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Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit international dépassé ? Royet Quentin Mémoire de Master 1, 4ème année Droit International Public. Sous la direction de : Kdhir Moncef Mémoire soutenu le 01-09-2011

Les opérations de lutte anti piraterie au large de la corne de l'afrique - le droit international dépassé

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Les opérations de lutte anti piraterie au large de la corne de l'afrique - le droit international dépassé

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Université lumière Lyon 2Institut d'Études Politiques de Lyon

Les opérations de lutte anti-piraterie aularge de la Corne de l'Afrique : le droitinternational dépassé ?

Royet QuentinMémoire de Master 1, 4ème année

Droit International Public.Sous la direction de : Kdhir Moncef

Mémoire soutenu le 01-09-2011

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Table des matièresAvant-propos . . 5Introduction. . . 6

1) Bref historique du concept juridique de piraterie. . . 62) Dynamique de la piraterie au large de la Somalie: . . 103) La prise d'ampleur du phénomène: . . 134) Le droit international applicable et ses failles . . 14Problématique . . 15

I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre? . . 161) Une communauté internationale unie: les apparences du maintien de la paix. . . 16

a) Le cadre original donné par l'OMI. . . 16b) Le cadre Onusien . . 18c) Un cadre semblable à d'autre opérations d'appui au maintien de la paix. . . 22d) Un nouveau type de maintien de la paix ? . . 26

2) La nature des opérations au large de la Somalie: le maintien de l'ordre (lawenforcement). . . 28

a) La nature de la piraterie. . . 29b) Le cadre particulier de la piraterie somalienne . . 30c) La nature des résolutions de l'ONU, comparaison avec l'AMISOM . . 37d)Les Etats et les organisations internationales responsables selon les règles desopérations. . . 40

Conclusion de la partie . . 47II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie. . . 48

1) L'intervention en mer contre la piraterie: une compétition publique/privé ? . . 48a) Les droits et devoirs des Etats quant à l'usage de la force et de la contraintecontre les pirates. . . 48b) La concurrence des agents privés: un vide juridique dangereux. . . 55

2) Les suites juridiques: Aut Dedere aut judicare ? . . 61a) Les Etats capteurs, un judicare complexe et coûteux. . . 62b) Dedere: oui mais à qui? . . 66

Conclusion . . 76Bibliographie . . 79

Sites internet . . 79Ouvrages . . 79Articles . . 80Rapports . . 81Thèses et mémoires . . 83Arrêts . . 83Autres . . 84

Annexes . . 85Annexe 1: Réponse par Mail du Lundi 27 Juin 2011; service communication desCombined Maritime Forces, . . 85

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Annexe 2: Graphique illustrant les zones de compétences de l'Etat en mer, . . 85Annexe 3: Programme pour l'amélioration des capacités juridictionnelles et pénalesde la Somalie, Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Généralpour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, 52pages, page 40. . . 86Annexe 4: Etats parties de la Convention de Rome de 1988, . . 87Annexe 5: Etats parties de la Convention de Montego Bay de 1982 . . 89Annexe 6: Détail du coût estimé de la Piraterie Somalienne, source Dir Anna BowdenThe Economic Cost of Maritime Piracy One Earth Future Working Paper December2010, 26 pages. . . 89Annexe 7: Extension de la zone d'influence de la piraterie entre 2005 et 2010, source2011 Somali Piracy Update http://gcaptain.com/2011-piracy-update?19763 . . 91

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Avant-propos

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Avant-proposLe but de ce mémoire n'est pas d'attaquer les actes de la communauté internationale, des Etats, desorganisations régionales et internationales, contre le problème d'ampleur non plus régionale maismondiale de la piraterie au large de la Corne de l'Afrique, avec l'avantage d'être un acteur extérieursans responsabilités. Le but n'est pas non plus d'affirmer que, rétrospectivement, les décisions prisesétaient mauvaises où dangereuses.

Le but de ce mémoire est avant tout de comprendre les multiples défis posés par la piraterie aularge de la Corne de l'Afrique au droit international, quelles réponses ont été apportées, et pourquoices réponses n'ont, pas encore, permis de résorber les activités criminelles en mer dans la région.

Si la situation au large de la Somalie est exceptionnelle par son ampleur et ses conséquences,elle n'est pas inédite, la piraterie subsiste encore dans le détroit de Malacca et au large du Nigéria.Il est donc important de cerner les difficultés rencontrées par les réponses apportées à la pirateriedans le cadre d'un Etat failli, car ce genre de phénomène n'est pas exclusif à la Somalie et peutpotentiellement apparaître ailleurs.

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Introduction.

Le dimanche 3 Avril 2011 les Marines néerlandais de l'HMS Tromp ont abattu deuxressortissants somaliens lors de la reprise d'un chalutier iranien qui avait été piraté peude temps avant. Alors qu'ils sécurisaient le navire après l'opération, un second groupede pirates, apparemment sans relation avec le premier, s'est approché du chalutier avecl'intention de le prendre d'assaut, ils ont été repoussés par des tirs de sommation desMarines1.

Le vendredi 18 Février 2011, quatre plaisanciers américains pris en otage au large descôtes de l'Oman ont été abattus par des preneurs d'otages somaliens sur leur voilier, le S/V Quest, peu avant l'assaut des forces américaines qui suivaient le navire depuis la prised'otage, qui a lui-même entraîné la mort de deux des preneurs d'otages2.

Ces deux exemples sont la partie émergée de l'iceberg que représente le phénomènede la piraterie somalienne, pour reprendre les termes des médias, c'est une fraction desrares informations qui ont atteint une diffusion mondiale, alors que la piraterie au large dela Corne de l'Afrique prend de plus en plus d'ampleur. Ces incidents illustrent le caractèreviolent et meurtrier de ce phénomène, où s'affrontent des navires de guerre et des pirates,les uns et les autres sans cesse mieux équipés, mieux armés et plus violents.

La communauté internationale3 s'est inquiétée de l'impact de la piraterie au large de laCorne de l'Afrique sur le commerce international et l'aide humanitaire apportée à la Somaliedès 2008, notamment par les résolutions de l'ONU qui ont permis l'implication notammentde l'OTAN et de l'UE. Cependant les réponses apportées se sont heurté à un grandnombre de difficultés, le problème étant d'une grande complexité car il implique plusieursgouvernements, des organisations internationales, des firmes et des intérêts privés, desorganisations criminelles… De même plusieurs niveaux de droits se superposent: le droitinternational, les droits internes des Etats et le droit privé des entreprises.

Dans le cadre d'un problème aussi complexe il convient d'abord de définir les termesposant problème notamment ce qu'est la piraterie en général mais aussi ce qu'est la pirateriedans le cadre particulier de la Corne de 'Afrique.

1) Bref historique du concept juridique de piraterie.

1 ) Mike Corder "Dutch Marines kill 2 pirates off Somali coast" pour Associated Presse, l'article n'indique malheureusement pas sil'altercation a eu lieu dans les eaux territoriales somaliennes. http://www.businessweek.com/ap/financialnews/D9MCSS980.htm ,4 avril 2011, consulté le 04/05/2011.

2 ) RFI "Quatre Américains pris en otages dans l'océan Indien tués par leurs ravisseurs somaliens", http://www.rfi.fr/afrique/20110222-quatre-americains-pris-otages-ocean-indien-tues-leurs-ravisseurs-somaliens , 22 février 2011, consultéle 04/05/2011.

3 On comprendra par communauté internationale l'ensemble des entités internationales publiques et les Etats qui se sontimpliqués dans la question de la piraterie somalienne. .

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Introduction.

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La définition de la piraterie donnée par le Petit Robert (1991) est décevante pour le juriste :« Acte de pirate, attentat contre un autre navire », le pirate étant « un aventurier qui couraitles mers pour piller les navires de commerce ». Dans cette définition on remarque deuxproblèmes : l’usage du passé alors que le problème est pourtant d’une actualité frappante,que ce soit en Asie du Sud-est, dans le Golfe de Guinée, ou bien sûr au large de lacorne de l’Afrique. De plus on remarque que le pirate est un personnage pittoresque, un «aventurier qui courrait les mers », plus qu’un criminel mettant en péril les voies de navigationinternationales et la vie des équipages des navires qu’ils abordent.

Pour une définition plus précise de la piraterie on peut se tourner l'étymologie et l'histoirede la piraterie. Ce phénomène semble être aussi vieux que le commerce maritime, lesEgyptiens relatent les invasions des "peuples de la Mer" commençant sous le règne deMerenptah aux alentours de 1200 avant Jésus Christ. Ensuite la piraterie se concentre surl'interception des navires de commerce entre les premières civilisations maritimes de laMéditerranée, à savoir les phéniciens, les crétois, carthaginois et les grecs. Ce sont cesderniers qui sont à la base de l'étymologie du mot "pirate", πειρατής (peiratês), lui mêmedérivé du verbe πειράω (peiraô) signifiant « s'efforcer de », « essayer de », « tenter sachance à l'aventure », on note que ces termes n'ont pas de connotation négative. Les clansde pirates sont alors considérés comme des nations, qui peuvent être alliées ou ennemis,des "ennemis justes", comme le dit Jules M Sestier4. Cette définition change avec les loismaritimes rhodiennes datées (bien que cela soit sujet à débat) d'environ neuf siècles avantl'ère chrétienne5. Ces lois maritimes contiennent les premières dispositions ouvrant la voieà la qualification criminelle de la piraterie comme vol avec violence en mer.

Cette qualification repose sur plusieurs principes: premièrement le principe "Pirata nonmutat dominum" (la piraterie n'entraîne pas de changement de propriété), de ce principerésulte le fait que les personnes capturées comme otages puis libérées n'avaient pas besoind'être reconnues comme libres puisqu'elles n'avaient jamais cessé de l'être aux yeux dudroit. On note en conséquence que les pirates sortent du droit de la guerre reconnu àl'époque qui considérait la prise de navires en mer comme légale pour des pays en guerre.Cette qualification sera mise en pratique par les Romains au cours de plusieurs campagnescontre les pirates pour assurer un commerce paisible dans la Mare Nostrum, notammentaprès la destruction de Carthage qui limitait la piraterie à l'Ouest de la Méditerranée et ledéclin des cités grecques et levantine qui accomplissait ce même rôle à l'Ouest. Plutarquedans ses Vies Parallèles fait le récit des démêlés de Jules César, mais aussi et surtoutde Pompée, avec les pirates (récit en annexe). Sa description est un canon pour tous lesphénomènes de piraterie passés, actuels et probablement future:

" Dans la suite, les Romains, qui, occupés par leurs guerres civiles, se livraientmutuellement des combats jusqu'aux portes de Rome, laissèrent la mer sansarmée et sans défense. Attirés insensiblement par cet abandon, les pirates firentde tels progrès, que, non contents d'attaquer les vaisseaux, ils ravageaient lesîles et les villes maritimes. (…) Il semblait que la piraterie fût devenue un métierhonorable, et qui dût flatter l'ambition. Ils avaient, en plusieurs endroits, desarsenaux, des ports, et des tours d'observation très bien fortifiées ; leurs flottes,

4 J. M. Sestier La piraterie dans l'antiquité, Paris, A. Marescq ainé, 1880, Chapitre 27, édition électronique consulté le07/05/2011. http://www.histoire-fr.com/Bibliographie_sestier_piraterie_antiquite_27.htm

5 Pierre-Sebastien Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, d'apres les principes et suivant l'ordre du Code decommerce (1821) Cousin-Danelle, Rennes, 1821, page 3.

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remplies de bons rameurs et de pilotes habiles, fournies de vaisseaux légers queleur vitesse rendait propres à toutes les manœuvres"6

Il en va de même pour les raisons qui poussent Rome à entrer en guerre contre les pirates,qui semblent étrangement modernes:

"Toute notre mer, infestée par ces pirates, était fermée à la navigation et aucommerce. Ce motif, plus qu'aucun autre, détermina les Romains"7

On note que la description des pirates autant que des motifs visant à leur éradication restentétonnamment actuels.

C'est aussi de cette époque que date le principe édicté par Cicéron selon lequel le pirateest un criminel ennemi de tous, il l'affirme dans son De officis (Lib I, p89) " pirata communishostis omnium ", c'est à cette période que le pirate est considéré comme un criminel qui doitêtre poursuivi et puni comme n'importe quel voleur. Sestier cite Ulpien à cet égard "Hostessunt, dit Ulpien qui vivait sous Alexandre Sévère, quibus bellum publice populus romanusdecrevit, vel ipsi populo romano. Cæteri latrunculi vel prædones appellantur". On constatebien le glissement lexical, on passe du "pirata" grec au "praedones" romain.

Cependant cette distinction a été malmenée par l'histoire: les Vikings, mi-envahisseur,mi-pirates, se sont vus offrir des fiefs, par la négociation et pour empêcher d'autres pillages,la Normandie par exemple a été donnée à Rollon par Charles le Simple en 911 après JC;de même la qualification des Barbaresques d'Afrique du Nord comme pirates est sujette àdébat, Bynkershoek8 par exemple part du principe que les barbaresques agissaient au nomdes Beys d'Alger et de Tripoli et du Dey de Tunis, tout en étant théoriquement des sujetsottomans. Grammont et Brongniart font quand à eux le parallèle entre les chevaliers de Malteet les Barbaresques, vaillants soldats de leurs religions respectives. Cela faisait d'eux descorsaires et pas des pirates, cependant d'autres juristes comme ont argué qu'étant donnéque ces malfaiteurs agissaient de la même manière en tant de guerre qu'en temps de paix,qu'ils s'en prenaient à tous les navires et que leur principal objectif était l'établissement d'undroit de passage (passeport) évitant aux navires de se faire piller et à l'équipage d'être prisen otage. De plus il a longtemps été difficile de faire la différence entre les corsaires, auservice d'un Etat, et les pirates agissant pour leur propre compte; l'exemple de Sir HenryMorgan (1637-1688) est frappant, il s'illustre dans les Caraïbes par la prise de forteressesréputées imprenables et par une grande cruauté, servant tantôt le gouvernement britanniquetantôt lui-même, il est fait prisonnier par les forces de Charles II en 1674, puis anobli etnommé lieutenant gouverneur de la Jamaïque deux ans plus tard.

On voit que la limite entre les différents termes est floue, la première définition du termepirate en France provient d'un échange de lettres entre le roi Alphonse V du Portugal et leconseil de régence du jeune roi de France Charles VIII en 14769,

6 Plutarque Les Vies parallèles, début du IIe siècle après JC, traduction Ricard de 1863, édition électronique consultée

le 06/05/2011, http://www.mediterranees.net/histoire_romaine/plutarque/pompee/pompee3.html , chapitre 23, "La

guerre contre les corsaires", on note ici que la traduction est assez hasardeuse, en effet les pirates de la Méditerranée de

l'époque ne pouvait pas être des corsaires car agissant uniquement pour leur propre intérêt.7 Op cit, chapitre 25.

8 Cité dans le Mémoire de 4ème année de Jarrot Alexia, "La piraterie maritime en droit international", 2009, IEP de Lyon,dir. M.Kdhir.

9 Polere Pascal, "La piraterie maritime aujourd'hui", Droit maritime français, n°659, mai 2005, p393.

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Introduction.

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"Les pirates sont des gens de qui commettent en arme pour faire la guerre surmer à tous ceux qu'ils rencontrent ami ou ennemi"

Cette définition sera reprise en 1497 dans un accord franco-anglais. Le sort réservé auxpirates était décidé par le capitaine du navire les ayant capturés, ils étaient souventcondamnés à mort et étaient jetés à la mer. Cependant ce genre de pratique décline àpartir du début du XVIème siècle, à partir de ce moment les juges anglais exigent queles pirates capturés leur soient envoyé pour jugement, on retrouve d'ailleurs des tracesde jugements faisant état des pirates comme hostis humani generi10. A cette époque lecommerce maritime augmente dramatiquement, du fait des progrès dans la navigation etde la conquête des Amériques, ce n'est donc pas un hasard si Grotius écrit son traité MareLiberum en 1609. Dans cette œuvre fondatrice il pose la mer comme étant un espace deliberté et n'appartenant à personne, ni aux Etats, ni aux particuliers, elle est res nullius. Encela il établit les principes fondamentaux pour le droit de la mer: le passage en mer est libreet personne ne doit l'entraver; cette liberté de passage pour les hommes et les marchandiseset la liberté du commerce sont des droits communs à tous, les enfreindre revient à "violer laloi de toute société humaine" (Mare Liberum, chap. V, p. 688-689). Cependant cette libertéest trop totale pour être acceptée par tous et notamment par les Etats souverains, concitoyende Grotius, Cornelis van Bijnkershoek traite en 1702 de « De dominio maris », affirme que : « [Le contrôle de la mer] depuis la terre s’arrête où prend fin le pouvoir des armes deshommes » (terrae potestas finitur ubi finitur armorum vis). C'est de cette origine que vientle concept d'eaux territoriales, avalisé par la Convention de Montego Bay de 1982.

C'est Alberico Gentili11, contemporain de Grotius et Bijnkershoek, qui décrit les piratesà cette époque comme ennemi de tous, non seulement car ils s'attaquent indistinctement àtous les navires, mais aussi et surtout car ils sont en dehors du pouvoir des Etats souverains,et donc pour lui en dehors du droit12. Il établit le premier la différence entre la courseautorisée par le prince et la piraterie qui est un vol ou meurtre non autorisé par le souverain.Cette distinction se maintiendra jusqu'en 1856 et l'interdiction de la course par le traité deParis.

La piraterie entre donc progressivement dans le droit des Etats à mesure que ceux-ci étendent leur pouvoir et leurs capacités, en 1681 l'ordonnance de la Marine rendue parLouis XIV et rédigée par Colbert entend protéger le commerce maritime français en donnantcompétence aux juges de l'Amirauté français à "connaître les pirateries parmi tous lescrimes et délits commis sur la me, ses ports havres et rivages" (titre II, article 10). De mêmela Cour de l'Amirauté Britannique a été très longtemps compétente pour les cas de piraterie.

Avec la montée en puissance des Etats-nations la piraterie est peu à peu devenue unphénomène marginale et beaucoup moins central que ce qu'elle a pu être dans les Caraïbesau XVIème et XIXème siècle. Le traité de Paris de 1856 interdit la Course et les lettresde marques, ce traité témoigne de la pacification des mers, les lords anglais considérantque les corsaires portaient à présent plus atteinte au commerce qu'il ne permettait de le

10 R v. Marsh, (1615) 81 Eng. Rep. 23 (K.B.).11 Polere Pascal, "la piraterie maritime aujourd'hui", Droit maritime français, n°659 mai 2005, p 393, P 387-40412 Alberico Gentili's De jure belli: "Pirates are common enemies, and they are attacked with impunity by all, because they are

without the pale of the law. They are scorners of the law of nations; hence they find no protection in that law."

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protéger13. Ainsi les marines de guerre des Etats Nations parviennent à faire régner le calmesur le mers du monde.

La codification du droit international au cours du XXème siècle pousse les juristes às'intéresser à la piraterie, en effet un projet de codification du crime de piraterie est confié parla SDN à un groupe de chercheurs de l'Université d'Harvard, mais qui aboutit à la conclusionque sans agence internationale pour les capturer ni tribunal international pour les punir,les pirates ne pouvaient pas être considérés comme des criminels. La première véritablecodification de la piraterie en droit international est donc effectuée par la Convention deGenève sur la Haute mer,de 1958 qui consacre 8 articles à la piraterie. Ces articles ont étéreconduits dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982.

2) Dynamique de la piraterie au large de la Somalie:Dans le but de lutter contre ce phénomène il est important de comprendre ses tenants et sesaboutissants. Le phénomène de la piraterie en Somalie n'est pas une nouveauté14,depuisdes siècles les côtes somaliennes ont été des communautés tournées vers la mer, la pêchedominant largement l'économie locale et formant une solide tradition de navigation en hautemer, à l'aide de bateaux traditionnels appelés "Dhows". Les marins de la Mer Rouge étaientconnus en Europe sous le nom de "Lascars", ces navigateurs étaient souvent recrutés parles capitaines de vaisseaux de commerce dans les ports de la Mer Rouge et du Golfed'Aden. Ils déménageaient avec la mousson sur les côtes septentrionales de l'Océan Indien,travaillant comme navigateurs le long des côtes ou même pour de plus long voyages.

Les hommes des clans somaliens Majerteen et Hyobo principalement basés auPuntland, ainsi que les marins des ports de Berbera et Bosoca, étaient réputés commeétant de bons navigateurs. La piraterie et autres formes de prédations maritimes dans cetterégion ont été rapportées par les Européens depuis le XVIIIème siècle au moins, cettemenace concernaient surtout le commerce local des dhows suivant la côte. Le commerceentre le Golfe Persique et les côtes du Yemen et de la Somalie était régulièrement pillépar des pirates des côtes Yéménites et Somalies. Les plus grands navires type Européenétaient généralement trop hauts, trop rapides et trop bien protégés pour être la cible detelles activités, de plus le passage de tels navires était relativement limité avant l'ouverturedu canal de Suez. De même, les eaux au large de la Somalie étaient considérées commedangereuses non seulement à cause de la piraterie mais aussi des multiples écueils, hauts-fonds et courants piégeurs, en 1780 plusieurs cas de naufrages ont été rapportés, lessurvivants étant pris en otage par les populations de la côte. Les communautés côtièreschangeaient d'activité en fonction des saisons: la saison sèche était réservée à la pêche,alors que la mousson forçait les populations à se tourner vers la piraterie le long des côtes

13 Henry BRONGNIART "Corsaires et la Guerre Maritime" 1904 Augustin CHALLAMEL, EDITEUR Librairie Maritime etColoniale, 218 pages.14 Cette section sur une brève histoire de la piraterie somalienne est principalement issue de la contribution de DAVID ANDERSON" Somali Piracy: Historical context and political contingency" p1-10 in : EUROPEAN SECURITY FORUM A JOINT INITIATIVEOF CEPS, IISS, DCAF AND GCSP SOMALIA AND THE PIRATES ESFWORKING PAPER NO. 33 DECEMBER 2009 ISBN 13:978-92-9079-956-6, 35 pages.

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Introduction.

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et la capture des naufragés15. Les rançons étaient considérées comme des investissementsà long terme, au vu du délai que mettait la nouvelle à arriver aux familles des naufragés ouà l'armateur. Les élites politiques locales recevaient leurs parts sur les pillages et rançonsreçues par les communautés, de la même manière qu'ils taxaient les activités légalescomme la pêche ou le commerce des ports. Les carcasses des bateaux naufragés étaientconsidérées comme la propriété du cheikh local, qui lui-même devait un tribut sur lesbénéfices aux cheiks des cités importantes, notamment Heyl par exemple. La contrebandeconstituait une autre source de revenu, intimement liée à la piraterie, en effet les piratestransportaient et revendaient illégalement le produit de leurs rapines dans les ports de larégion.

L'avènement des bateaux à vapeur et l'ouverture du canal de Suez réduisirent lapiraterie aux dhows le long des côtes, les pirates ne pouvant pas s'attaquer aux naviresmodernes, trop rapides et trop bien protégés. Le problème était considéré comme local etsans importance sur le trafic international. Le colonialisme de la fin du XIXème et du débutdu XXème siècle a permis aux nations européennes de prendre le contrôle de nombreuxports de la région (Aden devient britannique en 1838, le Puntland suit quelques années plustard, Djibouti devient française en 1884 et le reste de la Somalie devient italien en 1889).Cette présence réduisit la piraterie mais accrut la contrebande qui devint fructueuse entreles différentes juridictions; notamment du fait que les négociants Arabes et Indiens, établisdans la région avant l'avènement du colonialisme, refusaient de se plier aux règlements despuissances européennes, ils étaient soutenus en cela par les Cheiks locaux qui perdaientleur principale source de revenu. La contrebande atteint son apogée durant l'entre deuxguerres, immortalisée par les écrits d'Henry de Montfried16, mais déclina avec une situationrégionale plus homogène après-guerre. Il n'en reste pas moins que le British Colonial Officed'Aden a continué d'enregistrer un petit nombre des actes de piraterie, principalement contredes yachts, dans la région.

Avec l'indépendance de la Somalie en 1960 les activités "extra-légales" dans les eauxsomaliennes ont rapidement décrues. L'aide massive de l'URSS a provoqué une importanteprésence militaire en mer, ainsi que la modernisation de la flotte de pêche, permettant auxpêcheurs de vivre tout au long de l'année de la pêche en haute mer. Une contrebande debasse intensité continua jusqu'à la seconde moitié des années 1980, lorsque le régime deSiad Barré commença à se déliter, notamment dans le Nord de la Somalie. L'économiemaritime souffrit énormément de la corruption du régime et de sa chute, provoquant la finde l'autorité centrale en Somalie.

L'effondrement de l'autorité centrale mena directement à un premier renouveau de lapiraterie, en effet en Décembre 1989 le Mouvement National Somali (groupe armé rebelledu Nord de la Somalie) captura trois navires, dont un pétrolier, et somma les armateursde ne plus négocier avec "le régime corrompu et mourant" de Mogadiscio. De manièreindirecte, la déliquescence du régime provoqua la délocalisation des entreprises de pêchehauturière, comme la SHIFCO (Somalia High Sea Fishing Company, compagnie italienne)qui avait passé un accord avec le gouvernement somalien en 1983 pour des autorisations de

15 W.K. Durrill (1986), “Atrocious misery: the African origins of famine in northeast Somalia, 1839- 1884”, American HistoricalReview, Vol. 71, pp. 287-307

16 Hashish – a Smuggler’s Tale, et Smuggling Under Sail in the Red SeaOn de Monfried and Besse, see Julian Lush, “Saluteto an adventurer; Musee Henry de Monfried”, and Anon, “In the lion’s paw: Henry de Monfried and the British at Aden (1916-1922)”,both British-Yemeni Society, www.al-bab.com).

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pêche. Selon le travail de Roland Marchal17, spécialiste de la Corne de l'Afrique, maintientque les activités de pêche de la SHIFCO dans la ZEE de la Somalie n'ont jamais cessé,la direction a simplement été déplacé depuis la Somalie au Yémen durant la guerre civile.Le vide laissé par le gouvernement central a été rapidement remplacé par une myriadede chefs de guerre et d'autorités locales qui ont distribué des autorisations de pêche àde nombreuses compagnies, minant le monopole de la SHIFCO. Cette évolution apportadeux changements: premièrement les régions les plus stables de la Somalie essayèrentde suivre le mouvement en modernisant leur flotte de pêche et de gardes-côtes, commel'a fait le Puntland sous Abdullahi Yussuf à partir de 2000 ( il sera plus tard Président duGouvernement Fédéral de Transition Somali), avec des technologies modernes et l'aide decompagnies occidentales tel Hart. Ce faisant ils ont formé un nombre important d'hommesaux pratiques modernes de navigation, ainsi qu'aux instruments permettant de repérer desnavires en mer. Le Puntland, à cause des sécheresses à répétition et des attaques desIslamistes au Sud n'a pas pu maintenir cette flotte moderne et donc les hommes détenant cesavoir-faire ont du trouver d'autres moyens de gagner leurs vies. Ou plutôt "survie" puisquela concurrence étrangère a privé les pêcheurs somaliens de leur seule source de revenu.C'est le second effet des multiples autorisations conférées aux compagnies de pêche off-shore, les pêcheurs somaliens ne sont plus employés par les compagnies de pêche baséesle plus souvent au Yémen. Ainsi les pirates disposent d'une main d'œuvre abondante et trèsqualifiée concernant la navigation et le maniement des armes, du fait de la guerre civile etde la pauvreté, ainsi que de cadres formés aux méthodes et technologies modernes, ce quiexplique en partie la réussite foudroyante des pirates somaliens. On peut donc tenter uneclassification de la piraterie somalienne, 3 catégories ont été retenues en 1993 par l'OMI:

-La petite piraterie, proche des côtes, par des locaux qui ne font pas exclusivementpirates, contre des cibles faciles, le but étant de prendre en otage et de piller le bateau.

-La grande piraterie, faisant référence à l'époque à la piraterie asiatique soutenue parles mafias internationales, on note l'utilisation des bateaux fantômes, c'est-à-dire de navirescapturés, repeints et revendus à des intermédiaires peu regardant.

-La piraterie politique, cependant Pascal Polere classe dans cette catégorie l'attaquedu Panagia Tinou, en juin 2002, tout en indiquant que les pirates demandaient une rançonde 400 000$ et pas de revendication politique. 18

En suivant ces critères on se rend compte que la piraterie somalienne rassemble descaractéristiques des trois catégories, en effet la plupart des pirates sont à la fois pêcheurset pirates, mais les rançons demandées sont extrêmement importantes (3,2 million USDpour le MV Faina par exemple). Le but principal des pirates somaliens est la prise d'otage,le navire et l'équipage faisant l'objet d'une rançon s'élevant souvent à plusieurs millions dedollars.

Les pirates opèrent depuis un bateau-mère, souvent un bateau de pêche (les thonierssont particulièrement nombreux dans les eaux de l'Océan Indien) capturé précédemment,qui contient de l'essence, des munitions et des vivres et peut naviguer en haute mer. Uneflotte de skiffs accompagne cette base flottante, ces petites embarcations rapides serventà l'assaut des cibles. Les pirates utilisent habituellement des fusils d'assaut d'inspirationsoviétique et des RPG (rocket-propelled grenade) pour aborder les autres navires, le modusoperandi étant souvent le même: un ou plusieurs skiffs s'approchent à grande vitesse dunavire cible, les pirates tirent sur les superstructures du navire puis grimpent à bord à l'aide

17 R. Marchal, “Peace operations and international crime: the case of Somalia”.18 Polere Pascal, "la piraterie maritime aujourd'hui", Droit maritime français, n°659 mai 2005, p 393, P 387-404

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Introduction.

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d'échelles ou de cordes. Une fois l'équipage pris en otage, les pirates le force à amener lebateau au large de la Somalie puis négocient avec l'armateur du navire.

3) La prise d'ampleur du phénomène:Un des points les plus importants à prendre en compte est le fait que, malgré les réponsesdures et les moyens important engagés par les Etats Nations, la piraterie au large de laCorne de l'Afrique ne cesse de prendre de l'ampleur.

Premièrement cette prise d'ampleur se constate par le nombre d'attaques, en hausseconstante de 2006 à 201019, soit 445 attaques en 2010 dont la moitié pour la seule pirateriesomalienne. Les pirates somaliens ont pris 1080 otages en 2010. Cette ampleur est encoreplus flagrante sur le premier trimestre 201120, durant lequel 97 attaques sur 142 ont étécommises par des pirates somaliens.

De même on assiste à une extension spectaculaire de la zone d'influence des pirates,notamment à cause de l'emploi par les pirates de bateaux-mères capturés (souvent desbateaux de pêche). C'est pour cela que le choix des termes "au large de la Corne de l'Afrique" s'impose, et non plus "au large de la Somalie". La piraterie maritime au large de la Cornede l'Afrique doit se comprendre comme venant des côtes somaliennes et pas seulementlimitée à celle-ci. En effet si le gros des attaques survient dans le Golfe d'Aden et au large dela Somalie, il serait réducteur de confiner ce phénomène à ces côtes, en effet des attaquesont été recensée jusqu'à l'entrée du Golfe Persique au nord, au large de Madagascar auSud, au large de l'Erythrée à l'Ouest et même au lare des côtes de l'Inde à l'Est21 soit à plusde 3000 km des côtes somaliennes, alors qu'en 2008:

"Il était généralement admis que la menace ne s'étendait pas au-delà dd'unedistance de 500 milles marins de la côte somalienne.22".

A ce jour il est estimé que 50 leaders mènent une dizaine de clans, disposant de plus de2500 hommes de mains (c'est-à-dire capables de diriger une embarcation et de prendre

19 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS ANNUAL REPORT 1January – 31 December 2010. "The number of pirate attacks against ships has risen every year for the last four years. Ships reported445 attacks in 2010, up 10% from 2009. While 188 crew-members were taken hostage in 2006, 1050 were taken in 2009, and 1181in 2010". 103 pages, pages 5 et 19.

20 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS REPORT FOR THEPERIOD OF 1 January – 31 March 2011.60 pages, page 6 et 19.

