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LE TEMPLE D'HERCULE VAINQUEUR A TIVOLI Author(s): P. Foucart Source: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 7 (Janvier à Juin 1863), pp. 81-92 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41734166 . Accessed: 20/05/2014 17:59 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.105.154.14 on Tue, 20 May 2014 17:59:07 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

LE TEMPLE D'HERCULE VAINQUEUR A TIVOLI

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LE TEMPLE D'HERCULE VAINQUEUR A TIVOLIAuthor(s): P. FoucartSource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 7 (Janvier à Juin 1863), pp. 81-92Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41734166 .

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LE

TEMPLE D'HERCULE VAINQUEUR

A TIVOLI

Parmi les lieux classiques dont le nom seul nous enchante, et que nous aimons, même avant de les connaître, il n'en est pas qui ré- veille d'aussi charmants souvenirs que Tivoli, l'ancienne ville de Tibur. Y a-t-il un lecteur d'Horace qui ne chérisse cette fraîche cité couchée sur ses rochers, que le poëte préférait aux plaines de la patiente Lacédémone et aux riches campagnes de l'opulente Larisse? Qui ne s'est plu à se figurer la demeure de la bruyante Albunea, l'impétueux Anio et les frais vergers de ses rives capri- cieuses? Le souvenir du poëte a consacré et grandi tout ce qui touche à cette petite ville, et ses ruines nous intéressent à l'égal de celles de Rome. Aussi est-ce avec un vif plaisir que j'ai vu l'un des architectes pensionnaires de l'Académie de France à Rome, M. Thierry, s'occuper des ruines de Tivoli, et, grâce à des fouilles heureuses faites l'hiver dernier, envoyer à l'exposition des Beaux- Arts un travail également intéressant par la nouveauté et la certi- tude des résultats. Malheureusemeut, l'exposition terminée, les des- sins vont s'enfouir dans des cartons où ils demeurent oubliés et inutiles pour la science. En attendant qu'on tienne la promesse faite à l'Institut, de publier ces restaurations de monuments antiques faites avec tant de conscience et de talent par les pensionnaires de la villa Médicis, je voudrais ne pas laisser perdre les faits nouveaux que cette découverte de M. Thierry apporte à l'archéologie et à l'his- toire, et faire connaître les résultats d'un travail qui termine les dis- cussions soulevées, depuis plus de deux siècles, sur le sens et le plan des ruines les plus considérables de Tivoli.

Au pied de la ville, à l'endroit même où passait l'ancienne voie romaine dont on retrouve encore les traces, s'élèvent des voûtes immenses adossées au rocher et qui semblent le prolonger. Ces

VII. - Février 1863. 6

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ruines, désignées au moyen âge sous le nom de Porta-Scura, et qui servaient d'entrée à la ville, ont été transformées en ateliers de forge. Leur situation pittoresque au-dessus de l'Anio, l'écume blanchis- sante des chutes d'eau qui se précipitent en bondissant à travers les rochers, les désignent de loin à l'attention des voyageurs. En y pénétrant, la grandeur de ces voûtes souterraines, l'éclat des feux de la forge qui contraste avec les ténèbres épaisses qui l'entourent, le bruit retentissant des marteaux qui battent le fer, la vue de ces hommes basanés qui apparaissent à la lueur rougeâtre de leurs fourneaux, tout cela forme un ensemble étrange et grand qui fait la plus vive impression. Sur cette terre classique de la mythologie, on a le droit de se figurer qu'on est descendu dans les forges de Vulcain.

Mais, môme pour les plus belles ruines, le pittoresque qui en- chante l'imagination ne satisfait paš complètement l'esprit. Après en avoir joui quelques instants, on arrive irrésistiblement à se de- mander ce qu'elles ont été : au risque de se tromper on veut leur donner un nom. Le premier qui se présenta fut celui de Villa de Mécène, quoique Mécène n'ait jamais eu de villa à Tibur. Gomment s'en étonner? C'est à Horace que l'on songe en visitant Tibur ; c'est lui qu'on cherche partout dans ces lieux pleins de son souvenir. On ne pouvait cependant attribuer ces constructions grandioses au poëte qui a chanté Yaurea mediocritas et y reconnaître ša modeste maison de campagne. On a voulu, du moins, les rattacher à son souvenir en les attribuant à Mécène, son ami et son protecteur.

