportageLa Sorbonne à Abou Dhabi : lorsque les civilisations se rencontrent

36. InitiativeConcours Poésie en liberté : au bonheur des mots

38. InnovationOn se retrouve dans La salle des profs ?

40. RessourcesGazouillis et pédagogie : utiliser Twitter en classe

Les fiches pédagogiques à télécharger

Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français - www.fipf.org, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel–Hovelacque – 75013 Paris Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Rédacteur en chef Sébastien Langevin Conseiller de la rédaction Jacques Pécheur (Institut français) Lecture/correction Anna Sarocchi – Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique miz’enpage - www.mizenpage.com – Commission paritaire : 0412T81661. 52e année. Imprimé par IME, Baume-les-Dames (25 110). Comité de rédaction Dominique Abry, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale de Schuyter Hualpa, Sébastien Langevin, Chantal Parpette, Manuela Pinto, Nathalie Spanghero-Gaillard. Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Marc Berthon (MAEE), Jean-Pierre Cuq (FIPF),Pascale de Schuyter Hualpa (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Jacques Pécheur (Institut français),Nadine Prost (MEN), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).

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MÉMO58. À voir 60. À lire64. À écouter

INTERLUDES4. GrapheMarche

18. PoésiePhilippe Jaccottet : « Dame étrusque »

42. NouvelleTristan Garcia : « Toute l’histoire humaines’avance vers un seul et unique but »

56. BDWalder : « Nous autres »

66. Jeux

Dossier

● Portrait : Laure Manaudou,

histoire d’une résurrection

● Économie : La franchise,

une affaire qui marche ! 

●Clés : La notion

d’autoévaluation

● Nouvelle : « Toute l’histoire

humaine s’avance vers un

seul et unique but »

● Dossier: Paroles de touristes

● BD : « Nous autres »

● Tests et jeux

fiches pédagogiques à télécharger sur :www.fdlm.org

numéro 382

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Paris : objectif touristes« Paris reste une ville qui fait rêver »...........................................48Paroles de touristes ...................................................................50Une ville qui séduit et qui veut surprendre ................................52« Paris sera toujours Paris », en chansons et en images..............54

Concours Poésie en liberté : au bonheur des mots

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Les communications5 conférences plénières8 conférences semi-plénières16 tables rondes46 ateliers / mini-formations45 communications de 20 minutes,dont 3 sous forme de séminaires pour jeunes chercheurs.

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Quelle est la situation del’enseignement du français enAfrique du Sud actuellement ?Depuis les premières élections démo-cratiques en 1994 et la mise en place dela nouvelle Constitution, l’Afrique duSud compte 11 langues officielles, l’an-glais étant la lingua franca et les 10 au-tres ayant plutôt un caractère régional.La tâche des premiers gouvernementspost-apartheid consistait à soutenir ceslangues dans tous les domaines de lasociété, comme l’éducation, les médias,

la justice, etc. Ce n’est donc qu’assez ré-cemment qu’il y a eu une prise deconscience que d’autres langues sontimportantes dans la communicationavec le reste du monde et l’Afrique enparticulier. Le français figure en têted’entre elles. Après une période où cette matièreavait du mal à se maintenir dans les pro-grammes scolaires, elle se développeprogressivement et atteint toutes lescouches de la population. La langue estenseignée dans quelque 200 lycées du

pays et plus de 20 000 élèves l’appren-nent. En 2011 plus de 1 100 élèves ontopté pour le français comme une desmatières examinées en fin d’études se-condaires, et ce chiffre est en constanteaugmentation. Le français est égale-ment enseigné dans 17 universités sud-africaines ; 1 500 étudiants y poursui-vent des études en français, la pluparten licence. Deux masters, l’un en tra-duction et interprétariat, l’autre en di-dactique du français langue étrangèreont été créés récemment et attirent desétudiants de toute la région.

Quelles sont les principalesactions de l’AFSSA ?L’Association des études françaises enAfrique australe, connue sous son acro-nyme anglais, AFSSA, créée en 1970,compte environ 250 membres. Ellemène une action envers les enseignantsdu secondaire, en proposant une lettre

d’info, L’Écho des profs, qui offre des in-formations pratiques et des fiches pé-dagogiques. Elle organise aussi desprises en charge pour participer auxcongrès biennaux de l’association ;cette année, environ 40 enseignants dusecondaire participeront au Congrès dela FIPF grâce à l’action de l’AFSSA. Elleparticipe aussi à l’organisation de pro-grammes de formation. Tout cela estrendu possible grâce au soutien deSCAC en Afrique du Sud. Les trois régions principales du pays – le Cap, leGauteng (autour de Johannesburg etPretoria) et le KwaZulu-Natal – possè-dent des associations de professeurstrès actives qui organisent des activitéspour les enseignants de leur province.Pour les étudiants, à partir de la qua-trième année, l’AFSSA propose unejournée d’étude organisée chaqueannée par une université différente. Le Congrès biennal attire près de 100

trois questions à

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

Deux ans après la Coupe du monde defootball, l’Afrique du Sud accueille du 23 au 27 juillet un nouvel évènement deportée planétaire : le XIIIe congrès mon-

dial de la Fédération internationale des profes-seurs de français. Tous les quatre ans, le monde associatif se regroupe ainsi pour se rencontrer etse former, et c’est pour la première fois le continentafricain qui accueille ce rassemblement. Impossi-ble, bien sûr, d’énumérer ici toutes les communi-cations qui auront lieu dans l’International conven-tion center de Durban, mais quelques animationslaissent déjà présager de la teneur de ce congrès

exceptionnel. Véritable fil rouge du congrès, leconcours ALTER-natif se compose de 10 interven-tions dans un espace spécialement conçu et équipépour permettre aux intervenants de proposer desméthodes d’enseignement innovantes et ludiquespar le biais du tango, du vin, du court métrage, du conte francophone... L’intitulé du concourscherche bien sûr à transmettre les notions d’unprogramme « off' », de différence, d’altérité, reliéau concept du soi, des natifs de quelque part quenous sommes tous, rejoignant ainsi le thème ducongrès, « L’enseignement du français entre mon-dialisation et contextualisation ».

Programme complet sur : http://durban2012.fipf.org/

« L’Afrique du Sud vafaire partie de la grandefamille francophone »

Bernard De Meyer, président de l’AFSSA

Congrès

Durban : le monde francophone en marche

évènement//

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chercheurs venant principalementd’Afrique et d’Europe. L’AFSSA publieégalement une revue scientifique à comité de lecture international, dontle n° 42 sera disponible à l’ouverture deCongrès de la FIPF.

