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Institute for Classical Studies, part of the Institute for Philosophy, Czech Academy of Sciences in Prague LES ÉTUDES CLASSIQES AU PORTUGAL Author(s): Marie de Lourdes Flor de Oliveira and Maria le Lourdes Flor de Oliveira Source: Listy filologické / Folia philologica, Roč. 105, Čís. 1 (1982), pp. 34-43 Published by: Institute for Classical Studies, part of the Institute for Philosophy, Czech Academy of Sciences in Prague Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23462710 . Accessed: 15/06/2014 04:00 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Institute for Classical Studies, part of the Institute for Philosophy, Czech Academy of Sciences in Prague is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Listy filologické / Folia philologica. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.34.79.223 on Sun, 15 Jun 2014 04:00:57 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

LES ÉTUDES CLASSIQES AU PORTUGAL

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Institute for Classical Studies, part of the Institute for Philosophy, Czech Academyof Sciences in Prague

LES ÉTUDES CLASSIQES AU PORTUGALAuthor(s): Marie de Lourdes Flor de Oliveira and Maria le Lourdes Flor de OliveiraSource: Listy filologické / Folia philologica, Roč. 105, Čís. 1 (1982), pp. 34-43Published by: Institute for Classical Studies, part of the Institute for Philosophy, Czech Academy ofSciences in PragueStable URL: http://www.jstor.org/stable/23462710 .

Accessed: 15/06/2014 04:00

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LES ÉTUDES CLASSIQES AU PORTUGAL

La vie des études classiques dans un pays dont l'existence historique est déjà longue

doit naturellement suivre le rythme de cette existence, dans ses alternatives de plus ou

moins grande amplitude culturelle.

Dans l'ensemble des problèmes de l'éducation, dont l'importance dans les sociétés

évoluées va croissant, les valeurs désignées génétiquement „études classiques" exigent,

depuis longtemps, du penseur et du pédagogue, la définition d'un jugement de valeur

qui ne déprécie pas l'essence de ces études ni n'en compromet les objectifs.

Ce n'est pas notre intention de discuter, ici et maintenant, s'il y a lieu de considérer

Valables ou non, soit les conceptions, soit les réalisations tendant à stimuler l'étude

du grec et du latin dans le cadre de la vie actuelle. Nous nous bornerons à tenter

d'en présenter l'histoire. Ainsi, il nous semble que nous comprendrons mieux le pano rama de la réalité portugaise contemporaine. Cela nous permettra d'obtenir une per

spective suffisamment étendue et dynamique englobant une actualité insérée dans

l'intégrité historique.

Les études classiques ont la structure d'un corps vivant, dont les inspirations et les

mouvement suivent les cadences des inspirations et des mouvements de la vie sociale

elle-même. Malis leur enrichissement progressif ne se fait pas exclusivement par l'inspi

ration d'une vitalitté plus ou moins active. Bien que les expériences culturelles du passé ne survivent pas, quelque chose en elles, peut-être ce qu'elles ont eu de meilleur, se

cristallise, se clarifie et se convertit en un munus spirituel pour les générations fu

tures. Les survivances, en pédagogie, équivalent à des anachroniismes; les cristallisa

tions embellissent l'actualité de leur éclat et, par le simple spectacle de leur résistance,

contribuent à affiner le sens de la sélection.

Le réveil littéraire des populations galaico-portugaises, à la fin du XVIIème siècle, s'est manifesté par un lyrisme qui devait rester comme l'expression éternelle de l'ethos

psychique lusitanien. Mais il se développait parallèlement à la littérature vernaculaire

une littérature nationale latine. Quoique moins authentique en tant qu'expression

d'individualité ethnique, elle est digne d-intérêt dans le mesure où elle marque une

ligne de continuité et permet d'évaluer le degré du compromis entre le particularisme national et l'universalisme romain. Sur le sol lusitanien, qui avait déjà été le berceau

d'auteurs latiins, soit de l'ère païenne, soit de l'ère chrétienne (1), surgissent, aux

Xllème et XlIIème siècles, les hérauts de l'historiographie avec ce que nous appelons les Cronlcoes (chroniques), laconiquement rédigées en latin.

Au XlIIème siècle appartiennent encore deux figures imposantes, qui naquirent tou

1 Cf. Lei te de V a se o ac e'1 o s, Da Importando do Latin, Lisboane 1947, p. XIII.

2 „De Lisboaae", pour les Portugais, parce qu'il y est aé, et „de Padoue", où il est mort, pour les Italieas.

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tes deux à Lisbonne: Fernando de Bulhoes, qui a dû sa formation intellectuelle à

l'école Intérieure de Santa Cruz de Coimtara et allait devenir le célèbre Saint Antointe

(2), et Pedro Juliâo, connu dans les lettres sous le nom de Pedro Hispano, le futur

pape Jean XXI. Ce dernier fait preuve d'une disparité de connaissances inadmissible en

nos jours de spécialisation et seulement concevable au XlIIème siècle, épris de savoir

universel: s'étant distingué comme* médecin et logicien, non seulement il fut élu arche

vêque de Braga, mais il se rendit célèbre à l'Université de Paris par son grand savoir;

dans le domaine profane, il eut sa plus grande consécration par Dante qui le cite dans

la Divine Comédie.

