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Valentin CADIOT pour le lundi 5 décembre 2011 Elsa COUTEILLER Magistère Communication Interculturelle ICL 4A03c Géopolitique et cultures Dossier de Géopolitique : Le Soft Power Chinois Dans quelles mesures la Chine est-elle en quête de soft power ? Quel en serait son poids dans le monde ? Introduction : La Chine utilise son pouvoir d’attraction culturelle à des fins politiques depuis des siècles. On peut le constater au travers de l’influence qu’elle a eue sur la construction des civilisations japonaises et coréennes depuis le VIème siècle. Mais, depuis quelques années, on assiste à une nouvelle prise de conscience de l’importance des outils de la diplomatie publique par le gouvernement chinois. La Chine semble prendre exemple sur le soft power américain ou français et accorde toute son importance à l’image qui devient un enjeu au service

Le soft power chinois

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Etude sur le soft power chinois, à travers l'analyse de six documents.

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Page 1: Le soft power chinois

Valentin CADIOT pour le lundi 5 décembre 2011

Elsa COUTEILLER

Magistère Communication Interculturelle

ICL 4A03c Géopolitique et cultures

Dossier de Géopolitique   : Le Soft Power Chinois

Dans quelles mesures la Chine est-elle en quête de soft power ? Quel en serait

son poids dans le monde ?

Introduction :

La Chine utilise son pouvoir d’attraction culturelle à des fins politiques depuis

des siècles. On peut le constater au travers de l’influence qu’elle a eue sur la

construction des civilisations japonaises et coréennes depuis le VIème siècle. Mais,

depuis quelques années, on assiste à une nouvelle prise de conscience de

l’importance des outils de la diplomatie publique par le gouvernement chinois. La

Chine semble prendre exemple sur le soft power américain ou français et accorde

toute son importance à l’image qui devient un enjeu au service de la politique

étrangère. Elle se lance donc dans une politique de séduction qui a pour stratégie

offensive sa culture. Le concept forgé par Joseph Nye est désormais revendiqué par

les autorités chinoises pour traduire leur stratégie d’influence économique et

culturelle dans le monde. Le déploiement d’Instituts Confucius à travers les cinq

continents en est l’exemple le plus illustratif. Mais, dans quelles mesures existerait-il

un soft power chinois et quel en serait son poids à l’échelle mondiale ?

Page 2: Le soft power chinois

Document 1 : Extrait de l’émission « Softpower » sur France Culture

animée par Frédéric Martel datant du 20 novembre 2011.

Frédéric Martel : Dernier exemple comparatif avec la France, on se retourne ce

coup ci vers un nouvel acteur qui n’est pas tout à fait récent mais dont on parle

beaucoup, ce sont en effet les chinois. On a interviewé Qian Zhian qui est donc le

codirecteur chinois de l’Institut Confucius de Paris 7. 

Qian Zhian: Chaque institut Confucius a été créé par deux partenaires, un partenaire

local c’est-à-dire français et un autre partenaire chinois. Quinze Instituts Confucius

en France. Mais, le même chiffre, le même nombre, c’est-à-dire quinze alliances

françaises se trouvent en Chine. C’est peut-être dans la diplomatie, une balance

parallèle. Les alliances françaises qui ont été crée et qui continuent à exister en

Chine dans une quinzaine de villes chinoises ont donné beaucoup d’inspiration aux

éducateurs et aux dirigeants chinois. Je pense que le mot clé c’est inspiration

française. Alors, la Chine dans ce domaine – ce domaine de diffusion de langue et

de culture – la Chine a beaucoup de retard.

L’Alliance Française a une histoire de plus de cent ans, plus d’un siècle. Et dans

presque tous les pays du monde entier. C’est un effort national continu. Mais,

maintenant pour la Chine, le cas de l’Institut Confucius c’est seulement un début.

Mais, je vous indique qu’il est rattaché à un bureau du Ministère Chinois de

l’Education. Ce n’est pas une institution du Ministère des Affaires Etrangères (rires).

Non plus du Bureau Politique. Je pense que c’est un travail culturel et je peux vous

dire ce que nous faisons – notre tâche principale – est de donner des cours de

chinois, de taïchi, de calligraphie, de cuisine chinoise, d’organiser des conférences

scientifiques ou bien sur d’autres thèmes culturels. Rarement ou jamais on ne touche

au domaine de la politique (rires).

