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La non discrimination comme réalité effective en Europe ? Réflexions sur la procéduralisation du droit de l’égalité européen Raphaël Gellert & Paul De Hert 1 1.Introduction Depuis les débuts de la Communauté Européenne jusqu’au Traité de Lisbonne, la lutte contre les discriminations en Europe a évolué de façon spectaculaire. Des premiers articles du Traité de Rome consacrant une approche dite « partielle et fonctionnelle », (ou encore, instrumentale) au Traité d’Amsterdam et la charte des droits fondamentaux correspondant à une logique « droits fondamentaux », l’ensemble des instruments normatifs européens couvre un très large spectre/ éventail de cas de discriminations. En effet, depuis l’avènement des directives 2000/43/CE et 2000/78/CE sous l’impulsion de l’article19 TFUE (ex article 13 TCE), les instruments législatifs européens ont couvert un nombre toujours plus important de types de discrimination, et ce, dans un nombre croissant de domaines allant des relations de travail à la fourniture de biens et services, en passant par la sécurité sociale. Au delà de ces développements, cruciaux du reste, il est également intéressant de se pencher sur d’autres aspects de ces directives. En particulier, sur les dispositions contenant des éléments procéduraux, an rang desquels, 1 Raphaël Gellert est doctorant au LSTS centre de recherche LSTS (Law, Science, Technique, and Society) de la Vrije Universiteit Brussel (www.vub.ac.be/LSTS). Il s'occupe principalement de la protection de la vie privée et des données personnelles. Paul De Hert est le directeur du centre de recherche "Droits Fondamentaux et Constitutionalisme" de la VUB, ainsi que du département d'études juridiques interdisciplinaires, et est membre fondateur du LSTS. Il est également professeur associé à l'institut droit et technologie de l'université de Tilburg (TILT). Les auteurs voudraient r emercier Julie Ringelheim pour ses précieux conseils. 1

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La non discrimination comme réalité effective en Europe ? Réflexions sur la procéduralisation du droit de l’égalité

européen

Raphaël Gellert & Paul De Hert 1

1. Introduction

Depuis les débuts de la Communauté Européenne jusqu’au Traité de Lisbonne, la lutte contre les discriminations en Europe a évolué de façon spectaculaire.Des premiers articles du Traité de Rome consacrant une approche dite « partielle et fonctionnelle », (ou encore, instrumentale) au Traité d’Amsterdam et la charte des droits fondamentaux correspondant à une logique « droits fondamentaux », l’ensemble des instruments normatifs européens couvre un très large spectre/éventail de cas de discriminations.

En effet, depuis l’avènement des directives 2000/43/CE et 2000/78/CE sous l’impulsion de l’article19 TFUE (ex article 13 TCE), les instruments législatifs européens ont couvert un nombre toujours plus important de types de discrimination, et ce, dans un nombre croissant de domaines allant des relations de travail à la fourniture de biens et services, en passant par la sécurité sociale.Au delà de ces développements, cruciaux du reste, il est également intéressant de se pencher sur d’autres aspects de ces directives. En particulier, sur les dispositions contenant des éléments procéduraux, an rang desquels, l’obligation de prévoir des procédures judiciaires spécifiques aux cas de discriminations, ou encore l’obligation de créer des organismes de promotion de l’égalité. Ces mesures sont autant de manifestations de ce que d’aucuns ont qualifié de procéduralisation du droit de la non discrimination.2

Comme requis par les directives en question elles-mêmes, les Etats membres doivent communiquer tous les cinq ans « toutes les informations nécessaires à l'établissement par la Commission d'un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive ».3

C’est dans ce cadre que la Commission européenne a, en 2010, entrepris des études sur l’implémentation la mise en œuvre des directives dans les Etats membres. Deux de ces études au moins portaient sur ces procédures : l’une sur les mécanismes d’accès à la justice, l’autre sur les organismes de promotion de l’égalité.

D’autre part, il n’est pas anodin de remarquer que l’accès à la justice et les procédures

1 Raphaël Gellert est doctorant au LSTS centre de recherche LSTS (Law, Science, Technique, and Society) de la Vrije Universiteit Brussel (www.vub.ac.be/LSTS). Il s'occupe principalement de la protection de la vie privée et des données personnelles.Paul De Hert est le directeur du centre de recherche "Droits Fondamentaux et Constitutionalisme" de la VUB, ainsi que du département d'études juridiques interdisciplinaires, et est membre fondateur du LSTS. Il est également professeur associé à l'institut droit et technologie de l'université de Tilburg (TILT). Les auteurs voudraient remercier Julie Ringelheim pour ses précieux conseils.2 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », in Bayart, C., Sottiaux, S., Van Drooghenbroeck, S., (eds.), Les nouvelles lois luttant contre les discriminations – De nieuwe federale antidiscriminatiewetten, Bruges, Bruxelles: Die Keure, La Charte, 2008, p. 47.3 Directive 2000/43/CE, art. 17§1, directive 2000/78/CE, art. 19§1, directive 2006/54/CE art. 31§1.

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y afférentes est également un sujet de préoccupation pour l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui a récemment publié un rapport dans lequel elle s’interroge sur le bon fonctionnement de l’accès à la justice dans les Etats membres, et spécialement en cas de discrimination.4

On peut donc se demander comment interpréter ces études mettant l’emphase sur une infrastructure procédurale, et in extenso, se demander le rôle que ces diverses procédures jouent dans les directives luttant contre les discriminations.Une façon de procéder est de comprendre ces « hypertrophies parajudiciaires » à la lumière de la nature même du droit à la non discrimination. Dépourvu de contenu substantiel,5 sa nature, essentiellement procédurale et régulatoire, le rapproche d’autres droits fondamentaux comme le droit au procès équitable, ou encore le plus récent droit à la protection des données personnelles.6 Il s’agirait donc moins de pourvoir une liberté fondamentale substantielle d’une sanction judiciaire, que de trouver le meilleur moyen de mettre en œuvre une liberté qui, de par sa nature formelle, à vocation à s’appliquer de façon transversale dans tous les secteurs de la sociétés, et ce, à chaque instant. En ce sens, la procéduralisation des directives européennes apparaît comme le nécessaire corollaire nécessaire d’une approche proactive de la lutte contre les discriminations (mainstreaming) qui vise justement à réaliser l’égalité de façon permanente, en ce qu’elle en constitue l’infrastructure contraignante nécessaire.7

