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1 Trimestriel gratuit Numéro 2 Février 2003 La vie des gens au cœur de notre terroir : L’ESCOUBO J ’arrive alors dans une pièce très lumineuse où Paul Lairat, ébéniste et luthier de son état, ponce avec beau- coup de méticulosité la caisse REPORTAGE Paul Leirat: la musique au fond du bois Les contes du maset Forteresse de Mornas: «Sauto barri» La porte de l’atelier est à peine ouverte que l’odeur du bois me transporte dans un patchwork d’essences du monde entier. Le bruit délicat d’un frottement continu parvient à mes oreilles. Me dirigeant au fond de l’atelier, j’avance entre quelques machines, des établis, quelques planches. Sur le mur de gauche, sont suspendues des formes en contre-plaqué. Le ponçage: le bruit délicat d’un frottement continu… Résumé: L’auteur est tombé amoureux d’un maset (cabanon dans une terre où les paysans avaient l’habitude d’entreposer des outils) sur la plaine de l’abbaye de Villeneuve-lez-Avignon. Souhaitant en faire l’acquisition, il se met en quête du proprié- taire. Il rencontre deux agriculteurs: Gagnac et Pilou qui après lui avoir raconté une histoire (voir Le dernier voyage des Chartreux, n°1 de L’Escoubo) lui donnent le nom d’un possible propriétaire: le père Boutin. (Suite page 8) Oyez, Oyez, bonnes gens! Voici le récit du terrible François de Beaumont, dit «le baron des Adrets»! B ien avant le village de Mornas, que ce soit en venant de Valence en direc- tion du Sud, ou en quittant la ville d’Orange en remontant vers le Nord, tout le monde peut voir sur le grand piton rocheux affublé de sa vertigi- neuse falaise, cette magni- fique forteresse et ses ori- flammes qui battent au vent aux sommets des tours. Durant le Haut Moyen Âge, le site est une construction de bois avec une tour, entourée d’une palissade. Au X e siècle, Mornas appartient aux com- tes de Toulouse et la forteres- se sert de garnison pour les soldats. (Suite page 6) En + dans ce numéro L’Escoubo de M. Brun, p. 2. Éditorial, page 3. Mais qu’est-ce que c’est?, page 3. Le Clan : jamais deux sans trois, page 5. Un petit coup, page 10 Les mots croisés, page 11. :–) Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale d’une magnifique guitare. Il me demande de patienter un moment car il ne peut s’arrê- ter tant le geste doit être continu. (Suite page 4) Le terrible François de Beaumont, baron des Adrets. André Haon: à la rencontre d’un écrivain cévenol E n reportage à Carpentras, perché sur une fenêtre du grenier, je photographie l’en- semble des extérieurs d’un château. Après plusieurs cli- chés, mes yeux de nouveau habitués à l’obscurité, inspec- tent, curieux, les alentours. Sur une pile de vieux jour- naux, un livre cartonné attire mon attention: Les contes du pays du pont du Gard. Parcourant quelques pages, je ressens l’envie très forte d’en retrouver l’auteur. Je relève son nom : « André Haon ». Quelques investigations télé- phoniques me permettent de connaître son adresse et ren- dez-vous pris, me voilà parti à la rencontre de l’écrivain cévenol. Saint-Hilaire-d’Ozilhan, c’est son village, à quelques kilo- mètres de Remoulins, la journée s’annonce lourde, le ciel est chargé de nuages comme juste avant l’orage. (Suite page 7)

L'escoubo n°2 - février 2003

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La vie des gens au coeur de notre terroir : Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale

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Page 1: L'escoubo n°2 - février 2003

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Trimestriel gratuit Numéro 2 Février 2003

La vie des gens au cœur de notre terroir :L’ESCOUBO

J’arrive alors dans une pièce très lumineuse où Paul

Lairat, ébéniste et luthier deson état, ponce avec beau-coup de méticulosité la caisse

REPORTAGEPaul Leirat: la musique

au fond du bois

Les contes du maset

Forteresse de Mornas:«Sauto barri»

La porte de l’atelier est à peine ouverte que l’odeur du boisme transporte dans un patchwork d’essences du mondeentier. Le bruit délicat d’un frottement continu parvient àmes oreilles. Me dirigeant au fond de l’atelier, j’avanceentre quelques machines, des établis, quelques planches.Sur le mur de gauche, sont suspendues des formes encontre-plaqué.

Le ponçage: le bruit délicat d’un frottement continu…

Résumé: L’auteur est tombé amoureux d’un maset (cabanondans une terre où les paysans avaient l’habitude d’entreposerdes outils) sur la plaine de l’abbaye de Villeneuve-lez-Avignon.Souhaitant en faire l’acquisition, il se met en quête du proprié-taire. Il rencontre deux agriculteurs: Gagnac et Pilou qui aprèslui avoir raconté une histoire (voir Le dernier voyage desChartreux, n°1 de L’Escoubo) lui donnent le nom d’un possiblepropriétaire: le père Boutin. (Suite page 8)

Oyez, Oyez, bonnes gens!Voici le récit du terribleFrançois de Beaumont, dit«le baron des Adrets»!

Bien avant le village de Mornas, que ce soit en

venant de Valence en direc-tion du Sud, ou en quittant laville d’Orange en remontantvers le Nord, tout le mondepeut voir sur le grand pitonrocheux affublé de sa vertigi-neuse falaise, cette magni-fique forteresse et ses ori-flammes qui battent au ventaux sommets des tours.

Durant le Haut Moyen Âge,le site est une construction debois avec une tour, entouréed’une palissade. Au Xe siècle,

Mornas appartient aux com-tes de Toulouse et la forteres-se sert de garnison pour lessoldats. (Suite page 6)

En +dans ce numéro

L’Escoubo de M. Brun, p. 2.

Éditorial, page 3.

Mais qu’est-ce que c’est?,page 3.

Le Clan : jamais deux sans trois,page 5.

Un petit coup, page 10

Les mots croisés, page 11.

:–)

Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale

d’une magnifique guitare. Ilme demande de patienter unmoment car il ne peut s’arrê-ter tant le geste doit êtrecontinu. (Suite page 4)

Le terrible François deBeaumont, baron des Adrets.

