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Projet de Thèse Doctorale La communauté virtuelle de marque business-to-consumer: Comment en tirer le meilleur pour développer la marque? IAE Toulouse Sous la direction de Laurent Bertrandias Claire Flament, Complément d’étude M2 Conseil et Stratégies Marketing

Mémoire Claire Flament

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Page 1: Mémoire Claire Flament

Projet de Thèse Doctorale

La communauté virtuelle de marque business-to-consumer: Comment en tirer le meilleur pour développer la

marque?

IAE Toulouse

Sous la direction de Laurent Bertrandias

Claire Flament,

Complément d’étude M2 Conseil et

Stratégies Marketing

Page 2: Mémoire Claire Flament

1 Remerciements

Remerciements

C’est avec plaisir que l’auteur de cette recherche se soumet à cet exercice : Le complément

d’études proposé par l’IAE de Toulouse représente une formidable opportunité de se confronter

pour la première fois, au monde de la recherche et d’en ressentir toute la richesse : Nous tenons

à remercier Jean-Marc Décaudin qui nous présenté la formation ainsi que tous les professeurs et

intervenants qui ont pu nous initier au cours de ces quelques mois, à cet univers, à en comprendre

les codes, à en assimiler les pré-requis.

Nous tenons particulièrement à remercier Laurent Bertrandias pour ses éclairages, notamment

au sujet de la problématique à dégager dans le cadre de la recherche, Eric Vernette, Laars Meyer,

Jean-Philippe Galan qui nous ont fourni les armes théoriques indispensables, Assaad El-Akremi

pour les débats passionnés autour des problématiques organisationnelles et Sandrine Constable

dans son accompagnement administratif.

Nous souhaitons également remercier nos collègues de formation, Corinne, Liling, Dragana,

Stéphane et Talal pour le soutien sans faille lors de nos interrogations et nos doutes mais aussi

pour les échanges pertinents que nous avons pu initier (souvent autour d’une bonne crêpe !)

Ce travail n’aurait pu se faire sans la participation de professionnels du marketing, managers de

marque, chargés de clientèle qui ont accepté de se soumettre à mes entretiens : Je les remercie

pour le temps consacré et leur implication.

Je remercie enfin mon mari, Yann, mes enfants Sarah et Evan, qui ont accepté de me suivre

dans ma démarche parfois prenante, car exigeant du temps et de la concentration, parfois

difficile à concilier avec le rôle de maman.

Page 3: Mémoire Claire Flament

2 Remerciements

Page 4: Mémoire Claire Flament

3 Remerciements

« J’ai un œuf, tu as un œuf,

Je te donne mon œuf, tu me donnes ton œuf

Je repars avec un œuf, tu repars avec un œuf.

J’ai une idée, tu as une idée,

Je te donne mon idée, tu me donnes ton idée,

Je repars avec deux idées, tu repars avec deux idées. »

Proverbe chinois

Page 5: Mémoire Claire Flament

4 Remerciements

TABLE DES MATIERES

Remerciements ________________________________________________________________ 1

Introduction __________________________________________________________________ 6

I. Du ‘tout public’ à ‘l’entre soi’ : un retour vers l’intimité du groupe __________________ 6

A. L’effritement des réseaux sociaux traditionnels ____________________________ 7

B. Des pratiques sociales fondées sur une réaffirmation des intérêts personnels _____ 9

C. Tirer parti d’un processus d’intelligence collective ____________________________ 9

D. Le potentiel des communautés de marque ________________________________ 10

II. Intérêt de l’étude et les questions de recherche ________________________________ 10

III. Les implications managériales _____________________________________________ 13

Chapitre 1 : Revue de littérature _________________________________________________ 17

I. La communauté virtuelle : une approche sociologique et marketing du concept. ______ 17

A. Retour sur les origines psychosociales du concept de communauté virtuelle ________ 18

B. La communauté virtuelle, une nouvelle forme d’individualisme fondée sur un contrat

social ____________________________________________________________________ 19

II. la Dynamique de groupe restreint : terrain d’émergence d’une Intelligence collective. _ 20

A. La dynamique des groupes restreints _______________________________________ 20

B. la puissance d’agir des contributeurs : l’Intelligence du grand nombre ____________ 22

III. Quand la marque s’empare du concept de communauté virtuelle. _________________ 25

IV.Les spécificités de notre cadre d’analyse : la communauté de marque Business-to-

consumer __________________________________________________________________ 28

Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats _____________________________ 33

I. Présentation générale de l’approche. __________________________________________ 35

A. La phase qualitative _____________________________________________________ 35

B. La phase quantitative : enquête menée auprès des consommateurs _______________ 44

II Méthodologie d’analyse ____________________________________________________ 49

A. La phase qualitative _____________________________________________________ 49

B. La phase Quantitative ___________________________________________________ 52

CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS __________________________________ 54

Page 6: Mémoire Claire Flament

5 Remerciements

I. Panorama des théories mobilisées pour l’analyse des résultats _____________________ 55

A. Retour sur les théories mobilisées __________________________________________ 55

II. La communauté virtuelle business-to-consumer : un outil puissant de marketing

management _______________________________________________________________ 61

I.I. Comprendre son environnement et anticiper la demande : Utiliser la communauté

virtuelle de marque pour accéder à la connaissance. ______________________________ 62

A. La communauté business-to-consumer : outil de veille stratégique _______________ 64

B. Analyse et études de marché : un pas dans le nouveau monde des études qualitatives 69

I.II. Le lien social pour valoriser son capital marque _____________________________ 72

III. Le marketing relationnel, une condition du succès communautaire ______________ 75

A. Une relation marque/consommateur enrichie d’une dimension sociale ____________ 76

II. les motivations des membres à collaborer avec la marque dans une communauté de

marque virtuelle fermée ______________________________________________________ 83

II.I. Les motivations des participants à une communauté virtuelle business-to-consumer :

revue de littérature. ________________________________________________________ 83

II.2 Analyse de notre étude quantitative. ______________________________________ 86

II.3 Les apports de l’étude quantitative dans notre recherche _____________________ 92

Synthèse: la participation collaborative au sein d’une communauté virtuelle de marque peut-

elle engendrer un processus d’Intelligence collective ? ________________________________ 93

I. La communauté virtuelle business-to-consumer : un support puissant d’accès à la

connaissance _______________________________________________________________ 94

IV. Limites, contributions et voies de recherche. ____________________________________ 95

I. Les limites de l’étude _______________________________________________________ 95

II. Les contributions et voies de recherche _______________________________________ 96

CONCLUSION _______________________________________________________________ 98

BIBLIOGRAPHIE ___________________________________________________________ 98

ANNEXES _________________________________________________________________ 105

Page 7: Mémoire Claire Flament

6 Introduction

Introduction

I. Du ‘tout public’ à ‘l’entre soi’ : un retour vers l’intimité du groupe

L’avènement du Web social a placé le consommateur au centre de toutes les attentions. Les

multiples plateformes d’expression disponibles librement sur ‘la toile’ ont rendu au

consommateur le pouvoir de converser, d’interagir avec la marque via différents types de

médias sociaux (Réseaux sociaux, Blogs, Forums, Communautés virtuelles…).

Certes, le phénomène n’avait pas été envisagé avec tant d’ampleur et les chercheurs ont pu

mettre en évidence l’avènement récent de l’Empowerment du consommateur qui participe

désormais, grâce aux outils du Web, au développement de l’organisation : On évoque

l’apparition du ConsomActeur.

Dès lors, la marque ne peut plus se contenter d’une relation verticale avec ses consommateurs

ou futurs consommateurs, elle se doit d’instaurer un ensemble d’outils catalyseurs d’une

relation horizontale, favorisant l’interactivité et la dynamique du groupe.

Loin d’être négatif, ce phénomène est générateur d’une dynamique collective, fruit de

l’interactivité Consommateur/Marque s’exprimant à travers des actions de co-création, de co-

production ou simplement grâce à la production de connaissance issue des échanges générés

entre eux sur ces médias : Le mécanisme d’Intelligence collective se met en place.

Ces échanges se sont concentrés dans un premier temps sur les réseaux sociaux, rendant

incontournables des acteurs tels que Facebook ou Twitter : considérés comme les catalyseurs

privilégiés de cette nouvelle relation instaurée entre la marque et ses consommateurs, c’est sur

ces plateformes publiques que se sont crées les premières communautés virtuelles de marque

soient initiées par la marque elle-même (communauté de fans sur Facebook par exemple), soit

créées par les consommateurs se regroupant autour de l’intêret commun envers une marque

(communauté MyNutella). La marque s’efforce dans ce cas d’engager la conversation et de

faire accepter sa présence à l’ensemble de la communauté.

Ces plateformes connaissent cependant depuis quelque temps un courant de remise en question

qui se manifeste d’une part chez les consommateurs par la recherche et la participation à des

réseaux sociaux ‘non intrusifs’, où la marque n’a pas encore sa place (Snapchat/vs Facebook)

et du côté de la marque par une recherche de plateformes d’échanges moins dépendantes de ces

intermédiaires et de leurs prérogatives (changement incessant d’algorythme, coût de publicité

en augmentation constante, incertitude en terme de ROI.).

Ce phénomène demeure marginal mais nous amène à proposer une recherche sur les nouvelles

opportunités qui s’ouvrent à la marque :

En l’occurence celle de choisir de créer leur propre communauté virtuelle de marque,

propriété de celle-ci, gérée directement sur une plateforme de l’entreprise et mobilisant non

Page 8: Mémoire Claire Flament

7 Introduction

plus une communauté de Fans, mais bien une communauté de Consommateurs ou futurs

consommateurs regroupés autour d’une dynamique de marque.

Si de nombreuses recherches ont pu étudier l’impact des communautés virtuelles sur le

développement de la marque et la stratégie marketing adoptée, celles-ci se sont concentrées

majoritairement sur les communautés virtuelles ouvertes, issues du Web Social. A notre

connaissance, il existe peu de recherches portant sur le potentiel des communautés virtuelles de

marque fermées, initiées par la marque elle-même et gérées sur leurs propres plateformes.

Cette recherche exploratoire a pour objectif de déterminer d’une part les attentes managériales

vis-à-vis de ce type d’outil et de comprendre l’évolution du phénomène communautaire autour

d’une marque en étudiant les motivations qui poussent aujourd’hui les consommateurs à y

participer.

A. L’effritement des réseaux sociaux traditionnels

L’objectif de cette recherche n’est pas de remettre en question les nombreux avantages apportés

par les médias sociaux tant aux marques qu’aux consommateurs : La littérature a pu mettre en

évidence les opportunités pour le consommateur de se sentir valorisé par un sentiment de

participation au développement de la marque, de répondre à des besoins sociaux en échangeant

avec d’autres consommateurs, de se divertir grâce au contenu diffusé, d’obtenir de l’information

et de pouvoir donner un retour à la marque (Dholakia, Bagozzi et Pearo, 2004). Du côté des

organisations, les opportunités de renforcer la loyauté envers la marque (Jang et al. 2008), de

générer de l’engagement (Kim et al, 2008), de valoriser son capital marque (Zhou et al.2012),

d’encourager le bouche à oreille (Hur et al, 2011), de recruter et fidéliser de nouveaux clients

ont pu être dégagées (Cova, 2009, Tuten et Solomon,2013). Plus encore, l’engagement au sein

d’une communauté virtuelle créée par un « sponsor » serait associé significativement à la

volonté de coopérer pour le développement de nouveaux produits (Porter et Donthu, 2008)

Il est indispensable cependant de prendre aujourd’hui conscience de leurs limites, voire de

pointer les effets négatifs qu’ils peuvent engendrer sur la relation Marque/Consommateur.

Ainsi, selon T.Tuten et W.Angermeier (2013), le marketing par les médias sociaux peut

conduire à des failles de sécurité, une perte de contrôle sur le contenu, la diffusion d’une

mauvaise presse ou d’un bouche à oreille négatif : Selon ces auteurs, la prise en compte de ces

conséquences négatives est essentielle :

- Sécurité des données et perte du contrôle de l’information

La problématique de la sécurité des données diffusées sur les plateformes publiques touche à la

fois le consommateur et l’entreprise : L’accès aux données personnelles est devenu la base du

modèle économique de nombreuses plateformes et applications dites ‘sociales’ (Pierson et

Heyman, 2011).

Régulièrement montré du doigt pour le manque de protection des données privées de ses

membres, le réseau social Facebook, fort de plus de 1,32 milliards d’abonnées, est ainsi devenu

Page 9: Mémoire Claire Flament

8 Introduction

le plus grand CRM mondial. : La base de données Facebook est l’exemple même des capacités

des réseaux sociaux à récupérer des données à la fois qualitatives et quantitatives de qualité

issues d’un manque de protection des informations individuelles (Rose, 2010).