Dans un premier temps, cet article retracera l’évolution de la législation européenne anti-discrimination, s’intéressant aussi bien aux directives successives qu’aux nouvelles provisions y intégrées, en ce compris les dispositions procédurales.La deuxième partie abordera les deux études commanditées par la Commission européenne dans les 27 Etats membres, portant respectivement sur les organismes de promotion de l’égalité et les mécanismes d’accès à la justice, qui sont autant de manifestation d’une « procéduralisation » du droit de la non discrimination. Seront donc expliqués leur objet respectif, ainsi que leurs éléments les plus pertinents. La troisième partie analysera ces études à la lumière de l’évolution des politiques européennes en matière de non discrimination, passant d’une approche a posteriori à une approche a priori. Enfin, la dernière partie reviendra sur cette « procéduralisation » du droit à la non discrimination et sur les politiques de mainstreaming, dont le but est la mise en œuvre effective de ce droit, ce qui nous amènera à nous interroger sur la nature du droit à

4 Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, Access to Justice in Europe: an overview of challenges and opportunities, 2010, 72 p., disponible sur le site suivant, http://fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/report-access-to-justice_EN.pdf, consulté le 5 mai 2011. Par ailleurs, ce rapport partage certains des constats dressés par le rapport final de synthèse de l’étude de la Commission européenne. Ce dernier peut-être trouvé à l’adresse suivante, http://www.humanrights.ee/files/Final%20Report%20Access%20to%20justice%20FINAL.pdf, consulté le 5 mai 2011.5 On oppose donc des libertés substantielles à l’égalité, en tant que liberté formelle, ce qui n’exclut pas pour autant que des droits subjectifs soient accordés aux citoyens au nom de cette dernière.6 Bien que sa nature de droit fondamental fasse encore des sceptiques, il est indéniable que l’entrée en vigueur de la Charte européenne des droits fondamentaux le consacre comme droit fondamental de l’ordre juridique européen. Voy., Rodotà, S., “Data protection as a fundamental right”, in Gutwirth, S., Poullet, Y., De Hert, P., de Terwagne, C., and Nouwt, S., (eds.), Reinventing Data Protection?, Dordrecht: Springer, 2009, pp. 77-82.7 Voy. Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », Maastricht Journal of European Equality Law, vol. 12, N°4, 2005, pp. 369-376.

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l’égalité en tant que liberté fondamentale.

2. Evolution des législations8

A l’origine, le principe européen de non-discrimination était à la fois partiel et fonctionnel, dans la mesure où seulement certaines formes de discriminations étaient interdites aux fins de la réalisation d’un marché unique et intégré.9 Ainsi, seules étaient prohibées les discriminations en raison de la nationalité10 et/ou du sexe en matière de rémunération,11 dans la mesure où la première était considérée comme une entrave à la mobilité des travailleurs et la seconde comme une distorsion de la concurrence.12 La non-discrimination était donc motivée par une finalité économique.13 Au milieu des années septantes, et en raison de la crise économique, le droit (alors encore) communautaire rajoute une deuxième dimension, sociale, au principe de non-discrimination.14 C’est ainsi que plusieurs directives viennent mettre en œuvre le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi. Il s’agit d’abord de la directive 75/117/CEE qui porte sur l’égalité de rémunération.15 Vient ensuite la directive 76/207/CEE qui met fin au confinement de l’égalité de traitement en matière d’emploi à la seule rémunération, en y incluant l’accès à l’emploi, la formation et promotion professionnelles, et encore les conditions de travail.16 Enfin une troisième directive (79/7/CEE) englobe la sécurité sociale.17

Dans l’évolution du principe communautaire d’égalité de traitement la CJUE n’est pas en reste. En effet, sous l’impulsion de sa jurisprudence vont être interdites non seulement les discriminations directes, mais également indirectes (cf. infra), ou encore un aménagement de la charge de la preuve. Plus fondamentalement, la Cour a ouvert la voie vers la reconnaissance du principe d’égalité comme principe général du

8 Il existe une littérature abondante en la matière. Voy. Parmis beaucoup, Ellis, E., Eu Anti-Discrimination Law, Oxford, Oxford University Press, 2005, 460 p; Schiek, D., Waddington, L., Bell, M., (eds), Cases, Materials and Text on National, Supranational and International Non-Discrimination Law, Oxford, Hart Publishing, 998 p ; Bell, M., Racism and equality in the European Union, Oxford, Oxford University Press, 2008, 227 p. Voy. également des sources institutionnelles, Agence des Droits Fondamentaux, Conseil de l’Europe, Manuel de droit européen en matière de non-discrimination, 178 p., disponible sur le site suivant, http://www.fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/handbook-non-discrimination-law_FR.pdf, consluté le 5 mai 2011; 9 Platon, S., « les spécificités du principes de non discrimination », in Favreau, B., La Charte des fondamentaux de l’Union européenne, après le Traité de Lisbonne, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 127.10 Article18 TFUE, ancien article 12 TCE.11 Article 157, ancien article 141 TCE.12 Platon, S., « les spécificités du principes de non discrimination », loc. cit., p. 128.13 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 36.14 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 37.15 Directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, JOLE, 19 février 1975, pp. 19-20.16 Directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, (JOLE, 14 février 1976, pp. 40-42).17 Directive 79/7/CEE du Conseil, 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, JOLE, 10 janvier 1979, pp. 24-25.

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droit de l’Union européenne.18 Dans ses arrêts Defrenne II et Defrenne III, la CJUE va successivement reconnaître la double finalité –économique et sociale, du principe d’égalité de rémunération entre sexes,19 et affirmer qu’ « on ne saurait mettre en doute le fait que l’élimination des discriminations fondées sur le sexe fasse partie [des] droits fondamentaux » de l’ordre juridique de l’Union européenne.20 Néanmoins, la portée donnée par la CJUE à ce nouveau principe général restait fort limitée, comme en témoigne son confinement au droit communautaire défini de manière restrictive et son utilisation avant tout comme principe interprétatif.21