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Le premier document est donc un extrait de l’émission Softpower diffusée sur

France culture tous les dimanches de 10H à 20H et présentée par Frédéric Martel.

L’émission du 20 novembre 2011 se penchait sur l'influence culturelle de la France

dans le monde et recevait l'ancien ministre du travail et président de l'Institut français,

Xavier Darcos. Ont également été diffusées lors de l’émission des interviews des

Page 3: Le soft power chinois

directeurs des centres culturels étrangers : Confucius, Cervantes et British Council.

On s’intéresse donc plus particulièrement à l’intervention de Qian Zhian codirecteur

de l’Institut Confucius de Paris 7.

L’idée principale de cette intervention est d’expliquer que le soft power français

au travers des différentes Alliances Françaises en Chine a fortement influencé la

Chine concernant son propre soft power et la création de ses propres institutions

culturelles. Qian Zhian précise d’ailleurs qu’il y a de nos jours autant d’Institut

Confucius en France que d’Alliance Française en Chine et met ainsi en valeur « une

balance parallèle » entre les deux pays.

Il reconnaît également que la Chine a beaucoup de retard dans le domaine de la

politique de diffusion de sa langue et de sa culture. En effet, le premier Institut

Confucius en France a été créé seulement en 2005 à Poitiers. Mais, il semble

important de noter qu’aujourd’hui, plus de 400 Instituts Confucius ont été inaugurés

dans le monde entier. Cela répondrait à une certaine volonté de la part de la Chine

de rattraper son retard face aux autres pays étrangers.

Cette interview du codirecteur Qian Zhian de l’Institut Confucius est très

intéressante car elle propose un point de vue « officiel » concernant le rôle et les

objectifs des Instituts Confucius à l’heure actuelle. D’ailleurs, Qian Zhian souligne

que les Instituts Confucius ont comme objectif principal l’échange culturel autour de

cours de langue, de calligraphie, de taïchi et de cuisine. Il précise ainsi que les

Instituts Confucius n’auraient aucune dimension géopolitique et ne sont pas

rattachés au Ministère des Affaires Etrangères mais au Ministère de l’Education.

Document 2 : Article de Next Magazine  du 8 novembre 2011, « La Chine

veut détrôner Hollywood ».

Le mois dernier, lors du plénum du Parti communiste, les dirigeants chinois ont

adopté une directive visant à élargir l'«influence» de la culture chinoise. La deuxième

économie mondiale s'est engagée à «protéger sa sécurité culturelle» et à rehausser

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son soft power, sa capacité d'influence par des moyens non coercitifs, comme la

culture.

Mais en matière de cinéma, le rayonnement international de la Chine reste très

limité, à l'image de l'indifférence qui entoure les Coqs d'or, trophées attribués chaque

année depuis 1981 par l'Association du cinéma chinois.

Pour les réalisateurs, le carcan imposé par la propagande du Parti et la censure

restent d'importants obstacles à surmonter, surtout pour rivaliser avec les

superproductions hollywoodiennes. «Vous ne pouvez pas imposer une camisole aux

artistes et les faire concourir comme des athlètes. La culture n'est pas monolithique.

Elle doit être diversifiée», selon Zhou Liming, un critique culturel.

Chen Daming, réalisateur d'un remake de What Women Want, assure que la

censure rend difficile la réalisation d'un large éventail de films contemporains. La

censure ne permet pas selon lui de décrire des antagonismes forts, nécessaires aux

polars. «Sans un méchant, un gentil n'a plus aucun rôle et il est difficile de faire des

films contemporains, car les polars aujourd'hui ne passent pas la censure», raconte-

t-il. Ce qui ne gêne pas certains. «Le gouvernement se sert de la culture comme

vecteur pour désigner ce qui est bien et mal. Les films ont un effet puissant, et nous

devons montrer la bonne voie» aux spectateurs, explique Ivy Zhong, patron de la

société de production privée Beijing Galloping Horse.

Même les films qui tirent leur épingle du jeu dans les salles obscures chinoises, où

les recettes du box office ont bondi de 64% en 2010 à 1,5 milliard de dollars, peinent

à transformer l'essai à l'étranger. Ils sont bien sûr confrontés à l'obstacle du sous-

titrage, mais trébuchent souvent bien avant, n'obtenant même pas une chance d'être

diffusé.

