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Revue internationale du Travail, vol. 146 (2007), n o 1-2 NOTES, DOCUMENTS ET COMMUNIQUÉS Copyright © Organisation internationale du Travail 2007 Le Livre vert sur le droit du travail en Europe Par Joaquín GARCÍA MURCIA* Le 22 novembre 2006, la Commission des Communautés européennes a rendu public le Livre vert Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXI e siècle 1 . Ce document, relativement court, est essentiellement consacré, comme l’indique son titre, à la réglementation du travail. Mais, au-delà de son objet formel, il s’inscrit dans la stratégie pour l’emploi établie par les Etats membres de l’Union européenne à Lisbonne en 2000, dite «Stratégie de Lis- bonne», qui a ensuite donné lieu à nombre de propositions et de suggestions en matière d’emploi. Autrement dit, le Livre vert, bien que son propos et ses propositions se situent dans le champ de la législation du travail, est plutôt conçu comme un instrument d’analyse et de soutien de la politique de l’emploi et des ressources humaines à l’échelle communautaire. Plus généralement, on pourrait dire qu’il s’agit, une fois de plus, de concevoir et de délimiter le rôle de la législation du travail pour que le marché du travail offre des emplois suf- fisants dans des conditions de travail décentes, c’est-à-dire une bonne combi- naison entre quantité et qualité des emplois. Dans tous les cas, il s’agit d’un premier document de réflexion et d’ana- lyse en prévision d’une étude plus large à laquelle seront intégrées les contri- butions d’autres instances ou d’autres personnes, en plus des auteurs actuels. Une série de questions figurent à bon escient à la fin de chaque chapitre pour orienter ceux qui souhaitent apporter leur contribution – via une adresse élec- tronique indiquée dans le document – à ce travail de compilation de données, 1 * Titulaire de la chaire du droit du travail et de la sécurité sociale à l’Université d’Oviedo (Espagne). Courriel: [email protected]. Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les auteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées. 1 Document COM (2006) 708 (Bruxelles, Commission des Communautés européennes). Dis- ponible en ligne à l’adresse <http://ec.europa.eu/employment_social/labour_law/docs/2006/green_ paper_fr.pdf> [consulté le 4 mai 2007].

Le Livre vert sur le droit du travail en Europe

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Revue internationale du Travail

, vol. 146 (2007), n

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NOTES, DOCUMENTS ET COMMUNIQUÉS

Copyright © Organisation internationale du Travail 2007

Le Livre vert sur le droit du travail en Europe

Par Joaquín G

ARCÍA

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URCIA

*

Le 22 novembre 2006, la Commission des Communautés européennes a rendupublic le Livre vert

Moderniser le droit du travail pour relever les défis duXXI

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siècle

1

. Ce document, relativement court, est essentiellement consacré,comme l’indique son titre, à la réglementation du travail. Mais, au-delà de sonobjet formel, il s’inscrit dans la stratégie pour l’emploi établie par les Etatsmembres de l’Union européenne à Lisbonne en 2000, dite «Stratégie de Lis-bonne», qui a ensuite donné lieu à nombre de propositions et de suggestionsen matière d’emploi. Autrement dit, le Livre vert, bien que son propos et sespropositions se situent dans le champ de la législation du travail, est plutôtconçu comme un instrument d’analyse et de soutien de la politique de l’emploiet des ressources humaines à l’échelle communautaire. Plus généralement, onpourrait dire qu’il s’agit, une fois de plus, de concevoir et de délimiter le rôlede la législation du travail pour que le marché du travail offre des emplois suf-fisants dans des conditions de travail décentes, c’est-à-dire une bonne combi-naison entre quantité et qualité des emplois.