Ce n’est qu’avec l’avènement du traité d’Amsterdam que le principe d’égalité s’autonomise réellement, s’inscrivant dans une logique de droits fondamentaux indépendante, mais pas pour autant détachée des objectifs économiques et sociaux qui ont présidé à son avènement. Une des innovations du traité d’Amsterdam est de renforcer le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en en faisant une mission à part entière de la Communauté, et un objectif à réaliser dans toutes les domaines d’action de celle-ci,22 ouvrant ainsi la voie aux politiques dites de mainstreaming.23 De plus, la signification de l’égalité entre hommes et femmes en matière d’emploi est précisée afin de se situer dans la droite ligne de la jurisprudence de la CJUE.24 La même disposition prévoit que les directives adoptées en la matière le seront selon la procédure de codécision, ainsi que des mesures d’actions positives.La deuxième grande innovation du traité est la création d’une base juridique permettant l’adoption d’une législation européenne combattant non seulement les discriminations basées sur le sexe, mais également celles basées sur la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge, ou l’orientation sexuelle.25 Plutôt que créant un droit doté d’effet direct (autrement dit, une clause générale de non discrimination invocable par les particuliers), cette disposition doit se lire comme étant une habilitation législative des autorités européennes en la matière, consacrant ainsi la lutte contre les discriminations en tant qu’objectif autonome de l’Union européenne.26

C’est sur cette base qu’ont été adoptées un certain nombre de directives.

Les plus importantes sont les directives 2000/43/CE du 29 juin 2000 visant à mettre

18 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 38.19 CJUE, arrêt du 8 avril 1976, Defrenne II, point 10.20 CJUE, arrêt du 15 juin 1978, Defrenne III, points 27-28.21 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 38. Voy. également, Barnard, C., « Gender Equality in the European Union : A Balance Sheet », in Alston, Ph., (ed) The European Union and Human Rights, Oxford, Oxford University Press, 1999, pp. 215-279, in Bribosia, op. cit.22 Articles 2 et 3§2 TCE, maintenant articles 2 et 8 TFUE. L’article 8 TFUE stipule que « Pour toutes ses actions, l'Union cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l'égalité, entre les hommes et les femmes.”23 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., pp. 43-44. See also, Leclerc, S. « L’égalité de traitement entre les hommes et le femmes : l’ascension d’un droit fondamental », in Leclerc, S., Akandji-Kombé, J.-F., Redor, M.-J. (dir), L’Union européenne et les droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 197-222, in Bribosia, op. cit.24 Article 157 TFUE (ex article 141 TCE).25 Article 19 TFUE (ex article 13 TCE).26 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 45.

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en place le principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (aussi connue sous le nom de Directive « race ») non seulement en matière d’emploi, mais également en ce qui concerne les biens et services, l’éducation, ou la protection sociale;27 et la directive 2000/78/CE prohibant les discriminations fondées sur l’âge, la religion ou la conviction, l’orientation sexuelle, et le handicap (aussi connue sous le nom de directive « cadre ») en matière d’emploi.28

Les autres directives principales incluent la directive 2002/73/CE qui modifie la directive 76/207/CE concernant l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi.29 Cette dernière directive sera elle-même amendée par la directive 2006/54/CE,30 qui reprend et actualise les anciennes directives, en incluant les enseignements tirés des arrêts pertinents de la CJUE en la matière.31 Enfin, la directive 2004/113/CE impose l’égalité entre hommes et femmes en matière de fourniture et d’accès aux bien et services.32

A cela, il convient de rajouter la proposition de directive du Conseil du 2 juillet 2008 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de conviction, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle; et, dans une moindre mesure, la Décision-cadre du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.33

Ces directives se situent dans une perspective de droits fondamentaux, et ne cantonne plus la lutte contre la discrimination à un seul moyen de réaliser un marché unifié et cohérent, exempt de distorsions. En atteste le fait que ces directives ne prévoient que des standards minimaux, laissant la possibilité aux Etats membres des standards plus élevés.34

Enfin, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, entrée en vigueur avec le traité de Lisbonne le premier décembre 2009,35 et qui contient un chapitre entier consacré à l’égalité, parachève cette évolution en consacrant les principes

27 Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, Journal Officiel N° L 180 du 19 juillet 2000, pp. 22-26, voy. art. 2§1.28 Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, Journal Officiel N° L 303, 2 décembre 2000, pp. 16-22. 29 Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la formation professionnelles, et les conditions de travail, Journal Officiel N° L 269, 5 octobre 2002, pp. 15-20.30 Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (refont), Journal Officiel N° L 204, 27 juillet 2006, pp. 23-33.31 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 48.32 Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, Journal Officiel N° L 373, 21 décembre 2004, pp. 37-43.33 Décision-cadre 2008/913/JAI du 28 novembre 2008, JOLE, 6 décembre 2008.34 Or justement, si le respect de l’égalité était limité à la mise en œuvre du marché commun, cela supposerait donc un niveau de protection égal dans tous les pays, voy., Bribosia, E., «  La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., pp. 48-49.35 http://europa.eu/lisbon_treaty/index_fr.htm, consulté le 24/01/2011.

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d’égalité)36 et de non-discrimination37 comme des droits fondamentaux autonomes d’application générale et dotés d’effet direct.38 A ce titre il est intéressant de remarquer que depuis le premier janvier 2011, la lutte contre la discrimination est une compétence qui ne relève plus de la Direction Générale (DG) emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission européenne, mais bien de la DG justice, qui était déjà compétente en matière de droits fondamentaux de manière générale.39 En outre, le chapitre « égalité » de la Charte consacre également le respect de la diversité culturelle, religieuse et linguistique,40 ainsi que toute une série de dispositions plus spécifiques, relatives à des catégories déterminées. Ainsi, l’article 23 défend (certains diront instaure en principe presqu’autonome)41 l’égalité entre hommes et femmes. Par ailleurs, l’alinéa deux de cet article valide les mesures d’action positive dans ce domaine, dans la mesure où « le principe de l’égalité n’empêche pas le maintien ou l’adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté ». Finalement, bénéficient également d’une protection spécifique les enfants,42 les personnes âgées,43 et les personnes atteintes d’un handicap.44

3. Evolution des dispositions L’évolution de la lutte européenne contre les discriminations a non seulement eu pour effet d’élargir le champ d’action du nombre croissant de directives, mais également d’instaurer de nouveaux concepts et mécanismes, dans un premier temps au nom de l’efficacité et la concrétude du droit européen,45 et dans un deuxième temps, surtout, comme corollaire d’un changement de paradigme dans la lutte des discriminations (cf. infra).

