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L'EXPÉRIENCE DU FORUM DES DROITS SUR L'INTERNET Isabelle Falque-Pierrotin E.N.A. | Revue française d'administration publique 2004/2 - no110 pages 349 à 357 ISSN 0152-7401 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2004-2-page-349.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Falque-Pierrotin Isabelle, « L'expérience du forum des droits sur l'internet », Revue française d'administration publique, 2004/2 no110, p. 349-357. DOI : 10.3917/rfap.110.0349 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour E.N.A.. © E.N.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - New York University - - 132.74.1.4 - 14/05/2013 22h51. © E.N.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - New York University - - 132.74.1.4 - 14/05/2013 22h51. © E.N.A.

L'expérience du forum des droits sur l'internet

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L'EXPÉRIENCE DU FORUM DES DROITS SUR L'INTERNET Isabelle Falque-Pierrotin E.N.A. | Revue française d'administration publique 2004/2 - no110pages 349 à 357

ISSN 0152-7401

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Falque-Pierrotin Isabelle, « L'expérience du forum des droits sur l'internet »,

Revue française d'administration publique, 2004/2 no110, p. 349-357. DOI : 10.3917/rfap.110.0349

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Témoignages

L’EXPÉRIENCE DU FORUM DES DROITSSUR L’INTERNET

Isabelle FALQUE-PIERROTIN

Conseiller d’État, Présidente du Forum des droits sur l’internet

En France, l’administration électronique est désormais une réalité : on recense plusde 200 téléservices publics, 1 250 000 Français ont télédéclaré leurs revenus cette année,soit deux fois plus qu’il y a un an, 90 % des formulaires administratifs sont en ligne... Cesexemples, qui pourraient être multipliés à l’envie, montrent qu’administration etélectronique semblent désormais faire bon ménage. L’introduction des technologies del’information et de la communication (TIC) a en effet permis d’offrir aux citoyens desservices variés et simples d’emploi, et de moderniser le fonctionnement de l’adminis-tration. De nombreux pays se sont engagés dans cette démarche depuis quelques annéeset l’administration électronique apparaît comme le symbole de la modernisation desÉtats.

Compte tenu de ces éléments, le Forum des droits sur l’internet a voulu se saisir, dèssa création en 2001, des enjeux relatifs à l’administration électronique. Cet organisme esten effet compétent sur les questions juridiques et de société liées aux services et usagesdes réseaux électroniques. Il doit informer le grand public et organiser la concertationentre acteurs publics et privés sur ces questions. L’apparition des sites web publics, ledéveloppement des téléprocédures et des services administratifs personnalisés ouvrent unnouveau champs d’usages de l’internet pour lequel il est nécessaire à la fois de préciserles règles de fonctionnement par rapport à l’administration classique, mais aussid’informer les internautes.

Le Forum a ainsi mis en place des groupes de travail pour mener un travail deréflexion sur les diverses questions juridiques que pose l’administration en ligne ; sur labase des travaux de ceux-ci, il a émis trois recommandations depuis 2001. Il a égalementconduit des actions sur le terrain afin de connaître les véritables attentes et besoins desFrançais dans ce domaine. Il a enfin réalisé des actions d’information et de sensibilisationsur la e-administration.

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LES RECOMMANDATIONS

Le Forum des droits sur l’internet a rendu publiques depuis 2001 trois recomman-dations sur l’administration électronique. La première porte sur le cadre juridique del’administration en ligne et sur les nouveaux besoins qu’il convient de satisfaire entermes de développement de services en ligne, la deuxième sur la diffusion des donnéespubliques en ligne et la troisième sur le développement du vote électronique.

Le développement de l’administration électronique

Un groupe de travail a été constitué dès juillet 2001 pour mener une réflexionprécisant le cadre juridique de l’administration en ligne à partir d’une analyse desincidents et litiges. Ce groupe a rendu public sa recommandation le 3 février 2003.Intitulée « le développement de l’administration électronique », cette recommandation aété remise au secrétariat d’État à la réforme de l’État. Elle avait pour objet d’accompa-gner les travaux menés par le gouvernement sur ce sujet en portant à sa réflexion un pland’action pour le développement de l’administration sur l’internet.

Ce plan d’action visait à assurer un développement sécurisé et personnalisé del’administration électronique. Ces deux caractéristiques semblent en effet essentielles àun développement harmonieux de l’administration en ligne.