Dans tous les cas, il s’agit d’un premier document de réflexion et d’ana-lyse en prévision d’une étude plus large à laquelle seront intégrées les contri-butions d’autres instances ou d’autres personnes, en plus des auteurs actuels.Une série de questions figurent à bon escient à la fin de chaque chapitre pourorienter ceux qui souhaitent apporter leur contribution – via une adresse élec-tronique indiquée dans le document – à ce travail de compilation de données,

1

*

Titulaire de la chaire du droit du travail et de la sécurité sociale à l’Université d’Oviedo(Espagne). Courriel: [email protected].

Les articles signés, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que lesauteurs et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

1

Document COM (2006) 708 (Bruxelles, Commission des Communautés européennes). Dis-ponible en ligne à l’adresse <http://ec.europa.eu/employment_social/labour_law/docs/2006/green_paper_fr.pdf> [consulté le 4 mai 2007].

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de points de vue, de propositions et de suggestions. Il faut donc partir du faitque ce Livre vert est la première version d’un document enrichi sur la questionaujourd’hui cruciale de la modernisation du droit du travail. A cet effet, etentre autres possibilités, il est prévu que la Commission des Communautéseuropéennes elle-même présente en 2007 des communications sur l’applica-tion de ces propositions, notamment sur le niveau de «flexicurité» offert par lalégislation du travail. Cette notion entend associer flexibilité pour l’entrepriseet sécurité pour le travailleur. Le but de ces initiatives est de mettre en valeurles contributions éventuelles et «[d’]aider les Etats membres à accroître lesefforts dans les processus de réforme» (p. 5).

Pour ouvrir cette voie, le document propose un ensemble approprié dedonnées, d’avis et de réflexions qui se conjuguent sur trois plans distincts, bienque complémentaires: le diagnostic de la situation, l’évolution récente de lalégislation du travail, et la stratégie pour l’avenir. Le tout se situant naturelle-ment dans la perspective des problèmes de l’emploi et du travail en Europe auXXI

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siècle. Compte tenu du choix méthodologique, il s’agit avant tout decréer les conditions propices au débat – entre experts, partenaires sociaux et«autres parties intéressées» – pour identifier les problèmes, impliquer les gou-vernements et les autorités compétentes, stimuler le dialogue social entre syn-dicats et employeurs, dans le but d’influer sur le contenu des législations dutravail dans un avenir plus ou moins proche. Comme nous le savons déjà, cetteentreprise vise à mettre sur pied un ordre juridique et institutionnel propice àla création d’emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité, et ce par letruchement d’initiatives ou de réformes appropriées.

Le point de départ de cet ensemble de réflexions, propositions et orien-tations est la situation de l’emploi et, inévitablement, ses répercussions sur lesconditions de travail. L’analyse se porte, fort logiquement, sur l’Europe com-munautaire, mais, si l’on y regarde de plus près, nombre des problèmes évo-qués se rencontrent aussi dans d’autres régions du monde, au moins celles quide par leur rythme ou leur niveau de développement se situent dans l’orbite del’économie occidentale. Naturellement, au premier plan de l’analyse il est faitréférence à plusieurs phénomènes: précarisation de l’emploi, prolifération desformes de contrats ou d’emplois jusqu’ici considérés comme atypiques, crois-sance des relations de travail triangulaires, situations découlant de la décen-tralisation de la production, cession licite de main-d’œuvre (c’est-à-dire parl’intermédiaire des entreprises de travail temporaire), augmentation de la pro-portion du travail indépendant, en particulier de celui qu’on en est venu àappeler, même si l’expression est assez confondante, le travail «indépendantéconomiquement dépendant».

Toujours à ce premier niveau d’analyse, les auteurs ne manquent pas defaire référence, comme on pouvait s’y attendre, au travail clandestin ou au noir,totalement exclu de la protection du droit du travail, ainsi qu’à la segmentationcaractéristique de nos marchés du travail, qui divise la population active entreceux qui sont bien installés dans l’emploi, avec des conditions de travail décenteset une importante protection juridique, et ceux qui sont dans une situation bien

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plus problématique avec des emplois insatisfaisants ou de mauvaise qualité, qu’ils’agisse de la nature du travail lui-même ou bien du manque de protection juri-dique du travailleur. D’autre part, ils ne manquent pas non plus de faire l’iné-vitable référence à la «mondialisation» de l’économie, du commerce et dessystèmes productifs, associée à des risques considérables de «délocalisations» etde concurrence déloyale (entre entreprises mais aussi entre pays), ainsi qu’à lamenace habituelle de nivellement par le bas des conditions d’emploi et de travaildans les régions ou secteurs affectés.