André Haon:à la rencontre d’un écrivain cévenol

En reportage à Carpentras,perché sur une fenêtre du

grenier, je photographie l’en-semble des extérieurs d’unchâteau. Après plusieurs cli-chés, mes yeux de nouveauhabitués à l’obscurité, inspec-tent, curieux, les alentours.Sur une pile de vieux jour-naux, un livre cartonné attiremon attention: Les contes dupays du pont du Gard.Parcourant quelques pages, jeressens l’envie très forte d’en

retrouver l’auteur. Je relèveson nom : « André Haon ».Quelques investigations télé-phoniques me permettent deconnaître son adresse et ren-dez-vous pris, me voilà parti àla rencontre de l’écrivaincévenol.Saint-Hilaire-d’Ozilhan, c’estson village, à quelques kilo-mètres de Remoulins, lajournée s’annonce lourde, leciel est chargé de nuagescomme juste avant l’orage.

(Suite page 7)

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L’Escoubo de monsieur Brun

Le Domaine de La Pigeade sesitue sur des terres plantéesd’oliviers centenaires et devignes solides bien ancréesdans un sol riche. Protégé àl’est par le Mont Ventoux, leGéant de Provence, et au nordpar les Dentelles de Mont-mirail, le Domaine de laPigeade domine à l’ouest lavallée de l’Ouvèze et au sud laplaine du Comtat-Venaissin.

C’est en 1996 que Marina etThierry Vaute en deviennentles propriétaires. Créé parleurs parents Nicole et Claudeen 1961, Le Domaine de laPigeade, ancien relais depigeons voyageurs, produi-sait des raisins destinés à lacave coopérative. Mais aujour-d’hui, en s’étendant sur 30hectares, le Domaine produitdes Côtes-du-Rhône, des Côtes-du-Ventoux et des Muscats deBeaumes-de-Venise, élaboréset vinifiés par Thierry lui-

même en tant que maîtrevigneron et magicien desarômes. Marina, qui est à l’ori-gine d’une nouvelle politiquede gestion et de communica-tion, explique que leur sensde l’innovation a été puisé augré des voyages. En ayantvécu deux années en Califor-nie d’une part, mais surtouten ayant été de découvertesen découvertes partoutautour du monde, c’est endiversifiant les formes origi-nales des bouteilles et encommercialisant d’autres pro-duits découlant du vin que lesventes à l’export représentent20 % de la production, tandisque 80 % sont destinées auxparticuliers.Le caveau du Domaine de LaPigeade, riche de tous cesbons produits, prouve quemême si Marina et Thierryaiment les voyages, leur atta-chement au terroir est tou-jours très fort.

DOMAINE DE

LA PIGEADE

DOMAINE DE LA PIGEADEMarina et Thierry VAUTE84190 BEAUMES-DE-VENISETél. 04 90 62 90 00 – Fax 04 90 62 90 00E-mail : [email protected] – www.lapigeade.fr

Parmi les objets usuelsindispensables à la vie

ménagère d’autrefois, figurebien sûr l’escoubo (le balai)rangé à portée de main dansquelque placard ou recoin dela maison. Le matin et aussiaprès les repas, il fait le tourde la maison, puis se posedans un coin. Sans oublierd’arroser le sol de carreauxrouges qui ont aujourd’huiremplacé la terre battue d’au-trefois.Le mil à balais, dit chez nous«panouille», étant une desproductions de la ferme, monpère fabrique lui-même tousles balais de la maison. Je doisdire qu’au fil des ans, il avaitacquis un savoir-faire réel, sibien que sa production nedevait rien à celle proposéechez le droguiste local. Mais,un peu comme les rats desvilles et des champs du bonmonsieur de La Fontaine, il yavait à côté du balai majeurd’intérieur, d’autres modèlesbeaucoup moins évolués, trèssolides, destinés aux balayagesdivers d’extérieur (hangars,remises) ou même la cour dela ferme, si l’on attendaitquelqu’un! Ces balais-là, plusgrossiers, je l’ai dit, étaientfaits de branches de bruyèreou de genet, et, avec leur grosmanche de bois, me rappe-laient la sorcière illustrantl’un des récits de mon livre delecture à la communale.

Ces balais-là aussi me rappel-lent un bien curieux souvenir:À deux ou trois heures dumatin, un coup de tonnerreréveille la maisonnée:– «Petits, debout, vite à vosescoubo, l’orage est là!» criemon père.Il s’agissait de balayer l’aire etainsi amasser en tas le bléimprudemment laissé enl’état après le passage du rou-leau. Et l’instant d’après,habillés et dormant plus qu’àmoitié, nous voici balayant àqui mieux mieux à la lueur dequelques lampes tempête,bien fatiguées elles aussi. Unebâche protectrice posée sur legrain, l’escoubo avait remplisa mission.

Les balais usés n’avaientpourtant pas fini de rendreservice. Il en est ainsi de cer-tains outils qui soulagent lesactivités humaines jusqu’àleur fin. Transformés, adaptésà leur nouvelle mission la plu-part terminaient leur vie sousforme d’épouvantails dans lejardin potager de la ferme ou,pour l’un d’eux au moins,dans les bras du traditionnelbonhomme de neige quand ellese présentait en abondance.Et puis, l’escoubo s’est trèsvite embelli. Revenant à vélode chez les cousins d’Orange,je croise à Piolenc, Mornas etLapalud, leur brosse, rouleau,tête de loup, etc. C’était dansles années 1940. À proposd’escoubo dit tête de loup, jepense enfin à celle, impres-sionnante, sagement appuyéedans un angle au plafondhaut de l’école du village qui,allez savoir pourquoi, amor-çait de temps à autre uneimpressionnante descente,bousculant au passage laFrance physique ou politiqueet la carte des poids etmesures un instant curieuse-ment mélangées! Naturelle-ment, personne n’avait tou-ché à rien.On le voit, le plus humble desobjets usuels peut être richeen souvenirs, pourvu que l’onescoube bien le fond de notremémoire.

Louis Brun, 30 Vénéjan

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Chère lectrice, cher lecteur,Il paraît que l’on peut

encore souhaiter une bonneannée tout le mois de janvier,eh bien dans notre cas !Puisque L’escoubo n’est dis-tribué que début février, c’està la lecture de cet éditorialque je vous fais part d’uneseule chose qui, à mes yeux,doit être souhaité : unebonne santé !

