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Les auxiliaires de prédication Author(s): Denise François Source: La Linguistique, Vol. 11, Fasc. 1 (1975), pp. 31-40 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30248274 . Accessed: 15/06/2014 09:22 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.72.154 on Sun, 15 Jun 2014 09:22:50 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Les auxiliaires de prédication

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Les auxiliaires de prédicationAuthor(s): Denise FrançoisSource: La Linguistique, Vol. 11, Fasc. 1 (1975), pp. 31-40Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248274 .

Accessed: 15/06/2014 09:22

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LES AUXILIAIRES DE PR1DICATION par Denise FRANqOIS

Le frangais est une langue a opposition verbo-nominale. Nous entendons par 1* que s'y oppose, dans la structuration centrale de l'Cnonce, une classe de monemes qui - independamment de toute specification hic et nunc - y ont vocation predicative et sont identifiables comme tels (ex. : [mi3], [dcn], [kuu]...) a une autre classe de monemes plurifonctionnels a vocation non predicative (ex. : [upa] ou [nuuityH]..., [d5] ou [kado]..., [kuiis]...). Dans une telle langue, qu'elles soient verbales ou nominales et sp6cifiques ou non, les modalitis ne font que corroborer l'identit6 des monemes

qu'elles d6terminent mais ne sont nullement indispensables ta leur identification, sauf cas d'ambiguite marginaux (i. e. homony- miques comme dans [mafi], marche : je marche , la marche). Soit

[k5stuqi] et [mez5], on peut, independamment de toute indication contextuelle fournie par le discours, independamment de toute etude des combinabilites ([il k5stifqiza ] + [set mez5]...), assigner de par leur vocation syntaxique, le premier 'a la classe des verbes et le second ta la classe des noms. Dans ce systbme, les hybrides syntaxiques (qui allient des particularitis de fonctionnement - compatibilitis, capacitis d'expansions - nominales et verbales) sont reperables comme tels : ainsi les synthemes d6rivds infinitif et participes; quant aux ddrivations exocentriques, elles impliquent, en rgle gendrale, des diffdrenciations formelles comme dans [k5stuqi] / [k5stuyksj5]. On notera que, g6netiquement, lorsque l'enfant passe de [dodo papa] a papa dort, il acquiert un systeme 5a deux paradigmes centraux bien distincts.

Il ne s'agit nullement, bien entendu, h travers ces consid6ra- tions restreintes au frangais, de rdhabiliter un a priori logico- ou s6mantico-grammatical concernant l'opposition verbo-nominale comme universel linguistique ni la distinction entre ce que certains auteurs appelleraient une linguistique de la langue (du systhme) et une linguistique de la parole (symbolisie par le corpus) : nous

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32 DENISE FRANgOIS

constatons simplement qu'en frangais, qu'on se refbre a la para- digmatique resultant de l'analyse ou aux donnees brutes d'un ensemble d'enonces, on observe une specialisation de deux grands types d'unitis (verbes et noms) par rapport A l'exercice de la fonction predicative. Cela n'est certes pas une donnee generale dans les langues puisqu'il en existe dans lesquelles, en l'absence de specialisation ou, si l'on pref~re, de preclassification des unites, c'est au niveau du discours que se specifie, en general i l'aide de

modalitis, la fonction remplie hic et nunc par une unite indiff6- rencide, disons, dans le dictionnaire. L'tude de Hans Vogt sur le kalispel, par exemplel, fournit l'une des illustrations les plus accessibles de ce type de langues. Dans celles-ci, la fonction pre- dicative existe bel et bien - c'est sans doute un universel syn- taxique que l'existence d'un point de rattachement dans l'Fnonc6 en raison de l'6conomie que cela procure dans la linearisation de

l'expirience - mais non les verbes et il en resulte, dans l'analyse, un recours plus important au discours.

