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Les plus beaux contes d’Alsace Sylvie de Mathuisieulx

Les plus beaux contes d'Alsace

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Extrait du Livres "Les plus beaux contes d'Alsace" par Sylvie de Mathuisieulx, illustrations de François Abel, Tévy Kak, Julien Kern et Olivier Le Gall, © le Verger Éditeur 2010

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Sylvie de Mathuisieulx

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Les plus beaux contes d’Alsace

Contes traditionnels réunis et racontés par Sylvie de Mathuisieulx

Illustrations originales de François Abel

Tévy Kak Julien Kern

Olivier Le Gall

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Du même auteur (titres choisis) :

La série “Énigmatique, mon cher Éric”, Hatier jeunesse (dernier tome paru : L’homme au ciré jaune, 2010)

La série “Comment faire enrager…”, Petit à Petit – La Martinière (adaptée en dessins animés télévisés : Angelo la Débrouille)

Attention, j’arrive !, BD Angelo la Débrouille, Petit à Petit – La Martinière, 2010

Le Voyage d’Ulysse, collection « L’Aventure des Mythes », éditions Calleva, 2010

Adamantine et l’or bleu, Airvey Éditions, 2009

Pan ! dans l’Avent, l’agenda zinzin des lutins, Le Verger Éditeur, 2009

L’auteur et l’éditeur remercient chaleureusement Géraldine Bonnafous pour ses précieux conseils.

© le Verger Éditeur, 2010

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T a b l e

Table des contes

La carte des lieux des contes ..................................................................9

Les frères Ribeaupierre Illustré par Tévy Kak..............................................................................11

Les géants du Nideck Illustré par Olivier Le Gall ......................................................................17

Le lac souterrain de la cathédrale de Strasbourg Illustré par Julien Kern ...........................................................................23

La fée grenouille Illustré par François Abel ........................................................................27

Marguerite de Schwarzenbourg Illustré par Tévy Kak..............................................................................35

Le prince et la princesse à l’étoile dorée Illustré par François Abel ........................................................................43

Les ondines du lac Bleu Illustré par Tévy Kak..............................................................................53

Le puits du Fleckenstein Illustré par François Abel ........................................................................59

La belle demoiselle changée en crapaud Illustré par Tévy Kak..............................................................................65

(suite page 8)

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T a b l e

La légende du lac de la Maix Illustré par Julien Kern ...........................................................................69

Dans une cruche à vinaigre Illustré par Olivier Le Gall ......................................................................75

Les petits nains de la montagne Illustré par François Abel ........................................................................81

Le puits à bébés Illustré par Tévy Kak..............................................................................87

Wolfdietrich Illustré par François Abel ........................................................................93

Le vieil orpailleur et l’ondine Illustré par Tévy Kak............................................................................ 101

Les sorcières du Bastberg Illustré par Olivier Le Gall ....................................................................107

La légende de sainte Odile Illustrée par Julien Kern .......................................................................113

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l e s l i e u x c i T é s d a n s l e s c o n T e s

