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MASTER ALIMENTATION Parcours « Management et ingénierie de la restauration collective » Parcours « Sciences sociales appliquées à l’alimentation », présenté par MBOUP Salimata.
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UNIVERSITÉ DE TOULOUSE II
- LE MIRAIL
CENTRE D’ÉTUDES DU TOURISME,
DE L’HÔTELLERIE ET DES
INDUSTRIES DE L’ALIMENTATION
MASTER ALIMENTATION
Parcours « Management et ingénierie de la restauration collective »
Parcours « Sciences sociales appliquées à l’alimentation »
MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE
Le rayon halal, quel avenir
dans la grande distribution ?
Présenté par :
MBOUP SALIMATA
Année universitaire 2009-2010
Sous la direction de : Geneviève CAZES-VALETTE
2
A ma très chère mère AMINATA NGOM
3
Remerciements
Je tiens à remercier Madame Geneviève Cases-Valettes, pour son suivi et ses conseils
professionnels,
L’équipe du centre de recherche Edgard Morin de Paris et particulièrement Évelyne RIBERT
pour sa sympathie, sa disponibilité, et son soutien.
Mes remerciements vont également aux consommateurs et chefs de rayon qui ont répondu oui
à mes enquêtes et à toutes les personnes qui ont participé à la réalisation de ce mémoire.
Je dis enfin un grand merci à ma très chère famille pour son implication.
4
Sommaire
Introduction
Chapitre 1 : Démarches méthodologiques
1. Entrée en matière
2. Recueil de données
Chapitre 2 : Approches religieuses
1. La religion, approche générale
2. Rapport entre le fait alimentaire et la religion
3. Le cas de l’Islam
4. Le halal, un principe islamique
Chapitre 3 : Le marché des produits halal en France
1. Les produits halal
2. Le boom des produits halal
3. Représentations et pratiques des consommateurs
4. La juridiction
Chapitre 4 : Le futur du rayon halal dans la grande distribution
1. Entrée des produits halal dans la grande distribution
2. Situation de crainte
3. Stratégies des grandes surfaces
Conclusion
5
Introduction
Le marché des produits halal est en plein essor en France. Réservé auparavant aux commerces
traditionnels à savoir les boucheries, ce marché attire aujourd’hui les plus grandes enseignes
de la distribution. Du coup, l’offre sur le marché est élargie à d’autres produits alimentaires.
Autrement dit, les produits halal ne se limitent plus à la viande et à la charcuterie mais, on
note une ouverture vers les produits de l’agro-alimentaire. Ces derniers correspondant et
répondant aux modes de vie de la société moderne.
Cette entrée de la grande distribution sur le marché du halal est liée à plusieurs raisons. La
première et principale raison est l’augmentation de la population musulmane consécutive aux
immigrations maghrébine, subsaharienne et turque. Mais, cet accroissement de la population
musulmane est aussi lié à des faits sociaux tels que la polygamie, la fécondité, les mariages
mixtes et des faits économiques tels l’élargissement de l’offre etc.… La grande distribution
tente de répondre aux attentes de cette population, qui compteraient à ce jour a entre 4 et 5
millions de personnes (Zemmour, 2008) en France. Cette population a entre autres des
pratiques et représentations religieuses la conduisant à consommer halal. Par ailleurs, la
consommation de produit halal n’est pas seulement réservée à la clientèle musulmane. Le
profil du consommateur étant pluriel, le motif de consommation halal n’est pas uniquement
religieux.
Si les consommateurs demandent des produits halal et ont des attentes sur ceux-ci ils sont
aussi très méfiants vis-à-vis de ceux-ci. Cette méfiance est liée à l’absence d’organisation du
marché halal et donc de « référentiel halal », qui favorise une multiplicité de définitions et par
conséquent de « marques ». A chaque organisme de certification, sa définition et à chaque
consommateur son produit halal.
A côté de cette frilosité du consommateur, les produits halal ne sont pas acceptés par tous : ils
font l’objet de débats politiques et médiatiques, étant associés à une consommation religieuse
et communautaire.
Nous allons voir comment dans ces conditions, la grande distribution compte s’y prendre pour
développer la vente de ces produits?
Après avoir présenté la méthodologie, nous tenterons de définir, à travers les interdits
alimentaires, ce qu’est le halal pour l’islam. Puis nous étudierons le marché du halal en
France, afin de connaitre ses contours, c’est-à-dire les consommateurs, leurs pratiques et
leurs représentations. Enfin, nous nous centrerons sur la grande distribution et analyserons ses
stratégies pour augmenter ses ventes dans ce domaine.
6
Chapitre I
Démarches Méthodologiques
7
1.Entrée en matière
1.1 Choix du sujet
Le commerce des produits halal crée aujourd’hui un engouement dans la grande
distribution. En effet, il y a encore deux décennies, le marché du halal était pratiquement
inconnu du domaine de la grande distribution. Celui-ci était l’apanage des commerces les plus
spécialisés et traditionnels, à savoir les boucheries musulmanes. Cet enthousiasme de la
grande distribution pour le halal n’échappe pas à la presse qui en a fait un grand sujet de
discussion et d’actualité, en lien avec des questions d’ordres religieux, politiques,
économiques et sociologiques, dans le cadre notamment du débat sur l’immigration, l’identité
nationale, la burqa etc… En outre, après lecture des commentaires dans les forums de
discussion sur les produits halal, on remarque beaucoup plus de réactions négatives que
positives. Bon nombre d’internautes sont en désaccord avec le fait qu’un rayon spécial puisse
être consacré aux produits halal dans la grande distribution. Ils considèrent ce marché comme
une incitation au communautarisme ou y voient ce que Florence Bergeaud-Blackler appelle
une « islamisation » de la grande distribution. Activité qui donc est considérée par certains
comme motivée par une religion, l’islam en l’occurrence. Religion qui n’est pas tout à fait, ni
totalement acceptée par tout le monde et qui suscite des débats et des polémiques. Toutes ces
questions nous poussent à nous interroger sur l’avenir du rayon halal dans la grande
distribution.
1.2 Problématique
La prolifération des produits halal sur le marché et dans la restauration suscite des
débats auprès des consommateurs, médias et acteurs politiques. Ces derniers ne cessent de se
poser des questions sur le halal, les uns étant pour et les autres contre. Dans cette situation,
comment est ce que les consommateurs en général et plus particulièrement ceux des produits
halal perçoivent le rayon halal dans la grande distribution ? Quelles peuvent être leurs
attentes et suggestions?
En parallèle, quelles stratégies adoptent les professionnels de la grande distribution pour faire
perdurer le rayon halal ? Autrement dit, comment pensent-ils s’y prendre afin de répondre aux
besoins du client et de le fidéliser ? Quels peuvent, être dans ces situations, leurs critères de
sélection des produits, des labels halal (fournisseurs, certification) etc.…
8
1.3 Questions de départ
Quel peut être l’avenir des produits halal dans la grande distribution ? Les stratégies
commerciales mises en place par la grande distribution correspondent-elles aux attentes des
consommateurs de halal ? Et comment composent-elles avec le débat public sur ce type de
produits ? Celui-ci est-il susceptible d’entraver le développement de ces produits ?
2.Méthode de recueil de données
Pour mener à bien notre étude, nous avons établi une méthode de travail que nous allons
détailler.
2.2 Recherche bibliographique
Tout d’abord, on a effectué une recherche bibliographique sur tous les axes de notre sujet :
religion et alimentation : pour mieux appréhender le rapport entre les deux et avoir un
aperçu sur les interdits alimentaires en Islam dans le but de bien définir le halal.
Socio-économie : pour étudier les contours du marché du halal en France afin de
connaitre le consommateur halal, ses pratiques et ses représentations. Mais aussi et
surtout pour déterminer les raisons de l’essor de ce marché en France.
Juridique : pour connaître le fonctionnement du marché du halal en matière de qualité
du produit (sécurité sanitaire des aliments, certification, label etc…). Autrement dit,
pour savoir comment sont définis les produits halal.
Ainsi, nous nous sommes servis d’ouvrages, de revues, d’articles électroniques, de données
statistiques, d’articles de presse, de résultats d’enquêtes etc….
2.3 Entretiens de recherche
Afin d’avoir de plus amples données et de compléter notre recherche bibliographique, nous
avons également mené une enquête de terrain. On a ainsi réalisé des entretiens semi-directifs
auprès d’une population spécifique avec un guide d’entretien établi au préalable. Notre
échantillon est le suivant
Consommateurs halal (allant du strict au souple) : un consommateur strict c’est
quelqu’un qui ne consomme que halal, tandis qu’un consommateur souple peut
adapter son alimentation en fonction des circonstances.
- 1 consommateur strict : origine sénégalaise, 29 ans, présent en France depuis 9ans,
résidant à Nice.
9
- 3 consommateurs souples dont :
1 d’origine sénégalaise, 25 ans résidant en France depuis 5 ans,
célibataire, Toulouse
1 d’origine sénégalaise, 33 ans résident en France depuis 1an, Toulouse
1 français d’origine éthiopienne, 24 ans Toulouse
Non-consommateurs halal : 1 un homme d’origine française, 24 ans, Bordeaux
Chefs de rayons dans des enseignes qui font du halal : 2 de chez Casino, Paris
Bouchers non halal : 1
Pour les consommateurs, nous n’avons pas défini au préalable d’âge, de genre, de milieu
social ou d’origine. De même, pour les chefs de rayon, on n’a pas limité notre choix à des
enseignes bien déterminées, on a seulement choisi des enseignes qui font du halal en France.
2.4 Internet : facebook, forums, commentaires
On s’est également beaucoup servi de l’outil internet notamment des forums de discussion et
de facebook, pour connaitre les points de vue des consommateurs et non consommateurs sur
le halal. Ainsi, à côté des questions qu’on a nous même posées sur les forums et sur facebook,
on a trouvé des discussions portant particulièrement sur le halal dans les grandes surfaces.
Les commentaires par les internautes d’articles de presse, de vidéos qui parlent de halal, sur
internet nous ont également beaucoup aidés.
2.5 Observation directe
On s’est également rendu dans une grande surface (Casino) qui fait du halal pour répertorier
les produits halal, les organismes de certifications, les labels etc….
3.Limites
Notre travail présente toutefois des limites. Il n’a en effet pas été possible de réaliser notre
objectif de départ, à savoir faire beaucoup plus d’entretiens auprès de notre échantillon, mais
aussi, auprès de chefs de rayons qui ne font pas de produits halal pour connaitre leurs points
de vue. Savoir également si ce marché les intéresse, pourquoi ils ne font pas de halal et s’ils
envisagent d’en faire ?
Ceci, pour des contraintes de temps, mais aussi et surtout en raison d’un réseau social qui
n’est pas riche. Du coup, l’ensemble des entretiens avec les consommateurs s’est fait dans
notre entourage ce qui peut altérer la représentativité de l’échantillon.
10
En plus, ce sujet étant sensible, on a eu du mal à aborder certaines questions dans le dossier
de peur des conséquences que cela pourrait entrainer.
Une anecdote : Quand on a posé la question sur Facebook: Est-ce que quelqu’un sait pourquoi
le porc est interdit par l’Islam1 ?
Le lendemain, une proche qui se trouve à l’étranger m’a envoyé des messages sur mon
téléphone : « on m’a dit que tu posais des questions sur la religion, qu’est-ce qui te prends ?
Tu veux te faire tuer ? Tu risques d’être vilipendée !! ». Et tout de suite, un autre message de
la même personne : « on m’a dit que tu demandais pourquoi les musulmans ne mangeaient
pas de porc !! Si tu le sais, tu le gardes pour toi et occupes toi de tes études». Je lui ai
répondu : « Cela fait partie de mes études, c’est une enquête que je fais dans le cadre de mon
mémoire ». Et après je l’ai appelée pour lui expliquer. Et là elle m’a suggérée d’appeler
quelqu’un au village pour avoir les réponses dont j’ai besoin, « mais ne te fais pas tuer !!! »
ajoute-t-elle.
Cet exemple montre la sensibilité du sujet, qui reste tabou et tu par tout le monde.
En outre, j’ai du faire preuve de sélectivité pour éviter de caricaturer et de choquer certains
surtout sur les forums de discussions où l’on trouve des arguments sur la religion qui, en tant
que musulmane sont durs à avaler. Ce qui introduit également la question de la distance que
j’ai eu du mal à prendre par rapport au sujet et que je suis en train de construire.
1 A chaque fois que l’on demande à un musulman pourquoi vous ne mangez pas de porc, la réponse qui revient le plus est
« parque c’est interdit par la religion ». Mais, beaucoup ne savent pas le pourquoi de cette interdiction. Raison pour laquelle
cette question a été posée.
11
Chapitre II
Approches religieuses
12
1.Alimentation et religions
1.2 La religion : approche générale
Essayer de trouver une « bonne » et unique définition de la religion est à éviter selon Jean
François Dortier (2005) fondateur du magazine Sciences Humaines, car, c’est un point où les
chercheurs ne parviennent pas à trouver un accord. Pour lui, il existe deux conceptions
fondamentales qui s’affrontent autour de la religion. La première nous dit-il, est l’essence
unique de la religion. Par essence unique, il entend, une unité de la religion qui est représentée
par l’idée de « l’homo religiosus ». Dans cette première approche de la religion, l’unité
religieuse s’exprimerait à travers « la croyance en l’existence d’un monde invisible,
transcendant et sacré, peuplé d’esprits ou de dieux auxquels les hommes vouent depuis
toujours un même type de culte ». Autrement dit, toutes les croyances ne seraient que des
manifestations différentes de la même « posture mentale2 » et leur expression se fait à travers
un même schéma de représentation. Dans cette perspective, toutes les religions ont un point
commun qui est celui de croire à quelque chose qui est au-delà du réel, et du concret. A
l’opposé, nombre d’auteurs sont contre le fait de rassembler des phénomènes très différents en
une réalité unique. Pour ces auteurs en particulier des historiens, « il n’existe pas une religion,
mais des religions ». Par ailleurs, la critique qui a été faite à ces auteurs est le fait que ceux-ci
tendent à distinguer et à particulariser leur objet d’étude. C’est pourquoi, nous dit Daniel
Dubuisson dans « L’occident et la religion, Mythes, sciences et idéologie » le terme de
religion même est une notion récente de la pensée occidentale et qu’il permet d’isoler le
domaine du religieux du reste de la société pour en faire un monde à part. D’autant plus que,
tout ce qui compose une religion à savoir mythes, rites, culte des idoles, quête de
transcendance etc…se retrouvent ailleurs (cinéma, sport, musique…). Cependant, tout le
monde reconnait que ce que l’on nomme religion est un « arsenal » qui recouvre une réalité
complexe et hétérogène. C’est pour cette raison que G.Van Der Leeuw historien et philosophe
de la religion pensait qu’il fallait étudier la religion sous ses différentes constituants, à savoir
croyances, pratiques, rites …
Ainsi, Emile Durkheim, voit dans la religion un phénomène social fondamental d’où dérivent
tous les autres, un « système solidaire de croyances et de pratiques (rites) relatives à des
choses sacrées c’est-a-dire séparées, interdites ».
2 Editions Sciences Humaines, La religion, unité et diversité, PUF 2005 p.8
13
Du point de vue de l’indéniable, on reconnait que la religion est « un système de croyances
avec son panthéon de divinités, sa cosmologie, et ses mythes d’origine ; une morale avec ses
interdits et ses prescriptions, ses valeurs et ses tabous; des rituels et des cérémonies, avec ses
prières et ses objets de culte; des personnages spécialisés dans la médiation avec les esprits ».
C’est dans cette perspective que Claude Rivière nous parle de la religion en tant que champ
particulier avec
des objets: les puissances (dieux, génies, démons, fétiches, ancêtres, ..), les milieux
sacrés (pierre arbre, feu, eau, animaux etc.)
des sujets : l’homme sacré (roi, prêtre, saint, magicien), la communauté culturelle
(clan, Eglise, secte, confrérie) les éléments spirituels de l’homme (âmes, doubles,
esprits)
des expressions : théoriques (croyances, mythes, doctrines), pratiques (cultes, rites,
fêtes, actes magiques) sociologiques (les types de liens sociaux autour d’une
organisation religieuse), culturelles (variables selon les aires et les formes
d’économies dominantes : religion du guerrier, du marchand), historiques (la vie
religieuse change à travers les époques).
Et des fonctions
explicatives : pallie un savoir empirique défaillant
organisatrices : à travers l’ordre qu’il vise à sauvegarder
sécurisantes : la peur et les tensions psychiques deviennent supportables par le biais de
la foi et de l’espérance d’une justice
intégratives : agit comme un mécanisme de contrôle social, liée à une morale du
respect et de la sanction, crée une communion des croyants
Cette conception de la religion permet de la voir sous tous ses angles. Autrement dit, la
religion est un champ très large et complexe qui implique plusieurs phénomènes liés entres
autres aux croyances, aux cultures, aux époques. On voit apparaitre dans ces définitions des
notions fétiches qui sont communes à toutes ou pratiquement toutes les religions à savoir le
sacré, le tabou, les mythes, les rites etc.
Ainsi, la religion instaure des lois, des règles et des interdits dans tous les domaines de la vie
sociale (alimentation, sexualité…) que tout croyant doit respecter. Nous allons voir dans la
partie qui suit le rapport entre la religion et l’alimentation.
14
1.3 Rapport entre le fait alimentaire et la religion
L’alimentation et la religion ont toujours été, en tout cas depuis l’apparition des sociétés
néolithiques avec l’invention de la domestication du blé et des animaux, en parfaite harmonie.
On ne peut parler de l’une sans parler de l’autre. C’est pourquoi, Jacques Goody nous rappelle
dés sa première phrase au colloque de l’AFSR « A croire et à manger, Alimentation et
religion », que «qui dit religion, dit alimentation ». Dans les religions les plus primitives, c’est
à dire celles où on adorait des « dieux », l’alimentation occupait une place importante. Les
« dieux » étaient nourris avec les mêmes aliments que les hommes. Ces aliments étaient en
réalité des offrandes qui par la suite sont consommés par les habitants.
Ce système de nourriture via l’offrande passe d’abord par le sacrifice3. Celui-ci étant
considéré comme relativement présent dans toutes les religions. Dans les religions d’Afrique
noire par exemple, le sacrifice est un composant primordial des rituels, un moment important,
symbolique chargé de pouvoir, un acte qui doit permettre à ceux qui l’exécutent de se faire
entendre des pouvoirs pour l’état d’ordre ou de chaos dans le monde du cosmos (Masquelier,
1994). D’une manière générale, le sacrifice renvoie à la viande. Dans certains cas, l’offrande
est un animal égorgé qui est soit distribué à la tribu soit jeté, ou utilisé à d’autres fins selon les
religions. Dans d’autres cas, l’offrande peut être autre que de la viande. Lors des funérailles
religieuses en Afrique, ce sont des céréales qui sont cuisinées en forme de bouillie et
distribuées pour l’esprit du mort. Au Sénégal, cela peut être soit sous forme de riz (« nakk »)
soit de mil (le « laakh »), qui sont les principaux aliments partagés lors des fêtes religieuses
ou juste pour les sacrifices au quotidien. Cet aspect de fête est très important, car dans les
« religions du Livre », les fêtes correspondent à des moments importants de vie des prophètes,
raisons pour laquelle, Jacques Goody nous parle de moment de jeûne ou de festin. Dans les
premiers nous dit Goody, on se prive de certains aliments tandis que dans les seconds, on se
gorge de denrées spéciales ou, ce sont par exemple les fameux gâteaux de noëls, les
pâtisseries pascales etc… Ces moments permettent de distinguer les aliments de
consommation quotidienne et les aliments qui sont réservées à des occasions importantes et
spéciales.
Par ailleurs, il est nécessaire de signaler que la religion a élaboré des systèmes d’interdits et de
rites liés à l’alimentation. Les interdits, concernent entres autres certains aliments, ou la
quantité d’aliments que l’on doit consommer. Dans le cas des rites, la religion a mis en place
des lois ou des principes qu’il faut appliquer pour consommer un aliment, sans quoi, celui-ci
3 Terme qui regroupe plusieurs sens selon les disciplines, théologie, anthropologie, Histoire des religions (Turner, 1997)
15
reste inconsommable. Ce système permet à un groupe d’individus qui partage des valeurs ou
croyances communes de délimiter leur espace du mangeable. Celui-ci étant l’ensemble des
aliments qu’un groupe ne doit pas, doit, ou peut manger selon son biotope, ses ressources, ses
croyances, ses valeurs, ses cultures, ses interdits, ses tabous etc… En effet, dans les religions
du Livre, l’alimentation fait partie des plaisirs terrestres dont on ne doit pas abuser, et qui
nécessite une consommation modérée. Ceci parce que, pour entrer en communication avec
Dieu, il est souvent nécessaire de jeûner ou de renoncer au luxe et l’abondance4. Ce qui sans
doute a poussé l’historien Ibn Khaldoun à établir une comparaison entre le niveau de croyance
et le lieu géographique où l’on habite. Il considère que les habitants du désert, endroit où il y a
pas d’abondance alimentaire, sont plus pieux que les gens de la ville où au contraire existe
luxe et abondance. Pour cet historien, le degré de religiosité est fortement lié au lieu
d’habitation. Raison pour laquelle, « l’existence des ascètes et des pieux se limitent au désert
où les gens mangent frugalement ». Ceci est en outre lié au fait que les urbains consomment
énormément de viande, d’assaisonnements et de blés raffinés qui les rendent têtus et
négligents. Dans cette même optique, Audrey Richard nous explique que l’acte de renoncer à
un aliment est aussi important que de renoncer à la sexualité. En général, dans certaines
croyances, notamment dans les sociétés les plus complexes, l’aliment auquel on renonce est
souvent lié à son propre clan, ou à un lieu sacré dans ce cas, on parle de totémisme. Le sacré
relève des croyances mystérieuses, divines et taboues des groupes sociaux.