Accueillir un congrès commecelui de Durban aura-t-il un impactsur l’enseignement du français en Afrique du Sud selon vous ?Certainement. J’y vois trois raisons. Enpremier lieu, l’importante participa-tion d’enseignants de français sud-afri-cains, aussi bien du secondaire que desuniversités, aura comme conséquenceque ceux-ci seront revigorés et aurontun tas de nouvelles idées pour leurs en-seignements – il faut signaler qu’untiers des présentations à Durban serontdes formations et un autre tiers despratiques de classe. À leur tour, ilspourront stimuler les enseignants de

leur région. Cet impact sera direct etimmédiatement visible. En deuxièmelieu, les organisateurs espèrent provo-quer une influence plus durable au ni-veau des politiques. En effet, grâce auxefforts fournis auprès des autoritéssud-africaines, le congrès sera un mo-ment clé dans la prise de conscienceque l’apprentissage du français a dusens dans l’Afrique du Sud d’au-jourd’hui, qui fait partie d’un mondede partage, de mobilité et de rencon-tres tout azimuts. Les négociationsavec les autorités continueront après lecongrès pour que l’enseignement dufrançais puisse être offert à une plusgrande proportion de la population . Finalement, l’Afrique du Sud, dont lerôle stratégique n’est plus à souligner,fera partie de la grande famille franco-phone, pas la Francophonie institu-tionnelle, mais celle de l’amitié dans ladiversité. ■

Tous les congrès de professeursdonnent non seulement l’occasiondu partage des préoccupations etdes expériences professionnellesmais surtout peut-être celle denouer ou de renouveler les lienspersonnels qui tissent siprofondément le réseau de nosassociations. Et c’est pour cela sansdoute que, quelle que soit la régiondu monde où nous les avons organisés ces dernières années, de Beyrouth à Sydney, ou deRosario à Prague, ils ont rencontréautant de succès et attiré autant de professeurs de français.Mais, parmi les congrès, c’est sansaucun doute le congrès mondial qui revêt la plus grande importance.Au terme de quatre années de mandature, il est le moment des bilans mais surtout des décisionsqui cadreront les nouveaux projetsdes années à venir. C’est aussi le moment où se tient l’assemblée générale de la FIPF qui est statutairement en charge d’élire le nouveau conseil d’administrationet le nouveau bureau, c’est-à-direl’équipe qui aura en charge la coordination et l’animation duréseau de nos 180 associations et fédérations autour du monde.C’est donc un temps majeur de ladémocratie associative auquel sontconviés à participer, en votre nom,toutes les présidentes et tous lesprésidents des associationsauxquelles vous appartenez. C’est la raison pour laquelle il est si important que le plus grand nombre d’entre vous y soit présent ou représenté.Cette année, notre congrès mondialprend une dimension particulière. Il est le premier congrès mondial organisé en Afrique et le premierdans l’hémisphère sud. C’estpourquoi l’Association desprofesseurs de français d’Afriqueaustrale met depuis quatre ans toutson cœur et toute sa force pourpréparer un congrès mémorable.

De leur côté, et malgré les difficultésconjoncturelles que personne ne peut ignorer, les partenaires majeurs de la FIPF et le l’équipe deSèvres font le maximum pourpermettre la venue du plus grandnombre possible de participants etsurtout de collègues africains qui sont, rappelons-le les plus nombreux des professeurs de français du monde. Ce sont eux quiont la charge souvent difficile d’enseigner le français aux enfantsde ce continent qui, par le potentield’accroissement de ses locuteurs,représente l’avenir de notre langue.Soyons en bien persuadés : il n’yaura pas d’avenir pour le françaisgrande langue internationale si sonenseignement n’est pas réussi enAfrique. Sur aucun autre continentsans doute ne se rencontrent uneaussi grande diversité de contextesd’enseignement et d’apprentissage,une aussi grande disparité de formation et de conditions de travail que celles que vivent nos collègues. Aussi, jamais sansdoute comme à ce congrès, lesméthodologies d’enseignement dufrançais comme langue étrangère,langue seconde et même languematernelle n’ont autant à partager.C’est pourquoi nous nous devons derépondre à l’invitation de noscollègues africains et de leur rendreainsi l’hommage qu’ils méritent.Tous à Durban donc, la fête serabelle ! ■

Rendez-vous à Durban !

Jean-Pierre Cuq, président de la FIPF

Billet du président

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Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

Pendant toute la semaine du congrès – lors de l’ou-verture et de la clôture ainsi qu’à l’occasion desconférences plénières –, de courtes animations demusique, de danse, de chant viendront souligner ladiversité qui existe en Afrique du Sud et à Durban.Sera également installé un arbre à palabres, fabri-qué par des membres d’une communauté locale deréfugiés d’Afrique francophone, autour duquel lescongressistes pourront se réunir pour partagerleurs idées, afficher du matériel, entendre desconteurs... Le ton est donné : ce congrès se placerésolument sous le double signe de la convivialitéet de l’échange ! ■

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interlude //

4 Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

Le « plus » audio surwww.fdlm.orgespace abonnés

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March« Il n’y a pas de marche qui, un jour, ne finit pas. »Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages

«L’enfant marche joyeux, sanssonger au chemin ; il le croit infini,n’en voyant pas la fin.»Alfred de Musset, Premières poésies

« Évidemment on marche sur un fil, chaque destin est bancal ; et l’existence est fragile comme une vertèbre cervicale. »Grand Corps Malade, « Je dors sur mes deux oreilles »

«Un jour on voudrait mourir et le lendemainon réalise qu’il suffisait de descendrequelques marches pour trouver le commutateur et y voir un peu plus clair.»Anna Gavalda, Ensemble, c’est tout

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5Le français dans le monde // n° 382 // jullet-août 2012

che

« Source encore glacée, miroirs gelés, Rois sortant toutraidis d’or des ténèbres de décembre, c’est janvier, en marchevers la Chandeleur, qui détient l’indiscernable futur. »Colette, Belles Saisons

«Le monde aveclenteur marche vers la sagesse.»Voltaire, Les Lois de Minos

«La tendance la plus profonde de toute activité humaine est la marche vers l’équilibre.»Jean Piaget, Six études de psychologie

«On se surprend à marcher sur le borddu trottoir comme on faisait enfant,comme si c’était la marge quicomptait, le bord des choses.»Philippe Delerm, La Première Gorgée de bière

«On ne se retourne pas quand on marche sur la corde du rêve.»Fatou Diome, Le Ventre de l’Atlantique

« Quand l’homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe.Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir. »Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias

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Par Pierre Godfrin

époque // portrait

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histoire d’une

Laure Manaudou a déjà toutconnu dans sa courte vie de

sportive. Désormais maman,l’ancienne star de la

natation française rêve d’unretour gagnant à Londres. O n ne tire pas sur

une fleur pourla faire pousser.On l’arrose et onla regarde gran -

dir...patiemment », affirme un célèbreproverbe africain. Un conseil dont n’a malheureusement pas bénéficiéLaure Manaudou. Promise à une car-rière pavée d’or, elle a connu la gloirepuis les tourments de la surmédiati-sation. Sortie de sa retraite sportive ily a quelques mois, elle a connu unevéritable renaissance. Retour sur huitans d’une carrière déjà bien remplie.« Un espoir très sérieux de médaille repose sur les épaules, très musclées(sic), de Laure Manadou , 17 ans, na-geuse. Portrait d’une championneolympique en puissance. » C’est ainsique le 18 août 2004, en pleins jeuxOlympiques d’Athènes, la présenta-trice du JT de France 2 lance un re-

portage sur une adolescente encoreinsouciante et déjà sur le devant dela scène médiatique.Repérée dès son plus jeune âge parl’exigeant Philippe Lucas, Laure Ma-naudou comprend rapidement que,pour réussir à se faire un nom, uneexigence de tous les instants est in-dispensable : « Déjà, je ne vais pas encours. Je ne sors pas le soir et je ne voisque des nageurs », explique-t-elle de-vant la caméra, le corps immergédans l’eau chlorée de la piscine deMelun (Seine-et-Marne), où elles’entraîne dès 7 heures du matin afinde débuter ses 15 km quotidiens.Sa relation avec Philippe Lucas estétonnante et détonante. Presque fu-sionnelle. Capable de caprices, Lauresait qu’elle est parfois «  chiante  »,comme elle le dit si bien, et rend lavie dure à son « deuxième père » selonIsabelle Langé, journaliste à RTL, quiest en contact avec la nageuse depuisses débuts. En contrepartie, l’entraî-