Ainsi, Facebook dégage la majorité de ses revenus des publicités ciblées qui apparaissent dans

le fil d’actualité des membres : En donnant leur avis, en ‘likant’ des contenus ou des pages, en

fournissant sans s’en rendre vraiment compte quantité d’informations personnelles…les

membres de Facebook ont contribué à faire du réseau dit ‘social’ la plus grande base de données

mondiale. Un objectif clairement revendiqué aujourd’hui par son fondateur M.Zuckenberg :

« Nous considérons Facebook comme une grande base de données sociales » et « comme

n’importe quelle base de données on devrait pouvoir faire des recherches dedans » : Une

exploitation poussée à son paroxysme avec l’arrivée récente du Graph Search.

Si, dans un premier temps, les marques ont largement pris la mesure des avantages à utiliser et

à investir massivement dans ce type d’outil leur permettant un ciblage efficace et l’accès direct

à leurs consommateurs et prospects, les abus de présence se font ressentir depuis peu amenant

les utilisateurs à se tourner vers des réseaux sociaux dits « non intrusifs » : Au « sentiment

d’entre-soi » succède celui d’être espionné par les marques qui explique la fuite de nombreux

membres.

- L’utilisation des réseaux sociaux publics : une communication one to many ?

L’usage des réseaux sociaux ouverts destiné à favoriser à priori l’échange entre la marque et le

consommateur n’a finalement pas conduit à une interactivité réelle : Si les consommateurs

choisissent de suivre une marque, c’est avant tout pour avoir accès au contenu qu’elle publie et

non pour initier une discussion. De même que les consommateurs discutent rarement entre eux

sur ce type de plateforme (qui le plus souvent d’ailleurs ne leur laissent pas la possibilité

d’échanger entre eux ou d’initier un thème de discussion), se contentant au mieux de relayer du

contenu dans leur cercle social ou, moins souvent, de commenter une publication. Notons que

sur Facebook par exemple, une fois que le membre est fan d’une marque, celui-ci reçoit

directement les publications de la marque dans son fil d’actualité et de ce fait retourne rarement

sur la page dédiée : Nous nous trouvons finalement dans le cadre d’une stratégie de

communication one to many traditionnelle, loin des aspirations d’échange escomptées.

- Un impact marketing des communautés virtuelles ouvertes remis en question

Ce constat établi, Proulx (2002) s’interroge et appelle à la prudence sur l’utilisation du terme

« communauté » en relation avec le public et les réseaux sociaux : Quelle est la place des

interactions directes, concrètes, authentiques entre ses membres ? Un attribut fondamental de

la communauté telle qu’originellement décrite par Tönnies (1887). A cet égard, le constat de

Fernbach et Thompson (1995) est plus que jamais d’actualité : « la communauté virtuelle est

encore un concept amorphe en raison du manque de modèle mentaux partagés sur ce que

constitue exactement une communauté dans le cyberespace ».

Page 10: Mémoire Claire Flament

9 Introduction

Dès lors se pose la question : Une communauté virtuelle de marque publique est-elle

véritablement une communauté au sens originel du terme ou simplement un espace dédié à la

marque dans le cyberespace ?

Sans prétendre pouvoir répondre à cette interrogation, nous nous appuierons sur les propos de

B.Conein pour explorer le potentiel d’un espace communautaire fermé au sein duquel la marque

a la possibilité de mettre en place les outils indispensables à un processus de coopération de

collaboration, voire d’Intelligence collective entre elle et ses consommateurs et dont les

données lui appartiennent totalement : B.Conein (2004) : « Toute coopération cognitive de

qualité repose sur une interdépendance cognitive forte et sur un accroissement des interactions

entre les agents. »

B. Des pratiques sociales fondées sur une réaffirmation des intérêts

personnels

Pourquoi collaborer à une communauté virtuelle ? Une première approche du Web dit Social

pourrait envisager une collaboration orientée vers l’intérêt général. Une étude menée en 2006

par B.Hubermann et S.Golder1 met pourtant en évidence une perspective d’utilisation

personnelle des outils de collaboration sur Internet : La participation aux sites collaboratifs, aux

forums ou aux communautés virtuelles serait avant tout guidée par une motivation personnelle,

un besoin de reconnaissance, un intérêt économique, un besoin d’autonomie et dans une

moindre mesure d’affiliation sociale.

L’intérêt personnel du participant serait ainsi une variable majeure à prendre en compte dans

lors de la création de la plateforme communautaire privée en proposant les outils adéquat de

valorisation des participants. Une étude quantitative menée auprès de consommateurs a pour

but de donner quelques pistes aux managers sur les motivations individuelles à s’engager et à

collaborer avec la marque au sein de sa communauté.

C. Tirer parti d’un processus d’intelligence collective

Selon le groupe Intelligence Collective de la FING, « on appelle Intelligence Collective la

capacité humaine de coopérer sur le plan intellectuel pour créer, innover, inventer. Dans la

mesure où notre société devient de plus en plus dépendante du savoir, cette faculté collective

prend une importance fondamentale. »

Selon les auteurs, à l’heure du Web 2.0, les conditions d’expression de cette Intelligence

Collective sont soumises à plusieurs facteurs :

- L’atteinte d’une masse suffisante de participants nécessaire pour faire émerger une

dynamique de groupe.

1 Usage patterns of collaborative tagging systems, Journal of Information Science, 2006

Page 11: Mémoire Claire Flament

10 Introduction

- La capacité de l’entreprise d’exploiter l’information générée pour en retenir le meilleur.

Le concept de dynamique de groupe restreint comme générateur d’intelligence collective,

souvent traité en sociologie et peu en marketing, mérite une attention particulière dans cette

recherche et fera l’objet d’une revue de la littérature tandis que son opérationnalisation guidera

notre analyse, tel un fil rouge : Dans cette optique, nous proposerons lors de l’analyse, des focus

sur les outputs nous paraissant particulièrement correspondre à ce processus d’Intelligence

collective : la veille stratégique, la coopération, la co-création feront ainsi l’objet d’un

développement plus complet.

Nous espérons ainsi pouvoir apporter une contribution tant aux sciences de gestion qu’aux

managers de marques sur la nature des canaux et outils d’interaction à mettre en place lors de

la création de la plateforme communautaire privée.

D. Le potentiel des communautés de marque

Ainsi, la collaboration au sein d’une communauté présente un intérêt marketing certain pour la

marque en garantissant une diversité des perspectives : Selon Amine et Sitz (2007), « le

développement des moyens de communication a bouleversé la structure des coûts

d’organisation rendant plus aisé la réunion des individus d’horizons géographiques différents :

Comment envisager plus belle opportunité pour la marque d’étudier son marché et d’interagir

avec ses consommateurs ou futurs consommateurs en éliminant toute contrainte de temps et

d’espace ! (Rheingold, 2000 ; Cova et Cova, 2002).

II. Intérêt de l’étude et les questions de recherche

Même s’il s’agit d’un phénomène relativement récent, le potentiel des communautés virtuelles

de marque fermées n’a pas échappé aux entreprises : De grands groupes tels que Nestlé, EDF,

Cultura ou encore Séphora offrent à leurs consommateurs la possibilité de participer à des

plateformes communautaires privées dans le but d’échanger entre eux ou avec la marque,

d’accéder à un contenu dédié ou de publier sous différentes formes. Initiant ainsi une

dynamique de groupe, ce type de plateforme privée doit permettre à l’entreprise d’accéder à la

Connaissance, indispensable pour innover et se développer.

Cependant, malgré le potentiel évoqué notamment par la littérature professionnelle2, ce

phénomène reste peu étudié en sciences de gestion. Si l’attention des chercheurs s’est portée

sur les communautés virtuelles de marque sur l’entreprise telles que définies par Jones (1995)

qui appréhende les communautés de marque avant tout comme des réseaux sociaux, peu

d’études se sont intéressées à un phénomène émergent, bien qu’encore marginal : les

2 Marketing Direct n°165, sept 2013. Dossier Communautés de marque : Place à la voix du client

Page 12: Mémoire Claire Flament

11 Introduction

communautés virtuelles initiées par la marque elle-même et gérées en dehors des réseaux

sociaux, sur une plateforme privée appartenant à l’entreprise.

Ainsi, de nombreux auteurs ont cherché à comprendre l’impact des communautés virtuelles sur

l’image de la marque, sur sa stratégie marketing (impact en termes de fidélisation (Hur et

al.2011, de loyauté (Jang et al.2008), ou encore d’engagement (Kim et al., 2008). Seules de

rares études pointent le potentiel des plateformes privées sur le marketing de l’entreprise.

La problématique de ce mémoire de recherche est issue d’une analyse et d’une réflexion menée

sur l’évolution des médias sociaux et leur implication dans la vie de l’entreprise. Certaines

études ont pointé leurs limites, voire leur danger dans la qualité de la relation entre la marque

et ses consommateurs : Ainsi, Ferrero a dû fermer sa communauté MyNutella : les participants

n’ont pas accepté l’intrusion et la récupération par la marque. En parallèle, certaines marques

se lançant dans l’aventure d’une communauté initiée par elle-même ne parviennent pas à

rencontrer leur public et à générer une audience pertinente : ainsi, le Club Med, après un premier

échec, peine à faire émerger sa communauté HappyClubMed. Pourtant, à l’image de Nike,

Cultura, Nestlé, la communauté de la marque peut devenir un vrai succès et renforcer le capital

marque de l’entreprise.

Ainsi, ce mémoire de recherche a pour objectif principal d’apporter des éléments de

compréhension de ce phénomène dont le potentiel marketing ne peut laisser indifférent mais

aussi de fournir des pistes d’exploitation de l’outil dans le cadre d’une stratégie purement

marketing en utilisant la dynamique de groupe pour accéder à la connaissance et permettre le

développement de la marque.

C’est dans une démarche exploratoire que nous avons choisi d’aborder l’étude de ce concept :

cette recherche a pour double objectif de faire ressortir les spécificités de ces plateformes par

une définition détaillée et de l’envisager comme un outil indépendant des communautés issues

des réseaux sociaux traditionnels : Nous aborderons les attentes marketing des entreprises et les

possibilités d’en tirer le meilleur : Nous espérons ainsi faire ressortir des pistes de réflexions,

des points d’interrogation qui pourront faire l’objet de recherches futures.

La problématique générale de ce mémoire est large, car avant tout exploratoire et peut se

résumer ainsi :

Pourquoi, à l’heure du Social média, la marque choisit-elle de créer une communauté

virtuelle fermée et comment peut-elle en tirer le meilleur ?

Afin de trouver des éléments de réponse, nous proposons une démarche multi-méthodes :

C’est tout naturellement vers les managers de marque et professionnels du marketing digital

que va se porter notre attention première : Une investigation par entretiens individuels doit nous

permettre de faire ressortir les principales attentes des entreprises vis-à-vis de ce type d’outils.

Il s’agit de détecter les motivations profondes, et pas toujours avouables à leurs consommateurs,

qui poussent l’entreprise à initier ce type de plateforme.

Page 13: Mémoire Claire Flament

12 Introduction

Cette investigation sera complétée d’une analyse de cas des plateformes elles-mêmes. Ainsi, 5

plateformes communautaires privées seront étudiées : les plateformes Cultura, DoYouVespa,

Séphora et Monlookéa, Kréalinks : Le choix de ces plateformes très différentes les unes des

autres, est issu d’une volonté de favoriser la diversité des sources d’informations.

De cette phase de recherche, nous espérons faire émerger les éléments de réponse à la première

partie de notre problématique : Pourquoi la marque choisit-elle d’initier une communauté

virtuelle fermée ?

Les théories marketing et sociologiques seront mobilisées dans la phase d’analyse des résultats,

et particulièrement la théorie du marketing holiste, du marketing relationnel. Nous puiserons

dans la littérature psychosociologique pour éclairer le phénomène de dynamique de groupe ou

d’intelligence collective inhérent à ce type de structure, mais aussi pour revenir aux sources

sociologiques du phénomène communautaire : Au sein de ces plateformes communautaires se

combinent en effet des mécanismes purement marketing et des mécanismes sociologiques issus

de l’effet de groupe.

De cette première approche de notre problématique, nous pouvons déterminer les questions de

recherche suivantes :

- QR1 : Que recherchent les marques en créant une plateforme communautaire privée ?

quels sont les objectifs affichés ? les objectifs cachés ?

- QR2 : Comment réunir suffisamment de membres impliqués pour parvenir au succès de

ce type de plateforme ?

- QR3 : Comment tirer le meilleur de ces groupes ?

Ces premières questions de recherche nous poussent à porter une attention particulière au

groupe en lui-même, en étudiant la dynamique de groupe générée et amenant de nouvelles

interrogations concernant les participants eux-mêmes.

En effet, l’investissement financier et humain dans la création d’une communauté virtuelle

privée est significatif. Dès lors, ce type d’initiative doit apporter une plus-value réelle à

l’entreprise qui ne peut se contenter d’accepter une participation passive de ses membres. Une

étude quantitative menée auprès des consommateurs aura pour objectif de fournir les éléments

de réponse à deux questions complémentaires majeures :

- QR2a : Quel profil d’utilisateur est susceptible de servir efficacement la marque ?