L’alimentation est en elle-même un fait très complexe, qui touche plusieurs domaines,
plusieurs faits, dont le domaine de la religion. Chaque aliment a une signification, une
signification qui est différente selon les groupes sociaux, leurs croyances, leurs valeurs. Ainsi,
des règles sont établies, des prohibitions, des rites des représentations et des pratiques. A
chaque religion, son système alimentaire, son espace du mangeable, ses interdits, bref ses
normes. Nous allons voir ce qu’il en est des interdits alimentaires en islam.
4 Goody Jacques Colloque « À croire et à manger. Religions et alimentation », AFSR – 6 et 7 février 2006
16
1.4 Le cas de l’islam
1.4.1 Qu’est ce que l’islam ?
Définir, l’islam n’est pas chose facile, car, c’est un terme polysémique qui selon les nations,
les histoires, les cultures, les politiques, les idées etc… a été interprété et par conséquent
défini différemment.
Etymologiquement, le mot islam vient du verbe « aslama5 » qui signifie « s’en remettre,
s’abandonner ». Ainsi, on peut en déduire que le terme islam signifie dans le contexte
religieux et voulu par Dieu le fait de « répondre à la volonté ou à la loi de Dieu ».
C’est une religion monothéiste fondé par le prophète Mahomet en Arabie au VII siècle.
Mahomet
Fondateur de l’Islam, Mahomet est un chef religieux, politique né à la Mecque en 570 et
mort à Médine en 632. Son père est un marchand du nom d'Abdallah. Ce dernier meurt en
voyage deux mois avant que n'accouche sa femme, Amina. Mahomet devient orphelin de
mère à l’âge de six ans. Il sera élevé par son grand-père, puis par son grand-oncle Abou
Talib. A l’âge de 25ans, il épousa Khadija avec qui il aura quatre filles. C’est à l’âge de
40ans qu’il déclare avoir reçu les paroles de Dieu par l’ange Gabriel et se présente dés lors
comme son envoyé. Ainsi, sa principale mission sera de répandre les paroles de Dieu. Cette
mission va durer des années avant que l’Islam ne sera accepté et reconnu comme religion.
L’ensemble de ses paroles, dires actes etc... va constituer la sunna.
Le Coran est le livre sacré de l’islam. Il est supposé regrouper les paroles de Dieu qui ont été
révélées à Mahomet. En plus du Coran, les musulmans se réfèrent aux Hadith, qui sont des
actes et paroles de Mahomet considérés comme des principes de gouvernance personnelle et
collective.
L’islam se répartit en plusieurs courants. Nous avons, particulièrement le sunnisme et le
chiisme. Le sunnisme est dérivé de sunna qui signifie que pour ses adeptes la ligne de
conduite de Mahomet, ses actes ont une valeur juridique. Ce courant fait particulièrement
référence au Coran, et à la sunna et se subdivise en quatre écoles. Il regroupe 85% des
musulmans.
5 http://islamfrance.free.fr/introduction.html
17
Regroupant environ 15% des musulmans, le chiisme est un courant dont les adeptes ont foi en
la succession de Mohamed par des imams. Pour les fidèles du chiisme, ces imams devraient
interpréter le coran que Mohamed n’a fait que révéler et leur a transmis la signification. Parmi
eux, son neveu Ali ibn Abi Talib, qui est le premier homme à adhérer à l’islam après Khadija
selon la tradition chiite. Existe une loi en islam qui est constituée par la charia, (chemin pour
respecter la loi de Dieu) qui est un ensemble de conduites applicables aux musulmans. D’une
manière plus large, elle englobe trois dimensions : la soumission (islam), la foi (iman) et faire
ce qui est beau (ishan). Elle est considérée par les musulmans comme l’émanation de la
volonté divine. Le niveau, l’intensité d’application de la charia varie dans le temps et selon les
milieux géographiques.
L’islam se base sur des principes appelées les cinq piliers : ce sont des devoirs
incontournables que tout musulman doit appliquer. Il est de l’obligation de tout musulman
de témoigner que nul autre que Dieu ne peut être adoré et que Mahomet est le
prophète de Dieu
d’effectuer les cinq prières du quotidien
de jeûner pendant le mois de ramadan
de payer la zakatt (aumône)
d’effectuer le Hajj (pèlerinage à la Mecque) si ses moyens le lui permettent
Dans son livre, Islam et les interdits alimentaires, Mohamed Hocine Benkheira définit l’islam
comme étant « un système religieux, articulé de croyances, de mythes, (ou légendes), de
rituels et de normes ». C’est dans ce cadre, qu’il a été élaboré des interdits alimentaires en
islam que nous allons voir dans la partie qui suit.
1.4.2 Les interdits alimentaires en Islam
1.4.2.1 Les fondements
Pour comprendre la logique qui sous-tend ces interdits en islam, il faut selon Benkheira
rappeler qu’en tant que religion, l’islam se caractérise par trois traits distinctifs essentiels : le
théocentrisme, le ritualisme, la sotériologie.
Le théocentrisme
C’est le fait de refuser de comparer Dieu aux êtres et aux choses créées. C’est le postulat d’un
Dieu transcendant, c’est-à-dire « autre », l’idée selon laquelle, Dieu est unique et a-sexué, « il
n’est pas engendré et n’engendre pas ». Dieu reste dans ce sens inaccessible à l’esprit humain
et les normes qu’il a édictées sont par conséquent la seule façon de se le représenter et il
convient de s’y soumettre parce que Dieu permet l’émergence de l’universel et la restauration
18
du lien social par la garantie de l’échange. Ainsi, la question de la loi dans les sociétés
islamisées doit être considérée dans cette perspective. Car, elle occupe une place structurale,
la négliger c’est porter atteinte aux fondements du lien social.
Le ritualisme
Pour compléter cette question, il faut prendre en compte celle de la foi et de la croyance.
Croire est un acte qui se fait dans le cœur et qui par conséquent reste invisible et invérifiable.
En islam, c’est la présomption de foi : on est présumé musulman dès lors qu’on naît de
parents musulmans. Raison pour laquelle, l’islam accorde beaucoup d’importance aux
apparences et encourage le conformisme rapporte Hocine Benkheira. Ainsi, pour lui « être
musulman suppose que l’on exprime par des signes visibles cette adhésion et cette
appartenance ». Il justifie son idée sur le fait que l’accent, à partir de là doit être mis sur une
interprétation de la religion comme étant un ensemble d’actes matériels ou physiques que l’on
est tenu d’accomplir. Ces actes font appel au corps (prier, donner l’aumône, le jeûne, la
chasteté), au cultuel (ablutions, prières), au social (porter le voile, laisser pousser la barbe).
Par conséquent, la religion musulmane fait appel à des obligations, qui sont particulièrement
en relation avec le corps dont les interdits alimentaires. Pour comprendre ces dernières, il est
nécessaire de le mettre en rapport avec le troisième qui est la sotériologie.
La sotériologie
Les interdits alimentaires (à côté du jeûne…) occupent une place importante car, c’est une
condition de salut pour le fidèle qui les observe. Le fidèle en quête de salut est appelé à défier,
à contrôler ses appétits physiques et ses passions. Parce que, avoir le salut suppose la fin de la
mécréance, état dans lequel le corps prend le dessus sur l’esprit. Ainsi, observer les interdits
alimentaires, signifie s’abstenir des plaisirs mondains dans le but d’obtenir le salut. Bref,
c’est une sorte de maîtrise de soi.
Ces trois dimensions du fondement des interdits alimentaires s’articulent, et s’influencent
mutuellement. Cependant, il faut noter que les interdits alimentaires sont liés à la religion et à
la culture. Autrement dit, il y a deux sortes d’interdits, ceux qui se basent sur des règles
traditionnelles locales et qui sont en articulation avec la religion et d’autres qui sont rédigés
sur les textes coraniques. C’est ce que nous allons voir dans les parties qui suivent.
1.4.2.2 Les interdits religio-culturels
Les interdits alimentaires dans une religion semblent aller de soi. Cependant, il faut signaler
que dans une société donnée, celles-ci constituent un « réseau serré, voire confus de lignes et
19
de mouvements […] ». C’est pour cette raison, que Benkheira nous suggère de faire la
différence entre les interdits liés à l’Islam et ceux liés aux cultures avec lesquelles l’Islam est
articulé. Les interdits alimentaires en islam sont ceux qui sont énoncés dans le corpus des
textes reçus par les musulmans c’est-à-dire le Coran, les hadîths6, (ceux des imams pour les
chiites), les traités de fiqh7 des écoles, tandis que les interdits liés au culturel différent d’un
groupe à un autre, d’une société à une autre et se basent plus ou moins sur la culture savante
ou sur la littérature religieuse.
Par contre, il faut bien les distinguer. Les définitions que la loi islamique a élaborées sont
celles des espèces prohibées, des nourritures interdites, du protocole de l’abattage rituel, de la
chasse et du sacrifice. Par ailleurs, dans les collections de traditions, existent des formulations
de normes sur l’alimentation et les animaux qui ne doivent pas être négligées. Cela signifie
que, les « règles alimentaires » forment un seul ensemble (abattage, cuisine, distinction licite-
illicite, savoir vivre etc.) qui par le biais des règles traditionnelles locales sont en relation
avec le système religieux mais n’en font pas partie. Benkheira parle d’interdits qui sont
« islamisés à postériori » qui sont hiérarchiquement établis et dont le degré d’importance varie
d’une société à l’autre. C’est la raison pour laquelle il a fait une typologie de catégories
d’interdits selon l’autorité fondatrice ou de référence qui sont les suivantes :
Les interdits scripturaires: fondés sur des textes, ils apparaissent comme un critère
d’identification du fidèle et du non musulman. Leur non respect est moins critique s’il s’agit
de la sunna, que du coran. Par exemple, la cynophagie c’est-a-dire la consommation de viande
de chien, qui est fait par un hadith est pratiqué par certains groupes culturels musulmans.
Les interdits quasi scripturaires : ce sont des interdits diététiques. Ils sont confirmés par la
tradition religieuse savante. Quand on les transgresse on n’a pas besoin de se repentir, et ils ne
sont pas punis par la loi religieuse. Par exemple, l’association d’un aliment lacté avec du
poisson. La sanction supposée est la maladie.
Les interdits coutumiers ou locaux : comme leur nom l’indique, ce sont des interdits liés à la
culture locale préislamique par exemple jadis les oiseaux en Afrique du Nord. Leur
particularité réside dans le fait qu’ils frappent des aliments licites auprès de la loi religieuse,
par exemple la viande de chèvre ou de chameau.
6 Tout ce qui est rapporté du Prophète comme paroles, actions, acquiescements, ou caractéristiques (physiques, traits de
caractères etc.)
7 Le fiqh (arabe : fiqh: dérive du verbe signifiant comprendre) ce qui est relative aux avis juridiques pris par les juristes de
l'islam sur les limites à ne pas dépasser par les musulmans. C’est donc l’ensemble des connaissances acquises au moyen de
l’exégèse du Coran et de la Sunna et destinées à préciser les règles et les modalités pratiques concernant les cultes
(l’adoration), les droits et les devoirs, les relations et les activités humaines dans le cadre de la religion..
20
Les interdits sociologiques : ce sont des interdits qui expriment les règles du bon goût ou du
bon usage dans le domaine culinaire.
1.4.2.3 Les interdits alimentaires coraniques
On distingue trois groupes de versets dans le Coran qui évoquent les interdits alimentaires.
Le premier fait une définition des aliments prohibés : « Dieu vous a seulement interdît la bête
morte, le sang, la viande de porc, et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que
celui de Dieu » (2-173).
Le deuxième verset fait référence à la réglementation de la pratique de la chasse : « le gibier
de la mer et la nourriture de qui s’y trouve vous sont permis[…], le gibier de la terre vous est
interdit aussi longtemps que vous êtes en sacralisation[….] » (5-96).
Le troisième verset concerne les gens du Livre : c’est-à-dire les juifs et les chrétiens :
« aujourd’hui les bonnes choses vous sont permises. La nourriture de ceux auxquels le Livre
a été donné vous est permise et votre nourriture leur est permise ». (5-5)
D’après ces versets, on voit bien que le coran interdit quatre nourritures qui sont d’origines
animales: la viande de porc, le sang, les cadavres d’animaux, et les victimes de sacrifices
païens.
1.5 Le halal, un principe islamique
Tout d’abord, il faut signaler que le halal ou le licite n’est pas clairement défini. Il est
caractérisé par tout ce qui est autorisé par la loi musulmane en prenant référence à ce qui ne
l’est pas, c'est-à-dire à ce qui est haram. Entre les deux il y a le reprouvé (makhrouh) qui vient
dans le degré de gravité après l’interdit. Le licite concerne plusieurs domaines en Islam et ne
se limite pas seulement à la nourriture. Autrement dit, « la distinction du licite et de l’illicite
s’opère à travers toutes les composantes de la vie quotidienne des musulmans comme par
exemple le comportement avec son entourage, les relations commerciales, ou la sauvegarde
de la nature » selon Zemmour Samir, dans Le marché de la viande halal : évolutions, enjeux
et perspectives.
Dans le cadre de notre travail, nous allons nous en tenir au domaine de l’alimentation. Ainsi,
il existe une liste des aliments qui sont licites et des aliments qui sont illicites. Ainsi, dans son
Livre du licite et de l’illicite, AL-Gazali distingue les aliments mangeables ou pas mangeables
dans les trois catégories suivantes :
21
Les minéraux : ce sont des éléments de la terre. Sont dits licites dans le sens où ils ne
sont pas nuisibles à la personne qui en mange. Il est interdit de consommer ces
aliments s’ils agissent comme un poison.
Les végétaux : sont considérés comme licites ceux qui ne font pas perdre la raison, la
vie ou la santé. Parmi ceux qui font perdre la raison, nous avons, le vin, la jusquiame8,
les autres liqueurs enivrantes. Ceux qui font perdre la vie sont les poisons, et ceux qui
font perdre la santé sont les médicaments pris en dehors des temps prescrits. Ces
aliments « sont tous quelque peu dangereux » à l’exception du vin ou des substances
enivrantes qui toutefois restent illicites à cause de leur caractère capiteux.
Les animaux : Existe une opposition terre/mer en ce qui concerne les animaux. Cette
opposition coïncide à l’opposition chasse/pêche, rituel de mise à mort/absence de
rituel de mise à mort. Seuls les animaux marins sont licites sans rituels de mise à mort.
Par ailleurs nous avons les bêtes répugnantes comme par exemple les mouches, les
cafards, les scorpions, il est « blâmable » de les manger. Ce qui les rend blâmable
n’est pas leur caractère « d’impureté ».
Toutefois, il est important de signaler que la définition de ce qui est halal a connu une
évolution dans le temps. On est passé d’une conception du halal où l’acte d’égorgement revêt
d’une importance particulière à une conception où le halal est synonyme de pureté. Nous
distinguons ainsi, une définition rituelle et une définition moderne.
1.5.1 Définition rituelle ou limitée
Selon le Larousse, le halal se dit de la viande d'un animal tué selon les rites de l’islam, et qui
peut être consommée par les musulmans. D’après cette définition, on voit bien que c’est le
caractère rituel qui est mis en avant. Ceci fait référence à un acte qui est celui de
l’égorgement d’un animal. En effet, comme il a été expliqué plus haut, il est interdit en Islam,
un animal sur lequel on a invoqué un autre nom que celui de Dieu. Pour que la viande d’un
animal soit consommable, il faut pendant l’égorgement, évoquer les noms d’Allah. Par
ailleurs, il existe tout un ensemble de règles sur l’acte d’égorgement :
L’animal doit être égorgé avec un objet tranchant pour faire couler le sang et
bien trancher l’artère carotide
C’est la gorge (ou la naissance de la poitrine) qui doit être tranchée afin que
mort s’en suive
8 Plante qui a des effets toxiques
22
Aucun autre nom que celui d’Allah ne doit être mentionné :
Le nom d’Allah doit être mentionné en faisant références aux textes :
Bismillâh
Au Nom de Dieu
Le Tout Clément
Le Tout Miséricordieux
Toutefois, il faut signaler qu’il n’existe pas de textes explicites sur l’acte d’abattage d’où les
divergences des juristes musulmans sur notamment les deux premières principes. Ceci est
beaucoup plus accentué par le fait que l’abattage est un acte coutumier et que chaque groupe a
ses propres exigences9. La seule règle qui fait l’unanimité est celle qui fait référence au nom
d’Allah10
. En prononçant le nom d’Allah au moment de l’abattage, le fidèle exprime à Dieu
qu’il ne tue pas l’animal gratuitement ou par cruauté, mais parce qu’il a besoin de se nourrir.
Il obtient ainsi pour ce faire, la permission de celui qui a crée humains et animaux et donné
place sur la planète.
Aucun autre nom que celui d’Allah ne doit être prononcé, parce que, dans l’Arabie
préislamique, les gens faisaient des offrandes aux divinités et sacrifiaient des animaux en
mentionnant leur nom au moment de l’abattage.
Ainsi, cette conception du halal concerne les animaux pour lesquels, il est obligatoire de
passer pendant l’abattage par un rituel pour les rendre consommables. Sauf que,
actuellement le caractère de ce qui est halal s’est étendu à d’autres critères que nous allons
voir dans la partie qui suit.
1.5.2 Définition étendue ou moderne
La conception du halal a connu une évolution dans le temps. Le halal, qui était en général
considéré dans le vocabulaire quotidien comme un rituel d’égorgement des animaux revêt
aujourd’hui d’autres critères. Florence Bergeaud-Blacker dans un article intitulé, Du halal au
halal food : comment le halal s’est développé en France nous montre bien cette évolution de
la définition du halal. Pour elle, on assiste aujourd’hui à une représentation où l’acte
d’égorgement n’est plus le processus primordial pour définir la licéité. Cette idée implique
que, la notion du halal peut s’appliquer à tous les secteurs de l’alimentation et même dans
9 http://www.islamophile.org/spip/Les-exigences-de-l-abattage-rituel.html
10 Il faut noter cependant qu’il y a des divergences sur le moment où le nom d’Allah doit être prononcé. Ainsi, certains
juristes disent qu’on doit le faire juste avant de manger l’aliment.
23
des produits non alimentaires et ne concerne plus seulement la viande. Ainsi, parmi les
critères les plus retenus, nous avons «l’état » de pureté du produit. Cet état de pureté fait
allusion à l’absence de substance haram, en l’occurrence le porc et ses dérivés, l’alcool, dans
le produit en question. En outre, ce dernier ne doit pas être en contact avec des produits non-
halal11
. Ces conditions à remplir pour qu’un aliment soit halal font dire à Florence Bergeaud-
Blacker que l’aliment peut « redevenir, impur, corrompu par contamination volontaire ou
involontaire ». Ce qui selon elle entraine une logique de séparation des filières et des produits
sur le marché. Par ailleurs, cette définition aboutit à une augmentation et un élargissement de
l’offre des produits halal sur le marché. Offre qui concerne toutes les catégories d’aliments,
tous les rayons alimentaires de la distribution : le frais, le snack, le surgelé, le sec… d’où
l’expression « halal food » de Florence Bergeaud-Blacker. Cependant cette définition est à
remettre en question car les autres critères de licéité dont elle nous parle ne sont pas
nouveaux, ils sont inclus dans les interdits alimentaires coraniques que nous avons évoqué
plus haut.
Ainsi, selon Bergeaud-blackler, la conception du halal n’est pas restée stable dans les
représentations et les pratiques. En plus de l’acte d’égorgement qui rendait halal la viande, on
voit émerger aujourd’hui d’autres critères susceptibles de rendre licite un produit alimentaire.