21 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS REPORT FOR THEPERIOD OF 1 January – 31 March 2011.60 pages,22 Le droit maritime français, 710, janvier 2010. Synthèse des travaux "journées méditerranéennes sur la piraterie

maritime" 10 et 11 décembre 2009, Philippe Weckel. P 69-74. from the southern part of the Red Sea in the west to 73° East

longitude and beyond in the east. Incidents have also been reported off the coast of Oman / Arabian Sea in the north

extending southward to 22° South. Masters are cautioned that attacks have taken place as far east as 73°E and as far south

as 22°S and as far north as 21.5°N Mariners are advised to report any attacks and suspicious boats to the IMB PRC.

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d'assaut un navire) et sont financés par une dizaine d'individus. Les pirates ont un nombreindéterminé de miliciens pour garder les installations au sol et les navires capturés23.

De plus certains observateurs ont fait état d'une hausse de la violence contre les otageset contre les navires pris d'assaut24; des cas de maltraitances systématiques de prisonniers,surtout durant les phases de négociations, sont apparus25.

Sans compter le coût humain, le poids de la piraterie sur l'économie mondiale est estiméentre 7 et 12 milliards USD 26(voir annexe pour plus de détails), sans compter les coûts pourles économies régionales fragiles comme celle du Kenya ou du Yémen.

4) Le droit international applicable et ses faillesFace à cette menace, comme on l'a vu plus haut, le droit international applicable concernantla piraterie réside avant tout dans la Convention de Montego Bay de 1982, celle-ci prévoitnotamment dans son article 100 que:

Tous les Etats coopèrent dans toute la mesure du possible à la répression de lapiraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d'aucunEtat.

Ici réside le principal problème juridique concernant la piraterie au large de la Somalie,la Convention est écrite en partant du principe que les Etats répriment la piraterie dansleurs eaux, puisque les pirates représentent une menace pour leur souveraineté en tantqu'utilisateurs de violence non-légitime sur leurs territoires, ce poncif du droit internationalest illustré par l'opinion du juge Max Huber dans la sentence Arbitrale Ile de Palmas, du 4avril 1928: "L'Etat a compétence exclusive en ce qui concerne le territoire". En conséquencele droit international doit se préoccuper uniquement de la répression de la piraterie dansles eaux internationales.

Or la Convention ne prend pas en compte la possibilité d'un Etat failli, comme laSomalie, qui ne peut pas assurer la répression sur son propre territoire. En effet la Somalien'a pas de gouvernement central effectif depuis la chute du régime de Siad Barré en 1991,en effet l'autorité reconnue par l'ONU comme entité gouvernementale en Somalie est leGouvernement Fédéral de Transition établi e 2008 à la suite du processus de Djibouti,l'organe législatif est le Parlement Fédéral de Transition qui a établi la Charte Fédérale

23 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS REPORT FOR THE PERIODOF 1 January – 31 March 2011.60 pages,"3. Naval forces estimate that there are about 50 main pirate leaders, around 300 leadersof pirate attack groups, and around 2,500 “foot soldiers”. It is believed that financing is provided by around 10 to 20 individuals. Inaddition, there is a large number of armed individuals guarding captured ships, and numerous ransom negotiators."

24 Dépêche AFP, cité par le Figaro.fr "La violence des pirates somaliens" Publié le 01/07/2011, consulté le 20 Août 2011, http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2011/07/01/97002-20110701FILWWW00424-les-pirates-somaliens-toujours-plus-violents.php

25 S/2011/360 15 June 2011Report of the Secretary-General on the modalities for the establishment of specialized Somali anti-piracy courts, 40 pages. Page 27, "Hijacked crews have been used as “human shields” against military intervention, and have beenthreatened as a means to deter military attack. One Filipino crew member was summarily executed on 26 January 2011, and fourUnited States citizens were killed on 22 February 2011. The level of ransoms demanded continues to increase. Since late 2010, reportshave been received from released crew of systematic threats and violence during captivity, particularly during protracted ransomnegotiations."

26 Dir Anna Bowden The Economic Cost of Maritime Piracy One Earth Future Working Paper December 2010, 26 pages.

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de Transition qui fait office de Constitution. Actuellement le GFT n'assure le monopole dela violence légitime que sur la ville de Mogadiscio, il est donc incapable de s'attaquer auproblème de la piraterie. Pour plusieurs auteurs, le GFT n'a même aucune raison d'êtrereconnu comme un Etat par l'ONU27.

Devant l'incapacité des autorités locales à intervenir, la communauté internationales'est vue obligée de réagir pour tenter de trouver une solution à ce problème ne pouvantpas être résolu par le droit international seul, elle l'a fait par l'intermédiaire de résolutionsde l'ONU autorisant des opérations militaires menées par les Etats et les organisationsinternationales. Il faut distinguer deux périodes: avant et après les résolutions de l'ONU.Plusieurs affaires retentissantes comme celle de la prise d'otages du Ponant, du Carré d'Aset du Tanit rien que pour la France ayant mis en évidence à la fois l'ampleur du problème dela piraterie en Somalie et l'incapacité du GTF de régler ce problème ou même d'en limiterl'expansion. Le cadre fournit par l'ONU est la base des actions entreprises, il a régulièrementété reconduit et étendu depuis la résolution UNSC 1816 de Juin 2008. Les résolutions del'ONU ont fournies un cadre particulier d'action qui doit être pris en compte, ce cadre estlui-même difficile à appréhender.

Cependant des questions importantes se posent ici: quelles modifications le droitinternational a-t-il su subir pour tenter de résoudre le problème et pourquoi cela n'a-t-ilpas fonctionné? De même il est intéressant de voir quel cadre est maintenant applicableà la répression de la piraterie en Somalie, ce cadre est-il fondamentalement différent duprécédent?

Les questions de responsabilité internationale sont aussi mises à rude épreuve par cephénomène. Il est important de savoir qui est responsable afin de pouvoir déterminer lalégalité des actions entreprises, notamment par rapport au droit humanitaire.

ProblématiqueL'action de la communauté internationale concernant la piraterie au large de la Cornede l'Afrique parvient-elle à combler les brèches du droit international face à la situationparticulière de la piraterie en Somalie?

On s'attachera à déterminer dans quelle mesure les modifications apportées au droitinternational dans le cadre de la répression de la piraterie au large de la Corne de l'Afriquesont une réelle alternative au droit en vigueur.

Pour cela on tentera de déterminer dans un premier temps la nature juridiques desopérations maritimes menées au large de la Somalie pour voir quelles innovations juridiquesont été apportées.

Dans on démontrera ensuite en quoi les solutions mises en place posent problèmeautant au niveau juridique que politique et pourquoi elles laissent un vide dangereux qui estexploité par des entités privés.

27 Michael Bahar, Attaining Optimal Deterrence at Sea: A Legal and Strategic Theory for Naval Anti-Piracy Operations, 40VAND. J. TRANSNAT’L L. 1,18 (2007).

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I. Maintien de la paix ou maintien del'ordre?

Lorsqu'on s'intéresse à la piraterie contemporaine, après 1991, on constate que plusieursaires géographiques éloignées les unes des autres ont eu à subir des attaques, entre autresle détroit de Malacca et le Golfe de Guinée. Les contextes différents dans lesquels sontinterviennent ces éruptions de violence ont conduit à des réponses diverses de la part desgouvernements concernés ainsi que de la communauté internationale. Cependant aucunn'a attiré autant l'attention que la piraterie au large de la Corne de l'Afrique, en effet l'ONU etses agences telles que l'OMI, l'UNODC mais aussi l'UNDP, se sont impliquées, on comptepas moins de 9 résolutions du Conseil de Sécurité, des organisations comme Interpol etEuropol28 sont aussi impliquées, ainsi que l'UE et l'OTAN.

L'implication forte de l'ONU, on le verra dans la première partie, signifie-t-elle que lesopérations au large de la Somalie, qu'elle autorise, sont des opérations de maintien de lapaix? On peut se poser la question au vu de l'engagement important de l'ONU, de l'utilisationde forces armées (marines de guerre) et de l'unanimité autour de la nécessité de cesopérations.

Cependant aucune des opérations militaires menées par des pays ou organisationsrégionales contre la piraterie au large de la Corne de l'Afrique n'est considérée commemission de maintien de la paix de l'ONU, cependant de nombreuses ressemblancesapparaissent avec des missions de maintien de la paix, notamment dans le cadre donnépar la communauté internationale, ainsi que dans la pratique des Etats engagés.

La qualification d'opération de maintien de la paix ou de maintien de l'ordre estimportante juridiquement car elle va permettre de définir le cadre juridique des actions enmer contre la piraterie, de même que les juridictions responsables des procès concernantà la fois les pirates et les forces engagées.

On s'attachera dans cette partie à expliquer en quoi la réponse de la communautéinternationale au problème de la piraterie au large de la Corne de l'Afrique est inédite surla forme mais traditionnelle sur le fond.

1) Une communauté internationale unie: lesapparences du maintien de la paix.

a) Le cadre original donné par l'OMI.28 [email protected] "Europol et Interpol s’allient contre la piraterie dans le Golfe d’Aden" le 20/12/2009, consulté le 20 Août2011. http://europe-liberte-securite-justice.org/2009/12/20/europol-et-interpol-s%E2%80%99allient-contre-la-piraterie-dans-le-golfe-d%E2%80%99aden/

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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Les premières décisions ad hoc concernant la piraterie au large de la Somalie et ayantun caractère international sont les résolutions de l'OMI (Organisation internationale de lamer) 979, 1002, 1025 et 1026. La première (979) a été adoptée le 23 novembre 2005, ellefaisait référence à un rapport de la mission de l'ONU concernant la Somalie, datant du 22août 2005, évoquant la montée en puissance d'une piraterie d'origine somalienne visantà récupérer des rançons pour financer l'achat d'armes et ce en violation avec l'embargoétabli par le Conseil de sécurité de l'ONU par sa résolution 733 du 23 janvier 1992. Cephénomène est perçu comme une menace pour les "gens de mer" (seafaring community) etle commerce maritime international, la résolution rapportant des attaques jusqu'à 180 milesnautiques des côtes.

C'est à ce moment que le problème de la piraterie entre de plein pied dans le domainedu droit international car, lorsque les navires attaqués l'étaient dans les eaux territorialessomaliennes, ils dépendaient légalement des autorités somaliennes. L'intrusion des piratesdans le domaine international est considérée comme aggravé par l'importance stratégiquedes routes de navigations au large de la Somalie pour le commerce maritime internationalainsi que par la menace qu'elle représente sur l'aide alimentaire apportée à la Somalie parle Programme Alimentaire Mondial .L'OMI ne prétend pas empiéter sur la souveraineté dela Somalie, elle se borne donc à une série d'appels et recommandations pour préserverla vie et l'intégrité des personnes ainsi que le commerce international. Elle fait appel auxEtats, premièrement à l'Etat Somalien par le Gouvernement Fédéral de transition, pourprendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les attaques; et secondement auxEtats membres de l'OMI pour qu'ils conseillent aux navires portant leurs pavillons d'évitercertaines zones dans les eaux somaliennes, de leurs procurer conseil et assistance pournaviguer sans danger au large des côtes Somaliennes et enfin d'encourager ces navires àfaire usage des Centres de Coordination des Sauvetage (Rescue Co-Ordination Centers).La résolution reconnaît le caractère particulier de la situation en Somalie et estime qu'ellerequiert des réponses exceptionnelles.

Le ton de la résolution 1002, adoptée deux ans plus tard le 29 novembre 2007, estbeaucoup plus alarmiste; en effet elle s'inquiète de l'augmentation des attaques contre lesnavires et du rayon d'action des pirates (200 miles nautiques). Face à cette augmentation quisemble incontrôlable, l'OMI appelle à une implication plus importante des Etats membres, etce par deux voies: le première est un appel à l'adaptation des dispositions de la Conventiondes Nations Unies sur le droit de la mer (Convention de Montego Bay ou CNUDM) dansleurs droits pénaux de manière à pouvoir condamner de manière effective les piratescapturés par les bâtiments de guerre; la seconde voie est un appel aux Etats membres àprotéger les navires du PAM contre les pirates, et ce jusqu'à l'intérieur des eaux territorialessomaliennes. Le TFG Somalien est en conséquence appelé à accepter sous certainesconditions la présence de bâtiments de guerre étrangers dans ses eaux, ce qui représenteun premier accroc à la souveraineté somalienne, malgré la volonté affiché par la résolution.Les conditions sont assez larges, les bâtiments devant être clairement identifiés comme auservice d'un Etat, et devant être en train soit de conduire des opérations anti-piraterie soit entrain d'escorter des navires du PAM en Somalie ou quittant les ports somaliens. Cet accrocà la souveraineté est une conséquence de l'observation de l'IMO concluant que" la piraterieet le brigandage au large de la Somalie est, contrairement à d'autres parties du monde,causée par le manque d'administration légale et l'incapacité des autorités d'entreprendredes actions décisives contre les auteurs"29.

29 "piracy and armed robbery against ships in waters off the coast of Somalia, unlike in other parts of the world, is caused bylack of lawful administration and the inability of the authorities to take affirmative action against the perpetrators"

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La résolution 1025, adopté le 2 décembre 2009, fait un pas de plus dans la lutte contrela piraterie en recommandant un nouveau code de conduite, censé remplacer celui mis enplace par la résolution 922 adoptée en novembre 2001. Elle se veut un outil de lutte universelcontre la piraterie en insistant sur la collaboration entre Etats pour l'ensemble du processus,de la défense des navires de commerce par les bâtiments de guerre à l'enquête jusqu'auxpoursuites judiciaires. La compétence est distribuée en fonction du crime commis, pourla piraterie l'Etat pavillon du navire attaqué sera compétent alors que pour un brigandagel'Etat dans les eaux territoriales duquel le crime a été commis sera compétent. Les Etats dupavillon, d'origine de l'équipage, d'origine des auteurs du crime, du propriétaire du navireainsi que celui sur le territoire duquel a été commis le crime se voient reconnaître desintérêts légitimes, et donc un droit à la communication de l'avancement et des résultatsdes enquêtes. La résolution fournit une liste de recommandations pour la conduite d'uneenquête et insiste pour que les Etats adaptent leurs législations à la Convention de MontegoBay ainsi qu'à la Convention de Rome de 1988.

La résolution 1026 complète la précédente, elle se félicite des progrès accompli dans lacoopération internationale contre la piraterie, notamment par la conférence de Djibouti quia conduit à la création d'un Code de Conduite concernant la répression de la piraterie et dubrigandage contre les navires dans l'Ouest de l'Océan Indien et dans le Golfe d'Aden ( "codede Djibouti", il y sera fait référence sous ce nom dans le présent travail) de janvier 2009.De même la création d'un Corridor de Sûreté Internationalement Recommandé, ainsi queles premières résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU, participent à l'effort internationalporté contre la piraterie au large des côtes somaliennes. Elle maintient les principalesdemandes des précédentes résolutions, notamment en appelant les Etats luttant contre lapiraterie à se doter des outils légaux nécessaires aux poursuites contre les pirates capturéspar leurs marines nationales; elle demande au TFG Somalien de continuer à accepter laprésence de navires de guerres d'Etats étrangers dans ses eaux.

L'OMI est à la base de la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, c'est elle quia appelé la Somalie à ouvrir ses eaux territoriales aux marines d'autres Etats, ainsi qu'à lacollaboration internationale sur ce problème.

b) Le cadre OnusienL'organisation de la lutte contre la piraterie a été, à l'appel de l'OMI30, reprise par le Conseilde Sécurité de l'ONU. La première référence que l'on peut retrouver dans les résolutions duConseil de Sécurité quant à la piraterie en Somalie remonte à la résolution 1744 concernantla situation en Somalie et reconduisant la mission de l'AMISOM, encourageant les Etatsmembres à "faire de preuve de vigilance dans les eaux internationales au large de laSomalie" quant aux actes de piraterie. De même, on retrouve une telle référence dans larésolution 1814 du 15 Mai 2008, où il est demandé aux Etats de participer à la protectiondes participant au transport et à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à la Somalieet aux activités autorisées par l’ONU. Il n'est cependant pas précisé contre quelle menacedoivent être protégé les navires.

Cela étant, on ne pourrait cependant contester que le Conseil de sécurité ne se contentepas d'interpréter la Convention de MONTEGO BAY mais en élargit la portée. On peut yvoir une expression de la volonté du Conseil de sécurité de s'ériger en "législateur". Sansle consentement de la SOMALIE pour dessiner cette évolution vers un nouveau régime

30 Lettres 5 juillet et 18 septembre 2007 que le Secrétaire général de l’OMI a adressé au Secrétaire général de l'ONU

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international de lutte contre la piraterie maritime dans cette partie du monde, l'action desEtats étrangers aurait été difficilement légitimée sur la base du seul texte de la Conventionde MONTEGO BAY(56). Aurait été, à mon avis, insuffisante une justification fondée surune sorte de "pouvoir absolu" de l'Organisation des Nations Unies tiré des seuls articles2, § 6, et 103 de la Charte des Nations Unies. L'article 2, § 6, dispose, je le rappelle, quel'Organisation des Nations Unies fait en sorte que les Etats qui ne sont pas membres desNations Unies agissent conformément aux principes précisés, dans la mesure nécessaireau maintien de la paix et de la sécurité internationale. L'article 103 prévoit qu'en cas deconflit entre les obligations des membres des Nations Unies en vertu de la Charte et leursobligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront.31

La première référence explicite à la piraterie comme problème à part entière vient avecla résolution 1816 adoptée le 2 juin 2008, le Conseil de Sécurité se déclare "Profondémentpréoccupé par la menace que les actes de piraterie et les vols à main armée commis contredes navires font peser sur l’acheminement effectif, les délais d’acheminement et la sécuritéde l’acheminement de l’aide humanitaire en Somalie, sur la sécurité des routes maritimescommerciales et sur la navigation internationale"; il rappel de même que la piraterie estcondamnée par le droit international et en particulier la Convention de Montego Bay et qu'ilest fait obligation aux Etats de coopérer dans la mesure du possible à la répression de lapiraterie32. Le problème est considéré par le Conseil comme relevant du Chapitre VII dela Charte des Nations Unies, Action en cas de menace contre la paix, de rupture de lapaix et d'acte d'agression. On note que le problème juridique auquel fait face le Conseilde Sécurité consiste dans le fait que l'obligation de répression universelle de la pirateriene s'applique qu'en haute mer selon la Convention des Nations Unies sur le droit de lamer. Or le Conseil doit prendre en compte l'incapacité du gouvernement Somalien à luttercontre la piraterie dans ses eaux territoriales, ne serait-ce que pour permettre le passagedes navires du programme d'aide alimentaire. Face au problème de la piraterie basée sur lesol Somalien et utilisant les eaux territoriales et le sol somalien comme un refuge, le Conseila choisi une solution radicale dans son alinéa 7 en autorisant par une mesure provisoire(article 40 de la Charte de l'ONU33) les Etats qui collaborent avec le gouvernement Somalienet dont les noms auront été communiqués au Conseil à:

" a) À entrer dans les eaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actesde piraterie et les vols à main armée en mer, d’une manière conforme à l’actionautorisée en haute mer en cas de piraterie en application du droit internationalapplicable; b) À utiliser, dans les eaux territoriales de la Somalie, d’une manièreconforme à l’action autorisée en haute mer en cas de piraterie en application dudroit international applicable, tous moyens nécessaires pour réprimer les actesde piraterie et les vols à main armée;"

31 Discours prononcé par Monsieur J.F. LECLERCQ, procureur général près la Cour de cassation, à l'audience solennellede rentrée de la Cour de cassation de Belgique le 1er septembre 2010. La lutte contre la piraterie moderne entravant la circulationmaritime et le droit fondamental des Nations Unies. 59 pages.

32 CUNDM article 10033 Article 40 de la Charte de l'ONU " Afin d'empêcher la situation de s'aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les

recommandations ou de décider des mesures à prendre conformément à l'article 39, peut inviter les parties intéressées à se conformeraux mesures provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne préjugent en rien les droits, les prétentionsou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûmentcompte de cette défaillance.

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On assist donc à l'extension du régime juridique de la haute mer concernant la piraterieaux eaux territoriales somaliennes, les Etats autorisés seront tenus par le droit internationalapplicable en mer. On note que la formulation ne laisse pas au gouvernement Somalien lechoix quant à l'autorisation ou non de la présence étrangère dans ses eaux, mais seulementde quels Etats seront admis dans ses eaux; on pourra arguer que le TFG pourrait ne pascommuniquer de liste d'Etats autorisés, il n'en reste pas moins que cette décision constitueune sévère entaille de la souveraineté somalienne malgré la volonté affichée par le Conseilde Sécurité. La résolution précise que cette mesure est provisoire (6 mois) et qu'elle nes'applique qu'à la situation particulière de la Somalie (article 9). Il demande de plus auxEtats de définir entre eux la compétence pour intervenir et pour juger dans le respect desDroits de l'Homme, ainsi que de fournir un accès au droit aux victimes, aux témoins et auxpersonnes jugées.

Au fur et à mesure des résolutions suivantes on assiste à une montée en puissance destermes utilisés par le Conseil de Sécurité. La résolution 1838 du 7 octobre 2008 en est unbon exemple, elle fait état d'une aggravation de la piraterie à tous les niveaux: rayon d'action,fréquence, violence… En conséquence le Conseil adopte un ton plus ferme en demandant"instamment" (alinéa 4,5 et 6) aux Etats "qui en ont les moyens", de collaborer à la répressionde la piraterie; de même il étend le nombre de ses interlocuteurs en s'adressant en plus auxorganisations régionales, notamment l'Union Européenne. Le but de cette résolution est derappeler aux Etats leurs obligations quant à la répression de la piraterie.

Dans la résolution 1846 du 2 Décembre 2008 l'escalade devient de plus en plusévidente: l'autorisation donnée aux Etats de pénétrer les eaux somaliennes et d'y exercerla répression contre les pirates est prolongée de 12 mois On observe que la missioneuropéenne de protection des navires du PAM ou opération EUNAVOFR Atalanta avait étécréée pour 12 mois aussi, on peut en conclure que les organisations internationales quesont l'UE et l'ONU ont fabriqué ensemble cette décision. La résolution permet de plus auxEtats opérant dans les eaux somaliennes et les eaux internationales, lors de la fouille aprèsun arraisonnement, de saisir tout matériel ayant servi ou "dont on a de bonnes raisons desuspecter qu'ils serviront à commettre des actes de piraterie" (alinéa 9). Cette dispositionvise les navires, embarcations et armes directement, sur le terrain elle a aussi pu s'appliqueraux échelles, dont les pirates se servent pour aborder les navires, mais aussi à la destructiond'embarcations et de navires appartenant aux présumés pirates. Une première référenceest faite à la Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité dela navigation maritime (dite "de Rome") pour rappeler aux Etats parties qu'ils sont censésintégrer le crime de piraterie dans leurs droit pénaux, cette référence intervient en réponseaux nombreux pirates relâchés faute de capacité à les incriminer en droit pénal interne.

La résolution 1851 du 16 décembre 2008 se préoccupe de l'échec des mesuresinternationales et des actions des Etats, le Conseil explique cet échec par l'incapacité desEtats à poursuivre en justice les pirates interpellés en mer, le plus souvent par un manquede sanctions adaptées dans les législations de chaque Etat. Cette résolution adopte deplus une nouvelle orientation dans la répression contre la piraterie en invitant les Etats etorganisations régionales ou internationales agissant au large des côtes de la Somalie àadopter deux nouvelles voies. Premièrement les Etats et organisations actifs sur zone sontinvités à collaborer avec les Etats de la région prêts à accueillir les personnes interpellés età les juger (alinéa 3); pour respecter le droit des Etats de la région, leurs représentants desforces de l'ordre devront être acceptés à bord des navires participant à la répression de lapiraterie Deuxièmement les Etats sont invités à aider le gouvernement fédéral de transitionde la Somalie car c'est à lui " qu'il incombe au premier chef d’éradiquer la piraterie et les vols

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à main armée en mer" (alinéa 6), c'est donc à la demande du gouvernement somalien queles Etats seront autorisés à "prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en Somalieaux fins de réprimer ces actes de piraterie et vols à main armée en mer, conformément àla demande du Gouvernement fédéral de transition ". On note une importante extensiongéographique de la compétence qui s'applique non plus seulement aux eaux territorialessomaliennes mais à la Somalie en général, ce qui implique son espace aérien, et son sol.Les limite de cette compétence sont liées à la nature de l'action (lutte contre la piraterie)et à une approbation préalable du GTF communiquée au Conseil de Sécurité, les Etatsétant déjà sur la liste précédente concernant la compétence sur les eaux territoriales sontsoumis à une nouvelle autorisation. Cette autorisation durera 12 mois. Cette extension decompétence pour les Etats se couple avec une obligation ("Engage les États Membres",alinéa 7) des Etats membres de l'ONU à aider le gouvernement somalien à rétablir sa proprecompétence en renforçant ses moyens opérationnels pour traduire en justice les pirates.De même le ton de la résolution est aussi plus pressant, le Conseil de Sécurité utilisant destermes tels que "Prie", "Invite", "Encourage", "Engage" pour exprimer ses décisions.

La résolution 1897, du 30 novembre 2009, renouvelle la plupart des considérants etdes décisions de la précédente résolution (1851), tout en introduisant de nouvelles notions,comme la protection des ressources naturelles de la Somalie (pêcheries notamment),en nommant les pays de la région impliqués dans la lutte contre la piraterie (Kenya,Seychelles, Yémen). De même les décisions se font plus précises, notamment au niveaudes "shipriders", qui sont définis à l'alinéa 6 comme "des agents de lutte contre la criminalité".Dans son alinéa 7 la résolution reconduit les dispositions prises par la résolution précédentede 12 mois.

La résolution suivante (1918), du 23 avril 2010, considère que les efforts important,notamment des Etats de la région (Kenya et Seychelles) n'ont pas porté leurs fruitsen raison de l'incapacité de certains pays à poursuivre en justice les pirates (alinéa1). En conséquence le Conseil de Sécurité ". Engage tous les États, y compris lesÉtats de la région, à ériger la piraterie en infraction pénale dans leur droit interne et àenvisager favorablement de poursuivre les personnes soupçonnées de piraterie qui ont étéappréhendées au large des côtes somaliennes et d’incarcérer celles qui ont été reconnuescoupables, dans le respect du droit international des droits de l’homme applicable" alinéa 2.

Le Conseil de Sécurité reprend avec sa longue résolution 1950 (23 novembre 2010)tous les aspects de la lutte contre la piraterie, tout en s'alarmant de nouvelles tendancescomme la présence d'enfants parmi les rangs des pirates. De même la résolution s'intéresseà des aspects non évoqués dans les textes précédents, comme l'importance de la collected'informations, remerciant au passage le travail d'Interpol ainsi que de l'OMI et desarmateurs; ou encore le rôle des autorités régionales de la Somalie (sous-entendu leSomaliland et le Puntland). En conséquence le Conseil prend un grand nombre de mesures(21), la plupart reconduisent les résolutions précédentes, alors que les dispositions 6 (luttecontre la pollution et la pêche illégale dans les eaux somaliennes car elles sont desjustifications à la piraterie), et les articles 14, 15, 16 et 17 (lutte contre le blanchimentd'argent des pirates somaliens) explorent de nouveaux moyens de lutte contre la piraterie.Les dispositions des résolutions précédentes sont reconduites pour 12 mois.

La résolution 1976 d'Avril 2011 tente une autre approche de la piraterie, il est en effetdécidé de "s'attaquer aux causes de la piraterie comme la pauvreté", tout en demandant auxEtats et organisation régionale de maintenir leur effort dans les opérations déjà engagées.Par rapport aux précédentes résolutions elle incite les Etats à enquêter sur de possiblepollutions et surpêche dans les eaux somaliennes, on peut penser que les enquêtes et

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éventuelles poursuites contre de tels actes serait un coup sérieux porté au crédit que lespopulations accordent aux pirates. Elle insiste de plus sur la nécessité d'aider l'Interpoll'UNODC pour les enquêtes et les poursuites contre les financiers et les planificateurs desattaques et non pas seulement les pirates en mer. De même elle prie le GFT à se doter d'uneloi contre la piraterie alors que les Parlementaires du Parlement Fédéral de Transition avaitrefusé de voter une loi similaire à celle des Seychelles fin 2010. Elle demande de plus auSecrétaire Général d'étudier la possibilité d'une Cour somalienne spécialisée déterritorialisésur proposition du Conseiller Spécial Jack Lang34

On note que les résolutions de l'ONU proposant une extension de compétences auxEtats et organisations régionales ont été sans cesse reconduites de 2008 à 2010, faute deréelle amélioration concernant le nombre et la gravité des attaques.

De même les résolutions de l'ONU ne doivent pas être comprises comme desobligations absolues: dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pourles Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, la Cour internationale de justices’est exprimée comme suit sur la question de l’interprétation des résolutions du Conseil desécurité :

« 114. On a soutenu aussi que les résolutions pertinentes du Conseil desécurité sont rédigées en des termes qui leur confèrent plutôt le caractère d’uneexhortation que celui d’une injonction et qu’en conséquence elles ne prétendentni imposer une obligation juridique à un Etat quelconque ni toucher sur le planjuridique à l’un quelconque de ses droits. Il faut soigneusement analyser le libelléd’une résolution du Conseil de sécurité avant de pouvoir conclure à son effetobligatoire. Etant donné le caractère des pouvoirs découlant de l’article 25, ilconvient de déterminer dans chaque cas si ces pouvoirs ont été en fait exercés,compte tenu des termes de la résolution à interpréter, des débats qui ont précédéson adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en général de tousles éléments qui pourraient aider à préciser les conséquences juridiques de larésolution du Conseil de sécurité. »35

c) Un cadre semblable à d'autre opérations d'appui au maintien de lapaix.

Les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU présentent de nombreux points communsavec d'autres résolutions autorisant des interventions qualifiées de maintien de la paix autitre du chapitre VII, on peut notamment prendre l'exemple de la résolution 1244 UNSCautorisant la création par l'OTAN de la KFOR. En effet la situation au Kosovo en 1999partage quelques points communs avec la situation de la Somalie en 2008: premièrementla Serbie a renoncé temporairement et volontairement à sa souveraineté sur le Kosovo,comme la Somalie a renoncé à sa souveraineté sur ses eaux territoriales.

34 On étudiera la proposition du Conseiller Spécial et la réponse du Secrétaire Général dans la seconde partie de ce mémoire.35 Consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en

Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, http://cmiskp.echr.coe.int/

tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Al-Jedda%20%7C%20c%20%7C%20Royaume-

Uni&sessionid=75190044&skin=hudoc-fr

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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Deuxièmement le Conseil de Sécurité accepte l'intervention d'une force non onusienne7. Autorise les États Membres et les organisations internationales compétentes àétablir la présence internationale de sécurité au Kosovo conformément au point4 de l'annexe 2, en la dotant de tous les moyens nécessaires pour s'acquitter desresponsabilités que lui confère le paragraphe 9;

Avec pour mandat (paragraphe 9) de:a) Prévenir la reprise des hostilités, maintenir le cessez-le-feu et l'imposer s'ily a lieu, et assurer le retrait des forces militaires, policières et paramilitairesfédérales et de la République se trouvant au Kosovo et les empêcher d'y revenir,si ce n'est en conformité avec le point 6 de l'annexe 2; b) Démilitariser l'Arméede libération du Kosovo (ALK) et les autres groupes armés d'Albanais duKosovo, comme le prévoit le paragraphe 15; c) Établir un environnement sûrpour que les réfugiés et les personnes déplacées puissent rentrer chez eux,que la présence internationale civile puisse opérer, qu'une administrationintérimaire puisse être établie, et que l'aide humanitaire puisse être acheminée;d) Assurer le maintien de l'ordre et la sécurité publics jusqu'à ce que la présenceinternationale civile puisse s'en charger; e) Superviser le déminage jusqu'à ceque la présence internationale civile puisse, le cas échéant, s'en charger; f)Appuyer le travail de la présence internationale civile selon qu'il conviendra etassurer une coordination étroite avec ce travail; g) Exercer les fonctions requisesen matière de surveillance des frontières; h) Assurer la protection et la libertéde circulation pour elle-même, pour la présence internationale civile et pour lesautres organisations internationales;

On constate que le vocabulaire utilisé est très semblable à celui des résolutions successivesde l'ONU concernant la piraterie au large de la Somalie notamment sur le point autorisanttous les moyens nécessaires à l'application du mandat.

