L’intérêt à agir des personnes morales

Embed Size (px)

Citation preview

Lintrt agir des personnes morales

Un acte administratif, rglementaire ou individuel, peut faire lobjet dun recours qui tend contester sa validit et ses effets. Un recours pour pouvoir tre exerc doit obir des conditions strictes. Aprs avoir dtermin le juge comptent, il est ncessaire de vrifier les conditions de recevabilit du recours. Il existe tout dabord des conditions de recevabilit matrielle. Le recours doit tre rdig en langue franaise, noncer prcisment les motifs et les moyens, le requrant doit aussi produire la dcision attaque, un certain nombre de copies du recours, et sacquitter dun droit de timbre. La recevabilit est apprcie rationae temporis, elle doit intervenir dans les dlais, rationae materiae, contre une dcision existante, rationae materiae par une personne capable justifiant dun intrt et dune qualit pour agir. Si le requrant ne justifie pas dun intrt pour agir, le recours est irrecevable. Cet intrt agir peut tre matriel, moral, individuel ou collectif. Lintrt collectif est dfendu par les personnes morales, reprsentant des groupements dindividus. Le recours exerc par une personne morale est accept par le Conseil dEtat depuis 1906 (CE, 28 dcembre 1906, syndicat des patrons coiffeurs de limoges). La jurisprudence na jamais accept le principe dune action populaire. La personne morale, qui est donc capable, doit elle aussi justifier dun intrt pour agir. Cependant si lapprciation, in concreto, par le juge est facile pour les personnes physiques il lest moins pour les personnes morales. Les personnes morales sont elles toutes gales face lapprciation de lintrt agir ? En effet si certains critres se rapprochent de ceux des personnes physiques, la particularit du statut de personne morale, groupement de personnes physiques, leur impose des exigences supplmentaires.

I Des conditions dapprciation de lintrt agir partiellement similaire celle des personnes physiquesPour agir contre un acte il faut justifier dun intrt agir que lon soit une personne physique ou morale, de droit priv ou de droit public. Celui-ci doit tre personnel (A) et direct (B). A. Un intrt personnel Tout demandeur doit justifier dun intrt ls duquel il tire sa qualit agir. On ne peut pas dposer un recours si lacte na aucun effet direct ou indirect. Ainsi une personne habitant dans le voisinage dun chien dangereux, susceptible de le ctoyer lanimal peut dposer un recours recevable contre le rcpiss dlivr par le maire (CAA, Paris, 31 dcembre 2003, Hugot). Cest parce que lacte a eu un effet sur la personne, parce quun intrt, un droit subjectif ont t froisss que le requrant a intrt agir. Lintrt collectif nest pas incompatible avec lintrt personnel. Si un groupement est constitu pour assurer la dfense des intrts dun groupe, il agit dans un intrt personnel. Il assure la dfense de lintrt personnel du groupe dtermin.

Cependant toute mesure visant un membre particulier du groupement ne lse pas lintrt personnel. B. Un intrt direct Lintrt agir pour que le recours soit recevable doit tre rel, prsent, adapt et pas exagrment indirect que ce soit pour les personnes physiques ou morales. Cependant si lapprciation est facile pour les personnes physiques il est plus dlicat de le dterminer chez une personne morale. Les personnes morales peuvent dposer un recours mais pour que celui-ci soit recevable, le groupement doit justifier dun intrt pour agir. Sil ne justifie pas dun intrt rel et suffisant, le recours est irrecevable. Pour lapprcier le juge se rfre au statut du groupement. Ainsi les recours formuls par des groupements lobjet dont la formulation est trop vague, dont les statuts ne permettent pas de dire que lobjet social vise prcisment lintrt ls (CE, 29 janvier 2003, Union des propritaires pour la dfense des arcs). Il en sera de mme si lintrt prtendument ls ne lest que dune manire excessivement indirecte (CE 18 fvrier 1944, socit Cinesogar). Cependant la personne morale reprsentant les intrts dun groupe de personnes et donc dune pluralit dindividu, elle ne saurait tre soumise galement aux mmes conditions de recevabilit des recours.

II Des exigences particulires aux personnes moralesLa personne morale regroupe des individus, personnes physiques. On ne saurait lui poser les mmes rgles qua un simple particulier quelle soit de droit public ou de droit priv. En effet un simple particulier dfendant son intrt personnel, la personne morale doit dfendre les intrts dun groupement (A). La personne publique dfendant en plus lintrt gnral avant tout, les conditions dapprciation de lintrt agir sont encore plus drastiques (B). A. la personne morale a la dfense dun intrt collectif La personne morale doit dfendre les intrts du groupement et non pas celle des individus. Si un acte rglementaire sadressant tous peut faire lobjet dun recours recevable dune personne morale, il nen est pas toujours ainsi pour les actes individuels. Ainsi une personne morale nest qualifie pour prendre elle-mme un recours contre un acte individuel que sous conditions. Un recours ne peut tre envisag que si cette dcision porte atteinte aux intrts du collectif. Le groupement est parfois constitu uniquement pour la protection des individus qui y adhrent, comme un syndicat. Cest une action corporative qui dfend les intrts collectifs (CE, 28 dcembre 1906, syndicat des patrons coiffeurs de limoges). Ainsi un recours contre un acte individuel positif, qui octroie un avantage, confre une promotion, est jug recevable puisque le collectif est ls face cet avantage. En revanche un acte ngatif, telle une sanction, parce quil ne porte atteinte qu lintrt individuel et pas lintrt collectif est irrecevable. Un acte nayant pas dincidence directe sur le collectif ne peut faire lobjet dun recours recevable par une personne morale. Les personnes morales de droit public ne peuvent prendre la dfense de lintrt collectif. En effet elle dispose de prrogatives de puissance publique pour satisfaire

aux besoins de lintrt gnral. tant en charge de lensemble de la socit, elles sont donc thoriquement inaptes dfendre un quelconque intrt collectif. Elles ne peuvent en thorie dfendre que leurs intrts personnels ou lintrt gnral. Cependant la dcentralisation a eu pour consquence dindividualiser les collectivits locales. Dotes de la personne morale elles peuvent dfendre leurs intrts propres face lintrt national. B. Laction des personnes morales de droit public et leurs limites La dcentralisation a permis la cration des collectivits territoriales, personnes morales de droit public, organises hirarchiquement. Ainsi est recevable le recours dune collectivit locale contre la dcision de son suprieur hirarchique. La collectivit locale dfend lintrt des habitants de son territoire. Elle dfend donc les intrts gnraux de la collectivit dcentralise comme le dit Rene Chapus. C'est--dire son intrt propre. La dcentralisation a consacr juridiquement lexistence dun intrt gnral local oppos lintrt national, que dfend la collectivit locale, dans les limites fixes par la construction unitaire de lEtat. Le privilge du pralable constitue quand mme une limite forte toute action dune personne publique. Elle dtient au titre de ce privilge des pouvoirs exorbitants, tels que la possibilit de prendre des dcisions excutoires, elle est dispense de sadresser pralablement au juge. Puisquelle a elle-mme le pouvoir de prendre des actes, elle na pas dintrt agir donc le juge refuse de prononcer un recours quelle a le pouvoir de prendre (CE, 30 mai 1913, Prfet de lEure).