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

Laure Manaudou :

Laura Manaudou en 7 dates1986 : Naissance à Villeurbanne (Rhône).2004 : Elle décroche une médaille d’or aux jeuxOlympiques d’Athènes à 18 ans.2007 : Séparation avec son entraîneur de tou-jours, Philippe Lucas.2008 :Déception aux JO de Pékin où elle ne rem-porte pas la moindre médaille.2009 :Annonce de la fin de sa carrière sportive.2010 :Elle donne naissance à une fille, Manon,et indique, quelques mois plus tard, son retour àla compétition.2012 : Qualification pour les JO de Londres.

résurrection

Après avoir triomphé à Athènes en 2004, Laure Manaudou essuie défaite sur défaite aux jeux Olympiques de Pékin en 2008.

© Reix-Liewig/For Picture/Corbis

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neur ne laisse rien passer à sa cham-pionne, pour qui le mot « vacances »a été banni du dictionnaire.

De la princesse à la mauvaise filleLa vie presque monacale de la jeunefille n’a cependant pas été vaine et lesmédailles n’ont pas tardé à garnir la vi-trine familiale. Après cinq médaillesd’or aux championnats de France en2003, elle glane trois médailles olym-piques en Grèce en 2004 et offre à laFrance son premier sacre dans uneépreuve de natation depuis 1952. Lesclés de son succès ? Outre l’entraîne-ment spartiate, elle possède une tech-nique irréprochable et un style plusfluide que celui des autres filles, sanage ressemblant à celle des hommes.Sa domination sans commune me-sure sur la natation féminine entraîneune véritable avalanche de superlatifspour la caractériser. Son sourire et sa silhouette élancéefont la une des journaux et les sur-

noms« reine des bassins » ou « sirène deMelun» fleurissent lorsqu’elle récoltesept médailles aux championnatsd’Europe en 2006, puis cinq, dontdeux en or, aux Mondiaux 2007.En mai de cette année-là, Laure, de-venue une « people » traquée par lespaparazzis, annonce qu’elle se sé-pare de Philippe Lucas, alors qu’ilsavaient déménagé à Canet-en-Rous-sillon (Pyrénées-Orientales) à l’été2006. En désaccord avec son Pygmalion, laGalatée des bassins décide de suivreson petit ami Luca Marin en Italie.S’ensuivent un imbroglio rocambo-lesque, une préparation des jeuxOlympiques 2008 très complexe etune séparation violente avec sonpetit ami. Laure Manaudou doitgérer un véritable scandale lorsquedes photos d’elle nue inondent leWeb en décembre 2007.La belle est meurtrie dans sa chair ettout s’enchaîne : des JO de Pékin

complètement manqués et l’an-nonce, en septembre 2009, de sa re-traite sportive. « Lors de ma premièreentrevue avec elle, elle m’avait ditqu’elle voulait être connue et être dansles pages people, mais pas trop, se sou-vient Isabelle Langé. Du jour au len-demain, elle est devenue la premièrenageuse à être médiatisée de la sorte.Tout lui est tombé très rapidement. »

Une seconde naissanceMais l’histoire ne s’arrête pas là pourLaure qui tombe alors amoureuse dunageur Frédérick Bousquet. De leurunion naît une petite Manon le 2 avril2010. Cette mise à l’écart volontairelui permet de trouver enfin la paix intérieure mais surtout de digérertout ce qu’elle a vécu sans vraiment yêtre préparée. La motivation revientcomme par miracle  : «  Je me suisrendu compte que j’avais la réputationd’une fille capricieuse, déclare-t-elle.Ce n’est pas moi. Je veux donner une

autre image. Je veux être perçuecomme quelqu’un de normal. »Cette volonté de changer son imageva de pair avec une stabilité retrou-vée : « La vie est rarement linéaire etl’expérience italienne difficile, les pro-blèmes d’intimité dérobée, et l’inconfortdes changements de club font partie dema vie et je les assume, affirme-t-ellesur son site Internet. Ils m’ont permisces dernières années, où j’ai pris durecul, de trouver un équilibre entreMarseille et Auburn, la natation et lafamille, mon jardin secret et les médias,mon métier et mon foyer. » Un choixsalvateur selon Isabelle Langé : « Lesdeux années de coupure due à la mater-nité l’ont vraiment fait grandir. Elle s’estséparée de certaines personnes car elleétait mal entourée. Partir aux États-Unis est la meilleure chose qui lui soitarrivée. »En effet, avec son compagnon, elles’entraîne une grande partie de l’an-née dans le calme d’un campus uni-versitaire, à Auburn, en Alabama,avec son nouveau coach australienBrett Hawke avec qui elle entretientune relation de confiance, beaucoupplus simple qu’avec Philippe Lucas.Avec comme seul et unique objectifles jeux Olympiques de Londres,Laure recommence à s’entraîner trèsdur et décroche, lors des champion-nats de France 2012, deux précieuxsésames pour les Jeux. Elle s’aligne en 100 m et 200 m doset peut effacer de la mémoire collec-tive son image passée de diva. « Il yaura une grosse concurrence face àelle, souligne Isabelle Langé. Unemédaille serait une belle surprise,même pour elle. Depuis qu’elle estmaman, elle fait tout pour que son en-fant n’ait pas une mauvaise imaged’elle dans le futur. » Une médaille serait assurément la plus belle desréponses pour cette fille devenuefemme sans s’en rendre compte... ■

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

« Les deux années decoupure due à la maternitél’ont vraiment fait grandir.»

© Eddy Lemaistre/For Picture/Corbis © Christian Liewig/Corbis

© Christian Liewig/Corbis

Aux jeux Olympiques de 2004 à Athènes,Laure Manaudou remporte la médaille d’ordu 400m nage libre.