Cet exemple est intéressant car il permet de voir à qui une cour de justice supranationale pourrait donner la responsabilité des actions entreprises sous le mandat de l'ONU.En effet le 31 Mai 2007 la grande chambre de la CEDH a décidé de refuser la demande dejugement des affaires Behrami et Behrami c. France (requête n° 71412/01) et Saramati c.France, Allemagne et Norvège (n° 78166/01). Les affaires portaient sur des faits impliquantdes personnels militaires Français, dans le cas Behrami c France, et Français, Allemandset Norvégiens dans le cas de Saramati c France, Allemagne, Norvège. Ces personnelsmilitaires agissaient sous l'autorité de la KFOR et de la MINUK, respectivement mission del'OTAN et de l'ONU au Kosovo, c'est cependant la responsabilité des Etats qui a été retenuepar les plaignants.

Dans le cas Berhami c France deux enfants ont été blessés, dont un mortellement, parune sous-munition de l'OTAN non explosé dans un zone censée avoir été déminée par lesforces françaises, le père et son fils ainé ont porté plainte contre la France sur la base del'article 2 (droit à la vie) de la CEDH. Dans le cas Saramati c France, Allemagne, Norvège,il s'agit de l'arrestation et de la détention dans un premier temps par des policiers de laMINUK d'un membre de la Kosovo Protection Force(KPC) pour détention d'armes illégaleset tentative de meurtre; Mr Saramati a été envoyé devant le tribunal compétent (tribunal dedistrict de Pristina) et y a été condamné, cependant la Cour Suprême du Kosovo a casséce jugement. Mr Saramati a donc été libéré, mais il a été arrêté une seconde fois par lespersonnels allemands de la KFOR et mis en détention sur décision du commandant, un

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officier norvégien, de cette force. Il a ensuite suivi le même processus (Tribunal de district dePristina puis Cour Suprême du Kosovo) et l'affaire a été portée devant la CEDH au nom desarticles 5 (droit à la liberté), 6-1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif).

La Cour a expliqué dans un premier temps que le ratione loci ne pouvait pas s'appliquerétant donné que ni la Serbie ni le Kosovo n'étaient membres de la Convention Européennedes droits de l'Homme; dans un deuxième temps elle a estimé que la ratione personaene s'appliquait pas non plus en indiquant que la responsabilité pour les actes des Etatsappartenant à la KFOR ne pouvait pas être retenue, l'opération se déroulant sous laresponsabilité de l'ONU, or elle n'est pas non plus membre de la Convention Européennedes Droits de l'Homme. La CEDH a retenu la responsabilité de l'ONU parce qu'une présenceinternationale de sécurité "sous l'égide de l'ONU" a été "décidée" (alinéa 5) par la résolution1244 du Conseil de Sécurité de l'ONU; cette même résolution "autorise"36 (alinéa 7) uneopération de l'OTAN.

Cependant cette décision a été l'objet de nombreuses critiques et décisions contrairesd'autres cours de justice. Le débat tourne autour du contrôle, qui est responsable lorsd'opérations militaires autorisées par l'ONU?

Caroline Laly-Chevalier rappelle, dans un article de la Revue belge de DroitInternational37, que l'article 1 de la CEDH affirme que "les Hautes Parties contractantesreconnaissent à toute personnes relevant de leur juridiction les droits et libertés définiesau titre premier de la présente convention". La compétence territoriale ne pouvant pass'appliquer ici bien sur, on parle alors de "contrôle effectif", comme défini dans les arrêts dela CEDH Issa c Turquie, Medvedyev c France et Öcalan c Turquie38. La Cour ne réfute pasle contrôle effectif des Etats participants à l'opération KFOR. Cependant elle affirme que lecœur de l'affaire ne se trouve pas là:

"La Cour estime qu’il s’agit dans les présentes affaires non pas tant derechercher si les Etats défendeurs exerçaient au Kosovo une juridictionextraterritoriale, que, beaucoup plus fondamentalement, de déterminer si elle-même est compétente pour examiner au regard de la Convention le rôle joué parces Etats au sein des présences civile et de sécurité qui exerçaient le contrôlepertinent sur le Kosovo."39

La Cour répond à cette question en affirmant que l'ONU et le Conseil de Sécurité ont fourni lecadre pour l'action de la KFOR, la MINUK est quant à elle considérée comme une succursalede l'ONU.

36 RESOLUTION UNSC 1244 (1999), Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4011e séance, le 10 juin 1999,37 , Laly-Chevalier Caroline, "Les opérations militaires et civiles des Nations Unies et la Convention Européenne des Droits

de l'Homme, RBDI Volume XL, 2007-2, p627-661.38 Issa et autres c. Turquie (no 31821/96), 16 novembre 2004; Öcalan c. Turquie (no

46221/99) Arrêt de Grande Chambre, 12 mai 2005 et Medvedyev et autres c. France (no 3394/03) Arrêtde Grande Chambre 29 mars 2010; Fiche thématique "Juridiction extraterritoriale des États parties à laCEDH"- Juillet 2011, consulté le 23 juillet 2011 sur http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/D34FA717-6018-44F6-BC26-1274E401982E/0/3460586_Fiche_thematique_pour_la_presse__juridiction_extraterritoriale___juillet_2011.pdf39 Communiqué du Greffier Décision sur la recevabilité BEHRAMI ET BEHRAMI c. FRANCE et

Saramati c. Allemagne, France et Norvège 31.5.2007, http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?

item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=71412/01&sessionid=72996567&skin=hudoc-pr-fr

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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"Les opérations mises en œuvre par les résolutions du Conseil de sécurité envertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU sont fondamentales pour la mission del’ONU consistant à préserver la paix et la sécurité internationales, et s’appuient,pour être effectives, sur les contributions des Etats membres. Par conséquent,la Convention ne saurait s’interpréter de manière à faire relever du contrôlede la Cour les actions et omissions des Parties contractantes couvertes pardes résolutions du Conseil de sécurité et commises avant ou pendant de tellesmissions. Cela s’analyserait en une ingérence dans l’accomplissement d’unemission essentielle de l’ONU dans ce domaine, voire dans la conduite efficace depareilles opérations"40

On voit que la Cour se refuse à intervenir dans l'exécution de missions de paix sous l'égidede l'ONU, et ce au dépend de sa compétence. Elle affirme de même que la délégationde l'autorité par le Conseil de Sécurité à l'OTAN par la résolution 1244 UNSC en vertu duChapitre VII de la Charte de l'ONU, puis en interne de l'OTAN à la KFOR, rend les actesde la KFOR attribuables à l'ONU:

"Le Conseil de Sécurité conserve l'autorité et le contrôle ultime sur les missionsopérationnelles déléguées"41. Ce contrôle ultime, selon la Cour, repose surplusieurs critères: -L'opération militaire de l'OTAN a été autorisée par Conseil deSécurité au titre du Chapitre VII, l'ONU le conseil a effectivement et expressémentdélégué son pouvoir. -Le mandat est précis et ses limites sont " suffisammentdéfinies (…), puisque sont énoncés les objectifs à atteindre, les rôles etresponsabilités assignés ainsi que les moyens à employer"42.

-Le contrôle est aussi exercé par l'intermédiaire du Secrétaire Général de l'ONU qui doitprésenter les rapports de la présence internationale de sécurité (ici la KFOR) au Conseilde Sécurité.

En conséquence, "le commandement opérationnel direct du Conseil de sécuritén'est pas une exigence des missions de sécurité collective fondées sur le chapitreVII" (paragraphe 136), ainsi le rôle du Conseil de sécurité sera de "fixer des objectifs et desbuts généraux, non de décrire ou d'intervenir dans le détail de la mise en œuvre et deschoix opérationnels".

La KFOR, comme les opérations de lutte anti piraterie autorisées par l'ONU, n'a jamaisété considérée comme une opération de maintien de la paix et pourtant le CEDH a concluque la responsabilité retenue devait être celle de l'ONU, car elle détenait le contrôle ultimesur l'opération. Cependant il est intéressant de noter que le commandement de la KFORa été confié à des officiers n'étant pas sous commandement direct de l'ONU, alors que lebureau des opérations de maintien de la paix aurait pu être une option, mais bien sous celuide l'OTAN, sous mandat de l'ONU.

40 Communiqué du Greffier Décision sur la recevabilité BEHRAMI ET BEHRAMI c. FRANCE et Saramati c. Allemagne,

France et Norvège 31.5.2007, Op cit.41 GRANDE CHAMBRE DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ de la requête no 71412/01 présentée par Agim BEHRAMI

et Bekir BEHRAMI contre la France et de la requête no 78166/01 présentée par Ruzhdi SARAMATI contre la

France, l'Allemagne et la Norvège , 2)b) paragraphes 132 à 141. http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?

item=2&portal=hbkm&action=html&highlight=saramati&sessionid=72996527&skin=hudoc-fr42 GRANDE CHAMBRE DÉCISION SUR LA RECEVABILITÉ de la requête no 71412/01 , Op Cit.

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Il en va de même pour les opérations dans l'Océan Indien, que ce soit les opérationsAtalanta de l'Union Européenne, le CTF 151, l'opération Allied Protector de l'OTAN, ou bienévidemment des marines de guerre agissants de leur propre chef tel que la Russie ou l'Iran.On étudiera dans la partie suivante les particularités de ces opérations.

d) Un nouveau type de maintien de la paix ?On pourrait, en partant de cette similarité entre la KFOR et les missions autorisées par l'ONUdans l'Océan Indien et dans les eaux somaliennes, tenter de qualifier les opérations enSomalie de maintien de la paix "robuste", cette notion a été explicitée lors d'une conférence àParis en Avril 201043. Il est possible d'appliquer cette qualification à la lutte contre la piraterieau large de la Corne de l'Afrique, en effet la notion repose sur trois piliers44:

-une approche politique et opérationnelle visant à s'affranchir du pouvoir de nuisanced'acteurs non étatiques appelés "spoilers". Les pirates sont des acteurs non-étatiques quimenacent l'ordre et les opérations de paix de l'ONU, comme le Programme AlimentaireMondial, ainsi que le commerce international. Ils peuvent donc être considérés comme des"spoilers".

-une posture plutôt qu'une activité particulière, la robustesse du maintien de la paix peutpasser par différentes actions à l'encontre des "spoilers", de la négociation à l'usage de laforce. L'usage de la force dans le cadre d'opérations de lutte anti piraterie ne s'effectue quecontre les spoilers ou des suspects, de même il n'est pas systématique.

-enfin, c'est au niveau tactique et pas stratégique qu'intervient l'action robuste. Elle n'estpas un cadre général mais une possibilité d'intervention, elle n'est l'imposition de la paixmais un moyen de maintenir la paix.

On peut prendre comme exemple la mission de l'ONU MINUSTAH en Haïti, déployéedepuis 2004, qui opère des missions mixtes avec la police nationale haïtienne45, elle estconsidérée comme une mission de maintien de la paix "robuste". Les actions sur le terraincorrespondent pourtant plus à du maintien de l'ordre qu'au maintien de la paix proprementdit46.

L'intervention "robuste" est donc plus une posture qu'une qualification et ne peut doncpas être reconnue comme une classification juridique, les similarités entre les interventionscontre la piraterie et les opérations de maintien de la paix "robuste" ne peuvent donc pasdirectement mener à leur qualification comme opérations de maintien de la paix.

43 "Le maintien de la paix « robuste » : définition et modalités pratiques", Séminaire organisé les 12 et 13 avril 2010 à Paris, LaDélégation aux Affaires Stratégiques (DAS) du Ministère français de la Défense, en collaboration avec le ROP, a organisé un séminairesur le thème du maintien de la paix robuste à Paris les 12 et 13 avril 2010, http://www.operationspaix.net/Le-maintien-de-la-paix-robuste,663744 Jean Baillaud "Maintien de la paix robuste : historique, théorie et aspects juridiques"12 avril 2010, transcript de l'intervention deMr Baillaud lors du séminaire "Le maintien de la paix « robuste » : définition et modalités pratiques" Op Cit.

45 Haïti-sécurité:La Minustah et la PNH lancent une vaste opérationJeudi, 14 Juillet 2011, consulté le 20Août 2011, http://www.hpnhaiti.com/site/index.php?option=com_content&view=article&id=3600:haiti-securitela-minustah-et-la-pnh-lancent-une-vaste-operation&catid=1:politics&Itemid=1

46 Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix, Chronologie de la MINUSTAH pour 2006, site consulté le 20Août 2011, http://www.operationspaix.net/MINUSTAH-2006

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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Cependant il est possible, comme on l'a vu avec les affaires CEDH Berhami et Saramati,de rattacher à la responsabilité de l'ONU les actions d'interventions n'étant pas en elle-mêmedes opérations de maintien de la paix (KFOR) mais se rattachant à l'une d'elles (MINUK).Est-il possible de concevoir les interventions dans l'Océan Indien dans ce sens?

On peut répondre que, dans une certaine mesure, oui; en effet les opérations AlliedProvider (octobre-décembre 2008) et Allied Protector (mars-août 2009) de l'OTAN47, ainsique l'opération Atalanta de l'UE48, ont entre autres pour mandat la protection des naviresdu programme alimentaire mondial qui fait partie du dispositif onusien d'aide à la Somalie.De même, en appui des résolutions de l'ONU, l'opération Ocean Shield de l'OTAN fournitune assistance et de l'entraînement aux marines nationales de la région49.

Dans ces conditions, et au vu de la doctrine Capstone de 200850 qui définit la doctrine del'ONU pour les opérations de maintien de la paix, on peut dire que les opérations autoriséespar l'ONU sont le volet sécuritaire maritime d'une politique plus large visant à la résolutiondes conflits internes qui ravagent la Somalie depuis 20 ans. En effet la doctrine Capstoneparle de:

L’émergence d’une nouvelle génération d’opérations de maintien de la paix «multidimensionnelles ». Ces opérations se déploient dans un contexte dangereuxà la suite d’un conflit interne violent et emploient un ensemble de capacitésmilitaires, policières et civiles pour appuyer la mise en œuvre d’un accord de paixcompréhensif.51

Sans être sous commandement opérationnel de l'ONU, les opérations au large de la Cornede l'Afrique pourraient être considérées comme "intégrées" dans le processus global engagéen Somalie, elles en seraient le volet sécuritaire, sous des commandements opérationnelsdivers, délégués par l'ONU et sous contrôle ultime du Conseil de Sécurité de l'ONU.

En effet l'action de l'ONU en Somalie implique pas moins de 17 agences coordonnéespar le Bureau Politique des Nations Unies pour la Somalie (UNPOS, United Nations PoliticalOffice for Somalia). Son mandat est régi depuis janvier 2009 par la résolution 1863 duConseil de sécurité et consiste à:

-Souligner la nécessité de créer des conditions pour que le Représentant spécialdu Secrétaire général continue à faire des progrès sur le processus politique;-Décide que l'UNPOS et l'UNCT doivent continuer à promouvoir une paix etune stabilité durables en Somalie à travers la mise en œuvre de l'Accord depaix de Djibouti et de faciliter la coordination du soutien international aux

47 Website de l'OTAN, section lute anti piraterie, "On the request of UN Secretary-General Ban Ki-moon, in late 2008, NATOstarted to provide escorts to UN World Food Programme (WFP) vessels transiting through these dangerous waters under OperationAllied Provider (October-December 2008)." http://www.nato.int/cps/en/natolive/topics_48815.htm

48 Site web de l'opération Atalanta/Eunavfor, mission, " Operation ATALANTA shall contribute to the protection of vessels ofthe WFP delivering food aid to displaced persons in Somalia" http://www.eunavfor.eu/about-us/mission/

49 Site web de l'OTAN, Op Cit, http://www.nato.int/cps/en/natolive/topics_48815.htm50 Document de l'ONU décrivant la doctrine Capstone: "Opérations de maintien de la paix des Nations Unies Principes et

Orientations", Approuvé par J.-M. Guéhenno, Secrétaire-général-adjoint aux opérations de maintien de la paix, 2008, 108 page.51 Document de l'ONU décrivant la doctrine Capstone " Opérations de maintien de la paix des Nations Unies Principes et

Orientations", Approuvé par J.-M. Guéhenno, Secrétaire-général-adjoint aux opérations de maintien de la paix, page 23,

2008, 108 page.

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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efforts; -UNPOS demandes, entre autres, d'aider, de concert avec les partenairesdonateurs régionaux et internationaux et autres parties intéressées, en soutenantle rétablissement effectif, la formation et la rétention des forces de sécuritésomaliennes, y compris militaires, policières et judiciaires, de tenir les donateursde la Conférence de solliciter des contributions pour établir un fonds fiduciaire àl'appui de ces activités; - Demandes de son représentant spécial pour coordonnertoutes les activités du système des Nations Unies en Somalie, pour offrir sesbons offices et l'appui politique aux efforts déployés pour établir la paix etune stabilité durables en Somalie et à mobiliser les ressources et le soutiende la communauté internationale à la fois pour la récupération immédiateet à long terme de développement économique; -Le Conseil a égalementrequiert du Secrétaire général, par le biais de son Représentant spécial, afin decoordonner les activités de l'ONU en Somalie, et accueille ses propositions pourl'amélioration de l'Office des Nations unies politique en Somalie (UNPOS).52

Il existe donc bien une politique onusienne concernant la Somalie, on peut dire qu'il existeune opération de maintien de la paix "nouvelle génération", avec différents pans: politique(soutien au TFG) et humanitaire (avec le programme alimentaire mondial). Mais existe-t-ilun pan sécuritaire danlequel pourrait être intégré les opérations de lutte anti-piraterie?

Il est peu probable qu'une cour de justice reconnaisse un jour la responsabilité de l'ONU,et ce parce que malgré une réponse organisée à un niveau international, les opérations delutte anti-piraterie restent des opérations de maintien de l'ordre assurées avant tout par lesEtats, comme nous allons le voir dans la seconde partie.

2) La nature des opérations au large de la Somalie: lemaintien de l'ordre (law enforcement).

Selon le Trésor de la langue française informatisé, la nature d'une chose correspond à" L'ensemble des qualités, des propriétés qui définissent un être, un phénomène ou une

52 Web site de L'UNPOS, consulté le 8 août 2011, sur http://unpos.unmissions.org/Default.aspx?tabid=1912 Texte

original: Stresses the need to create conditions for the Special Representative of the Secretary-General to continue to

make progress on the political process; Decides that UNPOS and the UNCT shall continue to promote a lasting peace

and stability in Somalia through the implementation of the Djibouti Peace Agreement and to facilitate coordination of

international support to the efforts; Requests UNPOS, inter-alia, to assist, in conjunction with regional and international

donors partners and other interested parties, in supporting the effective re-establishment, training and retention of

inclusive Somali security forces, including military, police and judiciary, to hold donor conference to solicit contributions

to establish a trust fund in support to these activities; Requests his Special representative to coordinate all activities of

the United Nations System in Somalia, to provide good offices and political support for the efforts to establish lasting

peace and stability in Somalia and to mobilise resources and support from the international community for both immediate

recovery and long-term economic development; The Council also requestes the Secretary-General, through his Special

Representative, to coordinate the activities of the UN in Somalia; and welcomes his proposals for enhancement of the UN

Political Office in Somalia (UNPOS).

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chose concrète, qui lui confèrent son identité"53, or, comme on l'a vu dans la premièrepartie, l'apparence des interventions autorisées par l'ONU dans la région, tend vers unenature "para-onusienne", pouvant éventuellement mener à une responsabilité de l'ONU,notamment devant la CEDH, de par la notion de "contrôle ultime".

Cependant, malgré les apparences, nous allons montrer que la nature des opérationsau large de la Corne de l'Afrique est différente, pour cela on suivra trois axes: en quoiles actes de piraterie ne peuvent pas faire l'objet d'opérations de maintien de la paix, enquoi la réponse de l'ONU elle-même s'est progressivement détourné du maintien de la paixvers le maintien de l'ordre et enfin en quoi les opérations autorisées évitent d'engager laresponsabilité de l'ONU.

Dans la dernière partie on démontrera que, malgré le caractère inédit de la réponsedonnée par la communauté internationale, l'Etat reste le principal acteur de la lutte contrela piraterie.

a) La nature de la piraterie.On peut définir les opérations de lutte contre la piraterie en négatif, en partant des actesqu'elle combat. La définition fondamentale de la piraterie en droit internationale public estfournie par la convention de l'ONU pour le droit de la mer (CONUDM, ou convention deMontego Bay) de 1982, dans son article 101:

On entend par piraterie l'un quelconque des actes suivants : a) tout acte illicitede violence ou de détention ou toute déprédation commis par l'équipage oudes passagers d'un navire ou d'un aéronef privé, agissant à des fins privées,et dirigé : i) contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou desbiens à leur bord, en haute mer; ii) contre un navire ou aéronef, des personnesou des biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat; b) tout actede participation volontaire à l'utilisation d'un navire ou d'un aéronef, lorsque sonauteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou aéronef est unnavire ou aéronef pirate; c) tout acte ayant pour but d'inciter à commettre lesactes définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l'intention de les faciliter.

On note surtout au a) les termes "illicite", et "privé". Ces deux termes permettent decomprendre que l'acte de piraterie, ainsi que les actes visant à les faciliter, est un actecriminel, une infraction de droit commun. En effet la piraterie implique deux personnesprivées: un pirate et une victime; dans un espace où la souveraineté de l'Etat, responsablede la régulation des actes illicites, ne s'applique pas. Ainsi, la coopération de tous les Etatsqui en ont la capacité est requise contre les pirates (article 100 de la même convention), caraucun Etat ne pouvant/devant imposer sa souveraineté sur la haute mer.

Il est admis, à la fois dans la CUNDM et dans la coutume que la que la piraterie nereprésente en aucun cas un "conflit", mais un crime, une violation du droit international.

L’article 4 de la IIIe Convention de Genève, ainsi, que le Protocole additionnelI, ne s’appliquent qu’en cas de conflit armé international. Un conflit armé international

recouvre quatre types de situation :

53 Trésor de la langue française informatisé, section "nature", paragraphe 3, consulté le Dimanche 24 Juillet 2011, http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?14;s=2740728015;r=1;nat=;sol=5

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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- « cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ouplusieurs des Hautes parties contractantes, même si l’état de guerre n’est pasreconnu par l’une d’elles ; »13 - « cas d’occupation de tout ou partie du territoired’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucunerésistance militaire ; »14 - « les conflits armés dans lesquels les peuples luttentcontre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimesracistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; »15 - « enapplication d’une règle classique du droit de la responsabilité internationale desÉtats, un conflit entre les forces gouvernementales et des forces dissidentes àl’intérieur du même pays devient international si les forces dissidentes sont defacto d’un État tiers. Dans ce cas les comportements de ce dernier sont attribuésà l’État tiers.» 16

Les conflits armés non internationaux ont leurs règles fixées par l’article 3 commun auxquatre Conventions de Genève ainsi que par le Protocole additionnel II.

Dans ce Protocole additionnel, les conflit armés non internationaux, selon l’article 1,alinéa 1, sont : « tous les conflits qui ne sont pas couverts par l’article 1 du Protocoleadditionnel I relatif aux Conventions de Genève du 12 août 1949, et qui se déroulent surle territoire d’une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces arméesdissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandementresponsable, exerce sur une partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette demener des opérations militaires continues et concertées».

Cependant les pirates ne participent pas directement aux désordres internes de laSomalie, leur activité criminelle est tournée vers l'extérieur, pas vers l'intérieur. La pirateriene peut donc pas être comprise dans le cadre du protocole II(1978) à la convention deGenève de 1949, car les groupes de pirates ne mènent pas d'opérations de type militaire"continues et concertés", en effet chaque groupe va chercher à s'approprier le plus deressources possibles sans se coordonner avec les autres groupes.

On voit qu'il est impossible de classifier la piraterie comme conflit, ou même commeconflit interne, notamment parce que les victimes de ces actes sont choisies par opportunitéet pas en fonction de leur appartenance à une faction/Etat particulier. En particulier, si l'onsuit le Protocole Additionnel II de la Convention de Genève, les pirates ne s'attaquent queminoritairement aux forces gouvernementales, celles-ci étant par ailleurs inexistantes. Demême il n'y a ni ligne idéologique ni objectif politique dans les actes de piraterie, l'appât dugain étant le principal motif des pirates.

b) Le cadre particulier de la piraterie somalienneY a-t-il une différence entre la piraterie au large de la Somalie et la piraterie en général quipourrait justifier de contourner la CUNDM? Quels sont les autres textes applicables à lapiraterie somalienne?

Du fait des particularités de leur pratique de la piraterie et de la situation géopolitiquede la Corne de l'Afrique, les pirates somaliens pourraient dépendre, en plus de la CNUDM,d'autres textes de droit international pénal, particulièrement au vu du terrorisme qui marquela région de l'Afrique de l'Est ainsi que le Moyen Orient. A première vue l'utilisationd'armes de guerre (type fusil d'assaut et lance-roquette) de manière indiscriminée sur despopulations civils désarmées, comme les assauts qui surviennent au large de la Corne de

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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l'Afrique54, pourraient être qualifiées de terroriste au sens commun du terme. Qu'en est-ilen termes de droit international?

La définition du terrorisme par le droit international est particulièrement polémique, eneffet le seul texte international donnant une définition du terrorisme est la Convention desNations Unies pour la Répression du Financement du Terrorisme de 1999 (Convention de1999, CNURFT). En effet la Convention définit le terrorisme dans son article second:

- un acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’undes traités énumérés en annexe;55 -tout autre acte destiné à tuer ou blessergrièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directementaux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ouson contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre ungouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenird’accomplir un acte quelconque.

On voit donc que l'on peut définir le terrorisme de deux manière: par le but de l'acte et par sanature. On peut dans un premier temps observer le but poursuivi par les pirates somalienspour voir s'il est de faire se plier un gouvernement à ses demandes par la terreur ou àintimider une population en particulier.

Même si la situation politique et militaire, extrêmement mouvante et fluide en Somalie,pourrait entraîner des évolutions à court terme il ne semble pas pour l'instant que les piratessomaliens puissent s'apparenter à des groupes qualifiés à la fois de pirates et de terroristes,tel qu'Abu Sayaf ou le MEND Nigérian.

Abu Sayaf est une extension du groupe islamiste radical "Front de libération Moro" auxPhilippines. Il a été crée en 1991 et base ses actions sur la volonté de créer un Etat islamistesur certains territoires des Philippines56. Ce mouvement est considéré comme terroriste par

54 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS REPORT FOR THEPERIOD OF 1 January – 31 March 2011. Page 46. "Five armed pirates in a skiff fired upon the tanker underway. An RPG fired bythe pirates made a hole in the accommodation block. The master increased speed, took evasive manoeuvres and managed to evadethe attempted boarding. All crew safe".55 Soit: la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (La Haye, 16 décembre 1970), Convention pour

la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 23 septembre 1971), Convention

sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y

compris les agents diplomatiques, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973, Convention

internationale contre la prise d’otages, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979,

Convention internationale sur la protection physique des matières nucléaires (Vienne, 3 mars 1980), Protocole pour la

répression d’actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale6, complémentaire à

la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 24 février 1988),

Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Rome, 10 mars 1988), Protocole

pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (Rome, 10

mars 1988), Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, adoptée par l’Assemblée

générale des Nations Unies le 15 décembre 1997.56 Mémoire pour le diplôme d’Université de 3ème cycle Analyse des Menaces Criminelles Contemporaines Présenté par

Antoine Salim Chebli, Dirigé par Stéphane Quéré, François Haut et Xavier Raufer"LA PIRATERIE MARITIME AU DEBUT DU XXIèmeSIECLE PANORAMA, MODES OPERATOIRES ET SOLUTIONS"pour l'INSTITUT DE CRIMINOLOGIE – UNIVERSITE PARIS IIPANTHEON-ASSAS, JUIN 2009, Pages 26.

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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les USA57 ainsi que par l'ONU depuis Octobre 2001 en application de la résolution 126758.On note que c'est le lien de cette organisation avec Al Qaeda qui a permis d'inscrire cemouvement comme terroriste, plus que ses actes de piraterie.

Bien que certains groupes somaliens, particulièrement Al-Shabaab, se battent pour lepouvoir contre les troupes du Gouvernement Fédéral de Transition, il n'en reste pas moinsque les différents groupes de pirates n'ont jamais proclamé d'Etat pirate ou de volonté desécession étant donné que l'Etat Fédéral n'engage pas d'actions d'envergure contre eux.

De même, les attaques des pirates somaliens, contrairement à celles du MENDNigérian par exemple, ne se focalisent pas sur un objectif précis. En effet le MEND nigérianse concentre sur des cibles de l'industrie pétrolière, autant pour les prises d'otages que pourles attaques à main armée proprement dites59. On note que la qualification de mouvementterroriste concernant le MEND reste elle aussi sujette à caution, l'Union Européennerefusant60 de le considérer comme terroriste alors que les Etats-Unis refusent de ne pas lereconnaître comme mouvement terroriste, cependant le MEND ne figure pas sur la liste desorganisations terroristes du Département d'Etat américain61.

Malgré le discours de certains groupes somaliens prétendant lutter contre la pêchesauvage et le dépôt illégal de produits toxiques62, les statistiques montrent que les piratess'attaquent à n'importe quel navire du moment qu'il est vulnérable. Ainsi un rapport del'ICC-IMB63 (International Center of Commerce- International Maritime Bureau) les bateauxattaqués autour de la Corne de l'Afrique sont de natures diverses: cargos, tankers,vraquiers, bateaux de pêche, dhows, yacht de plaisance…64 La qualification d'acte politiqueconcernant les vols à main armée de la piraterie somalienne ne peut donc pas s'appliquer,l'appât du gain semblant être la principale motivation des pirates. De même les pirates

57 Foreign Terrorist Organizations, Office of the Coordinator for Counterterrorism, 19 Mai 2011, consulté le 6 août 2011 sur:http://www.state.gov/s/ct/rls/other/des/123085.htm

58 Website du Comité sur le terrorisme du Conseil de sécurité faisant suite aux résolutions 1267 (1999) et 1989 (2011)concernant Al-Qaida et les personnes et entités qui lui sont associées , consulté le 6 août 2011 sur http://www.un.org/french/sc/committees/1267/NSQEA101F.shtml

59 Mémoire pour le diplôme d’Université de 3ème cycle Analyse des Menaces Criminelles Contemporaines Présenté parAntoine Salim Chebli, Dirigé par Stéphane Quéré, François Haut et Xavier Raufer"LA PIRATERIE MARITIME AU DEBUT DU XXIèmeSIECLE PANORAMA, MODES OPERATOIRES ET SOLUTIONS"pour l'INSTITUT DE CRIMINOLOGIE – UNIVERSITE PARIS IIPANTHEON-ASSAS, JUIN 2009, Pages 27 et 28.

60 Website d'information Eagleenstyle, "US, EU DIFFER ON MEND TERRORISM STATUS", 24 Octobre 2010, consulté le 6août 2011 sur: http://www.eagleenstyle.com/2010/10/24/us-eu-differ-on-mend-terrorism-status/

61 Foreign Terrorist Organizations, Office of the Coordinator for Counterterrorism, 19 Mai 2011, consulté le 6 août 2011 sur:http://www.state.gov/s/ct/rls/other/des/123085.htm

62 Interview de Paul Moreira Somalie, pirate ou piratée ? , 19/05/2011 consulté le 20 Août 2011, http://www.arte.tv/fr/3905174,CmC=3905364.html

63 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS REPORT FOR THEPERIOD OF 1 January – 31 March 2011.

64 ICC-IBM report, Op cit, page 19: "Vessels attacked included General Cargo, Bulk Carrier, all Tanker types, Ro Ro, Container,Fishing Vessel, Sailing Yacht, Dhow and Tugboat indicating the opportunistic nature of the attacks.", traduction, "Les navires attaquéscomprenaient des cargos en général, des vraquiers, tout type de tankers, des Ro Ro, des transporteurs de containers, des bateauxpêches, des yachts de plaisance, des dhows, cela indicant la nature opportunistes des attaques".

