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Georges Rousse s’installe dans des lieux en mutation qu’il questionne dans une démarche pluridisciplinaire. Il y peint aux murs et aux plafonds, applique des couleurs simples, dessine des formes connues. Puis il saisit, par une ultime photographie, l’éphémère souffle du temps sur une construction créée en trompe l’œil et confrontée à une architectonie bien réelle. Cohabitation subtile pour ce créateur d’instantanés qui joue avec la perspective, sublime l’espace et révèle la force émotionnelle de la lumière. L’actualité 2010 atteste de projets singuliers. Hélène Lallier Les secrets de Georges Rousse blockbuster Intervention de Georges Rousse à l’hôpital Sabourin, 2009 © Georges Rousse GeoRGeS RouSSe, expoSItIon peRSonnelle Du 12 novembre au 12 janvier GaleRIe Rx 6, avenue Delcassé, 75008 paris www.galerierx.com GeoRGeS RouSSe, péRéGRInatIonS Du 16 novembre au 7 janvier GaleRIe CatheRIne putman 40, rue Quincampoix, 75014 paris www.catherineputman.com 137

Les secrets de Georges Rousse

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Hélène Lalier interview with Georges Rousse, for Archistorm magazine.

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Georges Rousse s’installe dans des lieux en mutation qu’il questionne dans une démarche pluridisciplinaire. Il y peint aux murs et aux plafonds, applique des couleurs simples, dessine des formes connues. Puis il saisit, par une ultime photographie, l’éphémère souffle du temps sur une construction créée en trompe l’œil et confrontée à une architectonie bien réelle. Cohabitation subtile pour ce créateur d’instantanés qui joue avec la perspective, sublime l’espace et révèle la force émotionnelle de la lumière. L’actualité 2010 atteste de projets singuliers.

Hélène LallierLes secrets de Georges Rousse

blockbusterIntervention de Georges Rousse à l’hôpital Sabourin, 2009 © Georges Rousse

GeoRGeS RouSSe, expoSItIon peRSonnelle Du 12 novembre au 12 janvier GaleRIe Rx 6, avenue Delcassé, 75008 paris www.galerierx.com

GeoRGeS RouSSe, péRéGRInatIonS Du 16 novembre au 7 janvier GaleRIe CatheRIne putman 40, rue Quincampoix, 75014 paris www.catherineputman.com

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archiSTORM : Vous intervenez sur des lieux en devenir, à des échelles variées, et vous y déclinez une typo-logie formelle repérable : la mise en �uvre d’un projet suit-elle une mé-thodologie particulière ?Georges Rousse : Non, je n’ai pas à pro-prement parler de méthode mais une ma-nière d’˜tre face aux choses. Je n’applique pas un concept : je cherche l’adéquation entre une aire que je redéfinis et celle qui existe. Il y a une temporalité de repérage, d’impré-gnation : je prends physiquement connais-sance du lieu ; je me l’approprie. Il devient mien le temps d’une action. J’interroge l’espace et je réfléchis à de nouvelles pers-pectives. Ce temps d’observation me per-met d’appréhender le potentiel lumineux d’un site, l’incidence de la lumière sur l’architecture. Je l’enregistre en faisant un Polaroid afin de garder une trace. Ce cli-ché sera un outil pour engager le travail de dessin, étape durant laquelle je projette les possibilités qui me sont offertes. Je joue avec les surfaces, les formes. Le cercle reste une dominante, forme pure, complète – chaque point est équidistant du centre –, sur laquelle je travaille. Une proposition naît : dès lors, j’aménage, je peins, j’installe. Je clos avec la prise de vue finale, celle qui mémorise le scénario imaginé, la relation inventée de la peinture à l’espace par la photographie.Dans ma pratique, je n’utilise que quelques couleurs, celles qui réagissent le mieux à la photographie, notamment le blanc, qui correspond à la lumière qui nous arrive, le noir, à son absence, le rouge, qui est la boule de feu…

2010 est une année de projets impo-sants dont certains sont ancrés dans le temps, comme à Clermont-Ferrand, ce que valorise le catalogue Architec-tures édité par Bernard Chauveau…G.R. : En effet, j’ai été convié en 2000 par l’École des beaux-arts de Clermont-Ferrand à créer des installations dans la Halle aux blés, un bâtiment historique de-venu trop exigu pour conserver son acti-vité. Puis j’ai investi une cave, sur propo-sition de Claire Gastaud, le site du Fonds régional d’art contemporain ainsi que celui de la future École d’architecture : l’hôpital Sabourin. Ces images ont été exposées au musée d’Art Roger-Quilliot. Dans ma pratique, je porte un intér˜t à tout bâti, sans hiérarchie esthétique. Beau ou ingrat, voué à un usage attractif ou désaffecté, ce qui prime est l’élément ar-chitectural. Un bâtiment est créé : il a une

place dans la ville. Le questionnement qui perdure est le devenir de celui-ci dans le temps. Je tente d’en offrir une nouvelle lecture, une dernière vision suivant un an-gle spécifique, comme une solution pour lutter contre l’oubli. La photographie in-tègre l’espace et donne ce point de vue unique. À Clermont, j’ai �uvré à l’échelle d’une ville. Chaque projet m’a permis d’approcher un espace atypique, qu’il soit enclavé, inaccessible ou totalement ouvert, voire démesurément grand. Chargés d’une histoire dont les murs transpiraient forte-ment la fonction et la présence humaine, ces sites, dont l’identité était en mutation, m’ont offert l’opportunité d’une réflexion

renouvelée, de constructions irréelles fixées dans un espace-temps réinventé.