Cette dénomination, donnée sans fondement et par souvenir poé- tique, ne pouvait résister à l'examen. Mais il était plus facile d'en montrer la fausseté que de trouver la véritable signification de ces ruines. Les uns y ont vu un forum, les autres un gymnase ; Nibby, plus heureux dans ses conjectures, le temple d'Hercule. Mais ce n'était qu'une ingénieuse supposition. Les fouilles entreprises par M. Thierry ne laissent plus de doute sur ce point : les dispositions architecturales des ruines qu'il a explorées appartiennent à un temple entouré de portiques, et le nom du dieu auquel il était con- sacré se trouve dans une inscription découverte par M. Thierry. Elle est gravée sur une plaque de marbre encastrée dans le mur et qui supportait un petit monument votif :

Pomponia L. F. Nunnulei. Here. Vict. « Pomponia, fille de Lucius, femme de Nunnuleius, à Hercule

vainqueur. »

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Et de l'autre côté :

C. Nunnuleio. C. F. Nudo. Leg. Pro. Praet. Pomponia. L. F. Uxor. Posuit.

J'ai essayé de retracer l'histoire du culte et du temple d'Hercule à Tibur, qui remonte à la fondation même de la cité, et qui persiste jusqu'à la chute de l'empire romain. En rapprochant de l'intéres- sant travail de M. Thierry quelques passages des auteurs anciens et un certain nombre d'inscriptions heureusement conservées, on peut jeter quelque jour sur les origines de cette antique cilé de Tibur ; on peut suivre, sous la domination romaine, les rivalités municipales, toujours vives, mais qui, ne pouvant plus se satisfaire par les armes, essayent de l'emporter par la magnificence et la célébrité de leurs monuments.

Dans les temps les plus anciens, la position de Tibur avait été occupée par les Sicanes, cette population primitive qu'on retrouve dans presque toute l'Italie. Ils en furent chassés par une colonie argienne que conduisaient trois frères, Tibur, Coras et Gatillus ; c'était la tradition adoptée par les poëtes, par Virgile, dans son dé- nombrement des chefs qai s'arment contre les Troyens ; par Horace, lorsqu'il appelle Tibur la cité de Catillus. Ces noms de chefs, inven- tés pour expliquer le nom des villes, sont une chose trop fréquente chez les anciens pour y attacher une grande importance. Un fait seul est bien constant, l'établissement d'une colonie argienne à Tibur. En cela, Virgile et Horace sont d'accord avec le vieux Caton, qui avait écrit un livre fur les origines des cités, et avec Denys d'Halicarnasse. Le culte rendu à Hercule en est une nouvelle preuve; ce héros semble avoir été le protecteur des colonies -grecques fon- dées dans le Latium, et le souvenir de ses exploits est fortement marqué dans la religion de leurs établissements primitifs. A Pallan- tium, c'était la légende de Cacus et les fêtes qu'Évandre célébrait en l'honneur du héros qui avait donné la mort à ce monstre ; à Tibur, c'était encore avec le surnom de Vainqueur qu'il était invoqué. Cet Hercule est bien d'origine grecque et le fils de Jupiter : il avait tué le lion de Némée et les oiseaux du lac Stymphale ; à Tyrinthe, à Lerne, il s'était montré comme un héros protecteur. Il est donc tout naturel que son culte ait été apporté en Italie par les Arcadiens de Pallantium et les Argiens de Tibur. Il ne faut pas être trop scep- tique pour toutes ces traditions primitives et se hâter de les reléguer dans le domaine des fables. Il y a eu beaucoup d'inventions, de légendes embellies dont il est facile de voir la fausseté. Mais ̂n est-il

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de même pour ces grands faits rapportés par des historiens sérieux comme Gaton l'Ancien,, chantés par un poëte comme Virgile* aussi soigneux d'exactitude historique, je dirai presque, aussi curieux d'ar- chéologie, et surtout consacrés par les monuments et les croyances des peuples? Tel me semble être l'établissement de colonies grecques dans toute cette partie de l'Italie, où elles remplacèrent les popula- tions primitives , et apportèrent d'Arcadie ou d'Argolide le culte d'Hercule, comme leur dieu national et leur protecteur.

A Rome, Hercule dut céder la première place à d'autres dieux introduits par la conquête sabine et étrusque. A Tibur, au contraire, il conserva toujours le premier rang. Strabon, dans la rapide men- tion qu'il fait de cette cité, signale son temple comme celui du dieu principal. Il était adoré sous le nom d'Hercule Saxanus, parce que son sanctuaire était construit sur les rochers; d'Hercule Vainqueur ou Invincible, en souvenir de ses triomphes sur les monstres et les brigands.