Wintzenheim

Sainte-Marie-aux-Mines

Rouffach

Neuf-Brisach

Munster

Lapoutroie

Kaysersberg

Andolsheim

Woerth

Wasselonne

Villé

Truchtersheim

Soultz-sous-Forêts

Seltz

Schirmeck

Schiltigheim

Sarre-Union

Saales

Rosheim

La Petite-Pierre

Obernai

Niederbronn-les-Bains

Mundolsheim

Marmoutier

Marckolsheim

Lauterbourg

Illkirch-Graffenstaden

Hochfelden

Geispolsheim

Erstein

Drulingen

Brumath

Bouxwiller

Bischwiller

Bischheim

BenfeldBarr

Wittenheim

Soultz-Haut-Rhin

Sierentz

Saint-Amarin

MasevauxIllzach

HuningueHirsingue

Habsheim

Ferrette

Ensisheim

Dannemarie

CernayThann

Ribeauvillé

Mulhouse

Guebwiller

Altkirch

Wissembourg

Sélestat

Saverne

Molsheim

Haguenau

Colmar

Strasbourg

Bâle

Rhin

La belle demoiselle changée en crapaud, p.65

Le lac souterrain de la cathédrale de Strasbourg, p.23

La légende de sainte Odile, p.113

Les frères Ribeaupierre, p.11

Le vieil orpailleur et l’ondine, p.101

Wolfdietrich, p.93

Le puits du Fleckenstein, p.59

Les sorcières du Bastberg, p.107

Les géants du Nideck, p.17

La légende du lac de la Maix, p.17

Marguerite de Schwarzenbourg, p.35

Les ondines du lac Bleu, p.53

Le puits à bébés, p.87

Les petits nains de la montagne, p.81

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Les frères Ribeaupierre

D eux seigneurs, qui étaient frères, vivaient jadis dans deux châteaux élevés face à face : le Saint-Ulrich et le Girsberg. Depuis leur tendre

enfance, ces deux hommes s’entendaient parfaitement bien. Ils s’estimaient mutuellement et partageaient la majorité de leurs loisirs : ils n’aimaient rien tant que chasser ensemble, ou ripailler joyeusement à la moindre occasion. Si, parfois, ils se disputaient un peu, leurs querelles ne duraient jamais, et ils se réconciliaient en riant au bout de quelques heures.

Comme leurs demeures n’étaient guère éloignées l’une de l’autre, ils avaient pris l’habitude, chaque matin, de se réveiller d’une façon tout à fait originale : le premier debout lançait, avec son arc, une flèche sur le volet du second, pour lui signifier qu’il était temps de se lever.

Les jours s’écoulaient donc, pour les frères Ribeaupierre, dans la prospérité, l’harmonie et la joie.

Cependant, le plus jeune tomba un jour amoureux de la fille du roi des ménétriers, ces musiciens ambulants qui, à l’époque, animaient les

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fêtes dans les villages comme dans les châteaux. L’aîné, très fâché par ce qu’il considérait comme la perspective d’une mésalliance, se mit en colère : « Tu sais aussi bien que moi que la prétendue noblesse de cette famille n’est qu’une amusette, une farce ! Notre lignée protège, certes, les musiciens, et depuis fort longtemps, mais nous ne sommes pas du même monde ! Si tu veux te marier, à ta guise ! Mais pour l’honneur de notre rang, va courtiser la fille d’un duc, d’un comte, ou à la rigueur d’un baron. Quoi qu’il en soit, si tu as pour deux sous de bon sens, oublie vite cette folie ! »

À ces mots, le cadet s’emporta : « Ce n’est pas parce que tu es plus vieux que moi que tu raisonnes mieux ! D’ailleurs, qui parle de rang ou d’honneur, quand il s’agit d’amour ? Doit-on choisir son épouse sur la foi de sa noblesse plutôt que sur ses qualités ? Cette demoiselle n’a pas de bla-son ? Eh bien, que m’importe ! Elle est belle, bonne, cultivée et avisée, elle a donc toutes les qualités pour me rendre heureux. J’ai trop vu de tristes mariages fondés sur la raison pour envisager, fût-ce un instant, de me plier à tes stupides exigences. » Et, encore bouillant de colère, il se retira au Saint-Ulrich sans attendre de réponse.

Les deux hommes passèrent, chacun de son côté, une nuit épou-vantable. L’aîné regrettait ses paroles si dures. Se tournant et se retournant dans son lit à baldaquin, il pensait que seul le bonheur de son cadet impor-tait, et que, s’il avait distingué cette jeune fille, celle-ci devait certainement être digne de lui. Le plus jeune, pour sa part, se rongeait les ongles : son frère, même s’il se trompait, n’avait-il pas seulement voulu veiller sur ses intérêts ? Il aurait fallu prendre le temps de discuter, de lui expliquer, au lieu de le planter là…

Ils finirent pourtant par s’endormir, chacun bien décidé à présenter ses excuses à l’autre dès le lendemain, à la première heure. Ils avaient décidé, la veille, et juste avant leur dispute, de partir très tôt pour chasser le cerf…

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Lorsque le matin se leva, le cadet sauta donc sur ses pieds et saisit son arc. Par malheur, au même moment, l’aîné ouvrait son volet. Il n’eut pas le temps d’achever son geste : il s’écroula, le cœur transpercé par la flèche qui devait le réveiller.