Par conséquent, la licéité ne concerne plus que la viande. Désormais tous les produits peuvent
être halal dés l’instant qu’ils remplissent les conditions de « pureté ». Cette évolution permet
une prolifération des produits halal sur le marché et est en partie à l’origine du « halal food »
en France. Dans la partie qui suit, nous allons traiter du marché des produits halal.
11
Dans le Codex Alimentarius
24
Chapitre III
Le marché des produits halal
en France
25
1.Les produits halal
Depuis une décennie, le marché des produits halal en France a connu un essor, avec
notamment l’entrée du secteur agro-alimentaire. Ce qui fait que la viande n’y occupe plus la
première place. On retrouve du tout, des aliments qui vont du frais au sec en passant par les
snacks.
1.2 Répertoire des produits halal
Les produits bouchers ou frais
Viande : elle occupe une place importante sur le marché des produits halal. Nous
avons toutes les viandes qui sont autorisées par l’islam. Existent la viande de veau, de
mouton, de vache, de chèvre, d’agneau de bœuf, volaille (dinde, poulet), abats.
Produits surgelés : steak haché, nuggets, lasagnes, hachis parmentier, cordon bleu,
quiche, cheese burger, boulette de bœuf12,
Charcuterie13
: « jambon » de dinde, saucisson (et sec), salami, chorizo de dinde,
campagnard, buchette, hot dog, terrine (de dinde, de canard), rillette (de dinde, de
canard), paté de campagne, mousse de foie, foie gras de canard, toast, roulade, rôti,
blanc de poulet, veau séché, bœuf fumé, chicken apritos, bacon (de dindonneau).
Les produits « fast food »
Dans la catégorie des produits « fast food » nous avons tous les produits du secteur
agro-alimentaire. C’est-à-dire les produits transformés qui sont prêts à manger.
Snacks: y compris des recettes maghrébines
Conserves : bolognaise, ravioli, ratatouille, lentilles, choucroutes, chorba,
haricots.
pizza, hamburger, crêpes,14
Les produits secs
Céréales : Riz, Pates
Friandises
Epices
12
http://www.elbenna-halal.com/surgeles-halal-SURG.htm 13
http://www.elbenna-halal.com/charcuterie-halal-CHARC.htm 14
Proposés par Toupargel Groupe
26
Les boissons
Imazighen cola
Salam naturel
Ifri
Mirinda
Victoria
Condiments
Huile, moutarde
Vinaigre
Pénétration des produits halal (source Solis, 2009)
-Viande…………………….99.3%
-Charcuterie ……………….70.0%
-Plats cuisinés…………….. .22.9%
-Bouillon cube……………...16.1%
-Soupes………………….....12.7%
-Bonbons ………………….10.9%
-Sauces à base de tomate……9.4%
-Petits pots bébé……………..3.0%
-Autre…………………….....0.8%
1.3 Répartition des produits sur le marché
Le marché des produits halal représentent un chiffre d’affaire de prés de 4 milliards d’euros et
progresse de plus de 10% par an. Le marché est partagé par différents acteurs. En ce qui
concerne la viande, nous avons trois circuits (Zemmour, 2008):
Le circuit « artisanal-marchand »: ce sont les boucheries qui occupent 80% du marché
de la viande et de charcuterie
Le circuit « industriel » : constitué de grandes et moyennes surfaces, occupe 10% du
marché
Le circuit « clandestin » ou « domestique élargi » : pour s’assurer de la qualité halal,
les consommateurs ont recours à des achats en vif auprès de négociants ou éleveurs
d’animaux qu’ils tueront par eux même en dehors des abattoirs.
Selon Xerfi, le marché des produits halal est partagé par différents groupes d’acteurs. L’étude
distingue :
Les acteurs historiques à savoir les boucheries
27
Les opérateurs « conventionnels »
- Les grands groupes de l’alimentaire Nestlé (avec ses marques Herta et Maggi),
Fleury Michon, Bigard, Doux, Duc, etc…. Ils développent leur propre gamme
de produits halal.
- Les spécialistes du halal : Zaphir (Isla Délice), Corico (Médina halal), HCD
(Amine) etc.... Ce sont les pionniers du marché et sont souvent des PME.
- Les enseignes de la Grande distribution : Casino, Auchan, Carrefour,
Intermarché, etc. Ils sont présents sur le marché depuis quelques années. Ils ont
tendance à élargir l’offre en magasin.
2.Le boom des produits halal
Suite à ce répertoire, on voit nettement que, les produits halal concernent tous les rayons, tous
les aliments. Cette explosion de produits halal sur le marché n’est pas sans des causes
spécifiques. Nous allons voir, les raisons qui ont favorisés le développement du marché halal
en France.
2.2 Les causes démographiques : accroissement de la population musulmane
en France
La population musulmane de France est un groupe hétérogène qui présente des difficultés
notamment de quantification. Ce groupe est confronté à plusieurs obstacles qui expliquent une
variabilité des statistiques. Ce phénomène est dû au fait que la France, contrairement à
d’autres pays, n’autorise pas la production de statistiques sur les groupes religieux. Dans ce
sens, le haut conseil à l’intégration (HCI) explique dans un rapport, que « tout
dénombrement indiquant l’appartenance confessionnelle, qu’elle repose sur une déclaration
de l’intéressé ou sur une estimation des pouvoirs publics » est interdit en France. Ainsi, le seul
recours statistique pour appréhender la population musulmane de France reste les travaux des
sociologues, des historiens et des démographes. Par ailleurs, cette population est confrontée à
des mouvements tels que : la non stabilité du groupe avec les conversions, le désengagement,
le retour vers la foi. Cette situation fait dire à Samir Zemmour qu’il faut être prudent et il faut
« étudier avec précaution les réalités extrêmement diverses que recouvre le sentiment
religieux, expérience individuelle se traduisant par une grande variété d’attitudes en matière
de foi et de pratique ». Autrement dit, l’effectif varie en fonction des pratiques et de la culture.
28
Des pratiques qui sont elles aussi multiples. Toutefois, on peut estimer en 2008 le nombre de
musulmans vivant en France à plus ou moins 4 millions15
si on se base sur la culture
musulmane et en ignorant le degré de pratique. Ainsi, l’Islam est la deuxième religion en
France après le catholicisme. On peut noter aussi que, la population musulmane de France
n’est pas restée stable au fil du temps. Nous allons voir les faits qui sont à l’origine de
l’augmentation de ce groupe en France.
2.2.1 Le contexte socio-historique
L’histoire de l’accroissement de la population musulmane en France est indissociable de celle
de son passé, en l’occurrence la colonisation. Cette dernière est un processus d’expansion
démographique et de domination politique, culturelle et économique pratiqués par certains
Etats sur d’autres Etats ou peuples, alors obligés d’accepter des liens plus ou moins étroits de
dépendance16
. Pour comprendre ce phénomène, il faut remonter à des décennies.
La colonisation française a eu entre autres objectifs, de civiliser les peuples indigènes. Ainsi,
vers la fin du 19eme siècle, les républicains Ferry et Gambetta voient en la colonisation une
mission et une œuvre civilisatrice dont la France doit tenir auprès des peuples « barbares ».
Cette œuvre civilisatrice considérée comme l’œuvre quotidienne d’une grande nation
« consiste à relever l’indigène, à lui tendre la main, à le civiliser ». C’est ainsi, que la France
a occupé des Etats en Afrique de l’Ouest, du Nord et d’Asie.
Après la seconde guerre mondiale, la France se retrouve avec une importante perte
démographique. Celle-ci s’accompagne d’un besoin immédiat de reconstruction avec non
seulement la destruction de plusieurs villes et infrastructures mais aussi des ressources
financières et industrielles pillées. En quelques mots, l’économie française est menacée l’état
d’urgence est proclamé. C’est ainsi qu’elle fait appel à une main d’œuvre internationale pour
la reconstruction du pays. La France s’adresse notamment à ses colonies pour lui venir en
aide.
Par ailleurs, on assiste aussi aux deux révolutions, celle des industries et celle des transports
qui selon Marie-Claude Blanc-Chaléard crée des mouvements de masse et attirent
respectivement des populations vers des emplois, des lieux nouveaux et leur donnent des
moyens de bouger. C’est dans ces contextes que commence l’immigration entre autres
musulmane, du moins de masse que nous allons détailler dans la partie qui suit.
15
Zemmour Samir, le marché de la viande halal, évolution enjeux et perspectives 16
http://fr.wikipedia.org/wiki/Colonisation
29
2.2.2 L’immigration musulmane
L’immigration est définie par le Haut Conseil à l’Intégration (HCI) comme des mouvements
de populations d’un territoire vers un autre. En prenant en considération cette définition,
l’immigration musulmane vers la France est un mouvement particulièrement des pays
d’Afrique de l’ouest et du Maghreb. Quitter son pays pour aller vers un autre, peut résulter de
différents motifs :
Asile : c’est la protection qu'accorde un Etat d'accueil à un étranger qui ne peut,
contre la persécution, bénéficier de celle des autorités de son pays d'origine.
S'il n'est pas nécessaire que des persécutions, des violations des Droits de
l'Homme et des libertés fondamentales aient été déjà subies, ni qu'elles soient
le fait des autorités mêmes, il importe qu'elles puissent être avec raison
personnellement redoutées en cas de retour dans le pays d'origine17
.
Immigration pour travail, études
Immigration pour regroupement familial : c’est une forme d’immigration
induite par les migrations de travail antérieures.
Immigration nuptiale
Immigration clandestine : celle-ci est une voie d’entrée illégale qui peut avoir
divers motifs. Elle est difficilement quantifiable. Les immigrés clandestins sont
soit des immigrés entrés légalement sur le territoire de leur pays et dont la
durée du visa a expiré, soit des immigrés ayant franchi la frontière de manière
irrégulière, soit encore des immigrés déboutés du droit d’asile.
L’immigration musulmane de masse est liée à plusieurs facteurs : rétablissement de
l’économie, redressement démographique…. En effet, on distingue plusieurs vagues
d’immigrants, qui sont venus à des époques différentes, des motifs différents, et proviennent
de pays différents. Nous avons :
2.2.2.1 L’immigration maghrébine dont algérienne
L’immigration algérienne a commencé vers le début du 20e siècle. En effet, dés 1914, les
entreprises se tournent vers la main d’œuvre coloniale. Les migrants sont évalués à l’époque à
3300 dont 2000 résident dans les Bouches du Rhône. A cette époque, ils sont employés
comme manœuvres dans les chantiers de construction, les mines, les ports, les huileries du
Midi. Ce recours à la main d’œuvre sera accentué par la première guerre avec 225000
17
Définition de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides)
30
migrants dont la majorité provient de l’Afrique du Nord. Recrutés au départ sur la base du
volontariat, ils seront par la suite réquisitionnés parfois par la force18
. Ces travailleurs
coloniaux seront soumis au régime militaire et seront regroupés dans des baraquements par
« race » et par « ethnies ». Ces immigrés étaient sous contrôleurs-interprètes, ce qui les
empêchait notamment d’être en contact avec la population française. Ils sont recrutés pour
une durée provisoire (durant la période de guerre) et seront renvoyés chez eux quand la paix
sera revenue.
Vers les années 1920, avec le « boom de la reconstruction » l’immigration algérienne reprend.
On compte alors en 1930, plus de 100 000 algériens auxquels il faut ajouter 15000 marocains.
Cette immigration s’accompagne d’un début d’intégration avec notamment une proportion
importante de « mariages mixtes ».
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’immigration algérienne refait surface. Cette
fois-ci, la citoyenneté leur sera accordée grâce au rôle qu’ils ont joué pour la libération de la
France. Ainsi ils seront des citoyens « Français Musulmans d’Algérie » (FMA). A ce titre, ils
ne seront plus ni des immigrants étrangers, ni des immigrants coloniaux mais des immigrants
régionaux au même rang que les Corses et les Bretons. Ils obtiennent ainsi le droit de vote et
les mêmes devoirs que les autres citoyens. Il faut noter à cette époque que, l’immigration
algérienne était considérée comme un facteur important pour la gestion des relations entre la
France et l’Algérie. Par conséquent, des politiques « d’adaptation » des algériens ont été
mises en place par crainte que les problèmes rencontrés par les émigrants algériens en
métropole n’alimentent le nationalisme en Algérie.
La guerre d’Algérie va transformer la situation de l’immigration algérienne en France. Avec
le traitement qu’ils subissaient (surexploitation, humiliation etc…) les travailleurs algériens
soutiennent la lutte pour l’indépendance de leur pays qui représente pour eux un moyen de
défendre leur dignité. Avec le début de la confrontation armée en Algérie et les violences en
métropole, sera établie une « véritable administration coloniale » pour contrôler l’immigration
algérienne qui selon Noiriel est une reprise des pratiques d’encadrement de l’avant guerre.
Dés lors, les algériens symbolisent « l’ennemi de l’intérieur ». En 1962, avec la signature
d’Evian, la catégorie des FAM disparait des nomenclatures et le mot « immigré19
» qui n’était
jamais utilisé pour désigner cette population devient courant dans le vocabulaire des français.
18
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2734 19
Un immigré est défini par le HCI comme suit : une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Les personnes
nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir
français, les autres restants étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré
n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La
qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par
31
Entre 1962 et 1965, les flux migratoires accélèrent et la France connait le taux d’immigrés le
plus important qu’elle n’a jamais connu. Cet accroissement est dû aux conséquences de la
guerre d’Algérie résultant des violences commises par l’armée française en Algérie et les
déplacements forcés de la population vers la France. Entre 1962 et 1982, la population
algérienne vivant en France passe de 350 000 à plus de 800 000.
Ces chiffres s’expliquent en partie par le fait que, en 1975 le système de regroupement
familial est mis en place, signifiant que les épouses, mères, enfants, et sœurs viennent
rejoindre les hommes déjà sur place. Ensuite, à partir des années 90-95, on assiste à
l’immigration nuptiale20
. En effet, ayant atteint l’âge de se marier les immigrés de la seconde
génération vont chercher des épouses dans le pays d’origine de leurs parents et les amènent
par la suite en France.
L’immigration algérienne en France est marquée par une augmentation de l’effectif dans le
temps, des changements de statuts au sein de la métropole et des motifs divers. Mais le point
le plus important dans cette histoire, est que, cette immigration a débuté sur une demande de
main d’œuvre de la France auprès de la population algérienne. Donc, une immigration sur
demande, temporaire, basée sur le volontariat et même sur la force.
2.2.2.2 L’immigration noire africaine
Contrairement à l’immigration maghrébine, l’immigration noire africaine reste un peu à
l’écart de la documentation. On note par contre une forte accélération de cette immigration.
Entre 1994 et 2004 le pourcentage de population d’immigrés subsahariens est passé de 10 à
17%21
. Depuis 1960, le nombre s’est multiplié par 5022
. Dans son rapport de 2006, la direction
de la population et des migrations explique cette accélération notamment par voie légale :
études, migration familiale, statut de refugié etc… Dans le cadre du droit d’asile, l’Office
Français pour la Protection des Refugiés et Apatrides (OFPRA) en 2007 a enregistré 7075
demandes si on prend seulement en compte les principaux pays à savoir Mauritanie, Soudan,
Guinée Conakry, Nigéria, Angola, Côte d’Ivoire et les deux républiques du Congo.
L’asile est demandé de plus en plus par les femmes. Ce phénomène entres autres fait de
l’immigration noire africaine une immigration qui se féminise. Ce fait est d’autant plus
acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.cf : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/immigre.htm
20 http://www.afrik53.com/France-L-immigration-noire-africaine-un-phenomene-qui-s-amplifie_a721.html 21
Il faut tout de même rester prudent à l’égard des chiffres car ceux-ci ne reflètent pas toujours la réalité. Car ils ne prennent
pas en compte les clandestins, la deuxième génération immigrée née en France et binationale, ignorent aussi la troisième
génération. 22
http://www.afrik53.com/France-L-immigration-noire-africaine-un-phenomene-qui-s-amplifie_a721.html
32
accentué par le système du regroupement familial et de l’immigration nuptiale. La
féminisation devrait se poursuivre si on applique cette phrase du président de la République
Nicolas Sarkozy : « A chaque femme martyrisée dans le monde, je veux que la France offre sa
protection en lui donnant la possibilité de devenir française ».
Par ailleurs, la population noire africaine, participe au développement de l’islam. Même si
tous les Africains noirs ne sont pas musulmans (certains étant animistes, d’autres chrétiens,
parfois catholiques, de plus en plus souvent baptistes), l’immigration africaine noire est l’une
des causes du développement en France de l’islam des banlieues à en croire Jean-Yves Le
Gallou chercheur à l’institut géopolitique des populations.
Cette féminisation de l’immigration qui est aussi présente chez les immigrés maghrébins n’est
pas sans conséquences sur la démographie du pays. Nous allons voir les faits qui peuvent
favoriser la hausse de la population musulmane en France.
2.2.3 La fécondité
La féminisation des flux migratoires participe à l’accroissement de la population musulmane
de France. Les femmes immigrées sont principalement des jeunes en âge de procréation, avec
un taux de fécondité élevé. Ce dernier varie selon que la femme est originaire de pays
européens ou de pays africains (notamment maghrébins). Dans le premier cas, on observe un
taux de fécondité proche de celui des françaises à l’exception des portugaises avec un taux de
3.6 enfants. Quant au second, le taux de fécondité est de l’ordre de 6 enfants par femme
pendant la durée de l’union23
. Ce qui pousse Desplanques Guy, chercheur au service de la
Démographie du département « population-ménages » de l’INSEE à dire que, « prés de deux
familles algériennes ou marocaines sur trois ont au moins six enfants, moins d’une sur dix en
a deux ou trois et les enfants uniques constituent l’exception ». Il faut signaler tout de même
que les couples où les deux conjoints sont étrangers ont plus d’enfants que les couples mixtes.
Dans cette dernière catégorie, les couples français-étrangère ont plus d’enfants que les couples
étranger-française.
Pour confirmer cette idée, nous avons l’exemple du nombre de naissances enregistré en 1982
qui montre que 11% était de mère étrangère soit 86.000 sur 800 000. Ce qui représente plus
du double par rapport aux années 60 (5%). On voit en même temps que les étrangères étaient
beaucoup plus nombreuses que 20 ans auparavant. Parmi celles-ci, on dénombrait une part
importante de maghrébines étant en âge de forte fécondité c’est-à-dire entre 20 et 30 ans.
23
Concerne les femmes nées entre 1917 et 1936
33
Ainsi, la majorité des naissances en 1982 étaient de mères portugaises et maghrébines. Ces
dernières en ont assuré prés de la moitié, soit 46000 enfants dont 25% pour les algériennes,
20% pour les marocaines et 9% pour les tunisiennes. C’est pourquoi remarque Desplanques
Guy que « si l’enfant était de rang égal ou supérieur à quatre il avait plus de deux chances sur
trois de ne pas rester le dernier, […] un peu plus d’un enfant de mère algérienne sur trois a un
petit frère ou une petite sœur dans les deux ans ».
Cependant la fécondité n’est pas le seul facteur. Nous allons voir dans la partie qui suit que, la
polygamie participe également à ce phénomène.
2.2.4 La polygamie
La polygamie est décrite par Sawadogo Alfred Yambanga dans son livre La polygamie en
question comme le fait pour un homme d’être marié simultanément à plusieurs femmes. Par
opposition à la polyandrie (le fait qu’une femme ait plusieurs maris), la polygamie est un
phénomène social qui est connu dans une cinquantaine de pays musulmans. En France, cette
pratique n’est pas reconnue. En effet, l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui a été modifiée
par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 et qui traite des conditions d’entrée et de séjour des
étrangers en France interdit la polygamie en ces termes : « Par dérogation aux dispositions
des articles 14 et 15, la carte de résident ne peut être délivrée à un ressortissant étranger qui
vit en état de polygamie ni aux conjoints d’un tel ressortissant. Une carte de résident délivrée
en méconnaissance de ces dispositions doit être retirée ». Cette prohibition n’empêche pas la
pratique de la polygamie en France. Cette pratique concerne plus les immigrés d’Afrique
Noire que les maghrébins24
, phénomène qui pour ces derniers reste « marginal et ancien ». Ce
fait a crû en France depuis le début des années 90 avec l’augmentation de la population
immigrée africaine. La polygamie pose plusieurs questions notamment celle de la concurrence
entre les épouses. Cette situation de concurrence peut favoriser une course à la naissance
où « chaque femme tient à faire le maximum d’enfants25
» d’autant plus que « les familles
polygames ignorent le principe de la planification familiale » révèle Sawadogo. En outre, on
dit que les africains « sont en tête pour les naissances gémellaires ». Bref, le principe de la
concurrence entre co-épouses est une sorte de stratégie dont use chaque femme pour
« cuisiner » son mari afin d’être le plus confortablement installée. Pour cela, faire des enfants
est l’une des meilleures solutions car c’est un gain du point de vue entre autres de l’héritage.