Jean XXI illustre ainsi l'ideai de la Respublica Christiana. Inspirateur de l'interna

tionalisme dans les idées, dans les réactions émotives et dans les institutions, cet idéal

trouva dans le latin, langue universelle, la capacité d'expression souhaitée. Tel fut

l'incomparable mérite de cette langue au service de l'échange spirituel que l'on a ob

servé principalement dans les pays de l'Europe centrale et occidentale.

Il est prouvé historiquement qu'il y eut des cours de latin dans des couvents de

religieux sur le territoire actuellement portugais aux Xème, Xlème et Xllème siècles;

mais c'est au XlIIème siècle que l'étude de cette langue, ainsi que les études en géné

ral, ont reçu leur impulsion décisive: le Portugal a alors pu partager avec l'Europe

cultivée l'aspiration au savoir universel, recherché au moyen d'une langue internatio

nalisée et ispiré dans l'unité religieuse. En créant, le 1er mars 1290, les Etudes Géné

rales, — Estudos Gérais — ou Université établise dans le quartier d'Alfama, à Lisbonne

le roi D. Dinis dota, par un acte délibéré, son royaume d'une institution semblable à

celles de Paris, Bologne, Montpellier et Oxford.

L'université médiévale portugaise consacra officiellement les études latines en les

intégrant dans la Faculté des Arts. Ensuite, la vie monastique des XIV—XVème siècles

favorisa une activité erudite particulièrement intéressée à instruire et à édifier reli

gieusement. Les témoins immortels de ce labeur sont les innombrables in-folios manu

scrits, pour la plupart originaires du monastère d'Aloobaça. Les mêmes moines patients

qui les rédigeaient ne s'acquittaient pas toujours si bien de leur tâche lorsqu'à leur

fallait en faire les versions en „langue" (- en langue vulgaire). C'est pourquoi, en ce

qui concerne cette période, nous trouvons plus légitime de parler d'une „expérience"

latine que véritablement d'„études classiques". Celles-ci surgison vraiment lorsque

s'éveillera l'intérêt pour l'oeuvre littéraire et artistique, grecque ou latine, comme telle.

À partir du XVIème siècle, il y a des signes révélant que, soit les classiques, soit des

oeuvres qui s'y rapportent ou s'en inspirent étaient connus à l'ouest de la Péninsule

Hispanique. Dès les débuts de sa nationalité, le Portugal établit un échange culturel

avec d'autres pays, principalement avec la France, échange qui comprenait l'acquisi

tion de précieuses collections de livres. Il y a même aujourd'hui des raisons de croire

que, même à des époques très reculées, le grec n'aurait pas été complètement inconnu

ici.

Au XVème siècle, l'humanisme est une réalité dans les républiques progressives

italiennes. Dante, „le premier à situer avec insistance l'antiquité à la limite primaire

í J. Boi ť c k h a rd;, Die Kultur der Renaissance in Italien, lile partie, chap. IV.

4 Luis de MatOrS, Les Portugais en France au XVIëme siècle, Coďmbre 1952.

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de la vie culturélle"(3), avait résolu, encore au Xlllème siècle, le problème de l'une

des conciliations les plus délicates en établissant le parallélisme esthétique et idéolo

giques entre le monde païen et le monde chrétien.

Au XVème siècle, les Portugais se rendaient dans les centres universitaires les plus

réputés d'Italie pour y faire leurs humanités. En 1432, les étudiants originaires du Por

tugal „formaient à eux seuls à Bologne l'une des seize nations ultramontanes"4. Entre

1470 et 1495, on en comptait plus de trente à l'Université de Sienne. L'un des plus

distingués, Luis Telxeira, devint recteur de cette même Université en 1476 et encore

professeur de Droit à l'Université de Ferrare;Diogo Pacheco, également élevé à la caté

gorie de maître d'Humanités à Sienne, fut plus tard chargé, au Portugal, de rédiger, certainement en latin, la chronique du roi D. Manuel; Gonçalo Vaz de Azevedo, autre

étudiant de Sienne à partir du début de 1476, devint le maître le plus prestigieux de

l'Université de Lisbonne et la suivit en cette qualité lorsqu'elle fut transférée à Coimbre

en 1537.

Une fois que l'humanisme se fût affirmé en Italie, grâce aux générations de poètes

-philologues notoires, il rayonna dans les sociétés européennes. Celles-ci commencèrent

à recevoir l'influence profonde de l'antiquité dans leur éducation, ce qui se manifesta

fondamentalement par la prédominance de l'humanisme dans l'enseignement universi

taire. D'ailleurs, la préparation humaniste ne pouvait que donner du prestige à l'ensei

gnement et à l'exercice de la profession, que ce fût celle du juriste ou du médecin, du

philosophe ou de l'astronome. En Italie en général, et à Florence au XVème siècle, en

particulier, l'antiquité est exaltée comme étant d'un intérêt vital.