Let The Bullets Fly, par exemple, un ambitieux film populaire de gangsters des

années 1920 réalisé par Jiang Wen, a décroché un petit distributeur américain au

printemps dernier, mais n'a toujours pas été projeté aux Etats-Unis.

Les films en chinois n'ont pas enregistré de succès notable aux Etats-Unis depuis

Tigre et Dragon, le film d'arts martiaux réalisé par Ang Lee, Oscar du meilleur film

Page 5: Le soft power chinois

étranger en 2001. En 2003, le réalisateur Zhang Yimou, avec son film Hero a été

nominé dans la même catégorie, mais sans remporter le trophée.

A l'opposé, les films d'Hollywood sont en moyenne deux fois plus rentables sur le

marché intérieur que les productions locales chinoises. Le public local a par exemple

plébiscité Avatar (avec un total des billets vendus dépassant 200 millions de dollars)

ou Kung fu Panda 2.

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Ce deuxième document traite du désir de la Chine d’augmenter son soft

power via une branche bien spécifique de la culture : le cinéma. Cependant

l’influence culturelle de la Chine en ce qui concerne le grand écran reste relativement

limitée. En effet un des plus grands obstacles auquel est confronté le cinéma chinois

est la censure. Cette dernière constitue une entrave importante à la diversité

culturelle, et empêche le traitement de nombreux sujets de films contemporains, qui

plairaient peut être davantage au reste de la communauté internationale.

Mais souhaitant augmenter son soft power, le gouvernement veut maîtriser

cette censure afin de contrôler l’image qui ressort de la Chine, et transmettre les

idées et les valeurs liées à la culture chinoise. Les dirigeants du pays sont en effet

très conscients et veulent tirer profit de l’importance du cinéma comme outil du soft

power, et de l’influence des films sur les populations.

Hollywood reste le concurrent numéro un. Et tandis que la Chine peine à faire

passer leurs films au-delà des frontières chinoises, le cinéma américain diffuse en

masse en sans difficultés particulières ses productions en Chine. Comble de l’ironie :

la production hollywoodienne Kung fu Panda a fait de nombreux adeptes chez les

Chinois.

Le cinéma chinois cherche donc à étendre son influence à l’internationale,

mais il se confronte à différents obstacles, et en particulier à celui de la concurrence

américaine très rude. La Chine a donc encore du souci à se faire avant de pouvoir

asseoir pleinement son soft power grâce au septième art.

Page 6: Le soft power chinois

Document 3 : Article de Polemos.fr par Nicolas Mazzucchi « Les

industriels chinois découvrent le soft power ».

Certaines images sont plus dures à effacer que d’autres. La Chine tant au

niveau de l’Etat lui-même que de ses entreprises est l’exemple parfait d’un pays en

quête de notabilité après des années à laisser proliférer une image agressive et,

parfois, brutale. L’extraordinaire développement chinois qui a amené le pays en une

quinzaine d’années en position de deuxième économie mondiale ne s’est pas fait

sans heurts et, même si la mémoire tend à ne plus dépasser l’horizon immédiat, le

poids de certaines actions chinoises en Afrique reste lourd. Ainsi la Chine souffre en

Occident d’une image pour le moins écornée et ses produits pâtissent auprès des

consommateurs de cette réputation.

Faisant le constat parfois amer de cet état de fait, les industriels chinois à la suite du

gouvernement de Pékin, ont décidé, en vue de pénétrer les marchés européens, de

se lancer dans une vaste opération de communication s’apparentant plus

simplement à une manœuvre de soft power. Il est certain qu’il est toujours plus

simple de jouer sur ses atouts que de se laisser amener sur le terrain des autres ou

de tenter d’en créer de toutes pièces. La Chine est un pays ancien à la culture

plusieurs fois millénaire et il est certain que cette même culture qui lui a permis

d’exercer une fascination sur ses voisins tout au long de l’histoire, devient aujourd’hui

une arme de guerre économique.