Voici le numéro 2 deL’escoubo. Tout d’abord, per-mettez-moi de vous remercierde l’accueil que vous avezréservé à votre nouveau gra-tuit. Grâce à vous tous, ilcontinue de plus belle afin devous distraire et de vousinformer. Que ce soit parcourrier postal, électroniqueou plus directement par télé-phone, vous m’avez donné leplus grand des encourage-ments à continuer cette aven-ture. Je citerais un courrierélectronique d’une maîtressed’école qui m’a fait énormé-ment plaisir : « Je tenais à vousécrire pour vous féliciter et,bien sûr, pour vous encouragerà poursuivre cette expérience.J'espère que les prochainssujets seront aussi passion-nants. Je pense lire aux enfantsde ma classe les contes dumaset de Paul-Alice Clément.Cela leur plaira.» Quoi de plusmerveilleux que de savoir

qu’enfin des enfants vontpouvoir lire un journal pourleur plaisir, quoi de plusencourageant que de savoirque les sujets passionnent.

Je n’oublierai pas de remer-cier les annonceurs qui dès lasortie du premier numérom’ont appelé directementpour figurer dans le numéro2et qui, de par leur confiance,me donnent la possibilité decontinuer mon aventure. Unefois encore, je vous renouvellemes remerciements les plussincères.

Les intempéries de l’automneet de l’hiver ont causé pasmal d’ennuis à nombre defamilles dont les maisons ontété inondées, mais noussommes bientôt au prin-temps et même si parfois, lanature est capricieuse, je suissûr qu’elle nous apporterades joies qui nous ferontoublier le reste. Ça, c’est lanature, mais pour ce qui estdes désagréments comme lesmilliers de tonnes de pétrolebrut sorties des soutes d’unepoubelle des mers rouillée,sans entretien, qui navigueavec la bénédiction des plusgrandes autorités de contrôlede la planète, je ne sais pasencore si la nature arrivera às’en sortir seule… Même avecl’aide du printemps.

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ÉDITORIALYves Furic

Mais qu’est-ce que c’est?

La langue au chat Avant de regarder trop vite laréponse figurant en page 11,sachez que cet objet a un rap-port avec le titre de ce journal.

Voici l’objet qu’il s’agit de nommer.

CairanneCôtes du Rhône Villages

Appellation «Côtes du Rhône Villages» contrôlée

Mis en bouteille à la propriété

DOMINIQUE ROCHER VIGNERON

84290 Cairanne, Vaucluse, tél. 04 90 30 87 44

Le parler que j’aime,c’est un parler simple

et naïf, tel sur le papierqu’à la bouche.

Je parle au papiercomme je parle

au premierque je rencontre.

Michel de Montaigne(1533 - 1592)

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Suite de la page 1.

Dès l’âge de quinze ans,Paul est apprenti. Après

une formation de trois ans, il

travaille chez plusieurs maî-tres ébénistes dans diversesspécialités (agencement demagasins, stands d’exposi-

tion, cuisine, huisserie, etc.).Mais c’est l’anecdote qui suitqui donne naissance à sa pas-sion: «J’emprunte la guitare demon père et je commence à

gratter quelques notes. Quel-ques essais me suffisent pourm’apercevoir que le son estmédiocre et, de par ma con-

naissance des différentes essen-ces de bois, je réfléchis sur lechoix de la matière idéale.

J’ai, à cet instant, l’envie deconcevoir une guitare de mespropres mains et d’en tirer unson meilleur.»

Et voilà le virus ne le quit-

tera plus. Autodidacte danscette noble activité, bercé parle fil du rabot et le chant de lavrille, c’est une première gui-tare électrique en bois denoyer qui naît de ses mains.Paul ne s’arrête pas là, car engrand professionnel il deman-de à de fins experts de testerson œuvre. Leurs encourage-ments sont immédiats, et afinque ce jeune magicien puisseacquérir encore plus desavoir, les musiciens le diri-gent vers un maître luthierqui souhaite justement mon-ter son entreprise. Paul tra-vaille auprès de lui pendantun an et demi et conçoitbeaucoup d’autres modèlestrès personnalisés. Mais, avoirson propre atelier et pouvoircréer d’autres modèles devientune obsession. C’est en 1998que Paul et Maryse se marientet alors que la recherche d’unlocal s’avère laborieuse, Paulreçoit une proposition de sonfrère qui lui permet de s’ins-taller dans son garage àCourthézon. Paul va pendant

plus d’un an construire desprototypes de guitares acous-tiques et électriques. En juil-let 2000, Paul s’installe àOrange, rue Contrescarpe, etouvre enfin un vrai atelierd’ébénisterie-lutherie. Car siles instruments de musique

sont pour lui une passion, ilrépare et fabrique, parfois surmesure, des meubles de stylesDirectoire, Louis XV et surtoutprovençal, qui reçoivent lesmêmes soins que les guitares.Meubles et guitares prenantde la place, un nouveaudéménagement s’avère néces-saire, et il trouve enfin sonhavre de création au chemindu Rimonet, à Orange, oùplusieurs machines viennentcompléter la panoplie. Paulne se satisfaisait pas de fabri-quer des guitares de formesoriginales, embellies de décorstrès personnalisés sans lesfaire chanter, et il apprenddes accords de plus en pluscompliqués afin de vérifierque ses créations sont capa-bles de vibrer dans des tonali-tés que seuls les grandespointures de la musique con-naissent. Et d’ailleurs, Paul aun rêve, il souhaite qu’une deses «grandes pointures» dujazz, du classique ou de lavariété puisse venir le voir etl’aider ainsi à améliorerencore et encore les capacitéssonores de ses créations. Lesmaîtres ne sont jamais con-tents de leurs œuvres, c’estbien connu. Ah oui ! Unepetite chose que j’ai oublié de

mentionner, Paul vient d’avoirtout juste vingt-cinq ans.

Elle est bien là, la relève, etfinalement, c’est comme çadepuis toujours.

Yves Furic

www.lairat.com

REPORTAGEPaul Leirat, la musique au fond du bois

«Le mur des créations»

«Il faut bien partir de quelque chose.»

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caisse de forme ovale, percéed’une ouïe circulaire, étran-glée en son milieu et surmon-tée d’un manche avec onzefrettes métalliques et unchevillier. L’instrument mo-derne possède six cordes deboyau, dont les trois plusgraves sont entourées de filmétallique. L’accord, de basen haut, est fait des notes mi,la, ré, sol, si, mi.

Extrait du lexique des termesmusicaux, éditions ALP.

