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Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et grossesse Inflammatory bowel disease and pregnancy Sophie Buyse (Interne en hépato-gastro-entérologie), Stéphane Nahon (Praticien hospitalier), Pierre Lahmek (Praticien hospitalier) * Service d’hépato-gastro-entérologie, Centre hospitalier intercommunal, Le Raincy-Montfermeil, 10, avenue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil, France MOTS CLÉS Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ; Grossesse ; Maladie de Crohn ; Rectocolite hémorragique KEYWORDS Inflammatory bowel diseases; Pregnancy; Crohn’s disease; Ulcerative colitis Résumé Le désir de grossesse est une préoccupation fréquente chez les patientes atteintes de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Les taux de fertilité, d’avortement spontané et d’anomalies congénitales ne semblent pas plus élevés au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). En revanche, les taux de prématurité et d’hypotrophie fœtale seraient plus importants au cours de la maladie de Crohn (MC) en activité. La grossesse ne semble avoir d’influence sur l’histoire naturelle des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Une période de quiescence de la maladie d’au moins 3 mois est recommandée avant d’envisager une grossesse afin de minimiser le risque de complication maternelle et fœtale. Les médicaments autorisés pour le traitement des poussées sont les dérivés salicylés (à posologie réduite) et les corticoïdes. L’azathioprine est habituellement contre-indiquée. Un accouchement par voie basse est la règle en dehors d’une localisation actuelle ou ancienne de la maladie à la région anopérinéale. L’allaitement est possible au cours des MICI, cependant, certains médicaments sont contre-indiqués. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Most women with inflammatory bowel disease (IBD) hope to become pregnan- tive successfully. The majority of patients whose disease is well controlled prior to pregnancy should expect a fertility rate comparable to the general population, and an uncomplicated pregnancy with a favourable outcome. Women with active IBD, especially Crohn’s disease are at risk of having small and premature babies. Pregnancy seems to have little effects on IBD. Control of disease activity three months before conception and during pregnancy is critical to optimise both maternal and foetal health. Most drugs, including sulfasalazine, 5ASA products, corticosteroids are safe. Immunosuppressive therapy (Imurel ® ) should be avoided. Vaginal delivery is usual, episiotomy is contraindi- cated in women with perirectal complications, caesarean section is indicated in most patients with perirectal complications. Maternal nursing is possible in IBD, but some drugs should be avoided. © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Lahmek). EMC-Chirurgie 1 (2004) 79–84 www.elsevier.com/locate/emcchi © 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S1762-570X(03)00008-2

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et grossesse

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Page 1: Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et grossesse

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestinet grossesse

Inflammatory bowel disease and pregnancy

Sophie Buyse (Interne en hépato-gastro-entérologie),Stéphane Nahon (Praticien hospitalier), Pierre Lahmek (Praticienhospitalier) *Service d’hépato-gastro-entérologie, Centre hospitalier intercommunal, Le Raincy-Montfermeil, 10,avenue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil, France

MOTS CLÉSMaladiesinflammatoireschroniques del’intestin ;Grossesse ;Maladie de Crohn ;Rectocolitehémorragique

KEYWORDSInflammatory boweldiseases;Pregnancy;Crohn’s disease;Ulcerative colitis

Résumé Le désir de grossesse est une préoccupation fréquente chez les patientesatteintes de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Les taux de fertilité,d’avortement spontané et d’anomalies congénitales ne semblent pas plus élevés au coursdes maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). En revanche, les taux deprématurité et d’hypotrophie fœtale seraient plus importants au cours de la maladie deCrohn (MC) en activité. La grossesse ne semble avoir d’influence sur l’histoire naturelledes maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Une période de quiescence de lamaladie d’au moins 3 mois est recommandée avant d’envisager une grossesse afin deminimiser le risque de complication maternelle et fœtale. Les médicaments autoriséspour le traitement des poussées sont les dérivés salicylés (à posologie réduite) et lescorticoïdes. L’azathioprine est habituellement contre-indiquée. Un accouchement parvoie basse est la règle en dehors d’une localisation actuelle ou ancienne de la maladie àla région anopérinéale. L’allaitement est possible au cours des MICI, cependant, certainsmédicaments sont contre-indiqués.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Most women with inflammatory bowel disease (IBD) hope to become pregnan-tive successfully. The majority of patients whose disease is well controlled prior topregnancy should expect a fertility rate comparable to the general population, and anuncomplicated pregnancy with a favourable outcome. Women with active IBD, especiallyCrohn’s disease are at risk of having small and premature babies. Pregnancy seems tohave little effects on IBD. Control of disease activity three months before conception andduring pregnancy is critical to optimise both maternal and foetal health. Most drugs,including sulfasalazine, 5ASA products, corticosteroids are safe. Immunosuppressivetherapy (Imurel®) should be avoided. Vaginal delivery is usual, episiotomy is contraindi-cated in women with perirectal complications, caesarean section is indicated in mostpatients with perirectal complications. Maternal nursing is possible in IBD, but some drugsshould be avoided.