- QR2b : Qu’attendent-ils de la communauté

- QR2c : Comment générer une participation active ?

Le questionnaire administré auprès de consommateurs appartenant ou non à une communauté

virtuelle de marque fermée portera sur deux outputs particulièrement pertinents dans le cadre

Page 14: Mémoire Claire Flament

13 Introduction

de cette recherche : le phénomène de co-création et le besoin de reconnaissance sociale qui

pousse le consommateur à participer à la vie de la marque.

Nous nous poserons également la question de l’importance du besoin d’affiliation sociale dans

le cadre d’une communauté fermée et tenterons de déterminer son impact réel dans la réussite

d’une communauté virtuelle de marque.

III. Les implications managériales

Ces dernières années ont vu la naissance d’un nouveau service proposé aux entreprises par les

Instituts d’études ou les agences de communication digitales : la création artificielle de

communautés virtuelle de marques : En fonction des objectifs stratégiques et marketing des

entreprises et après avoir établi un cahier des charges strict déterminant la cible, les canaux

d’interactivité et les outils d’animation pertinents…ces instituts se chargent de créer ces

plateformes artificielles pour le compte des marques.

Ces communautés peuvent compter plusieurs milliers de membres (entre 500 et 80 000) et

représentent un investissement financier non négligeable (un minimum de 300 000 euros pour

la création est avancé par les professionnels, il faut ensuite y consacrer du temps et du personnel

pour l’animation et l’analyse des données.)

Construire sa communauté de marque n’est donc pas sans conséquences pour l’entreprise : un

échec, au-delà de l’investissement perdu, peut également avoir l’effet inverse et nuire au capital

marque (cf. l’échec de la communauté MyNutella).3

De nombreux exemples montrent cependant qu’une communauté efficace peut servir la marque

et contribuer à son développement.

Notre ambition est de pouvoir donner aux managers de marque les pistes de compréhension de

cet outil leur permettant de les appréhender efficacement : détermination des objectifs en amont,

mise en place des outils d’animation adaptés, ciblage pertinent des membres….

La création d’une communauté virtuelle de marque fermée répond à des préoccupations avant

tout marketing : Loin de l’univers des réseaux sociaux ou des communautés virtuelles initiées

par les consommateurs répondant à des objectifs avant tout sociaux, (B.Cova évoque un

« marketing tribal » (2006) la communauté virtuelle de marque fermée peut devenir un outil de

marketing management puissant au service du développement de la marque, à condition que la

plateforme créée encourage la collaboration de ses membres et soit exploitée sans perdre de vue

les objectifs marketing.

Au-delà de la structure de la plateforme elle-même, il s’agit pour les managers de comprendre

comment en tirer le meilleur : de l’ethno-consumérisme à la co-production, voire la co-création,

les perspectives d’opérationnalisation de la communauté sont multiples. Ce mémoire de

3 J.Leroy « Gestion de la relation avec une communauté virtuelle dans une stratégie de co-création », Décisions

Marketing, oct-déc 2008

Page 15: Mémoire Claire Flament

14 Introduction

recherche a pour ambition de fournir des pistes d’instrumentalisation de l’outil aux managers

de marque par un focus sur ces outputs.

Enfin, en portant une attention particulière sur le profil des consommateurs, nous souhaitons

pouvoir aider les managers à cibler les profils les plus pertinents, susceptibles de servir les

intérêts de la marque, et à leur proposer des canaux d’interaction adaptés.

Page 16: Mémoire Claire Flament

15 Introduction

Ce mémoire de recherche propose une structure en trois parties : La revue de littérature proposée

dans un premier chapitre a pour objectif de définir notre cadre d’analyse en passant en revue

les différentes conceptions sociologiques et marketings de la communauté virtuelle de business-

to-consumer et son impact sur le développement de la marque. Envisagée comme un outil

marketing au service de la marque, nous présenterons également dans ce chapitre les

fondements théoriques sur lesquels cette recherche s’appuie : la dynamique des groupes

restreints et le processus d’Intelligence Collective que peut générer ce type de groupe : C’est

dans la littérature sociologique que nous puiserons les éléments d’information nécessaires à la

compréhension de ce phénomène.

Un second chapitre sera consacré à la méthodologie mise en place : Nous exposerons les

différentes étapes entreprises afin d’obtenir les données, à la fois qualitatives et quantitatives

qui permettront la construction d’un cadre conceptuel. Les résultats seront ensuite détaillés

Nous procéderons, dans un troisième chapitre, à une analyse et une interprétation de ces

résultats en portant une attention particulière à trois outputs : La connaissance, la veille

stratégique, la dynamique de groupe.

Nous proposerons de faire le point, en conclusion, sur les apports d’une communauté virtuelle

business-to-consumer à la marque et nous efforcerons de dégager des pistes

d’opérationnalisation afin que la marque puisse en tirer le meilleur et valoriser son

investissement : Nous espérons ainsi apporter une contribution théorique et managériale à ce

domaine de recherche en marketing.

Néanmoins, cette recherche étant exploratoire, les limites et voies de recherche futures pourront

être dégagées et pourront faire l’objet, nous l’espérons, de recherches plus poussées dans le

cadre d’une thèse doctorale.

Page 17: Mémoire Claire Flament

16 Introduction

Motivations

individuelles à

s’engager et à

participer

activement

Attentes

marketings des

managers

Dynamique

de groupe :

processus

d’IC

QR5

Valorisation personnelle

Bénéfices utilitaires et

économiques

Affiliation sociale

Participation collective

dans l’atteinte d’objectifs

communs : focus sur la

coproduction

collaborative

Communication

positive : valorisation

capital marque

Recruter, fidéliser,

engager par une

approche relationnelle

Envie de collaborer

avec la marque

Profil des participants

Efficacité de la

communauté

virtuelle

Synthèse

partielle

Figure 1

Proposition d’un cadre conceptuel de

la recherche

QR1a

Accéder à la

connaissance

QR1b

QR1c

QR2a

QR1

QR2

Appropriation des

outils sociaux

QR2b

QR2c

QR

4

Page 18: Mémoire Claire Flament

17 Chapitre 1 : Revue de littérature

Chapitre 1 : Revue de littérature

L’objectif de ce premier chapitre est de présenter les concepts et fondements théoriques autour

desquels se structure cette recherche. Nous proposons une revue de la littérature scindée en

quatre sections : Dans un premier temps, il est nécessaire d’effectuer un premier point sur le

concept de communauté virtuelle et de communauté virtuelle de marque : nous reviendrons

ainsi sur ses origines, les différentes définitions proposées par la recherche et nous efforcerons

de comprendre son mécanisme (I).

I. La communauté virtuelle : une approche sociologique et marketing du

concept.

Selon Benghozi (2006), « Internet a permis l’émergence de nouvelles formes hybrides de

structures sociales faisant apparaître des modèles radicalement nouveaux de production,

d’information ou de distribution centrés autour de la coopération au sein de communautés aux

frontières évolutives, offrant des alternatives efficientes aux organisations traditionnelles. » :

Certes, si le Web social a pu se développer à l’origine sur une base communautariste, la notion

de communauté virtuelle regroupe en vérité une diversité de phénomènes de par la nature même

des relations sur lesquelles ils se fondent : Dès lors, une utilisation généralisée de l’expression

à tout propos pousse Proulx (2002) à envisager aujourd’hui l’expression comme un cliché,

regrettant l’absence de réflexions sur la pertinence d’un recours systématique à cette notion

pour éclairer les structures sociales issues du Web.

Pour reprendre les propos de Fernack et Thompson (1995) déjà cités en amont : « La

communauté virtuelle est encore un concept amorphe en raison du manque de modèles mentaux

partagés sur ce que constitue exactement une communauté dans le cyberespace. »

Certes, les définitions existent mais peu d’auteurs en marketing explicitent vraiment le concept

de communauté virtuelle comme le montre le tableau 1 qui propose de reprendre les définitions

proposées dans la littérature :

Tableau 1 : les définitions du concept de communauté virtuelle en marketing

Auteurs Définitions

Rheingold, 1993 Agrégation sociale qui émerge du cyberespace lorsqu’il y a assez de

personnes qui tiennent des discussions publiques pendant

suffisamment longtemps et avec suffisamment de sentiments

humains pour former un réseau de relations interpersonnelles sur le

cyberespace.

Hagel et Armstrong, 1997 Groupe de personnes avec des intérêts et des besoins en commun

qui se rassemblent en ligne.

Page 19: Mémoire Claire Flament

18 Chapitre 1 : Revue de littérature

Barnatt, 1998 Tout groupe de personnes partageant un lien commun mais ne

dépendant pas d’interactions physiques ni de locations

géographiques communes afin de maintenir leur affinité de groupe

Kozinets, 1999 Groupe de personnes en ligne qui partagent des comportements

communs ou des activités communes, qui respectent les principes

moraux standards et qui tentent de fonder une communauté ou qui

coexistent dans le voisinage immédiat les uns des autres

William et Cothrel, 2000 Groupe de personne qui se lancent dans des interactions en ligne

avec plusieurs autres personnes, et qui se forment quand des

personnes ayant les mêmes intérêts sont capables d’interagir.

Ponnavolu, 2000 Entités virtuelles de consommateurs, formées par les affaires

électroniques d’une entreprise, afin de faciliter les échanges

d’opinions et d’informations concernant les produits et les services

offerts par l’entreprise.

Ridings et al.2002 Groupe de personnes avec un intérêt commun qui interagissent

régulièrement ensemble de manière organisée sur Internet

Dholakia, Bagozzi et Pearo,

2004

Groupe spécialisé, dispersé géographiquement qui est basé sur la

structure et le dynamisme d’un ensemble de relations entre les

participants qui partagent un intérêt commun

Chen, Wu et Chung, 2008 Groupe de personnes ayant des préoccupations et des intérêts

communs qui utilisent Internet comme moyen de communication et

comme mécanisme d’échange d’information.

De ces différentes définitions émergent quatre caractéristiques majeures des communautés

virtuelles résumées par Casalo et al. (2008) : Un groupe lié par une volonté commune

d’interagir, un intérêt commun, le partage de normes, l’utilisation des outils du web pour

échanger et assurer la cohésion du groupe.

Ces caractéristiques dégagées, une interrogation se pose sur l’essence même de ce type de

regroupement.

A. Retour sur les origines psychosociales du concept de communauté virtuelle

Il est intéressant de revenir sur l’étymologie même des mots ‘communauté’ et ‘virtuelle’ :

Le terme « communauté » provient du latin communis dérivé de cum (avec, ensemble) et munus

(charge, dette). Le concept renvoie à une relation sociale caractérisée par des obligations

mutuelles : Pour reprendre le modèle proposé par Dubost (1995), un réseau défini par des règles

du type donner- recevoir- rendre. On envisage ici les limites du terme « tribu » (Cova, 2001)

que certains chercheurs utilisent pour définir ce phénomène, bien plus complexe.

De son côté, P.Lévy rappelle que le mot virtuel provient du latin virtualis dérivant lui-même de

virtus (force, puissance). Par ailleurs virtus signifie aussi vertu (Quéau, 1993, Cadoz, 1994) au

sens de « qualité » mais aussi « pouvoir ». Ainsi, pour P.Lévy (1995), virtualiser une entité c’est

remonter à son essence : Selon l’auteur, en affranchissant l’activité humaine des contraintes de

Page 20: Mémoire Claire Flament

19 Chapitre 1 : Revue de littérature

la matière, de l’espace et du temps, a ouvert des possibilités jusque-là inédites : Le virtuel serait

« hyper-réel » et les technologies du web permettent d’ouvrir une porte sur toute la richesse du

réel (Weissberg, 1999 ; Doel et Clarke, 1999).

On peut alors envisager la communauté virtuelle comme un nouveau mythe fédérateur au sens

originel de Tönnies (1996) : « Partout où les hommes dépendent les uns des autres par leur

volontés organiques et s’approuvent mutuellement, il y a communauté. »

Notons que Barlow (1996), y voit un point d’ancrage propre à restaurer un lien social menacé :

« A nouveau les gens avaient un endroit où leur âme pouvait s’installer tandis que les

compagnies pour lesquelles ils travaillaient ballottaient leur corps à travers l’Amérique. Ils

pouvaient se faire des racines qui ne seraient pas arrachées par la force de l’histoire

économique. Ils avaient un intérêt collectif. Ils avaient une communauté. »4. De son côté, Stone

(1994) considère la communauté comme une « notion dynamique jouant un rôle central dans

la manière dont la société se conçoit elle-même. »

Ainsi, selon Proulx, la communauté virtuelle renvoie à des formes sociales fondées avant tout

sur la communauté d’intérêt : se pose alors un axe de réflexion majeur sur la question de leur

‘consistance’ sociale, c'est-à-dire l’ampleur du rôle qu’elles peuvent jouer dans une société

(Fernback, 1997) : « A l’ère des réseaux sociaux, du cyberespace (Gibson, 1985), la

communauté virtuelle serait-elle la figure post-moderne du collectif ? » (Proulx).