À cet effet, le Forum a recommandé une adaptation du cadre juridique existant etmené une réflexion sur les conditions juridiques et techniques nécessaires pour mettre enplace un portail administratif personnalisé.

En matière de sécurisation tout d’abord, même si un certain nombre de textes 1

prévoient la mise en place d’accusés de réception électroniques, le Forum recommandede généraliser ceux-ci car ils sont à même de rassurer les citoyens sur l’état de la priseen compte d’une démarche effectuée en ligne. De même, le Forum a recommandé que lesrecours administratifs et contentieux en ligne soient autorisés. Il a déjà été jugé endécembre 2001 par le Conseil d’État 2 qu’un recours par voie électronique était recevableau même titre qu’un recours par télécopie, c’est-à-dire sous réserve de signaturemanuscrite ultérieure. Il n’y a donc pas de raison de penser qu’un recours revêtu d’unesignature électronique ne serait pas recevable. Mais la question est encore plusimportante dès le stade du recours administratif : le dialogue engagé en ligne avecl’administration devrait pouvoir se poursuivre en ligne en cas de litige.

La mise en place d’un portail administratif personnalisé 3 étant au cœur d’un débattrès vif sur la compatibilité entre des objectifs de simplification de l’accès aux servicesadministratifs et la protection des données personnelles, le Forum a souhaité mener uneréflexion sur les conditions juridiques et techniques nécessaires à sa réalisation.

La Forum a ainsi proposé une formule de portail administratif personnalisé conçuecomme une simple passerelle permettant à l’usager, à l’aide de liens hypertextes,

1. L’article 16 de la loi du 12 avril 2000 prévoit un système de certification de date d’envoi d’unedemande mais les modalités d’application de cet article n’ont toujours pas été fixées par un décret en Conseild’État. L’article 3 du décret n° 2000-692 du 30 avril 2002 prévoit un accusé de réception électronique pour latransmission des candidatures et des offres dans le cadre de la passation des marchés publics en ligne.

2. Conseil d’État, Élections municipales d’Entre-deux-Monts, 28 décembre 2001.3. Les travaux du Forum des droits sur l’internet ont été axés autour du projet de portail administratif

personnalisé www.mon.service-public.fr.

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d’accéder aux différents services de l’administration. Dans cette optique, il ne s’agit doncpas de mettre en place un compte administratif centralisant l’ensemble des donnéesadministratives de l’usager mais de simplifier l’accès de ce dernier aux informationsadministratives le concernant tout en laissant chaque administration gestionnaire desditesdonnées. En outre, le fonctionnement du portail doit reposer sur un principe devolontariat et de réversibilité.

En ce qui concerne les modalités pratiques de fonctionnement du portail, le Foruma recommandé que, parmi les solutions techniques d’identification, il puisse être envisagél’utilisation d’une carte à puce délivrée aux usagers.

De façon plus générale, le développement personnalisé de l’administration électro-nique doit conduire à repenser les bases de la protection des données personnelles. Eneffet, la législation sur la protection des données de 1978 est en partie tributaire del’univers dans lequel elle a été élaborée : celui des grands fichiers publics. Il est peut-êtretemps de passer à une logique qui donne plus d’autonomie aux citoyens et qui affirme desdroits de façon positive plutôt que de les situer dans une logique de méfiance.

Dans ce cadre, le Forum a recommandé que les droits d’accès et de rectificationprévus par la loi du 6 janvier 1978 soient complétés de manière à prévoir que leurexercice puisse se faire en ligne. Le Forum a également recommandé que la réforme encours de la loi de 1978 soit mise à profit pour créer un dispositif juridique rendantpossibles, à la demande de l’usager, des dialogues entre des fichiers administratifs. Eneffet, si l’interconnexion généralisée des fichiers doit évidemment être bannie et si lesprincipes de finalité et d’encadrement des interconnexions sont de bons principes, cela nedoit pas empêcher d’envisager, au cas par cas et sur autorisation de la personneconcernée, des formes de dialogue entre les administrations.

Enfin, le Forum a également souligné les nouveaux besoins qu’il convient desatisfaire en termes de développement de services en ligne. Parmi ces nouveaux besoins,le Forum a recommandé que soient développés, de manière prioritaire, certains servicespublics en ligne pour lesquels la demande des usagers est forte : changement d’adresse,suivi en ligne de son dossier, déclaration de la perte ou du vol des papiers d’identité,paiement des procès-verbaux de stationnement, règlement des litiges pécuniaires, etc.

Quelle politique de diffusion des données publiques ?