La fiche pédagogiqueà télécharger sur :www.fdlm.org

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Par Jean-Jacques Paubel

époque // tendance

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Profession :

Quand le beau dans lequotidien devient l’affaire

des hommes… C ela devait arriver : ilsse sont d’abord occu-pés de leur corps et dela mode qui va avec,puis ils sont passés

en cuisine et les voici maintenant quise mêlent de décoration, de décocomme ils disent. On leur a mêmedonné un nom : « décoristo ». Nou-veau type masculin apparu dans cesannées 2010 et qui prend la place dumétrosexuel identifié en 1994 parMark Simpson, alors journaliste àThe Independent.Décoristo donc. Plus un territoire, mes-dames, qui ne résiste aux hommes. Etpas besoin d’être architecte, artiste oudesigner pour se mêler de déco, non, si l’on se réfère aux blogs déco pourhommes, Le blog deco ou Decodesign ouencore Fubiz et Trendland. Qu’ils soientinformaticiens, médecins, ou cadres su-périeurs, tous ont un avis sur la déco.Par exemple,Sébastien, 32 ans, animele blog Homme Sweet Homequ’il a crééil y a un an et demi, « juste renvoi d’as-censeur » à ceux qui lui ont fait « décou-

vrir de nouveaux objets, de nouvellesadresses, de nouveaux lieux », prolonge-ment « de conversations parfois animéesavec des amis sur la déco » , divertisse-ment aussi : « Ça m’amuse d’écrire, deprendre des photos, de traquer les nou-veautés, les curiosités, le beau, le laid. »Et s’il n’y avait que les blogs, mais ils lisent aussi les pages magazines sur lesdernières tendances déco, fréquententles magasins spécialisés et ne ratent pasles émissions télévisées des chaînes spé-cialisées consacrées à la déco.

Sobriété et esthétismeComment en est-on arrivé là ? OliviaPutman, architecte, explique cette prisede pouvoir de la déco par les hommespar le constat fait par les hommes que« l’on exprime beaucoup de soi par la dé-coration. C’est très valorisant socialementd’être apprécié pour son goût aujourd’hui.Et cette implication dans la décorationleur permet d’assouvir une part de narcis-sisme assez contemporaine ».Fini donc les belles cylindrées ! Ils sontcomme Sébastien : ils craquent côtéchaise pour une Slow Chair & Ottomande Ronan et Erwan Bouroullec ou côté

lampe pour La Potence de Jean Prouvé.Et s’il s’agit de sèche-linge, rien sinonune collection capsule de PhilippeStarck pour Miele ! Selon Olivia Put-man, leur tendance est « une approchebeaucoup moins pratique et pragmatiqueque celle des femmes et une tendance à pri-vilégier des choix purement esthétiques ».Marqueurs de ces choix : la sobriété, les meubles épurés (plus question de laisser traîner les journaux et objets surces surfaces lisses et réfléchissantes !),le verre, les angles et, au choix, l’alubrossé, l’acier ou le béton ciré. À l’imagefinalement des objets au design tech-nologique qui ont envahi notre vie quotidienne : tablettes en tout genre,smartphones, ordinateurs, iPad, maisaussi hifi au design filant, home ci-néma ou enceintes totémiques…Adieu donc coussins et plaids ethniquespour se pelotonner devant la télé, cou-leurs chaudes et contrastées, bouquetsopulents aux fleurs généreuses, ta-bleaux d’art naïf, canapés ou fauteuilsronds et douillets, ambiances lumi-neuses enveloppantes… Fini le cosy.L’avenir sera sobre, sans artifice ni excès,« normal » en somme !■

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

homme d’intérieur

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époque // exposition

Par Christophe Riedel

Ils sont étonnants, ces Gaulois !

« Les Gaulois, une exporenversante » à la Cité des

sciences à Paris bouscule les clichés sur les ancêtres

des Français. Visite avec uneclasse de jeunes Parisiens.

A vant la conquête ro-maine, les Gaulois ne portaient pas decasques ailés. Et ilsne vivaient pas non

plus en forêt avec des sangliers. Toutcela est pur folklore de bande dessi-née ! La Gaule comptait 300 à 400oppidums, des villes fortifiées. Nom-bre d’entre elles ont été repérées récemment, grâce aux techniques de télédétection aérienne de leurstraces en creux sur les sols. Un bonexemple du renouvellement desdonnées rendu possible par l’Institutnational de recherches et d’archéo-logies préventives (Inrap), co-orga-nisateur de l’exposition « Les Gau-lois, une expo renversante » avecUniverscience.Clotilde, maîtresse des écoles à Paris,fait découvrir la maquette d’un oppi-dum à sa classe de CE2 : « Vous voyez,la muraille faisait tout le tour, et à l’in-térieur de l’oppidum, ils organisaient laville. Ici, les habitats modestes, pour lesagriculteurs, les artisans. Là, les habi-tats aristocrates. Voilà le sanctuaire,l’endroit où ils faisaient leurs cérémo-nies religieuses et leurs banquets… »

L’exposition, en lien étroit avec les pro-grammes scolaires, éclaire sur ces fa-meux ancêtres grâce à des connais-sances concrètes sur l’habitat, la viequotidienne, l’agriculture, ou l’organi-sation sociale et territoriale.

Les Gaulois à travers les siècles Une visite participative en 7 atelierset 2 terrains de fouille fait découvrirles techniques et métiers de l’archéo-logie contemporaine. Dans l’un dessites reconstitués, les jeunes visiteursfouillent avec les outils et les mé-thodes de l’archéologue, enfilantcomme lui un gilet de chantier. Clotilde montre au passage le cous-sin à lattes multicolores qui permetde protéger ses genoux durant lesfouilles ! Les 7 ateliers font découvrirle quotidien des Gaulois : que man-geaient-ils ? où vivaient-ils ? quelsanimaux élevaient-ils ?De Jules César à Pétain, d’Astérix àNapoléon III… Dans la galerie deportraits en prologue de l’exposition,les groupes scolaires de passage peu-vent s’essayer à l’analyse d’image. En interprétant 40 représentationsdes Gaulois au fil du temps (affiches,chansons, monnaies, manuels sco-laires, textes anciens, tableaux). Et,

en fin de parcours, grâce à des re-constitutions et des décors de quatretombes et d’un sanctuaire, ils décou-vrent les rites et les pratiques de lareligion gauloise. Ce sont ces tombesqu’Iris, élève de CE2, retient de la vi-site : « D’abord, elles faisaient peur,mais elles étaient trop réelles  ! Estaussi présentée la collection insolited’objets guerriers du « depôt de Tin-tignac », un sanctuaire découvert en2004 dans une fosse, preuve irréfu-table de la sophistication de ces so-ciétés. Ainsi, les Gaulois n’étaient pashirsutes, ils se rasaient, comme en té-moignent des pierres à raser exhu-mées. Pour Maud Gouy, commissaire del’exposition, tout cela permet « defaire comprendre que ces sociétés, entermes d’habitats et de structures,étaient aussi avancées, voire aussi raf-finées, que celles des Romains et desGrecs, présentées comme supérieures ».Un parent d’élève ajoute avec malice :« Pour l’art de la guerre, ils étaient belet bien dominés par les Romains. »■

Jusqu’au 2 septembre 2012. Le site : www.cite-

sciences.fr/francais/ala_cite/expositions/gaulois

infos en +

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

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La franchise est en pleindéveloppement. Encadré

juridiquement, développé enEurope et dans le monde,

ce type de distribution entredeux entrepreneurs

indépendants est un mode decollaboration

particulièrementconvaincant.