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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contactent les armateurs et pas les Etats pavillons ou d'origine des otages pour obtenir unerançon65.

On voit donc qu'il n'est pas possible de rattacher le but des actions des pirates auterrorisme. Mais qu'en est-il de la nature de ces actes?

La convention de 1999 sur la répression du financement du terrorisme indique uneliste de conventions définissant des actions rattachables au terrorisme. L'examen deces conventions révèle que la pratique de la piraterie au large de la Somalie pourraits'apparenter à plusieurs d'entre elles.

Premièrement la convention de 1988 sur la répression d'actes illicites contre la sécuritéde la navigation maritime (dite Convention de Rome) qui, dans son article 3, condamne laplupart des actes possiblement commis par les pirates somaliens:

1. Commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement etintentionnellement: a) s’empare d’un navire ou en exerce le contrôle par violenceou menace de violence; ou b) accomplit un acte de violence à l’encontre d’unepersonne se trouvant à bord d’un navire, si cet acte est de nature à compromettrela sécurité de la navigation du navire; ou c) détruit un navire ou cause à un navireou à sa cargaison des dommages qui sont de nature à compromettre la sécuritéde la navigation du navire; ou d) place ou fait placer sur un navire, par quelquemoyen que ce soit, un dispositif ou une substance propre à détruire le navireou à causer au navire ou à sa cargaison des dommages qui compromettent ousont de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire; ou e) détruitou endommage gravement des installations ou services de navigation maritimeou en perturbe gravement le fonctionnement, si l’un de ces actes est de natureà compromettre la sécurité de la navigation d’un navire; ou f) communique uneinformation qu’elle sait être fausse et, de ce fait, compromet la sécurité de lanavigation d’un navire; ou g) blesse ou tue toute personne, lorsque ces faitsprésentent un lien de connexité avec l’une des infractions prévues aux al. a) àf), que celle-ci ait été commise ou tentée. 2. Commet également une infractionpénale toute personne qui: a) tente de commettre l’une des infractions prévuesau par. 1; ou b) incite une autre personne à commettre l’une des infractionsprévues au par.1, si l’infraction est effectivement commise, ou est de toute autremanière le complice de la personne qui commet une telle infraction; ou c) menacede commettre l’une quelconque des infractions prévues aux al. b), c) et e) dupar. 1, si cette menace est de nature à compromettre la sécurité de la navigationdu navire en question, ladite menace étant ou non assortie, selon la législationnationale, d’une condition visant à contraindre une personne physique ou moraleà accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque.

Il est parfaitement clair que c'est la nature même de l'acte qui va le classifier commeterroriste et pas son but. Ainsi dans cette optique l'acte de piraterie au sens où il est commispar les pirates somaliens peut donc être rattaché au terrorisme.

65 Mémoire pour le diplôme d’Université de 3ème cycle Analyse des Menaces Criminelles Contemporaines Présenté parAntoine Salim Chebli, Dirigé par Stéphane Quéré, François Haut et Xavier Raufer "LA PIRATERIE MARITIME AU DEBUT DU XXIèmeSIECLE PANORAMA, MODES OPERATOIRES ET SOLUTIONS"pour l'INSTITUT DE CRIMINOLOGIE – UNIVERSITE PARIS IIPANTHEON-ASSAS, JUIN 2009, Pages 58.

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Dans son article 6, la Convention incite les Etats parties à prendre les mesuresnécessaires pour pouvoir exercer leur compétence sur les crimes décrit à l'article 2.Cependant, comme on l'a vu dans la première partie de ce titre, la plupart ne l'ont pas fait.

Bien que les pirates ne conduisent pas eux-mêmes d'actions dans un but terroriste, onpourrait cependant affirmer que les pirates soutiennent ou sont soutenus par des groupesterroristes, nombreux et puissants en Somalie66, il est donc légitime de s'interroger surles liens qui pourraient unir ces organisation criminelles, et tomber sous le coup de laConvention sur la répression du financement du terrorisme de 1999.

La Convention prévoit dans son article 2 que:-Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personnequi, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitementet délibérément, fournit ou réunit des fonds dans le but de les voir utilisés ouen sachant qu'ils seront utilisés en tout ou partie pour commettre - un actequi constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traitésénumérés en annexe;67 -tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvementun civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilitésdans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cetacte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou uneorganisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un actequelconque.

Le mouvement Al Shabaab n'a pas encore été condamné pour des actions terroristes, maisde forts soupçons pèsent sur eux, particulièrement pour les attentats à Kampala fin 2010qu'ils ont revendiqué. De même ils sont sur la liste des organisations terroristes du RoyaumeUni et des USA.

Les accusations de soutien au terrorisme de la part des pirates sont principalementle fait de la situation géopolitique régionale, en effet les suspicions autour de l'implicationdes mouvements islamistes somaliens Al-Shabaab et Hizb Al-Islam dans des actes de

66 Oriana Scherr and Christopher Griffin "Terrorist Threats in the Horn of Africa: A Net Assessment" in National Security Outlook,pour l'American Enterprise Institute for Public Policy Research, Juillet-Août 2007, 8 pages, Page 4.67 Soit: la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (La Haye, 16 décembre 1970), Convention pour

la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 23 septembre 1971), Convention

sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y

compris les agents diplomatiques, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973, Convention

internationale contre la prise d’otages, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979,

Convention internationale sur la protection physique des matières nucléaires (Vienne, 3 mars 1980), Protocole pour la

répression d’actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale6, complémentaire à

la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 24 février 1988),

Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Rome, 10 mars 1988), Protocole

pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (Rome, 10

mars 1988), Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, adoptée par l’Assemblée

générale des Nations Unies le 15 décembre 1997.

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terrorisme au niveau régional, notamment en Ouganda68 et au Kenya69, poussent às'interroger sur les possibles liens existant entre les pirates et ces mouvements armés.

Les liens entre les pirates et les mouvements armés sont pour le moins mouvants voirerratiques70. En effet les relations entre les diverses organisations oscillent entre deux types:la collaboration plus ou moins forcée et l'opposition ouverte. Il a été vérifié qu'en échanged'un service de "protection", les pirates ont reversé à plusieurs reprises une partie de leursgains au mouvement Al Shabaab. Cette part peut aller de 5 à 20 pour cent des gains, enfonction de l'implication d'Al Shabaab, de même il semble que les pirates aient utilisé leursconnexions avec le Yémen pour importer des armes à destination d'Al Shabaab. Cependantles relations restent particulièrement tendues, en Avril 2011 une attaque d'Al Shabaab sur undes principaux ports pirates (Haradeyre) a considérablement dégradé les relations entre lesorganisations. De même le Hizb Al Islam a toujours maintenu que la piraterie était contraireà son interprétation de l'Islam, en effet le Coran (2:33) interdit et punit sévèrement le volavec violence71. De même en 2009 alors que les pirates venaient de capturer le MV Faina,contenant des tanks et des armes légères, ils ont refusé de se plier aux demandes desShabaabs qui désiraient s'approprier une partie de la marchandise. Les relations entre lespirates et les organisations classées terroristes sont donc basées sur des opportunités, il n'ya pas de preuves tangibles de collaboration durable entre les organisations. De même, pourle financement, il est difficile de déterminer dans quelle mesure la part des gains accordéeà une partie d'Al Shabaab l'a été de façon contrainte. Il semble que cette "protection" relèveautant du racket que de la véritable coopération.

Un autre moyen de rattacher la piraterie au terrorisme serait de considérer la naturedes actes qu'elle entreprend, en effet une particularité importante de la piraterie au large dela Somalie est l'ampleur inédite des prises d'otages. Entre Janvier et Mars 2011 seulement,299 marins ont été pris en otages, 3 ont été blessés et 7 ont été tués72 au large de la Somalie;alors qu'au cours de l'année 2010, 1016 ont été pris en otage, 13 blessés et 8 tués. Onnotera que presque autant d'otages ont été tués au cours du premier trimestre 2011 quependant toute l'année 2010, alors que le nombre total d'otage est trois fois moins important,preuve s'il en fallait de la gravité du phénomène. Face à cela, le principal texte internationalapplicable est Convention internationale contre la prise d’otages conclue à New York le17 décembre 1979, ce texte est compris dans les actions de l'ONU contre le terrorisme73.Cependant, contrairement au terrorisme en tant que tel, c'est ici l'action en elle-même etpas le but de l'action qui est défini comme contraire au droit international. Peu importe iciquel est le but de l'action:

"Article 1Commet l’infraction de prise d’otages au sens de la présenteConvention, quiconque s’empare d’une personne (ci-après dénommée «otage»),

68 Emission de la BBC, 12 Juillet 2010, "Somali link' as 74 World Cup fans die in Uganda blasts", http://www.bbc.co.uk/news/10593771 consulté le 31/07/2011.

69 La Libre Belgique, archives du 03/12/2002, consulté le 6 août 2011 sur: http://www.lalibre.be/actu/international/article/93114/attentats-du-kenya-les-interrogations-sur-le-mossad-se-multiplient.html

70 Ce paragraphe est principalement basé sur un rapport du site Somalia Report "Al Shabaab, pirates and the West", consultéle 6 août 2011 sur: http://www.somaliareport.com/index.php/post/485

71 RAMIZAH WAN MUHAMMAD "FORGIVING SOMALI PIRATES: SHARIAH IN PRACTICE", page 4, consulté le 6 août 2011sur http://www.inter-disciplinary.net/wp-content/uploads/2011/06/muhammadfpaper.pdf

72 ICC-IBM report, Op cit, page 19.73 Site web des Nations Unies, consulté le 7 août 2011 http://www.un.org/french/terrorism/instruments.shtml

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ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afinde contraindre une tierce partie, à savoir un Etat, une organisation internationaleintergouvernementale, une personne physique ou morale ou un groupe depersonnes, à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir en tant quecondition explicite ou implicite de la libération de l’otage."74

De plus la convention dans son article 2 engage:" Tout Etat partie à réprimer les infractions prévues à l’article premier de peinesappropriées qui prennent en considération la nature grave de ces infractions "

Il est à noter cependant que, à l'article 3, la responsabilité de la lutte contre les prisesd'otages est donnée à l'Etat sur le territoire duquel survient le crime. On comprend aisémentque le gouvernement somalien ne peut pas assumer cette responsabilité, heureusementl'article 5 de la convention prévoit des éventualités permettant de s'affranchir en partie decette difficulté:

"Article 5: 1. Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sacompétence aux fins de connaître des infractions prévues à l’article premier,qui sont commises: a) Sur son territoire ou à bord d’un navire ou d’un aéronefimmatriculé dans ledit Etat; b) Par l’un quelconque de ses ressortissants, ou, sicet Etat le juge approprié, par les apatrides qui ont leur résidence habituelle surson territoire; c) Pour le contraindre à accomplir un acte quelconque ou à s’enabstenir; ou d) A l’encontre d’un otage qui est ressortissant de cet Etat lorsquece dernier le juge approprié."

Cependant les difficultés ne sont pas totalement surpassées puisque les pays concernéspar cet article ne sont pas forcement capables d'appliquer en pratique leur compétence,ce phénomène est amplifié par les pavillons de complaisance. En effet si l'on considèrel'année 2010, sur 445 attaques recensées, 82 ont concerné des navires immatriculés auPanama, 57 au Liberia, 40 à Singapour, 36 aux îles Marshall, 24 aux Antiga et Barbuda75.De ces cinq Etats, seul Singapour dispose d'une présence militaire sur place pour faireface à ses responsabilités. Concernant la nationalité des équipages, le constat est plusmitigé, en effet selon la Fédération Internationale de la Navigation (International ShippingFederation), les principaux pays fournisseurs de marins de commerce sont les pays del'OCDE, l'Inde, les Philippines, le Royaume-Uni, la Grèce, la Chine, l'Inde, le Japon, les paysde l'Extrême Orient et d'Asie du Sud Est76. Beaucoup de ces pays disposent d'une forcemilitaire dans l'Océan Indien, ils peuvent donc intervenir pour les prises d'otages concernantleurs ressortissants. Cependant des pays importants, comme les Philippines par exemple,ne disposent pas de cette possibilité.

Il est cependant possible de contourner le problème en considérant que, dans le cadrede la piraterie somalienne, les prises d'otages se font systématiquement en corrélation avecun acte de piraterie. Une intervention des forces habilitées à la lutte contre la piraterie peutrésulter en la détention de suspects à la fois pour des faits de piraterie et de prise d'otages,

74 Convention internationale contre la prise d’otages, Conclue à New York le 17 décembre 1979, consulté en ligne le 7

août 2011, http://www.otages-du-monde.com/base/IMG/pdf/0.351.4.fr.pdf75 ICC INTERNATIONAL MARITIME BUREAU PIRACY AND ARMED ROBBERY AGAINST SHIPS ANNUAL REPORT 1 January– 31 December 2010, page 17.76 Site web de la Fédération Internationale de la Navigation, consulté le 7 août 2011, http://www.marisec.org/shippingfacts/worldtrade/world-seafarers.php

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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or selon la convention une fois que des suspects pour prise d'otage sont retrouvés sur leterritoire d'un Etat parti, cet Etat se trouve dans l'obligation de juger ou d'extrader le suspect(article 8 de la Convention de 197977) pour la prise d'otage.

Au final la qualification de terroriste de la piraterie en Somalie n'apporte pas en elle-même grand-chose, et pourrait même être contre-productive78, cependant l'introductiondans les droits internes des conventions de Rome de 1988 et contre la prise d'otage (1979)permettrait de lutter plus efficacement contre les spécificités de la piraterie somalienne.

c) La nature des résolutions de l'ONU, comparaison avec l'AMISOMOn a vu que selon les textes internationaux la lutte contre la piraterie au large de la Cornede l'Afrique relève du maintien de l'ordre et pas du maintien de la paix. Cela est aussi visibledans une certaine mesure dans les mesures prises par la communauté internationale.

Enfin, dans le but de démontrer que les opérations autorisées par le Conseil de Sécuritéde l'ONU concernant la piraterie au large de la Somalie ne sont pas des opérations demaintien de la paix et donc non imputables à l'ONU, on peut examiner les différences entrel'autorisation donnée à la KFOR par la résolution 1244, à l'AMISOM par la résolution 1772et enfin aux opérations anti piraterie par la résolution 1816.

Dès la création de l'AMISOM, par le Conseil de Paix et Sécurité (CPS) de l’UA acceptele 19 janvier 2007 lors de sa 69ième session, cette mission a été soutenue par l'ONU. Eneffet la résolution 1744 du 20 Février 2007 du Conseil de Sécurité autorise la tenue del'AMISOM pour 6 mois avec pour mandat, défini à l'article 4 de:

a) Favoriser le dialogue et la réconciliation en Somalie en concourant à assurerla liberté de mouvement, les déplacements en toute sécurité et la protection detous ceux qui prennent part au dialogue évoqué aux paragraphes 1, 2 et 3; b)Assurer, le cas échéant, la protection des institutions fédérales de transition afinqu’elles soient en mesure d’assumer leurs fonctions et veiller à la sécurité desinfrastructures clefs; c) Aider, selon ses moyens et en coordination avec d’autresparties, à la mise en oeuvre du Plan national de sécurité et de stabilisation eten particulier au rétablissement effectif et à la formation des forces de sécurité

77 Art. 8, 1. "L’Etat partie sur le territoire duquel l’auteur présumé de l’infraction est découvert, s’il n’extrade pas ce dernier,soumet l’affaire, sans aucune exception, et que l’infraction ait été ou non commise sur son territoire, a ses autorités compétentes pourl’exercice de l’action pénale selon une procédure conforme à la législation de cet Etat. Ces autorités prennent leur décision dans lesmêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de nature grave conformément aux lois de cet Etat."

78 Rapport pour Chatham House Africa Programme and International Law Conference Report "Piracy and Legal Issues:Reconciling Public and Private Interests" 1er Octobre 2009, 57 pages Are there any benefits to be derived from labelling piracy asterrorism? It is sometimes thought that, politically, a counter-terrorism label might encourage greater pro-activity in international co-operation regarding prevention and enforcement. Some countries seek to galvanise states in the West to act against piracy by usingcounterterrorism legislation that may be defective in terms of human rights protections. But, given the serious nature of piracy it isunlikely to provide more incentive to states to provide for effective and dissuasive penalties. Piracy is already an offence with universaljurisdiction.p4. As a matter of English law (and indeed most western jurisdictions) the payment of a ransom is legal. This was confirmedby the House of Lords EU Money Laundering Committee in July 2009. However, that is conditional on there being no reasonable beliefthat the funds are being paid to or will be used by a terrorist organization. The events surrounding the Alakrana have brought thevexed issue of “prisoner exchange” to the fore. A Spanish vessel was hijacked, with mainly Spanish crew. Almost immediately, two ofthe pirate gang were arrested and taken to Spain for prosecution. Three crew members were thereupon taken ashore by the hijackersand their fate linked to those of the arrested pirates.

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somaliennes sans exclusive; d) Contribuer, à la demande et selon ses moyens,à la création des conditions de sécurité nécessaires à l’acheminement de l’aidehumanitaire; e) Protéger son personnel, ainsi que ses locaux, installations etmatériel, et assurer la sécurité et la liberté de mouvement de son personnel;

Ce mandat est renouvelé par la résolution 1772 du 20 Août 2007. A cette occasion leConseil de Sécurité de l'ONU place volontairement l'AMISOM dans le cadre des opérationsde maintien de la paix en mentionnant dans les considérants:

"La coopération entre l’ONU et les arrangements régionaux en matière demaintien de la paix et de sécurité, dans la mesure où ces questions se prêtent àune action régionale, fait partie intégrante de la sécurité collective organisée parla Charte."

On retrouve donc dans ces résolutions les mêmes particularités que celles de la résolution1244 qui avait autorisé la KFOR, et qui ont fait que la CEDH s'est déclarée incompétenteen pointant la responsabilité finale de l'ONU.

Retrouve-t-on ces particularités dans les résolutions de l'ONU concernant la piraterieau large de la Somalie?

La première particularité est le mandat, particulièrement précis, la définition desdifférentes missions de l'opération fait l'objet d'un article dans chacune des résolutionsautorisant une mission de maintien de la paix. Cependant dans les résolutions autorisant lesopérations anti piraterie l'article en question ne fait qu'énumérer les autorisations donnéesaux Etats participants aux opérations, l'exemple le plus parlant est l'article 7 de la résolution1816:

7. Décide que, pour une période de six mois à compter de l’adoption de laprésente résolution, les États qui coopèrent avec le Gouvernement fédéral detransition à la lutte contre la piraterie et les vols à main armée au large des côtessomaliennes et dont le Gouvernement fédéral de transition aura préalablementcommuniqué les noms au Secrétaire général sont autorisés : a) À entrer dans leseaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actes de piraterie et les vols àmain armée en mer, d’une manière conforme à l’action autorisée en haute mer encas de piraterie en application du droit international applicable; b) À utiliser, dansles eaux territoriales de la Somalie, d’une manière conforme à l’action autoriséeen haute mer en cas de piraterie en application du droit international applicable,tous moyens nécessaires pour réprimer les actes de piraterie et les vols à mainarmée;

On constate que le mandat se limite à la répression des actes de piraterie et de vol àmain armé, laissant aux Etats une grande marge de manœuvre quant à l'application de cemandat.

De même, concernant la KFOR et l'AMISOM, la délégation de pouvoir venant del'ONU a été nominativement donnée à une organisation régionale ou internationale,respectivement l'OTAN et l'Union Africaine. Or dans le cas des résolutions de l'ONUconcernant la piraterie, les autorisations ont été données aux:

"Etats qui coopèrent avec le Gouvernement fédéral de transition à la lutte contrela piraterie et les vols à main armée au large des côtes somaliennes et dont leGouvernement fédéral de transition aura préalablement communiqué les noms

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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au Secrétaire général sont autorisés" Résolution 1816 du Conseil de Sécurité del'ONU.

En effet l'autorisation nominative des opérations type Atalanta et autres n'est venu qu'àposteriori. Concernant un tel cas, la CEDH dans son arrêt Al-Jedda c Royaume-Uni79

a refusé de reconnaître la responsabilité de l'ONU. Dans les faits Mr Al Jedda, Irakiend'origine, nationalisé Britannique en 2000, revenu en Irak en 2004 a été détenu par lesforces de la coalition du 10 Octobre 2004 au 30 Décembre 2007. Il a été déchu de sanationalité durant son incarcération, après sa libération il a formé un recours devant les jugesanglais et suivi la procédure jusque devant la CEDH. Dans cette affaire la CEDH préciseque, si les forces de la coalition avait effectivement reçu pour mandat de rétablir la paix et lasécurité des Irakiens en tant que puissance occupante, cette autorisation avait été accordéa posteriori par les résolutions 1483 du 22 mai 2003 et 1511 du 16 Octobre 2003.

Dans son paragraphe 8380 la décision de la Cour base la différence avec la décisionBehrami c France sur trois piliers:

-L'autorisation a été donnée a posteriori, et pas a priori, les soldats de l'OTAN sontentrés au Kosovo après que la résolution 1244 ait été passée.

-L'autorisation n'a pas été donnée nominativement à une organisation ou à un Etat,mais une "force multinationale" des puissances occupants l'Irak alors que, concernant laKFOR et l'AMISOM, l'autorisation avait été donnée dès le début respectivement à l'OTANet à l'Union Africaine.

-Enfin, concernant la situation en Irak en 2003-2004, l'ONU a reconnu le fait accomplide l'occupation par la Coalition alors que dans les autres cas la mission avait été décidéeconjointement avec les organisations régionales et/ou internationales.

C'est pour cela que la Cour a retenu que le contrôle effectif de l'ONU sur les actions dela Coalition en Irak ne pouvait pas être prouvé, et qu'ainsi la Cour s'est reconnu compétentepour juger l'affaire Al Jedda.

Concernant ces jugements les résolutions autorisant les opérations de lutte anti-piraterie paraissent difficiles à classifier. En effet l'autorisation a certes été donnée a priori,mais aux Etats volontaires et pas nominativement. De même le mandat est vague et sujet à

79 CEDH GRANDE CHAMBRE, AFFAIRE AL-JEDDA c. Royaume-Uni, (Requête no 27021/08) ARRÊT 7 juillet 2011.80 CEDH GRANDE CHAMBRE, AFFAIRE AL-JEDDA c. Royaume-Uni, (Requête no 27021/08) ARRÊT 7 juillet 2011 paragraphe

83. Au vu de ce qui précède, la Cour estime, à l’instar de la majorité de la Chambre des lords, que le rôle joué par l’ONU en matièrede sécurité en Iraq en 2004 était très différent de celui que l’Organisation avait assumé dans ce même domaine au Kosovo en 1999.La mise en comparaison revêt d’autant plus d’intérêt que, dans la décision Behrami précitée, la Cour a notamment conclu que ladétention de M. Saramati était imputable à l’ONU et non à l’un quelconque des Etats défendeurs. Il convient de rappeler que laprésence internationale de sécurité au Kosovo avait été établie par la Résolution 1244, adoptée le 10 juin 1999, dans laquelle leConseil de sécurité, « [r]ésolu à remédier à la situation humanitaire grave qui exist[ait] au Kosovo, (...) [avait] décid[é] du déploiementau Kosovo, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, de présences internationales civile et de sécurité ». Il avait dès lorsautorisé « les Etats membres et les organisations internationales compétentes à établir la présence internationale de sécurité auKosovo » et indiqué qu’il devait y avoir « une participation substantielle de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord » au sein de laforce, qui devait « être déployée sous commandement et contrôle unifiés ». En outre, la Résolution 1244 avait autorisé le Secrétairegénéral à établir une présence internationale civile au Kosovo afin d’y assurer une administration intérimaire. L’ONU, par le biais dureprésentant spécial désigné par le Secrétaire général en consultation avec le Conseil de sécurité, devait diriger la mise en place dela présence internationale civile et agir en étroite coordination avec la présence internationale de sécurité (décision Behrami précitée,§§ 3, 4 et 41). Le 12 juin 1999, soit deux jours après l’adoption de la Résolution 1244, les premiers éléments de la KFOR, conduitepar l’OTAN, pénétraient dans cette région.

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interprétation de la part des Etats. En l'absence de jurisprudence concernant ces résolutionson ne peut que supposer que la CEDH ne retiendrait pas le contrôle effectif de l'ONU,notamment en raison du mandat extrêmement vague.

Heureusement la structure dans lesquelles sont intégrées les opérations de lutte anti-piraterie évitent toute ambigüité quant à la responsabilité à retenir.

d)Les Etats et les organisations internationales responsables selonles règles des opérations.

Trois principales opérations internationales sont menées actuellement contre la piraterieau large de la Somalie: l'opération Atalanta de l'Union Européenne, l'opération CTF-151emmenée par une coalition chapeautée par les USA et les opérations de l'OTAN, notammentOcean Shield. Ces trois opérations sont formées à partir de structures variées, une unionpolitique, une force multinationale ad hoc et une alliance militaire; pourtant elles en ont encommun le fait d'établir précisément les responsabilités juridiques.

Dans le cas de l'opération Atalanta et du CTF-151, les statuts des opérations sontparfaitement clairs:

L'opération EUNAVFOR-Atalanta.L'EUNAVFOR est la réponse de l'UE à l'appel lancé par l'ONU avec sa résolution 1816.Depuis sa création en septembre 2008 jusqu'en avril 2011, l'opération Atalanta a interpellé661 suspects81 ce qui en fait l'opération ayant interpellé le plus de pirates à elle seule. Deplus l'opération a complété sa 100ème escorte d'un bâtiment du PAM en Juin 201182.

Contrairement à son prédécesseur, la cellule de coopération EUNAVCO, l'opérationEUNAVFOR-Atalanta place l'Union Européenne au centre de l'opération. En effet les statutsde l'EUNAVCO, adopté par une Action Commune de septembre 200883, spécifiaient dansson article 11, relatif à la responsabilité qu':

1. Il appartient à l’État membre ayant détaché du personnel auprès de la cellulede coordination de l’Union européenne de répondre de toute plainte liée audétachement, qu’elle émane d’un agent ou qu’elle le concerne. Il appartient àl’État membre en question d’intenter toute action contre l’agent détaché. 2. Ilappartient aux États membres de répondre de toute plainte émanant d’un tiersliée aux opérations navales menées par les navires battant leur pavillon dans lecadre de la participation de ces États à la mise en œuvre de la résolution 1816(2008) du CSNU.

L'Etat est donc, dans le cas de l'EUNAVCO, le seul responsable de ses actions. Cependantl'UE fait un demi-tour complet sur ce sujet en établissant l'EUNAVFOR dans une Action

81 Blog de Nicolas Gros-Verheyde "Bruxelles2", dernière mise à jour 6 avril 2011, consulté le 12 août 2011, http://www.bruxelles2.eu/bilan-des-operations-anti-piraterie-eunavfor-atalanta-ctf-otan-russie-exclusif82 "EU NAVFOR COMPLETES 100TH AMISOM ESCORT ", June 2, 2011, consulté le 12 Août 2011, http://www.eunavfor.eu/2011/06/eu-navfor-completes-100th-amisom-escort/

83 Action commune 2008/749/PESC du Conseil du 19 septembre 2008 relative à l’action de coordination militaire de l’Unioneuropéenne à l’appui de la résolution 1816 (2008) du Conseil de sécurité des Nations unies (EU NAVCO) Journal officiel n° L 252du 20/09/2008 p. 0039 – 0042.

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Commune de Novembre 200884, en effet on ne trouve aucune trace de la responsabilité desEtats dans l'établissement de l'EUNAVFOR.

L'opération Atalanta, selon ses statuts, est donc une opération militaire de l'UnionEuropéenne (article 1), la première opération maritime militaire en application de laPolitique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD)85. C'est une mission "d'appui" auxrésolutions 1814, 1816 et 1838 de l'ONU, le but de la mission consistant:

— à la protection des navires du PAM qui acheminent l’aide alimentaire auxpopulations déplacées de Somalie, conformément au mandat de la résolution1814 (2008) du CSNU. — à la protection des navires vulnérables naviguant aularge des côtes de Somalie, ainsi qu’à la dissuasion, à la prévention et à larépression des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtesde la Somalie, conformément au mandat défini dans la résolution 1816 (2008) duCSNU.

On voit que l'UE considère les résolutions de l'ONU comme un cadre pour sa missioncependant, au vu de l'étendue du mandat onusien, l'UE fixe dans un second article sonpropre mandat pour mener à bien cette mission. EUNAVFOR devra donc:

a) fournit une protection aux navires affrétés par le PAM, y compris par laprésence à bord des navires concernés d’éléments armés d’Atalanta, enparticulier lorsqu’ils naviguent dans les eaux territoriales de la Somalie; b)protège les navires marchands naviguant dans les zones où elle est déployée,en fonction d’une appréciation des besoins au cas par cas; c) surveille les zonesau large des côtes de la Somalie, y compris ses eaux territoriales, présentantdes risques pour les activités maritimes, en particulier le trafic maritime; d)prend les mesures nécessaires, y compris l’usage de la force, pour dissuader,prévenir et intervenir afin de mettre fin aux actes de piraterie ou aux vols à mainarmée qui pourraient être commis dans les zones où elle est présente; e) en vuede l’exercice éventuel de poursuites judiciaires par les États compétents dansles conditions prévues à l’article 12, peut appréhender, retenir et transférer lespersonnes ayant commis ou suspectées d’avoir commis des actes de piraterieou des vols à main armée dans les zones où elle est présente et saisir les naviresdes pirates ou des voleurs à main armée ou les navires capturés à la suite d’unacte de piraterie ou de vols à main armée et qui sont aux mains de pirates ainsique les biens se trouvant à leur bord; f) établit une liaison avec les organisationset entités, ainsi qu’avec les États agissant dans la région pour lutter contre lesactes de piraterie et les vols à main armée au large des côtes de la Somalie, enparticulier la force maritime «Combined Task Force 150» agissant dans le cadrede l’opération «Liberté immuable».

Quant à la responsabilité, il semble que ce soit vers l'UE qu'il faille se tourner, en effet lesarticles 6 et 7 établissent que:

84 ACTION COMMUNE 2008/851/PESC DU CONSEIL du 10 novembre 2008 concernant l’opération militaire de l’Union européenneen vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au largedes côtes de la Somalie, 12.11.2008 ,Journal officiel de l’Union européenne L 301/33

85 Interview du 22 Décembre 2008 de l'Amiral de Lastic, consulté le 11 août 2011.

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Article 6 Contrôle politique et direction stratégique 1. Sous la responsabilité duConseil, le Comité politique et de sécurité (COPS) exerce le contrôle politiqueet la direction stratégique de l’opération militaire de l’UE. Le Conseil autorisele COPS à prendre les décisions appropriées, conformément à l’article 25 dutraité. Cette autorisation porte notamment sur les compétences nécessairespour modifier les documents de planification, y compris le plan d’opération,la chaîne de commandement et les règles d’engagement. Elle porte égalementsur les compétences nécessaires pour prendre des décisions concernant lanomination du commandant de l’opération de l’UE et/ou du commandant dela force de l’UE. Le pouvoir de décision concernant les objectifs et la fin del’opération militaire de l’UE demeure de la compétence du Conseil, assisté parle Secrétaire général/Haut Représentant (SG/HR). 2. Le COPS rend compte auConseil à intervalles réguliers. 3. Le COPS reçoit, à intervalles réguliers, desrapports du président du comité militaire de l’UE (CMUE) en ce qui concerne laconduite de l’opération militaire de l’UE. Le COPS peut, le cas échéant, inviterle commandant de l’opération de l’UE et/ou le commandant de la force de l’UE àses réunions. Article 7 Direction militaire 1. Le CMUE assure le suivi de la bonneexécution de l’opération militaire de l’UE conduite sous la responsabilité ducommandant de l’opération de l’UE. 2. Le CMUE reçoit, à intervalles réguliers, desrapports du commandant de l’opération de l’UE. Il peut, le cas échéant, inviter lecommandant de l’opération de l’UE et/ou le commandant de la force de l’UE à sesréunions. 3. Le président du CMUE fait office de point de contact principal avec lecommandant de l’opération de l’UE.

