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L’incorporation de la thymidine au cours de l’ovogenèse et du Développement embryonnaire chez la drosophile

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Experimental Cell Research 33. 29- 38 (1964) 29

VINCORPORATION DE LA THYMIDINE AU COURS DE

L'OVOGENESE ET DU DEVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE

CHEZ LA DROSOPHILE 1

V. NIGON et S. GILLOT

Laboratoire de Zoologie Experimentale, Facults des Sciences de Lyon, Lyon, France

Re~u Ie 23 Janvier 1963

DUHANl' l'ovogenese de la Drosophile, Nigon et Nonnenmacher [11] ontdecrit une incorporation de thymidine dans le cytoplasme des cellules nourri­cieres et des ovocytes. Ces incorporations apparaissaient, pour une part,dans des constituan ls sensibles a I'action de Ia ribonuclease et, pour uneautre part, dans des substances detruites par une incubation dans la desoxyri­bonuclease. Les observations reposaient sur des experiences repetees a denombreuses reprises en 1959 et au debut de 1960; les ovaires etudies avaientete fixes une heure apres que la femelle ait recu une injection de thymidinetritiee.

Celte incorporation de thymidine en dehors de I'ADN nucleaire, bien querelativement exceptionnelle, ri'apparaissait pas, toutefois, comme un faitisole, D'autres auteurs ont fait etat d'observations analogues. Citons, enparticulier, Plaut et Sagan [12] qui trouvent une incorporation dans le cyto­plasme d' Amoeba proteus, Durand [5, 6} dans celui des ovocytes de Gryllus,Takats [15} dans Ies antheres de Iys, Scherbaum [14J chez Tetrahymenapyriformis, Berech et van Wagtendonk [1J chez Paramecium aurelia, Gahan,Chayen et Silcox [8] clans les cellules meristernatiques d'Allilzm cepa. Pardes methodes chimiques, Brachet [2] constate une incorporation de la thymi­dine dans I'ARN d' Acetabularia. Tarantola et van Wagtendonk (16) montrentque, clans In nutrition de Paramecium aurelia, Ia thymidine peut remplacer,au moins partiellement, Ia cytidine ou l'uridine. Enfin, Berech et vanWagtenclonk situent Ia principale incorporation cle la thymidine dans I'ARNde Paramecium aurelia au niveau de l'uracile; des observations analogues sonteffectuees par Fink et Fink [8, 7) chez Neurospora. Au contraire, les observa­tions de Durand et de Scherbaum incliquent que !'incorporation se procluitdans un constituant cytoplasmique sensible a I'action de la desoxyribonucle­ase. En outre, Mc Donald [9] signale, chez Tetrahymena, une incorporationcytoplasmique resistant it l'action de la desoxyribonuclease,

1 Travail realise avec l'aldc du Commissariat :\ l'Energle Atomique (Contrat 4 296/1').

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Au COUl'S de nouvelles recherches, destinees primilivement a preciser et acompleter les resultats de Nigon et Nonnenmacher, no us avons, dabord,trouve des resultats sernhlables a ceux qui viennent cl'etre rappeles ou faitdes observations qui apparaissaient dans le prolongement direct de cesresultats, Puis, a partir de l'etc 1960, des resultats differents ont ete constatesqui se sont maintenus par la suite. Pendant deux annees, no us avons multiplie,sans succes, les experiences en vue de retrouver les resultats prirnitifs.

La speciflcite de la thymidine quant a son incorporation exclusive dansl'ADN nucleaire est une notion d'importance capitale, etayee sur de nom­breuses observations et largement utilisee pour l'analyse du metabolisms deI'ADN. T'outes les observations concernant des exceptions aces regles despecificite presentent donc un interet de caractere general. Le fait que runede ces exceptions ait marque une aussi importante variation nous a parumeriter un examen attentif. Et bien qne nos interpretations doivent uecessaire­ment conserver un caractere hypothetique, il no us a semble utile de rapporterici I'ensernble de nos nouvelles observations.