De l'existence d'une opposition verbo-nominale en frangais, nous ne pouvons toutefois conclure que tous les enonc6s sont construits autour d'un verbe-pridicat accompagn6 de syntagmes nominaux plus ou moins 6troitement rattaches, syntaxiquement, Sce prdicat (du sujet obligatoire aux expansions autonomes ou

autonomisdes). Le schima SN + SV < + SN > est, dans une

large mesure, un leurre. L'examen des matiriaux - notamment ceux de la langue parlie qui decouvre mieux la dynamique lin-

guistique - montre en effet que si l'exploitation d'une classe verbale est tres importante, que si les predicats verbaux sont tris nombreux2 - accompagnes le plus souvent d'un sujet pronominal (I 032 occurrences pour les seuls pronoms personnels) et non nominal (46 occurrences) - ils ne representent pas le type unique de structuration de l'tnonc6.

Rappelons, en premier lieu, qu'on peut relever des predicats non verbaux bruts3, comme par exemple :

Des gens, des gens, des gens! Magnifique ! Ici !

i. Hans VOOT, Le kalispel, Le langage, Encycl. de la Pleiade, Paris, 1968, p. Ioo3. 2. Dans le corpus que nous avons eitudit in Frangais parli, analyse des unitis phoniques

et significatives d'un corpus recueilli dans la region parisienne, sous presse aux iditions S.E.L.A.F., Paris, sur environ Io ooo mon&mes, nous en relevons I 781 occurrences.

3. Les grammairiens parlent g6niralement de << phrases nominales pures >>.

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LES AUXILIAIRES DE PRiDICATION 33

mais, sans doute en raison des risques d'ambiguite, c'est-A-dire

d'intigration syntaxique indue dans les enoncis voisins, ceux-ci demeurent rares et marginaux4, lies le plus souvent aux domaines < exclamatifs >> et mettant en jeu diffdrents stratag6mes proso- diques (intonation, pauses).

Beaucoup moins marginalement, a c6td des verbes proprement dits, i. e. de monemes assumant i eux seuls la fonction pridicative, on observe des outils (ex. : ily a, c'est) qui permettent de pridiquer les elements les plus divers de la langue, c'est-at-dire de leur

assigner une participation a la fonction predicative. Ce sont ces outils que nous appelons auxiliaires de predication.

(Terminologiquement, nous avions d'abord retenu le terme

d'actualisateur5 mais - dans le sillage d'actualisation - il nous

parait avoir rassemblh trop d'acceptions : on a pu dire que dans ' la maison, la actualisait maison, qu'un geste indiquant la hauteur avec un message : << I1 tait grand comme ca >> actualisait ce

message, que le contexte et la situation extra-linguistique pou- vaient servir d'actualisateurs6 de telle sorte qu'on risque de mal

digager ce qu'il y a de specifique sur le plan syntaxique lorsqu'on dit que [ja] actualise fte dans il y avait fte au village'. Surtout le terme d'actualisateur risque de ne pas faire apparaitre clairement

qu'il s'agit de localiser le noyau predicatif. Le terme de << presen-

4. On en trouve davantage chez Celine ou dans le langage publicitaire que dans les echantillons de francais parlk que nous avons pu analyser.

5. Cf. Andre MARTINET, Eliments de linguistique grndrale,

Paris, ed. A. Colin, 1967, 217 p., a 4.24, 25 intitulk << Actualisation >>, et 27 notamment.

En 1971 (in Franfais parli, cf. n. 2), nous avons essaye d'operer une distinction entre des actualisateurs (du typey a) et des auxiliaires de predication (du type est) mais il nous semble que cette distinction reposait sur des bases trop fragiles (degre de figement, notamment) pour ktre maintenue.

6. Cf. par exemple, La linguistique, guide alphabitique, sous la direction d'Andrb MARTINET, Paris, id. Denoel, 1969 oji, dans l'article << Contexte et situation >>, on peut lire : << Si on nomme actualisation le passage du sens ind'termin6 des unites isol6es, au sens precis qu'elles ont dans un message particulier, on dira que le contexte linguistique ou la situation extra-linguistique peuvent tous deux jouer ce r6le d'actualisation >> (p. 69) ou dans l'article << Variantes >> :<< Le signifi6 d'un moneme n'a que des virtualitis qui s'actualisent d'une fagon particulibre selon le contexte et la situation. On peut consid&rer ces actualisations comme des variantes de signifi' du moneme >> (p. 391).