C'était ce héros lui-même qui était venu à Tibur fonder son sanc- tuaire et le consacrer à son père Jupiter. On trouva dans les ruines une statue d'Hercule agenouillé, et sur ia base de la statue cette ins- cription :

Jovi Praestiti Hercules Victor. Dicavi! (1).

Hommage du héros triomphant à son père, qui l'avait protégé. Cette inscription fait songer à ces offrandes des héros grecs vain- queurs de Troie, que Pausanias avait vues dans quelques sanctuaires de la Grèce. Mais ici on n'avait pas cherché à tromper les visiteurs, et celui qui avait fait refaire la statue avait pris soin d'ajouter son nom : Blandus praetor restituii. C'était donc une restauration; mais elle suppose l'existence d'une première offrande, remontant, sinon à Hercule, du moins à la plus haute antiquité; quelque pierre ou quelque statue informe ruinée par un accident ou que l'on ne jugeait plus digne de la majesté du dieu.

Il en est de même pour le temple (T) : l'édifice dont nous retrouvons les traces appartient aux derniers temps de la république, mais il avait remplacé un sanctuaire primitif, probablement quelque en- ceinte grossière de pierre, comme le temple du mont Ocha. Grâce aux travaux de M. Thierry et à quelques inscriptions, nous pouvons suivre les agrandissements qui ont transformé le sanctuaire primitif

(1) Orelli, Inscr. lat.-, n° 1253.

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en un temple qui faisait la gloire de Tibur, et qu'on égalait aux plus grands de cette époque, à celui de la Fortune à Préneste. Les ruines de la cella sont suffisantes pour en reconnaître le plan. A l'intérieur, deux rangs de colonnes formaient un portique de chaque côté ; l'ex- trémité est divisée en trois compartiments. Celui du milieu, le plus grand, était la niche contenant la statue du dieu, restaurée par ßlan- dus ; comme je l'ai dit, elle représentait Hercule agenouillé et fai- sant hommage de sa victoire à son père. Devant celte niche se trou- vent quelques restes de mosaïque. De chaque côté est une petitê chambre; celle de droite donne accès dans un souterrain. Était-il destiné à recevoir les ex-voto qui encombraient le temple quand il fallait faire place aux nouvelles offrandes , comme cette chambre souterraine qu'on a trouvée aux environs de Rome, et qui était rem- plie de bras et de jambes en terre cuite ou en pierre ? Servait-il plutôt aux supercheries des prêtres, qui, de là, faisaient entendre les paroles qu'on acceptait comme les oracles du dieu ? Cette suppo-1 sition me paraît la plus vraisemblable, car Hercule Vainqueur semblé aussi avoir rendu des oracles. C'est ce qu'indiquent ces vers dé Stace ( Sylves , 1. 1, 3) :

Quod ni templa darent alias Tyrinthia sortes, Et Praewestinœ poterant migrare sorores.

Le rapprochement avec le temple de Préneste confirme cette sup- position. Elle expliquerait la richesse toujours croissante du temple d'Hercule, richesse assez considérable pour tenter l'avidité d'Octave, lorsque la guerre contre Lucius Antoine le poussa à s'emparer des offrandes des temples les plus opulents (1). C'est à cet oracle que songeait Lactance lorsqu'il parlait de la sibylle Tiburtine ; cette ex- pression de sibylle employée par l'écrivain chrétien ne doit pas être prise au propre : elle sert seulement à désigner un oracle. Malgré cela, ce souvenir consacré par les arts s'est si bien emparé des esprits, qu'on a doniié au petit temple rond qui couronne Tivoli le nom de Temple de la Sibylle, comme le souvenir d'Horace avait fait appeler Yjlla de Mécène'les substructions du temple d'Hercule. C'est à ce dieu qu'il faut restituer l'oracle et le monument dont on l'avait dépouillé.

La chambre de gauche avait un usage beaucoup plus vulgaire : c'était, faut-il le dire? c'était une cuisine. Là, on dépeçait les vic- times offertes au dieu et on préparait les repas sacrés. Cette attribu-

(1) Appien, Guerres civ.} V, ch. 24.