Concilier flexibilité et sécurité

Pour les auteurs du document il semble que l’objectif est d’en arriver à un ordrejuridique et institutionnel qui dose, de façon appropriée, ces deux ingrédientsdont on parle tant ces derniers temps, et auxquels se réfère précisément, commeon l’a vu, une des communications prévues cette année 2007: la flexibilité pourl’entreprise et la sécurité pour le travailleur. Toutefois, l’une et l’autre ne béné-ficient pas, semble-t-il, du même traitement et de la même considération. Ce quisemble signifier que la flexibilité va de soi: il est sous-entendu que ce terme ren-voie à une situation juridique dans laquelle les initiatives des entreprises – créa-tion d’une activité, recrutement et affectation des travailleurs, mobilité etmodification des conditions de travail, restructuration ou cessation d’activité,etc. – ne doivent pas se heurter à des obstacles insurmontables ou injustifiés, afinque la gestion de l’organisation productive se fasse avec aisance, dans un cadrenormatif et institutionnel qui permette une adaptation progressive aux évolu-tions du marché ou de la concurrence. Ainsi, l’«adaptabilité» des entreprises estérigée en critère, mais aussi en justification de la flexibilité.

En revanche, à propos de la sécurité, les auteurs proposent de grandesorientations et ouvrent des pistes, sans considération, cette fois-ci, de leur carac-tère plus ou moins heureux; peut-être parce que le droit du travail ne peut avoir,au fond, d’autre sens que la protection des travailleurs, même par les temps quicourent. En fin de compte, c’est bien à cela que renvoient les considérations duLivre vert à propos de l’attention particulière que méritent les travailleurs tem-poraires ou à temps partiel, de la protection qu’il faut offrir aux travailleursqu’une entreprise de travail temporaire met à la disposition d’une entreprise uti-lisatrice ou à ceux qui travaillent dans des entreprises engagées dans la sous-traitance en cascade, de la protection qui doit être accordée à ceux qui sont affec-tés par la mobilité ou des déplacements transnationaux en raison de leur travail,ou du degré de protection «salariale» qu’il faudrait étendre à ces indépendantsque l’on considère comme «économiquement dépendants». C’est aussi de cettesécurité que relève la réflexion des auteurs sur la notion de travailleur salarié quin’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucune unification dans le cadre de l’Unioneuropéenne et qui peut donc présenter des nuances d’un pays à l’autre. Celacomporte un risque: les règles ou les mesures qui pourraient, à cet égard, êtreapprouvées ou recommandées par les instances communautaires n’auraient pas,selon le pays, le même champ d’application ou la même efficacité.

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Les outils proposés pour atteindre ce but – la «flexicurité» en définitive –sont divers, mais ils ne sont pas toujours présentés avec la précision attendueou en des termes compréhensibles et tangibles. Comme il est de coutume dansce genre de document, on trouve, parmi les principaux instruments mis enavant, une fois de plus, l’apprentissage et la formation continue ainsi que lespolitiques actives de l’emploi. La sécurité sociale garderait un rôle complé-mentaire, notamment avec l’assurance chômage, en tant qu’institution ayantpar nature pour fonction de garantir aux travailleurs des revenus de remplace-ment en cas de cessation d’activité, temporaire ou définitive. Enfin, l’adminis-tration du travail se voit conférer un important travail d’accompagnement.Selon les propositions du Livre vert, elle doit non seulement poursuivre sestâches habituelles d’information, de contrôle et de suivi de la situation enmatière d’emploi et de travail, mais elle devra aussi mettre en place les méca-nismes de coopération jugés nécessaires à cet égard, soit au sein de chaque Etatmembre (institutions publiques, intervenants sociaux, etc.), soit au niveausupranational ou communautaire, où évidemment il n’existe encore ni institu-tions communes chargées du contrôle de l’application des normes de travail, nilignes directrices en vue de l’harmonisation de ce type d’instruments.