Dans Le langage, encyclopedie realisfe sous la direction de Bernard POTTIER, Paris, C.E.P.L., 1973, P'article << Actualisation >> se termine ainsi : < A d6faut de contexte linguistique suffisamment r6v6lateur, c'est la situation extra-linguistique qui intervient comme actualisateur. Ainsi la phrase Antoine a battu son pore tolhre plusieurs interprita- tions aussi longtemps que la situation (tennis, jeu d'echecs, rixe...) n'a pas 6t6 pricisee. >>

Les articles < Actualisateur >> et << Actualisation >>, in Dictionnaire de Linguistique, Jean DuBois et al., Paris, Larousse, 1973, sont encore plus nets dans la mesure oh Il'ac- tualisateur lui-meme est defini comme << tout processus permettant I'actualisation, c'est-a-dire le passage de la langue a la parole >>.

7. Exemple emprunti a Andre MARTINET, Eliments... (cf. n. 5)- LA LINGUISTIQUE, I 2

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34 DENISE FRANOIS

tatif >), souvent employd par les grammairiens, a 6galement etd ecartd dans la mesure oui il se borne A &tre une denomination descriptive sans prendre d'option sur l'explication fonctionnelle des faits8. Nous avons donc finalement retenu auxiliaire de pridi- cation qui implique la presence simultanee, dans un prddicat complexe, d'un outil (auxilium) et d'un terme predique, comme, par exemple, dans : y a un restaurant.

Bien entendu, ces auxiliaires de predication se distinguent sans peine des auxiliaires de conjugaison qui relkvent de l'Ctude des modalites du verbe : j'ai mange, avec sa particularite morpholo- gique d'antiposition de l'auxiliaire, s'apparente, syntaxiquement, ?a je mangeais.

Quelques exemples nous permettront de preciser la nature et le

r61e de ces auxiliaires de predication. Soit c'est Jean, il devient gros, il s'avere bete, fa fait joli, y a du monde, voila des gens, etc., il serait

inacceptable - et pour certaines de ces structures, les grammai- riens l'ont de longue date bien d6gage en parlant d'attributs - d'identifier sur une base formelle est, devient, s'avere, fait, a, voild

(voir + l.)... comme le verbe au sens propre, i. e. comme le pre- dicat. Ces 616ments, que nous serions tent6 d'appeler << formes verbales a plut6t que << verbes >>, ne constituent pas, en effet, tout le noyau predicatif mais, en qualite d'auxiliaires de predication, servent ' y intdgrer, de faqon irriductible, les 61ements nominaux ou adjectivaux qui suivent. C'est la raison pour laquelle nous considerons ces auxiliaires de predication, fondamentalement,

8. Les grammaires refirent g6ndralement l'approche de ces pr6sentatifs, sur une base formelle, a celle des << formes) ou << tours>> impersonnel(le)s (il arrive, ilfaut, ily a...); elles abondent en commentaires historiques, rappelant qu'en a-fr. ot un rei prnsente un cas-regime, que voici a comport6 (comporte ?) une forme verbale, ce qui explique une scorie comme me voici, mais nc doit pas aboutir Ba nier la dynamique du systtme contem- porain

' coups d'arguments historiques (cf., dans un autre domaine, l'analyse possible

de maintenant, par exemple); elles signalent que l'emploi de ces instruments varie selon les registres (ex. : il est... / c'est...) et peut favoriser des effets stylistiques ou expressifs; elles multiplient les considerations simantiques sur le caracte're plus ou moins << dmons- tratif >> des presentatifs ou sur celui plus ou moins < concret >> des pr6diques... Mais, chemin faisant, A quelques rares indications pres (comme, par exemple, celles concernant, dans la Grammaire Larousse, le rapprochement de ces types d'enonces des < phrases purement nominales >> ou des < constructions segmentees >>), elles oublient de d6finir explicitement le problkme, a savoir qu'il s'agit de localiser le predicat, et de souligner le developpement de ces << tournures o dans le franrais contemporain (nombre de gram- maires - m8me celle de Grevisse - n'ont pas d'entre il y a dans leur index).