B. La communauté virtuelle, une nouvelle forme d’individualisme fondée sur un

contrat social

Dans sa « Déclaration de l’Indépendance du Cyberespace » (A Déclaration of the Indépendance

of Cyberespace ) (Barlow, 1996) évoque l’existence d’un contrat social défini entre les usagers

des groupes issus du Web tel qu’évoqué par Crozier et Friedberg (1977) selon qui tout système

collectif s’établit simultanément sur la différenciation de ses membres car chaque membre

trouve dans le contrat social un moyen d’atteindre ses objectifs personnels.

Dès lors, c’est à travers l’établissement graduel d’un contrat social autour de besoins spécifiques

et la coopération de ses membres en vue d’accomplir un objectif commun que la communauté

émerge (Crozier et Friedberg, 1977.) en s’appuyant sur les affinités, les intérêts communs et les

objectifs partagés (Newcomb et al.1970). Crozier et Friedberg assurent que deux raisons

majeures assurent le succès du groupe :

- Des conditions favorables à l’établissement de liens sociaux sur une base régulière

- Une opportunité commune.

Cette base communautaire dégagée et constituant son essence, le succès d’une communauté

virtuelle dépend ensuite de la ‘capacité de coopération de ses membres’. Ce processus

4 JP Barlow, 1996, “déclaration d’indépendance du cyberspace” : l’auteur voit dans la communauté virtuelle un

moyen de permettre à la société civile de se réapproprier le gouvernement accaparé par un Etat omniprésent.

Page 21: Mémoire Claire Flament

20 Chapitre 1 : Revue de littérature

collaboratif est largement soumis d’une part, aux mécanismes d’interaction des membres entre

eux (anonymat ou non, groupes de discussions), et d’autre part aux mécanismes de régulation

du groupe qui permettent de maintenir son identité sociale et sa capacité d’action. Selon

JF.Marcotte (2003) : « les individus parcourent les espaces de discussions s’appuyant sur une

culture, un système de valeurs et un univers symbolique propre aux usagers ».

A notre sens, la marque peut aborder cette problématique de deux manières :

- Selon Smith (1992), les individus entrent dans ces environnements avec leurs propres

références culturelles et leurs expériences de vie au sein de différentes communautés

.Ainsi, en favorisant l’échange entre ses membres, la marque leur permet de participer

au développement d’un système de valeurs propres à la communauté et prend peut-être

le risque d’une inadéquation des valeurs de la communauté avec celles qu’elle s’efforce

de véhiculer à travers son capital marque.

Les valeurs de la collectivité virtuelles risquent parfois même de rentrer en conflit avec

celles de la marque et déterminer l’échec de la communauté initiée par la marque (cf.

communauté MyNutella ou génération Benz.)

- Dès lors, certaines marques font le choix de déployer une plateforme minimisant ces

possibilités d’échanges mais favorisant l’implication individuelle de chacun d’eux :

Dans ces cas l’interactivité Marque/membre domine largement et nous pouvons nous

interroger sur la valeur du contrat social : Nous verrons à travers notre étude de cas

notamment, que certaines marques n’hésitent pas à ‘inventer’ des substrats d’échanges

entre membres alors même qu’elles gardent une totale maîtrise de ces échanges (Dans

la communauté de la marque Cultura, les membres pensant pouvoir envoyer un message

privé à d’autres membres s’adressent en fait à un chargé de clientèle.)

( Ben Yahia et Guiot, 2012) démontrent à travers une étude menée sur 342 membres de

communauté, que la participation collaborative de l’entreprise est indispensable pour favoriser

ces relations.

Avant d’explorer la spécificité de notre cadre d’analyse, la communauté de marque Business-

to-consumer (III), il nous apparait important de nous efforcer d’explorer les forces de ‘ce

collectif’ à travers l’étude du concept de dynamique de groupe et d’Intelligence collective

II. la Dynamique de groupe restreint : terrain d’émergence d’une Intelligence

collective.

A. La dynamique des groupes restreints

Le Web Social (Weber, 2007), plus connu sous le vocable Web 2.0 (O’Reilly 2005) est le fruit

d’un processus d’Intelligence Collective initié grâce aux outils d’Internet : Ce sont les

contributions de millions de personnes (le fameux User Generated Content) qui ont pu rendre

cet outil social. Ainsi, le magazine Time nous désigne nous, l’ensemble des internautes,

Page 22: Mémoire Claire Flament

21 Chapitre 1 : Revue de littérature

personnalité collective de l’année 2006 (Person of the year) : « Pour avoir pris en main les

rênes des médias, pour avoir fondé et encadré la nouvelle démocratie numérique, pour avoir

travaillé pour rien et battu les pros à leur propre jeu, le prix de la personnalité de l’année 2006

du Time est pour vous. », écrit Lev Grossman dans son éditorial.

Ainsi la culture du Web social partagée par l’ensemble des internautes, s’exprime à la fois sur

les réseaux sociaux, mais aussi au sein de ‘communautés virtuelles’ regroupant un ensemble

d’individus autour d’un intérêt commun (Rheingold, 1995) : « Les communautés virtuelles sont

des regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu’un nombre suffisant

d’individus participent à ces discussions publiques pendant assez de temps en y mettant

suffisamment de cœur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du

cyberespace. ». D’autres auteurs s’appuient sur l’idée qu’un groupe est plus intelligent qu’une

seule personne et permet une hausse du savoir (Lévy, 1995 ; Surowiecki, 2008. Kaplan et

Haenlein, 2010). Selon Lévy (1995), l’intelligence collective est « une intelligence partout

distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation

effective des compétences. ». Surowiecki (2008) évoque de son côté la sagesse des foules.

Penser en termes de groupe n’est pas naturel, les langues anciennes ne disposaient d’ailleurs

pas de terme pour désigner une association de personnes en nombre restreint poursuivant des

objectifs communs. Il faut attendre le XVIIème siècle pour que ce mot soit importé d’Italie. Il

possède alors deux significations : le nœud comme degré de cohésion entre les membres, et le

rond comme le cercle de personnes gravitant en son sein.

Précurseur du concept de dynamique des groupes, C.Fournier affirme début XIXème que

l’homme est avant tout un être social, donc groupal. A la fin du XIXème siécle, Durkheim forge

pour la première fois l’hypothèse d’une conscience collective, définissant « Le groupe social

comme étant plus que la somme de ses membres, c'est-à-dire comme totalité ».

Au XXème siècle, JP Sartre va plus loin et définit le groupe comme « un tout dynamique », en

mouvement constant. Il existe selon lui au moins 2 conditions pour passer du rassemblement

au groupe : Un intérêt commun entre les membres et la possibilité de communications directes.

Plus encore, selon Freud, le ressort de la psychologie groupale est l’identification, une

dimension reprise par E.Mayo, pour qui « L’individu réagit en fonction de ce qu’il ressent du

groupe, ceci dépendant en grande partie du climat du groupe et de son degré d’appartenance

à ce groupe. »

Il faut attendre 1944 pour que K.Lewin exprime pour la première fois l’expression ‘ :

« dynamique de groupe » : « le groupe est considéré comme une totalité dynamique qui

détermine le comportement des individus qui en sont membres ». L’auteur a également pu

déterminer la supériorité de la décision du groupe par rapports aux simples informations

données aux individus et définit finalement le groupe par l’interdépendance entre ses membres.

Cattel de son côté introduit la variable satisfaction apportée aux besoins de ses membres

comme prérequis, alors que Moreno détermine l’importance de l’affinité entre ceux-ci.

Page 23: Mémoire Claire Flament

22 Chapitre 1 : Revue de littérature

Selon K.Lewin, « la cohésion du groupe est le résultat des forces d’attraction exercées par le

groupe à l’égard de ses membres en tendant à les maintenir en son sein : d’une part le groupe

lui-même est l’objet d’un besoin à satisfaire, d’autre part il constitue pour l’individu un moyen

de satisfaire des besoins dont l’origine est extérieure au groupe. ».

B. la puissance d’agir des contributeurs : l’Intelligence du grand nombre

Selon (Castells 2006), un nouveau modèle social serait en train d’émerger à partir d’Internet et

de la figure du réseau au sein duquel deux logiques sociales se complètent, s’affrontent parfois

ou se juxtaposent :

- la volonté d’accéder à la connaissance via la captation des contributions des internautes

utilisateurs du Web relationnel , par les entreprises propriétaires de plateformes

relationnelles. Castells évoque un nouveau capitalisme informationnel, source directe

de la production de valeur.

- Les aspirations d’empowerment et d’agency des consommateurs favorisées par la

possibilité de prise de parole à l’échelle de groupe et de communauté en ouvrant vers

un « idéal de démocratie participative ».

Revenons sur l’émergence de cette logique sociale émancipatrice ou ‘capacité d’agir’ au sens

de Proulx (2002) qui contraste radicalement avec la logique économique de captation

capitalistique des contributions du plus grand nombre qui correspond finalement à savoir LIRE

à travers ces contributions pour en retirer le meilleur (processus d’Intelligence collective).

- -

- La ‘puissance d’agir’ des participants à une communauté virtuelle : le

phénomène d’agency

Le concept ango-americain d’agency, fortement lié à celui d’empowerment des acteurs sociaux

humains, désigne ‘la capacité d’agir des acteurs’ (J.Vidal, 2008). M.Foucaut et G.Deleuze vont

plus loin et évoque plutôt une ‘puissance d’agir’ et lui donne une dimension collective. Pour

pouvoir prétendre d’un empowerment conséquent, les sujets doivent penser à la fois comme

communauté épistémique (c’est-à-dire comme un lieu de production collective d’une

connaissance commune) et comme un acteur collectif, susceptible ainsi d’intervenir

efficacement dans l’arène publique de manière à disposer d’une puissance d’agir collective et

démocratique. Latour (2006) évoque un héritage spinoziste « qui laisse penser les acteurs ».

Jenkins (2006), s’est penché sur ce phénomène qu’il nomme ‘culture participative’ et en décrit

les caractéristiques ainsi que les conséquences pour les ensembles sociaux : L’usager est ici

considéré comme le centre du dispositif et incité à produire et diffuser son propre contenu en

ligne (l’UGC). Sa participation doit être facilité par les faiblesses des efforts à fournir pour

exploiter les outils de contribution (Leadbeater et Mille, 2004). L’usager est ainsi perçu comme

jouant un rôle de plus en plus actif dans le processus de développement et d’innovation de

Page 24: Mémoire Claire Flament

23 Chapitre 1 : Revue de littérature

l’organisation (Oudshoorn et Pinch, 2008, Von Hippel, 2005, Cardon, 2005). Von Hipell (2005)

parle d’un processus de « démocratisation de l’innovation ».

La mobilisation des recherches sociologiques portant sur ce phénomène nous permet d’aborder

la communauté virtuelle comme un modèle social d’avant-garde, fondé sur une relation

horizontale entre tous ses membres, au sein duquel émerge une connaissance que les

organisations cherchent à capter. Yann Moulier Boutang5 (2007), qui tente de saisir les

mutations contemporaines du capitalisme évoque la naissance du ‘capitalisme cognitif’ :

« Nous serions en train de sortir du capitalisme industriel pour entrer dans un nouveau type

d’économie fondée sur l’accumulation du capital immatériel, la diffusion du savoir et le rôle

moteur de l’économie de la connaissance)

- Comment faire de ce groupe le siège d’une Intelligence Collective ?

Il s’agit de ne pas aborder ce terme dans son sens français, qui évoque l’intellect : il est

intéressant de se reporter à l’étymologie du mot : Selon le dictionnaire étymologique Picoche

l’intelligence renvoie à ‘LIRE’ : famille d’une racine indo-européenne : Leg « cueillir »,

« rassembler » en grec. Qui dit intelligence implique la notion de choix (faculté d’analyse et

de sélection) : Il faut savoir trier, Rassembler, c'est-à-dire remettre ensemble ce qui s’AS-

SEMBLE.

« Omnia Probate… » , faites la preuve de tout…et gardez ce qui est bon (Saint Paul dans I

Thessaloniciens) : Il s’agit bien de ce qui nous préoccupe ici : comment l’entreprise peut-elle

cueillir l’information, la trier et en tirer le meilleur pour son développement ?

L’Intelligence collective désigne les capacités cognitives, émotionnelles, sensorielles d’un

groupe ou d’une communauté résultant des interactions multiples entre ses membres. Comment

ne pas débuter cette revue de littérature par la définition proposée par P.Lévy, auteur de

l’Intelligence collective, pour une anthropologie du cyberespace : « Il s’agit d’une intelligence

partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une

mobilisation effective des compétences. »

Selon l’auteur, chaque membre de la communauté est détenteur d’une toute petite part de savoir,

une perception partielle de l’environnement global et ne peut avoir conscience de tous les

éléments qui peuvent influencer le groupe. Ces ‘agents’ au comportement très simple peuvent

ainsi accomplir des tâches très complexe grâce à un phénomène appelé Synergie qui fait

émerger des capacités d’agir supérieures à l’individu isolé. « Libérés de la raison et du calcul

par l’ordinateur, nous sommes en train de rassembler notre Intelligence Collective. »

P.Lévy distingue quatre caractéristiques majeures de ce phénomène :

5 Yann Moulier Boutang, « Le nouveau capitalisme », 2007, p85 ;

Page 25: Mémoire Claire Flament

24 Chapitre 1 : Revue de littérature

- Un ensemble de règles simples : Chaque individu se soumet à un ensemble de règles (logique

du ‘contrat social’ sous sa nouvelle forme : chartes, conditions d’utilisation des forums…

- Une information locale et limitée : Chacun des membres génères des milliers d’informations

que l’entreprise doit se donner les moyens de traiter pour accéder à la connaissance.