Et cette exaltation eut des résonances au Portugal. Comme il était inévitable, de pair avec les consonances italiennes, elle prit un ton péninsulaire auquel elle donna souvent

des interprétations authentiquement lusitaniennes.

Mais c'est vers Florence que se tournaient les étudiants portugais lorsqu'ils ambition

naient d'avoir pour maître Angelo Poliziano. Parmi les élèves les plus distingués de

Poliziano, on compte les Portugais Joâo Rodrigues de Sá Meneses, Martinho de Figuei

redo, Henrique Caiado et Aires Barbosa.

Cependant, c'est à la France que vont les préférences des étudiants portugais à l'épo que du roi D. Manuel, qui intensifie sa protection aux boursiers et prend des initiatives

tendant à faire sortir l'Université portugaise de l'obscur anonymat où elle était tombée:

ainsi, le plan des études universitaires surgit, enrichi, grâce à la réforme de ses sta

tuts, entre 1500 et 1504.

Entre-temps, le rayonnement de l'esprit de la Renaissance s'accentuait à partir de

d'Italie vers l'Europe centrale et occidentale. La nation portugaise n'était pas en

état d'offrir une structure d'enseignement apte à comprendre et, surtout, à diffuser la

nouvelle culture. Mais, en compensation, elle ne manquait pas d'hommes doués pour en

sentir l'attraction, ni d'éléments ayant une authentique idiosyncrasie lusiade qui, sti

mulés par le milieu historique, exprimèrent leur réceptivité et sensibilisation aux réa lités de la Renaissance par des formes et des oontenus typiques. C'est que, au Portugal, l'attpait de l'Antiquité rivalisait, plus que dans tout autre Était, avec la sollicitation de

la découverte, de la nouveauté projetée géographiquement dans le monde physique, culturellement dans le monde de la science, d'ailleurs d'une science aux aspects les plus multiples que l'on eût pu concevoir à l'époque.

La venue au Portugal de maîtres humanistes étrangers coïncida iavec l'accession au trône du roi D. Afonso V, en 1438, de ce monarque même qui dota le royaume de la

première bibliothèque séculière. Ce fut à cette époque que l'art de l'imprimerie fut introduit au Portugal, sous la protection du roi, ce qui facilita encore le commerce des

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livres. Lui-même eut une éducation soignée sous la direction de deux maîtres italiens

et d'un Portugais de renom, et il détermina plus tard que le récit des taits portugais

en Afrique fût fait en la langue latine universelle par Mateus de Piisa et Justo Baldino.

Au siècle suivant, un autre humaniste, Dom Jerónimo Osório, devait obéir à ce même

désir d'universalisation en élaborant, à partir de la Chronica rédigée par Damiâo de

Gois, le De rebus Emmanuelis gestis, comme Mateus de Pisa s'était fondé sur le texte du

chroniqueur Gomes Eanes de Zurara pour composer l'histoire en latin.

Cette langue servait ainsi à satisfaire les élans d'exaltation patriotique en même

temps qu'elle donnait de l'éclat aux aspirations d'une société raffinées. Il existe des

documents — littéraires, diplomatiques, officiels, etc. — qui témoignent bien du niveau

humaniste atteint par l'élite de la société d'alors.

Des plusieurs dizaines d'étudiants portugais de Salamanque, Paris, Louvain et d'Uni

versités italiennes sortirent plus tard des maîtres respectés au Portugal et à l'étran

ger.

Aires Barbosa, cité plus haut comme élève de Poliziano, introduisit l'hellénisme en

Espagne, ayant,, enfeeigné à Salamanque, où il inaugura des cours de grec et de

latin le 5 novemhre 1533. Il fut probablement le premier professeur universitaire de

langue grecque. Parmi ses élèves il comptait les fils du monarque, Dom Manuel, et

le célèbre André de Resende. Celui-ci, comme son maître, cultiva la poésie en langue

latine.

Né à Évora en 1495, il devint l'un des plus brillants humanistes portugais. Comme

d'autres de ses compatriotes, il alla chercher à l'Université de Salamanque la culture

que son pays n'était pas encore en mesure de lui donner. Mais ce fut principalement

Louvain, où il arriva en 1529, qui offrit à Resenden le milieu d'élection qui l'enthousi

asma. Il y entreprit l'étude de l'hébreu avec Nicolas Clénard, dont il devint le grand

ami, il y connut des esprits distingués avec lesquels il entretint pendant longtemps

des relations d'amitié et d'échange culturel.

Clénard trouva chez d'autres Portugais assez de mérite pour leur témoigner son

estime et son appréciation: Damjâo de Gois, agent d'une factorerie en Flandre, le fran

ciscain Roque de Almeida, qu'il eut comme élève de grec et d'hébreu à Louvain, le

théologue Frère Diogo de Murça, qui devait devenir un des grands recteurs de l'Uni

versité de Coimbre. Mais ce fut sans doute André de Resende qui persuada le maître

flamand de venir exercer son activité auprès de la cour portugaise. Il l'installa ici,

vers la fin de l'année 1533, en la ville ďÉvora. Mais avant de quitter Louvain, Resende,

iudice Musa, composa encore l'Encomium Erasmi.