L'Union Européenne, à travers le Conseil et le COPS, assure donc le contrôle politique et ladirection stratégique de l'opération, ainsi que le commandement militaire à travers le CMUEet la nomination des commandants des opérations. Il est donc clair que la responsabiliténe peut en aucun cas aller à l'ONU. De même il n'existe pas d'obligation de communicationentre l'opération de l'UE et le secrétaire de l'ONU, comme cela a pu exister pour la KFOR,ici la communication se fait selon la bonne volonté des parties. L'article 15 permet decommuniquer des informations classifié par l'UE au secrétariat général de l'ONU.

De même c'est l'UE qui fixe la durée de l'opération dans son article 16, en laconditionnant toutefois au renouvellement des résolutions de l'ONU.

Le rôle de l'Etat reste primordial dans le cas des suites judiciaires, comme indiqué àl'article 12, paragraphe 1:

1. Sur la base de l’acceptation de la Somalie quant à l’exercice de leur juridictionpar des États membres ou des États tiers, d’une part, et de l’article 105 de laconvention des Nations unies sur le droit de la mer, d’autre part, les personnesayant commis ou suspectées d’avoir commis des actes de piraterie ou des volsà main armée appréhendées et retenues en vue de l’exercice de poursuitesjudiciaires dans les eaux territoriales de la Somalie ou en haute mer, ainsi queles biens ayant servi à accomplir ces actes, sont transférés: — aux autoritéscompétentes de l’État membre ou de l’État tiers participant à l’opération dont lenavire, qui a réalisé la capture, bat le pavillon, ou — si cet État ne peut pas oune souhaite pas exercer sa juridiction, à un État membre ou à tout État tiers quisouhaite exercer celle-ci sur les personnes ou les biens susmentionnés.

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Les suspects seront poursuivis sur la base du droit interne des Etats qui souhaitent oupeuvent assumer cette responsabilité. Il est à noter que ce "souhait" est en réalité à attribuerà la capacité des Etats car rares sont les Etats à pouvoir poursuivre les suspects, notammentdu fait d'une législation inadaptée.

De même il est important de noter que l'Union Européenne en tant que tel n'est paspartie prenante de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, même si cela estprévu. Elle ne peut donc pas être poursuivie pour des atteintes à cette convention, alorsque les Etats qui la composent le peuvent. Il serait donc plus avantageux pour les suspectscontestant leur arrestation, ou se plaignant des conditions de celle-ci, de poursuivre les paysindividuellement et pas l'Union Européenne.

Le CTF 151De son côté le CTF 151 est encore plus clair. Cette opération est une "Combined TaskForce", ce terme désignant en jargon militaire américain une force ad hoc incluant des unitésde plusieurs nationalités, c'est donc une opération coalisée86. Le CTF est incluse au seindu CMF "Combined Maritime Forces", crée par les Etats-Unis en 2002 pour assurer desopérations de sécurité dans l'Océan Indien, la Mer Rouge, le Golfe Persique, et le Golfed'Aden, qui rassemble 25 pays87. Sa principale mission était au départ de lutter contre leterrorisme et la contrebande d'armes, notamment au travers du CTF 150. Le CTF 151 aété lui créé en 2009, avec pour mission de prévenir la piraterie dans le Golfe d'Aden et aularge de la Somalie.

Le CTF 151 n'a pas, contrairement à l'EUNAVFOR, de mandat plus précis que "prévenir,contrer et supprimer" les activités de piraterie"88. Il n'est pas fait référence aux résolutionsde l'ONU, ni à la possibilité d'intervenir dans les eaux somaliennes, de même que la logiqued'intervention adoptées sont radicalement différentes. En effet selon un ancien commandantdu CMF les mesures les plus efficaces sont les mesures "défensives et non-cinétiques"89, iln'est donc pas dans les préoccupations du CTF d'assumer les suites judiciaires potentielles.

Cela est confirmé par les statuts du CMF qui précisent que:"La participation est purement volontaire. Il n'est demandé à aucune nationd'accomplir quelque devoir que ce soit qu'il ne veuille accomplir. La contributionde chaque pays varie en fonction de ses capacités à contribuer aux ressourceset de la disponibilité de ces ressources à un moment donné. Les 25 nations

86 Site internet des forces armées Canadiennes, consulté le 14 Août 2011, http://www.cfd-cdf.forces.gc.ca/sites/page-fra.asp?page=1086987 Australie, Bahrain, Belgique, Canada, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Italie, Japon, Jordanie, Republique de Corée, Kuwait,les Pays-Bas, Nouvelle Zélande, Pakistan, Portugal, Arabie Saoudite, Singapoure, Espagne, Thaïlande, Turquie, Emirats Arabes Unis,Royaume Uni et Etats Unis.

88 En Anglais: "to deter, disrupt and suppress", web site du CTF 151, consulté le 12 Août 2011, http://www.cusnc.navy.mil/cmf/151/index.html

89 "The most effective measures we've seen to defeat piracy are non-kinetic and defensive in nature". Article sur le site officialde la Navy américaine, "New Counter-Piracy Task Force Established" Story Number: NNS090108-01 , datant du 8 Aout 2009 , consultéle 12 Août 2011, http://www.navy.mil/search/display.asp?story_id=41687

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comprises dans le CMF ne sont pas liés par quelque mandat politique ou militaireque ce soit, le CMF est une organisation flexible"90

Consultés à propos du droit applicable quant aux navires sous l'égide du CMF, les servicesde communication du CMF ont répondus91 de la manière suivante:

"Chaque nation contribuant au CMF applique ses propres lois internes auxunités qu'elle déploie. Donc, les actions d'un navire de guerre et de son équipagedoivent être sujets aux cours nationales de la nation mère et doivent dépendredes arrangements constitutionnels particuliers en place dans chaque nation.Par exemple, une action d'une unité du Royaume Uni serait sujette à une actionen justice contre le ministère de la Défense anglais devant la Haute Cour àLondres, mais les actions d'individus au sein de cette unité serait sujet à lajuridiction de la Cour Martiale. Selon l'article 105 de la CNUDM, l'Etat dontdépend le navire de guerre qui a capturé les pirates suspectés peut les jugerdevant ses cours nationales, au Royaume Uni la cour appropriée serait la Courcivile de la Couronne. De même, comme la piraterie est un crime avec unejuridiction universelle, elle peut transférer les suspects à un Etat tiers pour despoursuites .Des pirates ont été régulièrement transférés depuis des navires del'UE et des Etats-Unis vers le Kenya. Au Kenya les pirates sont jugés devant laCour des Magistrats. Dans de nombreuses législations de type anglo-saxonnes lapiraterie est un crime d'Amirauté et en conséquence ils devraient être jugés pardes cours d'Amirauté. Cependant, de nombreuse cours d'Amirauté ont transférésleurs juridictions criminelles aux cours criminelles générales. Aux Etats unis lespirates sont jugés devant une Cour Fédérale Criminelle."92

Il est donc clair qu'ici non plus, l'ONU ne pourra pas être reconnue responsable, étantdonné l'importance du droit interne et le manque de cadre juridique véritable autour de cetteopération. C'est une alliance purement militaire, visant la dissuasion, et dont le principal outilde ralliement est le centre de commandement américain à Manama (Bahreïn).

90 "Participation is purely voluntary. No nation is asked to carry out any duty that it is unwilling to conduct. The

contribution from each country varies depending on its ability to contribute assets and the availability of those assets at

any given time. The 25 nations that comprise CMF are not bound by either a political or military mandate.. CMF is a flexible

organization". Site officiel du CMF, consulté le 12 Août 2011, http://combinedmaritimeforces.com/about/91 Courrier électronique en Annexe.92 Texte original: "Each CMF contributing nation would apply its own national laws to the units it deploys. So, the actions

of a warship and its crew would be subject to the national courts of the parent nations and would depend on the particular

constitutional arrangements in place in each nation. For example, a the actions of a UK unit would be subject to challenge

against the MOD in the High Court in London, but the actions of individuals in that unit would be under the jurisdiction of

the Court Martial. Under UNCLOS 105 the State of the warship that seized suspected pirates could try them in its national

courts, and in the UK the appropriate court would be the civilian Crown Court. Similarly, as piracy is a crime with universal

jurisdiction, the capturing state can transfer them to a third state for prosecution. Pirates have regularly been transferred

to Kenya from EU and US ships. In Kenya pirates are tried in the Magistrates' Courts. In many common law states, piracy is

a crime of Admiralty jurisdiction and piracy would be tried in the Admiralty courts. However, many Admiralty courts have

transferred their criminal jurisdiction to the general criminal courts. In the US, pirates are tried before Federal criminal

courts."

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L'OTANEnfin, les opérations de l'OTAN sont encore un cas à part. Contrairement aux opérationsdu CMF, les opérations de l'OTAN sont des opérations interalliées. Une opération interalliéeest une opération multinationale fondée sur des normes, des procédures et des accordsformels93. L’alliance se décide le 10 octobre 2008 à lancer sa propre opération en détachantle Groupe maritime permanent n° 2 (SNMG 2), dépendant du QG de Naples, dans la zone.

L’opération Allied Provider, a ensuite été lancée le 24 octobre 2008 sous le contrôleopérationnel du Commandement allié de composante maritime à Naples sous la directiondu Quartier général de commandement des forces interarmées de l’OTAN à Naples. Lesbâtiments de l’OTAN ont escorté plusieurs convois du PAM, et ont effectué des missions depatrouille et de surveillance aérienne. L’opération a pris fin le 12 décembre 2008 lorsquel’OTAN a passé le relais à l’opération Atalanta de l’UE » (rapport Jopling). EUNAVFOR aété approuvée par le conseil de l’UE le 8 décembre 2008 pour un mandat d’un an (prorogéen juin 2009). De mars à juni 2008, le groupe maritime permanent n° 1 (SNMG 1) a conduitun deuxième mandat « Allied Protector » dans la zone

L'alliance a décidé en Août 2009 un élargissement de son action, par la mise en place del'opération "Ocean Shield". « un nouvel élément a été introduit dans le cadre de l'opérationOcean Shield, à savoir le développement des capacités de lutte contre la piraterie des Étatsrégionaux. Il a pour but de permettre à l'OTAN d'aider les États régionaux qui en feront lademande à développer leur propre capacité de lutte contre la piraterie. Cette composantede l'opération doit compléter les efforts internationaux en cours et contribuer à améliorer lasécurité maritime au large de la Corne de l'Afrique ». Le commandement opératif est assurépar le Commandement de Lisbonne, le commandement tactique par le Commandement decomposante maritime à Northwood94

Cependant cette opération a été très critiquée par des observateurs européens95.Premièrement pour des raisons politiques, l'OTAN ayant donné l'impression de ne pasvouloir se laisser distancer par des opérations de l'UE, fut-ce au prix de l'efficacité del'opération. En effet, entre avril 2008 et avril 2011, malgré un nombre d'arrestation important(233), les opérations de l'OTAN sont celles qui ont le moins remis de suspects aux autoritésjudiciaires (ratio de 15%)96. Les observateurs expliquent cette contre-performance par lemanque de cadre juridique strict ainsi le manque d'accords bilatéraux entre l'OTAN et lesEtats susceptible d'accueillir ces suspects, les deux étant liés. En effet l'OTAN est avant toutune organisation à but militaire et n'a pas vocation à assurer des opérations de maintien del'ordre; de plus, bien que l'OTAN soit doté de la personnalité juridique, elle ne dispose pasde cadre légal permettant l'intervention face aux pirates. De même, comme on l'a vu pourl'affaire Behrami C France, les justiciables préfèrent poursuivre les Etats en tant qu'Etats etnon en tant que membres de l'OTAN (alors même que la KFOR était directement dirigée

93 Site internet des forces armées Canadiennes, consulté le 14 Août 2011, http://www.cfd-cdf.forces.gc.ca/sites/page-fra.asp?page=10869

94 Olivier Kempf, pour le blog "EGEA", Piraterie maritime : Atalante, Allied Protector, CTF 151 et les autres, août 28 2009,consulté le 14 Août 2011. http://www.egeablog.net/dotclear/index.php?post/2009/08/28/Piraterie-maritime

95 Olivier Kempf Op Cit, ainsi que Nicolas Gros-Verheyde, "(analyse) L'opération "récup" de l'Otan contre les pirates enSomalie"21 octobre 2008, consulté le 14 Août 2011, http://bruxelles2.over-blog.com/article-23781343.html et "L'initiative anti-pirateriede l'Otan fait flop" 12 juin 2009, consulté le 14 Août 2011, http://bruxelles2.over-blog.com/article-32547565.html

96 Blog de Nicolas Gros-Verheyde "Bruxelles2", dernière mise à jour 6 avril 2011, consulté le 12 août 2011, http://www.bruxelles2.eu/bilan-des-operations-anti-piraterie-eunavfor-atalanta-ctf-otan-russie-exclusif

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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par l'OTAN). Cela s'explique par le fait que l'OTAN n'est pas membre de la ConventionEuropéenne des droits de l'Homme, elle ne peut donc pas être poursuivies devant laCEDH, de même elle ne peut pas être poursuivies par la CIJ puisque "seuls les Etats sontautorisés à avoir recours à et à comparaître devant la Cour Internationale de Justice. Lesorganisations internationales, les collectivités privées ou les personnes publiques ne sontpas autorisées à engager des procédures devant la Cour"97.

Autre exemple, Aïcha Kadhafi, fille de Mouammar Kadhafi, avait porté plainte devant leparquet de Paris le 10 juin 2011 pour "assassinat" et "crimes de guerre" avait été déposéele 10 juin et visait l'Otan, "les officiers militaires français" intervenant dans l'opération del'Otan, "le ministre de la Défense" Gérard Longuet et "le président de la République, chefdes armées" Nicolas Sarkozy. Elle a été classée sans suite le 30 juin, en vertu du code de laDéfense, qui prévoit qu'un militaire qui "exerce des mesures de coercition ou fait usage de laforce armée" dans le cadre d'une opération "se déroulant à l'extérieur du territoire français"n'est "pas pénalement responsable".98 Dans cette affaire on note que les soldats françaisn'ont pas été reconnus comme sous la responsabilité de l'OTAN mais du commandementfrançais. De même concernant une plainte similaire en Belgique, le parquet fédéral Belges'est déclaré incompétent, en effet la plainte visait le personnel de l'OTAN en Belgique selonla règle de compétence universelle99. Or les personnes visées bénéficient de la protectiondiplomatique accordée par la Convention entre les Etats parties au Traité de l'AtlantiqueNord sur le statut de leurs forces adoptée en juin 1951100.

De plus si l'on considère le traité original de 1949, l'article 7 précise:Le présent Traité n'affecte pas et ne sera pas interprété comme affectant enaucune façon les droits et obligations découlant de la Charte pour les parties quisont membres des Nations Unies ou la responsabilité primordiale du Conseil deSécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales

On peut en déduire que les Etats intervenant dans le cadre l'OTAN ne sont pas déchargésde leurs responsabilités par la personnalité juridique de l'OTAN.

Il est donc clair que la responsabilité retenue lors des opérations de l'OTAN estprincipalement celle des Etats participants. En conclusion on a donc trois opérationsqui renvoient à une multitude de juridictions et de responsabilités différentes, maisprincipalement celles des Etats.

97 "Only States may apply to and appear before the International Court of Justice. International organizations, other collectivitiesand private persons are not entitled to institute proceedings before the Court.", sur le site Internet de la Cour Internationale de Justice,consulté le 14 Août 2011, http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1

98 Site Internet du Figaro "Fille Kadhafi: plainte classée sans suite" , AFP Publié le 07/07/2011, consulté le 14 Août 2011, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/07/07/97001-20110707FILWWW00572-plainte-de-la-fille-kadhafi-classee-sans-suite.php

99 Site Internet de l'AFP "Belgique: une plainte de la fille Kadhafi contre l'Otan classée sans suite" (AFP) – 27 juil.2011 , consulté le 14 Août 2011 http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jiQmz_RRsVUl9Oc3PSPGfnp8orpw?docId=CNG.1ca1d11a34b791cc7ec297ab2589e39f.491

100 Londres, 19 juin 1951 Convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs force Article8)5)g, " Aucune voie d'exécution ne peut être pratiquée sur un membre d'une force ou d'un élément civil lorsqu'un jugement a étéprononcé contre lui dans l'Etat de séjour s'il s'agit d'un litige né d'un acte accompli dans l'exécution du service;"

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I. Maintien de la paix ou maintien de l'ordre?

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Conclusion de la partieLa communauté internationale, face à la combinaison de la piraterie et d'un Etatfailli, invente un nouveau type d'intervention internationale: une opération de policemaritime avec un cadre d'opération de maintien de la paix. C'est une réponse ambigüe:d'un côté elle permet un engagement assez libre de divers Etats et organisationsinternationales, ce qui alloue aux participants une grande marge de manœuvre tout enévitant l'instauration d'un commandement unifié qui poserait une importante gamme dedifficultés. Ces difficultés seraient premièrement d'ordre technique, l'infrastructure pourgérer des opérations impliquant autant de nationalités et de chaînes de commandementserait extrêmement importante et ne ferait que rajouter au coût déjà élevé de la piraterie,de même la nature du terrain, de par l'immensité de la zone couverte, implique une grandemarge de manœuvre pour garder un minimum d'efficacité. Secondement des difficultésd'ordre politique pourraient apparaître, en effet le caractère mondial du problème ainsique son positionnement géographique (les deux étant liés) implique l'engagement denombreuses nationalités ayant le même intérêt à réduire la piraterie dans cette zone maisayant des contentieux entre eux. Par exemple faire coopérer l'Iran et les Etats Unis dans unestructure de commandement unifiée pourrait être nuisible à l'efficacité d'une opération déjàdifficile à mener. De même la nature des forces engagées, des navires de guerre coûteuxet représentant pour nombre de pays à la fois un investissement financier et technologiqueimportant et aussi une fierté nationale, tend à limiter les possibilités d'une délégation depouvoirs de ces forces à un commandement unifié.

Cette forme d'engagement de la communauté internationale permet donc bien unengouement pour des opérations qui seraient normalement boudées par des puissancesrégionales telles que l'Iran, la Chine ou dans une moindre mesure la Russie. Cependant elleimplique un certain nombre de conséquences, dont la plus importante est la multiplicationdes juridictions pour le jugement de forces armées et des suspects de piraterie. Malgréune réponse organisée et cadrée par la communauté internationale on voit que, comme leprévoit la Convention de l'ONU sur le droit de la mer, les Etats restent au centre de la luttecontre la piraterie même dans le cadre d'un Etat failli ou en faillite. L'abondance de textesinternationaux et de résolutions est une manière de coordonner les actions des Etats, maiselle peut aussi nuire à la clarté de la qualification des actions en mer.

On verra dans la seconde partie du mémoire quelles conséquences cela a entraîné etquelles ont été les mesures prises pour limiter ces conséquences. On verra de même queces solutions ne sont pas idéales pour lutter contre le cas très particulier de la piraterie aularge de la Corne de l'Afrique.

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II. Les difficultés provoquées par lesambiguïtés des mesures de lutte contrela piraterie.

Introduction de la partie: On a vu lors de la première partie quel cadre a été donnéaux opérations de lutte contre la piraterie, nous allons voir dans cette partie quellesconséquences a ce cadre ambigu sur la mise en pratique des opérations de répression ducrime de piraterie et de jugement des individus suspects capturés.

Il convient tout d'abord de partir d'un constat factuel: 90% des présumés capturés sontrelâchés par les autorités de captation101. Quels en sont les raisons?

Nous verrons dans un premier temps que le contexte de respect du droit internationalet interne particulièrement complexe fait hésiter les autorités au moment de garder endétention les pirates. Nous verrons que cette inaction forcée permet le développement deservices de protection privés à la faveur d'un vide juridique international.

1) L'intervention en mer contre la piraterie: unecompétition publique/privé ?

Comme l'affirme la CIJ "les considérations élémentaires d'humanité s'applique en touteoccasion et pas seulement dans les conflits armés"102. Les opérations de maintien del'ordre peuvent impliquer l'utilisation de la contrainte voir de la force, avec cette contrainteet cette force viennent un certain nombre de responsabilités variant selon les législationsinternes des Etats et leurs engagements internationaux, ces règles sont fixes et déterminéespar des textes ainsi que par des jurisprudences. Cependant au vu de l'échec de lalutte contre la piraterie l'utilisation de gardes privés et armés s'est généralisé sur lesnavires de commerces. A l'inverse des Etats, ces gardes privées opèrent dans un cadreparticulièrement flou. On essaiera dans ce chapitre de déterminer quel degré de force et decontrainte peut-être employé contre les pirates au large de la Somalie

a) Les droits et devoirs des Etats quant à l'usage de la force et de lacontrainte contre les pirates.

101 Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au largedes côtes somaliennes, 52 pages, page 17.102 Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, merits (Nicaragua v. United States) 27 June 1986, ICJ Reports (1986).

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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La Convention de Montego Bay est claire sur l'attribution de la compétence des navires deguerre sur la répression de la piraterie, elle pose les bases de l'action contre la piraterieen mer à l'article 105:

Tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridictiond'aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronefcapturé à la suite d'un acte de piraterie et aux mains de pirates, et appréhenderles personnes et saisir les biens se trouvant à bord.

Concernant la fouille, l'arraisonnement et la saisie, la Convention de Montego Bay préciseque:

Article 110 1. Sauf dans les cas où l'intervention procède de pouvoirs conféréspar traité, un navire de guerre qui croise en haute mer un navire étranger,autre qu'un navire jouissant de l'immunité prévue aux articles 95 et 96, ne peutl'arraisonner que s'il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire: a)se livre à la piraterie; (…) 2. Dans les cas visés au paragraphe 1, le navire deguerre peut procéder à la vérification des titres autorisant le port du pavillon. Acette fin, il peut dépêcher une embarcation, sous le commandement d'un officier,auprès du navire suspect. Si, après vérification des documents, les soupçonssubsistent, il peut poursuivre l'examen à bord du navire, en agissant avec tousles égards possibles.103 3. Si les soupçons se révèlent dénués de fondement, lenavire arraisonné est indemnisé de toute perte ou de tout dommage éventuel,à condition qu'il n'ait commis aucun acte le rendant suspect. 4. Les présentesdispositions s'appliquent mutatis mutandis aux aéronefs militaires. 5. Lesprésentes dispositions s'appliquent également à tous autres navires ou aéronefsdûment autorisés et portant des marques extérieures indiquant clairement qu'ilssont affectés à un service public. Article 111 1. La poursuite d'un navire étrangerpeut être engagée si les autorités compétentes de l'Etat côtier ont de sérieusesraisons de penser que ce navire a contrevenu aux lois et règlements de cetEtat. Cette poursuite doit commencer lorsque le navire étranger ou une de sesembarcations se trouve dans les eaux intérieures, dans les eaux archipélagiques,dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë de l'Etat poursuivant, et ne peutêtre continuée au-delà des limites de la mer territoriale ou de la zone contiguëqu'à la condition de ne pas avoir été interrompue. Il n'est pas nécessaire quele navire qui ordonne de stopper au navire étranger naviguant dans la merterritoriale ou dans la zone contiguë s'y trouve également au moment de laréception de l'ordre par le navire visé. Si le navire étranger se trouve dans lazone contiguë, définie à l'article 33, la poursuite ne peut être engagée que s'ila violé des droits que l'institution de cette zone a pour objet de protéger. 2.Le droit de poursuite s'applique mutatis mutandis aux infractions aux lois etrèglements de l'Etat côtier applicables, conformément à la Convention, à la zoneéconomique exclusive ou au plateau continental, y compris les zones de sécuritéentourant les installations situées sur le plateau continental, si ces infractionsont été commises dans les zones mentionnées. 3. Le droit de poursuite cessedès que le navire poursuivi entre dans la mer territoriale de l'Etat dont il relève

103 Emphase rajoutée.

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ou d'un autre Etat. 4. La poursuite n'est considérée comme commencée que si lenavire poursuivant s'est assuré, par tous les moyens utilisables dont il dispose,que le navire poursuivi ou l'une de ses embarcations ou d'autres embarcationsfonctionnant en équipe et utilisant le navire poursuivi comme navire gigogne setrouvent à l'intérieur des limites de la mer territoriale ou, le cas échéant, dansla zone contiguë, dans la zone économique exclusive ou au-dessus du plateaucontinental. La poursuite ne peut commencer qu'après l'émission d'un signal destopper, visuel ou sonore, donné à une distance permettant au navire visé de lepercevoir.104 5. Le droit de poursuite ne peut être exercé que par des navires deguerre ou des aéronefs militaires ou d'autres navires ou aéronefs qui portent desmarques extérieures indiquant clairement qu'il sont affectés à un service publicet qui sont autorisés à cet effet. 6. Dans le cas où le navire est poursuivi par unaéronef : a) les paragraphes 1 à 4 s'appliquent mutatis mutandis; b) l'aéronefqui donne l'ordre de stopper doit lui-même poursuivre le navire jusqu'à ce qu'unnavire ou un autre aéronef de l'Etat côtier, alerté par le premier aéronef, arrive surles lieux pour continuer la poursuite, à moins qu'il ne puisse lui-même arrêter lenavire. Pour justifier l'arrêt d'un navire en dehors de la mer territoriale, il ne suffitpas que celui-ci ait été simplement repéré comme ayant commis une infractionou comme étant suspect d'infraction; il faut encore qu'il ait été à la fois requisde stopper et poursuivi par l'aéronef qui l'a repéré ou par d'autres aéronefs ounavires sans que la poursuite ait été interrompue.(…)

De même, l'article 106 précise que:Lorsque la saisie d'un navire ou aéronef suspect de piraterie a été effectuée sansmotif suffisant, l'Etat qui y a procédé est responsable vis-à-vis de l'Etat dont lenavire ou l'aéronef a la nationalité de toute perte ou de tout dommage causé dece fait.

On peut donc en déduire que l'Etat agissant contre le navire pirate assume la responsabilitéde l'opération. Cependant l'article 95 précise quant à lui que:

Les navires de guerre jouissent en haute mer de l'immunité complète de juridiction vis-à-vis de tout Etat autre que l’Etat du pavillon.

Il est donc clair que, si la Convention ne précise bien quel procédure suivre pour lasaisie des biens, l'appréhension des personnes suspects d'une infraction et leur détentionest laissé à à la jurisprudence internationale et aux législations internes, pour déterminer ledegré de force utilisable ainsi que les lois et règlements à respecter.

Il existe deux type d'opérations contre la piraterie: la dissuasion (action militaire commel'organisation de convois, mise en commun de renseignements, ce genre d'action peut-être accompli en commun juridiquement car il ne passe pas par l'emploi de la force), etla répression (arrestation, détention, jugement) qui ne peut être accomplie que par lesEtats avec leur droit pénal. On peut distinguer dans la phase de répression deux momentscritiques au point de vue de l'usage de la force et de la contrainte: l'arrestation et la détention,ces deux phases sont délicates à gérer en tout temps et encore plus en mer car ce nesont pas des forces de police qui interviennent mais des forces militaires. Ces moments

104 Emphase rajoutée.

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délicats sont donc propices aux débordements, ainsi on peut lire105 ou voir106des faits dedébordements, commis de bonne foi souvent par les autorités.

La jurisprudence internationale dans ce domaine, bien qu'imprécise, pose quand mêmeles bases des comportements à adopter.

L'usage de la force et de la contrainteAu niveau de l'usage de la force pour l'interception des navires la jurisprudence est denseet importante, notamment les tribunaux arbitraux avec les affaires SS "I'm Alone" de 1935 etle HMS "Red Crusader" de 1963. De même le Tribunal International de la Mer a rendu unejurisprudence appelée THE M/V "SAIGA" (No.2) (ST. VINCENT AND THE GRENADINESv. GUINEA 1999)107, qui définit dans une certaine mesure les conditions de l'usage de laforce et de la contrainte dans le cadre de l'interception d'un navire.

Le M/V Saiga, battant pavillon de Saint Vincent et Grenadine a été intercepté et attaquépar un navire de patrouille Guinéen dans la ZEE de le Guinée le 24 Octobre 1997. Deuxmembres d'équipage ont été blessés et le navire sérieusement endommagé. Les juges duTribunal International de la Mer ont considéré l'usage de la force par le navire guinéencomme étant "excessif" et "injustifié". Leurs arguments tournent autour des deux naviresimpliqués: ils ont notamment retenu comme circonstances aggravante le fait que le M/V Saiga était un navire lent, lourd et bas, donc facile à intercepter pour un bâtiment deguerre comme le navire de patrouille guinéen, de même il avait une attitude pacifique avantl'attaque. De l'autre côté le bâtiment guinéen a tiré à munition réelle, sans avertissementset de manière aveugle sur le navire (c'est-à-dire sans chercher à préserver la vie humaine).Les juges ont déduit des principes généraux du droit que l'usage de la force doit être évitéautant que possible et ne doit pas aller au-delà de ce qui est raisonnable et nécessaireselon les circonstances (the use of force must be avoided as far as possible and must notgo beyond what is reasonable and necessary in the circumstances108), de plus les principesgénéraux du droit requièrent l'application des considérations humanitaires, mais les jugesne font référence à aucune jurisprudence ou texte sur ce point précis. Ils se référent parcontre aux arbitrages concernant avec les affaires SS "I'm Alone" de 1935 a trouver et leHMS "Red Crusader" de 1963pour définir une marche à suivre (normal practice109) pourarrêter un navire est:

-donner un signal visuel et sonore internationalement reconnu,-Si cela échoue, user d'une variété de mesures ne créant pas de dommages, comme

des tirs de semonce autour du navire,

105 Scène de bataille navale dans les eaux du Golfe d'Aden C.J. (lefigaro.fr) avec AFP 20/11/2008, http://plus.lefigaro.fr/article/scene-de-bataille-navale-dans-les-eaux-du-golfe-daden-20081119-50898/commentaires

106 Russian coast guard takes down a pirate ship with their guns, consulté le 20 Août 2011 http://www.youtube.com/watch?v=IldNCez8KeI&feature=related107 LOUISE DE LA FAYETTE,] INTERNATIONAL TRIBUNAL FOR THE LAW OF THE SEA THE M/V "SAIGA" (No.2) CASE (ST.VINCENT AND THE GRENADINES v. GUINEA), JUDGMENT , in International and Comparative Law Quarterly [VOL. 49, Avril 2000,pages 467 à 476.

108 Idem, page 473109 Idem

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-seulement après cela la force peut-être utilisée, mais avec les avertissementsappropriés et en s'efforçant d'éviter tout danger sur la vie 110.

Cependant ce jugement n'est pas tout à fait adapté à la piraterie somalienne car lesembarcations pirates ne sont pas des navires lourds, lents et inoffensifs. Ainsi l'INS Tabar etl'USS Nicholas se sont vus tirés dessus par des pirates, ces derniers méprenant les premierspour des navires de commerce, avec des RPG (rocket propelled grenades, équivalent àun bazooka).Ces armes sont insuffisantes pour faire couler un navire de guerre, mais fontnéanmoins courir un grave danger à l'équipage des navires. Il n'en reste pas moins quedans la plupart des cas les marines de guerre disposent de moyens infiniment supérieursaux pirates, mais ces derniers conservent une capacité de nuisance tout à fait considérable.Pour trouver une réponse on peut se tourner vers les jurisprudences concernant l'usage dela force dans le cadre d'une action de maintien de l'ordre.

La CEDH s'est intéressé à plusieurs reprises à ce sujet, elle se réfère d'abord à laConvention Européenne des Droits de l'Homme, article 2.2:

1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peutêtre infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentencecapitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peinepar la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation decet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force renduabsolument nécessaire: a) pour assurer la défense de toute personne contrela violence illégale ;111 b) pour effectuer une arrestation régulière ou pourempêcher l'évasion d'une personne 112régulièrement détenue ; c) pour réprimer,conformément à la loi, une émeute ou une insurrection.