Le 14 avril 2003, le Forum des droits sur l’internet a publié une recommandation surla diffusion des données publiques 4, consacrée aux modalités pratiques de mise àdisposition par les acteurs publics de leurs données aux citoyens et entreprises. Celle-cia été remise au gouvernement français et aux autorités communautaires.

Dans cette recommandation, le Forum a analysé le changement de structuration dusecteur de la diffusion des données publiques. En effet, l’arrivée de l’internet a permis àl’État de modifier, à moindre coût, son rôle en ce domaine. De simple producteur, il estdevenu également diffuseur de ces données engendrant une crainte, parmi les éditeursprivés, de voir leur échapper une partie substantielle de leurs revenus. Tirant lesconséquences de cette nouvelle organisation, la recommandation a souhaité rappeler uncertain nombre d’obligations pesant sur les producteurs publics : obligation d’identifi-

4. Le Forum des droits sur l’internet, recommandation « Quelle politique de diffusion des donnéespubliques ? », 14 avril 2003.

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cation et de mise à disposition des données, interdiction de tout accord d’exclusivité,transparence dans la tarification des données publiques. Afin de garantir le nouveléquilibre créé, le Forum recommandait d’opérer une refonte de la Commission d’accèsaux documents administratifs (CADA) afin qu’elle puisse aider, au travers d’unecomposition rassemblant les acteurs du secteur, à la résolution des différends quipourraient naître entre diffuseurs et producteurs.

Enfin, l’internet permet à l’État de se rapprocher de ses citoyens. En effet, au traversdes sites mis en ligne, les services ont dorénavant la possibilité d’informer lesadministrés sur leurs droits ou devoirs. Néanmoins, cette diffusion — qui ne peuts’opérer que de manière gratuite — ne peut concerner les seules données juridiquescomme c’est le cas aujourd’hui. À cette fin, le Forum invitait le gouvernement à prendredes mesures permettant de fixer le périmètre de cette politique de diffusion gratuite. Enparticulier, cette nouvelle avancée dans l’intelligibilité des politiques publiques pour lecitoyen ne doit pas se faire au détriment de la protection des données personnelles ; ilpeut être opportun d’aménager un droit d’opposition des citoyens à la communication deleurs informations à des fins commerciales.

Quel avenir pour le vote électronique en France ?

Dans sa recommandation « Quel avenir pour le vote électronique en France ? »,remise au ministre de l’intérieur le 26 septembre 2003, le Forum propose un véritableplan de déploiement du vote électronique en France et détermine les modalités pratiquesdevant permettre un vote sécurisé et fiable.

Ce plan repose sur le postulat qu’il faut certes, introduire le vote électronique enFrance, mais de façon progressive et raisonnée, car si le « e-vote » simplifie ledéroulement du scrutin, il soulève encore de nombreux problèmes techniques, juridiquesmais surtout symboliques.

C’est pourquoi il convient de différencier son degré d’introduction en fonction dutype de scrutin. Ainsi, pour les élections politiques, il ne faut pas mettre en place, dansle court terme, un vote électronique à distance mais privilégier un système instaurant unvote électronique depuis n’importe quel bureau de vote. En revanche, pour les électionsprofessionnelles dans les entreprises, il convient d’instaurer dès maintenant, avecl’accord des partenaires sociaux, un vote électronique. Ce type de vote devrait êtresystématisé pour les autres types d’élections (chambres de commerce, associations,référendums locaux, etc.)

Il est important de noter que les recommandations ainsi émises par le Forum sont,régulièrement et de diverses manières, effectivement mises en œuvre par les pouvoirspublics.

Le suivi des recommandations

La recommandation sur le développement de l’administration électronique avaitinvité les pouvoirs publics à mettre en place une possibilité de paiement en ligne desprocès-verbaux notamment de stationnement. La récente ouverture du site www.amen-

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des.gouv.fr qui instaure un système de télépaiement par internet des amendes issues d’unsystème de contrôle-sanction automatisé 5 est un premier pas concret en ce sens.

De même, le Forum avait recommandé que le citoyen puisse bénéficier d’un suivien ligne de son dossier. L’expérimentation menée, depuis avril 2004, dans les tribunauxadministratifs de Lyon et de Paris permettant aux parties à l’instance de suivre en lignel’instruction de leur dossier va dans ce sens. Ce système devrait d’ailleurs êtreprochainement généralisé à l’ensemble des juridictions administratives.