Par Marie-Christine Simonet

époque // économie

10

une affaire qui I l n’est qu’à regarder les

comptes établis par la Fédé-ration française de la fran-chise (FFF) concernant lesréseaux commerciaux uti -

lisant cette pratique pour s’enconvaincre : la franchise séduit deplus en plus d’entrepreneurs. En2001, on estimait à 653 le nombrede réseaux franchisés, soit 32 240points de vente et un chiffre d’af-faires global de 30,49 milliards d’eu-ros. En 2011, on dénombrait 1 569franchiseurs, 62 041 points de ventepour un chiffre d’affaires de 49,24milliards d’euros.La FFF, qui se pose comme l’«inter-face essentielle entre pouvoirs publics,

créateurs de réseaux, entrepreneurs etinvestisseurs », relève avec satisfac-tion une progression régulière, de8 % à 11 %, de la franchise françaisedepuis cinq ans.

Au Moyen Âge déjà…La méthode doit présenter bien desavantages, pour susciter tant d’en-gouement. Et l’on peut dire qu’elle a déjà fait ses preuves. Car les pre-mières franchises remontent auMoyen Âge, où elles existaient sous

forme d’octroi, par les seigneurs, delibertés et privilèges à certaines po-pulations définies territorialement.La FFF conserve ainsi dans ses ar-chives le contrat de franchise de laville de Chambéry. La notion de privilège a, bien sûr,évolué et ce n’est qu’au début du xxe

siècle que l’ancêtre de la franchiseactuelle a vu le jour, lorsque dans lesannées 1930 La Lainière de Roubaixa développé ce type de distributionpar le biais d’une enseigne restée cé-lèbre dans l’Hexagone : Pingouin. Aux États-Unis, le concept a permisau secteur de l’automobile de s’adap-ter à une loi antitrust de 1929 inter-disant aux constructeurs d’être pro-priétaires des points de vente.Rapidement, il attira d’autres bran -

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

La franchise :

« En 2011, la Francecomptait 62 041 points de vente pour un chiffre d’affaires de 49,24 milliards d’euros. »

Très présente à l’international, l’enseigne Carrefour ouvre également des magasins sous franchise.

© Imaginechina/Corbis

La fiche pédagogique à télécharger sur :www.fdlm.org

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La production mondiale de cacao devraitbaisser de 7 % pour atteindre 4 millions de tonnesen 2012, selon l’Organisation internationale ducacao (ICCO). Cette chute est due au déclin de larécolte ivoirienne, numéro un mondial.

Selon l’Agence européenne de l’environnement(AEE), entre 2021 et 2050, la hausse des tem-pératures en Europe sera en moyenne de1,5°C par rapport à la période 1960-1990 et tou-chera en priorité l’est de la Scandinavie ainsi que lesud et le sud-est de l’Europe (+2,5°C). L’ouest seramoins affecté (+0,4°C).

L’Allemagne a enregistré une crois-sance nettement plus soutenue queprévu au premier trimestre, grâce à des expor -tations solides, signe que la première économiede la zone euro peut continuer de jouer le rôle delocomotive de la région.

Près de 30 % desMarocains âgés de 15à 29 ans sont au chômage au Maroc,selon un rapport de la Banque mondiale.

La biodiversité a reculé de 28 % enmoyenne depuis 1970, selon un rapport du WWFpublié le 15 mai. Il souligne que deux planètesTerre ne suffiraient pas à répondre aux besoins del’activité humaine si rien n’est fait d’ici 2030.

en bref

11

marche !ches de l’économie, à commencerpar la restauration. Si bien qu’en undemi-siècle, de 1920 à 1970, on vitéclore à travers le territoire améri-cain de grands noms de l’industrie etdes services : Ford, General Motors,Kentucky Fried Chicken...

L’union fait la forceL’accord de franchise est ainsi de-venu, au fil du temps, « un contrat dedistribution qui associe une entre-prise, propriétaire d’une marque oud’une enseigne, le franchiseur, à un ouplusieurs commerçants indépendants,les franchisés », selon la définition del’Observatoire de la franchise.En bref, le franchiseur est titulaire dedroits sur une marque ou une en-seigne, qu’il souhaite promouvoir,

tout en fidélisant une clientèle. Enétablissant, d’un point à l’autre de laFrance, et pourquoi pas à l’étranger,la même enseigne de distribution,service, production..., surplombantle même concept architectural, pasde doute, la clientèle s’y retrouve. Lefranchiseur aussi. Et ce d’autant plusqu’il bénéficie du financement privi-légié d’un réseau commercial, de laconquête rapide d’un marché, de lacoalition économique d’un réseau(l’union fait la force), etc. En contrepartie d’une rémunérationdirecte ou indirecte, l’entrepreneurmet à la disposition du franchisé samarque et/ou son enseigne, ses pro-duits, son savoir-faire, ainsi qu’uneassistance technique. Il se constitue,de cette façon, un réseau de franchi-

sés, auxquels il est lié par contratrépondant aux règles du Code dedéontologie européen de la fran-chise, un code reconnu par la plu-part des opérateurs économiqueset par les tribunaux, qui a aussi étéadopté par 17 pays d’Europe.En face, le franchisé «  collaboreloyalement à la réussite du réseau defranchise et adhère au principe d’ho-mogénéité de ce réseau tel que définipar le franchiseur ». En clair, il en-tretient l’image de marque, au pro-pre et au figuré, telle que définiepar son partenaire. À Marseille,Paris ou Pointe-à-Pitre, la clientèleretrouvera le même concept archi-tectural, la même identité visuelle.

De puissants outils d’informationMais... il ne suffit pas d’aimer lechocolat pour aimer vendre deschocolats. Il faut aussi gérer unstock de produits frais, réaliser desvitrines, mettre la main à la pâte,travailler dimanches et fêtes... Il nesuffit pas non plus d’aimer les voi-tures pour vendre un moteur. Ilfaut d’abord s’informer, prendreconseil.Pour trouver la bonne formule, lefutur franchisé dispose d’un certainnombre d’outils qui lui permettrontde se déterminer à coup sûr. Ilpourra d’abord consulter les an-nuaires de franchises en ligne, quisont, si l’on en croit l’Observatoirede la franchise, « de puissants ou-tils » d’observation et d’analyse desperformances et des pratiques uti-lisées dans un secteur d’activité. Actuellement, les secteurs pharessont l’alimentaire, l’équipement de la personne et la coiffure/esthé-tique. Les services à la personneconfirment leur bonne position enreprésentant 11 % du nombre totalde franchises. ■

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

« Les secteurs phares sont l’alimentaire,l’équipement de la personne et la coiffure/esthétique. »

Spécialisée dans la restauration rapide, la franchise française La mie câline estimplantée en Espagne et en Belgique.

© Rambaud/Alpaca/Andia.fr

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époque // regard

« Des réseaux fondés

« Faire du réseau »,« réactiver son réseau »,

« réseauter »… Le réseausemble la clé de tout. ClaireBidart a mené une enquête

sur les réseaux sociaux des jeunes.