La culture et la langue chinoise ont été les premiers vecteurs de sa puissance vis-à-

vis du Japon et de la Corée qui ont grâce aux lettrés chinois développé leur propre

civilisation. Durant une grande partie de l’antiquité japonaise, l’imitation de la Chine

et le voyage en Chine étaient des passages obligés pour de nombreux érudits et

gouvernants (1). Cette stratégie de fascination culturelle par la langue a connu ces

dernières années une nouvelle vigueur, sous tutelle de l’Etat, avec la création des

Instituts Confucius.

Toutefois, alors que Pékin prenait à bras le corps cette problématique d’influence

culturelle et de maximisation de son histoire, les entreprises chinoises restaient

fortement en retrait, laissant au gouvernement central le soin de redorer le blason du

made in China. Au-delà de l’image d’un pays agressif, la Chine doit aussi composer

pour ses entreprises avec celle de produits de mauvaise qualité, peu fiables et

Page 7: Le soft power chinois

étudiés pour une rentabilité maximale au détriment du plaisir ou du confort qu’ils

pourraient procurer. Les entreprises chinoises ont ainsi acquis au cours de la

dernière décennie, une image de « plus capitaliste que les capitalistes ».

Toutefois la pénétration des marchés occidentaux nécessite une approche plus fine

et plus en profondeur. Une nouvelle stratégie de soft power est donc à l’œuvre pour

permettre aux entreprises chinoises de modifier leur image dans un sens positif.

Capitalisant sur les mêmes atouts que la Chine elle-même – sur le principe de « ce

qui est bon pour Exxon est bon pour les Etats-Unis » – les entreprises chinoises sont

lancées depuis peu dans le mécénat culturel. La nouvelle exposition du Musée du

Louvre, la Cité Interdite au Louvre, participe donc de cette nouvelle stratégie d’image

des entreprises chinoises pour montrer aux Occidentaux une Chine millénaire et

attachée aux valeurs de culture, d’histoire et d’art.

[…]

Cette stratégie, nouvelle pour les BRICs, a été développée depuis de nombreuses

années par un pays qui cherchait lui aussi un moyen de donner à ses entreprises

une forme de notabilité et d’attractivité : le Japon. Grâce à la culture japonaise,

ancienne ou récente comme les mangas, l’Europe est parcourue depuis de

nombreuses années par une vague nippophile, si bien que tout ce qui est japonais

bénéficie d’un apriori favorable sur le Vieux Continent. La Chine connaîtra-t-elle le

même engouement ? Si l’on considère que le chinois est la langue dont

l’enseignement dans le secondaire français a le plus progressé en quinze ans pour

venir se placer aujourd’hui en cinquième position, il y a de fortes chances que la

réponse d’ici quelques années soit oui.

(1) E. O. Reischauer, Histoire du Japon et des Japonais vol 1., Paris, Seuil-Points

histoire, 1997, pp. 31-46.

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Cet article, met dans un premier temps en évidence que les industriels chinois ont

une mauvaise réputation du fait de leur développement très rapide et « brutal », et

Page 8: Le soft power chinois

également du fait qu’ils ont acquis une réputation de fabricants de produits de

mauvaises qualités, en visant leur profit avant tout.

Constatant cette situation, ils décident alors de se constituer une meilleure image

d’eux à l’étranger, et en particulier dans les pays occidentaux, en revenant aux

origines de la culture du pays, très influente et attractive il y a plusieurs centaines

d’années. Ils se décident à mettre en place un soft power en passant par la langue et

la culture millénaire de la Chine, via la dispersion des instituts Confucius dans le

monde , mais aussi avec le développement du mécénat culturel, montrant que la

Chine reste attachée à ses valeurs ancestrales. De grandes entreprises chinoises se

sont donc mit à sponsoriser de grands événements culturels à l’étranger,

promouvant l’histoire de l’empire du milieu, ou son art. Voilà une façon de redorer

leur blason pour ces grandes industries.

Mais cette stratégie nouvelle ne s’applique pas que pour la Chine. D’autres pays

émergents que sont la Russie, le Brésil, l’Inde, ou encore l’Afrique du Sud, s’y

essaye, et s’inspire du Japon, qui voulait de la même façon améliorer l’image de ses

grandes entreprises après la seconde guerre mondiale. Au vu de la réussite du

Japon pour améliorer son soft power, l’on peut se demander si la Chine y parviendra

de la même façon.

