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Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2013 - Vol. 7 - N°4 375 Épidémiologie, coûts et organisation des soins Correspondance : Serge Halimi Pôle DigiDUNE Clinique d’endocrinologie-diabète-nutrition Pavillon les Écrins Centre hospitalier universitaire de Grenoble 38043 Grenoble cedex [email protected] S. Halimi Pôle DigiDUNE, Clinique d’endocrinologie-diabète-nutrition, CHU de Grenoble. Mots-clés: Obésité – chirurgie bariatrique – rapport – France. Key-words: Obesity – bariatric surgery – report – France. Le rapport de la Cnamts sur la chirurgie bariatrique en France Bariatric surgery in France: A report from the Cnamts Introduction La Caisse nationale d’Assurance mala- die des travailleurs salariés (Cnamts) dispose aujourd’hui de très nombreuses données qui permettent, enfin, de mettre la France au niveau des autres pays développés en ce qui concerne le suivi des pratiques, dont celles portant sur la chirurgie bariatrique des obési- tés sévères. Cette étude s’appuie sur les données extraites du Programme de médicalisation des systèmes d’in- formation (PMSI) 2006-2011 (France métropolitaine et outre-mer) et du système d’information de l’Assurance maladie (SNIiRAM), tous régimes confondus, de 2010 à 2011 [1]. On sait que cette chirurgie se déve- loppe, mais les données de la Cnamts offrent quelques surprises. Les données des ballons intra-gastriques et des sti- mulateurs intra-gastriques avec sonde pariétale, n’ont pas été prises en compte dans cette analyse de la Cnamts. Une progression spectaculaire du nombre d’interventions ! La progression du nombre de gestes réalisés est spectaculaire, puisqu’ils ont plus que doublé en 5 années, passant de 15 000 gestes, tous types confondus, en 2006, à 30 513 actes en 2011 (+16 % par an entre 2006 et 2011) (figure 1). Ce qui frappe le plus est surtout la véri- table explosion des opérations dites de « sleeve gastrectomie » (gastrectomie en manchon), qui consistent à réséquer la grande courbure de l’estomac, passant de quelques centaines réalisés en 2006 à près de 15 000 en 2011 et, gageons, bien plus encore en 2012/2013, de loin la technique la plus employée aujourd’hui en France. Dans le même temps, l’on assiste à une nette diminution de la pose d’anneaux gastriques ajustables (pas- sant de plus de 10 000 en 2006, à moins de 7 500 en 2011), et à une progression constante des by-pass, rarement prati- qués en 2006, et qui concernaient, en 2011, près de 10 000 patients. Les deux techniques dites irréversibles, sleeve gastrectomie et by-pass, repré- sentent donc, actuellement, 75 % des gestes, et, plus l’indice de masse corpo- relle (IMC) est élevé, et plus le recours à ces deux techniques est fréquent. Quel est le profil de ces patients ? Ce sont pour 83 % des femmes, âgées en moyenne de 39 ans. Sur l’ensemble des opérés, 16 % étaient bénéficiaires de la Couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C). Les IMC sont de 40 kg/m 2 ou plus pour 70 % des femmes et 77 % des hommes, pour plus de 60 % avec un IMC entre 40 et 49 kg/m 2 , il s’agit bien ici d’obésités morbides. Parmi l’ensemble des opérés, environ 20 % sont âgés de moins 30 ans, dont 700 avaient, en 2011, moins de 20 ans (80 % de jeunes filles).

Le rapport de la Cnamts sur la chirurgie bariatrique en France

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Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2013 - Vol. 7 - N°4

375Épidémiologie, coûts et organisation des soins

Correspondance :

Serge Halimi Pôle DigiDUNEClinique d’endocrinologie-diabète-nutritionPavillon les ÉcrinsCentre hospitalier universitaire de Grenoble38043 Grenoble [email protected]

S. HalimiPôle DigiDUNE, Clinique d’endocrinologie-diabète-nutrition, CHU de Grenoble.

Mots-clés: Obésité – chirurgie bariatrique – rapport – France.

Key-words: Obesity – bariatric surgery – report – France.

Le rapport de la Cnamts sur la chirurgie bariatrique en FranceBariatric surgery in France: A report from the Cnamts

Introduction

La Caisse nationale d’Assurance mala-die des travailleurs salariés (Cnamts) dispose aujourd’hui de très nombreuses données qui permettent, enfin, de mettre la France au niveau des autres pays développés en ce qui concerne le suivi des pratiques, dont celles portant sur la chirurgie bariatrique des obési-tés sévères. Cette étude s’appuie sur les données extraites du Programme de médicalisation des systèmes d’in-formation (PMSI) 2006-2011 (France métropolitaine et outre-mer) et du système d’information de l’Assurance maladie (SNIiRAM), tous régimes confondus, de 2010 à 2011 [1]. On sait que cette chirurgie se déve-loppe, mais les données de la Cnamts offrent quelques surprises. Les données des ballons intra-gastriques et des sti-mulateurs intra-gastriques avec sonde pariétale, n’ont pas été prises en compte dans cette analyse de la Cnamts.