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Lahmek).

EMC-Chirurgie 1 (2004) 79–84

www.elsevier.com/locate/emcchi

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/S1762-570X(03)00008-2

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Introduction

En Europe septentrionale et en Amérique du Nord,l’incidence annuelle des maladies inflammatoireschroniques de l’intestin (MICI) est d’environ 15 à20 pour 100 000 habitants. De plus, les pics deprévalence de la maladie de Crohn (MC) et de larectocolite hémorragique (RCH) s’observent aucours de la troisième décennie et correspondent aupic de fréquence des patients en âge de procréer.Ainsi, la perspective d’une grossesse est classique-ment abordée par les patients atteints de MICI. Lespréoccupations sont centrées sur :

• les risques de transmission de la maladie à ladescendance ;

• le retentissement de la MICI sur la grossesse ;• le retentissement de la grossesse sur la MICI ;• la prise en charge thérapeutique propre à laMICI pendant la grossesse ;

• les modalités d’accouchement.Ces différents thèmes seront abordés dans cette

mise au point.

Fertilité au cours des maladiesinflammatoires chroniques de l’intestin

Les études les plus récentes n’ont pas montré dedifférence significative entre le taux de fertilitédes femmes et des hommes atteints de RCH com-paré à celui de la population générale en âge deprocréer.12 Au cours de la MC, il convient de distin-guer deux situations :

• en phase de rémission, le taux de fertilité desfemmes et des hommes n’est pas différent decelui de la population générale ;1

• en phase inflammatoire, la fertilité des pa-tients de sexe féminin ou masculin diminueproportionnellement au degré d’activité de lamaladie.16

Chez les femmes, cette observation peut tra-duire une inflammation tubaire, ovarienne ou péri-néale (à l’origine d’une dyspareunie).14 Parailleurs, dénutrition et aménorrhée secondaire –qui peuvent accompagner les poussées de la mala-die – pourraient expliquer en partie l’hypoferti-lité.14 Chez l’homme, une oligospermie a été notéeau cours des poussées,22 ainsi qu’avec la prise desulfasalazine. Dans cette dernière situation, l’oli-gospermie est réversible 3 à 6 mois après l’arrêt dutraitement.4

Hérédité et maladies inflammatoireschroniques de l’intestin

Le développement des MICI fait intervenir l’asso-ciation de facteurs environnementaux et héréditai-

res. L’hérédité des MICI suit les lois de l’héréditénon mendélienne. Une étude comparative a montréune prévalence de 5,2 % chez les nouveau-nés ayantun parent atteint de MC.29 Pour la RCH, la préva-lence atteindrait 1,6 % des sujets dont un desparents est porteur d’une RCH. Lorsque les deuxparents sont atteints de MC, le risque de transmet-tre la maladie serait de 36 %.17 Les découvertesgénétiques récentes, en particulier la mise en évi-dence de la mutation du gène NOD2/CARD15 dansla MC plaident en faveur de cette composantegénétique.

Déroulement de la grossesse au coursdes maladies inflammatoires chroniquesde l’intestin

Au cours du premier trimestre, la RCH et la MCn’augmenteraient pas le risque d’avortement spon-tané. Il n’existe pas non plus de malformationscongénitales liées à ces maladies.28

Au cours des deuxième et troisième trimestres,la RCH et la MC ne semblent pas majorer le risquede survenue de complications spécifiques à la gros-sesse telles que prééclampsie ou éclampsie.28 Ce-pendant, les MICI augmenteraient significative-ment le risque de prématurité et d’hypotrophiefœtale.24 Ce risque est d’autant plus élevé que lamaladie est évolutive (corrélation avec l’indiced’activité). Au cours d’une poussée, ce risque sem-ble plus élevé chez les malades atteints de MC,notamment en cas d’atteinte iléale ou d’antécé-dent de chirurgie abdominale.21