Instrument à cordes pincées,la guitare est issue de la

famille des cithares. Cet ins-trument semble être né enEspagne au XIIe siècle. Il futtrès à la mode dans toutel’Europe au XVIe siècle, épo-que où il commença àadopter sa forme actuelle. Laguitare est constituée d’une

Comme guitare :la Dame de bois

Rock celtique ? À 1000 kmde la Bretagne la plus

proche ? Et pourquoi pas !D’ailleurs historiquementparlant, ce n’est pas si incon-gru que ça, puisque la régionétait terre celte il y a bienlongtemps.Mais là n’est pas le propos duCLAN, leur créneau, mieux,leur credo, c’est la convivialitéfestive. Guitares, violon, accor-déon diatonique, batterie,basse, cornemuse pour uncocktail bondissant de tradi-tionnels revisités et de com-positions vitaminées.Depuis 1996 ils écument festi-vals, bars, tavernes et placesde villages dans tout le grandSud-Est. Leur mission : faireguincher et chanter de 7 à 77ans, selon la formule consa-crée. À leur actif, deux albumsédités, épuisés et repressés àplusieurs milliers d’exem-plaires.Jamais deux sans trois ! Ouplutôt, jamais deux albumssans trois ! Telle est la devisedu groupe de rock celtique LECLAN pour l’année deux milletrois. Le troisième opus decette formation musicale« drômo-ardéchoise », baséedans la partie méridionale deces deux départements, seradisponible le 15 février 2003.

Ce troisième album, intituléMaudits sons, a été réalisé encoproduction avec l’associa-tion valréassienne « La NuitTous Les Opéras Sont Gris ». Ilse veut plus abouti, plus «léché» et comme le disentles quelques privilégiés quiont déjà pu l’écouter : « L’en-fant se présente bien ! »Où les entendre ? Le concertde sortie aura lieu le 15février à 21 heures dans lasalle des fêtes d’Alba-la-Romaine en Ardèche. Allez-yet faites passer le message caren plus d’un superbe spec-tacle, vous n’aurez à débour-ser qu’une toute petite parti-cipation de 5 €.

Où les contacter ?www.leclan.fr.fm Tél. 06 87 65 24 43

Christian Vaysse

Le troisème album.

Le Clan : jamais deux sans trois

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Suite de la page 1.

Dès le début du XIVe siècle,Mornas devient une pro-

priété papale. Entre 1370 et1378, la muraille de ceintureest construite. C’est au XVIe

siècle, durant les guerres deReligion que catholiques etprotestants se battent pour lapossession du site.Malheureuse période oùprend place l’épisode le plustristement célèbre de l’histoi-

re de Mornas, celui dit desSauto Barri (saute murailles).

Mais revenons un peu enarrière pour assister à la nais-sance d’un merveilleux petitbambin au château de LaFrette, en Isère, vers 1513 (letemps a effacé l’encre du par-chemin et la date n’est pas

très précise). Rapidement legentil petit François deBeaumont va certainementplanter des coups de four-chette dans la main de sanourrice et faire des croche-pieds aux valets qui l’entou-rent. Il est fort à parier que lepère Noël va lui apporter trèsrapidement des épées en boiset des idées terrifiantes, car ildevient un redoutable guer-rier.Sous le règne d’Henri II,François de Beaumont, appe-lé le baron des Adrets, se dis-tingue dans l’armée royale etdevient colonel des légionsdu Dauphiné, de Provence etde Languedoc. Homme d’ac-tion, intrépide, François deBeaumont guerroie en Italie,où il se distingue par sa bra-voure. Le baron des Adretsinvente les sauteries de lamort. Ce gentil garçon se livreà de féroces représailles con-tre les catholiques. Les garni-sons qui lui résistent sontécrasées et le 14 juillet 1552, àMontbrison, le valeureuxguerrier s’efface et fait place àun démon. C’est là qu’il force18 prisonniers à se jeter dansle vide du haut du donjon.Mars 1562, massacres deCahors, Amiens, Sens et Vassy.En avril le baron des Adretsprend commandement pro-testant, il pénètre dansValence avec 8000 hommes.Protestants et catholiques sefont la guerre avec les mêmesarmes de sauvagerie, de traî-trise et d’horreur. Le 25 août1562, il met le siège devant

Saint-Laurent-des-Arbres. Sestroupes réussissent à ouvrirune brèche dans la muraille,puis montent à l’assaut etentrent dans le village. Lecuré de la paroisse est brûlévif sur le maître-autel, etquatre-vingts personnes sontpassées le lendemain au fil del’épée. Selon la mémoire loca-le : « Le sang suinte despierres et ruisselle dans lesrues du village.» Les habi-tants de Lirac se réfugientdans les grottes de la Sainte-Baume et échappent ainsi àun nouveau massacre. En1562 Mornas est prise par lesHuguenots. Le cruel barondes Adrets force ses prison-niers catholiques à se précipi-ter du haut des murailles.Alors que l’un d’eux hésite àfaire le grand saut, le gentilpetit baron lui crie:– «Saute donc, voilà quatrefois que tu recules!»Et le pauvre prisonnier de luirétorquer:– «Monseigneur, je vous ledonne en dix!»Ce bon mot fait rire le mons-trueux seigneur et celui-ci luilaisse la vie sauve (de quoinous plaignons-nous?). Le 10janvier 1563, il est arrêté par

des officiers huguenots etemprisonné à la citadelle deNîmes. Il est libéré avec lasignature de la paix d’Amboi-se, le mois de mars suivant.Suspect aux yeux des hugue-nots comme des catholiques,le baron quitte la religion pro-testante. En 1567, il repart enguerre sous la bannière descatholiques et se remet encampagne dès 1569, mais son

infanterie est écrasée àSelongey.Enfin, à plus de soixante-dixans (il n’y a pas d’âge pour lesméchants) dans le Trièves, ilgagne sa dernière bataille etdès la fin de ce nouveau car-

nage, le «bon» vieux guerrierretrouve la paix des champs.Il meurt dans son lit entourédes secours de la religioncatholique (excusez du peu),le 2 février 1587, à la Frette.

Depuis 1978, l’Associationdes Amis de Mornas travailleà la restauration de la forte-resse avec l’aide de chantiersde jeunes bénévoles, pendantles vacances d’été.