MATERIEL ET METHODES

Les conditions dans lesquelles ant ete elevees et injectees les mouches sont identi­ques a celles employees par Nigon et Nonnenmacher. Les femelIes sont agees de :-1jours et recoivent de 0,1 a 0,5 ,ul d'une solution de precurseur dont l'activite est Ieplus souvent de 1 me/mi. La fixation est realisee apres des temps variables dans Iemelange suivant : eau (30 vo!.); alcool (16 vol.); acide acetique (1 vo!.).

Les ceufs pondus par les femelles injectees sont recueillis et fixes, a des stadesdivers, par Ie meme flxateur porte a70°C. L'autoradiographie est eftectuee sur coupes,au moyen d'emulslon pelliculable Kodak AR 10. La coloration est faite, soit avantautoradiographie selon la methode de Feulgen, soit apres autoradiographie par lemelange d'Unna. Certaines preparations sont traitees par des solutions enzymatiquesa 37°C avant autoradiographie, snit durant 3 h par la ribonuclease, soit durant 7 hpar la desoxyrlbcnuclease, soit par les deux enzymes successlvement.

En vue de repondre a toutes les objections possibles, on a utilise des thymidinestrltiees fournies par divers fabricants. II y a lieu de souligner, a ce propos, que lesprecedes de fabrication de la thymidine tritiee different quelque peu scIon les fabri­cants et selon les epoques de fabrication. D'une maniere generals, la tritiation estrealisee par echange isotopique. Dans les lots simplement qualifies de « thymidinetritlee », cet echange est obtenu directement entre la molecule de thymidine et uncompose trit.ie : Ie marquage qui en resulte peut alors se trouver dans des positionsimparfaitement definies et certains auteurs [3] ont pu le deceler dans la fractiondesoxyribose de la molecule, Les fabrications plus recentes sont souvent eftectuces apartir de thymine tritiee ahaute actlvlte, elle-meme produite par echange isotopique;cette thymine est ensuite introduite dans la molecule de thymidine par une reactionenzymatique. Ce dernier procede conduit a un pro duit qualif'ie parfois de thymidine

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methyl-tritiee, la tritlatlon etant sensee se produire exclusivement au niveau dugroupernent methyle de la thymine. Mais lit encore, il faut bien avouer que les argu­ments invoques it l'appui de cette affirmation ne sont pas toujours absolument con­vaincants, Il y a lieu de penser toutefois que ce precede limite la trttiation it la frac­tion pyrlmidique de la molecule de thymidine.

Outre la thymidine trltlee provenant de dlverses origines, on a utilise egalernent dela thymidine-t-C, De plus, on a fait varier l'activlte specifique des solutions de thymi­dine radioactive en les additionnant de thymidine trolde, Enfln, On a compare lesresultats obtenus apres injection de thymidine, it ceux auxquels aboutit la Iournitured'uridine et de cytidine tritlees,

Les prorlults suivants ont ete employes:Tlujmidine-s-v-C : New England Nuclear Corp.; 6,29 mc/mM; 0,1 mc/ml,Thymidine iriliee : New England Nuclear Corp. : 1,1 et 1,9 cltuM; 1 mc/ml.

Schwarz Bioresearch: 3 citu M; 1 rnc/ml.Thymidine melhyl-lriliee : New England Nuclear Corp.; 2,36 c/mM; 1 mc/ml.Thymidine (nornlnalement tritlee en 6; le groupement methyl serait egalement

trit.ie) : Hadiochemical Center, Amersham: 4,4 c/mM; 1 mc/l,6 ml.Thymidine pure non radioactive: Mann Research Lab.Cytidine lriliee : New England Nuclear Corp.; 1,0 c/mM; 1 rnc/rnl.Uric/inc lriliee : New England Nuclear Corp.; 3, 28 c/mM; 1 mc/ml.Les enzymes employes proviennent de Worthington Bioch.

