3
290 Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004 nutrition appliquée nutrition appliquée LE RÉGIME SANS RÉSIDUS Séverine GOMILA, Monique ROMON La prescription d’un régime sans résidus a pour objectif de diminuer le débit fécal en réduisant la fraction alimentaire non digérée dans l’intestin grêle dans les conditions physiologiques. Prescrit le plus souvent pour de courtes périodes, il est parfois suivi pendant plusieurs semaines, notamment dans certaines pathologies intestinales. Monotone et déséquilibré, le régime sans résidus doit être expliqué de façon simple sous la forme d’une liste d’aliments autorisés. Il est donc important d’en connaître le principe afin d’éviter les écueils inhérents aux croyances injustifiées. Les résidus Ils désignent la fraction alimentaire non digérée dans l’intestin grêle dans les conditions physiologiques et par- venant au côlon. Ces résidus y ont un rôle fonctionnel important : ils y sont fermentés par la flore colique. La fermentation est un processus anaérobie par lequel le sucre est transformé en acide pyruvique, lui-même méta- bolisé en acides gras à chaîne courte, volatiles (acétate, propionate et butyrate) avec production de gaz (CO2, H2 et méthane). Les produits terminaux sont utilisés locale- ment par les bactéries coliques ou sont excrétés dans les selles et les gaz rectaux. La majeure partie d’entre eux est absorbée par la muqueuse colique et sert de substrats énergétiques pour les colonocytes, assurant ainsi une bonne trophicité de l’épithélium colique. L’activité anti- proliférative et les capacités de différenciation cellulaire de certains acides gras volatiles et notamment de l’acide buty- rique permettraient d’expliquer les effets bénéfiques de certains aliments sur la carcinogénèse colique. Le métabolisme colique des glucides non absorbés déter- mine l’osmolarité du milieu intra-luminal colique et le degré d’hydratation des selles. La fermentation est un phénomène inductible et les proportions de ces méta- bolites terminaux de la fermentation colique sont variables selon la nature du produit fermenté et selon les capacités d’adaptation de la flore colique. Si les capacités de celle- ci sont dépassées, la fermentation produit une quantité excessive de gaz responsables de flatulences et de ballon- nement douloureux, les sucres mal absorbés entraînant une diarrhée de type osmotique Intérêts du régime sans résidus Le régime sans résidus a pour objectif d’améliorer la tolé- rance digestive dans certaines circonstances pathologiques en limitant le débit fécal et éventuellement en réduisant certains symptômes attribuables à la fermentation des rési- dus dans le côlon. Le régime sans résidus est donc une diète particulière basée sur l’éviction des aliments qui ne sont pas digérés dans le grêle et qui nécessitent un métabolisme colique. Remarque : une partie de l’hydrogène produit et absorbé par le côlon est éliminé par voie respiratoire et permet une évaluation semi-quantitative du processus de fermen- tation par le biais du test respiratoire à l’hydrogène. Des méthodes un peu plus invasives tels que les tubages intes- tinaux ou l’analyse des effluents d’iléostomie permettent une évaluation plus précise encore. Origine alimentaire des résidus La perte protéique fécale est de 9 g à 12 g par jour et l’on considère que 85 % à 90 % des protéines sont absorbées dans le grêle, contribuant peu à la formation des résidus. Quant aux lipides, la plus grande partie de la digestion des triglycérides (qui représentent 90 % de l’apport alimen- taire lipidique) se fait dans la partie proximale du grêle Faculté de médecine, unité de nutrition, 59045 Lille Cedex. Correspondance : Monique Romon, à l’adresse ci-dessus.

Le régime sans résidus

  • Upload
    monique

  • View
    212

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

290 Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004

nutrition appliquée

nutrition appliquée

LE RÉGIME SANS RÉSIDUS

Séverine GOMILA, Monique ROMON

La prescription d’un régime sans résidus a pour objectif de diminuer le débitfécal en réduisant la fraction alimentaire non digérée dans l’intestin grêledans les conditions physiologiques. Prescrit le plus souvent pour de courtespériodes, il est parfois suivi pendant plusieurs semaines, notamment danscertaines pathologies intestinales. Monotone et déséquilibré, le régime sansrésidus doit être expliqué de façon simple sous la forme d’une liste d’alimentsautorisés. Il est donc important d’en connaître le principe afin d’éviter lesécueils inhérents aux croyances injustifiées.

