21
Les Débuts de la littérature de jeunesse Repères historiques : La littérature pour la jeunesse est elle-même jeune : rien n'est écrit spécifiquement pour les enfants avant la seconde moitié du XVIII e s. Au XVII e s. alors que le tendre Louis XIV se délecte à lire l'Histoire d'Alexandre de Quinte-Curce, les jeunes aristocrates se passionnent pour les Vies parallèles des hommes illustres de Plutarque et pour le Don Quichotte (1605-1615) de Cervantès. L'enfant, s'il veut lire, n'a pendant longtemps d'autre alternative que de confisquer à son profit des récits écrits pour les adultes – épopées antiques ou romans de chevalerie. Les seuls livres composés à l'intention des enfants sont des ouvrages à caractère pédagogique, conçus pour accompagner un enseignement moral et religieux : ainsi, l'Orbis pictus (1658) de Comenius, véritable encyclopédie illustrée pour l'enseignement du latin, ou les Aventures de Télémaque (1699) de Fénelon, roman éducatif d'aventures et de voyages, écrit pour le duc de Bourgogne, petit- fils de Louis XIV. Mais, hormis les « élèves » auxquels ils sont destinés, ces livres ne rencontrent jamais réellement un jeune public. Ce n'est qu'à partir des années 1750, avec la bourgeoisie des Lumières, et plus encore 1

Les Débuts de La Littérature de Jeunesse

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Repères historiques

Citation preview

Les Dbuts de la littrature de jeunesseRepres historiques:La littrature pour la jeunesse est elle-mme jeune: rien n'est crit spcifiquement pour les enfants avant la seconde moiti duXVIIIes. AuXVIIes. alors que le tendre LouisXIV se dlecte lire l'Histoire d'Alexandre de Quinte-Curce, les jeunes aristocrates se passionnent pour lesVies parallles des hommes illustresde Plutarque et pour leDon Quichotte(1605-1615) de Cervants. L'enfant, s'il veut lire, n'a pendant longtemps d'autre alternative que de confisquer son profit des rcits crits pour les adultes popes antiques ou romans de chevalerie.Les seuls livres composs l'intention des enfants sont des ouvrages caractre pdagogique, conus pour accompagner un enseignement moral et religieux: ainsi, l'Orbis pictus (1658) de Comenius, vritable encyclopdie illustre pour l'enseignement du latin, ou lesAventures de Tlmaque(1699) de Fnelon, roman ducatif d'aventures et de voyages, crit pour le duc de Bourgogne, petit-fils de LouisXIV. Mais, hormis les lves auxquels ils sont destins, ces livres ne rencontrent jamais rellement un jeune public. Ce n'est qu' partir des annes 1750, avec la bourgeoisie des Lumires, et plus encore auXIXes. avec notamment la loi Guizot sur l'enseignement primaire (1833), qu'un nombre significatif d'enfants sera alphabtis.

Fables et contes:

Dans la France de la seconde moiti duXVIIes. la littrature pour la jeunesse prend la forme de fables et de contes. Si ces uvres apportent la gloire littraire leur auteur, lles acquirent cependant un statut ambigu. LesFables (1668-1694) deJean de La Fontainesont prioritairement destines au monde, qu'il faut amuser comme les enfants. Les morales qui ponctuent chaque fable illustrent merveille le prcepte plaire et instruire cher la littrature de l'Ancien Rgime. L'aspect didactique l'emporte alors sur la notion de divertissement. Rousseau, dans son roman pdagogiquemile ou De l'ducation(1762), condamnera d'ailleurs la lecture desFables, dont les ressorts culturels lui semblent aux antipodes de l'ducation naturelle qu'il rclame pour son disciple idal. Ce jugement n'empchera pas lesFablesde s'imposer partir duXIXes.Issus d'une ancienne tradition orale, les contes sont galement en vogue. Transmis au fil des sicles, ils captivent les enfants d'autant plus qu'il leur arrive de transposer les comportements humains dans le monde animal. Cette littrature orale devient une source d'inspiration pour les crivains de l'poque. Ainsi,Charles Perraulten tire desContesen vers (Grislidis,les Souhaits ridicules,Peau d'ne) qu'il publie en 1695. Deux ans plus tard paraissent lesContes de ma mre l'Oye, dits aussiHistoires ou Contes du temps pass, qui rassemblent ses contes en vers et en prose (la Belleau bois dormant,le Petit Chaperon rouge,Barbe-Bleue,le Chat bott,les Fes,Cendrillon,Riquet la houppe,le Petit Poucet). Cependant, la cruaut de certains rcits et, surtout, le contenu des moralits n'incitent pas les enfants se les approprier. Il faudra attendre leXIXes. et leur rcriture par les frres Grimm qui, dans leursContes d'enfants et du foyer, s'attacheront attnuer ce qui leur semble trop cru pour qu'ils deviennent des classiques de la littrature de jeunesse. En 1698, la comtesse d'Aulnoy publie galement des contes de fes (les Illustres Fes), qui lui apportent la clbrit, mais leur raffinement mondain reste tranger au lecteur enfantin.Ainsi, hormis les manuels d'apprentissage crs leur intention par des ducateurs, les enfants n'ont pas de littrature rellement crite pour eux. Ils prfrent s'emparer de livres qui ne leur sont pas destins: auXVIIIes. Robinson Cruso (1719) deDaniel Defoe, etles Voyages de Gulliver(1726) deJonathan Swift, rencontrent un immense succs auprs des jeunes. Dansl'Enfant(1879), Jules Valls racontera comment la lecture de Robinson Cruso lui a permis de s'vader de sa vie de pensionnaire. Le roman de Defoe gnrera d'ailleurs une impressionnante quantit de robinsonnades, depuis leRobinson suisse(1813) de Johann DavidWyss jusqu'Vendredi ou la Vie sauvage(1971) de Michel Tournier, en passant par ces avatars du mythe que seront l'le mystrieuse(1874) de Jules Verne,l'le au trsor(1883) de Robert Louis Stevenson ouSa majest des mouches(1956) de William Golding.

Le XVIIIe, un sicle novateur

La littrature de jeunesse nat vritablement avec la cration d'une dition spcifiquement adapte. La rvolution vient d'Angleterre: en 1750, Londres, John Newbery (1713-1767) cre la premire librairie-maison d'dition destine aux enfants. Entour d'une quipe compose d'crivains et d'illustrateurs, il est le premier trouver un ton et un type de prsentation susceptibles d'attirer le jeune public. Collecteur denursery rhymesces comptines l'humour absurde transmises oralement depuis des sicles, pass matre dans l'art d'arranger les contes, Newbery connatra le succs avecGoody Two Shoes(1765), et surtout avecMother Goose Melody (1791), recueil inspir par lesContes de ma mre l'Oye.En France, en revanche, les premires uvres littraires crites explicitement pour la jeunesse demeurent du domaine de l'ducation: dansle Magasin des enfants(1757), MmeLeprince de Beaumont transmet aux jeunes lecteurs des conseils et des enseignements par le biais de dialogues entre une gouvernante et ses lves dialogues entrecoups de courts rcits merveilleux, commela Belle et la Bte, qui restera son conte le plus clbre. On retrouve ces mmes intentions morales dansles Veilles du chteau(1784) de la comtesse de Genlis. la mme poque, s'inspirant de la revueDer Kinderfreund publie par l'crivain allemand Christian Flix Weisse, Arnaud Berquin lance le premier priodique mensuel,l'Ami des enfants(1782). Contes, pices de thtre et historiettes intention moralisante mettent cette fois en scne les enfants dans leur quotidien. Le succs rencontr engage Berquin poursuivre ses travaux avecl'Ami des adolescents(1784). La postrit ne gardera pourtant que le terme de berquinades pour dsigner des uvres mivres et moralisatrices.De la Rvolution franaise jusqu'aux premires annes duXIXes. la littrature de jeunesse ne connat pas de bouleversements majeurs. Elle conserve sa vocation pdagogique, mme si une tendance plus ludique, faisant appel l'image et au jeu, commence se faire jour.