Influence de la grossesse sur l’activitédes maladies inflammatoires chroniquesde l’intestin

Il est établi que le tabac a une influence péjorativesur l’évolution de la MC. La grosesse doit donc êtreun moment privilégié pour initier un sevrage taba-gigue.Idéalement, toute grossesse devrait être plani-

fiée afin de diminuer au maximum la probabilité depoussées de la maladie au cours de la grossesse.Une période de rémission d’au moins 3 mois seraitoptimale avant conception.En phase de rémission, la grossesse est sans

conséquence sur l’histoire naturelle de la RCH.20

Dans une étude, le taux de rechutes était estimé à34 % dans les 9 mois suivant la conception. Lesrechutes surviennent le plus souvent au cours dupremier trimestre, probablement en raison de l’ar-

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rêt volontaire par les patientes de tout traitementde fond à l’annonce de la grossesse.20 Une concep-tion en phase inflammatoire est suivie d’une aggra-vation de la RCH dans 45 % des cas.20 Quelques rarespatientes atteintes de RCH sont uniquement symp-tomatiques en période gravidique.20

Tout comme pour la RCH, l’indice d’activité de lamaladie lors de la conception détermine le dérou-lement et le retentissement sur la grossesse.16 UneMC active en début de grossesse se stabilise dans untiers des cas, s’aggrave dans un tiers des cas ets’améliore dans un tiers des cas. Le délai optimalde rémission préconceptionnelle n’est pas claire-ment établi. En pratique clinique, le terme de3 mois d’inactivité inflammatoire est communé-ment conseillé avant d’envisager une grossesse.23

Traitement des maladies inflammatoiresde l’intestin au cours de la grossesse

Traitements médicamenteux (Tableau 1)

En période de rémission, dans la MC comme dans laRCH, l’interruption du traitement de fond n’aug-mente pas significativement la fréquence des re-chutes.14 Lorsque la grossesse débute en phaseinflammatoire ou qu’elle s’accompagne d’une re-chute évolutive, le traitement envisagé doit répon-dre à des critères de prescription spécifiques. Touttraitement inutile doit être interrompu au débutd’une grossesse, de même que tout traitement dontl’innocuité au cours de la grossesse n’a pas étéprouvée.

Traitements anti-inflammatoires

Dérives salicylésLa sulfasalazine traverse la barrière fœtoplacen-taire et inhibe de façon compétitive le métabo-lisme des folates.10 Son utilisation est autoriséependant la grossesse et nécessite une supplémen-tation en acide folique au premier trimestre.La mésalazine traverse également la barrière

fœtoplacentaire. À la posologie de 2 g 24 h–1, son

utilisation est autorisée pendant la grossesse, enraison de l’absence de tératogénicité observée àcette dose. En revanche, une dose > 2 g 24 h–1

pourrait être à l’origine de néphropathie intersti-tielle chez le nouveau-né.6 Par ailleurs, des cas deprématurité et de retard staturopondéral ont étérapportés sous mésalazine.14 Cependant, il s’agis-sait de patientes ayant un indice d’activité élevé.

CorticoïdesSi tous les dérivés cortisoniques traversent la bar-rière fœtoplacentaire, le métabolisme placentairede la prednisolone est moindre par rapport à celuide la dexaméthasone.9 Les études pharmacologi-ques ne montrent pas de différence significativequant aux taux de prématurité, d’avortementsspontanés ou de malformations fœtales chez lesfemmes enceintes traitées par corticoïdes.14 Unseul cas d’insuffisance surrénale du nouveau-né aété rapporté. Les corticoïdes représentent un trai-tement de choix des MICI au cours de la grossesseque ce soit par voie orale ou locale.En l’absence de données ayant démontré l’inno-

cuité du budésonide au cours de la grossesse, il estrecommandé d’en éviter la prescription.

AntibiotiquesIls sont rarement utiles au cours de la grossesse.

MétronidazoleUne méta-analyse n’a pas montré de tératogénicitédu métronidazole au cours de la grossesse,7 cepen-dant, le Dictionnaire Vidal® ne recommande sonutilisation qu’en cas de nécessité car des malforma-tions fœtales, fentes palatines notamment, ont étérapportées.