Document 4 : Extrait de Chine, la grande séduction , essai sur le soft power

chinois, Barthélémy COURMONT, 2009

De la fierté d’être Chinois

Le soft power est un concept qui se vend bien en Chine, pour plusieurs

raisons. Il se marie bien avec le confucianisme, qui prône l’utilisation de la force

morale au détriment de la force physique. Avec le retour des valeurs confucianistes

en Chine, après l’horreur de la révolution culturelle, le soft power apparaît donc

comme la stratégie nationale la mieux appropriée à ces règles morales désormais

respectées (d’ une manière ou d’ une autre) de tous. Par ailleurs, le soft power flatte

l’ensemble des Chinois, en mettant en avant la culture et l’histoire d’un peuple qui

retrouve sa fierté, après cent cinquante ans d’humiliations. Ou comment le

Page 9: Le soft power chinois

nationalisme se trouve régénéré dans un pays qui se projette désormais à la fois

vers l’avenir et sur le monde entier.

Le nationalisme chinois n’est pas un mythe et a même profondément évolué

tout au long de l’histoire de l’empire. Faut-il le répéter, le nom que les Chinois

donnent à la Chine, Zhong (milieu) Guo (royaume, souvent traduit par empire dans le

cas de la Chine) suffit à comprendre la façon dont ils perçoivent leur civilisation, et

par extension leur pays, sur la scène internationale. Avec une arrogance longtemps

entretenue, l’empire du milieu a toujours vu dans les civilisations l’entourant des

vassaux et dans les autres cultures peu connues rien de moins que des barbares.

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Grâce à cet extrait, la volonté du gouvernement chinois de développer son

soft power peut être vue comme un enjeu non seulement pour l’avenir de la Chine

sur la scène internationale mais aussi pour l’avenir de son propre pays. En effet,

comme le souligne Barthélémy Courmont la Chine est en pleine revalorisation de

ses valeurs nationales au travers des principes édictés par Confucius –qui avaient

été pourtant officiellement bannis au début du XXe siècle – et de son histoire.

Cette revalorisation enrichit son soft power. La Chine agissant ainsi donne

effectivement une image plus lisse au pays et lui redonne une profondeur historique

et idéologique. Cela pourrait se révéler être une stratégie efficace si elle était menée

de front au côté de son image de « grande puissance économique ». A l’instar du

Japon et des Etats-Unis, elle pourrait garder son statut de géant économique tout en

réussissant à imposer une réelle attractivité ayant pour objectif de créer une vague

de sinophilie pour augmenter son « effet  sympathie » chez les populations des

autres pays.

Cependant, on peut se demander si ce renouveau officiel du confucianisme en

Chine - qui prône l’utilisation de la force morale au détriment de la force physique –

ne resterait pas une simple politique de façade ? En effet, les conflits entre la Chine

et Taiwan mais également avec le Tibet sembleraient prouver que la Chine ne

revendiquerait pas les principes de Confucius sur tous les terrains de la vie politique

Page 10: Le soft power chinois

internationale. En effet, la conjonction des Jeux olympiques d'été de 2008 de Pékin,

et les manifestations au Tibet qui avaient débuté quelques mois plus tôt et qui

avaient été sévèrement réprimées, ont été l'occasion de remettre au premier plan de

la scène internationale la violation des Droits de l'Homme en République populaire

de Chine.

Document 5: Image tirée de l’article « China to don several hats on global

stage », de Chinadaily.com

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Cette image illustre parfaitement la manière dont la Chine voudrait qu’agisse

son soft power sur la communauté internationale. Le dessin met en scène un Chinois

jouant du guzheng (un instrument traditionnel chinois de la famille des cithares) dont

la mélodie enveloppe et berce une représentation personnifiée du monde.

Sur l’instrument est inscrit « Soft power » ce qui signifie que la Chine souhaite

accroître son influence culturelle sur la scène mondiale. La personnification du

monde est d’ailleurs un homme portant un costume, l’habit symbolisant l’Occident.

Nous pouvons donc penser que la Chine souhaite avant tout asseoir son soft power

Page 11: Le soft power chinois

sur les pays développés et occidentaux. Le joueur Chinois symbolisant la

République Populaire de Chine porte d’ailleurs lui aussi un costume, témoignant de

sa volonté d’être mis sur le même plan que les pays occidentaux.