La naissance dune spcialisation ditoriale

Les annes 1830 marquent un tournant dans la production ditoriale pour la jeunesse, grce au dveloppement des techniques d'impression, notamment en couleur. De plus, la loi Guizot de 1833 obligeant les communes de plus de 500habitants ouvrir une cole primaire pour garons (et suivie par la loi Falloux en 1850 imposant les coles de filles) favorise l'alphabtisation d'un plus grand nombre d'enfants. C'est dans ce contexte propice l'innovation que des diteurs perspicaces vont jouer un rle dterminant pour l'volution de la littrature de jeunesse.Les textes pour enfants sont alors encore essentiellement produits au gr de l'inspiration des crivains. Jules Hetzel, un diteur spcialis dans les beaux livres d'trennes, va contribuer changer cet tat de fait. En 1843, il cre leNouveau Magasin des enfants, pour amuser les enfants en exerant leur imagination au profit de leur cur: la dclaration d'intention ouvre largement le champ des possibles. Hetzel commande des textes spcifiques aux grands noms de la littrature populaire et du feuilleton, de Charles Nodier (la Fe aux miettes, 1832) Alphonse Daudet (le Petit Chose, 1868;les Lettres de mon moulin, 1869), en passant par Alexandre Dumas (le Capitaine Pamphile, 1839) ou George Sand (Franois le Champi, 1848). En 1862, avec Jean Mac, il fonde un bimensuel pour le jeune public:le Magasin d'ducation et de rcration. Entour de savants et de pdagogues, il y dveloppe une vision du monde o la science, les progrs techniques et la diffusion de la connaissance concourent au bien-tre de l'humanit. Il y publie les premiers romans deJules Verne, qu'il rassemblera plus tard dans des volumes particulirement soigns aux couvertures gnratrices de mythe sous le titre gnralVoyages extraordinaires. diteur galement d'Hector Malot (Sans famille, 1878;En famille, 1894), Hetzel crit lui-mme pour la jeunesse sous le pseudonyme de P.-J.Stahl, et reprend les aventures de Jean-Paul Choppart, personnage cr en 1836 par Louis Desnoyers. Enfant terrible, sale, mal lev et fugueur, Jean-Paul Choppart est le premier des affreux jojos de la littrature enfantine.L'autre diteur qui fait avancer la cause de la littrature de jeunesse est Louis Hachette. Ce dernier rgnera longtemps sur le march du livre scolaire dont il tire une grande part de ses revenus ds 1831. En 1857, il cre la Bibliothque rose illustre, collection qui promeut entre autres auteurs la comtesse de Sgur, dont les romans (les Petites Filles modles, 1858;les Malheurs de Sophie, 1859;les Deux Nigauds, 1862;Un bon petit diable, 1864) rencontreront un succs jamais dmenti jusqu'auXXes. Occupant galement le crneau de l'dition scolaire, Alfred Mame (1811-1897) se spcialise quant lui dans les livres de prix rcompensant les meilleurs lves. Ses publications, d'inspiration catholique, font alors l'objet d'une production quasi industrielle.Si les proccupations scientifiques progressent auXIXes., le merveilleux reste cependant toujours l'honneur: les frresGrimmfont paratreContes d'enfants et du foyer(1812-1815; 1822) dont certains sont des adaptations des contes de PerraultAndersenpublie desContes(1835-1872), tandis que Erckmann-Chatrian renoue avec une certaine navet avec lesContes et Romans populaires(1866), dontl'Ami Fritz(1864). la mme poque, trois classiques pour la jeunesse voient galement le jour en Europe:Alice au pays des merveilles(1865) du Britannique Lewis Carroll,Heidi(1880) de la Suissesse Johanna Spyri (1827-1901) et les Aventures de Pinocchio(1883) de l'Italien Carlo Collodi.La fin duXIXes. et le dbut duXXes. sont essentiellement domins par les romans d'aventures. Aprs Ivanho(Walter Scott, 1819),le Dernier des Mohicans(James Fenimore Cooper, 1826) oules Trois Mousquetaires(Alexandre Dumas, 1844) qui sont des succs durables, et durablement imits (ainsi, entre 1902 et 1926, la srie des Pardaillan de Michel Zvaco, dont Sartre affirme dansles Mots: tait-ce lire? Non, c'tait mourir d'extase), les enfants continuent avec bonheur de dvier de son intention premire la littrature adulte. Ils s'approprient les romans de Jules Verne, dontVingt Mille Lieues sous les mers(1870), mais aussile Livre de la jungle(1894) de Rudyard Kipling oul'Appel de la fort(1903) etCroc-Blanc(1905) de Jack London.