24 Xin, La polygamie est-elle interdite en France ? 25 Sawadogo Alfred Yambangba, La polygamie en question, Etudes africaines, 2006
34
Nous allons voir également que les mariages mixtes ont participé à l’augmentation de la
population musulmane en France.
2.2.5 Les mariages mixtes
La représentation de la famille et du mariage, et la position de la femme dans les civilisations
musulmanes maintiennent une distance considérable entre ces populations et les non
musulmans ce qui limite les mariages mixtes. Cependant, depuis quelques années le
phénomène a changé. Le nombre de mariage musulmans-non musulmans ne cesse de croître.
On voit également de plus en plus de femmes musulmanes à qui la loi coranique a interdit un
mariage avec un non-musulman épouser des hommes français non-musulmans. Cette pratique
de l’exogamie religieuse prend de plus en plus d’importance au détriment de l’endogamie qui
voit progressivement sa proportion baisser (43% en 1980 contre 29,5% en 199126
). Les
mariages mixtes favorisent l’augmentation de la population musulmane en France au sens où
l’union aboutit à un foyer où un des conjoints s’est converti à la religion musulmane.
Toutefois, il faut établir une distinction car dans un couple où c’est la femme qui s’est
convertie, l’implication dans la religion et par conséquent la pratique (y compris la
consommation de produits halal) est beaucoup plus importante que dans un couple où c’est
l’homme qui s’est converti à l’Islam.
2.3 Les causes économiques
L’augmentation des produis halal sur le marché n’est pas seulement causée par
l’accroissement de la population musulmane. Nous avons entre autres des raisons
économiques qui ont joué un rôle sur ce phénomène.
2.3.1 L’augmentation de la demande
La demande de produit halal va de pair avec l’accroissement de la population musulmane en
France. L’enquête réalisée par le cabinet de marketing SOLIS confirme une forte demande sur
les produits halal, qui porte particulièrement sur l’offre de produits élaborés (charcuterie,
plats cuisinés, petits pots de bébés), la largeur des gammes (allégées en matières grasses,
bio…) ainsi que sur la qualité des produits. Cette demande est en hausse car les produits sont
loin d’intéresser les seuls originaires du Maghreb achetant halal à plus de 90 % selon le
26
Neyrand Gérard, M’sili Marine, Mariages mixtes et nationalité française, Harmattan p.134
35
directeur du cabinet d’études ethniques SOLIS Abbas Bendali. Il poursuit : 55 % des
personnes d’origine africaine consomment également halal (dont des non-musulmans), de
même que des Français de souche, par intérêt économique. Donc on note que l’offre de
produits halals s’adresse à une population diversifiée, ce qui participe à l’augmentation de la
demande de produits halal sur le marché.
Selon Florence Bergeaud-Blacker, cette montée de la demande est liée à l’interdiction de
l’abattage privé par lequel les musulmans avaient la possibilité d’égorger leurs bêtes eux-
mêmes pour une consommation personnelle. Mais aussi poursuit-elle, cet accroissement est
influencé par les courants ritualistes, et fondamentalistes des Frères musulmans prônant une
pratique religieuse plus rigoureuse. Il faut noter par ailleurs qu’il y a une préférence affective
pour ces produits qui est beaucoup plus forte chez les jeunes générations que chez leurs
parents. C’est un attachement au halal des générations issues de l’immigration se traduisant
par des conduites dictées par des habitudes alimentaires modernes (pizza, hamburger, plats
cuisinés, ….) (Bergeaud-Blacker, 2006). Pour ces jeunes, le halal renvoie à des notions de
respect, de justice, de droiture, mais aussi à une valeur positive où le vivre ou le manger halal
doit être accepté comme un acte public (Bergeaud-Blacker, 2006).
Cette demande varie en fonction des saisons et des événements. Par exemple, explique un
responsable du centre E. Leclerc de Dreux, « l’augmentation de la demande est
régulière, mais celle-ci est plus conséquente en hiver». En parallèle, pendant le mois de
ramadan, on note de plus en plus de demandes de produits halal. La demande de viande halal
est plus forte à l’approche de la fête de l’Aïd el kebir (ces moments de consommation seront
plus développés dans les parties à venir).
Il faut signaler aussi que la demande des produits halal touche également la restauration
collective. Celle-ci est de plus en plus confrontée à des revendications de repas halal. Dans les
cantines scolaires par exemple, certains élèves ne se contentent plus des repas sans porc et
refusent toute viande non abattue selon le rituel musulman (Brisebarre, 2007). Ces
revendications sont justifiées par les élèves avec des discours sur la logique du plus grand
nombre27
. Cet effet de nombre est repris par certaines restaurations rapides. Ainsi, à Marseille
« tous les snacks sont presque tous halal » rapporte un adolescent, on note même un
concurrent de KFC, HFC ou Halal Fried Chicken (Cahiers de l’OCHA, 2007).
Toutefois, il est important de souligner que l’augmentation de la demande des produits sur le
marché et la restauration est sujette à des débats politiques et des polémiques (nous
27 Les cahiers de l’OCHA n°14, Alimentations adolescente en France, 2007 p.40
36
reviendrons sur ce point dans les parties qui suivent). Nous allons voir à présent que
l’augmentation des produits halal sur le marché est également liée à la nature même de ce
secteur.
2.3.2 Marché de dégagement ?
Le développement du marché de la viande halal dans les années 1990 a fortement participé à
l’essor du halal. En effet cette hausse de la viande halal est due à plusieurs faits. Nous avons
en plus des animaux de réformes28
, l’amélioration de la productivité et les politiques de
qualité qui ont entraîné une production d’animaux qui ne peuvent plus être certifiés en raison
de leur âge, sexe, leur conformation, (Bergeaud-Blacker, 2005). Cette situation a conduit à
une surproduction d’animaux dont la vente aux collectivités publiques ne suffit plus à les
consommer. Ainsi, les boucheries musulmanes ont pu s’approvisionner en viande bovine à
des coûts moindres. A cela vient s’ajouter la crise de la vache folle.
Celle-ci est une crise sanitaire survenue en 1996 et a entraîné l’effondrement de la
consommation de viande bovine. Cette baisse de la consommation est due à une inquiétude de
la population à attraper l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) via l’ingestion de la
viande bovine. Cette situation de crise favorise un surnombre de bovins sur le marché
intérieur, ce qui a permis aux boucheries islamiques de les acheter à des prix peu élevés.
Ainsi, ce qui ne part plus à l’exportation entre dans les circuits halal intérieurs (Bergeaud-
Blacker, 2005).
Par ailleurs, les maghrébins consommateurs de viande halal pour leur « cuisine bouillie » se
satisfaisaient de viande médiocre, à prix moyen. Ils consommeraient de la viande de brebis
âgées, de carcasse de bovins boudées par la clientèle française de souche selon Anne Marie
Brisebarre. Ainsi, dans de nombreuses régions, l’industrie d’abattage et le négoce misent sur
ce marché halal comme marché de dégagement pour requalifier une marchandise en
surproduction, ou de bas de gamme (Brisebarre, 1995; Bergeaud 1999).
28
Animaux qui ne sont plus destinés à ce pourquoi ils ont été produits en priorité
37
3.Représentations et pratiques des
consommateurs
Les pratiques et les représentations des consommateurs de produits halal varient en fonction
de la catégorie socioprofessionnelle, des moments de consommation etc…
3.2 Le profil des consommateurs
D’une manière générale, il n’existe pas un profil unique de consommateurs de halal. Celui-ci
part du consommateur strict qui concerne les trois quarts de la population jusqu’au
consommateur souple qui peut adapter son alimentation en fonction des circonstances.29
D’une manière particulière, le profil des consommateurs de produits halal varie selon
plusieurs critères. Parmi ces derniers, nous avons l’âge.
Dans le cadre d’une enquête Horizons, le cabinet d’études SOLIS a révélé une « prise de
pouvoir » des jeunes consommateurs musulmans. Ces jeunes30
représentent 56,3% des
consommateurs et sont très attentifs au caractère halal de ce qu’ils achètent. Cette attention
est beaucoup plus notée chez la troisième génération issue de l'immigration qui a une «
approche des produits plus experte, pouvant aller jusqu'au décodage de la composition des
produits ». Il faut signaler cependant que le profil est également en corrélation avec le type de
produit. Ces jeunes sont plus attirés par les produits fast-food, les snacks, les plats cuisinés
etc. Ainsi, l’enquête de l’IFOP montre que la consommation de viande halal concerne plus la
première génération que la troisième. Pour cet achat, l’IFOP dans son enquête a décrit trois
types de consommateurs :
Les consommateurs identitaires : ceux qui achètent non pas seulement pour des
raisons religieuses mais aussi identitaires
Les consommateurs non-intentionnels
Les consommateurs de proximité : ceux qui achètent ces produits par
commodité sans motivation religieuse ni identitaire.
Cependant, l’enquête a omis de citer la catégorie de consommateurs pratiquants.
29 Enquête SOLIS 30
Tendance est confirmée et même accentuée chez les moins de trente ans et chez les jeunes nés en France ou arrivés en
France avant 15 ans (Bergeaud-Blacker, 2005)
38
Il est tout de même nécessaire de signaler que « manger halal n’est pas le seul fait des
musulmans pratiquants ». C’est une croyance religieuse à laquelle on se soumet que l’on soit
croyant, pratiquant occasionnel ou assidu (Bergeau-Blacker, Bonne, 2005).
Le budget joue également un rôle important sur la consommation de produits halal. Etant
aujourd’hui relativement chers, les produits halal ne sont pas à la portée de tout le monde. Ce
qui ne veut pas dire que les pauvres ne consomment pas halal, mais le poids du porte monnaie
est déterminant sur la consommation de produits halal. Un étudiant confirme : « j’aimerais
bien acheter tous les jours de la viande halal mais j’en ai pas les moyens, du coup je me
satisfais de la viande non-halal. Cependant je regardes les étiquettes pour vérifier s’il y a pas
de porc ou de substances illicites avant de consommer n’importe quoi». Un célibataire appuie
cette idée en nous disant : « les produits halal sont trop chers pour que j’en consomme
régulièrement, j’achète de la viande halal, mais juste occasionnellement [….], par contre
quand j’aurai une famille et une situation financière adaptée, je ne mangerai que halal ». On
voit d’après ces réponses que le budget et la taille du foyer sont déterminants sur la
consommation des produits halal.
Nous pouvons conclure que la consommation halal est liée à plusieurs facteurs. Ces derniers
font que l’individu s’adapte à la situation tout en tenant compte de ses moyens et de ses
exigences ou critères. Par conséquent, il n’est pas facile d’établir un profil unique du
consommateur halal. Toutefois, on va voir que les consommateurs de produits halal sont
motivés par diverses raisons.
3.3 Consommation de produits halal
3.3.1 Les motifs de consommation
Les consommateurs de produits halal sont motivés par diverses raisons. La principale raison
de consommation de produits halal est la religion. Dans ce sens, manger halal s’inscrit dans le
cadre de l’obligation comme les cinq piliers de l’islam pour les consommateurs (Bergeaud-
Blackler ; Bonne 2005). « Oui, je ne consomme que de la viande halal car c’est une
prescription de la religion musulmane », affirme, Aliou, 29 ans.
Cependant, il faut dissocier la religion de la consommation halal car « les musulmans ne
mangent pas tous halal, et la viande halal ne vas pas seulement aux musulmans ». C’est pour
cela que Geneviève Cazes-Valette nous suggère de faire attention aux amalgames. Ainsi, nous
avons des non musulmans qui consomment du halal pour des raisons politiques ou militants
39
nous dit-elle31
. Dans cette même optique de consommation, nous avons les motifs qui sont
liés à la proximité du lieu d’approvisionnement. Cette proximité peut faire l’objet d’une
consommation halal via la « boucherie du quartier ». Si les prix affichés sont plus abordables
que ceux des autres commerces comme les grandes surfaces, la consommation peut être
importante. Elle peut également être liée à des motifs sociaux, familiaux, amicaux, de
solidarité envers le boucher.
Dans leur enquête sur La consommation halal aujourd’hui en France, Florence Bergeaud-
Blackler et Karine Bonne nous révèlent des motifs de consommation halal tels que la qualité
gustative supérieure de la viande, ses qualités sanitaires supérieures, ses effets sur la santé et
le procédé d’abattage sans douleur pour l’animal. En outre, l’égorgement est un motif de
consommation car « seule la viande halal provient d’un animal égorgé » pour certains
consommateurs. Ces derniers motifs sont subjectifs et ne sont pas partagés par tout le monde.
Ainsi dans le cadre de nos enquêtes un boucher non musulman crie haut et fort la pénibilité de
ce mode d’abattage en ces mots : « Il suffit de voir les yeux de l'animal avant la mort... C'est
atroce! Pour avoir vu les différentes méthodes d'abattage, l'animal paraît beaucoup plus
stressé et apeuré que lorsqu'il s'agit d'un abattage « normal » (électrocuté puis saigné). Je
m'étonne que Madame Brigitte Bardot ne s'insurge pas plus de ces méthodes d'abattage! ».
Dans ce même raisonnement, on voit que l’idée selon laquelle la viande halal est meilleure
pour la santé est beaucoup plus partagée par les personnes socialisées au Maghreb que celles
socialisées en France (Bergeaud-Blackler; Bonne, 2005). Ce qui nous pousse à confirmer que
le lieu de socialisation est déterminant sur la représentation du halal, et par conséquent sur la
consommation de produits halal.
3.3.2 Qui fait les courses ?
La séparation entre l’espace public et l’espace privé est déterminante dans les pratiques
d’achats des musulmans. Cela fait référence à un ensemble de conduites, de codes et de règles
principalement hérités du pays d’origine, où culture et tradition contribuent à leur respect.
Dans les pays maghrébins, ce sont les hommes qui s’approprient l’espace public. Ainsi,
l’attitude la plus traditionnelle conduit l’homme à être le seul à sortir pour faire les achats
(Raulin, 1992). En France, cette réalité tend plus au moins à s’adapter aux lieux
d’approvisionnement. Ces derniers sont déterminants pour la division des tâches d’achats.
Ainsi, la femme peut aller faire ses courses en grandes surfaces car celles-ci sont caractérisées
31
Chez la « Boucherie de la Paix », plusieurs clients affichaient par ce choix leur non racisme, leur désir de participer à
l’intégration de la communauté musulmane
40
par « l’anonymat et où le nivellement des pratiques devient une zone franche sans enjeu social
ni sexuel que les femmes peuvent fréquenter librement » nous dévoile l’enquête de Migration
Etudes sur la synthèse des travaux sur l’immigration et la présence étrangère en France. A
l’opposé, l’enquête nous indique que les femmes maghrébines apparaissent exclues du marché
de Barbès assimilé au souk32
et lieu masculin par excellence.
3.3.3 Les critères de licéité
Les consommateurs de produits halal ont des critères leur permettant de choisir les produits
qu’ils jugent licites pour la consommation. Ces critères varient selon les individus et leur
conception du halal. Ces critères font également référence à une « expertise » qui consiste à
identifier un à un les composantes d’un produit sur le marché. Cette expertise est une façon
pour le consommateur de s’assurer de la licéité du produit. Autrement dit, c’est une
vérification pour savoir si le produit contient une substance illicite comme du porc, des
dérivés de porc (gélatine), de l’alcool etc.… Selon l’enquête de l’IFOP, 45% des personnes
interrogées déclarent regarder systématiquement la composition des produits alimentaires.
Cette enquête lie cette pratique à la religiosité et à l’ancienneté en France. Ainsi cette
vigilance systématique sur la composition des produits « est de mise pour 72% des personnes
allant à la mosquée au moins une fois par semaine, elle est beaucoup moins présente parmi
ceux qui n’y vont qu’une ou quelques fois dans l’année (41%) et largement minoritaire (32%)
chez ceux qui ne fréquentent jamais les mosquées ». De même cette vigilance est deux fois
plus fréquente chez la première génération que la troisième.
Dans cette même lancée, nous avons également des critères de licéité qui portent sur le choix
des produits. La couleur de la viande bovine en particulier est une preuve de licéité pour
certains consommateurs. Pour eux la viande halal doit être de couleur claire car l’animal étant
égorgé a été vidé de son sang. Ce qui induit en erreur les consommateurs puisque ce n’est pas
l’égorgement qui rend la viande claire ou foncée. Cette différence de couleur dépend du type
d’animal, et de la durée de maturation de la viande en boucherie.
Par ailleurs il existe d’autres critères qui sont censés déterminer la licéité d’un produit. Nous
avons entre autre, la « marque » ou le tampon halal sur le produit. Ces indications nous
poussent à nous poser la question de la confiance sur les produits halal. Ce point sera traité
plus tard dans le texte.
32
En arabe, un souk est un marché forain éphémère, généralement hebdomadaire, un lieu de transactions commerciales. Il
est presque toujours en plein air.
41
Ce schéma démontre que l’attention portée à la composition des produits est systématique
chez la première génération. Chez la troisième génération, la vérification de la composition
des produits se fait de temps en temps. La deuxième génération quand à elle se trouve entre
les deux.
3.3.4 Le contexte de consommation ?
Consommer halal dans tous les milieux, dans toutes les situations n’est pas chose facile.
Ainsi, manger halal selon un contexte « inadapté » pose un problème. A la question : un
musulman doit-il manger halal tout le temps, dans toutes les situations, dans quel cas y a-t-il
une exception, la réponse de certains imams est que, un musulman devrait s’approvisionner en
halal (Bergeaud-Blacker, 2001). Ce qui pose d’ores et déjà une condition. C’est pour cette
raison, qu’elle suscite un désaccord auprès des fidèles. Selon « L.T Breze, Président de
l’Union des Organisations Islamiques de France, l’opinion émise par le président du CEFR
(Conseil Européen pour la Fatwa et la Recherche) signifie qu’en France, pays de « tradition
chrétienne », acheter et manger de la viande telle qu’on la trouve dans les boucheries ou les
supermarchés est une activité licite pour tout Musulman ». Par conséquent, les musulmans
adoptent plusieurs conduites sur le devoir de manger halal, ce qui conduit à une pluralité de
pratiques selon les situations. Nous avons ainsi comme on la évoqué plus haut des profils de
consommateurs allant du plus strict (qui ne consomme que du halal) au plus souple (s’adapte
en fonction des situations). Toutefois, il faut noter qu’il existe des grands moments de
consommations de produits halal qu’on va voir dans la partie suivante.
42
3.3.5 Les grands moments de consommation
Existent dans l’année des périodes où les musulmans consomment d’avantage de produits
halal. Ce sont des moments qui « obligent » certains fidèles à observer certaines prescriptions
de la religion musulmane particulièrement le manger halal. Nous avons le mois de ramadan et
la fête de l’Aid el kebir.
3.3.5.1 Le mois de ramadan
Le mois de ramadan ou ramazan en arabe correspond au neuvième mois du calendrier
musulman. C’est un mois « saint » où le Coran a été révélé à Mahomet pour la première fois,
au courant de la nuit du 27e jour appelé la « nuit du destin ». Pendant ce mois, le musulman
doit s’abstenir à plusieurs plaisirs notamment celui de manger. Au cours de celui-ci, le fidèle
ne doit pas boire, ne doit pas manger, ne doit pas entretenir de relations sexuelles depuis
l’aube jusqu’au crépuscule c'est-à-dire du lever au coucher du soleil. Le jeûne pendant ce
mois fait partie des cinq piliers de l’Islam, et est une obligation pour tout musulman. Sont
toutefois exemptés de cette pratique les malades, les femmes enceintes ou qui allaitent, les
femmes étant dans leur période menstruelle, les enfants en bas âge, les personnes âgées ou
toutes personnes à qui le jeûne pourrait mettre sa santé en péril. Les personnes âgées pour
remplacer leur jeûne manqué doivent nourrir des pauvres. Sinon les autres, à l’exception des
enfants en bas âge doivent rattraper ultérieurement leurs jours manqués. C’est un mois
« d’entrainement » qui est censé permettre au fidèle de se rapprocher de Dieu en respectant
les actes de piété comme la charité, la prière, les invocations, en évitant le mensonge, la
tricherie, le vol, l’usurpation etc. Le croyant est tenu pendant cette période :
d’effectuer ses cinq prières obligatoires et s'efforce de les faire à l'heure,
communiquant directement avec le Seigneur et se rapprochant ainsi de lui
de faire la Zakat-al-Fitr (Aumône de fin de Ramadân), lui rappelant qu'il doit
s'acquitter de sa Zakat annuelle,
d’effectuer la Salat al-Tarawih, après celle de Al-'Isha, rappelant au musulman qu'il
peut aussi effectuer, au courant de l'année, des prières supplémentaires, augmentant
ainsi sa foi et son rapprochement vers Dieu,
d’arrêter les vices, tels que le tabac, l'alcool... et penser à sa santé et à celle des autres,
43
de réprimer ses passions qui détournent du chemin de Dieu et trouver une juste
mesure, un juste milieu à toute chose33
L’un des avantages du jeûne est qu’il permet à l’individu de penser à ceux qui souffrent de
malnutrition, dans la mesure où le croyant ressent la même chose que celui qui a faim. Il a
ainsi conscience de la valeur des biens que Dieu lui offre tels que la nourriture et évite ainsi le
gaspillage.