En fin de compte, les espoirs d’amélioration semblent tenir essentielle-ment à ce que les travailleurs disposent de moyens de réussir leurs «transitions»,entendues dans un double sens: transition d’un emploi à un autre, afin que le tra-vailleur décide, selon les conditions du marché et l’état du système productif, derester dans son emploi ou de quitter l’entreprise pour une autre, présentantde meilleures perspectives de réussite ou de stabilité, ou bien transition entreactivité et inactivité et réciproquement. A cet effet, il est indispensable de mettreen place un bon dispositif d’attente ou de réadaptation pour ceux qui sont affec-tés, de sorte qu’ils disposent de revenus décents durant la période de transitionainsi que de moyens adaptés de formation et de requalification professionnelles.Lesdites «transitions professionnelles» constitueront finalement l’un des princi-paux points d’inflexion dans l’évolution des régimes du travail.

Dans le Livre vert, toutes ces idées sont développées au long de quatre par-ties, qui après une présentation et une justification du projet sont successivementconsacrées à un état des lieux du droit du travail dans l’Union européenne, àl’identification du «principal défi politique» qui n’est autre que la réalisation«[d’]un marché du travail flexible et favorable à l’intégration» et à la définitiond’orientations appropriées à la «modernisation» de la législation du travail, letout sous une forme très résumée. Nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’un appelà la réflexion à partir de premières orientations ou indications, qui font précisé-ment l’objet de chacune de ces quatre parties. En réalité, les questions poséesparaissent plus importantes que les apports directs. Les réponses pourraient serévéler plus pertinentes et approfondies que les informations déjà rassemblées.Nous sommes par définition devant un texte ouvert, «en construction».

Il n’est plus ici nécessaire de nous appesantir sur le contenu de ce texte qui,en fin de compte, se résume à ce que nous avons déjà exposé plus haut. Il suffitd’ajouter que la deuxième partie, qui d’une certaine manière reprend l’introduc-

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tion des premières pages, consiste en un bref survol de la législation du travaildans le champ de référence, celui de l’Union européenne évidemment, tant àl’échelle nationale qu’au niveau strictement communautaire. S’agissant duniveau national, on y met essentiellement en relief le changement d’orientationde la législation du travail ces dernières décennies, où elle s’est progressivementdépartie de sa rigueur traditionnelle et de son uniformité pour ouvrir la porte àdes formes d’emplois bien plus variées et bien plus souples, notamment avec ceque cela implique quant au coût de la rupture du contrat de travail, à de nouvel-les modalités de flexibilité interne – mobilité géographique, changements du lieude travail ou modifications des conditions de travail – et à de nouvelles règlesoffrant aux travailleurs une porte de sortie acceptable dans les situations de criseou de restructuration, ou simplement pour faciliter l’adoption de mesures dansce type de conjoncture.

S’agissant de la législation nationale, il est fait particulièrement référenceau rôle du dialogue social et des conventions collectives, qui selon le Livre vert– et cela est certainement incontestable – ont été dans bien des cas le véritablemoteur de la flexibilité dans les entreprises en ouvrant de nouveaux espaces àla gestion des ressources humaines (formation, mobilité, restructurations, etc.)et en offrant souvent plus d’autonomie, par rapport à la loi, dans la détermina-tion des conditions de travail, sans pour autant tourner le dos à leur vocation:améliorer progressivement les conditions d’emploi.