Lapparition des Albums illustrs

Avec les sicles, la part accorde l'image dans l'dition pour enfants n'a cess de crotre. Modestes gravures en noir et blanc auXVIIes. les illustrations ont pris, avec l'essor des images d'pinal, la forme de vignettes colories au pochoir dans les annes 1750. Ds la fin duXIXes. bnficiant des nouvelles techniques d'impression comme la photogravure et la quadrichromie, elles commencent prvaloir sur le texte. C'est ainsi que de talentueux illustrateurs, dans le sillage d'artistes tels que Grandville et Gustave Dor, deviennent aussi clbres que les auteurs eux-mmes: Maurice Boutet de Monvel, Benjamin Rabier (le crateur de Gdon le canard), E.-J.Porphyre Pinchon (le crateur de Bcassine), Jean de Brunhoff (1899-1937, le crateur de Babar), contribuent au dveloppement de l'album illustr pour enfants. En Angleterre, on observe le mme phnomne l'instigation de Kate Greenaway (1846-1901), de Arthur Rackham et surtout de Beatrix Potter, qui acquiert la notorit grce ses histoires animalires (le Conte de Pierre Lapin, 1902;le Conte de Sophie Cantang, 1908).Dans le mme temps, les magazines illustrs prennent leur essor: bon march, rcratifs, ils rencontrent un vif succs auprs des jeunes grce des histoires privilgiant le plus souvent le registre comique.La Famille Fenouillard de Christophe parat en 1889 dansle Petit Franais illustr, et la revuel'patantpublie en 1908 la srie desPieds nickelsde Louis Forton. Cette presse pour enfants connatra la conscration aprs 1945, avec notammentle Journal de Mickey,Tintin,SpirouetPilote: la littrature de jeunesse se confondra ds lors en grande partie avec l'histoire de labande dessine.Jusque dans les annes 1930, l'dition pour enfants ne produit gure de nouvelles uvres de renom, hormis quelques titres isols qui demeurent des classiques et une constante source d'inspiration:Peter Pan(1904) de James Barrie,le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson travers la Sude(1907) de Selma Lagerlf,le Vent dans les saules(1908) de Kenneth Grahame (1859-1932),Winnie l'ourson(1926) de Alan Alexander Milne (1882-1956). Ces ouvrages tranchent sur une production de masse domine par les magazines illustrs et par lescomicsamricains, mais aussi par les collections fort tirage (Bibliothque rose et Bibliothque verte, chez Hachette), qui pendant longtemps imposeront des sries dpourvues de relle originalit.C'est en 1931 que se produit un vnement ditorial qui fera date: dans le cadre de la maison Flammarion, Paul Faucher (1898-1967) fonde les Albums du Pre Castor. Passionn par les questions pdagogiques, inspir par des psychologues tchques, il invente un nouveau concept d'albums. Ayant un nombre de pages