Ainsi, les directives se sont ouvertes à la notion de discrimination indirecte, à savoir « la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe par rapport à des personnes de l'autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires ».46

Ce concept de discrimination indirecte permet au droit de la non discrimination d’appréhender aussi bien les situations dans lesquelles un individu masque sa volonté de discriminer derrière un critère en apparence neutre, alors qu’il sait parfaitement que dans les faits, ce dernier aboutit à défavoriser un groupe de personnes protégé par la directive, que les situations dans lesquelles la personne à l’origine des mesures est dans l’ignorance de leur effet discriminatoire.47 Ont été par exemple considérées

36 Art. 20.37 Art. 21.38 Bribosia, E., « La lutte contre les discriminations dans l’Union Européenne : une mosaïque de sources dessinant une approche différenciée », loc. cit., p. 49.39 Voy. les sites des DG emploi et justice, respectivement disponibles àhttp://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=423&langId=fr, ethttp://ec.europa.eu/dgs/justice/index_en.htm, consultés le 18 janvier 2011.40 Art. 22.41 Platon, S., « les spécificités du principes de non discrimination », loc. cit., p. 128.42 Art. 24.43 Art. 25.44 Art. 26.45 Platon, S., « les spécificités du principes de non discrimination », loc. cit., p. 146.46 Articles 2§2, b) des directives 2000/43/CE et 2000/78/CE, et 2§1, b) de la directive 2006/54/CE.47 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », loc. cit., p. 4.

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comme des discriminations indirectes au préjudice des femmes, des critères de rémunération tirés de l’adaptabilité des travailleurs à des horaires ou à des lieux de travail variables.48

Par ailleurs, les directives répriment également le harcèlement et l’incitation à la discrimination.49

Enfin, et toujours dans un souci d’efficacité et d’égalité concrète, la CJUE a reconnu la notion de « discrimination par association ».50 Celle-ci survient lorsqu’une personne est victime d’une discrimination non en raison d’une de ses caractéristiques propres, mais bien en raison de la relation qu’elle entretient avec une personne qui elle, est bien porteuse de la caractéristique concernée.51

D’autre part, le droit de l’Union européenne tolère le recours aux mesures d’actions positives. En effet, il est reconnu depuis longtemps que le principe de non-discrimination implique non seulement de traiter des situations comparables de façon différentes, mais également de traiter de situations différentes de façon différente.52

1 De plus, et comme mentionné précédemment, la Charte européenne des droits fondamentaux prévoit en son article 22 (égalité des sexes) une disposition similaire. En outre, la Charte prévoit d’autres dispositions « catégorielles », concernant des groupes spécifiques (enfants, personnes âgées, personnes handicapées). Ces dispositions semblent ainsi correspondre à une vision plus « réaliste » de l’égalité, qui prend en compte les besoins spécifiques de certaines catégories de personnes.53 Ainsi, dans toutes ses directives relatives à la non-discrimination, le législateur européen a toujours inclus une provision disposition prévoyant la possibilité de prendre des mesures positives, destinées à « assurer concrètement une pleine égalité ».54

Mais l’évolution majeure réside sûrement dans ce que d’aucuns ont qualifié de procéduralisation du droit de la lutte contre les discriminations, à savoir l’instauration de procédures visant à faciliter l’application du cadre légal. Cette évolution justifierons nous plus tard doit se comprendre au regard de l’approche proactive de l’Union européenne en matière de lutte contre les discriminations, et in fine, par la nature du droit lui-même.

4. Les procédures

Les mécanismes procéduraux inclus dans les lois sont de deux natures. Certains ont pour but de faciliter l’introduction de recours judiciaires, et en cela confortent l’approche judicaire, la rendant plus efficace au travers de procédures spécifiques. D’autres mécanismes par contre se situent en amont des conflits, et soulignent donc une tendance essentiellement proactive.55

48 CJUE, 17 octobre 1999, Danfoss, 109/88, point 21.49Articles 2§§3 et 4 des directives 2000/43/CE et 2000/78/CE, et 2§2 de la directive 2006/54/CE.50 CJUE, 17 juillet 2008, Coleman, C-303/06.51 Lemmens, K., Van Drooghenbroeck, S., « Les nouvelles initiatives législatives européennes dans le domaine de la lutte contre la discrimination – un corpus juris en quête de cohérence », in Bayart, C., Sottiaux, S., Van Drooghenbroeck, S., (eds.), Actualités du droit de la lutte contre la discrimination – Actuele topics discriminatierecht, Bruges, Bruxelles: die Keure, la Charte, 2010, pp. 95-96.52 Voy., CJUE, 17 juillet 1963, Italie c. Commission, 13/63.53 Platon, S., « les spécificités du principes de non discrimination », loc. cit., p. 161.54 Directive 2006/54/CE, article 3 ; Directive 2000/43/CE, article 5 ; Directive 2000/78/CE, article 7.55 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », loc. cit., p. 166, Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », Maastricht Journal of European Equality Law, vol. 12, N°4, 2005, pp. 369-376; McCrudden, Ch., Kountouros, H., « Human

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Il est ainsi prévu que les Etats membres doivent mettre en place des procédures judiciaires et/ou administratives spécifiques, l’idée étant de garantir la protection juridictionnelle la plus efficace (en Belgique il existe une action en cessation).56 De plus, les associations qui y ont un intérêt légitime peuvent ester en justice avec, ou pour le compte d’une victime.57 Un renversement de la charge de la preuve s’opère en cas de présomption directe ou indirecte.58 Des mesures anti rétorsion doivent également être prises.59 Les Etats membres doivent également prévoir un arsenal de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.60 Ces articles apparaissent donc comme une facilitation des recours en justice.61

Une autre mesure consiste à déclarer nulles et non avenues les dispositions discriminatoires figurant dans les contrats.62 Cette dernière est intéressante dès lors qu’elle dépasse l’introduction d’un recours judiciaire, mais que son application y reste néanmoins confinée.D’autres dispositions adoptent une attitude proactive en favorisant la diffusion de l’information -(à savoir, le contenu des directives pertinentes-) à travers le territoire de tous les Etats membres.63 Très importantes également sont les mesures relatives au dialogue social qui prévoient que les Etats prennent les mesures appropriées afin de favoriser le dialogue entre partenaires sociaux en vue de promouvoir l’égalité de traitement, y compris « par la surveillance des pratiques sur le lieu de travail, par des conventions collectives, codes de conduite, et par la recherche ou l’échange d’expériences de bonnes pratiques ».64 Les Etats encouragent aussi les partenaires sociaux à conclure des accords établissant des règles de non-discrimination.65 De plus, les Etats doivent encourager le dialogue avec les ONG compétentes en la matière.66