Enfin, deux colombes s’ajoutent à ces protagonistes : le symbole de la paix.

Ces deux oiseaux se trouvent chacun à coté des deux hommes, signifiant que

l’émergence du soft power chinois sur la scène mondiale se ferait de manière

pacifique et serait bien accueillie par le reste du monde. Nous pouvons aussi y voir

une manière pour la Chine de faire la balance avec son hard power. En effet, nous

vivons une époque où le pouvoir économique et militaire de la Chine augmente

significativement, et par conséquent créer un sentiment de peur chez les autres

pays. Contrebalancer cette peur avec du soft power, en rendant le pays attractif,

permettrait à la Chine de faire mieux accepter son développement économique et

militaire à la scène mondiale, en réduisant la peur que cette dernière éprouverait.

C’est du moins ce que pense Joseph Nye, dans l’article accompagnant cette image.

Document 6 : Extrait de La Chine et le « Soft power » : une manière de

défendre l’intérêt national de manière « douce » ? par Tanguy Struye de

Swielande, Mars 2009.

Pékin comprend aujourd’hui l’intérêt et l’importance des institutions et

organisations internationales (ONU, ASEAN, etc.). Si la Chine veut une transition

douce dans le cadre du cycle des puissances, il lui faut intégrer les institutions et elle

l’a bien saisi. Plus elle s’intègre dans l’ordre international, plus ce dernier lui offre des

opportunités pour garantir ses intérêts. Le pouvoir de la Chine ira d’ailleurs

s’accroissant à l’OMC et au FMI étant donné que la pondération des voix se fait en

fonction du poids économique. Le multilatéralisme prôné par la Chine dans les

forums internationaux est toutefois d’abord une façon de réduire l’influence des

autres puissances, avant d’être une volonté de défendre l’idéal des organisations

internationales ou de la sécurité collective. Tout comme les autres puissances, la

Chine recourt au soft power pour avancer son agenda politique, en particulier à

l’ONU. Son statut de membre permanent du Conseil de sécurité lui permet d’aborder

tous les grands dossiers de politique internationale et d'être associée à leur

règlement. Il est évident que le recours aux organisations internationales n’est pas

Page 12: Le soft power chinois

innocent : une nation, un vote. Il permet facilement de rééquilibrer le système dans

des enceintes donnant le même pouvoir formel. « C’est pourquoi », selon J. Joffe, «

les réglementations internationales sont devenues l’équivalent fonctionnel de la

tradition pure et dure de l’équilibrage par l’alliance et les armes. »

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Ce dernier document tiré des notes d’analyse de Tanguy Struye de Swielande

sur le sujet «La Chine et le « Soft power » : une manière de défendre l’intérêt

national de manière « douce » ? » se concentre sur le soft power développé au

travers de l’influence et du rang de la Chine dans les organisations internationales.

L’objectif pour la Chine est donc de valoriser son image et sa communication

au sein des grandes institutions internationales. Ainsi, comme le souligne l’auteur, on

a pu remarquer une prise de conscience de la part du gouvernement chinois par

rapport à l’importance de développer un soft power en parallèle du hard power. Il est

important de rappeler que la Chine fut un membre fondateur des Nations Unies en

1945 et dispose du droit de veto au Conseil de Sécurité.

Elle est également membre depuis 1985 de l’UNESCO et elle a 42 biens

inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO à l’instar de la grande muraille de Chine

ou le parc national de Lushan qui est considéré par l’UNESCO comme un « paysage

culturel d'une valeur esthétique exceptionnelle, investi d'associations profondes avec

la vie spirituelle et culturelle de la Chine ».

Mais, ce qui semble « nouveau » c’est la participation davantage active de la

Chine à ces rendez- vous internationaux. En effet, depuis quelques années, on

pourrait avoir l’impression que la Chine grâce à son fort développement économique

(depuis 2010, elle est la deuxième puissance économique mondiale derrières les

Etats-Unis et devant le Japon) et donc grâce à son hard power a réussi à s’imposer

non plus comme un pays historiquement présent mais également comme un pays

siégeant de manière légitime dans les décisions internationales que cela soit pour

l’économie ou les politiques culturelles internationales.

