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L’hygiène mentale à l’école A. Berge Depuis quelques années, il est devenu de plus en plus impossible aux éducateurs de méconnaître le point de vue de l’hygiène mentale. Sans doute la famille dont l’action sur l’enfant est plus précoce, plus continue, plus prolongée est-elle particulièrement intéressée dans l’affaire; mais l’école ne saurait pour autant être tenue pour quitte, car on ne peut la cantonner dans le seul rôle de dispenser des connaissances. Ne constitue-t-elle pas l’univers où, de 6 à 15 ans, les jeunes passent la plus grande partie de leur existence éveillée ? Par comparaison avec le squelette osseux qui porte la trace des incidents pathologiques surve- nus au cours de sa formation, on comprendra sans peine que les impressions reçues au cours de la formation de la personnalité marquent cette dernière d’une façon profonde et durable. L’École, comme la famille, doit obéir d’abord au prin- cipe fondamental de toute médecine et de toute hygiène : Primum non nocere. C’est une règle qu’il n’est pas toujours aussi facile d’observer qu’on le croirait. Elle exige que les enseignants prennent conscience de l’influence qu’ils exer- cent, parfois sans même s’en douter, sur la destinée de leurs élèves. Nous considèrerons tour à tour l’École en tant que facteur éventuel d’équilibre ou de déséquilibre pour l’enfant et l’École comme moyen possible de corriger ou au contraire d’amplifier les déséquilibres préexistants. Pour éclaircir le premier point, il convient de s’interroger sur la fonction de l’École par rapport au développement psychique et affectif de l’individu, sans se borner à consi- dérer le développement intellectuel. Dans la mesure où l’école possède une fonction de cet ordre et où elle répond par conséquent à un besoin de l’enfant, on peut avancer qu’elle est facteur d’équilibre, si elle accomplit correcte- ment cette fonction — et de déséquilibre, si elle s’y dérobe. À partir de la naissance, l’horizon de l’être humain s’élargit, pourrait-on dire, par zones concentriques. Limité pendant quelques mois à la personne de la mère, il s’étend bientôt à la famille tout entière ; puis l’univers scolaire entre dans son champ, donnant un avant-goût de la société dans laquelle l’adulte devra s’insérer. À chacun de ces élargisse- ments correspond la chute d’une barrière protectrice, et, par conséquent, une épreuve nouvelle pour celui qui doit affronter un nouvel inconnu. L’entrée à l’école — nous l’avons montré ailleurs (1) marque une véritable révolution dans la vie de l’enfant, tant sur le plan social que sur le plan moral. Accoutumé à être désigné par son prénom qui fait de lui, à l’intérieur de la famille, un personnage unique en son genre, voici qu’il découvre d’autres enfants qui sont comme lui des « Geor- ges », « Paul » ou « Pierre » ; et, pour la première fois, c’est par son nom de famille qu’on le distingue, tout comme on distingue son père dans la société des grandes personnes. Sur le plan moral, les impératifs habituels font place à des impératifs nouveaux : Il n’est plus question de « tout dire à papa et maman » aux yeux de qui il n’importe plus avant tout de se montrer « gentil. » Une morale de clan remplace provisoirement la morale de la soumission aux parents. La grande règle est de ne pas trahir ses pairs : avant tout, « ne pas cafarder. » En revanche, le « copiage », tenu pour une faute grave par les adultes, est généralement plus ou moins admis par le clan. Cette révolution doit être considérée comme une phase évolutive nécessaire et que l’école a pour fonction d’amor- cer. Dégager l’enfant d’une soumission trop aveugle aux lois imposées par les grandes personnes pour mieux lui permettre d’accéder à l’autonomie, ainsi qu’à la notion de solidarité, lui apprendre à vivre dans une société d’égaux au sein de laquelle il est bien obligé de se rendre compte qu’il n’est plus désormais qu’un parmi les autres, et lui faire découvrir par cette voie que ses camarades sont des « su- jets » comme lui, de même qu’il est un « objet » comme > Première parution : Revue de neuropsychiatrie infaéntile et d’hygiène mentale de l’enfance 1960 ; 4 (3-4) : 179-183. © L’Expansion Scientifique Française. (1) L’écolier difficile (Bourrelier). Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 406–408 www.elsevier.com/locate/ea © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII: S 0 2 2 2 - 9 6 1 7 ( 0 2 ) 0 0 1 3 0 - 7