La Fixation de la Thymidine tritiee dans les Ovaires

Au cours dune premiere periode (dellUL 1960) et apres emploi de thymi­dinc triticc, on a obtenu des resultats qui semhlaient se placer dans le pro­longement des observations faites par Nigon et Nonnenmacher. En effet,:H h a pres I'injection de thymidine tritiee on observe, dans les celIules vitel­lines, un marquage nucleaire plus faible que le marquage cytoplasmique(fig. 1); dans l' ovocyte, Ie cytoplasme est fortement marque, tandis que lenoyau ne manifesto aucune radioactivite. Les marquages cytoplasmiques sontsensibles a l'action des nucleases, I'ernploi successif de la desoxyribonucleaseet de la ribonuclease conduisant a une disparition presque complete dumarquage. On pouvait done penser que le marquage a etc transfere dunoya u vel'S le cytoplasme.

01' ce type de resultats n' a plus ete observe par la suite quelle qu' ait eteI'origiue des thyrnidines employees. Les resultats obtenus, tres uniforrnesdans les diverses experiences, se presentent de la maniere suivante.

Quinze minutes apres linjection, on observe ch~ja un marquage intensedans certains noyaux de celIules vitellines et folliculaires, les divers noyauxd'un meme cyste etant tres incgalement marques. Le cytoplasme est faible­ment marque, l'Intensite la plus elevee s'observant clans les cellules vitellinescles cystes les plus ages.

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Fig. l.-Ovaire fixe 24 h apres I'injectton de th ym idin e tl'iUce (lot obt enu au debu t de 1960).

Fig . 2.-0vaire fixe 24 h apres l'i nj ection de thymidine tr lttce (lot obtenu ala fin de 1960).

Fig. 3.-0vaire fixe 15 min apr es l'inj eetion de cytidine trittee.

Fig. 4.-0vaire fixe 24 h ap res I'injectlon de cytidine trltlee.

Une heure apres I'injection , les marquages sont repartis de la mernemaniere, mais avec une intensite plus grande. Certains noyaux presententun marquage massif.

Lorsque l'intervalle de temps s'aocroit entre l'inj ection et la fixation, lesactivites semblent aller en decroissant. Cependant Ie cytoplasme des ovocytesacheves montre parfois un marquage assez eleve.

Enfin, 24 h apres I'injectiou, le rnarquage est generalernent uniforrne et

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peu intense. Cependant, certains noyaux, en particulier dans les cellulesvitellines, restent fortement marques (fig. 2).

En aucun cas, les marquages cytoplasmiques n' ont atteint I'intensiteobservce dans les experiences de Nigon et Nonnenmacher; ces marquagessont insensibles al'action des nucleuses. En revanche, la desoxyrihonucleaseefface, de maniere presque complete, I'activite au sein des noyaux, tandisque la ribonuclease ne produit aucun eITet evident.

L'addition d'une solution de thymidine froide, en concentration relative­ment elevee, a la solution de precurseur radioactif conduit a une diminutionde l'activite specifique de celui-ci. On a realise, a partir d'un meme lot deprecurseur radioaetif, des solutions contenant respectivement 0,15 c/mN! et0,6 c/mM. Pour un merne volume de solution injectee, I'activite totale fourniea ete diminuee de moitie, mais ces animaux ont recu des quantites de thymi­dine beaucoup plus elevees, L'eflet sur les marquages se traduit par unafTaiblissement general de ceux-ci, sans que leur localisation se trouve alteree,

La Fixation de la Thymidine 14C dans les Ovaires

L'interpretation des autoradiographies est, dans ce cas, ires delicate.Malgre une duree d'exposition de deux mois, les marquages restent faibles acause de I'activite speciflque reduite du precurseur employe et de la faiblequantite injectee. D'autre part, le rayonnement du 14C, plus penetrant quecelui du tritium, rend parfois malaisee Ia determination de la topographicdu marquage. Malgre ces difflcultes, il semble que ron puisse conclure a uncomportement identique de la thymidine tritiee et de la thymidine-s-C : larepartition des marquages est semblable a celle qui a ete constatee danstoutes les experiences recentes, Les rnarquages nucleaires sont sensibles al'action de la desoxyribonuclease, Les marquages cytoplasmiques, toujoursinferieurs aux marquages nucleaires, sont indifferents vis a vis de 1'action desdiastases.