De même dans l'affaire CEDH McCann et autres c. Royaume-Uni de 1995; dans cette affairedes militaires britanniques ont ,durant une opération de police visant à empêcher un attentatà la bombe, tué des membres de l'IRA à Gibraltar. La Cour insiste sur le fait que l'usage de laforce par les pouvoirs publics, pouvant mener à la mort, doit être "absolument nécessaire",et strictement proportionnée; elle se réfère au droit interne anglais:

"Nous considérons comme l'un des grands principes de la common law que,même si elle sanctionne la défense de la personne, de la liberté et de la propriétécontre la violence illégale et autorise le recours à la force pour empêcher desinfractions afin de protéger l'ordre public et de traduire les délinquants enjustice, elle prévoit que la force utilisée doit être nécessaire; cela signifie qu'ilne faut pas que le mal que l'on cherche à empêcher ait pu être évité par desmoyens moins violents et que le mal résultant de la force utilisée, ou dont onpeut raisonnablement prévoir qu'il en résultera, soit disproportionné au préjudiceou au mal que l'on cherche à prévenir."113

Et au textes des Nations Unies:

110 Idem.111 Emphase rajoutée112 Emphase rajoutée.113 Commission royale nommée pour examiner le droit relatif aux infractions majeures (House of Lords Papers 1879, vol.

36, p. 167):

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"Le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et letraitement des délinquants a adopté le 7 septembre 1990 les Principes de basesur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables del'application des lois ("Principes de l'ONU sur le recours à la force"). 139. LePrincipe sur le recours à la force n° 9 prévoit notamment qu'"ils [les responsablesde l'application des lois] ne recourront intentionnellement à l'usage meurtrierd'armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vieshumaines".

Ainsi, on constate que l'usage de la force pour l'arrestation est intimement lié au contextede son utilisation, notamment le comportement de la cible de cette force. On se borneraà constater que les pirates ont à plusieurs reprises attaqué des navires de guerre, et fontusage d'une force aveugle contre les navires attaqués, cependant il est important de noterque les pirates sont habituellement relativement respectueux de la vie de leurs otages, lesexécutions telles que celles du S/V Quest représentant l'exception, même si cette tendancepeut s'inverser. L'usage de la force reste donc à l'appréciation des commandants devaisseaux sur zone, même si ceux-ci peuvent commettre des erreurs avec des conséquencetragique, l'exemple de l'INS Tabar est à ce propos assez parlant, le 18 Novembre 2009,après un refus d'obtempérer à une fouille et des tirs de lance-roquettes, le Tabar a répliquécoulant le navire suspect. Cependant le navire a ensuite été identifié comme le FV EkawatNava 5 , chalutier thaïlandais portant pavillon des îles Kiribati, selon le témoignage d'unsurvivant, l'équipage était encore enchaîné à fond de cale lorsque le bâtiment Indien a couléle navire, les 14 membres sont toujours portés disparus114 et présumés morts.

La détentionUne fois arrêté les suspects doivent être placés en détention, le droit applicable est celuide l'Etat pavillon du navire capteur; en effet la jurisprudence internationale veut que lesdétenus, même s'ils ne sont pas sur le territoire de l'Etat à proprement parler (rationae loci),soient sous la responsabilité d'un Etat à partir du moment où cet Etat exerce un contrôleeffectif sur eux115.

La détention sur le plan du droit international est encadré par le Pacte des Droits Civilset Politiques (article 9), la Convention Interaméricaine des Droits de l'Homme (article 7)et la CEDH (article 5)116. Le paragraphe trois de ce dernier article préente une "exigence

114 Site internet de la BBC "India navy defends piracy sinking", 26 November 2008, http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/7749486.stm115 Avis consultative de la CIJ, 9 Juillet 2004 sur les conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans les territoires occupés,paragraphe 108.

116 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants etselon les voies légales : a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ; b) s'il a fait l'objet d'unearrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vuede garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi ; c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciairecompétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables decroire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ; d) s'il s'agit de ladétention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l'autoritécompétente ; e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné,d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond ; f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pourl'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours. 2.

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de promptitude, dans le cas de la piraterie en Somalie cette exigence est un problèmepour la plupart des pays membres de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,puisqu'il est difficile voir impossible d'amener devant un juge interne les suspects dans lesdélais habituellement prévus par les textes de lois. La CEDH a considéré cette exigencede promptitude comme adaptable aux circonstances à deux reprises, lors de l'affaireRigopoulosc Espagne du 12 Juin 1999, et lors de l'affaire AFFAIRE MEDVEDYEV ETAUTRES c. France117, en expliquant que les "circonstances tout à fait exceptionnelles"faisaient en sorte qu'il était matériellement impossible d'amener les suspects à temps devantun juge. Cette dernière jurisprudence a de même été utilisée par la Cour de Cassationfrançaise pour rejeter la demande d'annulation des suspects de la prise d'otage desoccupants du Ponant, le 16 septembre 2009.

Cette qualification de "circonstances tout à fait exceptionnelles" reste cependant trèsfragile, en effet la France dispose d'une base militaire à Djibouti, où sont postés des équipesde gendarmes OPJ, appelés prévôts, qui peuvent ordonner une garde à vue normale de24 heures. Ainsi il est difficile pour la France de justifier ces circonstances exceptionnelles,c'est pour cela que la forme de détention des pirates n'est pas considérée comme unegarde à vue mais comme une rétention administrative par le personnel militaire en vue d'êtreprésenté à un officier de police judiciaire, ce qui équivaut au temps passé dans une voiturede police pour aller au poste par exemple118. La Cour de Cassation dans l'arrêt Winner, faitla distinction entre la phase administrative de la détention et la phase judiciaire, l'exigencede promptitude ne concernant que cette dernière. La phase administrative fait l'objet d'uncontrôle allégé par le juge judiciaire119. Cependant, comme l'indique Anne Claire Dumouchel

"La non-qualification de la garde à vue de la période de liberté à bord d'un navireest sujette à controverse. Les risques de condamnation par la CEDH existentd'une part parce que la garde à vue est en cours de réforme, d'autre part enraison de la récente condamnation de la France par la Cour à ce sujet (CEDH,arrêt Brusco c France, 14 octobre 2010, requête n°1466/07. " 120

On note que la loi belge pose un maximum d'un mois pour la rétention administrative alorsque la France ne le fait pas, la loi française prévoit en revanche l'intervention tous les 5 joursdu juge des libertés et de la détention ainsi que l'obligation d'un examen de santé par uninfirmier puis d'un autre par un médecin dans les dix jours suivant.

Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestationet de toute accusation portée contre elle. 3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) duprésent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires eta le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à unegarantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a ledroit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai surla légalité de sa détention et ordonne sa libération si ladétention est illégale. 5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositionsde cet article a droit à réparation.

117 e AFFAIRE MEDVEDYEV ET AUTRES c. France, (Requête no 3394/03) ARRÊT GRANDE CHAMBRE STRASBOURG29 mars 2010

118 Anne Claire Dumouchel, dir. Sébastien Touze, "Contenu et dernières avancées du projet de loi français de lutte contre lapiraterie", in Le droit maritime français, n°720, décembre 2010, p961-970, page 965.

119 Ghislain Poissonier, "Les Pirates de la Corne de l'Afrique et le droit français" Recueil Dalloz 2008, n°30, page 2097-2100.120 Anne Claire Dumouchel, dir. Sébastien Touze, "Contenu et dernières avancées du projet de loi français de lutte contre

la piraterie", in Le droit maritime français, n°720, décembre 2010, p961-970, page 965.

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Face à un tel ensemble de règles, il est compréhensible que des capitaines de naviresse refusent à risquer des poursuites devant les Cours de justice et refusent de capturerles pirates. De plus les capitaine de navires manquent souvent des pouvoirs de policejudiciaire pour pouvoir constater les infractions et ne peuvent donc pas prouver par eux-mêmes que les détenus sont des suspects. De même ils ne sont pas compétents pourconstater l'existence de preuves.

b) La concurrence des agents privés: un vide juridique dangereux.La conjugaison de la hausse des coûts humains et financiers (rançons, primesd'assurances, retard occasionnés…) et de l'incapacité des marines de guerre de limiter lenombre d'attaques ou la zone d'influence des pirates ont forcés les entreprises à rechercherdes solutions alternatives121 car :

La sûreté du transport maritime, de la protection des biens et des personnes enmer, relève d'abord de la responsabilité du propriétaire, du commettant et dutransporteur".122.

De même l'Amiral Gortney, Commandant de la CMF a incite les compagnies maritimesà "prendre des mesures pour defender leurs navires et leur équipages", sans précisercomment.123

La magie de l'offre et de la demande a fait que des entreprises se sont immédiatementintéressées à ce marché, en effet les Sociétés Militaires Privées de tous horizons proposentdes services de sécurité variés pour la protection des navires. Dès Décembre 2008Blackwater (maintenant Xe) a proposé ses services aux entreprises de transport maritime124

Certains de ces services ne posent pas de problèmes légaux, comme les diversesformations, conseils, audits ou suivi GPS, cependant les services de protection des naviresen mer sont plus sujets à controverse.

Typiquement ces escortes mettent à disposition deux types de protection: les Equipesde Protection Embarquées (EPE) à bord du navire à protéger, ce sont des gardes arméssouvent ex-militaires, et les Equipes de Protection Maritimes (EPM) sont des navires deprotection, souvent armés, qui protègent un ou plusieurs navires.

Les avantages de ce genre de protection sont nombreux: premièrement il paraît pluslogique d'assurer la protection individuelle des bateaux plutôt que de patrouiller sur unesurface immense en attendant les appels de détresse. De plus les SMP se plient aux besoinsdes entreprises en matière de protection, contrairement à la protection offerte par les Etatsqui s'impose aux entreprises (formation de convois, zones de passage obligés sous la forme

121 Carolin Liss PRIVATISING THE FIGHT AGAINST SOMALI PIRATES Asia Research Centre Working Paper No.152 November2008, 19 pages122 Le droit maritime français, 710, janvier 2010. Synthèse des travaux "journées méditerranéennes sur la piraterie

maritime" 10 et 11 décembre 2009, Philippe Weckel. P 69-74.123 Stephen Askins Piracy off Aden and Somalia: an Overview of Legal Issues, April 24, 2009 http://www.hg.org/article.asp?id=6249Admiral Gortney, the US commander of the Combined Maritime Forces, recently suggested that “shipping companies must takemeasures to defend their vessels and their crews

124 Harrelson, Jill. “Blackbeard Meets Blackwater: An Analysis of International Conventions that Address Piracy and the Use ofPrivate Security Companies to Protect the Shipping Industry.” American University International Law Review 25, no.2 (2010): 283-312.Page 295.

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de corridors sécurisés…). De même face à l'ampleur de la tâche à réaliser, les flottes deguerres se concentrent souvent sur la protection des navires de leur pavillon125, or une partimportante des navires traversant l'Océan indien voguent sous pavillon de complaisance,des Etats tels que le Libéria ne peuvent pas assurer la sécurité en mer d'autant de navires.Dans le même sens le coût est relativement abordable lorsque comparé avec l'augmentationdes primes de risque des assurances126. Les équipes de protection ne sont pas infaillibles,mais les pirates recherchent la facilité, ils ne continuent pas souvent un assaut lorsquel'assailli réplique au feu.

Cependant de graves questions concernant la légalité de ces services de protection seposent, il existe en effet un vide juridique quand à l'utilisation de la force et de la contraintepar des individus privés en mer, notamment lorsque les firmes disposent de matériel quasimilitaire127. La Convention de Montego Bay ne précise rien concernant ce sujet, pas plusque la Convention de Rome. Mais si les Conventions ne précisent pas ce qui est autorisée,elle précise ce qui est interdit; ainsi la répression contre les pirates est l'affaire exclusive desEtats et de leurs agents, comme affirmé à l'article 107 de la Convention de Montego Bay:

Seuls les navires de guerre ou aéronefs militaires, ou les autres navires ouaéronefs qui portent des marques extérieures indiquant clairement qu'ils sontaffectés à un service public et qui sont autorisés à cet effet, peuvent effectuerune saisie pour cause de piraterie.

Cependant l'article 98 de la même Convention peut-être interprété comme une autorisation,voir une obligation, d'intervenir:

1. Tout Etat exige du capitaine d'un navire battant son pavillon que, pourautant que cela lui est possible sans faire courir de risques graves au navire, àl'équipage ou aux passagers : a) il prête assistance à quiconque est trouvé enpéril en mer; b) il se porte aussi vite que possible au secours des personnes endétresse s'il est informé qu'elles ont besoin d'assistance, dans la mesure où l'onpeut raisonnablement s'attendre qu'il agisse de la sorte;

Deux termes clés doivent être pris en considération pour la lecture de cet article: le terme"péril en mer" est sujet à interprétation, en effet Jean François Leclerq fait état d'uneopposition doctrinale entre les anglo-saxon et la Belgique, les premiers considérant lespirates comme un péril de la mer, un risque, et la seconde comme des ennemis de tous128,difficile en l'absence de jurisprudence de déterminer la constitution de la piraterie commepéril en mer. L'autre facteur à prendre en considération est la notion de "danger pourl'équipage", il est assez clair qu'intervenir, même en légitime défense, représente un dangerpour l'équipage, cependant les employés de ces SMP sont souvent des ex-militaires, dessoldats entraînés, la notion de danger est-elle la même pour tous? Encore une fois en

125 La Marine Nationale française ne propose en effet des EPE qu'aux navires français, le plus souvent des thoniers.126 Johnatan Crozier, Vivien Fourcade, Paul Houot, Quentin Morel, Jean Baptiste Olagnero, "Going rogue on the pirates",

Rapport pour Root et Sinclair Consulting, 23 Avril 2010, 54 page, page 39 et 47: "le prix d'une EPM de la SMP yéménite GoAGT pourtrois jours dans le Golfe d'Aden est de 55 000 USD, 29 000 USD pour une EPE", alors que la prime d'assurance peut baisser de 0,25à 0,5% de la valeur du navire et de sa cargaison, valeur qui atteint souvent plusieurs dizaines de millions d'USD.

127 Dir JEAN-JACQUES ROCHE "DES GARDES SUISSES À BLACKWATER MERCENAIRES ET AUXILIAIRES D’HIERET D’AUJOURD’HUI", ÉTUDES DE L’IRSEM, MAI 2010 - N°2, VOLUME 1, 152 page, page 107: des entreprises tels que Xe (exBlackwater) et Glenn Marine Defense ont respectivement racheté des navires de l'US Navy et de la Royal Navy Britannique.128 Jean-François Leclerq, "la notion de piraterie en droit maritime belge", in Le droit maritime français, n°720, décembre 2010, p951-960.

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l'absence de jurisprudence il paraît pour le moins difficile de justifier une utilisation de laforce ou de la contrainte par la Convention de Montego Bay.

De plus la convention SOLAS (Safety of Life At Sea) précise que "personne ne peutdéroger à l'autorité du capitaine dans la prise de decision pour la sécurité de l'équipageet de son environnement". Un rapport de Chatham House pointe à juste titre le conflit quipourrait survenir si le pouvoir d'ouvrir ou de stopper le feu réside dans les mains d'une autrepersonne que le capitaine129.

Mercenaires ou agents de sécurité?Si le droit de la mer n'apporte pas de solutions, peut-être peut-on trouver une conventioninternationale applicable aux activités de ces gardes privés. Peut-on au regard du DroitInternational les qualifier de mercenaire? En effet ce sont d'ex militaires, mettant leur savoirfaire en matière de sécurité au service d'entreprises privées.

Le dictionnaire de droit international public définit le mercenaire comme « l’individu quis’enrôle volontairement dans des forces armées combattantes d’un État belligérant dont iln’est pas le ressortissant afin d’obtenir un profit personnel, notamment d’ordre financier »130,cette définition correspond à la convention Internationale contre le recrutement, l'utilisation ,le financement et l'instruction de mercenaires de 1989:

1. Le terme "mercenaire" s'entend de toute personne :a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un

conflit armé;b) Qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel

et à laquelle est effectivement promise, par une partie au conflit ou en son nom, unerémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à descombattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette partie;

c) Qui n'est ni ressortissante d'une partie au conflit, ni résidente du territoire contrôlépar une partie au conflit;

d) Qui n'est pas membre des forces armées d'une partie au conflit; ete) Qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une partie au conflit en mission officielle

en tant que membre des forces armées dudit Etat.2. Le terme "mercenaire" s'entend également, dans toute autre situation, de toute

personne :a) Qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour prendre part à un

acte concerté de violence visant à :i) Renverser un gouvernement ou, de quelque autre manière, porter atteinte à l'ordre

constitutionnel d'un Etat; ouii) Porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat;

129 Rapport pour Chatham House Africa Programme and International Law Conference Report "Piracy and Legal Issues:Reconciling Public and Private Interests" 1er Octobre 2009, 57 pages: "Under the International Convention for the Safety of Life at Sea(SOLAS) no one can derogate from the captain’s authority in making decisions which go to the safety of the crew and the environment.It is easy to see how a conflict could arise if the power to open fire, and just as importantly, to stop firing, rests with someone otherthan the master."

130 J. Salmon, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 696.

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b) Qui prend part à un tel acte essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnelsignificatif et est poussée à agir par la promesse ou par le paiement d'une rémunérationmatérielle;

c) Qui n'est ni ressortissante ni résidente de l'Etat contre lequel un tel acte est dirigé;d) Qui n'a pas été envoyée par un Etat en mission officielle; ete) Qui n'est pas membre des forces armées de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a

eu lieu.131

Pour Christopher Kinsey la délimitation juridique entre mercenariat et compagniemilitaires privées est surtout politique, il cite David Shearer pour montrer les vides juridiquesqui permettent de faire la différence entre les deux:

-Le recrutement doit être effectué spécifiquement pour un conflit armé précis pour quel'activité soit du mercenariat, or les contractants de SMP sont principalement recrutés pourdes longues durées ou des missions précises (formation par exemple) plus que pour descampagnes militaires.

-La nécessité que les mercenaires prennent directement part aux hostilités exclue ainsitous les individus travaillant comme conseillers ou techniciens militaires étrangers.

-Le besoin d'établir un « désir d'enrichissement personnel » est difficile à prouver parcequ'il introduit un élément psychologique, une motivation.132

On voit que les gardes privés ne peuvent pas être considérés comme des mercenaires,en effet la notion de conflit armé est centrale dans la définition, or on a démontré dansla première partie que la piraterie au large de la Corne de l'Afrique ne peut pas êtredéfinie comme un conflit armé, mais seulement comme une entreprise criminelle. De même,si certains gardes privés sont engagés par les Etats, notamment pour la formation desgardes-côtes, la plupart sont engagés par des entreprises privées à des fins privées. Enconséquence les employés des SMP sont donc des contractants de droit privé, au mêmetitre que des vigiles de supermarché par exemple, et répondent donc aux mêmes textesde loi.

Les législations nationales: le grand flou, l'exemple français.En l'absence de précision du droit international de la mer, et face à l'impossibilité de qualifierles contractants de mercenaires, il faut se tourner vers l'article 92 de la Convention:

1. Les navires naviguent sous le pavillon d'un seul Etat et sont soumis, sauf dansles cas exceptionnels expressément prévus par des traités internationaux ou parla Convention, à sa juridiction exclusive en haute mer.

Chaque équipe SMP va donc dépendre de la législation du pays pavillon du navire ou ellese trouve, ou de la législation de l'Etats dans les eaux duquel elle se trouve. Pour les naviresde pavillon français les textes sont particulièrement ambigus. En effet la loi 14 avril 2003

131 Il est à noter que très peu d'Etats ont ratifié cette convention: l’Arabie Saoudite, l’Azerbaïdjan, la Barbade, le Belarus,la Belgique, le Cameroun, Chypre, le Costa Rica, la Croatie, Cuba, la Géorgie, la Guinée, le Honduras, l’Italie, la Jamahiriya arabelibyenne, le Libéria, les Maldives, le Mali, la Mauritanie, Moldova, la Nouvelle-Zélande, l’Ouzbékistan, le Pérou, le Qatar, le Sénégal,les Seychelles, le Suriname, la République arabe syrienne, le Togo, le Turkménistan, l’Ukraine et l’Uruguay.

132 Christopher Kinsey, « Le droit international et le contrôle des mercenaires et des compagnies militaires privées », Cultures& Conflits [En ligne], Tous les numéros, Les entreprises para-privées de coercition : de nouveaux mercenaires ?, mis en ligne le 03juillet 2004, page 12. URL : http://conflits.revues.org/index981.html

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fait entrer les pratiques mercenaires au Code pénal (art. 436-1 à 436-5). L'article premierreprend les termes de la Convention de 1989, en effet il incrimine les entreprises ayant «pour objet le recrutement, l’emploi, la rémunération, l’équipement ou l’instructionmilitaire ».La fourniture de moyens déjà visée par l’article 121-7 du Code pénal devient en la matièreun délit autonome punissable de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amendepour les commanditaires. L’article 436-3 apparaît comme la disposition centrale de cettelégislation puisque la justice française est compétente pour toutes les infractions commisesà l’étranger par des ressortissants français ou même des personnes résidant habituellementen France, le ministère public pouvant engager des poursuites sans le dépôt préalable d’uneplainte d’une éventuelle victime.133

Cependant ce texte est ambigue, la société Secopex par exemple participe aux actionsde protections de navires au large de la Somalie et n'a jamais été poursuivie. En effet cetteentreprise se situe elle-même sur la fine ligne entre sécurité et action de type militaire:

"Nous garantissons un usage progressif et professionnel du feu, qui répondà des protocoles très précis, en cas de légitime défense ou d'attaque depirates. L'engagement et l'ouverture du feu sont par ailleurs validés au niveaujuridique"134.

De même l'Etat français participe à cette ambigüité:En janvier 2008, le ministère de la défense signait son premier PPP avec legroupement constitué par Défense Conseil International et Proteus Helicoptèreconstitué en vue d’acheter une flotte de 36 appareils devant être louée à l’écoleformant les pilotes de l’Alat. À l’automne de cette même année, la directiondes affaires juridiques de ce même ministère considérait que la loi de 2003n’interdisait pas au ministère de la défense de recourir aux services des sociétésmilitaires privées françaises ou, pour le moins, aux sociétés de sécurité privée.Cette évolution fut concrétisée un an plus tard quand, en octobre 2009, lesemployés de Dassault Aviation, de Thales et de la DCNS dépêchés sur desthéâtres extérieurs bénéficièrent de « contrats de réserve » les assimilant àdes militaires français en opération. L’idée était non seulement de fournir à sespersonnels une protection comparable à celle des militaires français – y comprisla carte d’ancien combattant – mais également de placer leurs entreprises dansune situation identique à celle de leurs concurrents anglo-saxons.135

133 Dir JEAN-JACQUES ROCHE "DES GARDES SUISSES À BLACKWATER MERCENAIRES ET AUXILIAIRES D’HIER ETD’AUJOURD’HUI", ÉTUDES DE L’IRSEM, MAI 2010 - N°2, VOLUME 1, 152 page, page 57.134 Site web d'information Mer et Marine " Le Français Secopex va assurer la sécurité maritime en Somalie", 03/06/2008,

consulté le 21 Août 2011, http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=107786135 Dir JEAN-JACQUES ROCHE "DES GARDES SUISSES À BLACKWATER MERCENAIRES ET AUXILIAIRES D’HIER ET

D’AUJOURD’HUI", ÉTUDES DE L’IRSEM, MAI 2010 - N°2, VOLUME 1, 152 page, page 59. Toujours en novembre 2009 et

toujours pour le compte de la marine, le Floréal, frégate de surveillance française participant à l’opération Atalante, a été

guidé vers l’embarcation de pirates somaliens par un appareil de surveillance de la société CAE Aviation, société militaire

privée luxembourgeoise opérant pour le compte de l’UE

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La législation américaine est beaucoup plus simple, le port d'armes étant autorisé par lesecond amendement à la Constitution les gardes armés sont légaux tant qu'ils sont dansdes eaux internationales ou des eaux territoriales dont le pays autorise le port d'armes136

L'utilisation récurrente des SMP pour a protection des navires se heurte au flou légalqui l'entoure, comme le dit Jean-Jacques Roche , il existe très peu de poursuites etencore moins de condamnations des personnes ou compagnies s’étant rendues coupablesd’exactions137. Face à ce problème l'OMI a décidé de déconseiller l'usage de 138gardesprivés armés pour la protection des navires, notamment en rapport avec une possibleescalade de la violence entre les pirates et les gardes privés. Il est possible que face à unedéfense armée les pirates se tournent vers un usage plus systématique de la violence, or ilsont à disposition un réseau de trafiquants d'armes leur permettant de s'armer de plus en pluslourdement. De même l'OMI pense que l'utilisation d'armes apporterait des conséquencesimprévisibles (unforeseen) tant au niveau de la réaction des pirates, sachant que certainsd'entre eux ont pu être tués par des personnels de sécurité, de même l'OMI reconnaît quemême en cas de légitime défense les retombées juridiques pour les personnels de sécuriténe sauraient être préjugées à l'avance139.

Un autre exemple montrant que le droit n'est pas adapté par répondre au problèmeposé par les compagnies de sécurité est qu'une partie de leur arsenal n'est pas pris encompte par les textes internatioanaux, ni par les textes natioanaux. En effet il n'existe pas deréglementations concernant les armes "next-gen" dites non-létales, comme le canon LRAD(Long Range Acoustic Device) qui produit un son très puissant censé étourdir suffisammentl'adversaire pour le forcer à prendre la fuite, ou encore l'Active Denial System (micro-ondesproduisant une sensation de brûlure sous-cutanée, en cours de test par l'amée américaine)par l'armée américaine), ou même le Dazzle Gun (système portatif utilisant un laser pour

136 Harrelson, Jill. “Blackbeard Meets Blackwater: An Analysis of International Conventions that Address Piracy and the Use ofPrivate Security Companies to Protect the Shipping Industry.” American University International Law Review 25, no.2 (2010): 283-312.Page 306.

137 Dir JEAN-JACQUES ROCHE "DES GARDES SUISSES À BLACKWATER MERCENAIRES ET AUXILIAIRES D’HIER ETD’AUJOURD’HUI", ÉTUDES DE L’IRSEM, MAI 2010 - N°2, VOLUME 1, 152 page, page 132.

138 Nicolas Gros-Verheyde, "Les gardes privés tuent un pirate, le Navarra intervient" ,sur le blogBruxelles2, 23 mars 2010, consulté le 20 Août 2011, http://www.bruxelles2.eu/piraterie-golfe-daden-ocean-indien/lesgardesprivestuentunpiratelenavarraintervient.html Il est aussi intéressant de rappeler le sort des contractants de Blackwater enIrak qui avaient tués par balles, puis leurs corps carbonisés, trainés dans les rues puis pendus à un pont, il n'est pas impossibleque la situation au large de la Corne de l'Afrique dégénère de cette façon, JEAN-JACQUES ROCHE "DES GARDES SUISSES ÀBLACKWATER MERCENAIRES ET AUXILIAIRES D’HIER ET D’AUJOURD’HUI", ÉTUDES DE L’IRSEM, MAI 2010 - N°2, VOLUME1, 152 page, page 15.

139 The International Maritime Organization (“IMO”) strongly discourages the use of firearms to protect vessels and crews. TheIMO believes that pirates may be more tempted to carry weapons if they believe that ships are armed, thus “escalating an alreadydangerous situation.” With or without firearms, private security companies wishing to provide security to the shipping industry aresubject to every jurisdiction through which they sail, and the state whose flag they sail under. IMO, Piracy and Armed Robbery AgainstShips: Guidance to Shipowners and Ship Operators, Shipmasters and Crews on Preventing and Suppressing Acts of Piracy andArmed Robbery Against Ships, 60-61, MSC.1/Circ.1334 (June 23, 2009) [hereinafter IMO Guidelines] (reasoning that weapons userequires special training and that accidental killings can potentially have unforeseen consequences, legal and otherwise, even if theperson believes it was self-defense); see also EKLÖF, supra note 43, at 128 (emphasizing that there are numerous other ways to fightoff pirates such as using fire hoses and barbed wire).

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aveugler l'adversaire pendant un court instant140. Les effets à court, moyen et long termede ces systèmes d'armement ne sont pas connus, ils pourraient respectivement rendredéfinitivement sourds, brûlés ou aveugles les sujets soumis à des doses importantes etrépétées141, il n'existe pas de législation à leur sujet et l'usage sur des populations quin'ont pas accès régulièrement à des médecins qualifiés, comme les pirates par exemple,peut provoquer des symptômes qui resteront ignorés des autorités internationales. Il estconcevable que ces engins soient interdits au même titre que les bombes à sous-munitionsou au phosphore.

2) Les suites juridiques: Aut Dedere aut judicare ?Le principe Aut dedere aut judicare (extrader ou juger) estle plus souvent utilisé pourdésigner l’obligation alternative à l’égard de l’auteur présuméd’une violation, «qui esténoncée dans un certain nombre de traités multilatéraux visant à assurerla coopérationinternationale aux fins de la répression de certains types de comportementcriminel».142

Cette maxime est l'adaptation moderne de l'adage développé par Grotius: “aut dedere autpunire”. Il s'agit de s'assurer que certains crimes transnationaux ne restent pas impunis/nonjugés parce que le suspect a simplement changé de pays.

Concernant la piraterie, la Convention de Montego Bay ne prévoit pas de système "autdedere aut dedicare", en effet nul besoin de ce système puisque chaque Etat doit assurerla sécurité dans ses eaux territoriales et peut, si besoin, poursuivre les suspects en hautemer. Les transferts d'une juridiction à une autre ne sont pas pris en compte.

Cependant l'incapacité de l'Etat somalien à assurer la sécurité de ses eaux territoriales,ainsi que le grand nombre de prisonniers résultant des interventions de marines étrangères,pose le problème de savoir qui va assurer les poursuites judiciaires des pirates. A cepropos l'application de la Convention de Rome de 1988 serait une avancée car elle prévoitl'obligation de ce système, alors que les résolutions de l'ONU ne font que l'encourager.

Certains auteurs soulignent que, pour déterminer l’efficacité du système fondé surl’obligation d’extrader ou de poursuivre, trois problèmes doivent être réglés: «premièrement,le statut de ce principe en droit international et son champ d’application; deuxièmement, lahiérarchie à établir entre les deux options prévues par la règle, pour autant que l’État requisait le choix; troisièmement, les difficultés pratiques qui se posent s’agissant du judicare»3. Ilsemble également nécessaire de déterminer s’il existe une hiérarchie entre les obligations

140 Ces engins sont répertoriés par: Johnatan Crozier, Vivien Fourcade, Paul Houot, Quentin Morel, Jean Baptiste Olagnero,"Going rogue on the pirates", Rapport pour Root et Sinclair Consulting, 23 Avril 2010, 54 page, page 43.

141 Nick LEWER et Neil DAVISON, Tour d ’ horizon des technologies non létales, pour le Forum du désarmement, 2005, 18pages.142 Zdzislaw Galicki, "L’obligation d’extrader ou de poursuivre («aut dedere aut judicare») en droit international" Observationspréliminaires, I. Introduction générale du sujet, page 1, 10 pages, consulté le 16 Août 2011, http://untreaty.un.org/ilc/reports/2004/french/annex.pdf

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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susceptibles de découler de l’obligation d’extrader ou de poursuivre (ci-après «l’obligation»)ou si cette question est laissée à la discrétion des États concernés.143

a) Les Etats capteurs, un judicare complexe et coûteux.On entend par Etat capteur les Etats du pavillon des navires de guerre qui interceptent lespirates et arrêtent des suspects, ce sont principalement les Etats participants aux opérationsde lutte anti-piraterie autorisées par l'ONU. Aux termes de la Convention de Montego Bay,l'Etat capteur est le premier compétent quant à la saisie d'un navire en haute pour des faitsde piraterie (article 105). Une fois les suspects interpellés, l'Etat fait face à trois alternatives:la relâche, le transfert à une autre juridiction ou le transfert à la juridiction nationale.

Le transfert à la juridiction nationale semble a priori l'option la plus naturelle, les autoritésde captation peuvent réunir les preuves et témoignages sur le terrain et le processus deremise est encadré par les législations et règlements internes, évitant ainsi toute confusion.De même cela permet d'éviter le processus long et complexe de l'extradition.

