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pratique | mycologie médicale 20 OptionBio | Lundi 23 mai 2011 | n° 455 L e seul aspect clinique ne peut être contributif au diagnostic étiologique, d’autant que toutes les atteintes de l’ongle ne sont pas forcément des onychomycoses : certaines onychopathies ne sont dues à des traumatismes ou à d’autres affec- tions dermatologiques ou générales. Le diagnostic mycologique est donc essentiel et incontournable pour affirmer une onychomycose. Il doit être réalisé à partir d’un prélèvement à visée mycologique correctement effectué. À partir de ce prélèvement, l’identification de l’espèce respon- sable pourra être réalisée, soit par une technique classique (mise en évidence des éléments fon- giques à l’examen direct, critères histologiques, critères culturaux), soit encore par des techniques de biologie moléculaire (séquençage ITS [rDNA] et introduction de la séquence dans Genbank) ou de spectrométrie de masse et de cytométrie de flux qui vont de plus en plus se développer. On distingue les espèces suivantes : les dermato- phytes, les levures et les moisissures. Les dermatophytes Les dermatophytes sont les espèces le plus sou- vent responsables d’onychomycoses (80 % des isolements), notamment aux ongles de pieds (4 cas sur 5) : Trichophyton rubrum, Trichophyton mentagrophytes et Epidermophyton floccosum. Les levures Les levures (Candida albicans, Candida parapsi- losis, Trichosporon sp) se retrouvent plus souvent aux ongles des mains, associant onycholyse et périonyxis. Elles sont responsables de 5 à 15 % des onychomycoses. Les moisissures Touchant aussi bien les ongles de mains que de pieds, les moisissures sont impliquées dans 3 à 7 % des cas. Les onychomycoses dues aux moi- sissures se voient plus souvent après 40 ans et semblent toucher plus les femmes que les hom- mes, avec une plus grande fréquence aux pieds, atteignant particulièrement le gros orteil. On en distingue deux types, les pseudo-dermatophytes et les moissures opportunistes. Les pseudo-dermatophytes Les moisissures impliquées dans les onychomyco- ses ont un potentiel kératinophile et kératinolytique assez marqué et associent souvent aux atteintes unguéales, des atteintes palmo-plantaires et des plis d’où leur appellation de “pseudo-dermatophytes”. Parmi elles, deux sont principalement connues pour être responsables d’onychomycose : Neos- cytalidium (ex-Scytalidium), rencontré dans les pays tropicaux, et Onychocola canadensis, isolé au contraire dans les pays tempérés et froids. Onychocola canadensis Isolé pour la première fois au Canada en 1990. Onychocola canadensis (figure 1) est responsable d’onyxis des pieds et d’intertrigos, particulière- ment chez les femmes âgées ayant des troubles vasculaires des membres inférieurs. Son identifi- cation au laboratoire n’est pas vraiment difficile : culture lente (4 à 5 semaines) et colonies caracté- ristiques, en présence d’actidione, avec présence à l’examen microscopique de filaments à angles droits qui se segmentent pour libérer des arthros- pores échinulées (figure 2). Neoscytalidium Très répandu aux Antilles, au Maghreb, en Afri- que et en Inde, Neoscytalidium est responsable d’onyxis des pieds et des mains avec atteintes Les infections fongiques de l’ongle Dues à des dermatophytes, à des levures ou des moisissures, les onychomycoses sont fréquentes et touchent, selon les études, 3 à 30 % de la population française. Rares chez les enfants, leur prévalence augmente avec l’âge et elle dépasse souvent 30 % chez les plus de 70 ans. Plusieurs espèces en sont responsables. Il convient donc de bien les identifier grâce notamment à un prélèvement d’une technique rigoureuse en laboratoire. © D. Chabasse Figure 2. Culture d’ | Onychocola canadensis, avec actidione, présentant des filaments à angles droits qui se segmentent pour libérer des arthrospores. mandations pour mandations pour Recomm Recomm les les alités de diagnostic alités de diagnostic moda moda ise en charge ise en charge et de pri et de pri Figure 1. Pseudo-dermatophyte | Onychocola canadensis. © D. Chabasse