Le gouvernement chinois semble vouloir davantage imposer sa voix sur les

différents dossiers internationaux afin d’amener « une transition douce dans le cycle

Page 13: Le soft power chinois

des puissances » et pouvant ainsi défendre et garantir au mieux ses intérêts. Sa

participation active et l’insertion dans les instances internationales à travers la

promotion du multilatéralisme se fixerait comme but l’assurance de sa présence dans

les forums internationaux, la tentative d’y imposer son agenda politique, d’y défendre

ses fournisseurs de pétrole et de gaz (Iran, Soudan) et de garantir sa collaboration

aux opérations de maintien de la paix.

Pour illustrer le pouvoir exercé par la Chine à l’ONU, on peut prendre

l’exemple de sa relation avec Taiwan. En effet, depuis les années 1990, les

demandes répétées de la République de Chine (Taïwan) pour une participation aux

Nations unies ont été refusées, principalement à cause de l'opposition de la

République populaire de Chine qui dispose donc du droit de veto au Conseil de

Sécurité.

Conclusion :

Au travers de ces six documents, il serait possible d’affirmer que la Chine est

en pleine quête d’un soft power. Elle se lance dans une affirmation de ce dernier au

travers de son ouverture sur le monde, de son rayonnement culturel, de son rang et

de son influence dans les organisations internationales. En effet, il y a une vraie mise

en avant de la culture chinoise de telle sorte qu’aujourd’hui la langue, la cuisine, la

médecine traditionnelle, l’acuponcture et aujourd'hui de plus en plus le cinéma

chinois, la musique pop, les arts contemporains, la mode, la calligraphie, les

principes confucéens sont diffusés dans le monde entier grâce à un réseau de plus

de 300 Instituts Confucius dans environ 80 pays. Il faut noter également que le

développement des échanges universitaires joue aussi un grand rôle.

Le gouvernement chinois soigne ainsi son image, sa communication et sa

diplomatie publique. L’objectif est le renforcement de son poids médiatique et

diplomatique sur la scène internationale. La Chine va même jusqu’à utiliser l'émotion

comme, par exemple, en évoquant l’histoire et le rappel du soutien chinois au

mouvement non-alignés de Bandung pour séduire le continent africain.

Cette stratégie de soft power a aussi recours à des « vitrines » comme les

Jeux Olympiques de 2008 ou l'Exposition Universelle de Shanghai pour montrer une

image positive de la Chine au monde entier.

Page 14: Le soft power chinois

Mais, on pourrait oser dire que la Chine a encore beaucoup de chemin à

parcourir dans la stabilisation de ses relations diplomatiques car elle « traine »

toujours derrière elle des conflits avec Taiwan et le Tibet mais aussi entre le Japon

d’un côté, la Chine et la Corée de l’autre à propos de la mémoire de la Seconde

Guerre mondiale qui est encore aujourd’hui un des enjeux les plus importants dans

les relations internationales en Asie Orientale.

Bibliographie et sitographie

- Tanguy Struye de Swielande, La Chine et le « Soft power » : une manière

douce de défendre l’intérêt national ?, mars 2009.

http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/pols/documents/NA2-INBEV-UECH-

FULL.pdf

- Barthélémy COURMONT, Chine, la grande séduction, essai sur le soft power chinois, 2009, Choiseul

- Nicolas Mazzucchi, « Les industriels chinois découvrent le soft power ».

Polemos.fr

http://www.polemos.fr/2011/10/les-industriels-chinois-decouvrent-le-soft-

power/

- Emission « Softpower » sur France Culture animée par Frédéric Martel datant

du 20 novembre 2011- L'institut français : la culture française dans le monde

http://www.franceculture.fr/emission-soft-power-l-institut-francais-la-culture-

francaise-dans-le-monde-2011-11-20

- Article de Next Magazine   « La Chine veut détrôner Hollywood », 8 novembre

2011,

http://next.liberation.fr/cinema/01012370295-la-chine-veut-detroner-hollywood

- Site de l’Institut Confucius de l’université Paris 7

http://www.confucius.univ-paris7.fr/

A lire aussi :

- Géopolitique de l’Afrique et de la Chine, l’affirmation d’une stratégie de

puissance

http://www.diploweb.com/forum/chine07102.htm