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lion choque un peu nos idées reçues sur la majesté des anciens. Nous les avons élevés si haut qué, volontiers, nous nous les figurerions comme supérieurs aux nécessités de la vie journalière. Leurs dieux nous apparaissent dans un temple majestueux, au milieu des por- tiques et de la fumée des sacrifices ; nous nous représentons bien les victimes amenées à leur autel et immolées par le prêlre, mais nous ne voulons pas savoir ce qu'elles devenaient. On se rappelle, au dix- septième siècle, quelles attaques les ennemis des anciens dirigeaient contre la grossièreté des héros d'Homère se rassasiant des chairs des victimes, et avec quelle timidité et quel embarras leurs défenseurs cherchaient à les excuser. A mesure que nous connaissons mieux l'antiquité et que nous la voyons de plus près, nous sommes forcés de renoncer à ces fausses délicatesses. Les fouilles de Pompéi nous ont déjà familiarisés avec ces détails vulgaires qui trouvaient place même dans les temples ; en nous transportant dans une cité surprise par la inort, en nous permettant de vivre pour ainsi dire au milieu des anciens, elles ont bien diminué de cette majesté constante qu'aug- mentait l'éloignement. Cette cuisine placée à côté de la ftatue du dieu en est un nouvel exemple. Au reste, était-elle si mal placée auprès du dieu glouton que nous montre Euripide ? Cependant, je n'aurais pas osé attribuer à cette chambre une pareille destination sans une autorité qu'on ne peut contester, celle du donateur même qui l'avait fait construire.

Herculei oaxano Sacrum

Serv. Sulpicius Trophimus Jîdem, Zothecam, Culinam Pecunia sua a solo restituii Idemque dedicavit

K. Decembris L. Turpilio Dextro M. Mecio Rufo coss. Eutichius. Serv. pera gen dum

Gura vit (i).

Ce temple, restauré complètement par Serv. Sulpicius Trophimus, s'élevait sur l'emplacement du temple primitif. Sans doute, le plan en avait été agrandi, puisqu'il contenait, à l'intérieur, un double

(1) Orelli, Inscr. lat., n® 2006.

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portique; mais il avait aussi retenu un peu de sa simplicité, puisqu'il n'avait qu'une simple cella, sans portique en avant de l'entrée, sans colonnades à l'extérieur.

Ce n'était plus assez, au dernier siècle de la république, où les temples s'agrandissent et s'entourent d'une ceinture de portiques. Le sanctuaire de la Fortune, à Préneste, excitait alors l'admiration par la grandeur de ses constructions et la beauté de son ordonnance. Il s'élevait sur la pente de la colline que couvre aujourd'hui Pales- trine, et on y parvenait en gravissant plusieurs étages de portiques et de temples. La célébrité d'une cité voisine et rivale excita l'émula- tion des Tiburtins, et de grands travaux furent entrepris pour égaler le temple d'Hercule Vainqueur à celui de la Fortune Prasnestine. La piété d'un simple particulier ne pouvait plus suffire à ces dépenses, ce fut la cité qui s'en chargea. Par un décret du sénat de Tibur, les quartumvirs, magistrats municipaux, firent construire les portiques longs de deux cent soixante pas, l'exèdre, le pronaos, et le porti'que derrière la scène, long de cent quarante pas.

C. Luctius L. F. Aulian. Q. Plausurus G. F. Varus L. Ventilius L. F. Bassus. C. Octavius G. F. Grœchin.

iïii vir Porticus P. CCLX. etexsedram. et pronaon. iter Et porticum pone scaenam long. P. CXL

S. C. F. C. (1).

Les ruines explorées par M . Thierry viennent confirmer et éclaircir les faits rapportés par l'inscription.

A la cella construite aux frais d'un particulier, Serv. Sulpicius, la ville fit ajouter un pronaos ou colonnade élevée devant le temple et servant de portique. Les deux constructions furent donc faites à une époque différente. Tel est le fait qui ressort des deux inscriptions citées plus haut; telle est aussi la conclusion à laquelle arrivent les architectes par des considérations tirées de leur art : certaines dispo- sitions des colonnes du pronaos qui ne sont pas en harmonie avec le corps même de l'édifice, montrent qu'il n'entrait point dans le plan primitif, et qu'il fallut modifier les règles ordinaires pour l'ajuster après coup.

Si cette addition du pronaos ne présentait pas de difficultés, il

(1) Orelli, Inscr. lat., no 3283.