Enfin, la mesure la plus importante peut-être concerne la mise en place « d’organismes de promotion de l’égalité », chargés d’aider les victimes à ester en justice, de conduire des études indépendantes sur les discriminations, de publier des rapports indépendants, et d’émettre des recommandations sur toutes les questions liées aux discriminations visées par les différentes directives,67 ce qui lui permet de stimuler l’élaboration de politiques appropriées par les autorités.68 Il s’agit là peut-être de la pierre angulaire du système en quelque sorte dans la mesure où, ces organismes ils exercent une double fonction, à la fois a posteriori en facilitant les recours en

Rights and Equality Law », University of Oxford Faculty of Law Legal Studies Research Paper Series, Working paper N° 8/2006, 2006, pp. 18-21, disponible sur le site suivant, http://papers.ssrn.com/Abstract=899682, consulté le 19 janvier 2011.56 Directive 2000/43/CE, art . 7§1, directive 2000/78/CE. art. 9§1, directive 2006/54/CE, art. 17§1. Il est à noter qu’à cet égard, il existe en Belgique une action en cessation.57 Directive 2000/43/CE, art. 7§2, directive 2000/78/CE. art. 9§2, directive 2006/54/CE, art. 17§2.58 Directive 2000/43/CE, art. 8§1, directive 2000/78/CE. art. 10§1, directive 2006/54/CE, art. 19.59 Directive 2000/43/CE, art. 9, directive 2000/78/CE. art. 11, directive 2006/54/CE, art. 24.60 Directive 2000/43/CE, Art. 15, directive 2000/78/CE. art. 17, directive 2006/54/CE, art. 25.61 Voy. Fredman, S., « Making Equality Effective : The Role Of Proactive Measures », European Commission, Directorate-General for Employment, Social Affairs and Equal Opportunities, Unit EMPL/G/2, 2010, Oxford Legal Studies Research Paper No. 53/2010, p. 2, disponbile sur le site suivant, http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1631762##, consulté le 28 janvier 2011.62 Art. 14§2.63 Directive 2000/43/CE, art. 10, directive 2000/78/CE. art. 9§1, directive 2006/54/CE, art. 17§1.64 Directive 2000/43/CE, art. 11§1, directive 2000/78/CE. art. 9§1, directive 2006/54/CE, art. 17§1.65 Directive 2000/43/CE, art. 11§2, directive 2000/78/CE. art. 9§1, directive 2006/54/CE, art. 17§1.66 Directive 2000/43/CE, art. 12, directive 2000/78/CE. art. 9§1, directive 2006/54/CE, art. 17§1.67 Directive 2000/43/CE, art. 13, directive 2000/78/CE. art. 9§1, directive 2006/54/CE, art. 17§1.68 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », loc. cit., p. 167.

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justice et à la fois a priori, étant chargés de mesures proactives.69

Cette procéduralisation constitue selon nous une première étape dans la mise en place d’un système contraignant décentralisé relatif à la mise en œuvre des politiques antidiscriminatoires (cf. infra).

5. Etudes de la Commission Européenne

C’est dans le cadre de ce phénomène de procéduralisation du droit de la lutte contre la discrimination qu’aAu cours de l’année 2010, la Commission Européenne a commandé au moins deux études relatives aux dites directives, et portant respectivement sur l’accès à la justice en cas de discriminations,70 et sur le fonctionnement des organismes de promotion de l’égalité (à savoir en Belgique le Centre pour l’Egalité des chances et la Lutte contre le Racisme, ainsi que l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes).7172

5.1 Discrimination et accès à la justice 73

Cette La première étude s’intitule « Comparative study on access to justice in gender equality and anti-discrimination law », et a pour butle but poursuivi est de fournir à la Commission Européenne une analyse indépendante en ce qui concerne l’accès à la justice pour les victimes de discriminations dans les pays membres ainsi que dans les pays membres de l’EEE et de l’AELE. Elle couvre tous les aspects pertinents en la matière prévus par les directives. Ceux-ci incluent les garanties procédurales (charge de la preuve, droit d’ester en justice, rôle des associations dans le cadre de procédure judiciaires, durée de et prescription des actions en justice, coût des procédures, et existence d’une aide légale), mais également l’existence de compensations et de sanctions « effectives proportionnées et dissuasives ».74

L’étude a donc pour but de vérifier si le cadre législatif existant garantit, en pratique, un meilleur accès à la justice en cas de discrimination.Afin d’avoir une vue aussi complète que possible, la Commission européenne a souhaité diviser le travail en deux parties, une partie théorique, et une partie pratique, consistant en un questionnaire adressée à un large éventail de « stakeholders », incluant bien évidemment les organismes de promotion de l’égalité, mais également des associations de protections de consommateurs, de défenses des droits de l’homme au sens large, des syndicats, des représentants du monde patronal et de l’assurance etc.

69 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », loc. cit., p. 166.70 Les experts nationaux de ce rapport pour la Belgique sont Paul De Hert et Raphaël Gellert. Le rapport final de synthèse peut-être trouvé à l’adresse suivante, http://www.humanrights.ee/files/Final%20Report%20Access%20to%20justice%20FINAL.pdf. Il devrait être accessible sous peu sur le site de la Commission européenne, ainsi que les études par pays. Voy. la page de la Commission européenne consacrée à la la lutte contre les discriminations, http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=423&langId=en. 71 Ci-après, “le Centre” et “l’Institut”.72 L’expert national de ce rapport pour la Belgique est Paul Lemmens. Le rapport final de synthèse est disponible à l’adresse suivante, www. ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=6454&langId=en . Les rapports nationaux devraient également être disponible sous peu sur le site de la Commission européenne, cf. note de bas de page 69.73 Cette étude a été présentée par la Commission européenne lors d’une conférence le 18 mars.74 Lignes directrices pour les experts nationaux, en la possession des auteurs, p. 5.