La Fixation d' Uridine et de Cytidine tritiees dans les Ovaires

Les marquages obtenus au moyen de cytidine et d'uridine tritiees presententune similitude remarquable avec les marquages que fournissait la thymidinedans nos premieres series dexperiences. Quinze minutes apres l'injection,les marquages sont essentiellement nucleaires, mais des marquages cyto­plasmiques sont deja visibles principalement dans les cellules nourricieres des

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cystes ages (fig. :~). A mesure qu'on s'eloigne du moment de l'injection, lesmarquages cytoplasmiques depassent generalerncnL les marquages nucleaires(fig. 4). Le cytoplasms ovocytaire est parfois Ll't~s fortement marque. D'unemaniere generale, on note, d'une part, quc l'uridine semble produire desmarquages cyLoplasmiques un peu renforces par rapport a ceux que deter­mine la cytidine; dautre part, (llH~ I'Intensite des marquages peut etre tresdifferente dans des cystes voisins.

Dans taus les cas, la ribonuclease elimine une part importante des mar­quages nucleaires et cytoplasmiques. Quant a la desoxyribonuclease, elle faitdisparaitre une partie des marquages nucleaires provenant de la cytidine;sans etre, pour autant, totalement depourvue d'eiI'et, eUe parait relativementmoins active sur les marquages resultant de l'incorporation d'uridine. L'ac­tion successive des deux diastases laisse gencralement suhsister un marquageuniforme qui ne provient sans doute pas des acides nucleiques.

L'incorporation de la thymidine tritiee au cours de lasegmentation des oeufs

Lorsque Ies ceufs sont recoltes moins de deux heures apres l'injection dethymidine a la fernelle et s'Ils sont immediaternent fixes, on constate gene­ralement que leur cytoplasme n'est pas marque. En revanche, dans Ia mesure011 ils ont commence ase segmenter, Ie marquage des noyaux y est intense. Cemarquage nucleaire devient tres apparent si on laisse ces ceufs se developperdurant quelques heures avant de proceder a la fixation.

Si les ceufs sont recoltes plus de deux heures apres l'injection, on constateque certains d' entre eux, au moins, possedent un cytoplasme intensementmarque. Les noyaux de segmentation se montrent fortement marques pourdes oeufs pondus mains de quatre heures apres I'injection. Lorsque lesceufs recoltes ant eM pondus plus tardivement, I'intensite des marquagesnucleaires decroit, Ainsi, dans les oeufs pondus 24 h apres I'injection, onconstate souvent, dans un cytoplasme fortement marque, la presence denoyaux qui paraissent totalement depourvus de radioactivite.

Les marquages nucleaires apparaissent sensibles a la desoxyribonuclease.Au contraire, ni Ia ribonuclease, ni urie hydrolyse par HCI N durant 10min a ooce, ni I'action d'une solution dacide trichloracetique ne peuventen determiner la disparition. Quant aux marquages cytoplasrniques, lorsqu'ilsexistent, ils sernblent refractaires al'ensemble des agents qui ant ete employes.On notera enfin que les memes resultats ant ete obtenus quels que soient leslots de thymidine employes, aussi bien dans les experiences les plus an-

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ciennes que dans les plus recentes. Ainsi, nous nobservons pas ici lesdifferences de comportement constatees dans les incorporations cytoplasmi­ques au sein des cellules vitellines.

11 semble done que Ie marquage nucleaire se porte exclusivement dansI'ADN. Il tire vraisemblablement son origine, tres directement, it partir dela thymidine injectee. Celle-ci est encore presente dans les reufs pondusmains de quatre heures apres l'Injection, mais disparait progressivement itpartir de ce moment. Dans les ceufs pondus plus tardivement, il semble quela thymidine ait ete entierement metabolisee, transformee pour partie enconstituants stables, situes dans le cytoplasme, mais qui paraissent incapablesde participer it la synthese de l' ADN.

DISCUSSION ET CONCLUSIONS GENERALES

Les observations de Nigon et Nonnenmacher avaient conduit it supposerque, chez la Drosophila, Ia thymidine tritiee peut, dans certains cas, s'in­corporer dans I'ARN ainsi que dans un constituant cytoplasmique sensible aI'action de la desoxyribonuclease. Le mecanisme de ces transformationspouvait donner lieu a un certain nombre d'Iiypotheses qui ont ete evoqueespar ces auteurs.