L'hygiène mentale à l'école

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L’hygiène mentale à l’écoleA. Berge

Depuis quelques années, il est devenu de plus en plusimpossible aux éducateurs de méconnaître le point de vuede l’hygiène mentale. Sans doute la famille dont l’action surl’enfant est plus précoce, plus continue, plus prolongéeest-elle particulièrement intéressée dans l’affaire; maisl’école ne saurait pour autant être tenue pour quitte, car onne peut la cantonner dans le seul rôle de dispenser desconnaissances. Ne constitue-t-elle pas l’univers où, de 6 à15 ans, les jeunes passent la plus grande partie de leurexistence éveillée ? Par comparaison avec le squeletteosseux qui porte la trace des incidents pathologiques surve-nus au cours de sa formation, on comprendra sans peine queles impressions reçues au cours de la formation de lapersonnalité marquent cette dernière d’une façon profondeet durable.

L’École, comme la famille, doit obéir d’abord au prin-cipe fondamental de toute médecine et de toute hygiène :Primum non nocere. C’est une règle qu’il n’est pas toujoursaussi facile d’observer qu’on le croirait. Elle exige que lesenseignants prennent conscience de l’influence qu’ils exer-cent, parfois sans même s’en douter, sur la destinée de leursélèves.

Nous considèrerons tour à tour l’École en tant que facteuréventuel d’équilibre ou de déséquilibre pour l’enfant etl’École comme moyen possible de corriger ou au contraired’amplifier les déséquilibres préexistants.

Pour éclaircir le premier point, il convient de s’interrogersur la fonction de l’École par rapport au développementpsychique et affectif de l’individu, sans se borner à consi-dérer le développement intellectuel. Dans la mesure oùl’école possède une fonction de cet ordre et où elle répondpar conséquent à un besoin de l’enfant, on peut avancerqu’elle est facteur d’équilibre, si elle accomplit correcte-ment cette fonction — et de déséquilibre, si elle s’y dérobe.

À partir de la naissance, l’horizon de l’être humains’élargit, pourrait-on dire, par zones concentriques. Limitépendant quelques mois à la personne de la mère, il s’étendbientôt à la famille tout entière ; puis l’univers scolaire entredans son champ, donnant un avant-goût de la société danslaquelle l’adulte devra s’insérer. À chacun de ces élargisse-ments correspond la chute d’une barrière protectrice, et, parconséquent, une épreuve nouvelle pour celui qui doitaffronter un nouvel inconnu.

L’entrée à l’école — nous l’avons montré ailleurs(1) —marque une véritable révolution dans la vie de l’enfant, tantsur le plan social que sur le plan moral. Accoutumé à êtredésigné par son prénom qui fait de lui, à l’intérieur de lafamille, un personnage unique en son genre, voici qu’ildécouvre d’autres enfants qui sont comme lui des « Geor-ges », « Paul » ou « Pierre » ; et, pour la première fois, c’estpar son nom de famille qu’on le distingue, tout comme ondistingue son père dans la société des grandes personnes.Sur le plan moral, les impératifs habituels font place à desimpératifs nouveaux : Il n’est plus question de « tout dire àpapa et maman » aux yeux de qui il n’importe plus avanttout de se montrer « gentil. » Une morale de clan remplaceprovisoirement la morale de la soumission aux parents. Lagrande règle est de ne pas trahir ses pairs : avant tout, « nepas cafarder. » En revanche, le « copiage », tenu pour unefaute grave par les adultes, est généralement plus ou moinsadmis par le clan.