restreint, ceux-ci sont destins tre manipuls, voire coloris et dcoups pour certains. Jouissant d'un grand prestige auprs des ducateurs, et bientt d'une renomme internationale, les albums du Pre Castor dontMichka(1941) de Marie Colmont (1895-1948), illustr par Fedor Rojankovski (1891-1970), oule Joueur de flte de Hamelin(1942), illustr par Samivel (1907-1992) sont rapidement adopts.Ces annes annoncent un bouleversement dans la notion de livre pour la jeunesse: influence par les nouveaux courants de rflexion sur l'ducation et sur la psychologie enfantine, l'dition prend dsormais en compte les gots et les besoins des jeunes lecteurs. La cration de maisons d'dition spcialises (ditions de l'Amiti-G.T.Rageot, G.P.Rouge et Or, Bias, Fleurus, Magnard), la multiplication des prix littraires (dont le Prix jeunesse cr en 1935), la publication de guides de slections de livres pour enfants, permettent peu peu la littrature de jeunesse d'acqurir une certaine lgitimit. Celle-ci se trouve renforce par la contribution au genre de grands noms de la littrature, tels Andr Maurois (Patapoufs et Filifers, 1930), Georges Duhamel (les Jumeaux de Vallangoujard, 1931), Marcel Aym (les Contes du Chat perch, 1934) et surtout Saint Exupry, qui, avecle Petit Prince(1943), donne lire un conte philosophique qui deviendra un chef-d'uvre universel. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, servis par de remarquables illustrateurs comme Jacqueline Duhme, Jacques Prvert (Contes pour enfants pas sages, 1947;l'Opra de la lune, 1953), Paul luard (Grain d'aile, 1951) et Henri Bosco (l'Enfant et la Rivire, 1953) ajoutent au rpertoire pour la jeunesse des titres qui figureront longtemps au programme de l'cole primaire.Mais ces ouvrages demeurent des exceptions dans la production d'aprs-guerre, toujours domine par des sries formates, souvent policires (le Club des cinq,Enid Blyton;le Clan des sept, id.), par des rcits scouts et surtout par la bande dessine qui connat vritablement son ge d'or. Certains diteurs, comme Michel Bourrelier ou Tatiana Rageot, poursuivent cependant leur engagement pour une dition exigeante en matire de qualit littraire. Ils dveloppent des collections romanesques (Les Heures joyeuses, La Bibliothque de l'Amiti) tournes vers le monde et ouvertes tous les milieux sociaux. D'une veine concrte, humoristique et chaleureuse,la Maisondes petits bonheurs(1940) etla Maison des quatre-vents(1946) de Colette Vivier (1898-1979) inaugurent un type de roman raliste o la parole est donne l'enfant. Ces livres auront une forte influence sur ce genre nouveau, qui connatra un de ses succs majeurs en 1960 avecle Petit Nicolasde Ren Goscinny, illustr par Semp.