- Des interactions sociales favorisées : chaque individu doit pouvoir échanger avec les autres,

de manière libre.

- Une structure émergente utile à la collectivité : Il existe pour le participant un avantage, un

bénéfice à participer. Sa propre performance s’en trouve renforcée

De son côté H.Reeves6 s’interroge sur l’évolution de l’homme dans une perspective

scientifique : Selon l’auteur, l’évolution pousse à la performance qui se traduit par davantage

de complexité mais aussi, paradoxalement par la raréfaction des ‘représentants de chaque étape

qualitative. Ainsi, les ‘élus’, sont de moins en moins nombreux mais leur savoir de plus en plus

qualitatif.

Comment mettre en place une plateforme communautaire permettant à l’entreprise d’accéder à

cette Intelligence collective ?

Selon P.Soula, l’Intelligence collective provient d’interactions complexes et répondant à trois

grandes conditions :

- Une communauté d’intérêt reposant sur une structure horizontale (règles identiques

entre tous les membres, organisation dynamique : la répartition des rôles est fondée sur

le volontariat et la complémentarité des compétences), une gestion collective

(autonomie des membres), et une libre appartenance (l’existence de buts communs,

« l’affectio sociétatis » et une confiance mutuelle entre les membres)

- Un espace collaboratif : l’existence d’outils de coopération permet l’interaction entre

tous les membres. Sur une plateforme efficace, des interfaces facilitent la coordination

des actions : procédure, normes…, un système d’information sophistiqué permet

d’obtenir une vision synthétique et contextuelle pour chaque membre, la constitution

d’un corpus de connaissances (indexation de l’information), un système de régulation

a pour objectif d’évaluer et de corriger les erreurs. En favorisant le partage d’expérience

et de pratique, la plateforme suscite l’émergence d’une connaissance commune.

- Un projet mobilisateur : Afin d’atteindre une masse critique de participants et générer

une Intelligence Collectif, le projet doit être réfléchi en amont et répondre à certaines

caractéristiques (il doit être désirable, avoir un sens, être créatif pour susciter une

certaine émotion ou tout au moins un sentiment de divertissement, il doit enfin être

valorisant pour chacun de ses participants.)

6 H.Reeves : L’heure de s’enivrer : l’Univers a-t-il un sens ? (2000)

Page 26: Mémoire Claire Flament

25 Chapitre 1 : Revue de littérature

A la lumière de ces approches, se dessine tout le potentiel d’une plateforme communautaire

Business-to-consumer. Selon Yann Moulier Boutang (2007), « le capitalisme ne se nourrirait

plus du muscle consommé dans les machines » mais bien de la « force cognitive collective »

ou encore de l’Intelligence collective. Notre projet de recherche étant avant tout un projet

marketing, intéressons-nous maintenant à la manière dont les marques se sont emparées du

concept.

III. Quand la marque s’empare du concept de communauté virtuelle.

Chacun garde à l’esprit la formidable aventure de la marque Harley Davidson sauvée de la

faillite sous l’impulsion de sa communauté de marque, le Harley Owners Group ( H.O.G) (Mac

Alexander, Schouten, et Koening, 2002). De la même manière, Internet a rendu possible la

création de groupes réunis autour d’un intérêt ou d’une marque. (Hagel et Armstrong, 1997) :

Définies avant tout comme des communautés d’intérêt, au fil du temps, les communautés

virtuelles de marque se sont imposées et ont démontré la robustesse de leurs structures. Alors

même que la puissance sociale et marketing des réseaux sociaux s’effrite, générant une certaine

confusion sur le cadre conceptuel, les communautés les plus performantes renforcent leur

pouvoir et continuent de recruter.

Notons que pour Kozinets (2002), les communautés virtuelles ne sont pas moins réelles que

les communautés physiques, seuls les moyens d’échange et la distance géographique leur donne

une spécificité mais cependant pas moins de valeur.

Depuis les premiers travaux de Rheingold (1993) qui propose une première définition du

concept de communauté virtuelle (cf. tableau 1) de nombreuses recherches se sont intéressées

à ce phénomène et ont tenté de le définir : Selon Porter (2004), les communautés peuvent être

envisagées selon deux perspectives : Initiées par les particuliers, elles représentent un pur

produit du Web social concrétisant largement le phénomène d’Empowerment du

consommateur, initiées par les organisations ou entreprises elles-mêmes, elles peuvent devenir

un outil stratégique puissant au service de la marque.(figure 2)

Page 27: Mémoire Claire Flament

26 Chapitre 1 : Revue de littérature

Figure 2

Initiation et orientation

des relations dans les

communautés virtuelles

Adapté de Porter, 2004

De même, les différentes propositions de définition des communautés virtuelles mettent en

évidence ces différentes approches : Les communautés virtuelles sont tour à tour envisagées

comme simple interface de communication (Bagozzi et Dholakia, 2002. Lin, 2008 ; Wu et al.

2010), comme un outil communautaire (Rheingold, 1993 ; Hagel et Armstrong, 1997 ; Kollock

et Smith, 1999 ; Turkle, 1999) voire ‘tribal’ (Cova, 2006).

L’instrumentalisation marketing des communautés virtuelles par la marque fait l’objet de

recherches récentes (Kozinets, 1999 ; Wang et al. 2002, Gupta et Kim, 2004 ; Porter et Donthu,

2008).

Communauté Virtuelle

Initiées par des particuliers Initiées par des organisations ou

entreprises

Orientation des

relations Sociales

Orientation des

relations

Commerciales

Orientation des

relations

professionnelles

Orientation des

relations

Informationnelles

(Ethnographie)

Page 28: Mémoire Claire Flament

27 Chapitre 1 : Revue de littérature

Tableau 2 : la consommation comme ciment communautaire

Auteurs définitions

Kozinets, 1999

Groupes spécifiques qui sont concentrés sur des intérêts liés à la

consommation. Un groupe affiliatif dont les interactions en ligne sont

basées sur un enthousiasme partagé et sur la connaissance d’activités

de consommations spécifiques ou d’activités de groupe liées à celles-

ci.

Ponnavolu, 2000 Entités virtuelles de consommateurs, formées par les affaires

électroniques de l’entreprise, afin de faciliter les échanges d’opinion et

d’informations concernant les produits et les services offerts par

l’entreprise.

Muniz et O’Guinn

(2001)

Une communauté spécialisée liée non géographiquement basé sur un

ensemble structuré de relations sociales au sein d’un groupe

d’admirateurs d’une même marque

Schau et Muniz

(2002)

Forme spéciale de communauté virtuelle axée sur une marque

spécifique où les interactions entre les membres prennent

principalement place dans le cyberespace

Srinivasan,

Anderson et

Ponnavolu, 2002

Entités sociales en ligne comprenant les consommateurs existants et

potentiels qui sont organisées par un commerce électronique afin de

faciliter les échanges d’opinions et d’informations regardant les

produits et les services offerts

Amine et Sitz,

2004

La communauté de marque est un groupe non géographiquement

délimité de consommateurs qui partagent certaines valeurs, normes et

représentations et se reconnaissent des liens forts d’appartenance, de

chacun avec chacun et de chacun avec le tout communautaire sur la

base d’un attachement commun à une marque particulière.

Sicilia et Palazon,

2008

Groupe d’individus ayant des intérêts communs pour une marque et qui

communiquent les uns avec les autres électroniquement sur une

plateforme fournie par la compagnie qui supporte la marque.

Lin, 2008 Cyberespace possédant différentes technologies d’Internet telles que

les forums de discussion et les panneaux d’affichage électronique. Il

dépend des interactions sociales entre les membres qui partagent les

mêmes intérêts, construisent des relations sociales, créent des fantaisies

et conduisent des transactions.

Ces définitions donnent un éclairage intéressant sur l’évolution du concept de communauté

virtuelle de marque dans la recherche : A la définition de Muniz et O’Guinn (2001) largement

reprise dans la littérature selon laquelle l’existence du groupe est basée avant tout sur

l’admiration, un attachement commun des membres à une même marque ( La communauté

virtuelle de marque se rapproche ici de la sous-culture de consommation présentée par Schouten

et MacAlexander (1995) ou de ‘la tribu’ de passionnés telle que décrite par Cova et Cova (2001-

2002) dans la mesure où les membres se réunissent avant tout sur la base d’un attachement

prononcé et émotionnel à un produit de la marque (Harley Davidson, 2CV Citroen, Mini-

Cooper))( Cova et Pace, 2004), il faut confronter les définitions plus récentes (Srinivasan,

Anderson et Ponnavolu, 2002 ; Sicilia et Palazon, 2008, Lin, 2008) se référant plus

particulièrement à la valeur informationnelle (Ponnavolu, 2000) de la communauté initiée par

Page 29: Mémoire Claire Flament

28 Chapitre 1 : Revue de littérature

la marque elle-même : Dès lors se dessine une différence de nature entre la communauté de

marque virtuelle initiée par les consommateurs, issue d’un attachement prononcé à la marque,

et la communauté initiée par la marque dont les objectifs seraient de faciliter l’échange

d’informations entre la marque et ses consommateurs et les consommateurs eux-mêmes.

Nous pointons ici un élément intéressant qui guidera notre recherche et nous permet d’avancer

le constat suivant :

- Si l’avènement du Web Social a pu mettre en évidence le potentiel communautaire issu

de l’attachement et de l’admiration envers une marque, nous ne devons pas perdre de

vue que la relation entreprise/consommateur est avant tout basé sur un échange

économique. C’est sur la nature de cette relation commerciale que l’entreprise base la

création de sa communauté virtuelle, tout en lui donnant la dimension relationnelle

indispensable à son efficacité (E.Toufaily et J.Perrien, 2006), la préoccupation demeure

stratégique : Dans un cadre hyperconcurrentiel, l’entreprise a plus que jamais

l’obligation de comprendre les attentes et les motivations de ses consommateurs qui, de

leur côté exigent un accès à l’information et une possibilité de donner un retour

directement à la marque.

- Au besoin ‘d’être ensemble’ autour d’un attachement commun à une marque ou à un

produit (Schouten et MacAlexander, 1995) qui constitue le ciment communautaire

d’une structure initiée par les consommateurs eux-mêmes se conjugue une

rationalisation comportementale qui pousse l’individu à un besoin d’activité sociale ,

d’information et de reconnaissance auquel la marque peut répondre à travers sa

plateforme dite ‘communautaire’.

Ces définitions récentes nous garderons plus particulièrement à l’esprit celle de Srinivasan,

Anderson et Ponnavolu, (2002) : « les communautés virtuelles de marque sont des entités

sociales en ligne comprenant les consommateurs existants et potentiels qui sont organisées par

un commerce électronique afin de faciliter les échanges d’opinions et d’informations regardant

les produits et les services offerts » : Sans remettre en question la dimension sociale de la

communauté de marque, les auteurs pointent avec justesse la particularité d’une communauté

initiée par la marque, reprise par Porter (2004) (cf. Figure 2)

IV.Les spécificités de notre cadre d’analyse : la communauté de marque

Business-to-consumer

Dès lors se dessinent des opportunités marketing pertinentes pour la marque qui initié ce type

de plateforme rendant ainsi la gestion de la relation client plus efficace : La communauté

virtuelle de marque favorise la compréhension du comportement actuel et futur du

consommateur (Hoffman et Novak, 1996, Boyle, 2001) grâce à une plus grande interactivité

(Arnott et Bridgewater, 2002) et une possibilité de personaliser la relation avec les

consommateurs et futurs consommateurs (Arnott et Bridgewater, 2002, Bradshaw et Brash,

2001).

Page 30: Mémoire Claire Flament

29 Chapitre 1 : Revue de littérature

Bien plus, de nombreux auteurs pointent l’effet direct de la participation à une communauté

virtuelle de marque sur la fidélité (Dadzie, Chelariu et Winston, 2005 ; Choi et al. 2006 , Shang,

Chen et Liao, 2006. Li et Hung, 2006 ; Raîs et Gavard-Perret, 2011)

Ces différentes approchent nous poussent à envisager la communauté virtuelle de marque avant

tout comme un outil marketing qui, intelligenmment géré par la marque (en lui donnant une

dimension relationnelle indispensable à son succès) peut contribuer efficacement à son

développement (O.Brodin, 2002) en permettant d’initier une relation désormais horizontale

avec les consommateur devenant ainsi partie prenante de l’organisation : La communautée

virtuelle peut constituer un point de rencontre vertueux entre la marque et ses consommateurs

duquel peut émerger une dynamique de groupe.