Cependant le jugement par les autorités de captation se heurte à des obstaclesimportants. Le premier et le plus évident est l'obstacle pratique, en effet les bâtimentscapteurs se retrouvent à une distance considérable des autorités juridiques, les suspectsdoivent donc être transférés aux autorités juridiques sur le territoire de l'Etat capteur, ce quiest coûteux et compliqué. En effet les bâtiments engagés dans la lutte contre la piraterieeffectuent des opérations de patrouille et ne peuvent pas être déroutés vers le territoirenational chaque fois qu'ils interpellent un suspect, comme peut l'être une voiture de policevers un commissariat. Cet obstacle n'est pas insurmontable, la France, le Japon et les USApar exemple disposent chacun d'une base à Djibouti144, mais il reste un facteur à prendreen compte, particulièrement dans le contexte de réduction des budgets de Défense parmiles pays occidentaux.

Autre problème, plus important celui-là, l'incapacité de la plupart des législations desEtats capteurs à poursuivre les actes de piraterie. En effet la plupart des législationsconcernant la piraterie sont soit inexistantes, inadaptées ou dépassées, or la coutume dudroit pénal indique " nullum crimen, nulla poena sine lege", ainsi qu'exprimé à l'article 11paragraphe 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme:

"2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment oùelles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droitnational ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte quecelle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis."

Cet obstacle, comme celui de la distance, n'est pas insurmontable, certains pays ont faitl'effort de changer leurs législations, on peut prendre les exemples de la France et de laBelgique.

l'exemple français: un droit interne dépassé et adapté in extremis.

143 Zdzislaw Galicki, "L’obligation d’extrader ou de poursuivre («aut dedere aut judicare») en droit international" Observationspréliminaires, I. Introduction générale du sujet, page 2, 10 pages, consulté le 16 Août 2011, http://untreaty.un.org/ilc/reports/2004/french/annex.pdf

144 Adrien Hart, "Djibouti peut dire merci à al-Qaida" 08/06/2011, pour Slate Afrique, consulté le 16 Août 2011, http://www.slateafrique.com/2483/djibouti-peut-dire-merci-a-al-qaida

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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La législation française à ce sujet est intéressante car il montre l'exemple d'une législationdépassée par la soudaine amplitude de la piraterie au large de la Somalie. En effet jusqu'en2007 la législation française condamnait la piraterie par une loi du 18 Avril 1825, cette loiayant été abrogée seulement le 22 décembre 2007 par la loi de simplification du droit. Cetteloi était beaucoup trop ancrée dans son époque, elle punissait de piraterie:

Article 1 1° Tout individu faisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtimentde mer quelconque armé et naviguant sans être ou avoir été muni, pour levoyage, de passeport, rôle d'équipage, commission ou autres actes constatantla légitimité de l'expédition ; 2° Tout commandant d'un navire ou bâtiment demer armé et porteur de commissions délivrées par deux ou plusieurs puissancesou Etats différents. Ainsi que : 1° Tout individu faisant partie de l'équipaged'un navire ou bâtiment de mer français, lequel commettrait à main armée desactes de déprédation ou de violence, soit envers des navires français ou desnavires d'une puissance avec laquelle la France ne serait pas en état de guerre,soit envers les équipages ou chargements de ces navires ; 2° Tout individufaisant partie de l'équipage d'un navire ou bâtiment de mer étranger, lequel, horsl'état de guerre et sans être pourvu de lettres de marque ou de commissionsrégulières, commettrait lesdits actes envers des navires français, leurs équipagesou chargements ; 3° Le capitaine et les officiers de tout navire ou bâtiment de merquelconque qui auraient commis des actes d'hostilité sous un pavillon autre quecelui de l'Etat dont il aurait commission.

La loi punissait aussi les ressortissants français accomplissant des activités de course sansautorisation, ainsi que les mutins. La juridiction compétente était le tribunal maritime du chef-lieu de l'arrondissement maritime dans les ports duquel ils auront été amenés. Il est clairque l'abrogation de cette loi, seulement en 2007 montre l'inadaptation du droit français àl'évolution du crime de piraterie. En effet la Course a été abolie par le traité de Paris de1856, de même la Convention de Montego Bay ne comprend pas les mutins concernantle crime de piraterie.

La loi de 1994 no 94-589 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirsde contrôle en mer met la législation française en accord avec la Convention de MontegoBay en donnant, dans son article premier, aux commandants des navires et aéronefs del'Etats l'habilitation pour :

" assurer le respect des dispositions qui s'appliquent en mer en vertu du droitinternational ainsi que des lois et règlements de la République, à exercer età faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droitinternational, la législation et la réglementation française."

Cependant la loi ne parle à aucune moment de la piraterie spécifiquement, c'est uneadaptation du droit français au droit international applicable, de plus cette loi a été abrogéepar l'ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du codede la défense. Cette ordonnance vise la simplification du Droit Français en rattachant desdispositions législatives au code de la Défense, et en supprime au passage une partie dontla loi de 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle enmer.

De ce fait entre 2004 et 2007, la législation française concernant la piraterie se limiteà la loi de 1825, dépassée et inadapté. Cette loi est supprimée par la LOI n° 2007-1787 du20 décembre 2007 relative à la simplification du droit (1).

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Ainsi entre Décembre 2007 et Janvier 2011, la France reste dans l'impossibilité deprocéder à des actions en justice contre la piraterie. C'est pour cela que les pirates ayant prispossession du Ponant le 4 Avril 2007 sont poursuivis pour prise d'otage et détournementde navire, aggravé par le fait que les infractions ont été commises en bande organisée, etpas pour piraterie.

Au vu de l'ampleur pris par la piraterie, de l'importance présence française sur place,ainsi que des appels répétés du Conseil de Sécurité de l'ONU et de l'impact médiatiquedes affaires dit du Ponant et du Tanit (opération durant laquelle un père de famille a ététué), il était urgent de fournir un nouveau cadre pour la lutte contre la piraterie. Cela estfait tardivement avec la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterieet à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer, et qui contient aussi des élémentsconcernant la lutte contre le trafic de stupéfiants et l'immigration illégale.

Il s'agit en fait de la loi de 1994, rétablie, renommée et modifiée. Le rétablissement dela loi de 1994 n'aurait pas été suffisant sans les modifications apportées qui remplace ladéfinition de la piraterie contenue dans la loi de 1825.

La loi s'adresse directement à la piraterie:"I. # Le présent titre s'applique aux actes de piraterie au sens de la conventiondes Nations unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre1982, commis : 1° En haute mer ; 2° Dans les espaces maritimes ne relevant dela juridiction d'aucun Etat ; 3° Lorsque le droit international l'autorise, dans leseaux territoriales d'un Etat. II. # Lorsqu'elles constituent des actes de pirateriementionnés au I, les infractions susceptibles d'être recherchées, constatées etpoursuivies dans les conditions du présent titre sont : 1° Les infractions définiesaux articles 224-6 à 224-7 et 224-8-1 du code pénal et impliquant au moins unnavire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ; 2° Les infractionsdéfinies aux articles 224-1 à 224-5-2 ainsi qu'à l'article 224-8 du même codelorsqu'elles précèdent, accompagnent ou suivent les infractions mentionnéesau 1° ; 3° Les infractions définies aux articles 450-1 et 450-5 du même codelorsqu'elles sont commises en vue de préparer les infractions mentionnées aux1° et 2°."

On note que la loi permet d'inclure les résolutions de l'ONU, par la formule "le droitinternational l'autorise"; cette formule est intéressante car elle peut ouvrir la voie à d'autresinterventions contre la piraterie ailleurs qu'au large de la Somalie et ce sans changer ledroit français, mais d'un autre côté le législateur se subordonne lui-même aux décisionsonusiennes.

Cette loi est bien plus précise que les précédentes, elle se réfère directement pourses définitions au code pénal pour les peines et à la Convention de Montego Bay pour lesdéfinitions respectivement des peines et du crime de piraterie.

La loi de 2011 reprend en grande partie celle de 1994, cependant elle l'adaptegrandement au contexte actuel, comme on peut le voir notamment aux articles 4:

Les officiers de police judiciaire et, lorsqu'ils sont spécialement habilitésdans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les commandantsdes bâtiments de l'Etat, les officiers de la marine nationale embarqués sur cesbâtiments et les commandants des aéronefs de l'Etat, chargés de la surveillanceen mer, procèdent à la constatation des infractions mentionnées au II de l'article

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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1er, à la recherche et l'appréhension de leurs auteurs ou complices. Ils peuventprocéder à la saisie des objets ou documents liés à la commission des faits surautorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République.

On voit qu'une grande indépendance est accordée aux bâtiments français pour la luttecontre la piraterie par l'octroi par décret de capacités judiciaires supplémentaires auxofficiers de la Marine Nationale.

De même l'article 5 est particulièrement ancré dans la lutte contre la pirateriesomalienne:

A défaut d'entente avec les autorités d'un autre Etat pour l'exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle, les auteurs et complices des infractionsmentionnées au II de l'article 1er et commises hors du territoire de la Républiquepeuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsqu'ils ont étéappréhendés par les agents mentionnés à l'article 4.

Le jugement par les autorités françaises est donc l'exception à la règle, on peut considérerque c'est une des conséquences des procédures longues et difficiles engagées dans lesaffaires Tanit, Carré d'As et Ponant.

La législation française s'est donc adaptée à la situation en Somalie, à la lumière desprises d'otages de 2008, elle a su apprendre de ses erreurs et se doter d'un cadre pourl'arrestation et la poursuite des pirates.

Il est à noter cependant que la Belgique avait déjà adopté une loi similaire, celle 30Décembre 2009. - Loi relative à la lutte contre la piraterie maritime et modifiant le Codejudiciaire. Une forte ressemblance existe entre ces deux lois, notamment sur l'adoption dela Convention de Montego Bay dans le droit145, mais il existe aussi des dispositions dans laloi belge qui font pencher la balance en sa faveur. En effet elle prévoit un modus operandiprécis spécifiquement pour la détention des pirates:

§ 3. La privation de liberté ne peut en aucun cas dépasser vingt-quatre heures.La privation de liberté doit être confirmée dans les vingt-quatre heures parle procureur fédéral. A défaut, l'intéressé est remis en liberté. La décisiondu procureur fédéral est immédiatement communiquée à l'intéressé par lecommandant. § 4. Le commandant dresse procès-verbal de la privation de liberté.Ce procès-verbal mentionne l'heure précise de la privation de liberté, la décisiondu procureur fédéral quant à cette privation de liberté ainsi que l'heure précisede la communication à l'intéressé de la décision du procureur fédéral. § 5. Si leprocureur fédéral estime qu'une personne privée de liberté pour des actes depiraterie devrait être placée sous mandat d'arrêt, il requiert le juge d'instructionqui peut décerner un mandat d'arrêt provisoire. Le mandat d'arrêt provisoire doitêtre décerné dans les vingt-quatre heures de la privation de liberté initiale et estvalable jusqu'à vingt-quatre heures qui suivent l'arrivée du détenu sur le territoiredu Royaume et au maximum un mois. L'audition de la personne privée de libertépeut se faire par des moyens radio, téléphoniques, audio-visuels ou d'autresmoyens techniques qui permettent une transmission directe de la voix entre lejuge d'instruction et le suspect tout en garantissant la confidentialité de leurs

145 Jean-François Leclerq, "la notion de piraterie en droit maritime belge", in Le droit maritime français, n°720, décembre 2010,p 951-960.

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échanges. Si l'audition de la personne privée de liberté est impossible en raisonde circonstances exceptionnelles, le juge d'instruction doit alors auditionnerles personnes qui sont en mesure d'exposer les charges pesant contre cettepersonne.

Il n'en reste pas moins que les poursuites judiciaires des Etats capteurs restentnumériquement faible comparativement aux actions engagées par l'intermédiaire des paysde la région. Les Etats capteurs opèrent une "sélection" des poursuites à engager enfonction de l'implication ou non de leurs nationaux dans les faits. Par exemple les Etats-Unisont poursuivi et condamné les preneurs d'otages du SV/Quest qui avait abattu leurs quatreotages américains peu avant l'assaut par les forces spéciales US qui devait les libérer; ils ontfait de même pour les pirates qui avaient attaqué un bâtiment de la Navy US, le confondantavec un navire marchand146; les USA ne poursuivent que lorsque des vies Américaines ontété menacées. La France, la Belgique et la plupart des pays occidentaux opèrent de cettemanière, à l'exception notable des Pays-Bas qui ont condamnés cinq pirates à des peinesde prisons de quatre à sept ans de prisons pour la prise d'un yacht sud-africain au largede la Tanzanie147.

D'autres Etats capteurs, notamment l'Inde, capturent de grands nombre de pirates pourles juger en masse. Les autorités indiennes ont procédé à des arrestations de 15 puis 61pirates en 2011, actuellement plus de 120 pirates seraient en attente de jugement sur leterritoire indien. Deux problèmes se posent face à l'ampleur de la répression, premièrementles pirates somaliens se sont rendus compte de l'hyper activité indienne dans ce domaine etont récemment capturé des marins indiens et demandé la libération des pirates prisonniersen Inde148. Face à l'afflux de prisonniers et aux menaces des pirates, le gouvernement indiena décidé d'ordonner à ses navires de ne plus prendre de prisonniers et de s'en tenir à unepolitique de "arraisonner, désarmer, laisser" (hold, disarm and leave)149. Deuxièmement,jusqu'à récemment l'Inde disposait d'un arsenal législatif archaïque pour lutter contre lapiraterie, la plupart des pirates on été poursuivis pour détournement ou prise d'otages, carle seul texte se référant directement la piraterie est un code de l'Amirauté datant de 1863.Le Parlement Indien étudie en ce moment (Août 2011) une loi conformant le code pénalIndien à la Convention de Montego Bay150.

b) Dedere: oui mais à qui?

146 CNN Justice Website, "Five Somalis sentenced to life in piracy case" March 14, 2011, By the CNN Wire Staff, consulté le17 Août 2011 http://articles.cnn.com/2011-03-14/justice/virginia.somali.pirates_1_abdi-mohammed-umar-mohammed-modin-hasan-gabul-abdullahi-ali?_s=PM:CRIME147 Site web d'information France 24, "Cinq pirates somaliens condamnés à des peines de prison fermes" 13/08/2011 , consultéle 17 Août 2011 http://www.france24.com/fr/20110813-pays-bas-justice-rotterdam-cinq-pirates-somaliens-condamnes-prison-yacht-choizil-tanzanie

148 Hanna Ingber Win, "India steps up the fight against piracy Somali" in The Global Post, 12 Mai 2011, consulté le 17 Août2011, http://www.globalpost.com/dispatch/news/regions/asia-pacific/india/110511/india-trade-somali-pirates-anti-piracy-india-navy

149 Sarabjeet Singh Parmar "Sea Piracy and India's Future Role" 10 Juin 2011, pour le site web du Institute for Defense Studiesand Analyses, consulté le 17 Août 2011, http://www.idsa.in/event/SeaPiracyandIndiasFutureRole_ssparmar

150 Abantika Ghosh "India to have a law on piracy", 28 Avril 2011 http://articles.timesofindia.indiatimes.com/2011-04-28/india/29482542_1_piracy-pirates-somalia

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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les autorités somaliennes-Au vu des difficultés rencontrées par les Etats capteurs pour poursuivre les suspects, unedes solutions les plus évidentes serait de transférer les suspects aux autorités somaliennes.En effet les suspects sont à une immense majorité des Somaliens, ils dépendent donc enpriorité de la juridiction somalienne (rationae personae à chercher)

La seule autorité étatique reconnue par la communauté internationale en Somalie est leGouvernement Fédéral de Transition, basé sur une Charte de 2004. Cette Charte reconnaîttrois niveaux de Droit applicable (à vérifier):

102. Le droit somalien est composé de trois strates : (1) les règles coutumières(Xeer) appliquées par les Elders du sous-clan et appréciées de la population pourleur caractère flexible et consensuel ; (2) la Sharia, principalement appliquéedans le domaine des affaires civiles, notamment familiales ; (3) le droit issu dela colonisation, britannique au Somaliland et italienne au Puntland et dans laSomalie centrale et du sud (« Somalia »). Le droit pénal est régi par cette dernièrestrate et non par la Sharia. 103. Pour unifier la Somalie, après l’indépendance,le pouvoir central a initié un processus d’unification du droit. Par la loi n°5 du 30 janvier 1962, l’Assemblée nationale a délégué au gouvernement lepouvoir d’adopter dans les six mois le code pénal et le code de procédurepénale somaliens applicables à l’ensemble du territoire. Compte tenu du délaiextrêmement bref, il a été décidé de reprendre le code pénal de l’anciennecolonie italienne, directement issu du code pénal italien de 1930. Il est entré envigueur le 2 avril 1964 et continue à être applicable, y compris au Somaliland. Encontrepartie, le code de procédure pénale adopté en 1962 est directement issudu code en vigueur dans l’ancienne colonie britannique, lui-même basé sur lesrègles de procédure pénale indiennes de 1872. Encore aujourd’hui, la Somalieest régie par des règles pénales d’origine italienne et des règles de procédurepénale de Common Law. 104. Pour autant, le code pénal somalien ne prévoitpas l’infraction de piraterie. C’est pourquoi, sous l’égide de l’ONUDC, a étéélaboré un projet de loi incriminant la piraterie et ayant vocation à être appliqué àl’ensemble du territoire somalien. A Djibouti, se sont réunis depuis le printemps2010, les représentants du GFT, du Puntland et du Somaliland, à savoir, pourchacune de ces entités, le Président de la Cour suprême, le Procureur généralet le commandant des services pénitentiaires. 105. Cette loi anti-piraterie aété adoptée par le Parlement puntlandais le 18 décembre 2010, mais elle n’apas encore été adoptée par le Parlement de Mogadiscio. Le gouvernement duSomaliland a accepté de présenter ce projet de loi au Parlement d’Hargeisaen vue de son entrée en vigueur au Somaliland, en restreignant néanmoins lacompétence juridictionnelle de ses tribunaux. 106. Sur le fond, le projet de loianti-piraterie, s’inspire très largement de la nouvelle législation seychelloise(section 65 du code pénal). Les experts somaliens ont privilégié l’adoption d’uneloi spéciale plutôt qu’une modification du code pénal en vigueur, qui auraitété plus complexe à mener. La loi transpose la Convention des Nations uniessur le droit de la mer, en reprenant sa définition de la piraterie (articles 4 et 5).L’infraction inclut les actes d’organisation, de complicité et de tentative (article

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3). Telle qu’adoptée par le Puntland, elle prévoit une compétence juridictionnelleuniverselle (articles 1 et 2), accordant à l’autorité judiciaire la compétence pourconnaître de tous les actes de piraterie, quelque soit le lieu de commissionde l’infraction ou la nationalité de son auteur. Elle assortit l’infraction d’unesanction pénale de 5 à 20 ans d’emprisonnement et d’une amende de 50.000 à500.000 dollars (USD), excluant ainsi la peine capitale (articles 1 et 3). Un officierpublic qui faciliterait un acte de piraterie ou en tirerait profit serait passible d’unepeine aggravée de 10 à 25 ans d’emprisonnement et d’une amende de 200.000à 1.000.000 de dollars (article 11). Toute personne condamnée pour acte depiraterie sera définitivement interdite d’exercer toute charge publique (article12). Ces dispositions constituent un progrès incontestable et une base juridiquesolide en vue de poursuites au Puntland de présumés pirates.151

Cet ambitieux programme de "Somalisation" de la résolution du problème de la piraterieau large de la Corne de l'Afrique rencontre déjà des difficultés considérables, en effetle conseiller spécial Jack Lang a été contredit par les parlementaires du ParlementFédéral de Transition, ils ont voté contre le projet de loi sur la piraterie début 2011. Deuxtypes d'oppositions ont été relevés quant à ce projet: certains parlementaires somaliensconsidèrent les pirates comme des "héros combattant les flottes de pêches étrangèresqui pillent les ressources naturelles de la Somalie"152, d'autres considèrent que la Shariadevrait s'appliquer plutôt qu'une législation inspirée du droit international. Le GFT ne disposedonc pas actuellement de loi adaptée pour punir la piraterie. De même le Somaliland,actuellement la partie la plus stable du territoire somalien153, a imposé des restrictionsconcernant le transfert de suspects à sa juridiction; le Somaliland n'accepte de juger que lesressortissants du Somaliland154, or les pirates sont principalement originaires du Puntlandet de la côte Sud de la Somalie. En dépit de cela le Somaliland a parfaitement adapté saréglementation: la piraterie est punie de 10 à 20 ans de prison (article 205 du code maritimedu Somaliland155), ce qui ne contrevient pas aux standards de la CEDH (qui interdisentl'extradition en cas de traitement inhumain ou dégradant); de même le transport d'armes, demunitions ou de personnes à des fins criminelles est passible de 6 mois à 2 ans de prisons(Article 190 du code maritime du Somaliland). Les progrès les plus importants concernantce programme ont été accomplis par le Puntland qui, en plus d'avoir adopté la législationappropriée, a déjà passé un accord avec les Seychelles pour le transfert de suspects156.

151 Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au

large des côtes somaliennes, 52 pages, page 31-32,152 BBC news Africa "Somalia anti-piracy law: MPs block law banning 'heroes'" 20 Janvier 2011, consulté le 17 Août 2011, http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-12214940153 Gérard Prunier," Le Somaliland, une exception africaine" in Le Monde Diplomatique, Octobre 2010, consulté le 17 Août 2011,http://www.monde-diplomatique.fr/2010/10/PRUNIER/19778154 Site web Afriquinfos "Le Somaliland met de strictes conditions à la détention de pirates", 29 mars 2011, consulté le 17 Août 2011,http://www.afriquinfos.com/articles/2011/3/29/brevesdafrique-174791.asp155 Le code maritime du Somaliland est consultable en ligne http://www.somalilandlaw.com/somaliland_maritime_law.htm#Book5156 E turbo news "Seychelles and Puntland strengthen piracy agreement" 12 Mai 2011, consulté le 17 Août 2011 http://www.eturbonews.com/22810/seychelles-and-puntland-strengthen-piracy-agreement

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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De plus la Somalie fait face à une pénurie de juges compétents, seul 10% des jugessomaliens aurait une formation légale formelle157.

Le transfert de suspects aux autorités du Somaliland et du Puntland pose aussi d'autresquestions d'ordre politique, ni le Somaliland ni le Puntland ne sont reconnus par aucunEtat comme des Etats souverains. Contrairement à l'Autorité Palestinienne aucun des deuxgouvernements ne dispose d'un siège d'observateur aux Nations Unies, pourtant l'UNOPS(United Nations Office for Project Services) travaille pour la construction de prisons enPalestine aussi bien qu'au Puntland et au Somaliland158. De même il est étrange quedes Etats, comme le Royaume Uni par exemple, participent à la création d'une force depolice et de lutte contre la piraterie pour un Etat qu'ils ne reconnaissent pas159. Le rapportdu Conseiller Spécial Jack Lang préconise une continuation de l'approche "dual-track"160,consistant à travailler avec les trois autorités somaliennes en parallèle, dans le but d'unifiermais le rapport ne fait référence aux gouvernements du Puntland et du Somaliland maisaux "entités régionales". Il est clair qu'il existe un conflit entre l'objectif de la communautéinternationale d'harmoniser le droit somalien et de ménager tous les acteurs d'une part etla volonté de reconnaissance internationale du Somaliland161 et du Puntland d'autre part.

Il n'en reste pas moins que les transferts au Puntland (290) et au Somaliland (98)162restent numériquement les plus importants, ce volet de la lutte contre la piraterie restedonc d'actualité malgré les difficultés rencontrées.

Les Etats de la région, l'exemple du Kenya et des Seychelles.L'option du transfert aux Etats stables de la région a été jusqu'à récemment l'option favoritede la communauté internationale. En effet les Etats de la région sont concernés en premierlieu par la piraterie somalienne puisque cela affecte fortement leur commerce maritime,décourage les investisseurs ou même, dans le cas du Kenya déstabilisant l'économielocale163.

157 S/2011/360 15 June 2011Report of the Secretary-General of the United Nations on the modalities for the establishment ofspecialized Somali anti-piracy courts, 40 pages, page 5.

158 Site web de l'UNPOS, consulté le 17 Août 2011, http://www.unops.org/francais/whatwedo/focus-areas/physical-infrastructure/experience-capacity/pages/prisons.aspx

159 Site d'information Allvoices, "UK delivers transport equipment for Somaliland Coast Guards", 19 Août 2010, consulté le 17Août 2011, http://www.allvoices.com/contributed-news/6563125-uk-delivers-transport-equipment-for-somaliland-coast-guards

160 Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au largedes côtes somaliennes, "Dans le prolongement de la « dual-track approach to Somalia » développée par les Etats-Unis, le plancomporte, en complément d’actions en faveur du Gouvernement fédéral de transition, un soutien direct aux entités régionales duSomaliland et du Puntland." Page 25.

161 Discours d'intronisation du Président du Somaliland, 29 Juillet 2010: "The aim is to have alliances with the rest of theworld community, always keeping Somaliland’s interest in mind first. To seeking full recognition of Somaliland from the world body"consulté le 17 Août 2011 sur http://somalilandpress.com/somalilands-new-president-ahmed-mohamouds-first-speech-to-somaliland-citizens-17378

162 UNODC Counter-Piracy Programme Support to the Trial and Related Treatment of Piracy Suspects Juin 2011, consultéle 18 Août 2011.163 Radio Nederland Wereldomroep Acheteurs anonymes provoquent boom immobilier au Kenya, 29 avril 2010, consulté le 17 Août2011, http://www.rnw.nl/afrique/article/acheteurs-anonymes-provoquent-boom-immobilier-au-kenya

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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L'exemple du Kenya est intéressant, actuellement le Kenya détient 120 pirates164 (dontla plupart ont été remis et pas capturé par la marine nationale kenyane et est un des raresEtats à vouloir et à pouvoir les poursuivre. Le Yémen détient aussi un nombre équivalent desuspects, cependant cet Etat n'a pas fait montre d'un empressement aussi important quele Kenya, de plus, au vu des récents évènements le Yémen ne sera pas un acteur décisifde la lutte contre la piraterie à court terme. Le Kenya fait quant à lui partie du programmede l'UNODC contre la piraterie, au même titre que les Seychelles (dont nous parlerons plustard), et est reconnu comme un partenaire important par toutes les parties.

Trois piliers peuvent être retenus dans l'effort Kenyan contre la piraterie:-L'adaptation du droit Kenyan, comme l'indique le Conseiller Spécial Jack Lang:

"Le Kenya est le premier Etat de la région à avoir exercé sa compétenceuniverselle, dès 2006. La Cour de première instance (Subordinate Court) deMombasa s’était alors déclarée compétente pour juger des pirates somaliensarrêtés par un navire de guerre des Etats-Unis, après avoir attaqué, en hautemer, un navire battant pavillon indien (décision du 26 octobre 2006). La décisionse fondait sur une définition de la piraterie « jure gentium » (Code pénal de1967, section 69, se référant au droit international coutumier sans préciser leséléments constitutifs de l’infraction). 50 pirates ont été condamnés au Kenya surce fondement en 2009 et 2010."165

Le premier jugement de pirates transférés en mai 2009 devant la Haute Cour de Justice,avait été controversé, les avocats des pirates soutenant que le crime de piraterie n'existaitpas en droit Kenyan. Le juge Festus Azangalala en avait décidé autrement, condamnantles pirates à des peines de prisons de 7 ans, faisant ainsi jurisprudence166 167. Le droit adonc été adapté par le Merchant Shipping Act promulgué en Juin 2009. Cette loi procèdeà l'inclusion de la Convention de Montego Bay dans le droit Kenyan, l'article 369 reprendles termes de cette convention pour décrire le crime de piraterie. Mais en plus le droit estadapté aux particularités de la piraterie somalienne avec l'article 370, cet article définit les"crimes contre la sécurité des navires":

(a) La destruction illégale d'un navire;(b) L'endommagement d'un navire ou de sa cargaison mettant en danger ou pouvant

mettre en danger la navigation du navire.(c) Les actes de violences commis à bord d'un navire pouvant mettre en danger la

navigation sûre du navire, ou164 UNODC Counter-Piracy Programme Support to the Trial and Related Treatment of Piracy Suspects Juin 2011, consulté

le 18 Août 2011.165 Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au

large des côtes somaliennes, page 19166 Nicolas Gros-Verheyde, http://bruxelles2.over-blog.com/article-31670904.html à retrouver167 Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large descôtes somaliennes, page 19: "Par sa décision du 9 novembre 2010, confirmée en appel, la Haute Cour de Mombasa a relaxé 9prévenus pour défaut de compétence juridictionnelle à l’égard des actes de piraterie commis en haute mer, laissant craindre que cerevirement jurisprudentiel paralyse définitivement l’action judiciaire du Kenya dans la lutte contre la piraterie. En réalité cette décision,prise sur le fondement du nouveau Merchant Shipping Act, adopté fin 2009, résulte d’un défaut législatif qui avait été identifié et quidoit être prochainement corrigé. En effet, la nouvelle législation n’avait qu’imparfaitement supprimé les dispositions préexistantes ducode pénal."

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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(d) La mise en place sur un navire de tous appareil ou substance pouvant détruire lenavire ou pouvant endommager le navire ou sa cargaison de manière à mettre en dangerla sûreté de la navigation. 168

Ces crimes, ou leur facilitation, sont punis par l'emprisonnement à vie, ainsi que lapiraterie. On voit que le droit est adapté aux méthodes des pirates somaliens car ceux-ciont pour habitude de tirer sur les navires avant de les aborder, donc si l'abordage échoue,les pirates peuvent quand même être poursuivis. De même le point (d) peut faire référenceà l'usage d'explosifs qui sont régulièrement utilisés par les pirates pour tenter de s'introduiredans les chambres-fortes (safe room, pièce blindée à l'intérieur d'un navire ne pouvant êtreouverte que de l'intérieur) où se réfugient les équipages en cas d'attaque.

Le Kenya se reconnaît une compétence universelle quant à ces actes, toujours à l'article370:

(Les articles s'applique:)(a) que ledit navire soit au Kenya ou ailleurs(b) que lesdits actes soient commis au Kenya ou ailleurs; et

(c) quelque soit la nationalité de la personne commettant ces actes169.Le deuxième pilier est une succession d'accords bilatéraux entre le Kenya et les

autorités de captation, notamment:L'UE, par la décision 2009/293/PESC du Conseil de l'Union européenne du 26 février

2009 170concernant l'échange de lettres entre l'Union européenne et le gouvernement duKenya sur les conditions et les modalités régissant le transfert, de la force navale placéesous la direction de l'UE (EUNAVFOR) au Kenya, des personnes soupçonnées d'avoircommis des actes de piraterie qui sont retenues par l'EUNAVFOR et de leurs biens saisisen possession de cette dernière, ainsi que leur traitement après un tel transfert.

Le troisième pilier repose sur le jugement et l'accueil des prisonniers, le Kenyaest aidé en cela par l'UE, l'UNOPS, l'UNODC et d'autres Etats pour la construction detribunaux et de prisons. Par exemple le Kenya a construit à Mombasa une Cour pourjuger exclusivement les pirates171, avec l'aide de l'UE, du Canada, de l'Australie et del'UNODC. La construction d'une telle structure permet de juger et détenir les pirates dansdes conditions correspondantes aux exigences des organisations internationales et desEtats qui transfèrent les prisonniers. En effet le système judiciaire Kenyan est loin d'être

168 Merchant Shippng Act, Juin 2009, article 370, (a) destroys a ship; (b) damages a ship or its cargo so as to endanger, orto be likely to endanger, the safe navigation of the ship; (c) commits, on board a ship, an act of violence which is likely to endangerthe safe navigation of the ship; or (d) places or causes to be placed on a ship any device or substance which is likely to destroy theship or is likely so to damage it or its cargo as to endanger its safe navigation.

169 Merchant Shippng Act, Juin 2009, article 370 (a) whether the ship referred to in those subsections is in Kenya or elsewhere;(b) whether any such act as is mentioned in those subsections is committed in Kenya or elsewhere; and (c) whatever the nationalityof the person committing the act.

170 J.O.U.E. n° L79 du 25 mars 2009, p. 47171 BBC news Africa, " Kenya opens fast-track piracy court in Mombasa" 24 Juin 2010, consulté le 18 Août 2011, http://

www.bbc.co.uk/news/10401413 S/2011/360 15 June 2011Report of the Secretary-General on the modalities for the establishment ofspecialized Somali anti-piracy courts, page 38, Prosecutions are taking place at the new courthouse constructed by UNODC at ShimoLa Tewa Prison, near Mombasa, and at Mombasa Court Centre, refurbished by UNODC.