Une progression spectaculaire du nombre d’interventions !

La progression du nombre de gestes réalisés est spectaculaire, puisqu’ils ont plus que doublé en 5 années, passant de 15 000 gestes, tous types confondus, en 2006, à 30 513 actes en 2011 (+16 % par an entre 2006 et 2011) (figure 1). Ce qui frappe le plus est surtout la véri-table explosion des opérations dites de

« sleeve gastrectomie » (gastrectomie en manchon), qui consistent à réséquer la grande courbure de l’estomac, passant de quelques centaines réalisés en 2006 à près de 15 000 en 2011 et, gageons, bien plus encore en 2012/2013, de loin la technique la plus employée aujourd’hui en France. Dans le même temps, l’on assiste à une nette diminution de la pose d’anneaux gastriques ajustables (pas-sant de plus de 10 000 en 2006, à moins de 7 500 en 2011), et à une progression constante des by-pass, rarement prati-qués en 2006, et qui concernaient, en 2011, près de 10 000 patients. Les deux techniques dites irréversibles, sleeve gastrectomie et by-pass, repré-sentent donc, actuellement, 75 % des gestes, et, plus l’indice de masse corpo-relle (IMC) est élevé, et plus le recours à ces deux techniques est fréquent.

Quel est le profil de ces patients ?

• Ce sont pour 83 % des femmes, âgées en moyenne de 39 ans. Sur l’ensemble des opérés, 16 % étaient bénéficiaires de la Couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C). Les IMC sont de 40 kg/m2 ou plus pour 70 % des femmes et 77 % des hommes, pour plus de 60 % avec un IMC entre 40 et 49 kg/m2, il s’agit bien ici d’obésités morbides. Parmi l’ensemble des opérés, environ 20 % sont âgés de moins 30 ans, dont 700 avaient, en 2011, moins de 20 ans (80 % de jeunes filles).

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2013 - Vol. 7 - N°4

376 Épidémiologie, coûts et organisation des soins

Figure 2. Suivi de la chirurgie bariatrique en France. Distribution des actes, par type d’actes, selon la région de l’établissement, en 2011

(n = 30 513 actes) [1].

Figure 1. Tendances temporelles des actes de chirurgie bariatrique, par type d’actes, de 2006 à 2011, en France [1].

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2013 - Vol. 7 - N°4

377Le rapport de la Cnamts sur la chirurgie bariatrique en France

Les co-morbidités étaient, par ordre de fréquence : 25 % pour l’hyperten-sion artérielle, un peu plus de 10 % de diabète de type 2, ou de syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), ou de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), ou, enfin, d’hypercholestérolémie. • Le taux d’intervention est jusqu’à 3

fois plus élevé dans certaines régions métropolitaines, sans corrélation avec la prévalence de l’obésité. Les taux les plus élevés concernent le sud de la France, le centre est et le nord. Le type de chirurgie proposé varie selon les régions, ce qui pose la question du choix qui est proposé au patient (figure 2). Dans la région Rhône Alpes, 58 % sont des anneaux ajustables, deux fois plus que la moyenne nationale, alors qu’en Bretagne, 68 % sont représentés par des by-pass. Un tel constat pose le problème de la pertinence des indica-tions posées ! • L’on en retient que 33 établissements,

sur les 426 recensés, réalisent 35 %

des gestes opératoires. Le nombre de geste varie donc grandement entre les établissements : 32 réalisent plus de 200 gestes par an (11 000 actes), quand 175 en réalisent moins de 30 par an (1 718 actes).

Les projets de l’Assurance maladie

• À l’avenir, l’Assurance maladie se pro-pose de : - mieux faire connaître les recommanda-tions actuelles [2] ; - actualiser les référentiels de bonne pratique concernant les indications chirurgicales ;- favoriser la labellisation des centres prenant en charge la chirurgie bariatrique des jeunes patients ; - mettre en place une étude de cohorte exhaustive de suivi de nouveaux opérés, en particulier les patients jeunes et les patients adultes diabétiques, afin d’analyser les bénéfices et les risques de cette chirurgie.

• On sait que, déjà, des centres spé-cialisés ayant pour mission de pratiquer cette chirurgie selon les principes de la HAS [2], mais également l’organisa-tion des soins des patients obèses en régions, ont été mis en place, en 2012, par les Agences régionales de santé (ARS), dans le cadre du plan de lutte obésité 2010-2013.

Déclaration d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt

en lien avec cet article.

Références

[1] Paita M, Fagot-Campagna A, Czernichow S, et al. La chirurgie bariatrique en France en 2011, et son évolution depuis 2006 : données nationales exhaustives de l’Assurance Maladie. Diabetes Metab 2013;39 (Special issue 1):A15 [Abstract O60].

[2] Haute Autorité de Santé (HAS). Obésité  : prise en charge chirurgicale chez l’adulte. Recommandations de bonne pratique. Janvier 2009. www.has-sante.fr