- La communauté virtuelle de marque Business-to-Consumer : un concept encore

peu exploré.

Même si Sicilia et Palazon (2008) évoquent dans leur définition de la communauté de marque

l’existence d’une plateforme créée par la marque elle-même comme support communautaire, il

existe à notre connaissance peu d’études portant spécifiquement sur ce nouveau modèle de

communauté de marque initiée par la marque elle-même et qu’Arnone (2009) nomme

Communauté virtuelle Business-to-Consummer7 et définit ainsi : « Un collectif de

consommateurs réunis durablement par une marque au sein d’une plateforme communautaire

et qui, au travers des interactions et des mécanismes socioculturel qu’il génère, peut contribuer

à la réalisation d’objectifs marketing ».

De son côté l’agence Forrester Research propose de distinguer, dès 2009, trois types de

stratégies marketing utilisant les médias sociaux comme support :

- Le Social Média ‘You buy’, stratégie qui consiste pour la marque à acheter sa

communication sur des réseaux sociaux publics : une stratégie auparavant efficace mais

qui tend a tendance à montrer ses limites, ayant attribué un pouvoir certain aux leaders

tels que Facebook aujourd’hui remis en question.

- Le Social Média ‘You earn’, inclu cette fois l’utilisation gratuite des ces réseaux à

travers l’animation de pages ou de compte, mais qui laisse là encore, la marque soumise

aux exigences secrètes d’algorithmes qu’elles s’efforcent de comprendre.

- Le Social Média ‘You own’, la stratégie qui nous interesse ici et qui consiste à créer sa

propre communauté, sur une plateforme dont l’entreprise est totalement propriétaire et

au sein de laquelle la marque invite ses consommateurs à participer en utilisant les outils

et canaux de communication qu’elle met à leur disposition : Il peut s’agir de forums,

d’outils de création, de la possibilité de publier du contenu sous différentes formes

(Photos, vidéos, témoignage..)

Selon L.Arnone, ce type de plateforme permet l’ouverture d’un dialogue transparent, permet de

renforcer l’attachement des membres à la marque, favorisant ainsi la fidélisation (Fournier et

7 Arnone L. Approche marketing des communautés de marque business-to-consumer. Etude des processus

stratégiques de création et de gestion par la méthode du Decision Systems Analysis. Thèse de sciences

économiques et de gestion, Université de Mons, 2009

Page 31: Mémoire Claire Flament

30 Chapitre 1 : Revue de littérature

Lee, 2009 ; Shau, Muniz et Arnoult, 2009), plus encore, la communauté Business-to-Consumer

permet à l’entreprise de récolter de nombreuses données relatives au profil des membres. Enfin,

dans une démarche purement marketing, la communauté permet à la marque de communiquer

sur ses produits, et ce auprès d’une population ciblée.

Ce type de plateforme nécéssitant un investissement financier et humain important (plusieurs

centaines de milliers d’euros), son processus de création ne se fait pas au hasard : A.Decrop et

L.Arnone proposent le schéma suivant :

Figure 1

Exemple d’un processus de création

D’une communauté Business-to-Consumer

Selon ces chercheurs, la création et la pérénisation de la plateforme communautaire fermée

exige quatre étapes distinctes :

- Etape 1 : Analyse de la situation

Comme pour tout projet marketing, cette étape est primordiale et doit permettre

d’identifier les objectifs marketings de la marque et de les définir clairement. L’étude

des différentes communautés que nous présenterons plus loin montre que ces objectifs

sont variés (communication, fidélisation, recrutement, mais aussi étude du

comportement…). La confrontation de ces objectifs avec les attentes des membres

ciblés permet de déterminée leur adéquation. Il s’agit enfin de définir les ressources à

Page 32: Mémoire Claire Flament

31 Chapitre 1 : Revue de littérature

allouer, financières et humaines, d’une part pour la création de la plateforme, mais

également pour l’animation et la gestion future.

- Etape 2 : Définition du projet.

Ce cadre déterminé, il s’agit pour l’entreprise d’identifier la cible potentielle de cette

plateforme, d’en identifier ses attentes en fonctions desquelles proposé un ‘canevas’

communautaire comprenant 3 dimensions : l’ethos, le projet et l’espace. (Figure 2), à

savoir l’identité communautaire liant les membres de la communauté (marque incluse),

le projet collectif ou la valeur offerte aux membres (bénéfices hédoniques, bénéfices

sociaux…), et enfin les outils d’interaction propsés (forums par ex).

Figure 2

Proposition de canevas communautaire

L.Arnone (2009)

Les objectifs spécifiques sont plutôt d’ordre stratégiques pour la marque (création d’un

CRM, possibilité de Focus groupe…)

- Phase 3 : Mise en place et lancement de la communauté : s’effectue progressivement,

grâce à l’investissment de tous les membres de l’organisation, des collaborateurs aux

Page 33: Mémoire Claire Flament

32 Chapitre 1 : Revue de littérature

clients qui constitueront, ensemble, le noyau dur de la communauté, avant d’être étendu

(ou non, cf. Beneteau) aux nons clients grâce à de multiples campagnes d’animation.

- Phase 4 : Gestion de la communauté : Il s’agit d’une part de maintenir et d’étendre la

plateforme, mais également de capitaliser sur ses membres et d’en tirer le meilleur en

les stimulant régulièrement (entretien de la relation), et en les poussant à collaborer au

développement de la marque.

Des études menées par L.Arnone, il ressort une exigence d’interaction avec la marque plus

marquée qu’une volonté d’échanger avec d’autres consommateurs : Les auteurs recommandent

une position équilibrée entre les objectifs de veille de la marque (qui exigent le moins

d’intervention possible) et les exigences des membres.

C’est à la lumière de ce processus que nous proposons une approche multi-méthodes de ce type

particulier de plateforme communautaire.

Page 34: Mémoire Claire Flament

33 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et

résultats

L’objectif de cette recherche étant de détecter la pertinence stratégique d’une communauté de

marque fermée, il est essentiel de mener une recherche permettant une confrontation entre d’une

part, les attentes des entreprises initiatrices de ces communautés et les motivations qui peuvent

pousser le consommateur à y adhérer. Pour cela, nous avons choisi l’utilisation d’une méthode

mixte.

L’utilisation des méthodes mixtes a été préconisée dans un premier temps dans le domaine de

la stratégie afin d’appréhender des situations complexes et de s’efforcer de les rendre

intelligibles. Ainsi, en réponse à l’opposition traditionnelle (positivisme/constructivisme et

quantitatif/qualitatif) qui guide la recherche française (Moisdon, 1981 ; Pras, 1981), le potentiel

des méthodes mixtes émerge depuis une dizaine d’années. Selon Martinet (2006),

« l’intelligibilité d’une situation stratégique ne peut se satisfaire d’une latéralisation de la

pensée ». De même, « la recherche en gestion ne peut pas, de par sa nature, se départir d’une

approche multi méthodes, parce qu’elle s’intéresse à des objets complexes et

multidimensionnels » (Provost, 1999). En marketing, Koller (2008) a pu mettre en avant

l’intérêt de ces méthodes.

Parmi les différents designs de méthodes mixtes qui ont pu être élaboré (Caracelli et Graham,

1989 ; Patton, 1990 ; Creswell, 1999, Creswell et al. 2003), nous retiendrons le celle de Creswell

qui propose quatre types majeurs de modèles de méthodes mixtes : La triangulation, le design

de complémentarité, le design explicatif et le design exploratoire.

Dans le cadre de notre recherche, notre objectif étant de détecter les attentes des managers de

marque vis-à-vis d’une communauté virtuelle de marque fermées et de confronter ces attentes

aux motivations des consommateurs à adhérer et à participer à ce type de communauté, le

design exploratoire semble particulièrement adapté.

Le design exploratoire est une conception séquentielle qui consiste à utiliser des méthodes

qualitatives pour détecter les champs conceptuels concernant une question, puis d’utiliser ces

concepts pour élaborer et administrer un outil de mesure quantitatif. Cette méthode est

notamment utilisée lorsque les mesures ou instruments sont inconnues, ou que le champ de

recherche est relativement nouveau. Or, si le phénomène communautaire online et ses

conséquences sur le comportement du consommateur a été largement étudiée ces dix dernières

années, l’étude et la mesure des attentes des entreprises vis-à-vis ce type de plateforme ne

bénéficie pas, à notre connaissance, d’outil de mesure. Les variables demeurent inconnues, une

première analyse qualitative devra permettre de les détecter afin de créer, dans un second temps,

un outil de mesure adapté.

Page 35: Mémoire Claire Flament

34 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Figure X : le design exploratoire (inspiré de Creswell et al., 2006)

Design de la recherche :

Une première approche exploratoire a double objectif : d’une part de comprendre les

attentes des managers de marque vis-à-vis de ce type de plateforme grâce à

l’administration d’entretiens semi-directifs, d’autre part de procéder à une étude de cas

permettant de rendre compte du phénomène.

A l’issue de cette phase exploratoire, les thèmes principaux détectés serviront à la

construction d’un questionnaire administré auprès de consommateurs. Cette étude

quantitative aura pour ambition de détecter les motivations qui peuvent pousser les

consommateurs à collaborer et coopérer avec la marque à travers sa communauté.

Figure 3

Design de la recherche

Données et

résultats

QUAL

Données et

résultats

QUAN

Interprétation

Entretiens

semi-directifs

avec des

professionnels

Phase Qualitative

Etude de cas

Phase quantitative

Enquête auprès

de

consommateurs

Enquête auprès de

participants aux

communautés de

marque

Interprétation :

Existe-t-il une relation

positive entre les attentes

managériales les

motivations des

consommateurs à

participer à une

communauté virtuelle

business-to-consumer ?

Construction

d’un

questionnaire

quantitatif

+

Page 36: Mémoire Claire Flament

35 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

I. Présentation générale de l’approche.

A. La phase qualitative

De nombreuses questions se sont posées sur la pertinence des sources dans cette phase

qualitative combinant des entretiens avec des professionnels et des études de cas : Quels

professionnels interroger ? Quelles communautés étudier ? Chaque communauté de marque

fermée possède ses propres caractéristiques : Certaines favorisent l’échange d’expérience entre

consommateurs (Maggi, MonLookéa), d’autres incitent à la co-création, voire à la co-

production (cf DoYouVespa ?), d’autres encore, accessibles uniquement sur invitation (Skiller)

ou seulement aux propriétaires de produits de la marque (cf. la communauté Beneteau Yacht

Club).

Dans le cadre de cette démarche exploratoire, il est essentiel de favoriser l’hétérogénéité des

sources.

a. Investigation par entretiens individuels La vision imprécise du champ d’analyse rend cette première étape d’investigation essentielle.

Dans notre démarche l’entretien en profondeur (parfois appelé étude de motivation (E.Dichter,

1960) est particulièrement adapté et doit pouvoir éclairer plusieurs éléments :

Appréhender les comportements des managers vis-à-vis de communautés

de marque par l’analyse des composantes cognitives (connaissance du cadre

d’analyse, les communautés virtuelles de marque fermées), conative

(l’intention ou non d’initier ce type d’outil pour sa marque) et affective (qui

fera que le manager a envie de créer sa propre communauté de marque

privées.)

Comprendre les attentes, motivations qui ont poussé ou qui pousseront les

managers à investir dans ce type de communauté

Cerner les freins possibles quant à la mise en place de ce type d’outil.

Qui interroger ?

Le choix des répondants a été guidé par la question d’étude. Il s’agit ici de détecter des

motivations managériales d’une manière générale et non pas se contenter de recueillir le

témoignage de professionnels déjà convaincus par la pertinence de l’outil communautaire.

Dans ce cadre, l’hétérogénéité des répondants est préférable afin d’explorer ce champ d’étude.

En cohérence avec nos objectifs, nous avons sélectionné les répondants sur la base de 3 critères

principaux :

La responsabilité et la gestion d’une marque (ou d’un service).

L’utilisation des outils online pour promouvoir leurs produits ou services.

Page 37: Mémoire Claire Flament

36 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

La connaissance du Web Social

Guidé par ce souci d’hétérogénéité, nous nous sommes efforcé de diversifier les secteurs

d’activité (services, produits de grande consommation, voyagistes…), la diversité des métiers

(Responsable de marque, responsable stratégie digitale, responsable communication marque

employeur) et le profil des répondants (Homme/Femme)

Comment mener ces entretiens ?

Il convient de s’interroger sur le mode de recueil des données dans le cadre de ces entretiens

semi-directifs. En effet, notre recherche portant sur un thème extrêmement spécifique, les

personnes sollicitées, responsables de marques ou spécialistes du web social disposent de peu

de temps et ne peuvent pas toutes se rendre disponible pour un entretien en face à face. La

question qui se pose alors est l’efficacité d’un mode d’administration online de ce type

d’entretien.