Les premiers resultats que nous avons obtenus paraissaient s'inscriredans ce sens : la disparition du marquage nucleaire 24 h apres I'injectionpouvait etre interpretee comme Ie signe d'un tranfert vel'S Ie cytoplasme destructures desoxyribonucleiques eventuellement transforrnees. De meme, Iadisparition apres vingt quatre heures, de 1'intense marquage nucleaire obtenuit partir de cytidine tritiee conduit it penser qu'une partie au moins de 1'ADNpeut etre metabolisee.

En revanche, les observations Ies plus recentes effectuees apres injection dethymidine n' offrent plus aucun support it ces considerations. Qu' elle soittritiee ou marquee par HC, la thymidine s'incorpore essentiellement dans1'ADN nucleaire, Le marquage apparait stable et sa diminution avec Ietemps est parfaitement compatible avec la dilution qui resulterait d'unesynthese normale. En outre, on constate une incorporation cytoplasmiquedans des substances qui resistent a l'action des enzymes et it celle des agentsdissolvants mis en oeuvre : ces marquages, non nucleiques, restent d'uneintensite tres inf'erieure it celle des marquages cytoplasmiques decrits parNigon et Nonnenmacher, marquages que nous avions constates it nouveaudans une premiere serie d'experiences,

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Les resultats observes ell dernier s 'accordunt, Iwaucoup mieux que lesobservations antericures, a l'ensemhle des d()JlII(~(!S de la Iitterature. MaisI'existence merne de ces discordances nous a conduit a des analyses repeteeset diversifiees afin de tenter den decouvrir l'origine. Des ovaires, conservesdans la paraffine depuis les premieres experiences, ont etc sournis a denouvelles autoradiographies aIin de voir si une difference dans cette techniquepouvait rendre compte de ces conlradictions : ces inclusions no us ant donneles memes resultats qu'elles avaient apportes en premier lieu. II fallait donerechercher l'origine des differences a un stade plus precoce de I'experience.Plusieurs categories d'hypotheses peuvent etre emiscs.

Existence d'une impureie dans les premiers lots de thymidine employes.­C'est la, sans dante, l'hypothese qui parait la plus simple, On notera, enparticulier, que l'injection de cytidine tritiee a donne des resultats prochesde ceux que donnerent les premiers lots de thymidine. La presence d'unecertaine quantile de cytidine melee it la thymidine pourrait done rcndrecompte de ces resultats. On peut supposer aussi que la purification de lathymidine tritiee, et en particulier la separation des atomes de « tritium.labile}) rr'avait pas ete poussee assez loin. II reste malheureusernent im­possible de tester ces hypotheses. A I'encontre de ces interpretations, il fautsignaler que les premiers lots de thymidine ant ete employes, sirnultanernent,pour I'etude de I'ovogenese de la Drosophile et pour l'analyse de la synthasenucleique dans la glande sericigene elu Vel' a soie [10 ]. 01', dans ce derniercas et bien que la glande sericigene soit connue pour le metabolisme ribo­nucleique eleve dont elle est le siege, aucune incorporation cytoplasmiquen'a etc decelee, contrairement ace que ron pouvait attendre dans le cas ou Iathymidine employee aurait etc melee a un compose comme la cytidine.

Localisation differente des atomes de tritium duns les divers lots de thymidineemployes.-On a rappele plus haut que, dans Ie cours de ces dernieres annees,les methodes employees pour la fabrication de la thymidine tritiee ant evolue.Ces methodes entrainent sur la localisation du tritium, des consequences quine paraissent pas toujours previsibles. Ces reflexions nous ant conduit atenter de retrouver les premiers resultats en faisant appel a des thymidinesde diverses provenances, fabriquees selon des modalites quelque pendifferentes. Ces tentatives sont restees sans succes. De sorte que, lit encore,cette explication ne peut nous fournir qu'une hypothese.