N.B. - Pour faire le point sur ces approches, nous nous sommes largement r6f6r6i la bibliographie 6tablie par Jacqueline CHAM-SWEERTS :<< Le statut d'il y a en franqais moderne >>, Universite Rend-Descartes, U.E.R. de Linguistique g6ndrale et appliquee, inedit (A consulter a la bibliotheque de l'U.E.R.). On y trouvera de nombreuses rff&- rences notamment a des articles sp6cialement consacres a ces problemes comme celui de R. L. WAGNER, II y a, in Lefranfais dans le monde, no 29, d6c. 1964.

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LES AUXILIAIRES DE PRADICATION 35

comme des moyens de transgresser9 l'opposition verbo-nominale

qui fonctionne en frangais, c'est-at-dire de confirer une vocation

pr'dicative ' des 616ments dont ce n'est pas la fonction premikre"l

en 6tant le monopole de la predication aux verbes. Dans c'est Jean, il devient gros, il s'avdre bete... ou encore dans des

enonces comme vous avez des gens qui passent, la premiere partie de

l'nonc6 semble respecter le schema habituel de l'6nonce mini- mum en frangais : sujet + verbell. Ce n'est lat qu'apparence formelle dans la mesure oht est, devient, etc., n'assument pas pleine- ment la fonction predicative et oti c'est, il devient, etc., ne consti- tuent pas a eux seuls un enonc6. En tout 6tat de cause, ce schema sujet + verbe n'est pas toujours respect6 : dans il y a, il ne I'est plus que sur le papier, la forme orale [ja] ne comportant plus, dans l'usage courant, de pronom sujet remplisseur (par opposition a : Ily a [il i a] son coin de lecture), ce qui est symptomatique du

processus de figement de cet outil et de la distanciation que cela trahit par rapport ta la fonction proprement verbale. Dans voila ([vla]) les vacances, vivement les vacances ou droles de vacances, ce sont des elements non verbaux qui jouent le meme r6le. Des exemples comme peut- tre que oui, heureusement que non, pas de fa, assez proches des precedents, montrent que la modalisation d'elements non verbaux peut se meler t l'auxiliation predicative et illustrent bien qu'on ne saurait clore pricipitamment la liste de ces outils ni les restreindre ta certains modules.

Il s'agit l1 de faits qui sont abondamment reprisentis dans le frangais parle, qui s'y multiplient, s'y diversifient et ceci, de faqon quelque peu variable certes, dans les divers registres'2 sans qu'on puisse reffrer ce phenomene 'a la seule langue << populaire > (ou encore, selon certains auteurs, < vulgaire >>). On constate meme que J'emploi de ces auxiliaires de pr6dication tend a se repandre egalement dans la langue ecrite.

Si nous consid6rons maintenant non plus les auxiliaires de

9. Nous utilisons ce terme pour bien indiquer que ce proc6dd implique l'existence d'une opposition verbo-nominale comme la designation de phoneme hors systeme presuppose celle de systeme phonologique.

Io. Cf., infra, la discussion sur les classes de monemes. I On trouvera une discussion de ce problkme in A. MARTINET, Should we drop

the Notion of Subject ?, La revue canadienne de linguistique, I7, p. I75-I79. 12. Les premiers r6sultats d'une recherche en cours portant sur des discours poli-

tiques, des causeries t6l6vistes ou radiodiffusees, des entretiens scientifiques ou litteraires, des conf6rences universitaires... l'ont confirm6 (Laboratoire associ6 de recherches peda- gogiques de I'U.E.R. de Linguistique et du Centre d'Education permanente de l'Uni- versit6 Ren&-Descartes).

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prddication en eux-mmes mais les lCments prddiques, nous pou- vons preciser le point le plus important, peut- tre, a savoir que ces outils ne permettent pas seulement de prddiquer les dlements nominaux ou adjectivaux (comme dans les exemples cites supra et, notamment, les cas d' << attributs >>) mais egalement des syntagmes nominaux autonomisds, des monemes autonomes, des propositions t predicatoides, etc., bref les types les plus divers d'dldments.

Il n'y a donc pas seulement transgression (fondamentale) de

l'opposition verbo-nominale mais bien transgression de l'opposi- tion verbal N non verbal.