Une analyse de la littérature semble confirmer l’efficacité de cette approche : Dès l’apparition

d’Internet, la communauté marketing a pris conscience de son intérêt dans la réalisation

d’études de marché (Kozinets, 1997 ; Galan et Vernette, 2000). Dans le cadre de

l’administration d’un entretien qualitatif, certains auteurs (Pincott et Brandwaite, 2000 ; Sweet,

2001) ont démontré que les répondants sont plus enclins à exprimer leurs opinions dans un

environnement numérique. Plus tard, Pepper et al. (2008), L.Maubuisson et I.Abaidi ( 2009)

mettent en avant les qualités de ce type d’interviews et notamment la qualité essentielle qui a

guidé notre choix : celle de rendre certains professionnels accessibles.

Après un premier échange par mail, au cours duquel nous avons pu présenter notre thème de

recherche, 6 professionnels ont accepté de participer à des entretiens individuels.

Certains ont pu être effectué en offline, d’autres ont été mené par le biais des outils online.

Répondant Métier Domaine d’activité Caractéristiques

de l’entretien

Gérard

Spatafora

Directeur marketing

Millesima

Vente de vin en ligne 1h15, online

Jérôme

Introvigne

Directeur de

l’innovation, biscuits

Poult. Créateur de la

communauté Skiller

Produits de grande consommation

Premier créateur d’une

communauté d’échange de

compétences

2H30, offline

Thomas

Soumaron

Responsable Web

Marketing Thomas

Cook Voyage

Commercialisation de voyages en

ligne

1h00, offline

Béatrice

Maccario

CEO Kréalinks Création et gestion de plateformes

communautaires fermées pour le

compte des marques

2h00, online

Page 38: Mémoire Claire Flament

37 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Colonel Eric

de Lapresle

Chef de bureau

marketing et

communication,

Armée de terre

En charge de la communication et

de la marque employeur Armée de

Terre

1H45, online

Mao Monti Responsable

stratégie digitale

Librairie Mollat 1h, offline

A la question qui s’est posée au sujet du nombre de personnes à interroger, nous nous sommes

basés sur les recommandations des chercheurs. Ainsi, certains considèrent que le point de

saturation peut être atteint dès 6 interviews8, au-delà, la surcharge d’information peut nuire à la

compréhension du problème.

Afin de procéder à l’analyse de contenu, l’ensemble des conversations ont pu être enregistré.

L’échantillon généré répond ainsi aux exigences de la recherche : Chacune des personnes

interrogées a un lien avec la promotion d’une marque ou d’un service et utilise déjà les outils

du Web Social pour communiquer avec ses consommateurs.

L’hétérogénéité est assurée par les profils des répondants, appartenant chacun à des secteurs

d’activité différents et chargés de la gestion d’un produit/service d’univers différents, assurant

ainsi une validité externe à cette première recherche exploratoire.

b. Construction du guide d’entretien

La construction du guide d’entretien est une étape décisive qui va conditionner toute la

cohérence du processus d’entretien.

Celui-ci doit remplir plusieurs fonctions9

Indiquer à l’interviewer les objectifs généraux de l’étude et les thèmes qui

seront abordés.

Répertorier les phases d’introduction et de transition qui seront répétées à

l’identique pour l’ensemble des entretiens.

Recenser les principaux points devant faire l’objet d’un approfondissement

ou de relance de la part de l’enquêteur.

Dans le cadre de notre recherche, la construction du guide d’entretien a pu se faire en trois

étapes successives10 :

8 Guest,G.Bunce,A et Johnson,L ; « How many interviews are enough? An experiment with data saturation and

variability” Field Methods, vol.18,1,2006,pp. 59-82 9 Jean-Luc Giannelloni , Eric Vernette, « Etudes de marche » 3éme édition,, chap. 4, p105

10 Ed Eyrolles, Les études qualitatives, p 37

Lister tous les

points à aborder

Regroupement des

questions par thème

Créer une « phrase large » par thème

pour faire parler l’interviewé

Page 39: Mémoire Claire Flament

38 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Il s’agit, lors de ces entretiens semi-directifs, d’évoquer les attentes, motivations ou freins que

ces responsables de marques pourraient avoir vis-à-vis des communautés virtuelles de marque,

d’une manière générale. L’objectif est de favoriser le cheminement naturel de la réflexion. Le

guide d’entretien proposé11, doit pouvoir répondre à cette exigence.

De cette première recherche qualitative doivent émerger les thèmes principaux qui serviront

d’une part, à détecter les attentes stratégiques des marques vis-à-vis des communautés virtuelles

de marque, mais serviront également de point d’appui dans la création d’un questionnaire

quantitatif soumis ensuite à un échantillon de consommateurs afin de trouver les points de

convergence existant entre les attentes des entreprises et les motivations des consommateurs.

Afin de compléter cette première phase exploratoire, nous procédons à une seconde approche

du phénomène, cette fois plus descriptive, en nous appuyant sur l’étude de cas : il s’agit

d’observer ce qui se passe au sein de trois communautés de marque choisies pour leur spécificité

marquée.

B. Investigation par étude de cas

Une seconde collecte de données est issue de l’étude de cinq communautés virtuelles de

marques fermées.

a. Le critère de choix des communautés

Le choix des communautés à étudier a pu être effectué en fonction de trois caractéristiques

principales associées au succès d’une communauté virtuelle de marque (Casalo, Flavian et

Guinalu, 2007 ; Proulx, 2004)

L’adhésion à cette communauté exige la création d’un profil et d’un identifiant (pré-

requis renforçant le « sentiment d’appartenance » au sens de Muniz et O’Guinn

(2001)

Une participation active des membres est confirmée par le partage d’expériences,

l’existence de commentaires, de discussions ou de diffusion de contenus récents.

(Proulx, 2004 ; Blanchard et Markus, 2004 ; Amine et Sitz, 2007, Muniz et O’Guinn,

2001)

L’existence de règles et de conventions au sein de la communauté a pu être

détectée (présence d’une charte de bonne conduite notamment) :elles favorisent le

partage de valeurs communes renforçant ainsi le ciment communautaire (Cova et

Pace, 2006 ; Muniz et O’Guinn, 2001 ; Sicilia et Palazon, 2008)

Enfin, rappelons que la communauté virtuelle de marque est initiée et animée par l’entreprise

elle-même (Porter, 2004) et se concentre soit sur une marque, soit sur un service.

11 Annexes p X

Page 40: Mémoire Claire Flament

39 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

b. La démarche d’étude

L’étude de ces communautés ne doit pas se limiter à « de simples visites de sites » assimilées

par (Sherry, 1995) à « du voyeurisme ». Cette exigence nous pousse à adopter dans la mesure

du possible, la démarche dite « netnographique » développée par (Kozinets, 2002) : Il s’agit de

transposer les pratiques ethnographiques sur le Web pour étudier les communautés virtuelles.

Kozinets recommande de s’identifier et de participer au même titre que les autres

consommateurs tout en maintenant une posture d’observateur. La présentation de notre position

(étudiante en cours de recherche dans le cadre d’un mémoire) et du thème de recherche doit

nous permettre de respecter les codes d’éthique indispensables à toute démarche

netnographique (Kozinets, 2002).

Nous nous efforçons d’informer les participants de notre démarche d’observateur et du recueil

des échanges qui nous paraissent pertinents dans notre recherche.

Il est important cependant de noter que certains sites communautaires ne laissent pas au

participant la possibilité de se présenter, si ce n’est à travers la création de contenu mettant en

scène un produit de la marque : Dans ces cas, l’esprit communautaire ne s’exprime pas à travers

un forum de discussion, mais grâce à la publication et à l’échange de créations. C’est le cas par

exemple de la communauté DoYouVespa dont les membres expriment leur sentiment envers le

produit à travers la création d’affiches ou de livres de bords : nous avons donc choisi d’aborder

cette communauté dans le cadre d’une étude de cas, sans interagir avec les autres membres,

mais en informant cependant la marque, par mail, de notre démarche de recherche.

c. Le choix des communautés

Le choix des cas à étudier a pu se faire en fonction des caractéristiques citées en amont, de

l’affinité avec certaines marques, de l’importance de la communauté et de la possibilité

d’adhérer facilement : Ainsi, la communauté Beneteau Yacht Club, créée en 2008 compte 1600

membres propriétaires d’un bateau de cette marque, analysée par la presse professionnelle

comme exemple de réussite d’une communauté virtuelle de marque privée12 et sollicitée dans

le cadre de notre recherche, ne nous a pas autorisé à adhérer de manière temporaire malgré une

explication poussée de notre démarche exploratoire.

Retour sur les communautés choisies dans le cadre de notre démarche netnographique :

La communauté DoYouVespa ?: Vespa commercialise le scooter emblématique

italien : plus de 18 millions de scooters ont ainsi été vendu depuis 1946.

12 Marketing Direct n°165, sept 2013. Dossier Communautés de marque : Place à la voix du client

Page 41: Mémoire Claire Flament

40 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Créée en décembre 2014, la communauté DoYouVespa ? permet aux consommateurs

et aux fans de la marque de partager leur vécu sur un site dédié construit sous la forme

d’un réseau social. Au-delà du partage d’expérience de consommation (anecdotes, récits

de voyages…), la marque invite également à la création d’images, avec un choix de

styles graphiques originaux : une manière d’encourager la participation active des fans

qui peuvent, comme sur un réseau social public, ‘liker’ les contenus publiés par les

autres membres de la communauté. Les fans les plus plébiscités se voient alors attribués

des Vespa Miles leur permettant de devenir de plus en plus populaires sur le site. Les

meilleurs contenus sont relayés sur les réseaux sociaux officiels publics de la marque.

La communauté compte, après un an d’existence, plus de 3000 membres actifs.

Figure 4

Page d’accueil de la communauté DoYouVespa

L’étude de cette communauté nous apparait intéressante sous deux angles :

L’incitation à la création de contenu et la valorisation des membres actifs

(valorisation psychologique et sociale issue du partage des photos les plus ‘likées’

sur les réseaux sociaux officiels de la marque, valorisation économique puisque le

Page 42: Mémoire Claire Flament

41 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

cumul des Vespa Miles collectés en fonction de son niveau d’activité sur le site

permet au participant d’obtenir des récompenses.

La communauté Monlookéa : Créés par le voyagiste Look Voyage, les hôtels club

Lookéa ont la caractéristique d’offrir des prestations uniformes sur l’ensemble des 54

clubs répartis dans le monde à une clientèle exclusivement française. Afin de résister à

Internet qui pousse les clients à se passer des services des tours opérateurs, l’approche

marketing de ces hôtels répond à des critères très précis, offrant un rapport qualité/prix

compétitif rendant l’offre extrêmement pertinente.

Look Voyage a pris conscience dès 2007 de la pertinence du marketing communautaire

et a souhaité initier une communauté de consommateurs et de futurs consommateurs

autour de sa marque Lookéa.

Monlookea est donc un espace communautaire online accessible sur simple inscription.

L’objectif affiché est de permettre aux clients de « continuer le voyage » en « gardant

le contact » avec les personnes qu’ils ont pu rencontrer au cours de leur séjour grâce à

un forum, de partager du contenu et des souvenirs (photos, récits de voyages, vidéos).

Les clients lookea ne sont pas la seule cible de la marque : les prospects peuvent être

également dirigés vers cette communauté pour échanger avec les clients convaincus et

poser des questions.

Grande réussite dans le secteur du tourisme, la communauté regroupe à ce jour 71 380

membres.

Figure 5

Page d’accueil de la communauté MonLookea

Page 43: Mémoire Claire Flament

42 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

La stratégie communautaire de la marque Lookéa a fait l’objet de nombreuses études13 :

Trois objectifs marketings ont été clairement identifiés :

L’amélioration de la connaissance client

Amélioration du référencement de la marque

Recrutement de nouveaux clients.

GénérationSéphora : La communauté Séphora dédiée aux jeunes filles de 14 à 18

ans : le site a pour objet de proposer au jeune public des services et des contenus dédiés

à l’univers de la beauté et des cosmétiques. Ces services permettent d’accéder à des

contenus variés (vidéos, présentations de nouveaux produits, photos, mais aussi

possibilité de bénéficier d’avantages tels que des bons de réduction). Les participantes

peuvent poser leurs questions à des « conseillers », lancer un thème de discussion,

échanger sur les produits de la marque, voter pour leur produit préféré, publier des

photos, publier des commentaires et avis en relation avec le thème de la beauté,

participer à des sondages, à des jeux concours…

Sur cette plateforme privée, les jeunes adolescentes confient toutes les préoccupations

physiques liées à leur âge, mais donnent également leur avis sur les tendances du

moment dans le domaine de la beauté.

13 Decisions Marketing n°64, p 35 ;

L.Arnone et A.Decrop, Construire une communauté de marque, le cas des clubs de vacances Lookea,

Page 44: Mémoire Claire Flament

43 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Figure 6

Page d’accueil de la communauté générationSéphora

La communauté Cultura :

La communauté Cultura s’est construite à l’image des magasins Cultura, autour des univers

culturels proposés par la marque. Les consommateurs peuvent adhérer en créant un avatar.