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Ainsi la partie théorique de l’étude explore successivement le cadre judiciaire relatif à la discrimination; les garanties procédurales, –à savoir qui est titulaire du droit d’ester en justice, le rôle des organismes de promotion de l’égalité pour l’introduction d’action en justice, la possibilité pour certaines associations de prendre part à un procès, et les règles protégeant les personnes ayant introduit une action en justice  ; les règles en matière de charge de la preuve, de durée et prescriptions des procédures ainsi que le coût de ces dernières. Enfin, la dernière partie théorique concerne les sanctions et compensations accordées aux victimes.La partie pratique elle, est constituée d’un questionnaire distribué aux différents « stakeholders » mentionnés ci-dessus. Le but recherché étant de recueillir l’avis d’acteurs de terrain.L’étude se veut très concrète, et a ainsi cherché à connaître le coût d’une procédure en justice. Une autre partie est consacrée à l’identification des meilleures pratiques. Ces pratiques seront ensuite compilées dans un document unique reprenant tous les pays sujets de l’étude, d’où l’on retiendra celles présentant le caractère le plus pertinent afin de susciter la réflexion au niveau européen.Un des objectifs de cette étude, de par son caractère comparatif, est de mettre en évidence les « meilleures pratiques » de lutte contre la discrimination en Europe. Ceci pourrait se révéler très utile, notamment en Belgique où le caractère dissuasif des sanctions légales reste très discutable.

5.2 Organismes pour la promotion de l’égalité

Cette étude de type similaire, intitulée « Equality Bodies country fiche » a pour objet d’étudier en profondeur le fonctionnement des différents organismes pour la promotion de l’égalité, afin de s’assurer qu’ils soient à même d’assurer les tâches qui leur ont été assignées. En effet, ces organismes occupent une place centrale dans le cadre mis en place par les différentes directives de par leur rôle en matière de plaintes (résolution du différend sur une base négociée ou judiciaire) ; en matière de développement des connaissances (publications, sondages d’opinions etc.) ; mais également de par leur travail promotionnel, et singulièrement de sensibilisation. D’une certaine façon ils peuvent être considérés comme la clé de voûte du système (cf. supra).Ainsi, cette étude explore l’organisation, la structure et les ressources, la gouvernance (en ce compris l’leur indépendance des organismes de promotion de l’égalité), ainsi que le respect des directives relevantespertinentes. L’objectif final étant de s’assurer que les conditions pour que lesdits organismes puissent mener à bien leurs différentes missions soient bel et bien existantesprésentes.

6. La lutte contre les discriminations dans l’Union européenne : une approche effective?

Alors que les précédentes sections retraçaient l’évolution législative elle-même, la présente section a pour but de mettre en contexte cette évolution (et en particulier la procéduralisation) au regard d’une nouvelle façon d’aborder la lutte contre les discriminations, l’approche proactive.

Dans un premier temps, les législations européennes suivaient une approche classique, à savoir, considérer le droit à l’égalité et à la non discrimination comme un droit fondamental qu’il fallait sanctionner au moyen d’une protection judiciaire.

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Néanmoins, et prenant conscience des limites d’une telle approche, les autorités européennes ont commencé à adopter des politiques dite proactives, basées sur des programmes et des mesures à priori, visant donc à créer les conditions d’une société débarrassée de discriminations, autrement dit, d’une égalité réelle.75 Les différentes directives se font l’écho de ces politiques, à travers des provisions qui sont autant de manifestations de la procéduralisation du droit à l’égalité. En effet, ces mécanismes divers visent à mettre en place l’infrastructure procédurale nécessaire à la mise en œuvre effective de cet objectif politique. Ceci peut être perçu comme le reflet d’un « nouveau paradigme dans la manière d’appréhender la notion de discrimination et le rôle du droit dans la lutte contre ce phénomène ».76

6.1 Evolution du post-actif vers le proactif

L’approche classique véhiculée par le droit européen à la non discrimination consiste à poser l’interdit légal de discriminer, assorti d’une sanction judiciaire ouverte aux victimes, en d’autres termes, à considérer la non discrimination comme un droit.77 Il s’agit de la conception traditionnelle, concevant toutes les libertés fondamentales comme des prérogatives individuelles munies d’une sanction judiciaire, laquelle ne peut jouer qu’en cas de violation de ladite prérogative.78

Cette approche a pourtant démontré ses limites dans la lutte contre les discriminations. Que ce soit par manque d’information, par manque de moyens, par peur d’éventuelles représailles, ou encore en raison du coût, de la lenteur et de la complexité des procédures (en particulier, les difficultés probatoires), les victimes de discrimination recourent aux juridictions dans un nombre très limité de cas, et il n’est pas irréaliste d’affirmer que la protection judiciaire contre les discriminations ne soit pas loin d’être purement formelle.79

Face à ce que l’on pourrait qualifier de déficiences dans la protection contre les discriminations, le droit européen n’est pas resté inactif, mué comme à son habitude par un impératif d’efficacité et de concrétude.Cet impératif s’est traduit par un changement de paradigme dans la façon de lutter contre les discriminations, passant d’une approche judiciaire a posteriori, à une approche plus politique, proactive.80

Le principe proactif repose sur l’adoption de mesures destinées à promouvoir ou atteindre l’égalité entre hommes et femmes, prises par les pouvoirs publics (en général), indépendamment de toute violation de l’égalité.81 Le changement par rapport à l’approche judiciaire a posteriori est frappant. Premièrement, l’initiative est laissée non plus à l’individu, mais bien aux autorités

75 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation »,, loc. cit., pp. 1-4.76 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », in Herman, G., Léonard, E., Reman, P., (eds.), Travail, inégalités et responsabilité, Louvain: Presses Universitaires de Louvain, 2010, p. 163.77 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », op. cit., p. 166.78 Fredman, S., « Transformation or Dilution : Fundamental Rights in the EU Social Space », European Law Journal, vol. 12, No. 1, 2006, p. 4179 Ringelheim, J., « Les transformations du droit de la non-discrimination », loc. cit., p. 166, Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », Maastricht Journal of European Equality Law, vol. 12, N°4, 2005, p. 372. See also, Fredman, S., « Making Equality Effective : The Role Of Proactive Measures », p. 1.80 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., pp. 369-372; Fredman, S., « Making Equality effective : the rôle of proactive measures », loc. cit., p. 3.81 Fredman, S., « Making Equality effective : the rôle of proactive measures », loc. cit., p. 3.