C'est ainsi que, dans le corpus deja cite (cf. n. 2), nous avons

relevd pour les deux principaux outils de predication, c'est et

(il) y a:

[se] (245 + 55 occurrences) -t noms : 73 occurrences + pronoms : 14 -

+ adjectifs : 75 + monemes autonomes : 14 -

+ noms autonomises : I -

+ noms autonomes : 2 + pronoms autonomises : 8

+ infinitifs : 3

+ propositions & prddicatoides : Io

+ participes passes : 35

Total: 245

auxquelles s'ajoutent 55 occurrences en enonces inacheves.

[ja] (116 occurrences) :

+ noms : Io2 occurrences (dont 22 dans

lesquelles, avec une indication temporelle, il tend a jouer le r61e d'un mondme fonc- tionnel. Ex. : [ja dezane]).

< en... + > pronoms : 8 occurrences + infinitifs : 2

+ monemes autonomes : 3 + participe passe : I

Total : I16

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Non sans que s'&tablisse une relative repartition des taches entre [ja] et [se] ou tout au moins certaines predilections ([ja] n'est jamais suivi d'adjectifs mais, plus que [se] encore, a des affinitis avec les noms, etc.), nous observons donc une grande varietd dans les classes d'6lIments prediques.

On aura remarqu6 que nous parlons de < noms >, < pro- noms >... prediqu.s. La transgression que permettent les auxiliaires de predication ne signifie pas, en effet, abolition ou dilution des classes de monemes. On sait bien qu'entre classes, fonctions et mondmes, il y a des chevauchements : l'analyse syntaxique serait moins ardue si telle fonction pouvait definir, sans intersections, telle classe de monemes mais cela demeure l'exception (par exemple pour la classe des verbes 'a unique fonction predicative). Toutefois, ce ne sont pas ces faits de chevauchements qui peuvent rendre compte de notre problkme ici : dire que n'importe quel element de la langue, ou quasiment, peut etre prediqud et, donc, que dans ce type de predication, toutes les classes se chevauchent, ne nous apporte aucune information quant au classement des monemes. Ce qu'il importe de souligner, c'est que les elements prtdiques, qui impliquent pour l'etre un auxiliaire de predication, continuent a etre assignables a leur classe. En effet, si celle-ci se definit, sur une base statistique, par sa ou ses fonction(s) propre(s) (ainsi que, plus ou moins accessoirement, selon qu'il s'agit d'auto- nomie intigree ou non, par les procedis mis en ceuvre pour l'ex- pression de cette ou de ces fonctions), elle se difinit egalement par ses compatibilites specifiques avec certaines modalites. Si ces compatibilites ne font, en frangais, comme nous l'avons souligne, qu'apporter une information redondante dans la plupart des cas, dans les enoncis construits avec des auxiliaires de predication, elles prennent le relais : grace 'A elles, dans :

Ily a un chat C'est loin, etc.

nous continuons "A identifier un nom, un autonome, etc. C'est une des raisons, et non la moindre, pour laquelle nous prefdrons ici le terme de predique (qui laisse toute latitude de specifier la classe A laquelle l'dlement se rattache par ses emplois frequents) A celui de predicat qui subsume la specification des classes.

C'est par leur variet6 et par la variete des types d'unitis qu'ils prediquent que les auxiliaires de predication se distinguent bien, en frangais, de ce qu'on a pu appeler la << copule >, tout au moins

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au sens strict, dans ses cas purs comme Pierre est beau'3. Celle-ci, institutionnalisee, ouvre un paradigme tres limite tant syntaxique- ment que simantiquement. Syntaxiquement, elle ne permet l'ac- cession 'a la fonction predicative que d'une classe determin&e, celle des adjectifs qu'on peut considerer comme des unifonctionnels dans la mesure ofi leurs deux fonctions sont en distribution compl&- mentaire (< 6pithte >>/<< attribut a) et de certains noms qui se conduisent alors de fagon particuliere, quasiment comme des

adjectifs (notamment en ce qui concerne leurs compatibilites avec les determinants, ex. : Pierre est professeur). Semantiquement, l'emploi de la copule est li6e a l'expression de la << qualit a>>, ou, en termes logico-grammaticaux, du < mode >,14. La copule ne

repr6sente done nullement une transgression tous azimuts mais bien un outil d'appoint qu'on peut considerer comme l'indice zero de la pr6dication non verbale : accompagnant un 616ment qu'on peut &tre tente de nommer tout uniment predicat, elle n'apporte aucune information, ni syntaxique, ni semantique, de telle sorte qu'on peut la considerer comme un simple automa- tisme relevant de la morphologie comme en t6moignent toutes les langues qui n'en font usage que lat o0 elle doit &tre le support de modalites'5 (ex. : on peut comparer *Pierre beau, Pierre sera beau et Pierre semble beau dans lequel semble apporte une specification semantique).

