Upload
ali-lmrabet
View
218
Download
1
Embed Size (px)
DESCRIPTION
Lettre ouverte au président de la République française. Auteur : Houssine El Majdoubi
Citation preview
Lettre ouverte au Président de la République française, Monsieur Nicolas Sarkozy
Monsieur le Président :
Depuis la Révolution de 1789, la culture française n’a eu de cesse d’enrichir la pensée humaine de valeurs universelles de fraternité, de solidarité et d’affranchissement de toutes formes d’assujettissement. Cependant, en s’arrogeant le droit de coloniser les peuples et en massacrant ceux qui ne demandaient que leur indépendance, la France tourne aujourd’hui le dos aux principes de la révolution française, elle qui s’est toujours prévalue des valeurs de liberté, égalité et fraternité.
Nous avons au Maghreb longtemps pâti des exactions hideuses de l’occupant français qui n’hésitait pas à piller les richesses et exterminer les innocents. De telle sorte que chaque recoin de nos terres porte encore les traces du sang versé par vos soldats. En témoignent vos archives militaires et diplomatiques, ainsi que les écrits de vos libres penseurs, tel Marc Férro dans Le livre Noir du colonialisme. Autant de témoignages mettant à nu les agissements impérialistes.
Monsieur le Président :
Férus de liberté, cherchant à tout prix indépendance et dignité, plus de deux millions de martyrs ont payé de leur vie, tués par vos soldats. Hélas, cette indépendance dont ils
ont rêvé est de nouveau spoliée, la France s’entêtant à étendre sa mainmise sur leur pays, en appuyant des régimes tyranniques, d’un autre âge.
Nous vivons ces jours-‐ci au rythme de la révolution tunisienne qui représente, pour le monde arabe, par sa symbolique, ce que la révolution française représentait pour la Français et tout l’Occident. Nous avons pourtant été vivement choqués par votre position pour le moins passive et votre silence douteux, face au soulèvement du peuple tunisien. Pis, votre ministre des Affaires étrangères n’a pas hésité à proposer, avec un cynisme inouï, au dictateur déchu ben Ali, l’aide de la France pour mettre fin à une révolution qui revendique la liberté. Cette position n’est pas sans rappeler le qualificatif de « démocrate » que vous avez en 2008 employé pour désigner le régime tunisien sanguinaire. Nous sommes donc en droit de nous nous poser des questions sur votre conception de démocratie.
Le tyran est tombé. Après sa chute, votre voix timide s’est élevée pour exprimer la solidarité avec le peuple tunisien et annoncer le gel des comptes personnels de ce tyran et de ses proches. Vous avez tardé à réagir pour redorer votre image qui s’est sensiblement flétrie auprès de l’opinion publique internationale.
Monsieur le Président :
Si vous croyez fermement à la démocratie, et si vous avez
assez de courage politique, soyez solidaires avec les autres peuples du Maghreb (libyen, marocain, mauritanien et algérien). Elevez votre voix pour dénoncer les violations des droits de l’homme perpétrés par des régimes que vous protégez. Soyez assez courageux, et c’est le moins qu’on puisse vous demander, pour geler les comptes des autres dirigeants du Maghreb et de leurs affidés, parmi ceux qui ont entassé les fonds dans vos banques, détournés aux dépens des peuples opprimés. Ce sont des fonds volés aux peuples. Leur dépôt dans des banques françaises vous rend, vous et votre gouvernement, complices principaux du crime de vol.
Monsieur le Président :
La France est désormais partie intégrante du problème de la démocratie au Maghreb. Elle y joue un rôle qu’on ne saurait qualifier de civilisationnel. Il est plutôt colonisateur et tyran.
Force vous est de laisser les peuples maghrébins décider de leur sort, en respectant leurs choix et leur avancée vers la dignité et la liberté.
Est-‐il besoin de vous rappeler que ce sont les peuples qui fondent la démocratie et assurent la stabilité, et non pas les régimes véreux, oppressifs et tyrans, ceux-‐là mêmes devant lesquels vous déroulez le tapis rouge, glorifiant leurs prétendus exploits ?
Nous vous demandons de cesser vos tentatives de créer des « démocraties » dans le monde arabe, à l’aune de vos intérêts. Les pays maghrébins appartiendront alors à tous leurs citoyens, et non plus à vos serviteurs.
Nous vous demandons de cesser de troquer votre « sécurité » contre la liberté de nos pays et la dignité de ses peuples. Tant il est vrai que votre sécurité et votre stabilité passent, non pas par le soutien de tyrans, mais par celles de vos voisins.
J’espère que votre conscience aura le dernier mot.
Houssine El Majdoubi