Les résidus

Ils désignent la fraction alimentaire non digérée dansl’intestin grêle dans les conditions physiologiques et par-venant au côlon. Ces résidus y ont un rôle fonctionnelimportant : ils y sont fermentés par la flore colique. Lafermentation est un processus anaérobie par lequel lesucre est transformé en acide pyruvique, lui-même méta-bolisé en acides gras à chaîne courte, volatiles (acétate,propionate et butyrate) avec production de gaz (CO2, H2et méthane). Les produits terminaux sont utilisés locale-ment par les bactéries coliques ou sont excrétés dans lesselles et les gaz rectaux. La majeure partie d’entre eux estabsorbée par la muqueuse colique et sert de substratsénergétiques pour les colonocytes, assurant ainsi unebonne trophicité de l’épithélium colique. L’activité anti-proliférative et les capacités de différenciation cellulaire decertains acides gras volatiles et notamment de l’acide buty-rique permettraient d’expliquer les effets bénéfiques decertains aliments sur la carcinogénèse colique.Le métabolisme colique des glucides non absorbés déter-mine l’osmolarité du milieu intra-luminal colique et ledegré d’hydratation des selles. La fermentation est unphénomène inductible et les proportions de ces méta-bolites terminaux de la fermentation colique sont variablesselon la nature du produit fermenté et selon les capacitésd’adaptation de la flore colique. Si les capacités de celle-ci sont dépassées, la fermentation produit une quantitéexcessive de gaz responsables de flatulences et de ballon-

nement douloureux, les sucres mal absorbés entraînantune diarrhée de type osmotique

Intérêts du régime sans résidus

Le régime sans résidus a pour objectif d’améliorer la tolé-rance digestive dans certaines circonstances pathologiquesen limitant le débit fécal et éventuellement en réduisantcertains symptômes attribuables à la fermentation des rési-dus dans le côlon.Le régime sans résidus est donc une diète particulièrebasée sur l’éviction des aliments qui ne sont pas digérésdans le grêle et qui nécessitent un métabolisme colique.Remarque : une partie de l’hydrogène produit et absorbépar le côlon est éliminé par voie respiratoire et permetune évaluation semi-quantitative du processus de fermen-tation par le biais du test respiratoire à l’hydrogène. Desméthodes un peu plus invasives tels que les tubages intes-tinaux ou l’analyse des effluents d’iléostomie permettentune évaluation plus précise encore.

Origine alimentaire des résidus

La perte protéique fécale est de 9 g à 12 g par jour et l’onconsidère que 85 % à 90 % des protéines sont absorbéesdans le grêle, contribuant peu à la formation des résidus.Quant aux lipides, la plus grande partie de la digestion destriglycérides (qui représentent 90 % de l’apport alimen-taire lipidique) se fait dans la partie proximale du grêle

Faculté de médecine, unité de nutrition, 59045 Lille Cedex.Correspondance : Monique Romon, à l’adresse ci-dessus.

Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004 291

nutrition appliquée

(dans les 100 premiers centimètres), le cycle entéro-hépa-tique assurant la réabsorption de 95 % des sels biliaires.Ainsi, seule une très faible quantité de lipides alimentaireset endogènes arrivent au côlon.En revanche, si une grande partie des glucides alimentairesest digérée au niveau du grêle, (amidon et disaccharides peu-vent être hydrolysés dans le grêle et absorbés ensuite par lesentérocytes sous forme de monosaccharides), il n’en va pasde même pour certains composés glucidiques qui eux, nepeuvent être digérés dans le grêle et gagnent le côlon.Ainsi, on estime que 2 % à 4 % du sucrose ingéré et 2 %à 20 % d’amidons dits « résistants » atteignent le côlon, cequi représente environ 70 g/j de glucides alimentairespour une alimentation occidentale auxquels s’ajoutent40 g de glucides endogènes (mucines). Les résidus sontdonc essentiellement issus des fibres alimentaires et pourune autre part, d’origine glucidique.D’ailleurs, le devenir commun de ces aliments permet de pro-poser une définition « physiologique » des fibres alimentairespréconisée aujourd’hui par les nutritionnistes et correspon-dant à « l’ensemble des composés glucidiques, oligosaccha-rides et polysaccharides non digestibles par les enzymes dutube digestif de l’homme, en y incluant la lignine ».Les aliments pourvoyeurs de résidus seront donc consti-tués de :– fibres alimentaires au sens strict, polysaccharides desparois des cellules végétales (cellulose, hémicellulose, pec-tine, auxquels s’ajoute la lignine, composé polyphénolique)et polysaccharides cytoplasmiques (gommes et mucilages),– d’amidons résistants qui échappent à la digestion amy-lasique dans le grêle. Ces amidons peuvent être résistantspour 3 raisons :1. l’amidon peut être encapsulé par des fibres alimentaires etprotégé ainsi de l’attaque amylasique (cas des légumineuses),2. l’amidon ingéré cru,3. l’amidon peut être rétrogradé : la réfrigération et lacongélation d’amidon cuits vont induire des modificationsstructurales.L’absence de digestion dans le grêle de ces différentsconstituants en font les principaux pourvoyeurs de résiduscoliques. Á ceux-ci, il convient d’ajouter :– le lactose, si et seulement si il existe un déficit primitifacquis en lactase,– le fructose consommé dans des conditions supra physio-logiques. L’absorption se fait par diffusion passive et eststimulée par le glucose. Mais il est en général consommédans des quantités qui ne dépasse pas les capacitésd’absorption du grêle,– les sucres-alcool et des oligosaccharides, s’ils sont euxaussi consommés en très grande quantité.