Les amis de Mornas, rueHenri-Thinel, 84550 MornasTél. 04 90 37 01 26

Oyez! Oyez! bonnes gens! Voici le récit du terribleFrançois de Beaumont, baron des Adrets

Reconstitution historique des Amis de Mornas.

La forteresse de Mornas et ses oriflammes qui battent au vent.

Horizontalement :1 assiette.2 mousse.3 ôte –sert.4 utérus.5 ré.– II – ré.6 arête.7 urne – RTL.8 pise.Verticalement :A amoureux.B sotte.C suée.D is – rire.E essuie.F tees –tri.G rets.H entre – le.

SOLUTION DU MOTS CROISÉS de la page 11

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grâce au conseil général duGard sous le propre nom dePaul Blisson. Entre 1989 et2002, il se lance dans la cons-titution d’une Académiecévenole à Alès. On compteparmi les membres d’hon-neur: le cardinal Decourtray,le général Reboul, présidentdes académies de France etLouis Leprince-Ringuet. À lamort du cardinal Decourtray,le peintre Benn rejointl’Académie. André racontequ’à l’occasion du tricente-naire de la cathédrale d’Alès,le cardinal Decourtray vintinaugurer une exposition surla Bible du peintre Benn.André eut le redoutable hon-neur d’écrire le discours pourl’occasion. Il se tourna vers lecardinal et lui dit : «Je n’yconnais rien en peinture,vous en connaissez certaine-ment plus que moi en reli-gion, alors de quoi voulez-vous que je vous parle ? »Aujourd’hui, André Haon nefait plus partie de sonAcadémie… Mais cela est uneautre histoire.

Il y en aurait à raconter surla vie de ce grand cévenolqu’est André Haon. Peut-êtreque cet article lui donneraenvie de reprendre la plume,c’est en tout cas ce que jesouhaite. En même temps, jepense à tous ces écrivainsrégionaux inconnus desgrands médias qui«galèrent» pour être édités;alors souvenez-vous de cecher monsieur Peladan quiaimait la littérature… lui : «Sivous les vendez, vous me don-nez un peu d’argent; sinon,eh! bien, tant pis!»

André Haon15, chemin du Grès30210 Saint-Hilaire-d’Ozilhan

Yves Furic

Suite de la page 1.

Arrivé bien trop tôt, j’em-ploie mon temps en

promenade dans le dédaledes ruelles.Au détour d’une côte, per-chée au sommet d’une collineentourée de garrigues, d’o-liviers et de figuiers, la mai-son d’André Haon respire lecalme d’un havre de poète.Ce Cévenol de souche, est né àSaint-Martin-de-Valgalguesdans le Gard le deux mai milleneuf cent trente-trois. Le sou-venir de son grand-père Jean-Baptiste Jolivet, est toujoursprésent dans son cœur :«C’était un délice de le voirfaucher quand il faisait lesfoins dans la plaine.» Fils etpetit-fils de mineurs, Andréest élevé par sa mère qui doittravailler comme «placière»au tri du charbon. Dès l’âgede 9 ans, il est en pension àAlès puis à Beaucaire. Il passeavec succès ses deux bacsavec l’aide des bourses desmines. Il se rend à Lyon pourun poste d’instituteur rem-plaçant. Pendant ces quatreannées, il passe une licenced’histoire géographie puisune maîtrise en histoire an-cienne, le rendant spécialistede la vie des gladiateurs àNîmes et à Arles. Ces débutsdans la littérature, il les doit àsa rencontre en 1975 avec uncertain Henri Peladan. Andrévient de créer une méthoded’orthographe. Mais ce qui vaintéresser Henri Peladan, cesont les contes qu’André luiprésente. Monsieur Peladanveut bien les éditer sous deuxconditions : « Si vous lesvendez, vous me donnez unpeu d’argent; sinon, eh! bien,tant pis ! » Les contes deCassiopée sont édités et çamarche – les éditeurs d’au-jourd’hui devraient en pren-dre de la graine. Fort de cetteexpérience, il écrit en 1981,édité par la société nouvelleHenri Peladan reprise à lamort de son fondateur en1976 par les ouvriers de l’im-primerie. Contes des pays duPont-du-Gard comprenant desnouvelles du temps jadis où ilfait, entre autres, le portraitd’un gladiateur nîmois, et des

nouvelles de naguère où lacouleur des villages cévenolstranspire à travers les his-toires. En présentant son livrepour la première fois à la foireaux aulx d’Uzès, en dixsemaines, les 1000 exem-plaires sont vendus. En 1982,

il retire 1500 exemplaires puis2500 et apprend qu’il vient derecevoir le prix de littératurerégionaliste du conseil géné-ral du Gard. En 1983, de lacomplicité entre André et songrand-père, naîtront Les con-tes de Jean-Baptiste dont 2000exemplaires se vendent«comme des petits pains».Après «un grand vide» c’esten 1989 qu’André Haon écritdes histoires paillardes sousl’intitulé: Contes sataniques. Ilutilise un style d’écriture« vieux français ». Les 2 000exemplaires vont avoir du

mal à se vendre car leslecteurs n’osent pas acheterun livre avec un tel titre.Expérience qu’il ne recom-mencera pas. Il n’écrit pluspendant quelques années. Laplume, il la reprend enrecueillant les propos de Paul

Blisson, maire de Saint-Hilaire-d’Ozilhan. Et arrive àtravers cet ouvrage à mettreen valeur l’amour d’unhomme envers sa terre, sonvillage et les gens qu’il aideratout au long de sa vie. Ainsi,Francis Cavalier-Benezet danssa préface dira: «Ni individu-aliste, ni égoïste sont lesqualités de base indispens-ables pour un homme quis’investit pour les autres, etqui, dans la réussite, doitgarder la modestie.»

André, lui aussi, reste mo-deste puisqu’il édite le livre

André Haon:à la rencontre d’un écrivain cévenol

André Haon, enfant, aux côtés de son grand-père Jean-Baptiste Jolivet.

André obtient une maîtrise d’histoire ancienne et devient spécialiste de la vie des gladiateurs à Nîmes et à Arles.