Un march florissant:

Malgr la crise conomique, les principales maisons d'dition de la littrature pour adultes occupent dsormais un crneau qu'elles avaient jusqu'ici dlaiss: Gallimard Jeunesse est fond par Pierre Marchand (1939-2002) en 1972, Grasset Jeunesse en 1973, Albin Michel Jeunesse en 1981, Seuil Jeunesse en 1982. Ce faisant, ces structures favorisent non seulement l'mergence de nouveaux talents, mais aussi le dveloppement de la production ditoriale pour la jeunesse, de plus en plus considrable. Ds lors, devenu l'enjeu d'une logique de march et considr comme un consommateur, l'enfant du tout-petit jusqu'au jeune adulte est la cible de stratgies commerciales.Par la suite, l'tablissement de maisons d'dition spcialises particulirement cratives (Milan, Didier Jeunesse, Kalidoscope, Circonflexe, Mango Jeunesse, Rouergue, Rue du Monde, Thierry Magnier) consacre dfinitivement le genre de la littrature enfantine. Paralllement, l'essor des collections en format de poche (Folio junior, chez Gallimard; Livre de poche jeunesse, chez Hachette; Pocket junior, chez Presses Pocket; Cascade, chez Rageot; Dix & plus, chez Casterman), dont l'un des effets notables est de rendre les classiques financirement abordables, accentue encore le poids ditorial d'une littrature autrefois marginale. Malgr cette production crasante, d'audacieuses maisons d'dition aux moyens limits persistent tenter l'aventure; certaines, comme Grandir ou L'Atelier du Poisson Soluble, parviennent se maintenir grce une passion intacte et un univers original et personnel. La consquence immdiate d'un tel foisonnement est l'augmentation constante du nombre d'crivains pour la jeunesse. Enfin reconnus en tant que tels, ceux-ci bnficient dsormais d'une charte qui garantit leurs droits. Le succs de plusieurs manifestations, comme le Salon du livre de jeunesse de Montreuil ou la Foire internationale de Bologne, atteste d'ailleurs cet engouement autour du travail que mnent en commun auteurs et diteurs.Depuis les annes 1990, s'agissant de la littrature pour adolescents, la tendance gnrale est l'exploration de thmes sombres inspirs par une ralit souvent violente. Elle est reprsente par des collections telles que Mdium (cole des Loisirs), Macadam (Milan), DoAdo (Rouergue) ou Les Uns les autres (Syros).Si, dans son ensemble, la production s'est considrablement loigne du conte, on a pu toutefois assister au retour du merveilleux avec le succs plantaire de la srie de la Britannique Joanne Kathleen Rowling,Harry Potter(1997-2007), faite de romans initiatiques dans lesquels le hros, orphelin malmen par sa famille d'accueil, dveloppe ses dons de magicien et grandit en mme temps que le lecteur.

Les Ambigits de la littrature de jeunesse:

La littrature de jeunesse reste aujourdhui prise dans sorte de contradiction ditoriale et critique. Dun cot, elle est lune des littratures les plus lues. Mais dun autre cot, elle apparat comme une littrature facile, de qualit souvent mdiocre, fonde sur des rcits et des textes simples-sinon simpliste-qui ne mritent pas lattention du public critique et universitaire. La littrature de jeunesse demeure peu tudie et encore mal considrer des comptences universitaires, mme si certains professeurs ont consacr lessentiel de leurs recherches la dfense et illustration de la littrature de jeunesse et ont brillamment ouvert la voie. Et cest pourquoi aussi la littrature de jeunesse semble englue dans un maillage de prjugs gnralement ngatifs: elle relverait de la paralittrature ou de la sous-littrature, sinon de la non-littrature au regard de linvasion des images et des livres. Le plus souvent, cest une littrature qui ne svalue qu laune des fragiles comptences de son jeune lecteur.Alors nous pouvons rsumer les paramtres qui rendent cette littrature aussi complique au niveau et de la dfinition et de la nomination dans ce qui suit:

La Question du destinataire:

Est-ce lenfant, ladolescent ou bien le jeune dans une acception large. Mme sil est notable que la littrature de jeunesse porte gnriquement le destinataire littrature denfance-, -littrature pour la jeunesse-. Mais en ralit, dans certains cas, lenfant qui lon destine le livre ne sait ni lire ni comprendre de manire satisfaisante, sans laide de ladulte.

Lenfant et ladulte qui liront le mme conte nne retiendront pas la mme chose au point quon pourrait presque penser parfois ces tableaux o des taches de couleur sont disposes de faon former deux dessins compltement diffrents selon lendroit o se place celui qui regarde. Lexercice auquel on va se livrer consiste passer dun dessin lautre. Nathalie PRINCE.

En fait, en dautres termes le problme qui se pose rside dans lambigit et la varit du lectorat qui possde une culture faible et des rfrences pauvres, donc la matire littraire et imaginaire reste limite, mme si elle se doit dvoluer mesure quvolue la comptence.