Pour obéir à Dieu et respecter les règles, les croyants évitent au minimum de faire quelque
chose de haram. C’est pourquoi à la question : est ce que vos consommations halal sont liées
à des moments particuliers ? Un musulman répond : « je ne mange halal que pendant le mois
de ramadan car c’est la moindre des choses pour que Dieu me pardonne de mes pêchés de
l’année». On voit dans cette réponse que manger halal pendant le mois de ramadan est une
voie de rédemption et reste le minimum qu’un fidèle peut faire pour espérer le pardon de son
Dieu. C’est sans doute ce que les grandes enseignes et entreprises ont compris et n’hésitent
pas à se mettre sur ce que Huê Trinh Nguyên appelle le « marché ramadanesque »34
en faisant
pendant le mois de ramadan des promotions, des réductions sur les produits halal ou en
proposant certains produits de base pour la cuisine maghrébine : semoule de blé, fruits secs,
sodas, feuilles de brick, sans omettre les indétrônables dattes. A côté de ces produits, nous
avons les plats cuisinés qui connaissent un succès pendant le mois de ramadan. Nous avons
par exemple les plats cuisinés individuels micro-ondables (Hachis parmentier, paella royale,
Lasagnes etc.) de l’entreprise Zakia Halal35
qui durant le Ramadan 2008, 18 tonnes de cette
marque avaient été distribuées, soit presque la moitié des volumes sur une année selon les
informations de SALAMNEW n°10. De même, Samir Baziz, le directeur d’Isla Mondial, une
entreprise de charcuterie halal affirme que « les steaks hachés, les cordons bleus, les nuggets
marchent bien pendant le mois de ramadan » car, « ce sont des produits très pratiques pour la
mère de famille qui ne fait pas la cuisine le midi ».
Le mois de ramadan est paradoxalement un mois où on est censé manger moins, mais c’est le
mois où on cuisine le plus, car la convivialité invite à la consommation. En effet à la tombée
de la nuit, les croyants se retrouvent plus souvent en famille, entre amis et la fête aiguise les
appétits dans ces moments36
. C’est cette volonté de se faire plaisir en achetant de tout. Ce qui
33 http://islamfrance.free.fr/ramadan.html 34
SALAMNEWS N° 10 / août 2009 35 Entreprise crée en Algérie vers les années 1950 et qui depuis 2008 est sous la houlette de Panzani 36 http://www.lejdd.fr/Societe/Religion/Actualite/Le-business-discret-du-ramadan-127828/
44
fait dire à une cliente de chez ED, que le ramadan « c’est un peu comme Noël…et cela dure
trente jours ! ». Ainsi le mois de ramadan constitue une période d’opportunité pour les
entreprises alimentaires, la grande distribution et les boucheries, car, la consommation halal
est en hausse pendant celui-ci. D’un autre côté, la fête de l’Aïd est aussi un moment de
consommation de produits halal.
3.3.5.2 La fête de l’Aïd el Kabîr
L’Aïd el Kabîr est l’une des fêtes les plus importantes en Islam. En France on l’appelle
fréquemment la fête du mouton. C’est une grande fête au centre de laquelle a lieu le sacrifice
d’un animal. Cet animal est dans la majeure partie du temps un agneau qui est égorgé dans le
but de commémorer du sacrifice d’Ibrahim (Brisebarre, 1998). Dans les pays musulmans, elle
est désignée sous plusieurs noms en fonction des pays. On parle d’Ayd al-kabir ou Ayd al-
Adha dans les pays arabes et au Maghreb en particulier, de Tabaski en Afrique dans les pays
subsahariens ….Elle se déroule le 10 du dernier mois de l’année islamique.
Le sacrifice en lui-même constitue un rituel individuel accompli au sein de la famille de
préférence par le chef de famille qui est à la fois sacrifiant (celui qui offre le sacrifice) et
sacrificateur (celui qui opère l’égorgement rituel). Le mouton est l’animal le plus
généralement sacrifié, mais, d’autres animaux peuvent être sacrifiés lors de cette journée
Cette fête englobe une multiplicité de dimensions : sociales, économiques, culturelles
symboliques. Elle est définie comme la fête du pardon car c’est une occasion pour le
musulman de se réconcilier avec ses proches. Elle est aussi la fête du souvenir, un moment où
le fidèle peut se rendre aux cimetières des défunts de la famille et de déposer des offrandes sur
leurs tombes. En outre, c’est une fête « de l’ouverture vers les autres, de l’échange et du
partage », permettant aux nécessiteux qui n’ont pas pu sacrifier de fêter l’Aïd et de faire un
repas car les familles qui ont pu acheter de la viande doivent en partager la chair.
En situation d’immigration, cette cérémonie a une dimension identitaire permettant aux
étrangers de se souvenir des moments de fête passés au pays. Cependant la célébration du
rituel pose problème aux familles résidant en France surtout dans les milieux urbains. Ceci
est dû au fait que l’abattage rituel fait par le chef de famille et en dehors d’un abattoir est
interdit par la loi française. A cela vient s’ajouter l’isolement des abattoirs dans les milieux
ruraux. Cette question du rituel d’égorgement a connu des tensions en France. Nous avons
l’exemple des abattages clandestins, qui a fait la une de la presse des années 80 avec ce
fameux « mouton égorgé dans la baignoire ». Vu cette situation des solutions ont été
apportées par les municipalités avec la mise à disposition de sites municipaux de sacrifice,
45
relayés dans les années 90 par les « sites dérogatoires de sacrifices ». Sauf que le sacrificateur
ne sera plus le chef de famille mais un professionnel du sacrifice. En 1999 ces « sites » seront
dénoncés par le bureau vétérinaire de l’Union Européenne, accusant la France d’avoir
« organisé l’illégalité ». La France menacée d’amendes avec un délai était obligée de trouver
des solutions. Ainsi, au cours de l’Aïd 2000, les moutons ont été égorgés sous la surveillance
du bureau vétérinaire européen et la DSV (Direction de Service vétérinaire) et des
associations de protection des animaux. En 2001, un arrêt du Conseil d’Etat français interdit
toute dérogation et relègue le sacrifice musulman aux seuls abattoirs. Cette situation a
favorisé le retour à la clandestinité ou à l’achat de carcasses auprès des bouchers et des
grandes surfaces (Brisebarre, 2007). Dans son article, Sacrifier pour l’Aïd el kebir en France,
Brisebarre nous explique que l’achat de la viande halal auprès de la grande distribution est
une alternative au sacrifice. Ce qui a poussé des enseignes à proposer des moutons à
l’occasion de la fête. Ce marché est lucratif « surtout si des membres des grandes associations
représentées au sein des CFCM (Conseil Français du culte musulman) et CRCM (Conseil
Régional du Culte Musulman) acceptent de donner leur caution et de faire de la publicité dans
les semaines qui précédent la fête et en particulier dans les mosquées ».
A côté de la consommation de la viande, il y a également la consommation de produits halal
pour la cuisine de l’Aïd el Kabîr.
Ces deux grands moments de consommation nous renseignent sur les pratiques, les rituels des
musulmans, et introduisent en même temps la question de l’approvisionnement en produits
halal que nous allons voir maintenant
3.4 L’approvisionnement en produits halal
L’approvisionnement en produits halal pose la question de la détermination du lieu, de la
fréquence et le mode de fourniture qui sont des éléments importants et décisifs sur les
pratiques alimentaires des consommateurs.
Elle désigne l’achat de produits sur le marché mais aussi la fréquentation des restaurants. Le
ravitaillement en produits halal varie selon les produits. Dans le cadre de l’enquête réalisée
par Migration Etudes auprès de la population maghrébine vivant en Seine-Saint-Denis,
l’approvisionnement en viande se fait auprès des boucheries pour le caractère rituel de
l’abattage et pour la vente par morceaux, en vrac. L’étude réalisée par Chantal Crenn sur les
pratiques des populations d’origine maghrébine dans le grand Libournais démontre que les
musulmans les plus âgés habitant cet endroit connaissent tous l’implantation des différentes
46
boucheries dans la région et sont prêts à faire 15 à 20km pour s’approvisionner en viande
halal même si c’est en effectuant du covoiturage.
Pour les produits de base comme les céréales, semoules et les pates, qui s’inscrivent dans une
consommation familiale et sur une longue durée, le ravitaillement se fait auprès de grossistes.
Concernant les autres produits, les maghrébins s’approvisionnent dans les marchés et
supermarchés. Cette fréquentation est plus régulière si la personne a un moyen de transport
comme la voiture (Crenn, 2005). D’un autre côté, les familles ramènent également de leurs
vacances au pays des aliments que l’on ne trouve pas sur le marché français ou qui sont rares
et chers comme les pâtisseries maghrébines.
On voit par ailleurs une fréquentation des restaurants ou des pâtisseries, surtout par les
hommes vivants seuls, « qui ne trouvent rien à manger chez eux ou qui ne peuvent donner à
manger à la maison ».
Ainsi, l’approvisionnement en halal dépend du produit et du contexte de consommation. Nous
allons voir dans la partie qui suit ce qu’il en est de la juridiction sur les produits halal sur le
marché.
4.La juridiction
4.2 Le codex alimentarius
Créé en 1961 par la FAO (l’organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture)
le Codex Alimentarius, mot latin signifiant le « code alimentaire » est un ensemble de
normes, directives et codes d'usages alimentaires qui en tant que référence, est adopté à
l'échelle internationale. Ses objectifs sont de protéger le consommateur contre tout risque lié à
l’alimentation. Il suit le principe selon lequel, les consommateurs ont le droit de s’attendre à
ce que les aliments soient sains, de bonne qualité et propres à la consommation. En ce sens, il
accorde une importance particulière à la sécurité sanitaire et à la qualité des aliments. Il a
également pour but de protéger le consommateur des fraudes. C’est la raison pour laquelle, il
travaille sur l’étiquetage des denrées alimentaires en fournissant des informations pour aider
le consommateur sur le choix de ses aliments.
Ainsi, en 1997, conformément aux directives générales pour l’utilisation du terme halal, le
codex a établi la définition suivante :
On entend par aliment «halal» tout aliment autorisé par la loi islamique, qui répond aux
conditions ci-après:
47
il ne doit ni constituer ni contenir quoi que ce soit jugé illégal conformément à la loi
islamique;
il ne doit pas avoir été préparé, transformé, transporté ou entreposé à l’aide
d’instruments ou d’installations non conformes à la loi islamique;
au cours de sa préparation, de sa transformation, de son transport ou de son
entreposage, il ne doit pas avoir été en contact direct avec des aliments ne répondant
pas aux dispositions des alinéas ci-dessus.
Cependant,
un aliment halal peut être préparé, transformé ou entreposé dans une section ou
chaîne différente dans le même local servant à la préparation d’un aliment non halal,
pourvu que des mesures appropriées soient prises pour prévenir tout contact entre les
deux;
un aliment halal peut être préparé, transformé, transporté ou entreposé à l’aide
d’installations qui ont déjà servi à la préparation, à la transformation, au transport
ou à l’entreposage d’un aliment non halal, pourvu que des techniques appropriées de
nettoyage, conformes à la loi islamique, aient été suivies. Concernant le processus d’abattage halal, il a été prévu dans le codex que :
Tous les animaux terrestres dont la consommation est autorisée par la loi musulmane,
devraient être abattus selon les règles suivantes :
la personne chargée de l’abattage doit être un musulman sain d’esprit qui connait
bien les méthodes d’abattage de l’Islam;
l’animal à abattre doit être autorisé par la loi islamique;
l’animal doit être vivant ou réputé vivant au moment de l’abattage
l’invocation Bismillah (au nom d’Allah) doit être prononcée immédiatement avant
l’abattage de chaque animal;
l’instrument utilisé doit être tranchant et doit rester enfoncé dans l’animal pendant
l’abattage;
l’abattage doit consister à couper la trachée, l’œsophage et les principales artères et
veines situées dans la région du cou
Par rapport aux critères d’utilisation du terme halal, le codex se réfère à la liste des aliments
prévus par la loi islamique.
Pour l’étiquetage, le codex prend les mesures suivantes :
Quand une allégation est faite qu’un aliment est «halal», le mot halal doit figurer sur
l’étiquette ou tout terme équivalent.
48
Conformément au texte révisé des Directives générales du Codex sur les allégations,
la mention halal ne doit pas être utilisée de façon à susciter des doutes sur la sécurité
d’emploi de l’aliment ou de donner à entendre que les aliments halal ont une valeur
nutritionnelle supérieure ou sont meilleurs pour la santé que d’autres aliments.
Ces directives sont des références internationales et la commission du codex souligne que
celles-ci peuvent avoir des divergences selon les différentes écoles islamiques. Ainsi, il laisse
une marge d’interprétation aux autorités compétentes des pays importateurs dans l’application
de celles-ci. Il précise,
Toutefois, les certificats accordés par les autorités religieuses du pays exportateur devraient
être acceptés en principe par le pays importateur, sauf lorsque ce dernier est en mesure de
justifier d’autres conditions spécifiques.
Cette précision sur l’interprétation de ces directives fait dire à Florence Bergeaud-Blacker que
« le codex affirme sa souveraineté en englobant de façon imprécise et sans hiérarchie tous les
cas possibles dans l’unique but d’optimiser la liberté de circulation des produits halal et sans
égard au discrédit ainsi jeté sur le travail religieux. Les autorités religieuses et leurs longues
discussions sur les limites et les raisons de ces prohibitions ne sont plus convoquées». Ce qui
selon elle va favoriser le début d’une « bataille économique du halal business » car le joug
religieux est libéré. Ce manque de contrôle que dénonce cet auteure nous permet de nous
poser des questions sur la certification des produits halal que nous allons voir maintenant.
4.3 La certification ?
La certification est une reconnaissance, par un organisme indépendant du fabricant ou du
prestataire de service, de la conformité d'un produit, service, organisation ou personnel à des
exigences fixées dans un référentiel selon la définition de l’Association Française de
Normalisation (AFNOR). La certification atteste qu’une denrée alimentaire est conforme à
des caractéristiques spécifiques ou à des règles préalablement fixées qui portent selon le cas
sur la fabrication, la transformation, le conditionnement. Les caractéristiques spécifiques des
produits reposent sur des critères objectifs, mesurables, traçables et significatifs consignés
dans un cahier des charges. Elle sert à identifier un produit et à permettre au consommateur
de se rassurer, de connaitre l’origine, les composants du produit qu’il achète.
Concernant les produits halal, en 1995, Charles Pasqua, alors ministre chargé des cultes, tente
d’organiser avec le ministre de l’intérieur un monopole de la certification halal. Ainsi, avec le
ministère de l’agriculture, la Fédération Nationale des Exploitants d’Abattoirs Prestataires de
49
Service (FNEAPS), le recteur de la mosquée de Paris, sera signée une convention de
certification halal qui ne sera jamais appliquée (Bergeaud-Blackler, 2005). Cependant elle
permettra selon Florence Bergeaud-Blacker aux acteurs économiques de miser sur un marché
halal lucratif et d’investir « dans de coûteux box de contention pour abattage rituel, et dans
l’emploi de sacrificateurs habilités ». Ce plan a également permis en 1994 par arrêté
ministériel la désignation de la mosquée de Paris comme le seul organisme agréé pour
habiliter des sacrificateurs. En 1996, ce privilège sera accordé à la grande mosquée de Lyon,
la mosquée d’Evry, et la mosquée historique qui seront les principaux organismes pour
habiliter des sacrificateurs. Ce sont ces mosquées qui en leur sein créent chacune des
associations (dédiées à l’émission d’attestions et de moyens de contrôle) et les organismes
privés de certification comme AVS (A votre Service) qui attribuent les certificats halal et des
cartes de sacrificateurs à 150-200 euros la pièce37
en fonction de leur propre perception du
caractère halal (Zemmour, 2008). Par conséquent la définition de ce qui est halal n’est pas
précise, ni inscrite dans un cahier des charges, ce qui favorise les fraudes. Ce marché échappe
à tout contrôle, au détriment parfois de la confiance du consommateur. Le halal français
devient un business très concurrentiel, voire anarchique, où tous les coups sont permis. Ainsi,
on note une perte de confiance de la part des membres de la communauté musulmane de
France (Zemmour, 2008) en la licéité des produits (que nous détaillerons plus tard dans
l’étude). Les consommateurs sont en « demande d’information » sur les produits halal et
s’attendent à « une offre d’information ». Cette quête de données est liée à l’augmentation de
la consommation de masse qui accroit le besoin d’indentification des produits
particulièrement sur l’origine, la composition et le processus d’abattage rituel. C’est dans
cette perspective qu’il a été crée en 2003 le Conseil français du culte musulman (CFCM) qui
représente les musulmans de France et intervient dans les relations avec les pouvoirs
politiques sur plusieurs domaines38
. Ainsi, ce conseil a crée en 2004 une commission de halal
dans le but de « trouver très rapidement une réponse viable à la question de la mise en place
d’un référentiel de qualité halal intégré dans le système des Signes officiels d’identification
de la qualité ». Une tâche qui est lourde car, le conseil devra garantir le caractère halal de la
viande et des produits dérivés pour rassurer le consommateur. Dès lors son principal enjeu
sera d’apporter des éléments précis sur ce qui caractérise ou non un produit halal pour qu’un
37http://www.bladi.net/france-le-jackpot-du-label-halal.html 38
Le CFCM intervient dans la construction des mosquées, dans le marché des aliments halal, dans la formation de certains
imams et dans le développement de représentations musulmanes dans les prisons et dans l'armée française. Il fixe également
les dates du mois du ramadan en France et, à travers le Conseil européen de la recherche et de la fatwa, décrète des fatwas
ayant pour vocation d'être appliquées en France
50
cahier des charges précis (licéité, mode de fabrication, de distribution, sous le contrôle d’un
organisme certificateur à tous les niveaux) soit respecté par tous les acteurs de la filière
(Zemmour, 2005). Cette commission, avec à sa tête Abdelkader Arbi, a rapidement été
discréditée et le rapport qu’elle avait remis fut classé sans suite. « C’est le statu quo. Il
faudrait que le CFCM garantisse la certification de la viande halal et assure le contrôle final.
Si le CFCM ne peut résoudre des dossiers comme ceux du pèlerinage ou du halal, à quoi sert-
il ? », déplore un responsable de l’instance39
.
Ainsi, la certification des produits halal est attribuée à différentes mosquées. Celles-ci
peuvent avoir des conceptions différentes du caractère halal car elles ne se référent pas à un
cahier des charges unique qui définit le halal. D’où la nécessité d’un « référentiel halal ». Par
conséquent, on distingue plusieurs marques halal que nous allons voir maintenant.
4.4 Le Label ?
Un label est une marque collective qui se matérialise par des signes distinctifs et qui peut être
utilisée par les différentes marques se conformant au cahier des charges du label. Se référant
au codex, qui autorise l’utilisation du mot halal ainsi que tout mot « équivalent », en se
libérant du « joug religieux », et en profitant « du flou juridique », les marques halal
prolifèrent et se multiplient sur le marché. Nous avons
une offre halal des grandes marques comme : Duc, Fleury Michon, Herta, Knorr,
Labeyrie, Liebig, Maggi
des marques historiques : Wassila halal, Dounia, Isla Délice, Isla Mondial, Médina
halal, Saada, Jumbo, Zakia
Selon le cabinet d’études Solis, la notoriété des marques est différente selon que celles-ci
soient historiques, nationales etc…
Marques nationales déclinant une offre halal……...48%
Marques halal historiques…………………………...82%
Autres marques………………………………………36,1%
4.5 Etudes de cas : la filière de la viande halal
Dans son livre Vers une certification de qualité halal Eric Zemmour, dévoile que même si la
demande de viande halal est plus ou moins satisfaite par les différents circuits de production
39http://www.bladi.net/france-le-jackpot-du-label-halal.html
51
et de distribution, l’offre du marché n’est pas à l’abri des fraudes et des tromperies. Ce qui le
pousse à parler de la « nécessité d’organisation de la filière de la viande halal ». Il appuie
ainsi son idée en révélant d’une part « que les responsables de la communauté musulmane
peuvent aller jusqu’à affirmer que 90 à 95% des viandes vendues sur le marché ne sont pas
véritablement halal », et d’autre part « que la DGRCCF Direction générale de la
consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes a mis en évidence la
multiplication des tromperies et falsifications. Pour confirmer cet argument, Florence
Bergeaud-Blacker décrit la filière de la viande depuis l’élevage à la distribution en passant par
les transports et la transformation avec tous les risques de tromperies que cela peut contenir.