L'ambiance aulique et la ville de l'Alentejo inspirèrent à Clénard des commentaires

et des descriptions extrêmement vivants qu'il communiquait à ses confrères européens,

notamment à l'humaniste belge Jean Vasée, avec lequel il correspondait. Voici un

passage expressif d'une lettre datée du 31 décembre 1533:

Mire mihi placet haec aula: habet enim doctos et Graece et Latine non paucos:

ne Salmanticae quidem reperias, qui aut Graece aut Latine tam loquantur expedite

C'est ce cercle de brillants humanistes que Maître André de Resende fréquente avec

une élégance désinvolte. En même temps que le Portugal étendait Jusqu'en Afrique,

en Asie et en Amérique sa connaissance des mers, des terres et des gens et s'effor

çait de fixer d'une manière durable des contacts et des influences, il renforçait les

liens d'intimité spirituelle avec l'Europe qui recevait les vents nouveaux de la Renai

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ssance et de l'Humanisme. La politique culturelle entreprise depuis longtemps déjà

par les monarques portugais, si elle n'avait pas réussi à former in loco l'authentique

université de la Renaissance, avait pour le moins encouragé les manifestations d'in

térêt humaniste, scientifique et artistique qui surgissaient alors avec leur plus grande

vitalité.

Ainsi, Clénard put employer la méthode directe dans les cours qu'il donnait et

dont les échos furent impérissables, grâce à l'enthousiasme qu'ils éveillèrent. Bien

que volontairement il vécût à l'écart de la cour, Clénard eut l'occasion de connaître

les esprits les plus éclairés de a société d'Évora et de fréquenter quelques-uns d'entre

eux. Or cette société comprenait des femmes qui suscitaient une admiration qui n' était

pas due à leurs seuls charmes féminins et juvéniles.

Joana Vaz, „jeune fille d'une éducation distinguée", s'exprimait en bon latin, langue

en laquelle elle rédigea une lettre célèbre: c'est pourquoi Clénard l'invita, ainsi que

le poète Resende et Jorge Coelho, à collaborer au concours poétiques des obsèques

d'Érasme.

Les soeurs Sigeias, portugaises par leur formation, réunissaient le talent de l'art

musical, chez Angela, et la connaissance profonde de la langue de Cicéron ainsi que

la culture variée, chez Luisa, qui eut en son propre père, Diogo Sigeu, un maître de

qualité. D'une rare précocité, Luisa acquit des. connaissances qui lui permirent, entre

autres initiatives qui la rendirent célèbre, de rédiger une lettre notoire en cinq lan

gues — latin, grec, hébreu, chaldéen et arabe — adressée au pape Paul III. On con

naît de Luisa Sigeia le poème latin Syntra, également envoyé au Pape en 1546, et le

Duarum uirginum colloquium, antérieur à 1552. Bien qu'éphémère, sa vie marquée par

la précocité brilla à l'horizon de l'humanisme portugais et lui attira l'admiration de

Portugais, Espagnols, Français et Italiens. Mais la résonance la plus durable de ce

sentiment d'estime provint de André de Resende qui, en association avec Jorge Coelho

et Gaspar Barreiros, réunit en Ludouicae Sigaeae tumulus des poésies latines qu'ils

composèrent en hommage à la disparue et qui furent publiées à Paris en 1566, avec

i'oeuvre de Luisa Sigeia5.

Joana Vaz et les soeurs Sigeias étaient toutes trois des dames d'honneur de la

Princesse Dona Maria (Infante Dona Maria), la plus jeune des filles du Roi Dom

Manuel, cultivée et délibérément tournée vers les lettrés et les artistes. Or, la cour

littéraire de Dona Maria eut avec Pûblia Hortensia de Castro une autre femme digne

d'être mentionnée. La tradition affirme qu'elle fit des études supérieures d'Humanités,

de Philosophie et de Théologie, bien que de telles études ne fussent pas permises aux

femmes ... et qu'elle les fit... à l'Université de Ooîmbre, avec son frère, mais portant

un vêtement masculin. Elle aurait défendu ses thèses à l'Université d'Évora en 1565,

à l'âge de vingt-six ans. Elle fut aussi l'auteur de poésies en portugais et en latin et

devint célèhre comme ayant été la première femme portugaise qui eût fait un discours

public. Son grand admirateur, André de Resende, rapporte dans une lettre à un ju

risconsulte espagnol le „spectacle unique" auquel il avait assisté: „entendre Pûblia

Hortênsia de Castro, une jeune fiille de dix-sept ans ayant une connaissance plus que

moyenne des études aristotéliques, en un débat public ... avec beaucoup d'hommes,

savants s'efforçant de défendre ses propres thèses"6. D'autres dames se révélèrent de

vraies latinistes dans le cercle érudit de la Princesse: rappelons, à titre d'exemple,

Leonor de Mascarenhas et Leonor de Noronha, outre Dona Maria elle-même.