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responsables. Ceci a pour avantage de libérer les citoyens des divers coûts attachés à une procédure et mentionnés ci-dessus (au rang desquels il convient de mentionner les coûts et la charge de la preuve). Deuxièmement, contrairement aux victimes qui agissent de façon ad-hoc, les autorités responsables, elles, agissent de façon structurelle, visant toute personne ayant une prétention à faire valoir en matière d’égalité, (et avant qu’une violation ait pu avoir lieu). Enfin, le but n’est pas tant de mettre fin aux violations du droit à la non discrimination en sanctionnant les auteurs, que d’éliminer les facteurs systémiques qui contribuent à la rupture de l’égalité dans une société, et de mettre donc en place les politiques et mécanismes appropriés afin d’y mettre un terme.82

Au niveau de l’Union Européenne cette approche s’est notamment caractérisée par le mainstreaming, qui pourrait être défini comme « a social justice-led approach to Policy making in which equal opportunities principles, strategies and practices are integrated into the every day work of government and public bodies ».83 En d'autres termes, le mainstreaming vise un changement proactif et institutionnel, porteur de responsabilités non pour les acteurs contrevenant au droit à l'égalité, mais bien pour ceux qui sont le plus à même de mettre en œuvre ces politiques.84

Les politiques européennes principales de mainstreaming sont celle de gender mainstreaming ou « intégration de la dimension de genre », et la « stratégie pour la période 2010-2015.85 Pour la Commission européenne, « "Intégrer la dimension de genre", c’est tenir compte de cette dimension dans toutes les étapes des processus politiques – élaboration, application, suivi et évaluation – en vue de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit en conséquence d'évaluer la manière dont les politiques influent sur la vie et le statut des femmes et des hommes, et d'assumer la responsabilité de leur modification si nécessaire. C'est ainsi qu'il sera possible de donner corps au concept d’égalité des sexes dans la vie des femmes et des hommes et de créer ainsi un espace pour tous au sein des organismes et des communautés afin de contribuer à la structuration d'une vision partagée du développement humain durable, ainsi qu'à sa concrétisation. »86

On Ceci illustre bien voit l’évolution d’une approche a posteriori vers une approche a priori.87

6.2 La procéduralisation comme infrastructure formelle, juridiquement contraignante du proactif

82 Fredman, S., « Making Equality effective : the rôle of proactive measures », loc. cit., p. 3.83 Scottish Executive Social Research, Learning From Experience : Lessons in Mainstreaming Equal Opportunities, 2003, p. 1 in Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., p. 373.84 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., p. 387.85 Disponible sur le site suivant, http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=422&langId=fr, consulté le 31 janvier 2011.86 Disponible sur le site suivant, http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=421&langId=fr, consulté le 31 janvier 2011.87 Sur le Mainstreaming, voy., une étude récente pour le compte de la Commission européenne, International perspectives on positive action measures – a comparative analysis in the European Union, Canada, The United States, and South Africa, pp. 21-32, disponible sur le site suivant, http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=180&furtherPubs=yes, consulté le 5 mai 2011.

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Comme mentionné précédemment, une approche proactive reposant sur des stratégies de mainstreaming offre de nombreux avantages par rapport à l'approche classique. Néanmoins, elle n'en rencontre pas moins des défis, le plus important étant peut-être son manque de caractère (systématique et) contraignant. En effet, l'approche proactive de laquelle découle le mainstreaming (ainsi que tous les programmes d'action similaires) repose avant tout sur des politiques. Le problème est donc de trouver un système/un arrangement institutionnel doté d'une force contraignante analogue à celle d'une décision en justice (rendue justement dans le paradigme individualiste en cas de rupture de l'égalité).88 En effet, comme démontré par plusieurs études, la mise en œuvre de stratégies de mainstreaming dépend largement des acteurs politiques compétents, avec toutes les contingences que cela implique. C’est la raison pour laquelle, le challenge principal de cette approche proactive de la lutte contre les discriminations est de trouver une infrastructure contraignante.89 Comme l’a montré une étude conduite en Irlande du Nord, le respect des mesures visant à lutter contre les discriminations repose in fine sur l’existence de sanctions.90

Les auteurs de cette même étude militent donc en faveur d’une architecture de mécanismes de contrainte à base pyramidale, c’est-à-dire un système protéiforme et décentralisé.91

L’Union européenne a adopté une position similaire en matière de mainstreaming, mettant en œuvre une approche duale, reposant à la fois sur des politiques volontaristes comme celles décrites plus haut, et à la fois sur des instruments juridiques contraignants, les directives.92

Le rôle crucial de ces directives est de contribuer à ce système contraignant décentralisé, –au delà d’éléments non moins importants comme l’extension de la notion de discrimination,- principalement à travers les mécanismes de procéduralisation décrits ci-dessus.

7. Conclusions

Plusieurs remarques s’imposent à ce stade de la réflexion.Premièrement, on constate que le législateur Européen a mis de façon constante un dispositif de « rechtshandaving » en place pour reprendre l’expression de Lemmens et Van Drooghenbroeck,93 à savoir ces différents mécanismes, isotopes de la procéduralisation du droit contre la discrimination. Il y a donc, en quelque sorte, établissement d’une infrastructure visant à lutter contre les discriminations, à forte composante administrative (les organes de promotions de l’égalité constituent la pierre angulaire du système), mais pas seulement (cf. règles probatoires spécifiques). Il s’agit donc d’un régime sui generis ayant pour objectif d’organiser de la façon la plus efficace la lutte contre les discriminations.

88 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., p. 381 ; pour cette note et les suivante, voy. également, Fredman, S., Human Rights Transformed : positive rights and positive duties, Oxford, Oxford University press, 2008, 261 p.89 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., p. 381.90 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., p. 382.91 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., p. 382.92 Fredman, S., « Changing the norm : positive duties in equal treatment législation », loc. cit., pp. 387-389.93 Lemmens, K., Van Drooghenbroeck, S., « Les nouvelles initiatives législatives européennes dans le domaine de la lutte contre la discrimination – un corpus juris en quête de cohérence », loc. cit., p. 102.