Fou de douleur, le cadet disparut dans la forêt, et on ne le revit plus jamais.

Mais chaque année, à l’anniversaire de ce triste jour d’octobre, on entendait, depuis la tombée de la nuit et jusqu’à l’aurore, les échos d’une chasse infernale dans la montagne autour des deux châteaux. On se remé-morait alors tristement l’aventure des deux frères maudits, et personne ne se risquait à sortir jusqu’à ce que le jour soit levé, de peur d’être emporté par les fantômes.

Bien des années plus tard, un lointain descendant du roi des méné-triers, que cette histoire touchait tout particulièrement, décida de com-poser une musique pour invoquer Notre-Dame de Dusenbach. Il se dit qu’il n’avait pas grand-chose à perdre, et qu’elle seule pourrait, peut-être, apaiser l’âme du pauvre meurtrier, condamné à errer pour l’éternité. Le musicien y mit tout son cœur. Il travailla pendant des mois, et attendit patiemment la nuit de la chasse infernale.

Le moment venu, vêtu de son grand manteau, car l’automne avan-çait, il s’installa, en plein air, muni de son violon. Il était prêt à jouer sa partition avec la plus grande des ferveurs. Déjà, au loin, on entendait le bruit des sabots, des hennissements de chevaux et les aboiements d’une meute déchaînée.

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Tout en faisant courir l’archet sur les cordes, il pensait combien de drames étaient la conséquence de maladresses, combien un emportement pouvait avoir des résultats aussi terribles qu’inattendus, et que la condition humaine était parfois bien cruelle. Les joues baignées de larmes, il invoqua l’esprit des deux frères qui n’avaient pas eu le temps de se réconcilier.

Alors, les bruits de la chasse maudite se calmèrent, puis se turent. Il souffla dans les sapins une petite brise très pure quand le silence se fit.

Le ménétrier leva les yeux vers les étoiles ; ils étaient pleins de gratitude.

Et la montagne, autour des deux châteaux, fut pour toujours libérée des esprits.

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Les géants du Nideck

I l y a bien longtemps de cela, le château du Nideck était habité par une famille de géants : le papa géant, la maman géante et leur fille,

la petite géante, qui, à l’époque où se passe cette histoire, devait être âgée d’environ sept ou huit ans.

Ils vivaient heureux et occupaient leur vie comme tous les bons géants : le matin, ils quittaient leur énorme lit après s’être longuement étirés, puis ils allaient dans leur énorme cuisine pour prendre un énorme petit-déjeu-ner, avant de vaquer à leurs occupations de la matinée. Le papa géant allait à la chasse ou bricolait dans son atelier, la maman géante s’occupait de son intérieur et instruisait sa fille, car elle savait que sans une solide éducation, les enfants, même géants, gardent un esprit tout petit. A midi, ils dégustaient ensemble un énorme déjeuner, puis ils se reposaient un peu avant de repren-dre leurs activités jusqu’au soir.

Or, un jour qu’il faisait très beau, la petite géante demanda à sa maman si elle pouvait aller se promener un peu. « Je ne me perdrai pas,

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lui dit-elle. Je connais bien les environs, et puis, je viens de terminer de lire un livre qui explique tous les bienfaits de la marche et du grand air pour la santé des enfants. » Sa maman, occupée à la confection d’un énorme kou-glof, sourit et la laissa partir, lui demandant seulement d’être rentrée avant le coucher du soleil : géants ou pas, les marmots n’ont en effet rien à faire dehors lorsque la nuit tombe.

La petite géante s’en fut donc, toute joyeuse, emportant avec elle une énorme tartine pour son goûter.