Les infections fongiques de l’ongle

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Page 1: Les infections fongiques de l’ongle

pratique | mycologie médicale

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Le seul aspect clinique ne peut être contributif au diagnostic étiologique, d’autant que toutes les atteintes de l’ongle ne sont pas forcément

des onychomycoses : certaines onychopathies ne sont dues à des traumatismes ou à d’autres affec-tions dermatologiques ou générales.Le diagnostic mycologique est donc essentiel et incontournable pour affirmer une onychomycose. Il doit être réalisé à partir d’un prélèvement à visée mycologique correctement effectué. À partir de ce prélèvement, l’identification de l’espèce respon-sable pourra être réalisée, soit par une technique classique (mise en évidence des éléments fon-giques à l’examen direct, critères histologiques, critères culturaux), soit encore par des techniques de biologie moléculaire (séquençage ITS [rDNA] et

introduction de la séquence dans Genbank) ou de spectrométrie de masse et de cytométrie de flux qui vont de plus en plus se développer.On distingue les espèces suivantes : les dermato-phytes, les levures et les moisissures.

Les dermatophytesLes dermatophytes sont les espèces le plus sou-vent responsables d’onychomycoses (80 % des isolements), notamment aux ongles de pieds (4 cas sur 5) : Trichophyton rubrum, Trichophyton mentagrophytes et Epidermophyton floccosum.

Les levuresLes levures (Candida albicans, Candida parapsi-losis, Trichosporon sp) se retrouvent plus souvent aux ongles des mains, associant onycholyse et périonyxis. Elles sont responsables de 5 à 15 % des onychomycoses.

Les moisissuresTouchant aussi bien les ongles de mains que de pieds, les moisissures sont impliquées dans 3 à 7 % des cas. Les onychomycoses dues aux moi-sissures se voient plus souvent après 40 ans et semblent toucher plus les femmes que les hom-mes, avec une plus grande fréquence aux pieds, atteignant particulièrement le gros orteil. On en distingue deux types, les pseudo-dermatophytes et les moissures opportunistes.

Les pseudo-dermatophytesLes moisissures impliquées dans les onychomyco-ses ont un potentiel kératinophile et kératinolytique assez marqué et associent souvent aux atteintes unguéales, des atteintes palmo-plantaires et des plis d’où leur appellation de “pseudo-dermatophytes”.Parmi elles, deux sont principalement connues pour être responsables d’onychomycose : Neos-cytalidium (ex-Scytalidium), rencontré dans les pays tropicaux, et Onychocola canadensis, isolé au contraire dans les pays tempérés et froids.

Onychocola canadensisIsolé pour la première fois au Canada en 1990. Onychocola canadensis (figure 1) est responsable

d’onyxis des pieds et d’intertrigos, particulière-ment chez les femmes âgées ayant des troubles vasculaires des membres inférieurs. Son identifi-cation au laboratoire n’est pas vraiment difficile : culture lente (4 à 5 semaines) et colonies caracté-ristiques, en présence d’actidione, avec présence à l’examen microscopique de filaments à angles droits qui se segmentent pour libérer des arthros-pores échinulées (figure 2).

NeoscytalidiumTrès répandu aux Antilles, au Maghreb, en Afri-que et en Inde, Neoscytalidium est responsable d’onyxis des pieds et des mains avec atteintes

Les infections fongiques de l’ongle

Dues à des dermatophytes, à des levures ou des moisissures, les onychomycoses sont fréquentes et touchent, selon les études, 3 à 30 % de la population française. Rares chez les enfants, leur prévalence augmente avec l’âge et elle dépasse souvent 30 % chez les plus de 70 ans. Plusieurs espèces en sont responsables. Il convient donc de bien les identifier grâce notamment à un prélèvement d’une technique rigoureuse en laboratoire.