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irréprochable172 173 et la jurisprudence de la CEDH exige que le transfert à un Etat tiersrespecte l'interdiction de traitement inhumain et dégradant174.

Notre deuxième exemple, la coopération entre les Seychelles et l'EUNAVFOR, permetd'illustrer ce point. La collaboration entre ces deux entités est officialisé par Décision2009/877/PESC du Conseil de l'Union européenne du 23 octobre 2009 concernant lasignature et l'application provisoire de l'échange de lettre entre l'Union européenne et laRépublique des SEYCHELLES sur les conditions et les modalités régissant le transfert, del'EUNAVFOR à la République des SEYCHELLES, des personnes suspectées d'actes depiraterie ou de vols à main armée, ainsi que leur traitement après un tel transfert, J.O.U.E.n° L315 du 2 décembre 2009, p. 35175. Cet accord implique tous les Etats membres del'EUNAVFOR mais aussi les Etats contributeurs, comme l'Ukraine, et concerne:

"Les personnes suspectées d’avoir l’intention de commettre, de commettre oud’avoir commis des actes de piraterie en haute mer ou des vols à main arméedans les eaux territoriales et archipélagiques des Seychelles, et qui sont retenuespar l’EUNAVFOR."

Sur le principe:"Les Seychelles acceptent, sur demande de l’EUNAVFOR, le transfert depersonnes retenues par cette dernière et des biens saisis par elle en rapportavec des vols à main armée (…) et de piraterie, et remettent les personneset biens concernés à leurs autorités compétentes à des fins d’enquête et depoursuites. L’EUNAVFOR ne transfère de personnes qu’aux autorités répressivescompétentes des Seychelles"

On constate que l'EUNAVFOR est seule juge de qui elle veut transférer, la seule conditionétant la suspicion d'actes de piraterie ou de vol à main armée en mer, et cette appréciationest laissé aux forces de l'EUNAVFOR.

L'accord reconnaît aux suspects un nombre important de droits, issus des conventionsinternationales et européennes des droits de l'Homme. En effet c'est l'Union Européennequi passe cet accord pour ses Etats membres, or cette organisation régionale n'est pas

172 COMITÉ CONTRE LA TORTURE Quarante et unième session Genève, 3-21 novembre 2008 EXAMEN DES RAPPORTSSOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION Observations finales du Comitécontre la torture pour le KENYA. CAT/C/KEN/CO/1 19 janvier 2009. Particulièrement page 5: Le Comité est préoccupé par lesconditions de détention difficiles qui prévalent dans les prisons kenyanes, en raison notamment de la surpopulation, du manque deservices de santé appropriés et du haut niveau de violence dans les prisons, y compris entre détenus. Le Comité prend note dutravail pertinent accompli par la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya en matière de surveillance des conditions dedétention. Le Comité est toutefois préoccupé par le rôle limité que jouent les juges dans l’inspection des conditions de détention

173 AMITAI ETZIONI "SOMALI PIRATES: AN EXPANSIVE INTERPRETATION OF HUMAN RIGHTS" in Texas Law Review,vol 15, 21/12/2010, p 40-60, page 55: “[t]he [Kenyan] police have a terrible record of long periods of detention without trial,” that thereare “terrible conditions in the prisons” and “very poor record of access to legal representation” as well as “interminable delays in thecourt process.”

174 Soering v. United Kingdom, 161 Eur. Ct. H.R. (ser. A) (1989).: It would hardly be compatible with the underlying values ofthe Convention . . . were a Contracting State knowingly to surrender a fugitive to another State where there were substantial groundsfor believing that he would be in danger of being subjected to torture, however heinous the crime allegedly committed. Extradition insuch circumstances, . . . would plainly be contrary to the spirit and intendment of the Article .

175 Discours prononcé par Monsieur J.F. LECLERCQ, procureur général près la Cour de cassation La lutte contre la pirateriemoderne entravant la circulation maritime et le droit fondamental des Nations Unies., à l'audience solennelle de rentrée de la Courde cassation de Belgique le 1er septembre 2010.

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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partie prenante à la CEDH, les droits conférés par la CEDH doivent donc être inscrits dansl'accord passé avec les Seychelles:

Les parties traitent les personnes transférées, aussi bien avant qu’après letransfert, humainement et conformément aux obligations internationales enmatière de droits de l’homme, dont l’interdiction de la torture et des peinesou traitements cruels, inhumains et dégradants, l’interdiction de la détentionarbitraire et l’exigence d’un procès équitable. » 1. « détention dans des locauxadéquats, nourriture suffisante, accès à des soins médicaux et (droit d’)observer sa religion. 2. « traduction dans le plus court délai devant un jugeou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires,qui statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération sicette détention est illégale. 3. « droit d’être jugée dans un délai raisonnable oulibérée. 4. « droit à (voir) sa cause entendue équitablement et publiquement parun tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décideradu bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. 5. «présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie 6.« droit, en pleine égalité, au moins à : a) être informée, dans le plus court délai,dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et desmotifs de l’accusation portée contre elle; b) disposer du temps et des facilitésnécessaires à la préparation de sa défense et communiquer avec le conseil deson choix; être jugée sans retard excessif; c) être présente au procès et sedéfendre elle-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix; d) sielle n’a pas de défenseur, être informée de son droit d’en avoir un, et, chaquefois que l’intérêt de la justice l’exige, se voir attribuer d’office un défenseur,sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer; e) examiner ou faireexaminer toutes les preuves retenues contre elle, y compris les déclarations sousserment des témoins qui ont procédé à l’arrestation, et obtenir la comparutionet l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que lestémoins à charge; f) se faire assister gratuitement d’un interprète si elle necomprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience; g) ne pas êtreforcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable. 7. « (droit) àfaire examiner ou juger en appel par une juridiction supérieure la déclaration deculpabilité et la condamnation, conformément à la législation des Seychelles. (…) « Aucune personne transférée ne peut être accusée d’une infraction punissablede la peine de mort, ni condamnée ou soumise à la peine de mort. »

De même, les organisations internationales des droits de l'Homme sont autorisées à visiterles suspects sur leurs lieux de détention.

L'accord prévoit une coopération étroite tout au long de la procédure, chaque partiemaintien un dossier sur chaque suspect, précisant le lieu, la date et la raison de sonarrestation, les charges retenues contre lui, le lieu de son incarcération… L'EUNAVFOR setient à disposition des autorités judiciaires des Seychelles pour les témoignages et transmetles preuves pertinentes.

De plus le transfert à un pays tiers est facilité par l'usage de shipriders, c'est-à-dired'officiers de police judiciaire du pays tiers pour relever les preuves et constater l'infraction

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dansle but d'éviter le transfert de preuves ainsi que de limiter les différences de procédurescriminelles.Shipriders

Si jusqu'à maintenant le système de transfert à de pays tiers a plutôt bien fonctionné,120 pirates sont détenus au Kenya et 64 aux Seychelles, les perspectives d'avenirde ce système ne sont pas favorables. En effet le soutien actuel de la communautéinternationale est à peine suffisant, or les pirates ont souvent été condamnés à plusieursannées de prisons, il n'est pas certain que les pays d'accueil aient la volonté ou même lacapacité de soutenir l'effort de lutte anti-piraterie sans l'aide des Etats ou des organisationsinternationales. De plus, sur son principe même, ce système est avant tout un palliatif àl'inexistence d'une juridiction somalienne efficiente. En conséquence, comme l'indique leConseiller spécial Jack Lang, le Groupe de contact sur la piraterie considère l'éventualitéd'un "enchaînement de transfert": la capture serait effectuée par les Etats capteurs habituels,le jugement serait effectué au Kenya ou aux Seychelles, puis le condamné irait accomplirsa peine dans une prison Somalienne, Puntlandaise ou Somalilandaise176. Cependant cetteoption reste compromise par la situation en Somalie et le manque d'empressement desparlementaires somalis à voter la loi sur la piraterie. En Mars 2010 le Kenya avait donnéune notification de son retrait des arrangements conclus avec le Canada, la Chine, leDanemark, l'Union Européenne, le Royaume Uni, et les Etats-Unis pour le transfert desuspects. Cependant le Kenya a continué de traiter au cas par cas les transferts ad hoc,cet annonce est un signe que le Kenya ne peut ni ne veut assumer seul le coûts politiqueset financiers des procédures judiciaires contre les pirates.177

. Face aux difficultés rencontrées par les parties la communauté internationale tenteaujourd'hui de se tourner vers une autre solution.

La Cour déterritorialisée: une solution utopiste?Cette solution c'est le tribunal somalien déterritorialisé, proposé par le conseiller spécialJack Lang dans son rapport au Conseil de Sécurité, au nom de la "Somalisation" duproblème. Cette Cour serait située à Arusha en Tanzanie, "capitale africaine du droit",elle bénéficierait donc des installations (Cour, bureaux et même lieux de détention) duTribunal Pénal International pour le Rwanda qui se situe aussi là-bas et dont la missiontouche à sa fin. Pour le personnel qualifié comme les juges, greffiers et procureurs parexemple, il serait fait appel à la diaspora somalienne178 et aux diplômés des facultés de droitdes alentours d'Arusha179. A terme la Cour ne serait composée que de Somalis, et seraitdéplacé à Mogadiscio. Les avantages de ce type d'installation seraient: d'abord la rapiditéaccrue des transferts depuis les navires capteurs, évitant ainsi les rétentions administrativesde plusieurs jours, ensuite l'usage du droit somalien par des somaliens pour juger dessomaliens.

176 Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au largedes côtes somaliennes, page 23.

177 S/2011/360 15 June 2011Report of the Secretary-General on the modalities for the establishment of specialized Somalianti-piracy courts, page 38.178 Le conseiller spécial Jack Lang ne précise pas combien de juges compétents d'origine somalienne seraient prêts à se portervolontaire pour ce tribunal, ou même en quoi l'origine ethnique d'un juge lui donnerait une quelconque légitimité pour juger les piratessomaliens.179 Rapport du Conseiller spécial du Secrétaire Général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtessomaliennes, 18 January 2011, page 38, paragraphe 126, 127, 131.

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II. Les difficultés provoquées par les ambiguïtés des mesures de lutte contre la piraterie.

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Cependant, comme l'indique le Secrétaire Général dans son rapport concernant cetteoption, ce type de Cour fait non seulement face aux mêmes problèmes que les autressystèmes proposés, c'est-à-dire l'inexistence du droit somalien quant à la piraterie, mais enen plus fait naître une série de difficultés qui lui sont propres. En effet le rapport indique queles autorités somaliennes, fédérales et régionales, sont opposées à ce type de solutions180.En plus de cette opposition la solution proposée n'est pas viable à court et moyen terme,ou en tout cas moins que les solutions déjà en cour de mise en place au Puntland et auSomaliland. Une Cour déterritorialisée est donc un palliatif à l'impossibilité d'établir une Courdans la partie de la Somalie (Centre et Sud, hors Somaliland et Puntland) où le GFT n'est pascapable d'assurer la sécurité. De même les capacités des lieux de détentions provisoiressont plus que limités181, les condamnés devront être renvoyés en Somalie pour purger leurspeines. Une option est toutefois retenue par le Secrétaire Général, c'est celle de l'utilisationde la Cour déterritorialisée aux fins de juger des cibles de haute valeur ne participantpas aux attaques en elle-même, comme les financiers blanchisseurs d'argent, les cadresde la piraterie et les chefs. Selon les consultations du Secrétaire Général (avec Interpolnotamment), ces personnes sont en grande partie identifiées et localisés, en Somalieou dans d'autres pays de la région. La grande inconnue reste cependant les modalitésd'interpellation de ces personnes, pour les Etats comme le Kenya par exemple cela nepose pas de problème majeur, une opération de police puis une extradition traditionnellepouvant suffire. Mais une interpellation en Somalie par les forces de sécurité somaliennessemble difficile, une intervention des forces armées occidentales est envisageable avecl'autorisation des autorités territorialement compétentes (Puntland notamment), mais lespectre de l'échec des opérations Gothic Serpent en 1993 et les difficultés de l'ONUSOM IIsont autant de difficultés à surpasser. De même il serait nécessaire d'inscrire dans le droitpénal somalien une peine pour participation à une entreprise criminelle.

180 S/2011/360 15 June 2011Report of the Secretary-General on the modalities for the establishment of specialized Somalianti-piracy courts, page 14, paragraphes 52, 53 et 54, 40 pages.

181 46 places aux dires de Mr Lang, Rapport du Conseiller spécial du Secrétaire Général pour les questions juridiques liéesà la piraterie au large des côtes somaliennes, 18 January 2011, note 69, page 38.

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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Conclusion

Quand les pirates sont sur le pont, il est déjà trop tard' concède le commandant du NIVÔSE(frégate française dont la mission était de faire échec aux forbans sans pouvoir les détenir).'Ma mission s'arrête là. La reconquête de vive force, ce n'est pas mon métier'182

Le phénomène actuel de la piraterie en Somalie est la conjoncture du trafic maritimeintensif dans le Golfe d'Aden et du chaos qui règne en Somalie:

"Ce serait illusion de lier étroitement la piraterie maritime à la déliquescence del'Etat, comme elle est constatée dans ce pays (Somalie) depuis une vingtained'années. D'essence économique, la piraterie résulte de du contact brutal dela grande pauvreté avec la richesse considérable que déplace le commercemaritime". P 74.

Le droit international n'est pas en cause, la communauté internationale a été dépasséepar l'ampleur dela conjoncture de l'Etat failli et des difficultés juridiques internes des Etatscapteurs, notamment les systèmes juridiques internes non adaptés.

La réponse de la communauté internationale est ambigüe dans son utilisation du droitinternational et inefficace dans la mise en pratique de ses opérations. Les mesures prisesconsistent essentiellement en des résolutions à caractère non obligatoire, des décisionsad hoc, aucune modification en profondeur du droit international. Tous le poids de lalutte anti-piraterie repose de ce fait sur des opérations dépendantes d'une multitude deresponsabilités différentes, la complexité des poursuites et les difficultés politiques quien découlent ont entravé l'efficacité des Le coût d'un an de la seule opération Atalantas'élève à 300 millions d'Euros, dans le contexte actuel de stagnation économique etde resserrement des budgets de Défense183, il paraît improbable de pouvoir maintenirindéfiniment un tel système. De plus les opérations dans leur format actuel sont inefficaces,L'Union Européenne estime que le nombre de frégates porte-hélicoptères nécessairespour patrouiller efficacement dans le Golfe d’Aden est énorme. Pour un seul secteur dela carte (annexe I), le secteur 3 (par exemple), il faudrait au minimum en permanencesur zone cinq frégates et quatre avions de patrouille maritime. Selon certains calculsthéoriques, il faudrait quarante-cinq bâtiments porte-hélicoptères et huit avions de patrouillemaritime pour l’ensemble du Golfe d’Aden184. Il est illusoire de croire que la communautéinternationale peut maintenir une telle présence à moyen ou long terme.

182 La lutte contre la piraterie moderne entravant la circulation maritime et le droit fondamental des Nations Unies. Discours prononcépar Monsieur J.F. LECLERCQ, procureur général près la Cour de cassation, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassationde Belgique le 1er septembre 2010.

183 Erwann Kerrand Resserrement des dépenses militaires mondiales en 2010, La Tribune.fr - 11/04/2011, consulté le 20Août 2011, http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110411trib000614711/resserrement-des-depenses-militaires-mondiales-en-2010.html

184 RAPPORT présenté au nom de la Commission de défense par MM. Kurt Bodewig (Allemagne, Groupe socialiste), AristotelisPavlidis (Grèce, Goupe fédéré) et Tarmo Kõuts (Estonie, Groupe fédéré), rapporteurs Document C/2037 6 mai 2009 CINQUANTE-SIXIÈME SESSION Le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre la piraterie 32 pages, page 11.

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Conclusion

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La confusion juridique née du paradoxe de missions de maintien de l'ordre effectuéespar des personnels militaires non formés et non équipés juridiquement pour cela, est pourgrande partie à l'inefficacité de ce type d'opérations. A cela vient s'ajouter l'incapacité duGFT somalien à assurer le maintien de l'ordre ailleurs qu'à Mogadiscio, si les récents progrèsmilitaires du GFT face aux mouvements islamistes se confirment185, il leur faudra toujoursvoter une loi incriminant de manière satisfaisante la piraterie, construire une force capabled'arrêter les pirates à terre ou en mer, proposer une alternative au candidats à la piraterieet bâtir des infrastructures pour les emprisonner.

A ce jour les solutions les plus intéressantes restent la collaboration avec les entitésrégionales, pour preuve le Puntland détient à lui seul 290 pirates, dont 240 ont étécondamnés, et les opérations de police menées par les polices concernées. On citeranotamment la collaboration entre l'UNODC, Interpol, l'Europol et les polices de l'Afrique del'Est186, comme la police Kényane, qui ont permis d'identifier les chefs et les financiers despirates ainsi que les flux d'argent résultant des activités illégales à partir de la Somalie.Ainsi la police Kenyane est à même de lutter contre le blanchissement d'argent dans le portde Mombasa, de même pour la police aux Emirats Arabe Unis. Particulièrement visé, lecontrôle des Hawalas (organismes de prêts informels de la diaspora hors de Somalie, quiremplace le système de banques) permet de limiter le blanchissement d'argent des rançons(le plus souvent elles sont données en liquide)187 188. Ce genre de solution, qui relève dela lutte contre une action criminelle sans intervention militaire complexe sur le plan du droitinternational, est moins coûteuse sur le plan humain et financier, et sera probablement plusefficace que des opérations maritime de grande envergure qui reviennent à chasser desguêpes avec un marteau. Il semble d'ailleurs, qu'avec la résolution 1976, l'ONU s'engagedans cette voie. De plus le processus est déjà lancé, avec la participation active d'Interpol,qui, en émettant une notice rouge sur un financier de la piraterie, a permis son arrestation189.

Au niveau du droit international, on note que le principal obstacle à la lute contre lapiraterie reste la non application du droit international dans les droits nationaux, de mêmel'effondrement de l'autorité de l'Etat est un problème sans réponse dans le droit internationalactuel.

En suivant la maxime de Cuche La peine n'est ni le seul, ni le meilleur moyen decombattre le crime. Il faut beaucoup mieux s'attacher à tarir les sources de la criminalitéque de s'occuper uniquement d'en réprimer les manifestations190, on se rend compte que le

185 Le Point.fr, source AFP, Somalie - Des habitants fuient les combats à Mogadiscio , http://www.lepoint.fr/monde/somalie-des-habitants-fuient-les-combats-a-mogadiscio-08-08-2011-1360744_24.php

186 Site web de l'UNODC Awash with money - organized crime and its financial links to Somali piracy, 25 Mai 2011, http://www.unodc.org/unodc/en/frontpage/2011/May/awash-with-money---organized-crime-and-its-financial-links-to-somali-piracy.html

187 Mary Harper Chasing the Somali piracy money trailpour BBC International, 24 Mai 2009, consulté le 20 Août 2011, http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/8061535.stm

188 Blog DePaul Cochrane, Back in Beirut, " Treasure Ships: Somali piracy and the spectre of money laundering ", 6 Mai 2010,consulté le 20 Août 2011, http://backinbeirut.blogspot.com/2010/05/treasure-ships-somali-piracy-and.html

189 S/2011/360 15 June 2011Report of the Secretary-General of the United Nations on the modalities for the establishmentof specialized Somali anti-piracy courts, 40 pages, page 36. INTERPOL has also issued three Red Notices seeking the provisionalarrest for the extradition of individuals who have been identified as alleged financiers or facilitators of piracy. One of these individualshas since been arrested by a State in the Middle East and is awaiting extradition to a European State. Several countries are alsoconducting investigations against financiers and facilitators of piracy.

190 Précis de droit criminel » (6e éd., 1936)

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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rétablissement d'un Etat de droit en Somalie est la condition sine qua non de la résolutiondu problème posé par la piraterie au large de la Corne de l'Afrique. De plus cela aideraitgrandement à la gestion des terribles crises humanitaires créées par les sécheressesà répétition dans la région, ainsi qu'à la fin des combats entre clans et mouvementsislamistes qui durent depuis une dizaine d'année. Il n'ya pas de solution facile à ce problème,particulièrement pas un soutien aveugle au GFT, qui n'est pas plus un gouvernementdémocratique que les islamistes d'Al Shababs, mais la résolution du phénomène de lapiraterie passera par là plus que par le palliatif dispendieux des opérations navales dansl'Océan Indien.

Avez-vous oublié cette grande maxime,Que la guerre civile est le règne du crime ?Pierre Corneille, « Sertorius » ( 1662 )

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Bibliographie

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Arrêts

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Autres

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Annexes

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Annexes

Annexe 1: Réponse par Mail du Lundi 27 Juin 2011;service communication des Combined MaritimeForces,

Quentin, I hope this answer helps? "Each CMF contributing nation would apply itsown national laws to the units it deploys. So, the actions of a warship and its crew wouldbe subject to the national courts of the parent nations and would depend on the particularconstitutional arrangements in place in each nation. For example, a the actions of a UK unitwould be subject to challenge against the MOD in the High Court in London, but the actionsof individuals in that unit would be under the jurisdiction of the Court Martial. Under UNCLOS105 the State of the warship that seized suspected pirates could try them in its nationalcourts, and in the UK the appropriate court would be the civilian Crown Court. Similarly, aspiracy is a crime with universal jurisdiction, the capturing state can transfer them to a thirdstate for prosecution. Pirates have regularly been transferred to Kenya from EU and USships. In Kenya pirates are tried in the Magistrates' Courts. In many common law states,piracy is a crime of Admiralty jurisdiction and piracy would be tried in the Admiralty courts.However, many Admiralty courts have transferred their criminal jurisdiction to the generalcriminal courts. In the US, pirates are tried before Federal criminal courts." Lt Neel SinghRoyal Navy Media Operations Officer Tel + 973 - 1785 - 4942 Mob + 973 - 3940 - 7929

Annexe 2: Graphique illustrant les zones decompétences de l'Etat en mer,

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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Annexe 3: Programme pour l'amélioration descapacités juridictionnelles et pénales de la Somalie,Rapport du Conseiller spécial (Jack Lang) duSecrétaire Général pour les questions juridiquesliées à la piraterie au large des côtes somaliennes, 52pages, page 40.

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Annexes

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Annexe 4: Etats parties de la Convention de Rome de1988,

CONVENTION FOR THE SUPPRESSION OF UNLAWFUL ACTSAGAINST THE SAFETY OF MARITIME NAVIGATION, 1988 (SUA1988)Contracting States Date of deposit of

instrumentDate of entry intoforce or succession

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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12 October 2009 10 January 2010

Argentina (ratification)1 17 August 1993 15 November 1993Armenia (accession)1 8 June 2005 6 September 2005Australia (accession) 19 February 1993 20 May 1993Austria (ratification) 28 December 1989 1 March 1992Azerbaijan (accession)1 26 January 2004 25 April 2004Bahamas (accession) 25 October 2005 23 January 2006Bahrain (accession) 21 October 2005 19 January 2006Bangladesh (accession) 9 June 2005 7 September 2005Barbados (accession) 6 May 1994 4 August 1994Belarus (accession) 4 December 2002 4 March 2003Belgium (accession) 11 April 2005 10 July 2005Benin (accession) 31 August 2006 29 November 2006Bolivia (Plurinational Stateof) (accession)

13 February 2002 14 May 2002

Bosnia and Herzegovina(accession)

28 July 2003 26 October 2003

Botswana (accession) 14 September 2000 13 December 2000Brazil (ratification)1 25 October 2005 23 January 2006Brunei Darussalam(ratification)

4 December 2004 3 March 2004

Bulgaria (ratification) 8 July 1999 6 October 1999Burkina Faso (accession) 15 January 2004 14 April 2004Cambodia (accession) 18 August 2006 16 November 2006Canada (ratification)2 18 June 1993 16 September 1993Cape Verde (accession) 3 January 2003 3 April 2003Chile (ratification) 22 April 1994 21 July 1994China (ratification)1, 6 20 August 1991 1 March 1992Cook Islands (accession) 12 March 2007 10 June 2007Comoros (accession) 6 March 2008 6 June 2008Costa Rica (ratification) 25 March 2003 23 June 2003Croatia (assession) 18 August 2005 16 November 2005Cuba (accession)1 20 November 2001 18 February 2002Cyprus (accession) 2 February 2000 2 May 2000Czech Republic(accession)

10 December 2004 10 March 2005

Denmark (ratification)1 25 August 1995 23 November 1995Djibouti (accession) 9 June 2004 7 September 2004Dominica (accession) 31 August 2001 29 November 2001Dominican Republic(accession)

3 July 2008 1 October 2008

Ecuador (accession) 10 March 2003 8 June 2003Egypt (ratification)1 8 January 1993 8 April 1993El Salvador (accession) 7 December 2000 7 March 2001Equatorial Guinea(accession)

14 January 2004 13 April 2004

Estonia (accession) 15 February 2002 16 May 2002Fiji (accession) 21 May 2008 19 August 2008Finland (ratification) 12 November 1998 10 February 1999France (approval)1 2 December 1991 1 March 1992Gambia (accession) 1 November 1991 1 March 1992Georgia (accession) 11 August 2006 9 November 2006Germany3(ratification) 6 November 1990 1 March 1992Ghana (accession) 1 November 2002 30 January 2003Greece (ratification) 11 June 1993 9 September 1993Grenada (accession) 9 January 2002 9 April 2002Guatemala (accession) 26 August 2009 24 November 2009Guinea (accession) 1 February 2005 2 May 2005Guinea-Bissau (accession) 14 October 2008 12 January 2009Guyana (accession) 2 January 2003 2 April 2003Honduras (accession) 17 May 2005 15 August 2005Hungry (ratification) 9 November 1989 1 March 1992Iceland (accession) 28 May 2002 26 August 2002India (accession)2 15 October 1999 13 January 2000Iran (Islamic Republic of)(accession)1

30 October 2009 28 January 2010

Ireland (accession) 10 September 2004 9 December 2004Israel (ratification)1 6 January 2009 6 April 2009Italy (ratification) 26 January 1990 1 March 1992Jamaica (accession)2 17 August 2005 15 November 2005Japan (accession) 24 April 1998 23 July 1998Jordan (accession) 2 July 2004 30 September 2004Kazakhstan (accession) 24 November 2004 22 February 2004Kenya (accession) 21 January 2002 21 April 2002Kiribati (accession) 17 November 2005 16 February 2006Kuwait (accession) 30 June 03 28 September 2003Latvia (accession) 4 December 2002 4 March 2003Lebanon (accession) 16 December 1994 16 March 1995Liberia (ratification) 5 October 1995 3 January 1996Libyan Arab Jamahiriya(accession)

8 August 2002 6 November 2002

Liechtenstein (accession) 8 November 2002 6 February 2003Lithuania (accession) 30 January 2003 30 April 2003Luxembourg (accession) 5 January 2011 5 April 2011Madagascar (accession) 15 September 2006 14 December 2006Mali (accession) 29 April 2002 28 July 2002Malta (accession) 20 November 2001 18 February 2002Marshall Islands(accession)

29 November 1994 27 February 1995

Mauritania (accession) 17 January 2008 16 April 2008Mauritius (accession) 3 August 2004 1 November 2004Mexico (accession)1 13 May 1994 11 August 1994The Federated States ofMicronesia (accession)

10 February 2003 11 May 2003

Moldova (accession)1 11 October 2005 9 January 2006Monaco (accession) 25 January 2002 25 April 2002Mongolia (accession) 22 November 2005 20 February 2006Montenegro (accession)7 - 3 June 2006Morocco (ratification) 8 January 2002 8 April 2002Mozambique (accession)1 8 January 2003 8 April 2003Myanmar (accession)1 19 September 2003 18 December 2003Namibia (accession) 20 July 2004 18 October 2004Nauru (accession) 11 August 2005 9 August 2005Netherlands (acceptance)5 5 March 1992 1 March 1992New Zealand (ratification) 10 June 1999 8 September 1999Nicaragua (accession) 4 July 2007 2 October 2007Niger (accession) 30 August 2006 28 November 2006Nigeria (ratification) 24 February 2004 24 May 2004Niue (accession) 22 June 2009 20 September 2009Norway (ratification) 18 April 1991 1 March 1992Oman (accession) 24 September 1991 1 March 1992Pakistan (accession) 20 September 2000 19 December 2000Palau (accession) 4 December 2001 4 March 2002Panama (accession) 3 July 2002 1 October 2002Paraguay (accession)2 12 November 2004 10 February 2005Peru (accession) 19 July 2001 17 October 2001Philippines (accession) 6 January 2004 5 April 2004Poland (ratification) 25 June 1991 1 March 1992Portugal (accession)1 5 January 1996 4 April 1996Qatar (accession) 18 September 2003 17 December 2003Republic of Korea(accession)

14 May 2003 12 August 2003

Romania (accession) 2 June 1993 31 August 1993Russian Federation(ratification)1

4 May 2001 2 August 2001

Saint Kitts and Nevis(accession)

17 January 2002 17 April 2002

Saint Lucia (accession) 20 May 2004 18 August 2004Saint Vincent and theGrenadines (accession)

9 October 2001 7 January 2002

Samoa (accession) 18 May 2004 16 August 2004Sao Tome & Principe(accession)

5 May 2006 3 August 2006

Saudi Arabia (accession)1 2 February 2006 3 May 2006Senegal (accession) 9 August 2004 7 November 2004Serbia (accession)7 - 3 June 2006Seychelles (ratification) 24 January 1989 1 March 1992Singapore (accession) 3 February 2004 3 May 2004Slovakia (accession) 8 December 2000 8 March 2001Slovenia (accession) 18 July 2003 16 October 2003South Africa (accession) 8 July 2005 6 October 2005Spain (ratification) 7 July 1989 1 March 1992Sri Lanka (accession) 4 September 2000 3 December 2000Sudan (accession) 22 May 2000 20 August 2000Swaziland (accession) 17 April 2003 16 July 2003Sweden (ratification) 13 September 1990 1 March 1992Switzerland (ratification) 12 March 1993 10 June 1993Syrian Arab Republicaccession)

24 March 2003 22 June 2003

Tajikistan (accession) 12 August 2005 10 November 2005The former YugoslavRepublic of Macedonia(accession)

7 August 2007 2 October 2007

Togo (accession) 10 March 2003 8 June 2003Tonga (accession) 6 December 2002 6 March 2003Trinidad and Tobago(accession)

27 July 1989 1 March 1992

Tunisia (accession)1 6 March 1998 4 June 1998Turkey (ratification)1 6 March 1998 4 June 1998Turkmenistan (accession) 8 June 1999 6 September 1999Tuvalu (accession) 2 December 2005 2 March 2006Uganda (accession) 11 November 2003 9 February 2004Ukraine (accession) 21 April 1994 20 July 1994United Arab Emerites(accession)1

15 September 2005 14 December 2005

United Kingdom(ratification)1, 4

3 May 1991 1 March 1992

United Republic ofTanzania (accession)

11 May 2005 9 August 2005

United States (ratification) 6 December 1994 6 March 1995Uruguay (accession) 10 August 2001 8 November 2001Uzbekistan (accession) 25 September 2000 24 December 2000Vanuatu (accession) 18 February 1999 19 May 1999Viet Nam (accession) 12 July 2002 10 October 2002Yemen (accession) 30 June 2000 28 September 2000

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Annexes

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Annexe 5: Etats parties de la Convention de MontegoBay de 1982

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) ou UNCLOS pour UnitedNations Convention on the Law Of the Sea) a été créée par l'assemblée des Nations unies,en vertu de la résolution 3067 (XXVIII) adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 16novembre 1973,

Annexe 6: Détail du coût estimé de la PiraterieSomalienne, source Dir Anna Bowden The EconomicCost of Maritime Piracy One Earth Future WorkingPaper December 2010, 26 pages.

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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Annexes

91

Annexe 7: Extension de la zone d'influence de lapiraterie entre 2005 et 2010, source 2011 Somali PiracyUpdate http://gcaptain.com/2011-piracy-update?19763

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Les opérations de lutte anti-piraterie au large de la Corne de l'Afrique : le droit internationaldépassé ?

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