52
Elevage
Abattage, spécialisation halal
Transport
Transformation
Schéma simplifié des principales étapes de la production
L’exemple du bœuf
Avec l’absence de système de contrôle et de vérification, le caractère de la viande halal peut
susciter des doutes dans toutes les étapes de la production de viande. En effet, l’attribution du
caractère halal à la viande se fait à partir de l’abattage. Ce dernier ne peut se faire que dans un
établissement surveillé par l’Etat. Dans le cadre de son enquête réalisé en Aquitaine, la
production halal se fait sur des chaines d’abattages ordinaires. Ainsi, la seule différence avec
l’abattage ordinaire se trouve dans les outils utilisés. Dans les deux cas l’animal est tué par
égorgement et retrait de son sang. La seule différence est que dans la production halal,
l’animal est tué par un sacrificateur habilité par l’une des mosquées citées plus haut.
Sacrificateur qui selon elle n’a aucune formation ni qualification.
Par ailleurs, avant la saignée, l’animal ne doit pas être étourdi. Sauf que dans les abattoirs et
selon la réglementation, une exemption à l’étourdissement avant la saignée peut être accordée
Abattage
Secteur du détail :
Boucheries halal,
épiceries, supermarchés
Boucheries,
Supermarchés
Discounts
53
mais celle-ci n’est pas obligatoire. Ce qui nous pousse à nous interroger sur le caractère licite
de la viande. Cette question ne s’arrête pas là car, enfin d’abattage, les carcasses sont
tamponnées par deux cachets, « le tampon légal obligatoire pour toute viande abattue en
abattoir, et le tampon halal ». A ce stade, il est possible qu’il se produise des erreurs de
marquage. Après, ces carcasses seront transportées. Ce moment est propice pour une
confusion de carcasse halal et non halal. Car, ces dernières peuvent involontairement être
introduites dans des sacs destinées aux carcasses halal. C’est lorsqu’elle franchit le seuil de la
boucherie « halal » que la carcasse acquiert définitivement son caractère licite. Avant cela, le
statut de la viande reste relativement incertain en raison de la mobilité et les contacts des
carcasses avec des espaces non musulmans (Bergeaud-Blacker, 2005).
L’autre phénomène qui peut relever de l’incertitude de la qualité halal est que les chaines
d’abattage halal produisent une quantité plus importante de carcasses que les boucheries ne
peuvent absorber. Du coup, cet excès de production sera remis dans le circuit normal. C’est
pour cette raison « qu’ils minimisent la visibilité du tampon halal ». Ainsi, dés que la
carcasse franchit le seuil de la boucherie, elle devient halal, qu’elle soit marquée ou non. Car
l’absence de tampon halal sur la carcasse peut être interprétée par le boucher par des éléments
autres40
que le processus d’abattage. Cependant, si le boucher est honnête il peut en ce
moment ne pas prendre une carcasse sans marque halal.
Le marché des produits halal est en plein essor. On voit de plus en plus de produits sur l’offre.
Ce qui favorise l’émergence du boom halal. Ce boom est lié à l’augmentation de la
population musulmane en France. Cet accroissement de la population est dû à plusieurs faits
sociaux dont l’immigration maghrébine et noire africaine. Par ailleurs, l’augmentation de la
demande sur le marché est aussi l’une des raisons du développement des produits halal. Nous
avons en outre les pratiques des populations musulmanes liées à la religion comme le
ramadan et la fête de l’Aïd qui sont des moments importants où l’offre de produits halal
accélère. Cependant, ce marché qui soit disant prometteur (maintiendra un rythme de
croissance de 10% par an jusqu’à 201241
) est mal « organisé ». Malgré cette estimation, les
produits suscitent des doutes sur leur qualité halal à cause de l’absence de transparence du
système de production. Absence de transparence qui est liée à une manque de référentiel halal
et qui conduit par conséquent à une multiplicité d’interprétations du halal, d’organismes et de
marques halal.
40 Marquage mal fait, effacé, ou apposé sur un autre morceau de la carcasse 41
Cabinet d’études Solis
54
Avec ce manque de confiance des consommateurs se pose déjà la question de l’avenir du
rayon halal dans la grande distribution que nous allons traiter dans la partie qui suit.
55
Chapitre IV
Le futur du rayon halal dans la
grande distribution
56
1.L’entrée des produits halal dans la grande
distribution
1.2 Le contexte
Le marché des produits halal est en pleine expansion partout dans le monde. Actuellement, ce
marché se trouve être porteur et prometteur. En effet, il était pendant longtemps réservé aux
commerces traditionnels en l’occurrence les boucheries. Celles-ci avaient l’apanage de tous
les produits halal la viande bien sûr mais pas seulement. Depuis les années 1990, on voit la
grande distribution investir sur le halal. Au début, cette offre était restée confidentielle et
« réservée » à certains magasins dans quelques zones à forte concentration musulmane. Puis
est arrivée une nouvelle génération de consommateurs, à la demande de laquelle, la grande
distribution n’a pas hésité à répondre. Ces consommateurs appartiennent aux troisième et
deuxième générations issues de l’immigration, et ont une autre conception du halal que leur
parent. Cette « diversity baby-boomers », selon le terme du directeur du cabinet d’études
marketing SOLIS, parvenus à l'âge adulte (généralement nés en France dans les années 1980
et 1990), ont des attentes spécifiques envers ces produits. Toutefois il faut noter que la grande
distribution a eu du mal à se positionner sur un marché considéré comme ethnique et sensible
(nous le verrons plus loin).
1.3 Les raisons
Comme nous l’avons souligné plus haut, la grande distribution en France a misé tardivement
sur le marché du halal. Son entrée sur ce marché est liée à plusieurs raisons.
1.3.1 Elargissement de l’offre
La grande distribution a intégré le marché du halal d’abord pour des raisons économiques et
de marketing. Autrement dit, c’est pour élargir son offre et toucher plus de clients que les
grandes surfaces ont proposé des produits halal. L’offre, qui se limitait à la viande fraiche a
vu son volume augmenter. Elle s’est aussi élargie à d’autres produits, notamment des céréales
(riz, couscous…), des sucreries (bonbons, biscuits…), du produits frais (yaourt et produits
laitiers…), surgelé (cordons bleus, steak haché etc), des plats cuisinés, et aliments minutes
(pizza, hamburger, lasagnes, crêpes…) etc. Le magasin Auchan par exemple à Martigues a
57
décidé de réaménager le rayon halal pour élargir cette offre: « Les produits halal sont devenus
incontournables", explique le chef de rayon boucherie. « Petit à petit, on a introduit de
nouveaux produits. Prochainement, on souhaite pouvoir proposer une gamme complète de
viande halal. Cette année, on a déjà essayé le foie gras halal, ça a été un véritable succès.
Pourquoi pas un jour tenter la choucroute?" conclut-il42
. Dans un autre magasin Auchan, un
des responsables de l’achat des produits assure : « On compte dans notre magasin 80
références en charcuterie, une quarantaine de surgelés et une trentaine de produits traiteur
destinés à nos clients musulmans, 98% de nos magasins proposent ces articles». Dans cette
même optique, nous avons la marque Haribo qui a récemment enlevé de ses bonbons la
gélatine animale pour en faire du halal et les commercialise dans les grandes surfaces. Cette
entrée des produits de l’agro-alimentaire est liée à une demande de la population musulmane
qui « souhaiterait manger comme les français, c’est-à-dire moderne ».
1.3.2 Répondre à une demande liée à la modernité alimentaire
En investissant sur le marché du halal, l’objectif premier de la grande distribution est de
satisfaire une demande de la clientèle musulmane, celle-ci ayant des revendications
spécifiques sur des produits particuliers qui sont plus ou moins liés à la modernité alimentaire.
Ce qui caractérise la modernité alimentaire est un changement des pratiques alimentaires : de
la composition des repas, des horaires et lieux de prises etc... Dans la modernité alimentaire,
« l’alimentation ne structure plus le temps, mais c’est le temps qui structure l’alimentation »
(Fischler, 1990). Dans ces conditions, le « repas structuré » où l’individu prend le temps de
manger et de bien savourer est de moins en moins fréquent. On assiste à une perte de
légitimité de l’appareil normatif qui encadre les pratiques alimentaires (Poulain, 2002) tandis
qu’apparaissent des pratiques individuelles comme le fait de manger seul, dehors…Cette
absence de normes est due à l’accroissement de la pression économique, aux transformations
du marché de l’emploi, aux conditions et horaires de travail (Grignon, 1993) ainsi qu’à
l’individualisation croissante. Dans ces conditions, il s’avère indispensable d’avoir des
produits permettant de manger vite et de s’adapter aux rythmes et modes de vie, sans compter
que la clientèle musulmane a envie de manger les mêmes produits que tout le monde. Ainsi, la
distribution de masse répond à l’évolution du comportement d’achat et du style de vie du
nouveau consommateur halal, ce dernier étant à la « recherche de produits plus occidentalisés
tel que les pizzas, lasagnes, nems, produits transformés comme les aliments-minutes, les Junk
42 http://www.laprovence.com/article/region/les-produits-halal-sont-devenus-incontournables
58
et Fast-food….mais certifiés halal». « Petit à petit » explique cette mère de famille « on
trouve plus facilement ce type de produits. Pour la viande, ça n'a jamais été un problème car
il y a de très bonnes boucheries halal en ville. Par contre, ce qui me dérange vraiment, c'est
quand on a envie de sortir manger à l'extérieur. On est obligé de prendre du poisson ou des
pâtes sans viande ». Ce n’est seulement réservé à l’alimentation hors domicile. Cette jeune
femme active d’origine algérienne, qui a les mêmes contraintes et préoccupations que
n’importe quelle autre jeune femme française veut par exemple des plats cuisinés halal
qu’elle peut préparer rapidement, en rentrant de sa journée de travail…On voit également que
cette demande est aussi forte chez les jeunes de moins de 25 ans qui sont plus attirés par ces
produits. Ces jeunes réclament des plats modernes et ont envie de varier leur alimentation tout
en respectant la tradition. Ainsi, en faisant valoir que les produits sont halal, certaines jeunes
filles âgées de 15 à 18 ans essayent d’introduire de nouveaux aliments, plats ou manières de
cuisiner à la française : « des plats de chez nous avec du mouton on en a ras-le-bol, et puis
c’est lourd, c’est des plats de fêtes. Alors, quand je peux faire les courses avec ma mère,
j’essaie de lui faire acheter des produits français, des plats déjà préparés par exemple, tout
en lui garantissant que ce qu’on va manger est bien halal »43
.
Ainsi, pour répondre à la demande de la clientèle, les grandes surfaces proposent des produits
industriels. Si ce marché est prometteur, il reste toutefois sensible en France. Cette sensibilité
lui confère une situation de crainte dont nous allons voir les causes dans la partie qui suit.
2.Situation de crainte en France
Les craintes résultent entre autres du manque de confiance des consommateurs en les produits
dits halal, de la peur de la grande distribution des réactions de ses autres clients si elle
affiche clairement qu’elle vend du halal, le comportement des anti-halals etc…. Toutes ces
questions nous poussent à nous interroger sur le futur du rayon halal dans la grande
distribution.
2.2 Le manque de confiance des consommateurs
La crédibilité du halal dans la grande distribution n’est pas chose évidente ! Malgré l’effort
des distributeurs, nombre de consommateurs ne font pas confiance aux produits halal dans les
grandes surfaces : ils ne sont pas sûrs qu’ils soient vraiment halal. La majorité des
43 Lioré Julie, Rodier Christine, les adolescents musulmans et le halal, Les Cahier de l’OCHA, 2009
59
consommateurs s’approvisionnent dans les boucheries car ils font plus confiance au « boucher
du quartier » qui est souvent une connaissance (Crenn, 2005). Selon le journal L’express, les
marques traditionnelles comme Zakia Halal et Isla Mondial inspirent plus confiance que les
marques nationales ou les marques de distributeur.
Par ailleurs, l’absence de référentiel de certification halal, qui favorise une pluralité de
définitions, une absence de traçabilité, et la « variation qualitative non maitrisée », participe
fortement au manque de confiance des consommateurs sur les produits halal. « Je ne sais si
les produits estampillés halal sont vraiment halal, je n’ai aucune garantie à propos de leur
origine » remarque un consommateur lors de notre enquête. A cela s’ajoutent les doutes que
les consommateurs ont sur le contrôle de ce marché. Ce qui fait dire à Florence Bergeaud-
Blackler que « les marchés halal n’ont pas bonne réputation parce que les consommateurs ont
le sentiment qu’ils ne sont pas contrôlés ». Cette faible confiance des consommateurs est
accentuée par l’existence avérée de fraudes et de tromperies. La Direction Générale de la
Concurrence, de la consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a ainsi lancé
des poursuites et des avertissements ces dernières années à l’encontre des distributeurs
(Zemmour, 2008).
Il faut tout de même signaler que ce manque de confiance n’épargne pas les boucheries. En
effet, depuis l’état des lieux réalisé à Rungis44
, les boucheries sont « de plus en plus
discréditées » et les consommateurs frileux envers les produits halal (Zemmour, 2008).
L’association de sensibilisation, d’information et de défense du consommateur musulman
(ASIDCOM) dans son enquête sur la certification des produits halal, a lancé un appel aux
consommateurs pour boycotter les produits auxquels ils ne font pas confiance. Le directeur de
cette association affirme que c’est au consommateur de faire la différence entre la certification
et l’autocertification. Un produit certifié, selon lui, se voit apposer un logo. Mais, quand il est
simplement écrit « abattu selon le rite musulman », ce produit est autocertifié et l’association
demande aux consommateurs musulmans de le boycotter. Le consommateur est la première
victime dans « cette guerre de définition », « c’est l’acteur oublié ». Ces programmes de
sensibilisation ont largement participé à cette méfiance du consommateur envers les produits
halal.
Ce manque de confiance des consommateurs, transparait dans les discussions sur des forums.
Thème : Produits halal dans les grandes surfaces
44
D’après l’enquête menée par le Ministère de l’intérieur, 50% des viandes vendues sur ce marché sont destinés au circuit
artisanal-marchand alors que peu de grossiste halal sont sur ce marché.
60
- « je n’ai jamais acheté des produits halal dans les grandes surfaces et en plus je ne fais pas
confiance alors je préfère aller chez un arabe c'est mieux »
- « Maintenant ils développent de plus en plus les rayons halal mais moi je ne suis pas trop
tentée pour acheter, je ne sais pas s'il faut vraiment leur faire confiance? Même si c'est écrit
halal, je me méfie. Ou alors vous achetez sans vous poser de questions? »
- « je n'en ai acheté qu'une seule fois à Auchan, c'était des steaks hachés surgelés, et je les ai
trouvés très bons mais j'avoue que je n'étais pas très à l'aise quand je les mangeais! Ils sont
bons mais c'est psychologique, c'est juste le fait qu'ils sont vendus par des non musulmans! »
- « en général, en grande surface, j'achète du poulet, par contre les saucissons, façon chorizo
et les terrines, ou foie gras, je zappe là par contre ça m'écœure, excusez-moi, mais ça me
rappelle ceux du porc ».
- «entre doute et malbouffe, les grandes surfaces me font perdre mon latin j'avoue, ça ne
m'inspire guère confiance et j'ai tellement l'habitude d'acheter toutes mes viandes à la
boucherie le dimanche tranquille au marché, que je ne calcule même pas ces produits soi
disant halal en grande surface »
- « personnellement, je ne fais absolument pas confiance à ces enseignes qui feraient
n'importe quoi pour se faire du chiffre, ils ont remarqué que le petit arabe consomme
énormément d'autant plus quand c'est écrit halal ».
On pourrait multiplier les exemples.
2.3 La peur de la grande distribution des réactions des autres clients
La grande distribution avance prudemment sur ce marché. En effet, la sensibilité la question
de l’Islam, la pousse à ne pas « trop se montrer » sur ce marché. Ce qui incite par exemple
M. Chétochine, consultant en marketing à dire que « dans un pays dit laïque comme la France,
il ne faut pas choquer la clientèle non-musulmane ». C’est pour cela que les grandes surfaces
ont tendance à utiliser des termes neutres comme «Saveurs d’Orient », « Sur la route des
épices » etc…. Pendant le mois de ramadan par exemple, c’est encore plus net. Ainsi, Fateh
Kimouche, fondateur du site internet Al-Kanz (un portail musulman de consommation)
dénonce les distributeurs qui « ont tendance à rester dans les clichés, et convoquer l'Orient et
Les Mille et Une Nuits pour éviter de parler directement du ramadan ». Dans cette même
optique, Jean Christophe Depres, directeur associé de Sopi, agence française en
communication multiculturelle déplore : « Les principales enseignes rivalisent de métaphores
orientalisantes pour éviter d'appeler un chat un chat et d'associer son image à une religion.»
61
De même, Cedomir Nestorovic, professeur à l’ESSEC et auteur de Marketing en environnement
islamique pense que cette situation est due au fait que la grande distribution a peur de créer un
« effet boomerang45
». Les rayons Halal restent donc globalement invisibles, au point que les
populations concernées préfèrent parfois les produits cashers (lorsqu’un produit est casher, il
est forcément Halal) selon l’étude de Agro-jonction n°41 intitulée Les produits halal, futur
Eldorado. De même, lors de nos enquêtes, les consommateurs regrettent le fait que le rayon
halal soit petit et « introduit dans un petit espace de 1à 3 mètres carrés ». Ce qui fait suggérer
à un consommateur de mettre des indications devant le rayon pour éviter de faire tourner les
gens dans tout le magasin : « je ne vois pas le rayon halal dans les grandes surfaces, il faudrait
mettre des indications sur les tableaux comme ils le font avec les autres produits », Omar 25
ans Toulouse. « Le rayon halal devrait être plus visible car dans la plupart des grandes
surfaces, on a beaucoup de mal à le trouver », Aly 30ans, Nice. « On devrait faire de sorte que
les produits halal soient bien visibles et séparés des autres produits » suggère Amadou, 33 ans
Toulouse.
Ainsi, la grande distribution a du mal à « s’afficher halal » et reste frileuse en termes de
communication.
2.4 L’image des produits Halal en France
« Il est interdit d’égorger le mouton dans le bâtiment, attendez d’être au bled pour faire
couler le sang des agneaux », (la réclusion solitaire, Paris 1976) se plaint le héros de Tahar
Ben Jelloun.
En France, les produits halal sont tout de suite associés à des produits religieux, à destination
des musulmans : « je vois beaucoup de boucheries halal se créer, je le rapporte à la religion
musulmane » affirme un boucher non halal lors de nos enquêtes. A la question : est-ce que ce
marché pourrait vous tenter dans le futur ?, le même boucher répond : « cela ne me dit rien, je
ne comprends pas que l’on puisse mélanger religion et nutrition ». Cette association des
produits halal à la religion est expliquée par la méthode d’abattage rituelle musulmane. Par
conséquent, le manger halal est relié en quelque sorte à une revendication identitaire et
communautaire.
Par ailleurs le halal est pour certains consommateurs musulmans « une étiquette
commerciale » permettant aux acteurs de la grande distribution de faire vendre leurs produits.
L’enquête menée sur Facebook, et les réponses relevées sur les forums, permettent de
45 C’est un effet négatif produit par un message publicitaire lorsqu’il est considéré comme non crédible, non légitime,
dérangeant ou irritant par les consommateurs
62
confirmer cette idée. Nombre de musulmans ne sont pas prêts à accepter les produits halal
autres que la viande ou qui n’ont aucun dérivé de viande. Certains trouvent que c’est « du
n’importe quoi de faire des produits halal qui ne contiennent pas de viande ni de dérivés de
viande ». « J’ai trouvé du Tiakry46
halal l’autre jour dans une boutique pakistanaise à Paris :
non mais j’hallucine ! Comment font-ils pour définir le halal, je me le demande ? » s’exclame
et s’interroge lors de notre étude, Aicha 30 ans mère d’un enfant. Cette interrogation est
revenue à chaque fois que l’on disait à un musulman que l’on travaillait sur le halal. « Les
acteurs de la distribution se foutent des musulmans » affirme Ousmane 25 ans, étudiant à
Montpellier, « cela ne sert à rien du tout ce n’est que du blabla pour faire vendre mais je ne
crois pas que cela tienne la route » souligne Amy, 23 ans sur Facebook, et sur un forum de
discussion musulman, un internaute écrit « ce label Halal ce n’est que du Marketing pour
vendre des trucs qui serait difficiles à vendre, on en voit de toutes les couleurs, œuf halal,
yaourt halal, bonbons halal47
…. ». Un autre affirme : « le cola ou même des produits comme
le savon halal, c'est exagéré ». L’incrédulité est perceptible aussi aux réponses obtenues
quand on a posé la question : que pensez-vous des bonbons, yaourts, biscuits, céréales et
cosmétiques halal ? La première question qu’on a reçu c’est :
- Cosmétique halal, ah bon à quoi cela ressemble ?