CiprofloxacineNon tératogène, elle est à l’origine d’arthropathiesnéonatales18 et reste formellement contre-indiquée en l’absence de contraception efficace.

Immunosuppresseurs

Azathioprine et 6-mercaptopurineLeur utilisation pendant la grossesse a surtout étéétudiée chez les transplantés rénaux.2 La variabi-lité allélique est à l’origine d’une susceptibilitéindividuelle quant à leur efficacité et toxicité.L’azathioprine et la 6-mercaptopurine traversent labarrière fœtoplacentaire.2 Le foie fœtal est défi-cient en inosilate pyrophosphorylase qui assure leurtransformation en métabolite actif. Des études réa-lisées sur les femmes transplantées font état d’untaux de prématurité de 52 %, d’avortements spon-tanés de 7 % et de complications postnatales (à type

Tableau 1 Médicaments autorisés au cours de la grossesse.

Sont autorisés Sont contre-indiqués– 5 ASA < 2 g 24 h–1 – FluoroquinolonesCorticostéroïdes - Méthotrexate– Nutrition entérale – Thalidomide– Nutrition parentérale – Ciclosporine

– InfliximabAziathioprine/6-mercaptopurine ?Métronidazole ?

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d’apnée ou d’ictère) de 50 %.2 De ce fait, il estrecommandé d’arrêter l’azathioprine dès l’an-nonce d’une grossesse, surtout si la maladie estinactive. Dans le cas contraire, l’azathioprine estrelayée par une corticothérapie en cas de rechute.Chez l’homme, une étude rétrospective a mon-

tré une augmentation significative d’avortementsspontanés et d’anomalies congénitales chez les en-fants de pères traités par dérivés de la purine dansles 3 mois pré-conceptionnels.15 En conclusion,l’azathioprine et la 6-mercaptopurine sont à éviterchez l’homme et la femme ayant un projet deprocréation. Cependant, un avortement thérapeu-tique ne semble pas être nécessaire si une grossesseest apparue chez une femme traitée par azathio-prine. Idéalement, leur arrêt est programmé dès lestrois mois préconceptionnels.

MéthotrexateSon antagonisme avec l’acide folique par l’intermé-diaire de la dihydrofolate–réductase est à l’originede malformations du tube neural (spina bifida dans30 % des cas) en cas d’utilisation pendant la gros-sesse.8 Il est donc formellement contre-indiquéchez la femme enceinte et nécessite une contra-ception efficace.

CiclosporineIndiquée dans la prise en charge des colites aiguësgraves réfractaires aux corticoïdes, sa toxicité ré-nale constitue une contre-indication absolue aucours de la grossesse.3

InfliximabEn l’absence de données et d’études spécifiquesconcernant l’utilisation des anticorps anti-tumournecrosis factor (TNF)-alpha pendant la grossesse,son usage est contre-indiqué en cas de maladie deCrohn réfractaire et/ou fistulisante de la femmeenceinte. Toutefois, une étude n’a rapportéaucune malformation fœtale chez quelques patien-tes exposées au produit pendant leur grossesse.26

ThalidomideEn raison de sa tératogénicité, le thalidomide estformellement contre-indiqué au cours de la gros-sesse, par ailleurs, sa prescription nécessite unecontraception efficace.

Traitements nutritionnels

Nutrition entéraleUne étude a montré l’absence de contre-indicationà l’utilisation de la nutrition entérale pendant lagrossesse. En effet, l’équilibre nutritionnel per-met, en phase inflammatoire, d’optimiser le dérou-

lement de la grossesse et a également un effetthérapeutique spécifique de la MICI.14

Nutrition parentérale totaleLa nutrition parentérale est parfois la seule alter-native thérapeutique au cours des MICI, de plus,certaines femmes ayant un grêle court nécessitentun support nutritionnel permanent. La nutritionparentérale a été étudiée au cours de la grossesse,aucun risque surajouté n’a été observé.14 La surve-nue d’emboles lipidiques placentaires a été untemps redoutée, cependant, une étude a démontréson innocuité chez des patientes sous nutritionparentérale exclusive, y compris pour la fractionlipidique.27