On parle beaucoup des réseauxsociaux à l’heure actuelle, pourdésigner des sites communautaires.Les réseaux sociaux n’ont pourtantpas attendu Internet…Claire Bidart : Les réseaux sociauxsont un objet pour la sociologie de-puis les années 1930 ! Nous nous in-téressons en l’occurrence aux ré-seaux personnels, formés par lesrelations d’individus qui se fréquen-tent. On estime que le nombre depersonnes que l’on a connues danssa vie peut monter à 5 000, mais lesréseaux tournent réellement autourde 30-40 personnes. Avec des varia-tions bien sûr. Dans l’enquête quenous avons menée, entre 1995 et

2007, sur les jeunes entrant dansl’âge adulte – entre la terminale etl’âge de 35 ans –, ces réseaux allaientde 6, pour le plus petit, à 131.

Cette période d’entrée dans la vie adulte correspond-elle à des modifications importantesen termes de sociabilité ?

C. B. : Au lycée, les réseaux sociauxsont très nettement marqués par lecontexte. La sociabilité est centréesur le groupe, sur des activités et desressemblances, mais aussi sur le sim-ple fait d’être au lycée ensemble. Unefois quitté ce monde très unifié, onpasse à une sociabilité beaucoupplus élective : les jeunes se retrou-vent désormais à deux, à quatre,pour dîner ensemble plutôt que pourdes activités communes. On ap-prend à trier.

Les études supérieures ne sont-ellespas un moment particulièrementfavorables aux amitiés ? C. B. : La fac favorise les rencontres,mais on voit que ces relations ne du-

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

sur le plaisir d’être ensemble »

Claire Bidart, sociologue, est char-gée de recherche au CNRS, ausein du Laboratoire d’économie etde sociologie du travail d’Aix-Mar-seille.

« On estime que le nombrede personnes que l’on a connues dans sa vie peut monter à 5 000, mais les réseaux tournentréellement autour de 30-40 personnes. »

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Propos recueillis par Allice Tillier

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ment s’explique par la difficulté àconcilier différentes facettes de sapersonnalité : dans le monde du tra-vail, il convient de montrer une cer-taine image de soi – une image plussérieuse.

Toutes ces nouvelles rencontresconduisent-elles à une évolutionprofonde des réseaux ? C. B. :Les réseaux se renouvellent enpartie, mais ils conservent une cer-taine stabilité dans leur structure. Lespetits réseaux resteront parmi les pluspetits, ceux particulièrement centréssur une personne, même si la per-sonne centrale a changé, le sont tou-jours dix ans plus tard… L’installationen couple peut, elle, avoir un impactfort sur la composition des réseaux,de même que la naissance d’un pre-mier enfant qui fait accorder un rôleplus grand à la famille. Étonnamment, une forte mobilité,d’un pays à l’autre, a une influencemoins nette  : si elle se traduit audébut par une baisse du nombre deliens, le réseau est vite reconstitué !Les expatriés développent une sortede compétence spécifique à se refairedes amis.

La notion de réseau estnettement valorisée en France à l’heure actuelle : il apparaîtcomme une ressourceessentielle, notamment pourtrouver un emploi…C. B. : Les relations ne sont pas fon-dées sur l’utilité, mais sur le plaisird’être ensemble. Et c’est justementparce qu’elles sont avant tout affec-tives, parce que l’on sait que l’autreveut notre bien, que les relationspeuvent devenir les plus grandes res-sources. Il est vrai que le réseau estparticulièrement mis en avant denos jours, notamment par Pôle Em-ploi qui conseille principalement auxchômeurs de «  faire du réseau  ».Mais les réseaux ne sont pas plusqu’auparavant la solution miracle, niune ressource avant tout. ■

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

« Ce parcours à travers les âges de la vie faitapparaître la succession des contextes decréation des relations. Il y a d’abord la famille“héritée” à la naissance ou dans l’enfance.L’adolescence voit émerger les relationsliées aux études et à la sociabilité. Ensuite,durant la vie active, arrivent les études supé-rieures et le travail et leurs cohortes de rela-tions, ainsi que la constitution de la nouvellefamille (conjoints, enfants, belle-famille) etune activité de sociabilité importante. Maisles relations construites sont moins dura-bles que les relations familiales et elles serenouvellent au cours de la vie active. Le re-nouvellement se fait par phases en fonction

des cercles auxquels on s’affilie. Ainsi, le tra-vail et les études sont partiellement rempla-cés par les associations comme contextede création des relations. Les relations is-sues de la sociabilité semblent se renouve-ler de façon plus continue, mais leur dura -bilité décroît avec l’âge, ce qui fait qu’à la finrestent surtout celles de la jeunesse et lesplus récentes. Avec l’âge de la retraite, lacréation de relations se fait plus rare etpasse essentiellement par les associations,la sociabilité et le voisinage. »

Claire Bidart, Alain Degenne et Michel Grossetti, La vieen réseau, Dynamique des relations sociales, PUF,2011, p. 176.

rent souvent pas. Certes, on perdaussi une bonne partie de ses amisde lycée, mais les amitiés qui ont ré-sisté au départ de chez ses parents,aux études, etc. deviennent très so-lides et durables. Les relations de lafac n’ont souvent pas le temps de seconsolider : les étudiants n’ont pastoujours cours ensemble, ils sevoient moins qu’au lycée et les rela-tions n’acquièrent pas cette polyva-lence essentielle pour la durée.

Autre changement important :l’entrée dans le mondeprofessionnel, lui aussi réputécomme lieu de rencontres…C. B. : Le monde du travail est unmonde hiérarchisé, différencié.Dans ce contexte, les rapproche-ments se font par similarité. Lesjeunes ont tendance à choisir lesjeunes ; on cherche la proximité po-litique ou idéologique. Les amitiésdu travail restent à part  : les col-lègues ne sont pas tellement mélan-gés aux autres amis. Ce cloisonne-

« C’est justement parcequ’elles sont avant toutaffectives, parce que l’onsait que l’autre veut notrebien, que les relationspeuvent devenir les plusgrandes ressources. »

compte rendu

Création et évolution des réseauxÀ partir de deux enquêtes principales,l’une menée à Toulouse, l’autre à Caen,consacrée à un panel de jeunes suivis surle temps long, Claire Bidart, Alain De-genne et Michel Grossetti, tous trois cher-cheurs au CNRS, ont étudié les proces-sus à l’œuvre dans la création desrelations et des réseaux, et leur évolutionjusqu’à leur disparition. Se dessinentainsi les halos de relations qui entourentun individu : liens forts mais aussi liensfaibles, fondés souvent sur la similarité

(notamment en âge), renouvelés en par-tie (un sixième de relations de moins de5 ans), un noyau dur de relations issuesde la famille et de l’enfance (un tiers), unfort ancrage local. Des caractéristiquesqu’on peut rapprocher de celles des ré-seaux étudiés pour les États-Unis, autrepays riche et démocratique, et qui n’ontpas été fondamentalement modifiées parles nouvelles technologies (téléphoneportable et Internet), inscrites dans lacontinuité du téléphone fixe et du courrier.