Enfin, le projet de portail « mon.service-public.fr », conduit actuellement parl’Agence pour le développement de l’administration électronique (ADAE), suit engrande partie les recommandations émises par le Forum (schéma technique de fonction-nement, identification par carte à puce, etc.).

De façon générale, le projet ADELE 6 s’inscrit dans le souci de construire unerelation de confiance fondée sur un cadre sécurisé mais aussi personnalisé.

À la suite de la recommandation sur les données publiques, le Forum participe,depuis décembre 2003, aux travaux communs de l’ADAE et de la Direction dudéveloppement des médias (DDM) concernant la mise en œuvre de la directive du17 novembre 2003 7 relative à la réutilisation commerciale des informations du secteurpublic. Ces travaux devront aboutir à l’élaboration d’une ordonnance, prise en applica-tion de l’habilitation issue du projet de loi de simplification du droit, actuellement encours de débat devant le Parlement. Un texte de transposition devrait ainsi être élaborépour le premier semestre 2005.

Enfin, la recommandation sur le vote électronique a permis la modification du codedu travail en introduisant le vote électronique pour les élections professionnelles. Jusqu’àprésent, la jurisprudence estimait que le vote électronique pour les élections profession-nelles n’était pas autorisé. Pour autant, le Forum s’était déclaré favorable au principe duvote électronique au sein de l’entreprise soumettant le choix des modalités de ce vote(vote à distance, vote sur un kiosque à voter) à un accord préalable de la part despartenaires sociaux. Il avait ainsi recommandé que « soient modifiées les dispositions ducode du travail qui n’admettent, pour l’instant, que le vote sur support papier » 8, le choixdes modalités de ce vote (vote à distance, vote sur un kiosque à voter, etc.) devant êtreréglé par un accord d’entreprise réunissant les partenaires sociaux.

Suivant ces recommandations, l’article 54 de la loi pour la confiance dansl’économie numérique du 21 juin 2004 a modifié le code du travail afin de pouvoirprocéder aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprisepar voie électronique. En pratique, le texte insère à la première phrase du premier alinéades articles L. 423-13 et L. 433-9 du Code du travail, les mots « ou par vote électronique,dans les conditions et selon les modalités définies par décret en Conseil d’État ».

5. Arrêté du 27 octobre 2003, pris en application de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre laviolence routière, qui crée, sous le contrôle et l’autorité du ministre de l’intérieur, un « système contrôlesanction automatisé (CSA) » ayant pour finalité de constater les contraventions de l’article L. 121-3 du Codede la route et de faciliter la gestion du paiement des amendes et des consignations par les services compétents.Cet arrêté précise, en particulier, que ce traitement pourra faire l’objet d’une interconnexion avec un systèmede télépaiement par internet des amendes et consignations.

6. Le projet ADELE — ADministration ELEctronique a été officiellement lancé par le Premier ministrele 9 février 2004.

7. Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant laréutilisation des informations du secteur public, JOUE, L. 345 du 31 décembre 2003, p. 90.

8. Le Forum des droits sur l’internet, recommandation « Quel avenir pour le vote électronique enFrance », 26 septembre 2003 : http ://www.foruminternet.org/recommandations/lire.phtml ?id=651

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LES ACTIONS DESTINÉES À CONNAÎTRE LES ATTENTESDES USAGERS

Lieu permanent de concertation sur les enjeux de société liés à l’internet, le Forumdes droits sur l’internet a également souhaité mener un grand nombre d’actions desensibilisation. Il apparaît en effet essentiel de mieux connaître la demande des citoyenspar rapport aux nouveaux services qu’offre l’administration électronique. Ceux-ci sonttrop souvent construits à partir d’une logique de l’offre qui ne semble pas adaptée à uneadministration de service au citoyen.

Le sondage SOFRES (septembre 2002)

Un sondage a été commandé à la SOFRES pour connaître les réelles attentes desFrançais dans ce domaine 9. De ce sondage, il ressort principalement que les Français nesont pas frileux par rapport aux services administratifs en ligne : un Français sur deux estfavorable aux démarches administratives en ligne. Pour eux, internet est d’ailleurssynonyme de gain de temps et de déplacements, de rapidité dans le traitement desdossiers et de services nouveaux. Internet doit leur simplifier la vie !

En outre, ils souhaitent de réels services interactifs, entièrement en ligne et pas dutéléchargement de formulaires.