Le point important, nous semble-t-il, est que tous ces instru- ments de mise en relation au niveau du noyau de l'Fnonc6 fonc- tionnent en quelque sorte, avec plus ou moins d'efficience, comme des indicateurs de fonction predicative' , a savoir signalent que ce

13. Il nous semble qu'il y a quelque abus de terme a utiliser copule, comme le font certains auteurs, pour le est de Pierre est dans les bois, par exemple : s'il importe de souligner l'appartenance au noyau predicatif du syntagme dans les bois (qu'on compare il est dans le batiment / il est magon) qu'on en a trop longtemps exclu au profit des << attributs>>, il faut souligner que, dans de tels enonc6s, en raison du caractere occasionnellement pr6diqu6 du syntagme autonomis6, est s'apparente davantage 'a un auxiliaire de predication (qui apporte une information syntaxique nicessaire a la constitution de l'Nnonce) qu'at un simple instrument de mise en relation. A ce titre, pour etre consequent, il faudrait qualifier dans les bois d' << attribut >> (cf. n. 14).

14. Cf. Antoine ARNAULD et Pierre NICOLE, La logique ou I'art depenser, Paris, ed. Flam- marion, 1970, 441 p. (Ire ed., 1662) et notamment, chap. II : <<J'appelle manikre de chose, ou mode, ou attribut, ou qualite, ce qui 6tant conqu dans ma chose, & ne pouvant subsister sans elle, la determine a etre d'une certaine fagon, & la fait nommer telle. >>

15. Cf. Actes du Ier Colloque international de Linguistique fonctionnelle, Groningue, juin 1974, a paraitre.

I6. Ceux-ci sont trbs diff6rents des monbmes fonctionnels dans la mesure ois il s'agit de determiner le noyau ind6pendant, celui auquel tous les 61ements se rattachent, et non de conf.rer l'autonomie.

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n'est pas un verbe-predicat qui remplit cette fonction. Leur moindre rble, dans le cas de la copule, par exemple, l1 o0i elle existe, est de faciliter le decodage syntaxique des messages (qu'on compare le lion firoce est... / le lion est firoce, le lion firoce, le lion # firoce) .

Dans une langue 'a opposition verbo-nominale, les auxiliaires de predication brisent la rigidite de cette opposition tout en favo- risant, dans de nombreux cas, une invariabilite morphologique (personne 3) comme dans [ja dem5tap] ou [sede35]"7. Notons que s'ils n'excluent pas les pridicats non auxiliks (cf. supra), ils tendent ga les supplanter. Ceci tient sans doute, pour une large part, au fait que les predicats non verbaux bruts ne meritent gueire leur nom dans la mesure oh, incapables d'expansions ou reduits a un petit nombre d'expansions, ils ne jouent pas ou peu le r61e de noyau de rattachement contrairement "a ce que l'on observe avec les pr&di- ques auxilies (ex. r a des gens qui, que..., C'est ici que...). C'est pourquoi nous tenons 'a distinguer, dans la dynamique du frangais, les predicats non verbaux bruts (marginaux) des pridiques qui representent une ouverture syntaxique productive.

On ne saurait confondre ces auxiliaires de predication + ile- ment x prediqu6 avec des synthbmes predicatifs comme faire peur, faire attention, avoir peur, avoir l'air, etc. (dont le figement synthe ma- tique est le plus souvent signal6 par des indices formels comme l'absence de determinant devant le nom) ni avec des modalisa- tions de derives verbaux comme [vo], [po]... + infinitif.