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8

Pilou et Gagnac n’ont pu medonner l’adresse exacte dufameux monsieur Boutin.Pourtant, retrouver le pro-priétaire du maset reste bienma principale préoccupation.La police municipale me ren-seignera très certainement,car, celle-ci est, en général,constituée de gars du pays. Lelocal se trouve sur une placet-te, au rez-de-chaussée d’unpetit immeuble. Sur le pas dela porte, un agent discuted’une voix puissante avec unetrès vieille dame. Celle-ci n’aapparemment pas perdu desa fougue d’autrefois. La ges-tuelle qui accompagne laconversation, ressemble àune véritable exhibition dedanse contemporaine:– «Bonjour madame, bonjourmonsieur ! J’ai besoin d’unpetit renseignement s’il vousplaît.»– «Oui! Qu’est-ce qu’il y apour votre service?»– «Je souhaiterais connaîtrel’adresse d’un certain mon-sieur Boutin!»C’est alors qu’à la manière deGagnac et de Pilou, l’agent etla vieille dame entament unediscussion que seuls, elle et

lui, en maîtrisent le sens:– «Ce n’est pas ce grand quel’Antonin?– Non! Puisque lui, il étaitmarié avec la…– Non, non! Mon petit, moi jesuis née ici, alors je peux tedire que…– Ah! Mais alors, c’est celuiqui habite près du pont!– Oui! Je crois que c’est lui.Mais dites donc…»

Et me regardant avec espiè-glerie, la vieille dame ajoute:– «On surnommait sa femmeBerthe aux grands pieds. Maisquand vous le verrez vous nelui direz pas que c’est moi quivous l’ai dit, n’est ce pas?»

Et soudain, la mamie partd’un fou rire qui, à entendrela toux qui s’en suit, faillil’emporter dans l’autremonde.

Je la rassure et me saisis dupetit bout de papier quel’agent me glisse dans lamain. Enfin détenteur del’adresse, je sens le masetdevenir déjà mon petit coinde paradis. Mais, vous allezvoir que, parfois, la rencontreentre deux personnes n’est pastoujours chose facile et je vaisvous en apporter la preuve.

maison de monsieur Boutinet j’arrive devant celle-ci exté-nué, rôti et transpirant. Lasonnette n’est plus opération-nelle. Une clochette action-née par un pauvre fil de fer laremplace. Je dois tirer detoutes mes forces, à m’en lais-ser une trace sur la main,avant que la porte ne s’ouvresur le côté de la maison. Unedame très âgée s’avance enbougonnant. Impressionné,je débite ma prose:– «Bonjour madame! Excu-sez-moi de vous déranger,mais j’aimerais voir monsieurBoutin, pour lui demander sile maset qui est dans la plainede l’abbaye est libre et…»

Je m’interromps aussitôt,car la vieille dame détourneson regard:– «Viens voir! Il y a un mon-sieur pour toi.»

Précédé d’un autre bougon-nement, un petit homme dumême âge, doté d’un ventrebien rebondi, témoin d’unrepas comme savent en pré-parer les merveilleuses cuisi-nières que sont nos grands-mères, sort de la maison d’unpas décidé, mais le regardméfiant. Il m’adresse pour-tant la parole sur un ton douxet calme presque chuchotant:– «Quel renseignement vou-lez-vous?– Voilà! Je suis écrivain et j’ai-merai savoir si votre masetsur la plaine de l’abbaye estlibre et si je peux vous…»

Il m’interrompt et me ditsèchement:– «Il n’est pas à moi! Je n’aijamais eu de cabanon sur mesterres et je ne sais pas à qui ilappartient.»

Sur ce et sans pour autant mequitter des yeux, il me laisselà. Si sa tête avait été unecocotte minute, je crois qu’el-le aurait explosé au moindremot prononcé de travers. Monimagination ne se trompeguère, car après un court ins-tant:– « Écrivain, journaliste !Qu’est-ce que vous voulez à lafin? Vous voulez encore vousmoquer de nous?»

Eh bien! Me dis-je, j’ai inté-rêt à avancer sur des œufs:– «Monsieur Boutin, je vousen prie, je désire simplementconnaître le propriétaire dumaset, car, je pense que dansce lieu magique, j’écrirai destas d’histoires – et croyant leflatter – d’ailleurs, je suis sûrque vous en connaissez, et jesuis prêt à les écrire.»

Et je finis mon explicationavec un large sourire sûr dece discours pacifique. C’estalors que la soupape de lacocotte explose:– «Je vous connais, vous lesscribouillards de parisiens, jesuis Villeneuvois moimôsieur et je suis sûr quevous allez encore vousmoquer de notre assentcomme vous dites ; maissachez que ce n’est pascomme ça que l’on parle ici.C’est vous les gens du Nordqui vous figurez que nousdisons l’assent mais ce n’estpas avec deux «s» que ças’écrit. Vous croyez que nousne savons pas écrire? Nousavons toujours dit accent etce que vous dites dans vostorchons ce n’est pas vrainous avons toujours ditaccent et pas assent, et…»

Ce n’est plus possible, me dis-je, il faut vraiment que je medéfende et je lui coupe laparole:– «Monsieur, s’il vous plaît! Jevous en prie! Écoutez-moi! Jene me moque pas de votreaccent. Je veux simplementraconter des anecdotes quicolporteront l’histoire du vil-lage et de la région que j’ai-me, que vous aimez et quevous défendez si bien. Vous

C’est un après-midi d’été chaud et étouffant où le

goudron pâteux vous collesous la semelle et où vousavez l’impression d’être seul,

L’ACCENT

car dans le Midi, les gens secachent dans leurs maisonsfraîches jusqu’au début de lasoirée. C’est un petit kilo-mètre qui me sépare de la

Les contes du masetpar Paul-Alice Clément

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savez, c’est dans la vie deshabitants, les plus cachés etparfois injustement ignorésque l’histoire se crée et puisen ce qui concerne lesParisiens, eh bien! Je ne saispas comment vous avez devi-né car effectivement je suisné à Paris ; mais habitant dansvotre belle région depuis plusde trente ans, vous ne pouvezplus dire que je veux memoquer de votre accent.Parfois même, quand je joueaux boules avec mes amis, jeme surprends à l’avoir cetaccent et en plus, je le trouvemagique.»Il se calme un instant etreprend de plus belle. De moncôté je me défends de nou-veau et ceci dure une bonnedemi-heure pour finalementse terminer ainsi :– «Il y a bien un gars quirécolte la luzerne de la prairiedevant le maset; mais je neconnais pas son nom. Il fau-drait que vous voyiez un pay-san du coin; il vous rensei-gnerait mieux que moi.– Je vous remercie bien, mon-sieur!»Et, alors que je m’apprête àpartir :– «Mais sachez que nous n’ai-mons pas que vous vousmoquiez de notre accent et àpartir de maintenant, ce n’estplus la peine de revenir, je n’aiplus rien à vous dire!»