Cette révolution doit être considérée comme une phaseévolutive nécessaire et que l’école a pour fonction d’amor-cer. Dégager l’enfant d’une soumission trop aveugle auxlois imposées par les grandes personnes pour mieux luipermettre d’accéder à l’autonomie, ainsi qu’à la notion desolidarité, lui apprendre à vivre dans une société d’égaux ausein de laquelle il est bien obligé de se rendre compte qu’iln’est plus désormais qu’un parmi les autres, et lui fairedécouvrir par cette voie que ses camarades sont des « su-jets » comme lui, de même qu’il est un « objet » comme

> Première parution : Revue de neuropsychiatrie infaéntile et d’hygiènementale de l’enfance 1960 ; 4 (3-4) : 179-183. © L’ExpansionScientifique Française. (1) L’écolier difficile (Bourrelier).

Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 50 (2002) 406–408

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© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.PII: S 0 2 2 2 - 9 6 1 7 ( 0 2 ) 0 0 1 3 0 - 7

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eux, tout cela fait en effet partie du rôle de l’École. Celle-cicommence à intervenir à cette époque de la vie enfantineque Freud a nommée « période de latence » parce que lalibido ne s’y manifeste plus aussi ouvertement qu’au coursdes premières années. Des forces, qui ne sont plus engagéesdans les conflits affectifs et familiaux des débuts de l’exis-tence, sont maintenant disponibles pour les conquêtes intel-lectuelles et sociales dont l’École offre la possibilité. C’està elle en effet d’apporter des aliments nouveaux à lacuriosité des jeunes esprits ; c’est à elle d’ouvrir à l’ intel-ligence de plus vastes domaines.

Il suffit qu’elle manque à sa tâche sur l’un ou l’autre deces points, pour qu’un déséquilibre se produise. Ce n’est pasle maître seul qui est en cause, mais aussi bien lescamarades et en général l’atmosphère scolaire qui dépendévidemment pour beaucoup de la personnalité des ensei-gnants.

Dans un premier temps, il faut que l’enfant s’adapte à cetunivers si différent de l’Univers familial. Peut-être neprête-t-on pas toujours une suffisante attention aux difficul-tés de cette transition dont pourtant risque de dépendre toutela carrière scolaire ultérieure de l’enfant.

Il faut avant tout prendre garde que ce dernier ne puissepas s’ imaginer qu’on l’a envoyé en classe pour se débar-rasser de lui. Si par malchance les débuts coïncident avec lanaissance d’un petit frère ou d’une petite sœur, il se croirafacilement rejeté — ce qui peut faire naître chez lui uneopposition aux études, qui risque quelquefois d’être durable.

Certes, l’enfant s’adapte plus ou moins aisément selon ledegréde maturitéde sa personnalité. S’ il est encore trop fixéà ses parents, il aura peine à comprendre les lois de sonnouveau milieu. Il se fera honnir comme « rapporteur »quand il n’aura fait que rester fidèle à l’enseignement moralprécédemment reçu. Il souffrira de ce manque soudain detendresse et de sollicitude auquel rien ne l’a préparé. Il auramême peur de ses semblables et cherchera sans doute laprotection de l’adulte, c’est-à-dire de l’ instituteur ou del’ institutrice sur lesquels il « transférera » au maximum lessentiments primitivement éveillés par les parents.

Il faut en particulier beaucoup de tact à une maîtressed’école maternelle pour ne jamais réagir à ces« transferts » — touchants mais parfois un peuencombrants — par un geste d’agacement ou au contrairepar une excessive complaisance. Il est difficile de jouer,comme il faut, le rôle d’une mère substitutive, surtout quandla mère réelle existe et quand il faut entretenir avec elle debonnes relations. L’enfant semble avoir besoin que ces deuximages de mères s’accordent et pourtant ne soient pas toutà fait identiques : le problème des rapports de l’école et dela famille trouve ici sa première expression, en même tempssans doute que sa plus importante application. C’est en effetici que se fait le passage de l’univers familial à l’univers

scolaire : la moindre fausse note peut avoir alors de gravesconséquences.