Les jeux avec le support:

Si la littrature pour la jeunesse conserve le support du livre, elle en propose des variations qui en font un domaine part du champ littraire: les livres cartonnes pour bb, les livres peluche, les livres de bain, les albums sans texte, les livres systme, les livres-jeux tmoignent que nous nous situons chaque fois face des formes marginales de livre, et les pratiques de dtournement de la page, du livre, de lordre de la lecture, que nous venons de dcrire, montrent que la nature du support, au moins dans sa comprhension canonique, est trs largement affect. Mme dans les formes destines aux plus grands, la prsence frquente dimages droge par exemple laide dune aide dune toute-puissance du texte Matthieu Letourneux

Cette citation nous met face des multiples supports et assez divers, certes la diversit des supports reprsente pour certains un atout pour la littrature de jeunesse et enrichissement, mais pour dautres est un lment qui joue contre la singularit de cette littrature et le rend un genre la fois dlimit et extrmement indtermine.

LImage:

Elle est la composante la plus essentielle de la littrature de jeunesse. Elle est omniprsente quil sagisse des ouvrages des premiers ges, les Albums, ou des livres pour adolescents.Limage attire le regard de lenfant dans une autre direction que celui de ladulte. Et grce elle, les rles se rpartissent en fonction des comptences vu que limage est l non seulement disant- autrement, mais aussi est surtout disant plus.Le support imag peut contribuer interroger lide de rcit et lide mme de littrature, cest--dire en son principe, elle donne au livre une profondeur que le texte ne saurait avoir. Limage est elle seule une histoire, portant en elle sa propre digse, sa propre valeur, se posant comme embrayeur dune dynamique de limaginaire.

La vision du monde:

Comme suggre Tolkien, la littrature de jeunesse est une incitation regarder le monde en passant outre lhabitude qui nous coupe de lui. Il sagit de retrouver une vue claire. En ce sens, lvasion que propose cette littrature nest quun moyen de dciller lenfant, nest quune occasion de btir un univers fictionnel o lenfant se perd et tente toujours de le suivre.Avec une autre manire, la littrature de jeunesse avec ses automatisme potiques, elle prsente ses lecteurs une vision du monde enfantine, mais qui demande un esprit dadulte pour lapprhender, do toujours le problme du double lectorat.

La littrarit:

Cest--dire quel point nous pouvons trouver des codes littraires et textuels qui renvoient la vraie littrature. Cette littrature respecte-elle une structure littraire bien dtermine. Ces questions et dautres compliquent de plus le statut gnrique de la littrature de jeunesse et pose devant elle un certain nombre de problmatique qui mritent plus dclaircissement.

Les traits distinctifs de la littrature de jeunesse: La littrature de jeunesse malgr tous les problmes qui les entoure au niveau gnrique, conceptuel, littraire, etc. Elle se distingue par des caractristiques qui forgent plus au moins sa particularit et son timbre littraire.

La simplicit de la narration, et de la structure du rcit. La prsence dlments merveilleux et symboliques. Ltiologie. Personnages gnralement strotyps et sans paisseur psychologique. Illustration et anthropomorphisme. Le plaisir est son seul moteur. Elle vise des intentions ducatives. Elle joue beaucoup sur la psychologie de lenfant. Elle est caractrise par un esprit pdagogique, imaginaire et ludique. Elle est inductrice de dbat Elle vise entretenir la curiosit de lenfant. Elle essaye de hisser lenfant jusquaux considrations adultes.

Conclusion

La littrature de jeunesse peine trouver sa place dans les tudes littraires. Il faut soit provisoirement laisser de ct la question de la valeur, soit dcider au contraire de sinterroger sans prjug sur sa possible valeur. La littrature de jeunesse est une des composantes de la culture nationale et un des lieux o se dit, depuis le XVIIIe sicle. Si elle figure parmi les topos du rcit denfance, ses liens avec la littrature lettre ne sarrtent pas l: elle est un des lieux dmergence de lcriture au fminin, un espace dchanges de motifs et de formes littraires, de jeux de marginalit ou de lgitimit au sein de linstitution littraire. Quun nombre important dcrivains du XIXe et du XXe sicle aient crit pour les enfants oblige considrer que cette part de leur production nest pas en marge de leur uvre, mais quelle en constitue pleinement une des dimensions.

1