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Après le lycée, la sociabilité devient plusélective : les jeunes se retrouvent à deux, à quatre, pour dîner.

extrait

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Par Christophe Riedel

époque // festival

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C ’est une locomotive artistique à 13wagons thématiques, reliés parl’attrait des créateurs d’art contem-porain pour le rêve. Le parcourspasse entre autres par quatre châ-

teaux : à Chaumont-sur-Loire, ce sont les « Songe-ries végétales » en lien avec la thématique art etnature de ce domaine. À Chambord, les « Frag-ments d’un discours onirique », car ce domainedigne d’un conte de fées est entouré par une im-mense forêt. Les travaux de Christian Boltanski,Alain Fleischer ou Pierre Ardouvin « y jouent, cha-cun à sa façon, sur un registre qui réactive la dimen-sion fantasmagorique de la sculpture monumentalede la Renaissance » qu’est le château de Chambord.À Oiron, moins connu, place à « Dérives et desrêves ». Au château d’Angers, le célèbre plasticienSarkis dialogue « entre un passé imaginaire et unprésent factice ». Ailleurs, ce sont des corps endormis, des imagesparfois ambivalentes d’un repos plus éternel, deslieux du sommeil, individuels et collectifs (le dor-

toir du centre d’art de l’abbaye de Fontevraud),des architectures pensées pour accueillir les corpssomnolents (lits, capsules). Autant d’approches etd’interrogations d’artistes sur les mystères somno-lents, naturels ou artificiels (hypnose, médita-tion).

Quelques rêves éveillésCes états, permettant l’émergence de visions éva-nescentes comme un réveil au petit matin, sontprétextes à des divagations… poétiques. Commecelles de l’artiste Marion Tampon-Lajarriette, quiproduit à Thouars l’installation vidéo « Projet pourle somnambule » dans la minuscule chapelle néo-gothique Jeanne-d’Arc. Ses vitraux et son alcôvesont investis par des images mouvantes suscitantun vague vertige. Les bâtiments d’avant-garde des trois fonds régio-naux d’art contemporain (Frac Centre, des Paysde la Loire et Poitou-Charentes) sont égalementinvestis. Focus sur celui de la Région Centre à Orléans, ville de Jeanne d’Arc, qui eut bien des visions prophétiques ! L’exposition, dans un grandcube ressemblant à un garage, aborde l’architec-

ture comme « véhicule rêvé » pour corps en dépla-cement. L’architecture s’y fait extension, naturelleou mécanique, du corps. En prenant la forme detentes (Davide Cascio, Simon Starling,), d’objets-machines hybrides (MinimaForms et KrzysztofWodiczko), de dispositifs prothétiques auxquelson doit s’harnacher physiquement (Gianni Pet-tena et Mario Terzic). Ces « véhicules » entendent transformer le corpset engager « un dialogue nouveau avec l’espace ur-bain et reconsidérer les limites entre sphères privéeset publiques ». Un vaste programme auquel contri-bue une hilarante vidéo de Michel de Broin : l’ar-tiste québécois a désossé une voiture américaineet remplacé le moteur par quatre pédaliers et au-tant de pédaleurs. L’étrange attelage ne manquepas de se faire arrêter par la police alors qu’il rouledans les rues d’une ville canadienne… L’original de cette « voiture à propulsion parta-gée » est exposé par un autre Frac, celui de Poitou-Charentes. La boucle est bouclée, attachez votreceinture ! ■

Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

dans la vallée de la Loire

« Songe d’une nuit d’été », jusqu’en novembre 2012. Pour en savoirplus sur les 13 lieux et les artistes : www.frac-platform.com.

La Chapelle Jeanne-d’Arc à Thouars, investie par le« Projet pour le somnambule »de Marion Tampon-Lajarriette.

Treize lieux de la vallée de la Loire s’associent

à un parcours mêlant art contemporainet patrimoine. Ils accueillent cent

œuvres des collections de trois fondsrégionaux d’art contemporain.

Songes

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15Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

époque // sport

Par Pierre Godfrin

Alexandre,

À 16 ans, Alexandre Roypourrait devenir le premier

Français à évoluer dansl’élite du baseball

américain. Portrait d’unadolescent prodige.

S itué entre une autorouteet une voie de chemin defer, le terrain de baseballdes Huskies de Rouen ac-cueille depuis déjà plus de

dix ans Alexandre Roy, grand espoird’un sport encore très peu médiatisé enFrance. L’amour d’Alexandre pour le ba-seball lui vient de son père, Robin Roy,un ancien joueur et manager du clubnormand, qui était lanceur… commelui. « Mon père m’a fait lancer très tôt, ex-plique Alexandre, qui fêtera ses 17 ans

en juillet. C’est vraiment un geste que j’aiaimé dès le début. Quand j’étais jeune, il m’emmenait aux entraînements carj’adorais jouer au baseball. Vu que je com-mençais à avoir des bons résultats au lan-cer, on s’est intéressé à une carrière dans lebaseball. Ce n’était pas du tout forcé. » En troisième année de sport-études auPôle France de Rouen, le lanceur gau-cher a été repéré par plusieurs for -mations américaines lors d’un campd’entraînement l’été dernier en Italie.Quelques mois plus tard, il est devenu lequatrième Français à signer un contratavec une équipe américaine, les Mari-ners de Seattle, basés dans le nord-ouestdes États-Unis. Mais pas question pourautant d’abandonner le lycée ! Avant detraverser l’Atlantique, lors de ses pro-chaines vacances estivales, ce jeunehomme à l’ imposante stature (1, 88 m)doit passer les premières épreuves de

son bac S puis revenir pour sa terminale.Ensuite seulement il pourra s’investirentièrement dans le baseball. « Je vais yconsacrer ma vie pendant trois, quatreans. Je mettrai les études en pause. Mesparents sont d’accord. Ce serait dommagede ne pas y aller à fond. »

Le plus dur reste à venirMais passer du meilleur club français àla fameuse MLB (Ligue majeure de ba-seball) est une épreuve digne d’Hercule.L’exemple de son prédécesseur, JorisBert, lui aussi aux Huskies, en est lapreuve. Âgé aujourd’hui de 25 ans, ilavait signé avec les Dodgers de Los An-geles en 2007 mais n’a pas franchi lapremière des cinq étapes permettantd’évoluer dans l’élite. Il travaille désor-mais dans une pizzeria de Rouen… « Pour l’instant, je n’ai pas trop de pres-sion, affirme de son côté Alexandre. Je

suis encore jeune. » Ses trois semainespassées en Arizona en avril lui ont d’ail-leurs donné encore plus confiance enson potentiel. Accompagné par ses pa-rents, il a eu un léger avant-goût de la vieaméricaine : « Je m’entraînais de 7 heuresà midi. L’après-midi, on était à l’hôtel pournous reposer. On n’a pas trop fait de sor-ties. Je me suis vite adapté. Sur le terrain,je suis arrivé à montrer que j’étais assezbon. J’étais deux ou trois ans plus jeuneque tous les autres gars en Arizona. On m’a dit que j’avais encore du tempspour me développer donc je prends montemps. » Conscient que sa réussite pour-rait permettre au baseball d’être sur ledevant de la scène en France, il prendpour le moment tout ce qui lui arriveavec un détachement de circonstancepour son âge : « Je ne suis pas encore alléà Seattle, mais je sais que c’est comme àRouen : il y fait le même temps… » ■

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« Il est le quatrièmeFrançais à signer un contrat avec uneéquipe américaine, les Mariners de Seattle.»