Je lui tends la main, accompa-gnant mon geste de mes plusgrands remerciements. Mais,alors que sa main effleure lamienne, il détourne déjà sonregard. Le bougonnementreprend et d’un pas lourd etusé, il rejoint sa maison. Jereprends ma route, un peusecoué par cet entretien etsoudain un étrange doutem’envahit…Avait-il un accent? C’est bizar-re, j’ai l’impression que non!

Trois jours que j’ai renduvisite à monsieur Boutin

et fort de ma bonne foi, pen-sant que ce conflit n’était quepassager, je décide de retour-ner le voir afin d’essayer derenouer le dialogue. Car je mesouviens que, pendant sespalabres, il m’a laissé sous-entendre qu’il connaissaitune histoire sur un pauvrecélibataire. Enfin, quand je dispauvre…

Le portail est ouvert et à pasde loup, je m’avance dans l’al-lée. Je frappe sur les carreauxde la porte d’entrée. MonsieurBoutin m’ouvre et sans mêmeme laisser le temps de luidonner le bonjour, il me lanceà la figure sur un ton sec:

«Je n’ai plus rien à vousdire!»Et il referme la porte violem-ment malgré mon sourire etla diplomatie que je déploie.Une telle agressivité ne peutnaître que d’une douleur pro-fonde dont jamais je neconnaîtrai l’origine.

Une visite à Pilou me fera leplus grand bien, ce brave pay-san de la plaine de l’abbayene ressemble en rien à cegrincheux. Je trouve son masassez facilement : grandebâtisse grise dont la façadedéserte de toute végétation,présente en son milieu unescalier de pierre. La courbien propre vient de recevoirla caresse d’un râteau à enjuger par les stries de l’outilsur la terre humide. Au fond,près de la grange, un groschien noir tire sur sa chaîneaboyant à l’intrus qui s’ap-proche. Ce remue-ménageréveille la maisonnée et enhaut de l’escalier, Pilou appa-raît :

«Oh, vé, mais c’est notreécrivain! Montez! Vous êtesle bienvenu.»

Je gravis les marches, heu-reux de voir enfin quelqu’und’accueillant. Des tomettes deProvence couleur tuile, bril-lantes comme des chaussuresvernies, recouvrent le sol dela salle principale. La femmede Pilou me propose de m’as-seoir sur un fauteuil paillé.Les cheveux courts, un châlesur les épaules, la maîtressede maison est une femmebien mise et coquette à enjuger par une petite touchede maquillage qui lui va àravir. En quelques secondes,la table basse est recouverted’une nappe blanche oùprennent place la bouteilled’anis et les olives de pays,annonçant que ma visite seracertainement enjolivée parun apéritif improvisé:

« Que me vaut cet hon-neur?» me dit Pilou.Alors, je raconte ma visite aupère Boutin en précisant qu’il

CAVE LES COTEAUX DE VISAN

Un lieu unique

où l’on cultive l’exception

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La cave de vieillissement « Saint-Vincent » a étécreusée dans le safre (sable compressé dont l’ori-

gine remonte à la préhistoire). Il y règne une tempé-rature ambiante de 12 à 14°C, donc une températureconstante idéale pour le vieillissement des vins.

La cuvée Saint-Vincent, qui est élevée en fûts danscette cave, est élaborée à partir des sélections uni-quement de vieilles vignes de plus de 50 ans d’âge,vendangées exclusivement à la main.

La cuvée Saint-Vincent est composée de 70% degrenache, 20% de mourvèdre, 5% de syrah et 5% declairette. Sa vinification est traditionnelle. La duréede cuvaison est longue et varie entre 12 à 15 jours. Sarobe est grenat aux reflets violacés.

Epicé : poivre blanc, notes de cannelle, tanins trèsfins, équilibré et ample.

est bien dommage que je neconnaisse pas l’histoire du«pauvre célibataire».

«Eh! bé, vous avez de lachance! Car cette histoire jela connais bien puisque c’estBoutin, lui-même, qui me l’aracontée l’année dernière.Allez, je remplis les verresencore une fois car cette his-toire est un peu longue.»

Après avoir bu une bonnegorgée de cette boisson ani-sée qui semble avoir été fabri-quée par mon hôte, tant le

goût est différent du commer-ce – une coutume dans larégion – je pose mon bloc depapier sur mes genoux.« Madame Pilou » s’installeconfortablement dans sonfauteuil, curieuse elle aussid’entendre cette anecdote etPilou, le verre à la main,ferme les yeux pour mieux serappeler.

Dans le prochain numéro,la suite des Contes du maset.

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Nous voyons souvent cet insigne sur le pare-brise

des véhicules de médecins.On y distingue deux serpentsenroulés sur un faisceau debâtons, surmonté du miroirde la prudence. Mais connais-sez-vous l’origine de cetinsigne?

Le dieu grec Hermès était leguide des voyageurs, lepatron des marchands et desvoleurs, et le messager desdieux. Lors d’un de cesvoyages sur la terre, il seretrouva face à face avec deuxserpents qui se livraient enun combat singulier. Ni l’unni l’autre n’arrivaient à en sor-tir vainqueur. Hermès excédé,pris son bâton en bois d’oli-vier et le planta entre les deuxbelligérants. Les deux reptiless’enroulèrent autour de cetintrus et s’équilibrèrent. L’uns’appelait Erichthonios etl’autre Asclépios.

Depuis ce jour, le caducéed’Hermès symbolise l’harmo-nie, la guérison physique et laconscience spirituelle. Lecaducée d’Hermès est l’équi-valent du bâton de maître, dela baguette des fées ou desmagiciens.

Au début des années trenteles greffiers des prisons

avaient pour habitude depublier quelques statistiqueseffrayantes. En voici une surl’alcoolisme qui n’est pas àpiquer des «verres».

L’alcool fait plus de vic-times que toutes les épidé-mies réunies, il ruine lesfamilles et nous prépare desgénérations d’enfants rachi-tiques et scrofuleux. Il est leprincipal pourvoyeur desasiles d’aliénés, des hôpitaux,des prisons. Il n’étanche pasla soif, il la donne, il neréchauffe pas, il ne nourritpas, il ne fortifie pas, il tue.