5 Cf. Braamcamp Freire, Noticias de Vida de André de Resende. 6 Cf. De Antiquitatibus Lusitaniae. Libri quattuor. Romae, 1977.

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Défenseur d'un enseignement agréable, direct et ordonné, Clénard fut prodigue en

éloges de l'érudition de nombreux Portugais et des qualités de ceux qui, suivaient ses

cours. Un maître, également étranger, Vicente Fabricio, qui enseignait au monastère

de Santa Cruz de Coîmbre, l'émerveilla. Voici un extrait de la Carta à Cristandade:

Vincentius Fabricius enarrabat Homerum, non ut Graeca uerteret Latine, sed quasi

ageret in ipsis Athenis, id quod nusquam hactenus uideram; et nihilo segnius dis

cipuli praeceptorem imitabantur, ferme in totum usi et ipsi sermone Graecanico.

Clénard lui-même orientait d'ailleurs aussi son enseignement de manière à rendre

l'apprentissage aussi agréable que fécond: il disait que ce n'était pas „par antiphrase

qu'il appelait son école ludus. École ouverte à tout la monde, même à des enfants

qui n'avaient jamais entendu un mot de latfn, bien que ce fût la langue utilisée par

le maître dans ses cours.7

Jerónimo Cardoso, qui fut le premier lexicographe portugais en langue latine, ferma

le cycle des grands maîtres et partageait avec Clénard l'idée que l'enseignement des

langues classiques doit être vivant et intuitif, exprimé avec simplicité et attrayant.

Et ce furent ces principes éminemment pédagogiques qui orientèrent l'oeuvre présen

tée en 1552, Institutiones in Latinam linguam breuiores et lucidiores.

Il est fort probable que Jerónimo Cardoso s'interrogeait sur la validité de travaux

monumentaux d'érudition grecque et latine, que l'on savait être l'antithèse notoire

de la sobre et rationnelle trilogie grammaticale de Clénard, constituée par les Gram

maires Hébraïque (Martenay, 1529), Grecque (Louvain, 1530) et Latine (Braga, 1518).

Quoi qu'il en fût, l'enseignement de Clénard, apprécié en fonction d'une axiologie

pédagogique, fut un cas singulier. Alors que, comme intellectuel, il se révéla un vrai

fils de la Renaissance, comme humaniste et classiciste le maître flamand allia l'inté

rêt pour l'antiquité gréco-latine à l'intérêt pour l'antiquité chrétienne. Ainsi, par

exemple, tandis qu'aux cours de latin il commentait Tite Live ou s'occupait de Té

rence, aux cours de langue grecque il choisissait St. Jean Chrysostome.

Ce fut donc grâce à André de Resende que parvint à cette {Jointe extrême de

l'Occident de l'Europe un peu de l'éclat de la Louvain d'Érasme et de Jean-Louis Vi

vés; il était résulté de ce commerce pédagogique et de l'amitié personnelle de l'élève

d'Évora pour l'humaniste de Brabant une connaissance publique d'un intérêt vraiment

national. D'autre part, les progrès des investigations d'antiquaire de Resende, qui

donnèrent lieu à l'élaboration de l'oeuvre De antiquftatibus Lusitaniae et à la rédaction

de ses Orationes, particulièrement 1' Oratio pro rostris, prononcée le 1er octobre 1534

à l'Université de Lisbonne, marquent l'apogée de l'humanisme portugais.

Clénard stimulait cet essor dont il suivait l'évolution avec admiration. Son com

patriote et ami Érasme qui, de Louvain, orientait le mouvement humaniste du premier

quart du XVIème siècle, porta son attention sur la vie intellectuelle portugaise. Dans

la dédicace élogieuse de son livre érudit Chrysostomi Lucubrationes au roi D. Joâo

III, en 1527, le sage de Rotterdam consacra les sentiments lusophiles déjà manifestés

précédemment. En effet, dans son Ciceronianus il avait fait l'éloge d'un certain Her

7 On doit une contribution élucidante pour la connaissance de la bibliographie du

XVIe s., en particulier à l'investigateur José de Pina Martins, qui depuis longtemps réunit un précieux matériel informatif. Celui-ci étant assez long, nous nous bornons à indiquer: „Introduçâo" du Catalogue de Exposigào Bibliogrâjica, Iconogràfica e Me

dalhística de Camoes. Bibliothèque Nationale, Lisbonne, 1972.