Rôle de ces constituants sur le débit fécal et le transit

Les fibres issues des céréales (son de blé) et les mucilagesaugmentent le poids des selles :– par augmentation du contenu colique et le poids des sellesen eau sans affecter le transit (fibres très hydrosolubles),– éventuellement par augmentation très modérée du contenucolique et le poids des selles en bactéries (fibres très fermen-tescibles – hydrosolubles –) mais ce processus est mineur,

– certaines fibres stimulent la motricité colique et accélè-rent le transit (effet mécanique du son de blé et effet chi-mique des AGCC),– il peut également exister une discrète malabsorption del’azote et des graisses constitutives du végétal ou de lafibre ingérés.Les sucres et le lactose vont plutôt entraîner une augmenta-tion de l’hydratation des selles par appel d’eau osmotique.

Indication du régime sans résidus

– MICI en poussée– Sigmoïdite diverticulaire– Résection du grêle– Réalimentation post-opératoire– Préparation colique avant chirurgie ou examens radiologiques

Réalisation pratique du régime sans résidus

Le régime sans résidus consiste tout simplement enl’exclusion des aliments non assimilés au niveau du grêle.L’exclusion des graisses qui lui est trop souvent associéen’est pas indiquée en l’absence de malabsorption.On distingue le régime strict prescrit en cas de pousséeaiguë de colite ou de diverticulite et le régime ordinaire. Ilsuffit de donner au patient une liste d’aliments décon-seillés (tableau I).

Tableau I.

Régime sans résidus strict Régime sans résidus ordinaire

Produits laitiersLe laitLes laitages à l’exception des yaourts sans morceaux de fruitsLes fromages frais

Aucun sauf en cas d’intolérance au lactose

CéréalesLe painLes céréales complètes, les pains complet, les pains aux céréales, les aliments à case de céréales complètes.Les muesli

Les céréales complètes, les pains complet, les pains aux céréales, les aliments à case de céréales complètes.Les muesli

Pommes de terreToutes à l’exception des purées

Les pommes de terre réchaufféesLes pommes de terre en saladeLes pommes de terre sous vide ou en conserveLes chips

Légumes – FruitsTous Tous les fruits et légumes,

à l’exception des fruits en compoteSucre et produits sucrés

Confitures, gelées Confitures, geléesBoissons

Jus de fruits avec pulpes : orange, pamplemousse, ananas, tomates, pruneaux.

Jus de fruits avec pulpes : orange, pamplemousse, ananas, tomates, pruneaux.

AssaisonnementsPiments Piments

292 Cah. Nutr. Diét., 39, 4, 2004

nutrition appliquée

Dans les poussées aiguës et les intolérances digestives lescondiments épicés, les aliments gras sont souvent maltolérés et évités par les patients.L’élargissement se fera ensuite progressivement, en fonctionde la tolérance du patient, en commençant par les légumescuits, pauvres en cellulose et en lignine (carotte, betteraverouge, courgette épépinée) et les fruits cuits et en compote.L’élargissement se fera ensuite progressivement, en fonc-tion de la tolérance du patient, en commençant par les

légumes cuits, pauvres en cellulose et en lignine (carotte,betterave rouge, courgette épépinée) et les fruits cuits eten compote.En fait la tolérance individuelle est très variable et il fautapprendre au patient à réintroduire un à un et progressi-vement les aliments, mais il faut aussi le rassurer, certainspatients gardant de façon inadaptée des exclusions troplarges.

LES CAHIERS EN LIGNE !

www.e2med.com/cn

À l’occasion de la souscription de votre abonnement papier, bénéficiez en 2004 de la version électronique de votre revuesans supplément tarifaire.

➤ Les sommaires et résumés • Les articles de l’année courante et plusieurs années d’archives de la revue en texte intégral, avec illustra-tions (figures, schémas, photographies) • Un forum pour échanger des informations avec des confrères de votre spécialité • Un moteurde recherche multi-critères • De nombreux services : calendrier et actes de congrès, petites annonces…