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88 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. n'en était pas de même pour les portiques qui entouraient le temple. Nous avons déjà dit qu'il était situé sur les rochers qui dominent la rive gauche de l'Anio ; entre les rochers et le fleuve, passait la voie romaine qui montait à Tibur. Mais ni les obstacles naturels, ni la dépense n'arrêtèrent le zèle des Tiburtins pour élever au dieu pro- tecteur de leur ville un temple digne de lui, et ne pas rester au- dessous de leurs voisins de Préneste. L'espace manquait pour le développement des portiques; on fit violence.à la nature et on pro- longea le rocher au moyen d'immenses substructions, il fallait laisser le passage libre à la voie qui donnait accès dans la cité (Y) ; on la couvrit d'une voûte. Des ouvertures pratiquées de distance en dis- tance (0) éclairaient ce passage, qui n'a pasmoins de quatre-vingts mè- tres de long. Ainsi la voie romaine, qui passait autrefois à ciel ouvert au pied du rocher sur lequel s'élevait le temple d'Hercule, s'enfonça obliquement sous l'area du temple. Pendant tout le moyen âge comme dans l'antiquité, c'est là que fut l'entrée de Tibur; on lui donnait le nom de Porta Scura, et elle servait de douane et de marché. Mais, depuis la construction de la roule qui arrive dans le haut de la ville, on cessa de s'en servir, et elle est maintenant enclavée dans les ate- liers de la forge. Cette voûte, que la voie romaine rendait nécessaire, fut également exécutée par ordre du sénat et par les magistrats mu- nicipaux.

L. Octavius. L. F. Yitulus C. Rustius C. F. Flavos

fiii vir D. S. S. Viam integendam Cura ver. (1).

Entre cette voûte et le fleuve, on éleva ces immenses substructions qui subsistent encore de nos jours (S). Leur hauteur varie suivant l'i- négalité du terrain ; à l'endroit où le sol est le plus bas, et par consé- quentoù il a fallu leur donner le plus de hauteur, elles sont composées de deux étages de voûtes superposées et soutenues par des contre- forts. Depuis le bas jusqu'au sommet du portique, elles ont plus de cent pieds; leur hauteur diminue à mesure que le rocher s'élève. En général, les Romains ont fait grand usage des substructions pour racheter les inégalités du terrain, et pour obtenir la surface plane nécessaire à leurs constructions. Les ruines du Palatin en sont

(1) Orelli, Inscr. lat., n° 3850.

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l'exemple le plus frappant; ces masses immenses qui s'élèvent du sol à une si grande hauteur ne sont pas le palais même des Césars, mais les substructions sur lesquelles il s'élevait. Du côté du Caelius, les empereurs avaient ainsi prolongé artificiellement les hauteurs du Palatin, qui ne suffisait plus à leurs vastes palais. L'intermontium qui le coupe en deux avait si bien disparu qu'on n'en soupçonnait môme plus l'existence ; il a fallu 'les fouilles que M. Rosa dirige actuellement pour retrouver la vallée qui séparait les deux sommets de la colline, et les édifices qu'on y avait élevés du temps de la ré- publique. Ces constructions gigantesques sont devenues presque communes sous l'empire; mais du temps de la république, où l'on n'était pas encore habitué à forcer la nature, les substructions du temple d'Hercule durent exciter l'admiration et donner une haute idée de la cité qui avait entrepris de tels travaux.

Sur cette plate-forme, tantôt naturelle, tantôt artificielle, qu'on avait créée autour de la cella, se développaient de vastes portiques qui l'entouraient de trois côtés (P). Yers le fleuve, l'un des deux porti- ques latéraux est conservé presque en entier, et, malgré les ateliers qu'on y a établis, il est assez facile d'en reconnaître les dispositions. Il est composé de deux galeries de chambres voûtées, entre lesquelles est un large couloir. Au dehors, ce sont des arcades soutenues par . des piliers sur lesquels se détachent des demi-colonnes d'ordre do- rique qui servent d'ornement. De ces chambres, les unes donnent sur l'area, avec laquelle elles sont de niveau ; les autres s'élèvent sur les substructions dont nous avons parlé et regardent le fleuve. Du portique du milieu, qui est le plus long, et qui est construit derrière le temple, la moitié paraît encore hors du sol, et présente le même aspect d'ar- cades reposant sur des piliers et décorées de demi-colonnes doriques. Le reste, ainsi que l'autre portique latéral, est enfoui dans les jar- dins. Quoiqu'il soit moins bien conservé, les débris que M. Thierry a retrouvés dans ?es fouilles lui ont permis d'en refaire le plan avec sûreté. C'est la même ordonnance que dans les parties que nous connaissons. L'ensemble de ces portiques présente un développe- ment qui correspond exactement au chiffre de 260 pas donné par l'inscription.