On sait combien le premier contact de l’enfant avecl’école peut être quelquefois perturbant. À ce momentpeuvent apparaître des peurs, des cauchemars, des pertes desommeil ou d’appétit, voire des bégaiements ou d’autressymptômes. L’ individu s’est trouvé brusquement en face dela horde, sans savoir d’avance l’accueil qui lui sera fait. Plusil est petit, plus il risque d’être terrorisé par le grandnombre. C’est pourquoi il est indispensable que l’effectifd’une classe soit d’autant plus restreint qu’ il s’agit d’éco-liers plus jeunes. La proportion d’adultes parmi les enfantsdevrait toujours être calculée en raison inverse de l’âge deces enfants.

Cependant, il n’y a pas que l’adaptation à la vie scolairequi intéresse l’hygiène mentale. Une fois cette adaptationaccomplie, l’enfant se trouve placé dans une situation qui lesoumet d’une façon permanente à certaines épreuves. Dansla majorité des cas, il vit sous tension, pendant toute lapériode scolaire de l’année — indépendamment d’ailleursde la question du surmenage proprement dit. Même quand ilparaît indifférent au travail, il est en général sollicité avecinsistance de fournir des efforts, souvent menacé, parfoispuni, presque toujours incité à la compétition, culpabilisépour ses échecs, etc... Il est un fait qui démontre d’une façonindéniable l’existence de cette tension aussi bien chez lesmauvais élèves que chez les bons, c’est la disparition,maintes fois constatée, d’une grande partie des difficultéscaractérielles au cours des vacances. Dans beaucoup defamilles, le travail scolaire est la cause majeure des conflitsentre l’adulte et l’enfant.

D’autre part l’écolier se trouve, dans le système pédago-gique traditionnel, condamné en classe à une immobilité,très contraire à sa nature. Plus un être est jeune, plus sonactivité motrice et son activité intellectuelle se confondent.Bien des adultes sont encore obligés de marcher de long enlarge pour mieux réfléchir. On peut comparer ce phénomèneà une sorte de syncinésie d’autant plus marquée quel’ individu est moins évolué. Il est bien évident que tous lesenfants ne sont pas mûrs pour supporter cette séparationprécoce de l’activité motrice et de l’activité intellectuelle ;et il n’est pas rare que l’on rencontre des élèves dont le bontravail et la bonne conduite ne coïncident presque jamais.Tantôt ils remuent et travaillent bien, tantôt ils cessent deremuer et ne travaillent plus ! De toute façon, l’ interdictiond’agir et de bouger a tendance à se traduire par une agitationvaine et mal contenue.

La classe constitue enfin une sorte d’î lot au milieu dumonde. Toute l’année on s’y retrouvera avec les mêmescamarades et avec les mêmes maîtres, et l’on subira de cefait les mêmes pressions, les mêmes contraintes et parfoisles mêmes brimades. Certains écoliers deviendront descaïds, d’autres demeureront des « têtes de turc », tous seront

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pris dans les remous de cette société fermée très particulière,dont l’opinion publique est fluctuante et la tolérance varia-ble. La distance du maître aux enfants joue ici un rôlecapital, car un maître suffisamment proche de ses élèvespeut empêcher, sans même avoir besoin d’ intervenir, ladétérioration du climat scolaire.

Mais le maître peut aussi être responsable d’une telledétérioration. Tout être humain a ses problèmes personnelset il est parfois difficile à celui qui enseigne de laisser lessiens au vestiaire. Le maître est une sorte de monarqueabsolu et il arrive fréquemment que l’épreuve du pouvoirrévèle les déficiences et les déséquilibres d’un individu.Mais lorsque cet individu règne sur des jeunes, son désé-quilibre risque en outre de constituer une menace pour lasanté mentale de ces derniers. Pour des raisons qui tiennentà leur propre histoire, certains maîtres se montrent de cruelstyrans alors que d’autres semblent rechercher la palme dumartyre. Il en est qui s’efforcent exagérément de séduireleur classe, mais il en est aussi qui considèrent à priori tousleurs élèves comme des petits êtres malfaisants et hostiles.Sans doute peut-il être tentant pour des timides ou pour desfaibles de se venger sur des plus timides et des plus faiblesde tous les affronts qu’on a eu l’ impression d’essuyer danssa vie. Par malheur, les anomalies du comportement del’adulte peuvent avoir une répercussion sur l’enfant.