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Texte et photos par Marie-Laure Josselin

16 Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

John,Même si Montréal n’est qu’àquelques heures de route desÉtats-Unis, choisir le Québec

pour un Américain est unvrai défi. L’expérience de John, francophone

malgré lui mais fier de sesdeux langues.

Certes, il aime les wes-terns de Sergio Leoneet l’acteur Clint East-wood. Mais à tout celaJohn Alexander Mul-

holland préfère Bienvenue chez Ch’tiset Le Dîner de cons. Même si son an-cêtre a quitté l’Irlande pour s’instal-ler d’abord au Québec avant d’aller

aux États-Unis, et que son arrière-grand-père s’est marié à une Québé-coise, rien ne prédestinait pourtantcet Américain né en 1963 à NewYork à devenir francophile et à pas-ser sa vie au Québec, la provincefrancophone du Canada. John sesouvient de sa première expérienceavec le français. Son père avait an-noncé à la famille qu’ils allaient dé-ménager, pour raison profession-nelle, à Montréal. Un jour, alorsqu’ils roulaient en voiture à NewYork, son père propose de pratiquerle français. Mais personne ne parle lalangue : son père avait bien appris,mais « tout le monde lui demandaitd’arrêter car son français était horri-ble », se remémore John avec un sou-

rire malicieux. Les enfants se met-tent donc à baragouiner des chosesincompréhensibles, pensant que « sion ne comprend rien, ça doit être dufrançais ».

Les deux solitudesLa famille Mulholland s’installe doncau Québec quand John Alexander a7 ans. «  À cette époque, Montréal,c’étaient les deux solitudes : tu pouvaisvivre ta vie en anglais sans parler dutout français », raconte-t-il, en fran-çais évidemment, avec un accentaméricain prononcé. La véritablelangue du travail au Québec toutcomme celle du commerce, des af-faires et de l’affichage était l’anglais.Les immigrants adhéraient massive-

un Américain au Québec

« Rien ne prédestinait cet Américain né en 1963à New York à devenirfrancophile et à passer savie au Québec, la provincefrancophone du Canada. »

époque // Portrait de francophone (3/6)

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17Le français dans le monde // n° 382 // juillet-août 2012

ment à cette langue. Alors pour John,il ne restait que les quelques cours defrançais à l’école pour apprendre lalangue de Molière : « Tous nos profes-seurs essayaient de nous apprendre lefrançais de France, pas du Québec,mais on ne pratiquait pas car à l’exté-rieur de l’école, on ne parlait pas dutout français ». John déménage dans un Québecsous tension. Quelques mois aprèsson arrivée, son voisin James Cross,un attaché commercial de Grande-Bretagne, est enlevé par le Front delibération du Québec, un mouve-ment politique radical prônant l’uti-lisation de la lutte armée commemoyen d’affirmation et d’émancipa-tion pour le Québec. Au même mo-ment, Pierre Laporte, un ministrequébécois, est également enlevé. Sile premier s’en tire sain et sauf, le se-cond est retrouvé mort dans le coffred’une voiture. « Je n’ai pas compris cequ’il se passait mais il y avait beau-coup de tensions entre les franco-phones et les anglophones en ce temps-là », se souvient-il.

Le tournant de la loi 101Si John prend systématiquement desjournaux francophones dans un cafépour lire, il n’est pas immédiatementtombé amoureux de la langue. Iln’aimait pas la poésie ni tout ce quiétait artistique. « C’est en vieillissantque j’ai développé du goût », précise-t-il. D’ailleurs, dans sa voiture qu’ilutilise souvent, en tant que chefd’entreprise, il écoute Jacques Brel,Joe Dassin et Dan Bigras, chanteur etcomédien québécois. Il n’a loupéaucun épisode des séries phares qué-bécoises comme Lance et Compte, quimet en scène les hauts et les basd’une équipe de hockey sur glaceprofessionnelle ou encore Omerta,qui raconte les démêlés d’un policieravec différents membres de la mafiaà Montréal. Et John a suivi les dictéesde Bernard Pivot, s’amusant mêmeplusieurs fois à y participer derrièreson poste !Ce grand gaillard aux yeux bleusl’avoue : ce sont les filles, les Québé-coises, qui l’ont poussé à travaillerson français ! Après des allers retourshors du Québec pour ses études,

«  j’ai commencé à sortir de monmonde fermé anglophone et à parlerfrançais ». Le Québec a aussi changéentre-temps. En 1977, la Charte dela langue française, communémentappelée loi 101, est adoptée. Elle faitdu français la langue officielle del’État et des cours de justice, toutcomme la langue normale et habi-tuelle du travail, de l’enseignement,des communications, ducommerceet des affaires. Depuis, John s’est marié avec uneQuébécoise, « comme tous mes amisanglophones » ; il a trois enfants qui« sont légèrement plus français qu’an-glais », ils ont tous été à l’école enfrançais. Le petit dernier parle fran-çais et ce n’est pas « la mission de mavie que de lui apprendre l’anglais », estime John. En revanche, avec safemme Martine, John dialogue enanglais, sauf quand « on se fâche », ra-conte-t-il en rigolant.

Le bilinguisme, un atoutUne récente enquête de l’Office qué-bécois de la langue française a dé-montré que la place du français sedétériorait dans les commerces du

centre-ville de la métropole. Dans lesaffaires, John est catégorique : « Si tues unilingue anglophone, tu aurasmoins de chance de trouver un travailhaut placé. » Plus de 81 % des habi-tants ont pour langue d’usage lefrançais, une tendance à la baisse.Le bilinguisme de John est un atoutdans cette province où les deuxlangues cohabitent. « Quand quel -qu’un m’appelle de Toronto et qu’il en-tend mon anglais, il se dit que je suisl’un des leurs, mais il sait aussi que jepeux faire des affaires en français,alors il est encore plus intéressé. »Écrire en français lui a pris plus detemps, il n’osait pas « casser la glace »,car « les francophones sont très minu-tieux dans la manipulation de leurlangue… et on a peur ! »D’ailleurs, les anglicismes sont à évi-ter, les fins de semaine (et non lesweek-ends), John et sa femme Mar-tine regardent le matin une émissionfrançaise, avant de partir dans unsouper où l’on parlera en anglais ou en français. Une chose a toujoursmarqué John au Québec : « S’il y a dixfrancophones et un anglophone à unetable, la conversation va se faire en

anglais, quasi systématiquement. » Ce que de nombreux Québécois dé-plorent.L’homme de 49 ans a du mal à se définir… Il a toujours son accentaméricain quand il parle en français,utilise nombre d’expressions québé-

coises comme « tanné », « niaiser avecla puck », ou « poigner » sans se consi-dérer comme francophile, peut-êtrepar excès de modestie. Il est toujoursimmigrant reçu au Canada, doncaméricain. Mais il est bien entre cesdeux mondes, et navigue entre lesdeux langues : Dan Bigras à fonddans sa voiture où trône à l’arrièrel’inscription « Québec, je me sou-viens », sur la plaque d’immatricula-tion. Un petit pied de nez à son his-toire personnelle, un retour là où sonancêtre a débarqué… ■

« S’il y a dix francophoneset un anglophone à une table, la conversationva se faire en anglais,quasi systématiquement. »

Une ville où lebilinguisme est

omniprésent.

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