La terrasse que soutenait ce premier étage supportait un second étage qui a complètement disparu dans la partie encore visible des ruines. C'est dans la partie enfouie sous terre que quelques bases de colonnes ont servi à en montrer le plan. Ce portique supérieur était formé en dehors par un mur qui fermait l'enceinte sacrée, au dedans par deux rangs de colonnes(R). D'après le syslèmeordinairementem-

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ployé dans ces portiques superposés, comme au théâtre de Marcellus et au Colisée, ces colonnes devaient être d'ordre ionique, et jus- qu'en 1812, l'une d'elles était restée debout au milieu des ruines. De cette terrasse on jouit d'une vue magnifique. Au pied des mon- tagnes de la Sabine s'étend la vaste plaine de Rome, qui se perd à l'horizon et se confond avec le ciel ; on se croirait en présence de la mer. A droite, les collines de l'Étrurie; à gauche, les monts Albains, où l'on voit briller au soleil les blanches maisons de Frascati, le pit- toresque village de Rocca di Papa, perché sur une pointe de rocher, et, au sommet, le couvent du Monte Cavo, qui a remplacé le temple de Jupiter Latialis. Aussi, la beauté du site, la magnificence des constructions, non moins que la pureté de l'air, avaient charmé l'empereur Auguste, qui, d'après Suétone [Aug. 72), venait pendant l'été rendre la justice sous les portiques du temple d'Hercule, à Tivoli.

Cette situation fait également comprendre pourquoi on n'avait pas construit de portique sur le quatrième côté, celui qui était devant la façade du temple et regardait la route de Rome. Il fallait ne pas mas- quer l'édifice et laisser la vue s'étendre librement sur la plaine. Aussi, n'y avait-il aucune construction au niveau de l'area, mais, au-dessous, un théâtre s'appuyait sur la colline (H). Depuis longtemps on avait reconnu la forme circulaire des gradins, mais on avait voulu y voir les degrés qui donnaient accès à la plate-forme du temple. Je ne sais pourquoi l'on avait recouru à cette supposition, plutôt que d'admettre l'existence d'un théâtre dans l'enceinte sacrée. A Delphes, le théâtre était compris dans le péribole et n'était éloigné que de quelques pas du temple d'Apollon. A Rome même, le théâtre de Pompée ne contenait-il pas un temple de Yénus? Pour les an- ciens ce n'était pas, comme pour les modernes, un édifice profane ; chez les Grecs, les représentations dramatiques étaient des cérémo- nies sacrées qui faisaient partie du culte. Ici, en particulier, il n'y avait pas à hésiter, la mention d'un portique construit derrière la scène prouve qu'antérieurement il existait un théâtre. Les sondages faits par M. Thierry l'ont clairement montré ; la scène placée en avant des gradins est plus élevée que le sol de l'orchestre, disposi- tion impossible pour un escalier, nécessaire pour un théâtre. Ce théâtre, adossé à la plate-forme sur laquelle s'élevait le temple, était antérieur aux grandes constructions ordonnées par le sénat dâ Tibur; on ajouta seulement un portique derrière la scène, décoration qu'on retrouve dans presque tous les théâtres romains.

La plate-forme à laquelle étaient adossés les gradins contenait,

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outre le temple et les portiques, d'autres petits édifices dont nous connaissons l'existence, mais dont les traces ont disparu. D'abord l'esèdre, dont parle l'inscription, petit bâtiment où l'on se réunissait pour causer; puis une bibliothèque dont Aulu-Gelle (L. IX, xix, 8) fait deux fois mention et qui était assez bien fournie de livres. C'est également dans l'enceinte du temple qu'il faut placer le trésor d'Her- cule dont parle Appien; le mot grec ôr^aupó; désigne un édifice moitié sous terre, moitié hors du sol, où l'on renfermait les offrandes précieuses. Ajoutons-y encore les statues et les autels votifs destinés à attester la piété des particuliers et l'acquittement de leurs vœux.