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nicus identifié depuis longtemps comme étant Henrique Caiado: ce dernier fut l'élève

de Cataldo Siculo, à Bologne8, docteur en Droit par l'Université de Padoue et jouissant d'une renommée de brillant poète latin. Voici un témoignage de l'appréciation d'Éras

me:

Et Lusitanos aliquot eruditos noui, qui uulgarint ingenii sui specimen, nominem

noui praeter Henricum quemdam in epigrammatibus felicem, in oratione soluta

promptům ac facilem, ad argumentandum dexterrimae dicacitatis: et Genesium,

qui nuper edito Romae libello, praeclaram de se spem praebuit.9

Avec le Docteur Luis Texeira Lobo, ancien élève de Poliziano et ensuite maître du

roi Dom Joâo III, Érasme entretint des relations d'amitié et fut probablement bien in

formé par lui de la gloire qui auréoplait le règne du roi Dom Manuel le Fortuné. Da

miâo de Gois, déjà mentionné, agent d'un comptoir en Flandre, destiné à devenir

l'intellectuel le plus authentiquement cosmopolite, vécut de 1523 à 1545 en Flandre, au

Danemark, en Pologne, puis de nouveau en Flandre (1532), où il s'Inscrivit à l'Uni

versité de Louvain après avoir fréquenté celle de Padoue. Accepté et estimé dans les

milieux intellectuels les plus exigeants, il laissa des oeuvres précieuses d'historio

graphie de sa patrie et enrichit la littérature humaniste. Il alla plus loin encore: il

fit le récit des coutumes de a Laponie, avec ses païens polaires qu'il connut et dont

la destinée l'émut, lors de son voyage aux côtes de la Baltique, oeuvre intitulée Deplo rano Lappiae Gentis, et s'intéressa au christianisme primitif des Éthiopiens, comme il

appert de son opuscule Fides, religio, moresque Aethiopum. L'unification religieuse du

monde était obsession des sociétés responsables des l'Europe du XVIème siècle. Au

fond, c'était l'attitude prosélytique qui prenait le dessus.

Le désir de propagande patriotique dicta quelques-uns des écrits de Damiâo de

Góis exprimés en latin. En consignant le „retentissement durable et autrement euro

péen que celui de ses chroniques portugaises de Jean II et d'Emmanuel 1er",1° Marcel

Bataillon conçoit intelligemment ce fait comme un symptôme de la véritable impor tance de l'humanisme" de Góis. Un tel humanisme a son sens profond dans le désir

d'universalisme qui l'imprègne. Remarquons qu'il s'agit d'un latin destitué d'un con

tenu ludique: pour Góis, la langue de Rome avait une valeur pragmatique: les lettres

latines qu'il écrivit à Amerbach, Érasme, Sadolet ou Reginald Pole ne sont pas des morceaux littéraires, elles se bornent à dire ce qu'il y a à dire, sans rhétorique.12 Ainsi,

8 H. Caiado a aussi été cité comme ayant été l'élève de Poliziano, à Florence; mais les faits semblent plutôt avoir été que: étant allé fréquenter cette Université, attiré par la renommée du grand maître, celui-ci serait mort [le 24 sept. 1494) lorsque l'étudiant portugais arriva.

9 Cf. Opera Omnia, tome I, Leyde 1703. Il nous reste de H. Caiado: Eclogae, Syluae et Epigrammata, Bologne, 1501, Hermici Caiadi Lusitani opuscula 5, ecloge 9 cum suis epistolis, Roma, 1501, en plus d'autres oeuvres poétiques qui furent rééditées, avec le reste, par le Pe Antonio dos Reis, en 1745 dans le 1° vol. du Corpus Illustrium Poetarum Lusitanorum.

10 Cf. Etudes sur le Portugal au temps de l'Humanisme, Coîmbre, 1952. On cite, de l'oeuvre de D. de Góis, le rapport de l'ambassade du roi Dom Manuel au roi d'Ethiopie, l'opuscule Hispania, d'un intérêt cosmographique et ethnographique, révélant encore des signes de propagande patriotique qui s'accentuent en Urbis Olisi ponis descriptio, reconstitution historique et légendaire avec de mombreux détails sur les églises, monastères, etc.

11 Cf. Marcel Bataillon, Études sur le Portugal au temps de l'Humanisme. Page 171.

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la langue utilisée devenait le véhicule idéal pour la diffusion de contenus qui, par

leur intention et par leur réalisation, avaient la marque de l'universalismr

•k ir ir

Parallèlement à cette littérature nationale exprimée en langue latine, on cultivait

avec l'éclat qui allait croissant, la littérature portugaise, nommément la poésie.

Étant donné que la culture authentique du XVIème siècle implique que l'on est

humaniste, même si l'on s'exprime en portugais, de nombreux auteurs se nourrissent

de contenus gréco-latins, tant au niveau des idées que de celui de la sensibilité, obéis

sant souvent, quant à la forme, aux modèles de l'Antiquité.

Bien qu'ils ne se présentent pas comme hellénistes, Joâo de Barros, Heitor Pinto

et Pantaleào de Aveiro laissèrent des oeuvres où „luisent des éclairs helléniques".

Mais de fut surtout le théoricien de l'humanisme littéraire, Antonio Ferreira, qui sui

vit les structures du classicisme antique et traduisit en portugais les vers grecs. Il

adapta les formes de la tragédie classique à un thème national exprimé en une langue moderne: la tragédie Castro, la première qui fut écrite en Europe dans de telles con

ditions.