Elle se balada dans la forêt – les arbres lui chatouillaient les genoux –, admira la cascade, baguenauda un peu dans les prairies si vertes, en respi-rant à pleins poumons, chanta à tue-tête toutes les chansons idiotes qui lui venaient à l’esprit, surtout celles qui agaçaient le plus ses parents.

Mais au bout d’un moment, elle commença à s’ennuyer un peu. Le soleil était encore haut, et elle n’avait pas envie de rentrer chez elle : pour une fois qu’on lui avait accordé son après-midi, il fallait en profiter… Elle s’assit donc sur le sommet d’une colline, appuya ses coudes sur ses genoux, mit son menton dans les paumes de ses mains réunies et observa ce qui se passait à ses pieds.

Dans la vallée, de toutes petites maisons étaient regroupées en villa-ges, autour des clochers pointus des églises. Sur les flancs de la montagne, les routes serpentaient entre les sapins. Dans les plaines et les douces pentes des collines, des champs de blé et des vignes se côtoyaient sous le soleil. C’était un très joli spectacle. Elle se pencha encore un peu.

Soudain, elle aperçut, dans un champ, un laboureur et son bœuf, attelé à une charrue. Elle fut émerveillée par cette découverte. « Quel beau jouet ! se dit-elle. Comme je m’amuserais à le regarder bouger si je le

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rapportais à la maison ! » Et sans réfléchir davantage, elle saisit délicate-ment l’homme et son attelage pour les déposer bien à l’abri, dans la poche de son tablier.

Le pauvre laboureur criait tout ce qu’il pouvait, suppliait qu’on le relâche, mais elle n’entendait rien. Tout heureuse, elle regagna le château à grandes enjambées.

Elle alla trouver son père, qui fumait sa pipe, confortablement assis dans son énorme fauteuil. « Regarde, Papa ! J’ai trouvé dehors la plus éton-nante des poupées ! Elle bouge toute seule, comme l’automate que tu m’as fabriqué l’hiver dernier ! » Et, très fière, elle posa sa trouvaille sur le couvercle du coffre, près du fauteuil. Elle tapa dans ses mains : « Vois comme il est drôle ! Je l’appellerai… “Minuscule” ! Tu ne trouves pas que c’est un joli nom pour lui ? Ou bien préfères-tu “Riquiqui” ? »

Pendant ce temps, le petit homme gesticulait, trépignait, s’arrachait les cheveux. Il finit par tomber à genoux, levant ses mains dans un geste de supplication. Le bœuf, lui, ne bougeait pas. Bien planté sur ses quatre pat-tes, il profitait de la situation pour se reposer et ruminer un reste d’herbe tendre, qu’il avait gardé en réserve dans l’un de ses estomacs.

Le géant, s’étant penché pour mieux voir, fronça les sourcils et secoua la tête. Puis, il regarda sa fille, les yeux pleins de reproches. « Ma chérie, soupira-t-il, ce que tu me montres là n’est pas un jouet. C’est un homme. Il est fait, tout comme nous, de chair et de sang. Il a sans doute une femme, et peut-être des enfants qui se désespèrent de sa disparition. De plus, d’après son allure, ce doit être un cultivateur. C’est lui qui fait pousser le blé dont nous faisons notre pain. Nous lui devons le respect. »

La petite géante, penaude, se figea, rougit et se mit à regarder le bout de ses énormes souliers… Au bout de quelques instants, elle avança la main et, avec mille précautions, reprit le laboureur, son bœuf et sa charrue. Elle

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les éleva jusqu’à la hauteur de ses yeux et murmura : « Je te demande par-don, monsieur le laboureur. Je vais vous ramener, toi et ta bête, exactement à l’endroit où je vous ai trouvés. »

Et puis elle embrassa son père et courut à toutes jambes vers le champ pour réparer sa bêtise.

Elle rentra avant la nuit, juste à temps pour s’installer, avec ses parents, à leur énorme table et attaquer, comme chaque soir, un énorme dîner.