Deviation du tneiobolisme normal de fa tbymidine all cours des premieresexptfriences.-La quantite totale de thymidine injectee dans les premieresexperiences etaiL relativernent elevee du fait de son activite specifique plusfaible que eelle des thymidines de fabrication recente, De sorte qu'un certain

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execs de thymidine aurait pu se trouvcr devie des voies metaboliques nor­males. C'est en vue de repondre a cette question que nous avons dilue lesthymidines recentes, plus actives, a l'aide de thymidine froide. Comme onl'a vu, no us n'avons obtenu de eette maniere qu'une diminution dansI'intensite du marquagc sans que sa localisation ait etc modifiee. De sorteque cette hypothese semble pouvoir etre exclue.

Modification dans les proprieies de la souche de Drosophiles employee.­Cette hypothese parait fort peu vraisemblable, rnais ne pouvait Nre ecartee apriori. Nous avons done realise des injections sur diverses souches de Droso­philes dont nous disposions. Dans tous les cas, nous avons obtenu les memesresultats,

En definitive, il ne parait subsister, pour expliquer les differences entre lesresultats observes en 1959-1960 et ceux obtenus a partir de rete 1960, queI'hypothese d'une difference dans la constitution des lots de thymidineemployes. Cette difference resulte-t-elle de la presence d'une irnpurete oudoit-elle etre attrihuee a une localisation diffcrente du tritium? Aucunereponse definitive nc peut etre apportee a cette question. Nous remarqueronsseulement que nos resultats diflerents coincident approximativement avecl'introduction de methodes nouvelles dans la fabrication de la thymidinetritiee, ce qui confere une vraisemblance accrue a cette categoric d'hypo­theses.

On peut se demander clans queIle mesure nos observations contradic­toires doivent etre comparees aux constatations rapportees par d' autresauteurs et qui ont ete evoquees plus haut. Ces incorporations sont-ellesconstantes et done caracteristiques de la molecule de thymidine? Seraient­elles, au contraire, susceptibles de variations sous I'influence de facteurs maldeflnis, comme cela s'est presente pour I'ovogenese de la Drosophile? Onnotera en particulier que, d'apres les observations de Roth et Daniels (13],le cytoplasme cl'Amoeba proteus serait constamment contamine par desorganismes bacteriens qui pourraicnt etre responsables d'une fixation de lathymidine au sein du eytoplasme. D'autre part, Berech et van Wagtendonk(1] semblent considerer que l'incorporation de thymidine dans le cytoplasmede Paramecium aurelia apparait uniquement en presence de concentrationselevees du precurseur: leur observation s'accorde avec les constatations deTarantola et van Wagtendonk d'apres qui la thymidine serait relativementpelt efficace dans son activite de remplacement vis a vis de l'uridine. Enfin,Gahan, Chayen et Silcox [8] constatent que lalocalisation du marquage dansles meristernes d'Allium cepa depend, pour une tres grande part, des precedeshistologiques employes.

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1. Une premiere scrie d'observations a montre que, dans I'ovogenese deIa Drosophile, la thymidine tritkie, four nie par injection, s'incorpore dansI' AD N nucleaire rnais aussi dans des structures cytoplasmiques dont Iesunes sonl sensihles a Ia ribonuclease, tan dis que d'autres sont detruites parIa desoxyribonuclease. Un jour a pres l'injecLion, I'intcnsite des marquagescytoplasmiques I'ernporte largemenL sur celle des marquages nucleaires.

2. Ces premieres observations n 'ont pu etre retrouvees au cours de nom­breuses experiences ulterieures utilisant des thymidincs d'origines diversesmarquees par Ie tritium ou par 14C. Dans tous les cas, Ie marquage se localiseessentiellement au niveau de I'ADN nucleaire. II existe toutefois un certainrnarquage cytoplasmique qui resiste a l'action des nucleuses.

3. Dans Ies ceufs en COUl'S de developpement, la thymidine libre s'in­corpore dans l'ADN des noyaux en formation. En revanche, les substancescytoplasmiques marquees a Ia suite de l'Injection de thymidine ne semblentpas participer a Ia synthese de l'ADN.

4. Diverses hypotheses sont emises POUl' expliquer la contradiction entreles resultats des deux ensembles d'observations eflectuees. L'une des explica­tions les plus vraisemblables se refere a la possihilite de differences dans laconstitution de thymidines tritiees appurtenant a des lots differents.

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