Les comédies de Sé de Miranda, de Anténiio Ferreira, de Camoens accusent l'influ

ence évidente de Plaute et de Térence.

Il y eut des poètes qui traduisirent des poésies latines; d'autres donnèrent une

expression poétique nationale à un idéal de vie authentiquement horacien, ou reçu

rent de multiples suggestions de Virgile et d'autres poètes latins. De Virgile épique

oin entendra toujours certaines résonances idéologiques, esthétiques et formelles dans

Les Lusiad.es de Camoens, tant qu'il y aura des lecteurs parlant et comprenant le

portugais.

D'autre part, si Cicéron et Sénèque furent les prosateurs classiques dont la pré

sence dans la pensée médiévale fut des plus constantes, pensée naturellement incli

née à des oeuvres de nature éthique, les dialogues cicéroniens inspirèrent à la Re

naissance portugaise une attitude dialectique qui tantôt s'insinue dans quelques

genres littéraires, tantôt se présente expressément en des oeuvres dénommées Dialo

gues, comme ceux de Fr. Heitor Pinto.

Cej?endant, la rédaction en latin continuait d'exister. D. Jerénimo Osôrio, évêque de

Silves, auteur d'une chronique impartiale, De rebus Emmanuelis gestis, en plus d'au

tres oeuvres, se servit du latin avec maîtrise.

Les humanistes portugais furent beaucoup plus sollicités par le latin que par le

grec.

Ce dernipr avait sa place dans les programmes d'études du Monastère de Santa

Cruz de Coîmbre, à l'Université, aux Collèges des Arts. oSn apprentissage forma des

hommes et porta ses fruits dans des travaux tels que le Lexicon Graecum et Hebrai

cum, de 1532, du crucien D. Heliodoro de Paiva, qui en est un exemple éloquent. Plus

tard, un autre religieux, Fr. Antônio de Sousa, traduisit le Manual d'Épictète, imprimé

en 1594. Il y eut des médecins qui donnaient leurs cours à l'Université, lisant Hippo

12 Cr, L e i t e de Vasconcelos, Epiphanio Dlas, Sua Vida e Labor Cientifico, Lisbonne, 1922, p. 22; Augusto de Almeida Cava cas, A Educagào Clàssica, Coìmbre, 1918, p. 22.

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crate et Galien dans l'original grec, comme Ambròsio Nunes, Francisco Giraldes, Jerô

nimo Lopes, lorsqu'ils ne se servaient pas de la langue grecque pour le commentaire,

comme faisait le très célèbre António Luis12. Cependant, le déséquilibre en faveur du

latin subsistait, même quand un humaniste comme Aires Barbosa divulgait ses savantes

connaissances de grec ou, plus tard, quand un Aquiles Estaço, dont la culture classique

était vaste et solide, ainsi que sa maîtrise du grec, laissait une oeuvre étendue et va

riée.13

La structure pédagogique du XVIème siècle permit d'établir une distinction très

nette entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur et à y suivre une

ligne évolutive.

La réforme des Etudes Générales (Université) préoccupa dès la fin du premier

quart du XVème siècle l'Infant Dom Pedro, fils du roi D. Joâo Ier. Intelligent, bien

veillant et prudent, ce prince entreprit un grand voyage qui le conduirait aux „sept

parties du monde", comme l'on disait alors en parlant du monde connu. La destina

tion immédiate du voyageur était la cour de l'empereur Sigismond de Hongrie, sa

destination finale était la visite du Saint-Sépulcre. La Hongrie, alors aux confins

extrêmes de l'Europe, s'élevait comme le rempart des nations chrétiennes résistant

aux investissements des Turcs. Le prince portugais s'y trouvait déjà au début de 1419, étant reçu, ainsi que les chevaliers qui l'accompagnaient, avec les honneurs accordés

à un allié généreux. Après avoir suivi l'empereur lors de campagnes constantes pen dant quatre à cinq ans, Dom Pedro continua son voyage, allant à Chypre et ensuite

en Terre Sainte, non sans avoir passé par 1' Égypte, et pénétra dans l'intérieur asia

tique ... De retour en Europe par des routes qui lui firent connaître des nations et

des peuples très variés, l'Infant visita l'Angleterre et ensuite la Flandre. Il s'y arrêta

une année ou davantage, observant et étudiant. Il nous est resté de Bruges une longue lettre adressée à son frère aîné, le futur roi Dom Duarte, riche en précieux conseils

dictés par des connaissances et une expérience peu communes. Or, c'est précisément dans cette lettre14 que Dom Pedro recommande une réforme des études universitaires,

grâce à des initiatives qu'il suggère d'une manière concrète, selon les modèles uni

versitaires des Collèges d'Oxford et de Paris qu'il connaissait fort bien.