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Figure 2. Culture d’ | Onychocola canadensis, avec actidione, présentant des filaments à angles droits qui se segmentent pour libérer des arthrospores.

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Figure 1. Pseudo-dermatophyte |Onychocola canadensis.

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palmo-plantaires et d’in-tertrigo. Deux espèces différentes peuvent être impliquées. N. dimidia-tum (figure 3) qui est

capable, non seulement d’entraîner des mycoses

superficielles, mais éga-lement de disséminer en cas d’immunodépression

profonde ; et N. hyalinium, surtout rencontré aux Antilles, qui peut être présent chez de nombreux porteurs sains.Comme Onychocola, Neoscytalidium présente à l’examen microscopique des filaments qui se segmentent en libérant des arthrospores.

Les moisissures opportunistesLes onychomycoses dues aux moisissures oppor-tunistes relèvent d’un processus probablement différent, très lent, car ces champignons opportu-nistes ne possèdent pas de kératinase et ne sont

pas d’emblée adaptés à la kératine humaine. Elles s’attaquent au cément des cornéocytes déjà altéré par une maladie sous-jacente. Ces moisissures surinfectent volontiers des ongles déjà parasités par un dermatophyte ou un pseudo-dermatophyte (figure 4).Parmi les facteurs favorisants de ces moisissures opportunistes, un traumatisme unguéal favorisant la colonisation est souvent en cause. Des troubles circulatoires et une immunodépression sont éga-lement retrouvés.Les patients concernés ont plus de 40 ans, ce sont le plus souvent des femmes et les ongles des pieds sont plus souvent touchés que ceux des mains.

Cinq moisissures opportunistes, dont le rôle patho-gène est cependant encore discuté, sont considé-rées comme les responsables possibles d’onycho-mycoses : Aspergillus versicolor (figure 5), Fusarium oxysporum et Fusarium solani (redoutables chez les immunodéprimés et en onco-hématologie, car ils représentent une porte d’entrée d’une infection sys-témique à moisissure), Scopulariopsis brevicaulis, Acremonium et Paecylomyces (figures 6, 7 et 8).Le diagnostic de laboratoire de ces moisissures ne pose pas de difficulté dans la mesure où elles présentent toutes des caractères culturaux et morphologiques caractéristiques. |

CHANTAL BERTHOLOM

Professeur de microbiologie

École nationale de physique-chimie-biologie, Paris (75)

[email protected]

L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt en lien avec cet article.

SourceCommunication de D. Chabasse, CHU d’Angers, lors de la journée Actualités en microbiologie clinique, Paris, 21 janvier 2011.

BibliographieGroupe d’étude de la Société française de dermatologie. Onycho-micoses. Modalités de diagnostic et prise en charge. Ann Dermatol Venereol 2007 ; 134 : 5S7-16.Piérard GE, Aresse JE, Quatresozz P. Histomycologie de la biodiver-sité des onychomycoses. In : Baran R, Piérard GE. Onychomycoses. Abrégés Masson, 2004.Pierard-Franchimont C , Kaharfi M, Piérard GE. Prélèvement et exa-men mycologique des onychomycoses. In : Baran R, Piérard GE. Onychomycoses. Abrégés Masson, 2004.

Figure 3.Culture |de Neoscytalidium dimidiatum.

Figure 4. Les moisissures surinfectent |parfois des ongles déjà parasités ; ici dermatophyte et Scopulariopsis brevicaulis.

Figure 5. Culture et vue microscopique |d’Aspergillus versicolor.

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Figure 8. Culture et vue microscopique |de Paecylomyces lilacinus.

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Figure 6. Culture et vue microscopique |de Scopulariopsis brevicaulis.

Figure 7. Culture et vue microscopique |d’Acremonium.

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