Traitement chirurgical

Les séries concernant les traitements chirurgicauxdes MICI au cours de la grossesse sont rares. Lesindications chirurgicales dans ce contexte sontidentiques à celles des MICI en dehors de la gros-sesse, en particulier pour les colites aiguës gravesrésistantes à la corticothérapie ou encore les sepsisintrapéritonéaux. Si le pronostic maternel est enjeu, une interruption thérapeutique de grossesseest réalisée. En revanche, si le fœtus est suffisam-ment mature, une césarienne synchrone est à pri-vilégier.11 Par ailleurs, le rétablissement de conti-nuité en un temps majore le risque decomplications postopératoires.11

Les patientes atteintes de RCH ayant eu uneproctocolectomie totale avec anastomose iléoanaleont une hypofertilité augmentée par rapport auxfemmes atteintes de RCH sans antécédent chirurgi-cal.27 En revanche, cette intervention est sansconséquence sur le déroulement de la grossesse.Peu de données sont disponibles sur l’influence

d’une iléostomie sur le déroulement de la gros-sesse. Quelques études ont montré l’absence dedifférence significative sur la survenue de compli-cations pendant la grossesse.23 De même, la gros-sesse serait sans incidence sur le pronostic fonc-tionnel de la stomie. Toutefois, si une altération durésultat fonctionnel est observée, elle est sponta-nément réversible 6 à 9 mois après l’accouche-ment.14 La présence d’une stomie ne constituedonc pas un obstacle à un projet de grossesse etn’est pas source de complication.

Modalités d’accouchement au coursdes maladies inflammatoires chroniquesde l’intestin

Une étude rétrospective a montré que le taux decésariennes chez les femmes atteintes de MICI était

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en moyenne de 26 contre 13 % dans la populationgénérale, différence liée à une augmentation desindications obstétricales.25 En l’absence d’atteinteanopérinéale ou d’antécédent de chirurgie péri-néale, un accouchement par voie basse est la rè-gle.14 Cependant, une épisiotomie doit être évitée,selon certains auteurs, au cours de la MC. En effet,elle serait à l’origine de 17,9 % d’atteinte périnéalede novo.5 Pour d’autres, elle n’aurait aucune in-fluence sur l’histoire naturelle de la MC péri-néale.13 En pratique, si une épisiotomie est envisa-gée, on privilégie une incision médiolatérale moinstraumatisante pour le sphincter anal. En cas d’at-teinte périnéale active ou antérieure ou de chirur-gie anopérinéale, une césarienne est préférée.Chez les femmes ayant une iléostomie, un accou-chement par voie basse peut être envisagé. Parailleurs, en cas d’anastomose iléoanale, bien qu’iln’y ait pas de contre-indication théorique à unaccouchement par voie basse, le taux de césa-rienne est plus important que dans la populationgénérale.19

Allaitement au cours des maladiesinflammatoires chroniques de l’intestin(Tableau 2)

Peu d’études consacrées à l’allaitement au coursdes MICI ont été publiées. Tout comme au cours dela grossesse, certains médicaments sont contre-indiqués car ils sont excrétés dans le lait maternel.Il s’agit de la sulfasalazine en raison de la possibi-lité d’une majoration de la prévalence d’ictèrenéonatal à bilirubine non conjuguée. Azathioprine,6 mercaptopurine, ciclosporine et infliximab sontcontre-indiqués en l’absence de données suffisan-tes. Les corticostéroïdes et le métronidazole sontautorisés.

Conclusion

Les taux de fertilité, d’avortement spontané etd’anomalies congénitales ne semblent pas plus éle-

vés au cours des MICI. Les taux de prématurité etd’hypotrophie fœtale seraient plus importants aucours de la MC en activité. Le facteur pronostiqueprincipal du bon déroulement de la grossesse estl’indice d’activité de la maladie, une période dequiescence d’au moins 3 mois étant habituellementrecommandée. Le traitement des poussées fait ap-pel aux corticoïdes et aux dérivés du 5-ASA. Prise encharge individualisée, coopération interdiscipli-naire et observance thérapeutique sont indispensa-bles pour une prise en charge optimale d’une gros-sesse envisagée au cours des MICI.

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Tableau 2 Thérapeutiques des maladies inflammatoireschroniques de l’intestin (MICI) pendant l’allaitement.

Sont autorisés Sont contre-indiqués– Corticostéroïdes – Dérivés salicylés– Métronidazole –

Azathioprine/6-mercaptopurine– Ciclosporine/thalidomide– Méthotrexate– Infliximab

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