Ce plan réformateur ne fut toutefois pas exécuté; il aurait certainement imprimé un rythme plus européen à la mentalité portugaise du XVème siècle. Mais un siècle

plus tard, par la fondation du Collège des Arts à Coîmbre par le roi D. Joâo II et

grâce à la collaboration de maîtres nationaux et étrangers aptes à ouvrir de nouveaux

horizons scientifiques et culturels, le projet de réorganisation universitaire prit corps. Le monarque concrétisa une conviction moderne: celle d'une Université qui n'est pas une simple école de culture générale, comme elle l'avait été au Moyen Âge, mais bien

une institution destinée à préparer professionnellement et scientifiquement une so

ciété structuralement hiérarchisée. D'autre part, l'époque lui imposait de l'orienter

vers la recherche, ce qui, à son tour, exige une spécialisation graduelle. C'est pour

11 Cette oeuvre resta longtemps inédite dans la Biblioteca Vallicelliana, de Rome, qui considère justement cet humaniste portugais comme son fondateur.

14 Lettre datée de 1424—28, intégralement publiée par Olive ira Martins in: Os Filhos de D. Joâo I, Appendice D.

La description du voyage comprend une brochure, qui est entrée dans la littérature populaire, appelée Livro (ou auto, comme disait la 1ère édition de 1544 do Infante D. Pedro de Portugal, o quai andou as sete partidas do mundo, feito por Gomes de Santo Estevâo, um dos doze foram na sua companhia, Sf. I n o c ê n c i o, Dicionârio Bibliogràfico, III, 149.

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quoi il devint nécessaire pour les écoliers de se soumettre, pour y. entrer, à une

préparation sérieuse dans les matières propédeutiques fondamentales. Lorsqu'il monta

sur le trône le 13 décembre 1521, le Roi D. Joâo III s'empressa d'exécuter le plan

de l'„Infant des sept parties du monde", en l'élargissant en même temps qu'il éta

blissait définitivement à Coîmbre l'Université, à la réforme de laquelle il consacra

peut-être presque trente ans de son existence.

Le monarque qui permettait ainsi â son pays d'entrer dans l'Age Moderne et de

suivre, de facto, le mouvement de la Renaissance, agissait en digne élève de maîtres

insignes.

Les relations culturelles entre le Portugal et la France au XVIème siècle étaient

intenses. L'Université de Paris fut, à plusieurs reprises, dirigée par des Portugais:

Guilherme de Gouveia, Alvaro da Fonseca, Diogo de Gouvela, élus respectivement en

1530, 1538 et 1547. Elle compta parmi ses maîtres le jurisconsulte António de Gou

veia et les humanistes Pedro Fernandes, d'Évora, et Diogo de Teive. Le Collège de

Sainte-Barbe fut fondé par Diogo de Gouveia, l'Aîné. Celui de Guyenne, à Bordeaux,

connut sa plus grande splendeur après la reforme enterprise par André de Gouveia,

„sans comparaison le plus grand principal de France".15 D'ailleurs, ce collège, ainsi

que de nombreux autres centres de culture français surent apprécier les Portugais,

soit comme étudiants, soit comme maîtres. Le philosophe et médecin Francisco San

ches, qui fit sa carrière à Montpellier et à Toulouse eut une grande renommée, et

d'autres de ses compatriotes firent aussi honneur à leur pays d'origine. Mais André

de Gouveia fut un cas remarquable entre tous, car il réunissait le savoir, une honnê

teté parfaite et la diligence, qualités encore rehaussées par son imperturbable modes

tie, selon le témoignage de ses contemporains. Tel fut l'homme qui vint collaborer

au plan réformateur du roi D. Joâo III.

Mais le 11 juin 1557, une maladie subite coûta la vie au monarque qui laissait

comme héritier du trône un enfant de trois ans. Une période difficile commençait. Le

Portugal, qui s'abandonnait toujours plus à une „tristesse sans espoir et sans gloire",

pour employer l'expression du Poète16, qui pressentait la catastrophe de la perte de

son indépendance, avec la domination espagnole, avait vécu l'humanisme dans toute

son authenticité et avait donné une interprétation caractéristique à la Renaissance

telle qu'elle se trouve exprimée dans Les Lusiades. Cette épopée résume l'esprit et

l'âme du Portugal et représente poétiquement la vie de son peuple depuis ses origines comme nation jusqu'au moment de sa plus grande projection dans le monde.

Maria le Lourdes Fior de Oliveira lLisbonne]

15 Cf. M on t a i g n e, Essais, 1, I, chap. XXV. 16 „Apagada e vil tristeza", telle est l'expression incomparable de Poète Luis de

Camoes, lorsqu'il synthétise dans Les Lusiades la situation, personnelle et collecti

ve, à l'heure de l'agonie de sa patrie: No mais, Musa, no mais, que a Lira tenho

Destemperada e a voz enrouquecida, E nâo do canto, mas de ver que venho Cantar a gente surda e endurecida.

O favor com que mais se acende o engenho Nâo no dá a pàtria, nâo, que està metida No gosto da eobiça e na rudeza Dhua austera apagada e vil tristeza.

Chant X, 145

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