On peut fixer avec certitude, sinon l'année, au moins le siècle où furent faites ces constructions. Elles étaient terminées au temps d'Auguste, puisque l'empereur venait rendre la justice sous les por- tiques du temple, et Strabon le cite comme un édifioe remarquable. Ces deux textes sont d'accord avec l'appareil de la construction. Ce sont de petites pierres en pépérin unies par du ciment; elles ne sont plus assemblées avec l'irrégularité des anciens temps, mais elles n'ont pas encore la régularité des constructions impériales, qu'on a nommées opus reticulatum, à cause de la ressemblance avec les mailles d'un filet. Le temple d'Hercule et ses portiques appartien- nent donc à l'époque de transition à laquelle fut construit le temple de la Fortune à Préneste, et nous pouvons l'ajouter au petit nombre des édifices de la république qui ont duré jusqu'à nos jours.

Sous l'empire, Auguste fut associé à Hercule, regardé comme le protecteur de la famille impériale (1), et les prêtres prirent le nom de Herculani Augustales (2).

Est-ce à cette association ou à sa vieille renommée que le temple d'Hercule dut de ne pas déchoir sous l'empire? Toujours est-il qu'au retour de ses campagnes.de Germanie, un certain Yibius, tribun des soldats, un autre, nommé Minicius, propréteur de la Mésie, rentrés dans leur patrie, s'acquittaient de vœux faits au dieu deTibur (3). Peut-être est-ce encore à lui qu'il faut faire honneur des ex-voto élevés à Hercule Saxanus et Victor, par les légionnaires campés sur les rives du Rhin. De grands personnages, un préteur, des procon- suls des provinces d'Asie, de Mésie, d'Afrique, tenaient à honneur d'être les patrons de Tibur et les curateurs du temple (4). D'autres in- scriptions nous attestent la libéralité des riches Romains qui venaient

(1) Or., 155«. (2) Qr., 3933. (3) Or., 1549, 1551. (4) Or., 2206, 2761, 3933, 6499.

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92 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. chercher dans ce séjour délicieux de Tibur un abri conlre les cha- leurs de l'été et les fièvres de l'automne. Grâce à ces dons, le temple d'Hercule continua à s'embellir : on l'orna de ces marbres grecs et africains dont le luxe, peu commun- sous la république, fit invasion sous l'empire. De là ces vingt-deux espèces de marbres trouvés dans ses ruines, et qui expliquent ces vers de Juvénal (Sat. XIV, 86) :

QEdificator erat Centronius, et modo curvo Littore Caietae, summa nunc Tiburis arce , Nunc Prœnestinis in montibus alta parabat Culmina villarum, grœcis longeque petitis Marmoriöus, vincens Fortunœatque Herculis œdem.

Jusqu'à la fin de l'empire, le temple d'Hercule subsista donc dans toute sa magnificence. Le triomphe du christianisme et les invasions des barbares l'entraînèrent dans la ruine commune. Pendant le moyen âge, les guerres civiles et les déprédations achevèrent de le dépouiller ; mais ni la main des hommes, ni le temps n'ont pu vaincre les masses solides sur lesquelles il reposait.

Il est toujours difficile de ranimer ces splendeurs disparues, et sou- vent la vue des restes antiques produit un désenchantement, parce que la réalité demeure au-dessous de ce que notre imagination avait rêvé. Ici cependant, le site pittoresque, la grandeur des ruines aident à se figurer l'effet que devait produire l'ancien sanctuaire d'Hercule. Qu'au lieu d'arriver à Tivoli par la route moderne, on suive la voie antique qui mène directement de Rome au pied des ruines; que, sur ces sub- structions immenses, l'imagination relève le double étage de por- tiques qui entourait le temple, le sanctuaire se dressant sur cette plate-forme, entouré de petits édifices et de statues, au-dessous, le théâtre, dont les gradins présentaient l'aspect d'un vaste escalier demi-circulaire, tout cela encadré par les rochers pittoresques au pied desquels mugit l'Anio ; tel est l'ensemble qu'on peut se figurer d'après les indications que nous venons de donner; tel est l'édifice qu'on prendra plaisir à revoir dans la restauration que M. Thierry nous a promise pour l'année prochaine. Les architectes sauront apprécier la valeur de ses travaux ; les amis de l'antiquité doivent lui savoir gré d'avoir relevé pour eux l'un de ces imposants édifices dont les ruines seules excitent notre admiration, el surtout d'avoir fait quelque chose pour l'aimable cité qu'aimait et que chantait Horace.

P. Foucart, Ancien membre de l'École française d'Athènes.

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