Enfin, les Français sont ouverts aux services en ligne les plus avancés que sont lacarte d’identité électronique ou le compte administratif personnalisé. 79 % des Françaissont en effet favorables à la mise en place d’un service personnalisé qui permettraitd’effectuer l’ensemble de leurs démarches administratives sur internet et de suivre leurétat d’avancement, et ce malgré les craintes qu’un tel système pourrait générer en termesd’intrusion dans la vie privée et de complexité d’utilisation. 73 % sont favorables à unecarte d’identité électronique sécurisée permettant d’accomplir toutes les démarches enligne (identification, signature, paiement).

Les principales réserves tiennent au rapport global à l’internet (insuffisance deconnaissances ou d’équipement) ou à une volonté de garder un contact humain.

D’autres craintes sont mentionnées comme le manque de confiance dans lasécurisation de la démarche ou la menace d’un « Big brother » mais elles apparaissentcomme secondaires.

Le débat public itinérant (juin-décembre 2002)

Afin de compléter et enrichir les enseignements de ce sondage, le Forum a souhaitéorganiser un débat public itinérant portant sur l’administration électronique et laprotection des données personnelles afin d’éclairer le gouvernement sur les principalesinterrogations qui se font jour à l’égard du développement de l’administration électro-nique et notamment du projet de service administratif personnalisé : « mon.service-public.fr ».

9. Enquête SOFRES-Le Forum des droits sur l’internet : « Les attentes des Français en matière dedémarches administratives sur internet », septembre 2002 : (www.foruminternet.org).

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Le 26 février 2002, MM. Pierre Truche, Jean-Paul Faugère et Patrice Flichyremettaient au ministre de la fonction publique et de la réforme de l’État, le Livre blancAdministration électronique et protection des données personnelles. C’est ensuite que leForum des droits sur l’internet a été chargé par le gouvernement d’organiser un débatpublic sur les principaux points identifiés par le Livre blanc.

Le Forum a répondu à cette demande d’une part, en organisant un débat en ligne surson site de février à mai, d’autre part, en organisant six manifestations publiques enprovince auxquelles ont participé de nombreux acteurs locaux.

Si les contributions en ligne ont été plutôt spécialisées et assez techniques, le débatpublic « itinérant » a constitué une expérience unique et originale de consultation directedes citoyens, entreprises, responsables politiques, administratifs ou associatifs.

Les conclusions du débat public « Administration électronique et protection desdonnées personnelles » ont été remises le 16 décembre 2002 au ministre de la fonctionpublique et au secrétaire d’État à la réforme de l’État.

Les étapes du débat public ont permis de mieux connaître les attentes et les besoinsdes Français dans ce domaine et les moyens de définir un équilibre entre des aspirationssouvent contradictoires. Il en ressort principalement que la mise en place de l’adminis-tration électronique bénéficie d’un a priori favorable et apparaît comme une opportunitéd’approfondir la réforme de l’État en introduisant de nouveaux services et de nouvellespratiques.

Ces réformes vont augmenter le niveau de confiance dans l’administration sousréserve que la question de la sécurité soit effectivement traitée. Concernant la protectiondes données personnelles, le débat public a clairement montré que les attentes sont trèsvariées. Certains veulent qu’un guichet unique prenne en charge tous leurs problèmes, aucontraire, d’autres sont très soucieux de garder la maîtrise de leurs relations avec lasphère publique. Ces deux types de populations n’attendent donc pas le même service enligne. De façon générale, on a pu constater que s’exprime, de façon unanime, la volontéde garder un contact humain, de ne pas tomber dans la dépersonnalisation ou dans unfichage à outrance.

Enfin, les craintes d’une « exclusion » numérique (du fait de l’accès et de l’inégalitédans la maîtrise des usages de l’internet) ont été avancées. De plus, même si le citoyentend à se comporter de plus en plus en « usager-client », il exprime certaines craintesvis-à-vis du secteur privé et du rôle de gestionnaire de services publics que celui-ci peutêtre amené à jouer au sein de l’administration électronique : peur d’une privatisation« rampante » de l’État et d’une remise en cause consécutive des exigences de servicepublic ; la e-administration en ligne doit rester le fait de la puissance publique.