- C’est sans alcool ma belle !!!
- Ah oui donc ça existe vraiment ? Tu peux me donner un nom de cosmétique ? Parce-que là
j’avoue que ça me sidère carrément !!!
-Vas sur ce site miss : www.cosmelal.com
2.5 Les anti-halal :
Le marché des produits halal n’est pas apprécié par tous. Il existe des adeptes de ce marché,
notamment les musulmans, mais on voit également de plus en plus des gens qui sont contre.
Parmi ceux-ci, des acteurs politiques, des consommateurs etc… Ces gens n’hésitent pas, à
travers des actes et comportements, à montrer leur opposition. Ainsi, certains non-
consommateurs de produits halal sont prêts à tout pour faire régresser le marché. Dans les
forums de discussion, on trouve: « détruire le halal dans les supermarchés ! Le plus facile et
le plus discret c’est de percer les barquettes de viandes en cellophane (en faisant semblant de
vouloir en acheter). Une simple pression du pouce sur les coins de la barquette et ça pète
46
Le tiakry est à base de couscous de mil et de lait caillé, c’est sénégalais ! 47 http://www.yabiladi.com/forum/produits-halal-dans-grandes-surfaces-1-2475317-page=2.html
63
facilement… Dernièrement j’en ai flingué une dizaine48
! ». Réagissant à l’article « La viande
que vous mangez est peu être halal et vous l’ignorez », paru sur le Figaro, une femme
suggère : « Quand vous allez faire vos courses, n’hésitez pas a glisser quelques tranches de
jambons dans les rayons halal ! ». D’ailleurs, ils qualifient la religion musulmane de
« mafia », « de secte financée par le halal »49
et invitent les gens à boycotter les enseignes qui
vendent ce genre de produits.
Par ailleurs, l’exemple de Quick qui propose du « tout halal » dans 8 de ces 350 restaurants
français n’a pas enchanté tout le monde. Ce test a fait la une de l’actualité et a suscité des
débats et une polémique notamment au sein du monde politique. Certains acteurs politiques
n’ont pas hésité à montrer leur désaccord sur cette initiative. Ainsi, Marine Le Pen, vice
présidente du Front National affirme : « tous ceux qui viendront acheter dans ce Quick
paieront en réalité une taxe aux organismes islamiques de certification (...) Je trouve cela
inadmissible »50
. Le maire de Roubaix a porté plainte pour « discrimination » contre la chaine
de restauration Quick. Sur Facebook, un groupe qui s’appelle contre le quick chez halal s’est
construit et compte à ce jour 420 membres. Le 07 mars51
2010 un groupe de mécontents de 70
personnes s’est déguisé en cochon et a envahi le Quick de Villeurbanne avec comme
slogans : « Quick halal non merci, l’islamisation ça suffit », « première, deuxième, troisième
générations, nous sommes tous des mangeurs de cochon » en poursuivant sur « On est chez
nous, On est chez nous ». Ils dénoncent en ces mots ce qu’ils appellent une « exclusion et une
ségrégation des Français dans leur propre pays » et une « souffrance des animaux
inadmissible lors de l’égorgement ». Certains n’admettent pas qu’un fast-food qu’il
caractérise de laïc propose du halal : « Les magasins qui annoncent la couleur telles les
boucheries halal ou les boutiques casher, là on sait où l'on va ….Mais dans un fast-food à
vocation laïc, ne laissons pas entrer les religions !!!!!!! », « Est-ce que nous on leur impose de
manger que du porc ? » 52
. Pour ces anti-halal, il revient à la population musulmane de
s’adapter et non le contraire : « je trouve que ce n'est pas notre pays ainsi que nos restaurants
qui doivent s'adapter à leurs besoins, mais bien l'inverse, si ça ne plait pas53
…. ».
Le « halal passe mal » auprès d’une partie de la population dont on ignore toutefois
l’importance.
48 http://www.bivouac-id.com/2009/09/04/pourquoi-il-faut-boycotter-les-enseignes-qui-vendent-halal/ 49 http://www.bivouac-id.com/2009/09/23/scandaleux-la-viande-que-vous-mangez-est-peut-etre-halal-et-vous-lignorez/ 50 http://www.liberation.fr/societe/0101619507-marine-le-pen-denonce-les-hamburgers-halal-de-quick 51
Vous trouverez la vidéo non censurée sur : http://www.dailymotion.com/video/xcjdya_rebeyne-vs-quick-halal_news 52
Commentaire de la vidéo sur facebook 53
http://www.facebook.com/pages/CONTRE-LE-HALAL-AU-QUICK/311742525442
64
Il est victime de l’image assez négative de l’islam en France, qui est souvent assimilé à
l’intégrisme voire au terrorisme. Différents événements, très médiatisés, ont contribué à cette
vision négative : l’affaire du voile d’abord dans les années 90, les attentats islamistes à Paris
en 95, le 11 septembre, l’affaire de la burqa etc. Très souvent évoqué par les politiciens, très
présents dans les médias, l’islam est souvent présenté comme une menace pour les valeurs
républicaines, pour l’égalité entre les hommes et les femmes comme pour la laïcité. Les
musulmans sont implicitement accusés de ne pas vouloir s’intégrer. En outre, l’islam pourrait
conduire au terrorisme, d’où la crainte de toute forme de prosélytisme. Ces représentations,
qui peuvent être en partie liées au statut d’anciens colonisés d’une grande partie de la
population musulmane en France, ainsi qu’au regard porté sur les jeunes de banlieue issus de
l’immigration, ont également été attisées par certains partis et hommes politiques. Le récent
débat sur l’identité nationale, qui a, en fait, beaucoup tourné autour de l’islam, a quant à lui
entretenu les confusions et accrédité l’idée que l’islam mettrait à mal l’identité de la France.
Une « nouvelle islamophobie » a vu le jour, analyse Vincent Geisser. Tout ceci assimile le
musulman au danger. Celui-ci est décrit comme étant « rétrograde, sectaire, voire intégriste
menaçant la sécurité intérieure, à l’exemple des organisations terroristes agissant sur la scène
internationale ».
Face à cette situation, la grande distribution se doit de proposer des solutions ou de trouver
des alternatives pour satisfaire la clientèle, répondre à leurs attentes s’il veut être le leader du
halal. Nous allons voir dans la partie qui suit quelles peuvent être ces solutions.
3.Les stratégies des grandes surfaces
La grande distribution adopte actuellement une stratégie pour répondre aux attentes des
clients.
3.1 Recours au marketing
Faire du marketing, c’est avant tout « connaître et satisfaire un marché ».
Dans ce cadre, les chefs de rayons comptent adapter leur offre : « En fonction de notre zone
de chalandise, de notre type de clientèle et de la taille du magasin, un assortiment est défini et
celui-ci évolue ou pas en fonction de la demande et du chiffre d’affaires ». Pour ceci, le
groupe marketing étudie en permanence les opportunités et les « offres avenir ». Ces dernières
dépendent des magasins. Certains utilisent « un assortiment dans une multiplicité de
65
références » et d’autres « un assortiment médium ». Le premier correspond à un nombre
réduit de produits et le second à un nombre plus important. Les deux assortiments dépendent
du type de clientèle et des attentes qu’ils ont en vers les produits.
La mise en avant du produit fait partie des stratégies marketing de la grande distribution. Les
« offres découvertes » qui sont une manière de faire connaitre le produit au client reste un
moyen pour la grande distribution d’attirer celui-ci. Quant aux promotions, elles constituent
un moyen de répondre aux attentes du consommateur et de le fidéliser.
Toutefois, celles-ci ne peuvent pas uniquement porter sur les produits halal car ces derniers ne
constituent pas une large gamme dans les grandes surfaces54
. « On ne peut pas faire de
promotion pour avoir le produit en main » affirme un chef de rayon. « Nous », poursuit-il,
« notre linéaire n’est pas développé sur le halal en plus ce sont des produits qui viennent
d’entrer dans les supermarchés et les hyper ». Donc, pour le halal ça sera plutôt une
« promotion de découverte » pour faire connaitre aux gens qu’il y a du halal dans le magasin
mais pas « une promotion commerciale proprement dite ».
3.2 Répondre aux attentes des consommateurs
Par ailleurs, le client reste prioritaire et il est nécessaire de l’écouter pour pouvoir répondre à
ses besoins. Pour cela, la grande distribution prône la diversité de l’offre et la qualité, les
suggestions des clients étant les bienvenues. Ainsi, lors de nos enquêtes, un manager de
Casino affirme: « Le Groupe Casino reste à l’écoute de ses clients, la diversité des offres et la
qualité de celles-ci font partie des priorités du groupe dans le domaine du marché Halal ».
Pour cette écoute, ils mettent à la disposition du client un cahier de réclamation pour lui
permettre de faire des demandes, des revendications, suggestions et autres etc. Ecoute,
diversité et qualité sont pour les chefs de rayons les éléments indispensables pour pouvoir
répondre aux attentes des clients. C’est pour cela que la qualité de l’offre est prioritaire car,
elle reste « une distinction et un réel avantage ».
Répondre aux attentes, c’est également avoir le produit au bon moment pour ne pas faire
chercher ou patienter le consommateur. « Le client s’il ne trouve pas le produit dont il a
besoin, il ira le chercher ailleurs » affirme un manager de rayon. Pour éviter cela, on « essaie
d’avoir toujours le produit en permanence et en quantité suffisante ». Donc, c’est surtout la
disponibilité et la qualité du produit qui, d’après les managers, comptent pour le client, ce qui
n’est nullement spécifique au halal.
54
Dans le magasin Casino, qu’on a interrogé
66
Cependant, la question de l’invisibilité du rayon et de sa petitesse, pose aujourd’hui des
contraintes d’espaces et nécessite un réaménagement des rayons etc.
3.3 L’attitude par rapport aux autres clients
En ce qui concerne les réticences de certains par rapport au halal, les managers de rayon
considèrent que c’est une question politique et qu’ils n’ont pas à en tenir compte tant qu’il y
aura la demande ! Cette question n’est pas « pour l’instant une problématique de mon
magasin », répond un manager de Casino. Sans doute fait-il cette réponse parce que les
produits halal sont peu nombreux : « ce ne sont pas que les produits halal qui font marcher le
magasin, même si ça marche bien en ce moment », explique-t-il.
Globalement, les grandes surfaces s’appuient sur ces stratégies pour faire face à leurs
concurrents directs, c’est-à-dire d’un côté les autres grandes surfaces qui vendent les mêmes
produits industriels, d’un autre les boucheries musulmanes. Ces dernières ne sont pas
redoutées, ni considérées comme des concurrents, car ce ne serait pas la même clientèle. En
outre, il n’existe pas de boucherie à côté du casino dont j’ai interrogé le chef de rayon, donc il
n’a pas de craintes à avoir.
En résumé, les acteurs de la grande distribution restent optimistes quand à l’avenir du rayon
halal. « Le rayon halal a un avenir dans la grande distribution ça c’est sûr ». Ils pensent plutôt
à une augmentation du chiffre d’affaire qu’à une baisse. Pour cela, ils sont entrain de réfléchir
sur les moyens d’avoir plus de clients et faire plus de chiffre « on est là pour ça » répond le
manager de rayon.
Par rapport à la question des labels et certification, la grande distribution ne s’en occupe pas.
Cette tâche est réservée au fournisseur : « nous notre boulot c’est de vendre et ce sont aux
fournisseurs de s’occuper de la certification et du cahier des charges ». Toutefois, ils
choisissent leurs fournisseurs.
67
Conclusion
Le rayon halal en France connait un boom !
On trouve du tout : pizza, hamburgers, lazagnes, steaks hachés, poulets, bonbons, biscuits,
crêpes, cordons bleus etc… Bref, l’offre de produits halal répond à la demande de la clientèle.
Cette demande touche tous les domaines de l’alimentaire. Ce que n’a pas hésité a mentionné
ce chef de rayon de chez Casino: «on nous demande du halal dans tous les produits ». Le
halal se trouve ainsi dans tous les rayons de la grande surface.
Toutefois, les consommateurs ont manifestement des attentes spécifiques par rapport à ces
rayons. Certains regrettent son invisibilité et d’autres sa petitesse. En plus de cela, ils sont
réticents par rapport à la qualité halal des produits, ce qui peut expliquer une certaine attente
sur la transparence de ce marché.
Cependant, le halal est au cœur des conflits qu’ils soient politiques ou médiatiques. Nombres
d’actes et de commentaires dans les forums de discussion et sur facebook, montrent cette
aversion envers les produits halal. Cette situation n’empêche pas son succès au sein de la
grande distribution.
Cette dernière s’est mise sur ce marché depuis peu, et ne craint pas d’inconvénients sur la
vente de produits par rapport à la polémique sur le halal. Elle adopte une stratégie de
marketing à par entière, ce qui lui confère sans doute sa force pour faire face à ses
« concurrents ». En conséquence, elle reste optimiste quand à l’avenir de ses rayons halal.
Par ailleurs, cette vision est aussi partagée par les consommateurs qui voient dans le marché
du halal un avenir prometteur lié surtout à l’augmentation de la population musulmane en
France.
A la question : le rayon halal, quel avenir dans la grande distribution ? On peut oser répondre
que, le rayon n’est qu’à ses débuts, et vu la demande et la taille de la population musulmane,
celui-ci peut espérer vivre encore longtemps au sein de la grande distribution en France.
Mais, à quand une certification de qualité halal?
68
Table des annexes
Annexe 1 : Guides d’entretiens
Guide d’entretien pour chef de rayon
En tant que chef de rayons, est-ce que vous pouvez me parlez un peu du rayon halal (ou des
produits halal)
Depuis quand existe le rayon halal chez vous ?
Quelles sont les raisons pour les quelles vous vous êtes mis sur ce marché ?
Est-il est attrayant ?
Comment évolue le marché en termes de chiffre ?
Que constatez-vous en termes de fréquentation ?
Augmentation ou baisse ?
Comment évolue l’offre ?
Que proposez-vous comme produits ?
Sur quelles critères vous basez-vous pour établir votre offre ?
Et du côté de la demande ?
Pourriez-vous me faire une petite description de la clientèle halal ?
Peut-on dire que c’est une clientèle homogène (religion) ?
Si oui : comment expliquez-vous cela ? Est-il du à l’offre ?
Si non, est-ce une clientèle plutôt masculine ou féminine ?
Plutôt jeune ou vielle ?
Quelles sont vos stratégies marketing actuellement pour les produits halal ?
Quelles méthodes utilisez-vous pour attirer plus de clients vers vos produits halal ?
Baisse des prix
Promotion
Ou sur la qualité (label, marque ….)
Pensez-vous que cela suffit pour fidéliser le client ?
Quels sont vos principaux concurrents sur ces produits ?
Comment faites-vous pour y faire face ?
Les redoutez-vous ?
Que pensez vous des débats, de la polémique sur le halal ?
Cela ne vous fait pas peur ?
Avez-vous déjà pensé à un probable baisse du chiffre d’affaire halal ?
Dans de telles situations quelles peuvent être vos réactions ?
69
Guide d’entretiens consommateurs
Pour commencer je vais vous demander de vous présenter.
Si je vous dis « halal », à quoi cela vous fait penser ?
Êtes-vous consommateur de produits halal ?
(D’accord !! vous ne consommez pas de produits halal, pourquoi ? ….)
Que pensez-vous du rayon halal dans les grandes surfaces ?
Est-ce qu’un rayon halal a une place chez Carrefour, Auchan, Casino ou autres grandes
surfaces ?
Si oui pourquoi ?
Si non pourquoi ?
Que pensez-vous de l’emplacement du rayon halal ?
Y a-t-il quelque chose à changer ?
Si oui, que suggérez-vous aux professionnels de la grande distribution ?
D’après les rumeurs, les produits halal sont de meilleure qualité que les autres produits ?
Qu’en pensez-vous ?
Avez-vous une idée de l’avenir du rayon halal dans la grande distribution ?
Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
Si réponse négative, si je comprends bien vous voulez dire que les chances sont
moindres.
Si réponse positive, si je vous suis bien vous voulez dire qu’il est prometteur?
Pensez-vous que les autres enseignes comme vont elles aussi se mettre au rayon halal ?
(Vous imaginez-vous consommez un produit halal un jour ?)
Où vous approvisionnez vous en produits halal ?
Si grande distribution, quels produits achetez vous là-bas ?
Si non où et pourquoi (pas)?
Combien de fois par semaine ? Est-ce liée à des événements particuliers ?
Les produits halal dans les grandes surfaces répondent-ils à vos besoins du quotidien ?
Si oui comment les trouvez-vous ?
Si non que suggérez-vous ?
Récemment, le restaurant Quick s’est mis à tester des sandwichs halal dans 8 de ses
restaurants, que pensez-vous de cette initiative ?
Partagez-vous l’idée selon laquelle les produits halal c’est seulement pour les musulmans ?
Si oui, pourquoi ?
Si non pourquoi ?
70
Guide d’entretien bouchers
Si je vous dis halal, à quoi cela vous fait penser ?
Comment percevez-vous les produits halal ?
Connaissez-vous les principes d’abattage pour la viande halal ?
Si oui pourriez-vous m’en citer quelques uns?
En tant que commerçant de produits frais, êtes-vous d’avis que l’abattage musulman fait
moins souffrir l’animal ?
Si oui, qu’est ce qui vous faire dire cela ?
Si non pourquoi ?
Est-ce que sur votre offre de produit, vous proposez du halal ?
Si non pour quelles raisons ? (économiques, éthiques, religieuses ou autres)
Avez-vous déjà pensé à une offre de produits halal ?
Vu l’augmentation des produits halal, est ce que ce marché pourrez-vous tenter dans le futur ?
Si non, cela ne vous dit rien ? Cela ne serait peut être pas rentable pour vous?
Si oui pourquoi et quels produits privilégieriez-vous ?
Avez-vous déjà eu des demandes de produits halal ?
Si oui
- Est-ce des demandes fréquentes ?
- Qu’est-ce que c’étaient comme produits ?
Partagez-vous l’idée selon laquelle les produits halal c’est seulement pour les musulmans ?
Si oui, pourquoi ?
Si non pourquoi ?
Récemment, le restaurant Quick s’est mis à tester des sandwichs halal dans 8 de ses
restaurants, que pensez-vous de cette initiative ?
Quel avenir voyez-vous pour le marché du halal ?
Identité de l’entreprise
Localité
Taille
Statut
Etc….
71
Annexe 2 : transcription d’un entretien avec un homme 25 ans, Toulouse
S.M : Si je vous dis « halal », à quoi cela vous fait penser ?
O.D : A la religion musulmane
SM : C’est-à-dire ? A quoi exactement?
OD : Imagine, moi en tant que musulman, si tu me parles de halal, je pense forcément à la
manière dont sont égorgés les moutons. C'est-à-dire l’égorgement en disant le bismilah
Alahou Akbar (nom de Dieu) sinon ça ne marche pas. Ça me fait directement penser à la
religion.
SM : Seulement à la façon dont est égorgé le mouton ?
OD : Oui justement ça !!!!
SM : Êtes-vous consommateur de produits halal ?
OD : Oui.
SM : Pouvez-vous me dire quels produits consommez-vous ?
OD : Les produits ? Bon quand je vais à « Arnaud Bernard » pour acheter de la viande, c’est
de la viande halal que j’achète. Je n’achète pas de viande chez Carrefour. Je n’achète que du
poulet là-bas et du steak et parfois ce n’est pas halal.
SM : Donc tu ne consommes pas uniquement halal, c’est une consommation partielle ?
OD : Uniquement halal, je ne consomme pas uniquement halal !! Parce qu’ici en France
franchement, dés fois tu n’as pas les moins d’acheter de la viande halal et quand tu vas dans
les grandes surfaces tu prends leurs poulets qui ne sont pas chers et pas halal car tu n’as pas
le choix.
72
SM : Vous ne les achetez que dans les grandes surfaces les poulets?
OD : Quoi ? halal ?
SM : Oui halal ou pas halal ?
OD : Le halal je ne l’achète qu’à « Arnaud Bernard » !!
SM : Oui je parle des poulets qui ne sont pas halal que vous achetez ? Vous ne les achetez
que dans les grandes surfaces ?
OD : Oui que dans les grandes surfaces !!
SM : Que pensez-vous du rayon halal dans les grandes surfaces ?
OD : Je pense que c’est une très bonne chose car les musulmans pratiquants pourront enfin
consommer du halal.
SM : Pourquoi musulmans pratiquants ?
OD : Si je te dis musulmans pratiquants c’est parce que, quelqu’un qui ne pratique pas, ce
n’est pas un musulman. Ici en France y a des gens qui te disent « weah je suis musulman
mais pas pratiquants ». Les musulmans qui ne sont pas pratiquants se foutent que le produit
soit halal ou pas, ils mangent tous du porc.