On peut neanmoins rapprocher ces divers ph6nomenes de

< pr'dicats complexes >> en frangais dans la mesure oh ils corres- pondent, grace A des processus de figements plus ou moins aboutis, A un certain 6toffement de l'6nonciation qui, A l'opposi des exemples de grammaire du type le chat mange la souris8s, semble etre privilegi6 dans les processus de communication. Cet itoffement permet souvent, au reste, la mise en relief du << thbme >> de

17. Dans l'arr^t6 du 26 fivrier 90oi, cite par GREaVISSE (Appendice, p. 978-983), on peut de6js lire : << c'est, ce sont : comme il regne une grande diversite d'usage relativement a l'emploi regulier de c'est ou de ce sont, et que les meilleurs auteurs ont employe c'est pour annoncer un substantif au pluriel ou un pronom de la troisieme personne au pluriel, on tolerera dans tous les cas l'emploi de c'est au lieu de ce sont. Ex. C'est ou ce sont des montagnes et des prdcipices >>.

I8. Et, a fortiori, des Cnonces minimaux comme le chat mange : dans notre corpus, nous n'en relevons pratiquement pas mais notons, par ailleurs, que le scheme pref6- rentiel n'est pas sujet + verbe + expansion directe primaire (282 E.D.P. nominales seulement) mais sujet + verbe + expansion(s) autonomis6e(s) ou autonome(s). L'impor- tant semble etre qu'une expansion suive le verbe (ex. le chat mange vite / dans son coin, etc.).

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l'nonc6 : que l'on compare Les gendarmes sont venus, r a les gen- darmes qui sont venus, voire r a les gendarmes, ils sont venus, etc.19.

Il nous semble qu'il faudrait presenter comme symetrique l'existence, dans des langues sans opposition verbo-nominale, d'indicateurs predicatifs : nous appelons ainsi les e1ements qui, souvent decrits comme des aspects, des modalitis ou des classifi- cateurs - qu'il s'agisse morphologiquement d'in-, pre- ou suf- fixes, peu importe - ont pour principal r6le (dans une langue sans preclassification et oii l'ordre, par exemple, ne serait pas exploite) de marquer le terme-predicat dans un jeu de discrimi- nation souvent complexe, les affixes &tant plus ou moins sdlectifs20.

Ainsi, " mangeaison requin (qu'on nous pardonne ce barbarisme destine aviter de couler ces langues dans notre moule) equivaut a << le requin mange >> cependant que 0 mangeaison requin ' proximitJ equivaudrait

' << le repas (la nourriture) du requin est a sa portie >21. C'est un schema de ce type que Sapir nous propose pour l'assi- gnation fonctionnelle de inikw (<< feu >a ou << brfiler >>) en nootka22 On trouvera d'autres exemples dans l'itude sur le kalispel deja citie (cf. n. i). (Notons que ces faits se compliquent souvent d'un jeu diathetique mais il s'agit 1 d'un autre clivage de l'analyse, qui nous apparait comme second par rapport au probleme de l'oppo- sition verbo-nominale.)

Dans les deux cas, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas opposition verbo-nominale, il s'agit de pouvoir transgresser la structure de base d'une fagon telle que la fonction predicative puisse neanmoins etre dfment assignde dans l'tnonce.

Universiti Rene-Descartes, Paris.

19. La frequence de ces auxiliaires de pr6dication et leurs raisons d'etre ne doivent pas Stre ignories des p6dagogues et I'on ne peut se contenter d'une chasse aux << il y a>> et aux << c'est >>.

20o. Cf. Andr6 MARTINET, Reflexions sur le probleme de l'opposition verbo-nominale, La linguistique synchronique, Paris, P.U.F., x965, 248 p., notamment p. 203-

21. z reprtsente ici l'indicateur predicatif. 22. Cf. Edouard SAPIR, Le langage, trad. de S. GUILLEMIN, Paris, 6d. Payot, 1953,

222 p. et notamment p. 127-128 oh I'on trouve une analyse de : inikwl-ihl : v le feu dans la maison >> oun a brvle dans la maison >>; inikw-ihl- ma (avec affixe verbal) : << cela brufle dans la maison >>; inikw-ihl'i (avec affixe nominal) : < le feu dans la maison >.

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