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LES ACTIONS D’INFORMATION ET DE SENSIBILISATION

Les sites internet

Le site www.foruminternet.org, plate-forme d’information et instrument de dialo-gue, constitue un lieu de référence pour les professionnels de l’internet, grâce à une basede connaissances complète, rassemblant les principales sources du droit français, lesusages et les normes internationales applicables à l’internet. Ce site permet égalementl’association des internautes au travail de concertation mené par le Forum ; le débatpublic sur l’administration électronique et la protection des données personnelles s’estainsi déroulé sur ce site de février à juin 2002 ; pendant toute la durée du débat itinérant,des comptes-rendus ont été publiés avec la possibilité de rajouter de nouveauxcommentaires en ligne ; dans le cadre des travaux du groupe sur le e-vote, un forum dediscussion a été organisé permettant à plus d’une centaine d’internautes d’alimenter laréflexion du groupe de travail.

Le site www.droitdunet.fr, service pratique des droits sur l’internet destiné au grandpublic, consacre deux de ses neuf rubriques à l’administration électronique. Lesrubriques « citoyens » et « collectivités locales » représentent ainsi près d’une quaran-taine de fiches pratiques qui apportent des réponses concrètes et simples aux questionsde nature juridique que peuvent se poser les internautes dans leur usage quotidien avecl’administration électronique.

Les outils pratiques

Afin que les usagers s’approprient les téléprocédures et connaissent leurs droits etleurs devoirs dans ce domaine, deux guides pratiques ont été élaborés : l’un destiné auxopérateurs de téléprocédures et l’autre au grand public.

Le premier guide a été diffusé auprès des décideurs publics chargés de mettre enplace des téléprocédures. Ce guide a pu les éclairer sur les enjeux juridiques etopérationnels liés à la mise en place d’une téléprocédure en leur fournissant un « kitjuridique ». Le guide Téléprocédures et décideurs publics, réalisé le 20 novembre 2002,est téléchargeable sur le site internet du Forum des droits sur l’internet 10.

Le second guide, destiné au grand public et réalisé en partenariat avec les ministèresde la fonction publique, de la famille et l’Union nationale des associations familiales,avait pour but d’informer les citoyens sur les services administratifs actuellementdisponibles sur internet à partir d’une analyse de leurs demandes (état-civil, logement,enseignement, etc.) Il répondait également aux interrogations, voire aux craintes quipourraient naître de la généralisation d’une administration en ligne. Le guide Télépro-cédures et familles, réalisé le 23 novembre 2002, a été diffusé à 40 000 exemplaires etdistribué dans les espaces et points d’accès publics numériques 11.

10. http ://www.foruminternet.org/publications/lire.phtml ?id=47411. Il est téléchargeable sur le site internet du Forum des droits sur l’internet

(http ://www.foruminternet.org/publications/lire.phtml ?id=452).

356 ISABELLE FALQUE-PIERROTIN

Revue française d’administration publique no 110, 2004, pp. 349-358

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L’administration électronique est en marche. Des projets concrets et ambitieux semettent en place à travers le programme ADELE ou la carte nationale d’identitéélectronique.

Ces projets montrent bien que le développement de l’administration électronique estirréversible et qu’il y a urgence pour les gouvernements à préciser leurs stratégies et àproposer des solutions car sinon celles-ci leur seront imposées par le secteur privé quiappliquera ses propres solutions issues du commerce électronique. À cet égard, le débatpublic itinérant « Administration électronique et protection des données personnelles »organisé par le Forum des droits sur l’internet a montré que le partage des tâches entrele secteur public et le secteur privé dans la construction de l’administration en lignesuscite de nombreuses interrogations. De façon générale, il a été constamment affirmé aucours des débats que l’administration en ligne devait effectivement rester le fait de lapuissance publique.

Pour répondre à une telle attente et être à même de proposer une offre attractive etdurable de services en ligne, l’administration doit adapter son mode de fonctionnementde façon profonde. Il ne s’agit en effet plus seulement d’ouvrir une vitrine sur le web !Ce besoin de réorganisation interne est probablement, à court terme, le principal frein àl’apparition et au succès de nouveaux services. Il nécessitera du temps, un changementde culture des administrations vers plus de coopération entre elles et des systèmesd’informations adaptés.

Enfin, la problématique des données personnelles fait pleinement son apparition.Cette dernière est déterminante car il convient de trouver un juste équilibre entresimplification des services et garanties pour l’usager en termes de vie privée. Sur cesquestions, les attentes des citoyens sont difficiles à cerner et les enjeux de sécuritéomniprésents. Dans ces conditions, la construction d’un pacte de confiance renouveléentre l’administration électronique et le citoyen, pacte que le plan ADELE appelle de sesvœux, apparaît comme un enjeu démocratique majeur pour les prochains mois.

L’EXPÉRIENCE DU FORUM DES DROITS SUR L’INTERNET 357

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