Vous avez été sollicité pour des pro-jets en Provence-Alpes-Côte d’Azur : à Saint-Rémy-de-Provence, vous avez investi une aire en désuétude, alors qu’à Avignon, il s’agissait d’un lieu rénové pour accueillir des �uvres d’artistes actuels tels Ernest Pignon-Ernest, en 2008, Anne et Patrick Poi-rier, en 2009. Comment avez-vous ap-préhendé ces sites ?G.R. : À Saint-Rémy, j‘ai été convié par « AP’art », une association qui program-me des expositions sur une temporalité

« Je prends physiquement connaissance du lieu ; je me l’approprie. Il devient mien le temps d’une action. »

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Intervention de Georges Rousse à la chapelle Saint-Charles d’avignon, 2010 © Georges Rousse

esquisses préparatoires de l'intervention de Georges Rousse à l’hôpital Sabourin, 2009 (page précédente) © Georges Rousse

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relativement courte dans divers villages. Sélectionnant le château des Alpilles, j’ai installé une �uvre produite pour un pro-jet à Burgos, en Espagne, que j’ai repensée et adaptée aux volumes de cette orangerie en ruine.Pour la chapelle Saint-Charles d’Avignon, la demande impliquait que l’�uvre soit visible du public ; à ce jour, l’ensemble de mon travail ne l’est que sous la forme d’une restitution imagée. Hormis mes col-laborateurs, personne ne perçoit toutes les étapes du projet.La chapelle est fermée pendant l’année. Elle appartenait au service archéologie de la ville, puis une volonté artistique s’est ex-primée. Elle a donc été transformée en aire d’exposition l’été, pour des projets in situ. Ce qui m’a frappé, c’est la pénombre du lieu ; les ouvertures ont toutes été occul-tées pour les créations antérieures. Alors qu’initialement l’architecte a conçu le bâti-ment pour qu’il soit éclairé d’une lumière naturelle par le versant sud et l’a flanqué de vitraux. Afin de révéler la beauté inté-rieure du lieu, j’ai décidé de l’éclairer et de jouer avec. Prenant le parti de neutraliser l’architecture, j’ai, d’une part, intégré une infrastructure composée de planches en bois, sorte de chemin, d’autre part, éludé tout signe religieux présent. Le couloir dessiné entrave l’accès à l’autel mais per-met sa visibilité à travers ce jeu de pleins et de vides. Ainsi, j’ai créé une architec-ture à l’intérieur de l’architecture de telle sorte que la confrontation physique avec l’�uvre soit nécessaire pour saisir les de-grés de lecture de celle-ci. J’ai utilisé le cercle, forme parfaite, joué sur l’orientation des lattes, travaillé la dua-lité des contrastes blanc/noir. L’installation suit un axe parallèle au bâti et invente une nouvelle relation à l’espace, une forme d’expérience inédite du sacré. La photo-graphie finale est à gauche de l‘installation. L’angle où elle a été prise est le seul qui donne la vision que j’ai souhaitée. Cette exposition s’intitule ce qui correspond à la formule du lux, l’unité de mesure de la lumière en physi-que ; ainsi, tout concourt à la révéler, titre inclus.

Pourquoi le son tient-il une place si singulière ?G.R. : J’ai en effet voulu réintroduire un côté humain. En collaboration avec ma fille Julie, deux bandes-son ont été insé-rées : d’une part, la Déclaration des droits de l’homme ; d’autre part, des discours de personnalités qui se sont battues pour la li-berté. L’intention étant de donner une place à l’oralité, à la diffusion de paroles fortes. Les sonorités se chevauchent et génèrent

une présence inattendue dans ce site voué au recueillement, presque inaudibles si l’on n’y pr˜te pas une réelle attention qui permet de décrypter les mots.

Où se déploient vos projets ? G.R. : Au Brésil, d’abord, je travaille d’après des photographies reçues : il s’agit d’un ancien marché aux poissons ouvert de tous côtés. L’idée d’un mur, élément récurrent dans mon travail, n’est pas pri-mordiale : j’imagine l’implantation d’une ossature en lattes qui produira une per-ception inédite de cette halle. Comme pour l’ensemble de mes projets, j’�uvre en lien avec les ressources alentour, notamment pour les matériaux. Ensuite, j’irai à Ra-mallah, un territoire déjà foulé en 1990. Le centre culturel des territoires palestiniens m’a invité à exposer dans divers lieux déjà élus, pour certains : maison de la Palestine, bâtiment de l’ancienne télévision. Je lie le travail au voyage. Je nourris mes projets de lectures pour appréhender le mode de pensée, les coutumes, etc. Sur place, je me noie dans le quotidien de la population et une familiarisation se construit. J’aime passer d’une culture à l’autre, ˜tre dans l’expérience d’un nouveau défi.

(Propos recueillis par Hélène Lallier)

« Chaque projet m’a permis d’approcher un espace atypique, qu’il soit enclavé, inaccessible ou totale-ment ouvert, voire démesurément grand. »

Intervention au château des alpilles à Saint-Rémy-de-provence, 2010

© Georges Rousse

Intervention de Georges Rousse à l’hôpital Sabourin, 2009 © Georges Rousse

EXPO 31.10.2010 > 13.02.2011Une exposition monographique de Giuseppe Penone

Monographic exhibition of Giuseppe Penone“Des veines, au ciel, ouvertes”

AVEC LE SOUTIEN DE LA PRÉSIDENCE BELGE À L’UNION EUROPÉENNE — WITH THE SUPPORT OF THE BELGIAN PRESIDENCY OF THE COUNCIL OF THE EUROPEAN UNION

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EXPO 21.11.2010 > 27.02.2011“6e Triennale de Design. Belgium is Design, Design for Mankind” “6th design triennial. Belgium is Design, Design for Mankind”

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