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L’on peut également constater que ce type de régime est présent hors du cadre législatif de l’Union Européenne. Le protocole additionnel no. 12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales est dédié à l’interdiction de la discrimination.94 Par ailleurs, le Conseil de l’Europe a établi l’ECRI (commission européenne contre le racisme et l’intolérance), un organe spécifique, indépendant, dont la mission est de surveiller l’évolution des discriminations en Europe, et de conseiller les Etats membres sur les mesures les plus adéquates à prendre.95

Il en va de même au niveau des Nations Unies. C’est par exemple le cas de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes qui a mis sur pied un comité d’experts (le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes) qui veille à la bonne mise en œuvre du traité,96 de la très récente Convention relative aux droits des personnes handicapées,97 ou encore de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.98

La Convention relative aux droits des personnes handicapées est criante à cet égard. En effet, selon le site de la Convention, celle-ci, bien que créant de nouvelles obligations à charge des parties signataires, ne crée pas de nouveaux droits pour les bénéficiaires, mais vise simplement à leur garantir la jouissance pleine et entière de leurs droits.99 De plusEn particulier, l’article 33 est une disposition tout à fait novatrice, introduisant une nouvelle infrastructure ayant pour but d’assurer la bonne implémentation mise en œuvre de la convention, au travers de différents points de contacts au sein du/des ministère(s) compétent(s), ou de mécanismes indépendants auxquels sont associées des organisations de la société civile.100

La prolifération de ces régimes spécifiques, dotés pour la plupart d’organes propres n’est à notre sens pas étrangère à l’approche proactive telle que développée au sein de l’Union européenne. En effet, tous deux semblent approcher la lutte contre les discriminations de façon a priori, mais alors que les politiques européennes de mainstreaming concernent les politiques substantielles mêmes, les régimes décrits ci-dessus concernent uniquement l’infrastructure administrative, ou encore l’aspect procédural, et en cela se rapprochent du but poursuivi par le phénomène de procéduralisation à l’œuvre dans les directives européennes, à savoir, la mise en place d’un système contraignant décentralisé.

Comment s’expliquer une telle approche ?Il y a peut être lieu d’avoir égard à la nature du droit à l’égalité et/ou à la non

94 Protocole no. 12 à la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, article 1, disponible sur le site suivant, http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Html/177.htm , consulté le 25 janvier 2011.95 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/mandate_fr.asp, consulté le 25 janvier 2011.96 Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, art. 17, 20, 21, 22, disponible sur le site suivant, http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm , consulté le 25 janvier 2011. Voy. également, http://www2.ohchr.org/french/bodies/cedaw/, consulté le 25 janvier 2011.97 Convention internationale des droits de l’enfant, deuxième partie (art. 42-45), disponible sur le site suivant, http://www.droitsenfant.com/cide.htm, consulté le 25 janvier 2011.98 http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=1413, consulté le 25 janvier 2011.99 http://www.un.org/disabilities/convention/questions.shtml100 Article 33. Voy. également Hoefmans A., « Naar een universel verdrag voor bescherming en bevordering van rechter van anderen », in Van Leuven N., De Hert P. (eds.), Fundamentele rechten van anderen, Anvers, Intersentia, 2011, pp. 85-96.

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discrimination. En effet, le droit à l’égalité est de nature formelle/101 et donc, par nature procédural. Dépourvu de substance propre, il « se limite » à garantir la jouissance égale des droits et libertés fondamentales de tous les citoyens. C’est un principe transversal à tous les droits de l’homme. Le droit à la non discrimination est à la fois un droit humain et en même temps, un élément constitutif de tous les autres droits,102 dans la mesure où la notion même d’égalité est un ethos immanent à toutes les libertés fondamentales. L’égalité est en quelque sorte une pré-condition de la jouissance idoine des autres droits fondamentaux.C’est la raison pour laquelle on trouve des clauses de non discrimination non seulement dans les instruments garantissant des droits de première génération, mais également dans les instruments relatifs aux droits dits de deuxième génération, comme c’est le cas pour le Pacte International des Droits Economiques, Sociaux et Culturels.103

Autrement dit, le droit à la non discrimination apparaît comme une condition nécessaire (mais non suffisante) de la jouissance pleine et entière des droits et libertés fondamentales.104 La valeur d’égalité, en tant que soutènement nécessaire de l’Etat de droit démocratique est consubstantielle à tous les autres droits fondamentaux existant dans un tel système.105 C’est sûrement la raison pour laquelle la non discrimination et l’égalité son implicites dans la formulation même des droits fondamentaux.106 Et c’est en cela qu’il faut mettre en parallèle et comprendre cette approche proactive. Un droit substantif crée des prérogatives dont le non-respect est, le cas échéant, sanctionné en justice. La non-discrimination au contraire ne garantit pas de droit substantif au citoyen, elle apparaît plutôt comme la condition d’une mise en œuvre juste des autres droits.107 Dès lors, il apparaît cohérent de concevoir son champ d’action en amont plutôt qu’en aval. En d’autres termes, la sanction juridictionnelle n’apparaît pas forcément comme le moyen le plus judicieux pour mettre en œuvre des droits, dans la mesure où son principal objet est d’en sanctionner les violations. Dès lors, l’émergence de politiques proactives ainsi que de leurs corollaires procéduraux se comprend mieux : ils ont pour but de garantir la mise en œuvre effective, l’implémentation la mise en œuvre des différents droits et libertés fondamentales de façon cohérente avec les valeurs sous-jacentes à ces droits, et que ces derniers ont pour objet de réaliser, l’un en mettant en place les politiques nécessaires, l’autre en tentant d’en assurer le caractère contraignant. Ceci n’est au passage pas sans rappeler l’article 28 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, selon lequel « Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan

101 Voy. e. a., Fredman, S., « Transformation or Dilution : Fundamental Rights in the EU Social Space », loc. cit., p. 43 ; McCrudden, Ch., Kountouros, H., « Human Rights and Equality Law », loc. cit., p. 5.102 Makkonen, T., « La non-discrimination en droit international et en droit européen », in International Organization for Migration (IOM), regional office for the Baltic and Nordic States (eds.), Pour une société plus juste – le droit international, communautaire et français en matière de discrimination, 2004, disponible sur le site suivant, http://iom.fi/files/legal_training/french/french_anti-discrimination_handbook_full.pdf, consulté le 25 janvier 2011.103 Article 2.104 Voy. Sen A., le premier chapitre 1 « Equality and justice », The Idea of Justice, Londres, Allen Lane, 2009, pp. 219-317.105 Ceci fait naturellement écho à l’œuvre de Dworkin. Voy., Dworkin, R., Taking rights seriously, Londres, Duckworth, 1977; Dworkin, R., “Rights as Trumps”, in WasdromWaldron, J., Theories of Rights, Oxford, Oxford University Press, 1984, pp. 153-167.106 Makkonen, T., « La non-discrimination en droit international et en droit européen », loc. cit., p. 12.107 Cela n’exclut pas le fait que cette mise en œuvre peut déboucher sur la création d’obligations à charge des Etats, obligations qui elles, seront juridiquement sanctionnées.

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social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».108

108 Nous soulignons.

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