Il ne s’agit pas d’épargner à celui-ci tout heurt ni mêmetoute injustice. Il appartient au contraire à l’école d’accou-tumer l’ individu à supporter les injustices mineures, inhé-rentes à toute vie en communauté — l’ indignation devantêtre réservée pour les injustices plus graves, plus évitables etsurtout plus intentionnelles.

Ainsi l’école par ses conditions et par ses exigenceshabituelles, place l’enfant dans une situation délicate dont ilest nécessaire que les éducateurs aient conscience pourpréserver le mieux possible la santé mentale de l’écolier.L’école répond aux besoins de l’enfant et c’est par làqu’elleest nécessaire à son équilibre, mais n’oublions pas qu’ il luiest également facile de le compromettre dans la mesure oùelle méconnaît la nature de ses fonctions et leurs limites.

En revanche, l’école — nous l’avons dit — peut servir àcorriger les déséquilibres préexistants : elle donne en effet àl’enfant la première occasion d’échapper à ses problèmesfamiliaux lorsque ceux-ci sont écrasants. On connaît debrillants élèves auxquels les études ont fourni le moyen defuir les conflits intérieurs par lesquels ils se sentaient

menacés. Dans la société scolaire, certains enfants trouventdes compensations à ce qui leur fait défaut dans leur milieuoriginel. Les maîtres et maîtresses leur offrent des images,masculine ou féminine, susceptibles de compléter les ima-ges parentales, voire de se substituer à elles quand cesdernières manquent ou sont insuffisantes. Car il est indis-pensable que chaque enfant ait un modèle sous les yeuxpour apprendre à vivre en s’ identifiant à un objet valable,sans lequel il risque de se développer anarchiquement ou dedemeurer indéfiniment infantile.

Le personnel enseignant ne saurait évidemment exercerune action psychothérapique directe pour laquelle il n’est niqualifié ni préparéet qui semble même incompatible avec lerôle qu’ il doit jouer vis-à-vis de la communauté enfantine.Au surplus, celle-ci supporte en général assez mal qu’un dessiens bénéficie d’une sollicitude particulière qui le distinguedu groupe. Il n’empêche qu’une certaine connaissance dumilieu familial de chaque élève est nécessaire au maîtrepour lui permettre d’ intervenir d’une façon opportune etd’éviter de fâcheuses erreurs d’optique. Il arrive qu’unenfant travaille mal, tantôt parce qu’on ne s’occupe pasassez de son travail chez lui, tantôt parce qu’on s’en occupetrop. Si le professeur est insuffisamment informé sur cepoint, il risque fort de donner des conseils qui portent àfaux. Mais ceci n’est qu’un petit exemple : il existe devéritables drames de famille dont la connaissance permet-trait souvent de mieux comprendre les difficultés des éco-liers et par suite empêcherait des erreurs graves. Pris entreune famille qui ne lui donne aucune sécuritéet une école quin’offre qu’une perspective de punitions et de réprimandes, ilest des enfants qui se laissent couler à pic.

À côté de ses tâches proprement pédagogiques, l’école adonc une tâche de prophylaxie mentale à remplir. Il lui estimpossible de s’y dérober ! Elle intervient en effet dans lavie de l’ individu, à une époque importante mais transitoireentre la petite enfance et l’âge adulte.

De ce fait, elle n’a pas le droit d’ ignorer le processusd’un développement qu’elle accompagne et doit favoriser. Illui incombe de répondre à la fois aux exigences dupsychisme enfantin et de la société adulte, car sa raisond’être est de servir l’enfant et la société. Quand elle paraîtl’oublier et semble se prendre elle-même pour but, elle trahitsa mission ; et c’est alors qu’elle devient un facteur deperturbation, elle qui peut et devrait toujours être un facteurd’équilibre et de santé.

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