«Guerre à l’alcool!»53 alcooliques pour 100 assas-sins, 53 pour 100 violeurs. 57pour 100 pyromanes. 70 pour100 vagabonds et 90 pour 100violents et brutaux.

Après avoir brossé cetableau noir, mais très réalis-te, on tentait de sensibiliseravec des pensées commecelles de Félicité deLamennais : «Savez-vous ceque boit cet homme dans ceverre qui vacille en sa maintremblante d’ivresse?

Il boit les larmes, le sang, lavie de sa femme et de sesenfants.»

Mais l’action la plus viru-lente fut celle perpétrée parun certain Joseph de PietraSanta dans le Journal d’hygiè-ne afin de dégoûter les alcoo-liques voire les candidats à

l’alcoolisme de ce funesteentraînement. Il s’appuya surun avis de sir W. Richardson etfit un tableau de l’actiondésastreuse que l’alcool «demauvaise qualité» exerce surle système nerveux.

Les quatre périodes del’ivrognerie:1. Excitation: le corps n’estpas encore touché, mais l’es-prit est moins actif. On estcomme abasourdi et l’hébéte-ment commence.2. Débilité musculaire : leslèvres inférieures s’affaissent,la langue s’empâte, les mainssont moins solides. Lesmuscles de la face prennentun stigmate caractéristiqueanalogue aux premiers symp-tômes de l’idiotisme.3. Débilité mentale: l’intelli-gence s’atrophie, les habi-tudes que nous tenons del’éducation s’émoussent etdisparaissent, les instinctsanimaux se réveillent.4. Inconscience: les cordonscérébraux sont sous la com-plète domination narcotiquede l’alcool ; tout l’organismeest comme suspendu; on estivre mort.

Déjà et même si le petitécran n’existait pas à cetteépoque, nous n’étions pastrès loin des spots TV sangui-nolents des actuelles cam-pagnes de prévention routiè-re dans lesquelles l’alcoolis-me est souvent mis en cause:«Santé!»

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Un petit coup, ça neréchauffe pas, ça glace !ARTICLE À LIRE SANS MODÉRATION

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• TrimestrielNuméro 2, février 2003

• Directeur de la publication,rédacteur en chef,publicités: Yves Furice-mail : [email protected]éléphone : 04 90 51 98 66Fax : 04 90 11 98 84

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Dépôt légal :février 2003

ISSN: en cours

Tirage: 5000 exemplaires

Conformément aux lois et règlements en vigueur,l’annonceur est seul responsabledu contenu de ses annonces publicitaires.

Le caractère typographique utilisé pour le corps de texte et les titres de ce journal est Le Monde Courrier, créé en 1999par Jean-François Porchez.

Le parler que j’aime,c’est un parler simple et naïf,

tel sur le papier qu’à la bouche.

Je parle au papiercomme je parle

au premier que je rencontre.

Michel de Montaigne(1533 - 1592)

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L’ESCOUBOLa vie des gens au cœur de notre terroir

Les mots croisés de Jeannine Poirier

A B C D E F G H

1

2

3

4

5

6

7

8

Horizontalement1. Il vaut mieux l’avoir à cheval.2. Sous le rasoir.3. Retire — Utile.4. Cocon.5. Près de do — Deux romains —

Près de mi.6. Os.7. Pour les cendres — Station.8. Défit la verticale.

VerticalementA. Sur les bancs.B. Un peu bête.C. Coule au soleil — Un peu bête.D. Sur la Tille — Parfois en éclat.E. Nettoie.F. Supports — Avant la boite.G. Oiseaux et poissons s’y font prendre.H. La fin au ventre — Article.Solution en page 6.

Réponse:Mais qu’est-ce que c’est?

La photographie représente un fer à balai. Cetobjet était utilisé pour maintenir serré l’ensembledes brins de paille, afin de coudre plus facilementavec une grosse aiguille, sur trois rangs en général.La photo montre aussi les gants de cuir qui étaientutilisés pour pousser l’aiguille fortement sans seblesser.

Toutes vos suggestionssont les bienvenues.

Écrivez-nous :

L’ESCOUBO9, rue Saint-Louis84860 Caderousse

Textes deLaurent Santi

Le p’tit bonhomme rougea les mains sur les hancheset a l’air de se demanderce qu’il fout là.Puis il s’efface, remplacé par le p’tit bonhomme vert,qui semble avancer,mais qui reste toujours à la même place.Et moi, j’éclate de rirecar je me rends compteque je suis sûrement le seul être humainà se comparerà un feu pour piétons.

Faut pas Poucet

Je sème mes poèmesdans les forêts de nulle part,comme d’autres y sèment des petits cailloux,afin qu’un jour,quelqu’un retrouve ma trace.

Le coin dutypographe

D’où ça vient ?Pays de Cocagne

Le mot CEDEX que l’onretrouve sur nombre de cour-rier se compose sans accentétant donné qu’il est l’abré-viation de Courrier d’Entre-prise à Distribution Excep-tionnelle. Ce qui n’empêchepas de prononcer Cédex parcommodité.

Yves Perrousseaux

Cette expression est née àToulouse. Au XVIe et XVIIesiècles, Toulouse connut unegrande prospérité grâce à lafabrication du pastel obtenu àpartir d’une plante que l’onbroyait puis que l’on faisaitsécher en l’agglutinant dansde la glaise. Ainsi le pastel etla glaise formaient une bouleou « coque » d’où dériva lemot « Cocagne » La richessede la ville de Toulouse et desmarchands de pastels, qui sefirent d’ailleurs construire lesmagnifiques hôtels particu-liers que l’on peut encoreadmirer, était telle que l’ex-pression « pays de Cocagne »naquit afin de symboliser unlieu d’opulence et de bien-vivre. Mais tout a une fin etquand les bateaux venus desIndes commencèrent àapporter l’indigo, Toulousecessa, petit à petit, de repré-senter ce symbole. 3

3

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L’Atelier Perrousseauxc’est d’abord la réalisation de brochures,de livres, d’annonces-presse, etc.En adéquation avec les sujets à traiter, la mise en pages se caractérise par sa lisibilité et la maîtrise de la typographie.

L’Atelier Perrousseauxc’est également un éditeur d’ouvrages deculture typographique et graphique,dont certains sont devenus des références dans le monde francophone.

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