Dans le cadre communautaire, le document fait le point sur le travail con-sidérable mené à bien depuis la fin des années quatre-vingt pour améliorer lesconditions de travail (prévention des risques professionnels, aménagement etréglementation du temps de travail) et donner un statut juridique plus favorableà certaines catégories de travailleurs (temporaires ou à temps partiel, par exem-ple). Bien que dans cette note succincte il ne soit pas possible de résumer la tota-lité de l’action communautaire des dernières décennies, s’il y a une chose de sûre,comme l’indique le document, c’est que l’Union européenne a cherché à associerles nouvelles formes de travail qui se sont multipliées dans un souci de flexibilitéet la reconnaissance de droits sociaux minimaux pour tous les travailleurs. Il fautsavoir, en tout cas, que la fonction législative ou réglementaire de l’Union euro-péenne s’exprime d’une façon très particulière compte tenu du fait que, commele rappelle avec raison le document: «la protection des conditions de travail etl’amélioration de la qualité du travail dans les Etats membres dépendent essen-tiellement de la législation nationale et de l’efficacité des mesures de contrôle durespect de la législation prise au niveau national» (p. 7).

Un document utile, mais flou

Quant à l’évaluation de ce Livre vert sur la modernisation du droit du travail, ilfaut dire, avant tout, que nous avons là un texte de très grand intérêt pour ledébat et la discussion. Et cela pour deux raisons principales: parce qu’il proposede mettre le droit du travail au programme des années à venir – à l’opposé doncdes critiques enragées ou irrationnelles ou d’éventuels projets de liquidation – et

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parce qu’il suppose une élévation notable, par rapport à ce qui se fait tradition-nellement, du niveau de l’analyse et de l’action institutionnelle, qui ne se limite-rait plus aux problèmes nationaux et concorderait, à raison, avec la dimensiontransnationale de la production et de l’emploi. En outre, c’est une bonne choseque de se départir de l’habituelle accusation selon laquelle les normes du travailentravent la création d’emplois, de même que de l’attitude traditionaliste quiconsiste à se lamenter de la disparition progressive de règles supposées sacréesou intouchables. Selon toute probabilité, sa principale valeur tient à son accep-tation implicite des changements que connaît le système économique et pro-ductif, et à sa détermination de se tourner vers l’avenir pour aborder dans lesmeilleures conditions possibles le devenir du droit du travail.

Cela dit, il s’agit d’un texte insuffisant, quelque peu équivoque et assezflou. Mais il est possible de combler ces lacunes grâce au processus d’«auto-alimentation» et d’amélioration que le document lui-même propose. Il estinsuffisant dans son diagnostic et dans son rayon d’action parce qu’il est diffi-cile de parler aujourd’hui des problèmes du marché du travail et des évolutionsde la législation du travail sans faire explicitement référence à trois phénomè-nes (ou moins) d’envergure exceptionnelle dans le cadre de l’Europe commu-nautaire: d’abord l’immigration qui, qu’on le veuille ou non, est un facteurdéterminant de l’emploi et des conditions de travail; ensuite les inégalités derichesse et de niveau de vie entre les divers pays de l’Union européenne elle-même, qui inévitablement interviennent dans les mouvements de la popula-tion et du capital, ainsi que dans les attentes relatives à la stabilité des affairesou de l’emploi; enfin la situation de plein emploi qui existe dans de nombreusesrégions du marché européen et découle de la création de richesse de ces der-nières décennies, malgré toutes ses inéquités. Par ailleurs, ce document estambigu et flou tant dans sa terminologie que dans l’identification des causes oula fixation des objectifs, en ceci qu’il tombe dans les sujets rebattus et les lieuxcommuns (la nostalgie des temps passés, l’excellence des normes anciennes) etparce qu’il donne l’impression d’accorder une confiance aveugle à des «recet-tes» (flexicurité, transitions professionnelles, politiques actives de l’emploi,dialogue social) qui, si l’on y regarde bien, paraissent relever plus du domainede la création académique que des véritables forces motrices du développe-ment économique et de l’emploi, sans que cela signifie qu’elles ne soient pasutiles, appropriées ou estimables.