SM : Ah bon ?
OD : Non mais ils se disent musulmans, se cachent derrière ce nom mais ils ne le sont pas.
SM : Est-ce qu’un rayon halal a une place chez Carrefour, Auchan, Casino ou autres grandes
surfaces ?
OD : Oui car il ya des musulmans pratiquants en France qui font leur course dans ces grandes
surfaces et vont évidement consommer que des produits halal, je dis bien des musulmans
pratiquants.
73
SM : Qu’est ce vous entendez par pratiquants alors?
OD : Y’en a qui se disent musulmans et n’empêche qu’ils font tout ce que la religion a
interdit. Ils boivent, ils mangent du porc etc. En plus ils ne prient pas, ils ne vont pas à la
mosquée et ils se disent musulmans. Donc ils se cachent derrière ce nom mais ce ne sont pas
de vrais musulmans. Par exemple, si tu prends un musulman pratiquant et un autre non
pratiquant, le que tu amènes dans une grande surface qui fait du halal, musulman pratiquant
va essayer de voir s’il ya des produits halal, tandis qu’un musulman non pratiquant ne se
soucie pas de ce qu’il achète, il se fou complètement qu’il soit halal ou pas.
SM : Mais ce n’est pas tous les musulmans pratiquants qui consomment du halal.
OD : Oui suis d’accord, moi par exemple, je prie et je jeûne et dés fois je ne consomme du
non halal. Tu sais pourquoi ? Parce que parfois je me retrouve dans des contraintes et je n’ai
pas le choix. Je peux aller à Carrefour c’est à 5 mn de chez moi, mais je n’ai pas le choix
d’acheter du halal, je n’en vois même pas.
SM : Mais y’a des produits halal chez Carrefour !
OD : Oui que des saucissons ou poulets fumés !!! En plus de cela c’est cher, c’es pas donné.
SM : Que pensez-vous de l’emplacement du rayon halal ?
OD : Ce n’est pas important pour moi !!
SM : Pourquoi ?
OD : Parce que, quand je veux acheter halal je vais à la boucherie. En, générale je ne
consomme halal qu’en viande. Quand je veux de la viande je vais à la boucherie et j’achète 2
à 3 kilos !!!
SM : D’après les rumeurs, les produits halal sont de meilleure qualité que les autres produits ?
Qu’en pensez-vous ?
74
OD : Pour moi, il n’y a pas de différence. Ce n’est que la méthode d’abattage qui les
différencie, par ailleurs c’est pareil que les autres viandes. Quand on égorge un mouton on dit
bismilah pour qu’il soit halal. Tandis-que, la viande non halal, on ne dit pas bismilah et c’est
des machines qui égorgent. Ce n’est que du côté de la religion, mais c’est la même saveur.
SM : Avez-vous une idée de l’avenir du rayon halal dans la grande distribution ?
OD : C’est un rayon qui a tendance à se développer et s’élargir ! Actuellement, les musulmans
sont de plus en plus nombreux et les gens ont tendance à parler sur le halal, il suscite
beaucoup de débats. En économie, si tu en as fait, si la demande augmente, l’offre augmente.
SM : Qu’est ce qui vous fait dire cela ?
OD : Car il ya de plus en plus de musulmans ce qui augmente la demande et par conséquent
l’offre augmente.
SM : Combien de fois par semaine vous approvisionnez-vous en produits halal?
OD : Plusieurs fois
SM : 1, 2, 3, 4 fois ?
OD : En fait, cela dépend !! Des fois je finis le boulot et je passe vite fait à la boucherie
acheter de la viande. Des fois aussi, je peux acheter 2 à 3 kilos pour la semaine.
SM : Les produits halal dans les grandes surfaces répondent-ils à vos besoins du quotidien ?
OD : Je ne dirai pas à 100%
SM : Pourquoi vous dites cela ? Est-ce que c’est lié à des attentes non satisfaites ?
OD : Par exemple si j’ai besoin de poulet halal, je rentre dans le magasin, je trouve vite fait le
produit, dans ce cas je pourrai dire qu’elle répond à nos besoins. Je ne vois pas le rayon halal
dans les grandes surfaces.
75
SM : Qu’attendez-vous alors de la grande distribution ?
OD : Je souhaiterai qu’elle augmente le rayon et qu’il fasse de sorte qu’on ne serait pas là à
chercher le rayon.
SM : Qu’ils l’indiquent vous voulez dire ?
OD : Voilà, qu’ils l’indiquent !!! Comme ça dés que je rentre je n’aurai pas à chercher de
gauche à droite !
SM : A ce jour, qu’est-ce-que vous attendez de la grande distribution par rapport à son offre ?
OD: Qu’elle indique d’abord le rayon halal. Tu vois comme ils le font avec les conserves et
autres, c’est ça que je veux !! Et qu’elle agrandisse le rayon en mettant plus de produits.
SM : Récemment, le restaurant Quick s’est mis à tester des sandwichs halal dans 8 de ses
restaurants, que pensez-vous de cette initiative ?
OD : C’est une très bonne chose car permettant d’abord un large choix et une diversité de
client.
SM : Un large choix sur quoi et pour qui ?
OD : Parce que, quand je vais au Quick, je ne prends pas de porc, je viens je dis que je prends
tel menus à base de bœuf, de poulet ou autre. Mais, si c’était des menus de bœuf halal, bœuf
non halal ou autre, l’offre sur le halal ne serait pas diversifié. Si je dis diversité, c’est par
rapport à ça.
SM : Cela satisfait le musulman et répond à ses attentes vous voulez dire ?
OD : Oui c’est ça.
76
SM : Partagez-vous l’idée selon laquelle les produits halal c’est seulement pour les
musulmans ?
OD : Oui parce que les non musulmans quand ils viennent faire leur course, ils n’ont pas à se
soucier de ce qui est halal ou pas. Ce n’est pas leur problème, ils viennent et ils prennent leurs
produits et puis c’est tout. Ils ont beaucoup plus de chance sur leur choix.
SM : Merci d’avoir répondu à mes questions
OD : Pas de quoi !
SM : Est-ce possible de vous recontacter si j’ai des précisions à vous demander ?
OD: Je reste à ta disposition.
77
Annexes 3 : Produits halal
Sur cette photo la marque traditionnelle Isla délice avec le tampon AVS (A votre Service)
comme organisme de certification.
Sur cette photo, Fleury Michon, et Isla délice
78
Produits, marques et organismes recensés lors de notre observation
Rayons
Produits
Marques
Certifications
Frais
Bacon de volaille
Saucisson
Chorizo
Délice de poulet
Blanc de dinde
Bœuf fumé
Lardon de poulet
Knacki
Terrine de volaille
Mousse de foie de
volaille
Isla Délice
Médina Halal
Herta
Fleury Michon
Reghalal
Wassila
AVS
SFCVH
Contrôle Mosquée
d’Evry
Surgelé
Cordon Bleu
Kebab
Boulette
Steack haché
Viande hachée
Humberger
Pizza
Hachis
Cheese burger
Crêpes
Isla Délice
Wassila
Pizza halal
Hachis halal
AVS
SFCVH
Contrôle strict
grande mosquée de
Lyon
Contrôle mosquée
d’Evry
Courcouronne
Boucherie
Poulet
Dinde
Merguez
Steack
Boulette
Wassila
Reghalal
Royal halal
ARGML
Mosquée d’Evry
79
Sec
Haricots blanc/rouge
Lentille
Pois chiche
Couscous
Biscuit
Brick
bonbon
Samia
Dari
Samia bonbon
SFCVH
Plats cuisinés
Ravioli
Lasagnes
Haricots
Zakia Halal
Dounia Halal
SFCVH
MCI
AVS : A Votre Service
ARGML : Association Rituelle de la Grande Mosquée de Lyon
SFCVH : Société Française de Contrôle de Viande et Produits élaborés Halal
MCI : Muslim Conseil International
Les produits halal se trouvent dans plusieurs rayons. Comme sur le tableau, ils concernent
plusieurs produits : le frais, le sec, le surgelé, les plats cuisinés, la boucherie etc.… On voit
également plusieurs marques qui ne sont pas spécifiques à des produits : par exemple, Isla
Délice, on le retrouve dans le rayon frais et surgelé, de même que Wassila qui est une marque
de distributeur du groupe Casino.
Ceci est valable pour les organismes certificateurs qui sont nombreux avec chacun son cahier
des charges.
80
Bibliographie
Ouvrages
AL-GAZALI, Le livre du licite et de l’illicite, Al-Qalam, 2000
AYMARD M, GRIGNON C et SABBAN F, Le temps de manger : alimentation, emploi du
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BRISEBARRE Anne Marie, La fête du mouton, un sacrifice musulman dans l’espace urbain,
CNRS Editions, 1998
CESARI Jocelyne, L’islam à l’épreuve de l’occident, La Découverte, 2004, 291p
DIANTEILL Erwan, Sociologies et religions, approches dissidentes, PUF, 2005
DIASION Nicoletta, HUBERT Annie, PARDO Véronique, Alimentations, Adolescentes en
France, Les cahiers de l’OCHA n°14, 2009
DORTIER Jean François, TESTOT Laurent, La religion, unité et diversité, Editions sciences
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DURKHEIM Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, 1912
GEISSER Vincent, La nouvelle islamophobie, La découverte, 2003, 122p
HAENNI Pratick, L’islam de marché, l’autre révolution conservatrice, Seuil, 2005,
KAKPO Nathalie, L’islam, un recours pour les jeunes, Sciences Po, Les Presses, 2007, 197p
KRIEGER-KRYNICKI Annie, Les musulmans en France, Maisonneuve et Larose, 1985,
142p
MAIRE Bernard, MEJEAN Caroline, Que savons-nous de l’alimentation des populations
migrantes ?, UR106, IRD, 2009
NEUSCH Marcel, Le sacrifice dans les religions, Gallimard, 1994, 310p
NEYRAND Gérard, M’SILI Marine, Mariages mixtes et nationalité française, Harmattan,
collections Logiques Sociales, 1995
NOIRIEL Gérard, Le creuset français, histoire de l’immigration 19e -20
e siècle, Seuil, 1988,
448p
PERRIN Evelyne, Jeunes maghrébins de France, la place refusée, Harmattan, 2008
POULAIN Jean Pierre, Sociologies de l’alimentation, les mangeurs et l’espace social
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RIVIERE Claude, Socio-anthropologie des religions, Armand Colin, 2008
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SAWADOGO Alfred Yambangba, La polygamie en question, Etudes africaines, 2006
SAYAD Abdelmalek, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, Raisons d’Agir, 2006
SELLAM Sadek, La France et ses musulmans, un siècle de politique musulmane 1895-2005,
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ZEMMOUR Samir, Le marché de la viande halal, évolutions, enjeux et perspectives,
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ZEMMOUR Samir, Vers une certification de qualité halal ?, l’Harmattan, 2007, 132p
Articles de revues
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en France : premiers résultats d’une enquête sur la consommation halal « Anthropology of
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BERGEAUD-BLACKLER Florence, De la viande halal au halal food : comment le halal
s’est développé en France ? « Revue Européenne des Migrations Internationales », Volume
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BERGEAUD-BLACKLER Florence, Halal : d’une norme communautaire à une norme
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BERGEAUD-BLACKLER Florence, L’encadrement de l’abattage rituel industriel dans
l’union européenne : limites et perspectives , « Politique européenne n° 24 », 2008
CRENN Chantal, Croyances, pratiques alimentaires et compromis des dits “Maghrébins”
installés dans le vignoble bordelais : des produits “ruraux”, “ethniques” et “religieux” pour
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DESPLANQUES Guy, Nuptialité et fécondité des étrangères, « Economie et Société », vol
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Travaux universitaires
BERGEAUD-BLACKLER Florence, L’Etat, le culte musulman et le halal business,
« Colloque Droits, libertés et obligations du culte musulman », Décembre 2004
BRISEBARRE Anne-Marie, Les interdits alimentaires et Islam, des textes aux pratiques,
« Première table ronde, les rituelles alimentaires des principales religions, influencent-ils
encore notre Alimentation en France »
BRISEBARRE Anne-Marie, Manger halal en France aujourd’hui, des nourritures
domestiques à la restauration collective, Laboratoire d’Anthropologie sociale, 2007
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BRISEBARRE Anne-Marie, Sacrifier pour l’aïd el-kebir en France, Laboratoire
d’Anthropologie social, 2007
CAZES-VALETTE Geneviève, Le rapport à la viande chez le mangeur français
contemporain, 2007
CRENN Chantal, La fabrique du lien social entre pratiques alimentaires et sanitaires, le cas
d’immigrés marocains et de leurs enfants dits « arabes » dans le grand libournais, XVIIème
congrès de l’AISLF, CR 17 « Sociologie et anthropologie de l’alimentation», juillet 2004
GAINES Elisabeth, Les femmes maghrébines en France: identités et obstacles à
l’indépendance, Mai 2007
GIRARD Alain, L’alimentation des populations migrantes et l’espace social alimentaire
urbain, 7e édition du Colloque de la relève : Réalités et transformations des milieux urbains,
2010
GOODY Jack, Alimentation et religion, Colloque, 2006
POULAIN Jean Pierre, L’homme, le mangeur, l’animal : qui nourrit l’autre ? Colloque
Ocha, 2006
ZENDJEBIL Mohammed, Pratiques et modes d’habiter en territoire de grands ensembles à
Toulouse. La population d’origine maghrébine dans un contexte d’accession à la propriété en
maison individuelle : l’espace public comme révélateur de pratiques spécifiques, « Penser la
ville – approches comparatives », 2008
Articles de presses et autres
La grande distribution a l'appétit halal, LE FIGARO, Septembre 2009
L’actualité en question, produits halals, médias, téléphonies et cosmétiques, ce que
consomment nos émigrés en France, LIBERTE, Juillet 2009
Focus spécial Ramadan, ramadan business, SALAMNEWn°10, Août 2009
La grande distribution française prend ses marques sur le halal, L’EXPRESS, Août 2009
Le halal-food portée par les jeunes, LA TENDANCE CONSO n°2120 | 21 janvier 2010
Dossier : produits halal, AGRO-JONCTION 41, Mars 2007
Pratiques et jugements de la population d’origine musulmane sur les produits halal, IFOP,
Janvier 2010
Le marché d la viande halal réalisera un chiffre d’affaire de 5.5 Milliards en 2010,
Communiqué de presse, SOLIS, Janvier 2010
Le marché des produits halal à l’horizon 2012, Panorama des marchés et opportunité de
croissance paysage concurrentiel et force en présence, XERFI, Octobre 2009
83
Directives générales pour l’utilisation du terme «halal», CODEX ALIMENTARIUS
CAC/GL 24, 1997
L’Islam dans la République, HAUT CONSEIL A L’INTEGRATION, Novembre 2000
CALVO Emmanuel, Toujours africains, déjà français???
Les Français et l’empire colonial : 1875-1914
Une immigration choisie, une intégration réussie
Documents électroniques
http://oumma.com/Le-sunnisme-et-le-chiisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Islam
http://www.islam-sunnite.com/article-10245881.html
http://muslim.xooit.com/t13292-Le-Fiqh-definition-role-et-rapport-avec-la-cha-ia.htm
http://www.islamophile.org/spip/Les-exigences-de-l-abattage-rituel.html
http://www.al-wassat.com/index.php?option=com_content&view=article&id=148:salimenter-
en-islam-de-labattage-rituel&catid=15:fatawa&Itemid=14&lang=es
http://www.afrik53.com/France-L-immigration-noire-africaine-un-phenomene-qui-s-
amplifie_a721.html
http://www.ofpra.gouv.fr/index.html?dtd_id=11
http://www.islamenfrance.fr/regions/a-7-350-Centre-Le_Marche_du_Halal
http://www.bladi.net/france-le-jackpot-du-label-halal.html
http://www.legrandjournal.com.mx/culture-people/le-ramadan-un-nouveau-marche-pour-la-
grande-distribution
84
TABLE DES MATIERES
Remerciements ........................................................................................................................................ 3
Sommaire ................................................................................................................................................ 4
Introduction ............................................................................................................................................. 5
Chapitre I ............................................................................................................................................... 6
Démarches Méthodologiques ................................................................................................................ 6
1. Entrée en matière ........................................................................................................................ 7
1.1 Choix du sujet ........................................................................................................................ 7
1.2 Problématique ........................................................................................................................ 7
1.3 Questions de départ ................................................................................................................ 8
2. Méthode de recueil de données ................................................................................................. 8
2.2 Recherche bibliographique .................................................................................................... 8
2.3 Entretiens de recherche .......................................................................................................... 8
2.4 Internet : facebook, forums, commentaires ............................................................................ 9
2.5 Observation directe ................................................................................................................ 9
3. Limites ........................................................................................................................................ 9
Chapitre II ........................................................................................................................................... 11
Approches religieuses .......................................................................................................................... 11
1. Alimentation et religions .......................................................................................................... 12
1.2 La religion : approche générale ........................................................................................... 12
1.3 Rapport entre le fait alimentaire et la religion ..................................................................... 14
1.4 Le cas de l’islam .................................................................................................................. 16
1.4.1 Qu’est ce que l’islam ? .............................................................................................. 16
1.4.2 Les interdits alimentaires en Islam ............................................................................ 17
1.4.2.1 Les fondements .................................................................................................... 17
1.5 Le halal, un principe islamique ............................................................................................ 20
1.5.1 Définition rituelle ou limitée ..................................................................................... 21
1.5.2 Définition étendue ou moderne ................................................................................. 22
Chapitre III .......................................................................................................................................... 24
Le marché des produits halal en France ........................................................................................... 24
1. Les produits halal ..................................................................................................................... 25
1.2 Répertoire des produits halal ............................................................................................... 25
1.3 Répartition des produits sur le marché ................................................................................. 26
85
2. Le boom des produits halal ...................................................................................................... 27
2.2 Les causes démographiques : accroissement de la population musulmane en France ......... 27
2.2.1 Le contexte socio-historique ...................................................................................... 28
2.2.2 L’immigration musulmane ........................................................................................ 29
2.2.2.1 L’immigration maghrébine dont algérienne ......................................................... 29
2.2.2.2 L’immigration noire africaine .............................................................................. 31
2.2.3 La fécondité ............................................................................................................... 32
2.2.4 La polygamie ............................................................................................................. 33
2.2.5 Les mariages mixtes .................................................................................................. 34
2.3 Les causes économiques ...................................................................................................... 34
2.3.1 L’augmentation de la demande.................................................................................. 34
2.3.2 Marché de dégagement ? ........................................................................................... 36
3. Représentations et pratiques des consommateurs ..................................................................... 37
3.2 Le profil des consommateurs ............................................................................................... 37
3.3 Consommation de produits halal ......................................................................................... 38
3.3.1 Les motifs de consommation ..................................................................................... 38
3.3.2 Qui fait les courses ?.................................................................................................. 39
3.3.3 Les critères de licéité ................................................................................................. 40
3.3.4 Le contexte de consommation ? ................................................................................ 41
3.3.5 Les grands moments de consommation ..................................................................... 42
3.3.5.1 Le mois de ramadan ............................................................................................. 42
3.3.5.2 La fête de l’Aïd el Kabîr ...................................................................................... 44
3.4 L’approvisionnement en produits halal ............................................................................... 45
4. La juridiction ............................................................................................................................ 46
4.2 Le codex alimentarius .......................................................................................................... 46
4.3 La certification ? .................................................................................................................. 48
4.4 Le Label ? ............................................................................................................................ 50
4.5 Etudes de cas : la filière de la viande halal .......................................................................... 50
Chapitre IV .......................................................................................................................................... 55
Le futur du rayon halal dans la grande distribution ........................................................................ 55
1. L’entrée des produits halal dans la grande distribution ........................................................... 56
1.2 Le contexte ........................................................................................................................... 56
86
1.3 Les raisons ........................................................................................................................... 56
1.3.1 Elargissement de l’offre ............................................................................................ 56
1.3.2 Répondre à une demande liée à la modernité alimentaire ......................................... 57
2. Situation de crainte en France .................................................................................................. 58
2.2 Le manque de confiance des consommateurs ...................................................................... 58
2.3 La peur de la grande distribution des réactions des autres clients ....................................... 60
2.4 L’image des produits Halal en France ................................................................................. 61
2.5 Les anti-halal : ..................................................................................................................... 62
3. Les stratégies des grandes surfaces .......................................................................................... 64
3.1 Recours au marketing........................................................................................................... 64
3.2 Répondre aux attentes des consommateurs .......................................................................... 65
3.3 L’attitude par rapport aux autres clients............................................................................... 66
Conclusion ............................................................................................................................................. 67
Table des annexes .................................................................................................................................. 68
Bibliographie ......................................................................................................................................... 80
TABLE DES MATIERES ..................................................................................................................... 84