Chaque membre possède une fiche et peut être joint, normalement par messagerie privée, par

un autre membre. A doute subsiste cependant sur l’aspect privé de ces échanges : Souhaitant

nous identifier clairement auprès des membres afin d’informer sur notre recherche, nous avons

procédé à un envoie de mail personnalisé aux membres les plus influents, identifiés comme

étant des consommateurs : un seul mail de réponse nous est revenu : il était écrit par la direction

de cultura et nous informait qu’il avait pris en compte notre recherche.

En pratique, les animateurs cultura participent à la communauté, bien que n’étant pas clairement

identifiés comme tels, leurs photos dont le fond est un magasin cultura, ne laisse pas de doute.

L’échange se fait autour de thèmes (coin lecture, musique classique, talents à découvrir…)

autour desquels des groupent se forment : Au total, 61 groupent échangent sur des thèmes

différents.

Les participants peuvent publier leur coup de cœur ou commenter celui des autres. Les membres

« experts » peuvent également poster des vidéos dites ‘tutoriels’ dans le cadre de l’atelier

créatif.

Page 45: Mémoire Claire Flament

44 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

La plateforme communautaire Cultura compte 9600 membres (dont de nombreux employés !)

Un premier examen de cette communauté nous a poussé à nous interroger sur le mode

d’interaction proposé aux participants : Un souci nous a conduit à nous identifier auprès des

membres de la communauté en envoyant un message de présentation de la recherche par

messagerie privée, fonction disponible sur la communauté. Interpellé de ne recevoir qu’une

réponse de la direction de Cultura, nous avons pu prendre contact directement avec une

responsable de clientèle qui a pu fournir des éléments d’explication supplémentaires sur le

fonctionnement de cette plateforme sous la forme d’un entretien par mail.

L’étude de ces cas a pour objectif d’une part de compléter la phase d’investigation par entretien

en appuyant certains outputs notamment, d’autre part de nous permettre de détecter

d’éventuelles utilisations marketing complémentaires.

B. La phase quantitative : enquête menée auprès des consommateurs

Ce mémoire de recherche a pour objectif final de déterminer le rapport existant entre les attentes

marketing des entreprises initiatrices de communautés de marques privées et les motivations

des consommateurs à y adhérer et y participer. Cette adéquation entraîne le succès de la

communauté, sa longévité et son utilité dans le développement de la marque. Nombreuses sont

les communautés qui n’ont pas rencontré le succès escompté malgré un investissement

conséquent de la marque : Dans le domaine du tourisme par exemple, la communauté

nomadsphère (Groupe Accor pour sa marque SuiteHotel) n’a pas su rencontrer son public et a

dû être fermée faute de membres. Le club Med, après un premier échec (Club MedInside, a bien

du mal à imposer sa nouvelle communauté HappyLife. De son côté pourtant, look voyage peut

compter sur une communauté de plus de 77 000 membres depuis 2007.

La question qui a guidé cette phase quantitative s’impose alors : Quelles sont les motivations

qui poussent les consommateurs (ou futurs consommateurs), à adhérer ou non à une

communauté virtuelle de marque ?

Page 46: Mémoire Claire Flament

45 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Afin de tenter de répondre à cette interrogation, il est nécessaire d’utiliser une méthode

d’enquête auprès des consommateurs. Celle-ci doit permettre d’apporter des éléments de

réponse qui pourront être ensuite confrontés aux attentes managériales.

A. L’instrument de mesure : le questionnaire.

L’élaboration du questionnaire a pu se faire en se basant sur 2 objectifs de l’étude : afin de

savoir s’il les attentes exprimées par les entreprises lors de la première phase exploratoire

peuvent correspondre aux motivations autodéterminées des consommateurs, un questionnaire a

pu être construit en se basant une première revue de littérature.

Construction du questionnaire destiné aux participants à une

communauté de marque initiée par la marque elle-même

Conscient de la difficulté de mener une enquête quantitative auprès de participants à une

communauté de marque fermée dans le temps imparti pour le mémoire, nous avons tout de

même souhaité créer un questionnaire spécifique à destination des consommateurs remplissant

ce critère. L’objectif n’étant pas, à ce niveau, de récolter suffisamment de données pour

conclure à un comportement global, mais davantage fournir des pistes et indices dans le cadre

de la recherche exploratoire.

Nous nous sommes, dans ce cadre, appuyé sur une mesure de l’appartenance aux cercles

sociaux en utilisant l’échelle de mesure de Laurent Sempé14. Selon l’auteur, les attitudes et

comportements des consommateurs (fidélité, engagement, implication) sont largement

influencées par la position qu’ils occupent dans leur réseau social. Il s’agit donc de comprendre

dans quelle mesure l’appartenance à ce type de communauté peut favoriser le sentiment

d’appartenance du consommateur à un « cercle social » de référence (Degenne et Forsé, 1994)

et le comportement qui en résulte (effet de groupe, dynamique sociale, participation à une

« intelligence collective).

L’échelle de mesure du sentiment d’appartenance aux cercles sociaux est composée de deux

dimensions : la cohésion perçue comme « le niveau de proximité entre les différentes personnes

appartenant à un groupe commun » (Mardsen et Friedkin, 1993) et le concept de centralité

décrit la position de l’individu « au cœur de ce réseau » (Freeman, 1979)

Cette échelle, adaptée à notre cadre d’analyse a été complétée de deux outils de mesure

complémentaires dans cette étude : l’intention de fidélité à la marque et l’engagement affectif

envers une marque : L’objectif étant de détecter le lien existant entre l’engagement actif au sein

d’une communauté virtuelle de marque et la fidélité et l’engagement affectif envers la marque

elle-même.

14 L.Sempé, Une échelle de mesure de l’appartenance aux cercles sociaux : analyse factorielle confirmatoire

multiniveaux.RAM, vol 15, n° 2/2000

Page 47: Mémoire Claire Flament

46 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Figure 3

Echelle de mesure de l’appartenance aux cercles sociaux

dimension items mesure

Echelle de mesure de l’appartenance aux cercles sociaux (adaptée de

L.Sempé)

Sur une échelle de 1 à 7 diriez-vous que vous êtes plutôt en

désaccord ou tout à fait d’accord

avec les affirmations suivantes :

Centralité Je suis un des animateurs des groupes de discussion

initiés dans la communauté virtuelle de marque.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Dans ma communauté virtuelle de marque, je pense être

l’un de ceux qui maintiennent le contact entre les

membres.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord 3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

j’ai le sentiment de faire partie du noyau dur du groupe

dans ma communauté virtuelle.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Cohésion Je peux facilement contacter de nombreux membres

de la communauté virtuelle à laquelle j’adhère.

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Je pense que je suis bien accepté(e) par tous les

membres de cette communauté.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Dans ma communauté virtuelle de marque, je suis en

contact régulier avec la plupart des membres.

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Je me sens bien accepté, voire apprécié au sein de

cette communauté virtuelle de marque.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Intention de Fidélité et engagement affectif envers la marque

Intention de

fidélité

Lorsque j’achète un produit de la catégorie que

couvre la marque citée, c’est généralement un

produit de cette marque.

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Engagement

affectif

J’ai en quelque sorte un peu d’affection pour cette

marque

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Au fil du temps, cette marque est un peu devenue

mon amie

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Cela me peinerait si cette marque était retirée du

marché

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Une phase exploratoire menée auprès de 7 étudiants en école de commerce sur l’activité qu’ils

peuvent avoir sur les réseaux sociaux de marque ont permis de dégager 7 items

complémentaires pertinents pour notre recherche.

Page 48: Mémoire Claire Flament

47 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Items complémentaires J’utilise la communauté virtuelle de marque avant tout

pour obtenir de l’information au sujet de la marque et des

produits qu’elle propose.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

J’apprécie avant tout de pouvoir soumettre mes idées ou

créations à la communauté de marque.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Je suis satisfait de tout ce que je publie dans ma

communauté : je suis fièr(e) de moi

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Je regarde régulièrement les messages écrits par les autres

membres dans ma communauté virtuelle

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord 4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Je n’hésites pas à promouvoir ma communauté virtuelle

dans mon cercle social

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Dans ma communauté virtuelle, je poste régulièrement

des commentaires en ligne concernant des produits et

services.

1 Pas du tout d’accord

2 plutôt en désaccord 3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord

5 tout à fait d’accord

Dans ma communauté de marque, j’aide régulièrement

les autres consommateurs en prenant part aux forums de

discussion et FAQ

1 Pas du tout d’accord 2 plutôt en désaccord

3 ni en désaccord, ni d’accord

4 plutôt d’accord 5 tout à fait d’accord

Ce questionnaire de 18 items a été soumis aux personnes répondant par l’affirmative à une

question d’introduction : Appartenez-vous à une communauté virtuelle de marque fermée ? (si

oui, pouvez-vous la nommer ?) (cf Questionnaire en annexe).

Construction du questionnaire destiné aux consommateurs non-

participants à une communauté de marque.

Dans le cadre de cette recherche, nous nous intéresserons plus particulièrement à la théorie de

l’autodétermination (Deci & Ryan, 1985, 1991) : Cette théorie s’est imposée ces dernières

années comme un cadre heuristique pour rendre compte des comportements des individus dans

différents contextes. Une motivation est dite autodéterminée quand l’individu s’implique

spontanément et par choix dans une activité.

Source d’énergie indispensable à tout individu dans le développement de son action, la

motivation est considérée comme le centre de la régulation biologique, cognitive et sociale de

l’individu.

Selon Deci & Ryan, 3 besoins psychologiques sont à la base de la motivation humaine : le

besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’appartenance sociale : C’est la

satisfaction de ces 3 besoins fondamentaux qui permet à l’individu d’accéder au bien-être

général.

Page 49: Mémoire Claire Flament

48 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Cette théorie de l’autodétermination est intéressante pour notre recherche sur deux points :

1. Elle permet d’intégrer les effets du contexte sur le développement de la personne.

2. Elle propose l’existence de différents types de motivations autodéterminées particulièrement

pertinentes dans notre étude : la compétence, la recherche d’affiliation sociale et le besoin

d’autonomie.

Ainsi, dans le contexte qui nous préoccupe, la communauté virtuelle de marque fermée, on peut

considérer que le consommateur ou futur consommateur fait preuve d’une motivation

autodéterminée : S’il s’engage parce qu’il reconnait à la communauté une expertise suffisante

pour lui fournir les informations nécessaires à sa prise de décision, s’il reconnait dans la

communauté une possibilité de valorisation sociale.

Page 50: Mémoire Claire Flament

49

49 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Figure 7

Le questionnaire soumis aux consommateurs

Motivations

Libellé des items

Motivations

personnelles

Motivations

extrinsèques récompense Je participerais à une communauté

virtuelle de marque pour obtenir des

avantages

Réputation/image J’irais avec plaisir sur ce type de

communauté pour diffuser mes créations Motivation

intrinsèques Estime de soi Je peux efficacement aider cette marque à

se développer en lui soumettant mes idées

Apprentissage J’irais avec Plaisir sur un CVM pour

obtenir des informations plus poussées

Plaisir d’aider les

autres

J’irais avec plaisir sur les forums et FAQ

afin de répondre aux interrogations des

autres consommateurs.

Motivations

sociales

communauté Participer à une communauté virtuelle de

marque me permettrai de nouer des liens

intéressants avec d’autres consommateurs

Promotion de soi J’irais avec plaisir sur ce type de

communauté pour communiquer mes

expériences

Identité sociale En participant à une CVM, j’ai le

sentiment d’une relation personnalisée

avec la marque

réciprocité Adhérer à une CVM me permettrait

d’avoir de bonnes relations avec elle

Sentiment

d’appartenance

Je serais fier(e) d’appartenir à la

communauté de ma marque préférée

II Méthodologie d’analyse

A. La phase qualitative

Une fois les données qualitatives retranscrites, et afin de pouvoir réaliser l’analyse thématique

efficace nous avons procédé à la mise en place d’une grille d’analyse de contenu manuelle qui

a deux objectifs :

- Comprendre les réponses de chaque interviewer ou de l’ensemble des répondants à un

thème donné.

- D’appréhender les attentes de l’ensemble de la population interrogée vis-à-vis des

communautés de marque fermées. La grille d’analyse proposée permet également de

détecter leurs freins.

Cette grille est composée de critères et d’indicateurs issus d’une première lecture des

données recueillies. Ainsi, même si certains indicateurs ont pu être déterminés à l’avance

Page 51: Mémoire Claire Flament

50

50 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

car répondant à l’un de nos objectifs d’étude (c’est le cas notamment pour le thème

Dynamique de groupe.), l’approche choisie reste largement inductive et ouverte :

Les données reprises sont issues, d’une part des interviewers, d’autre part des études de cas que

nous avons pu suivre grâce à une analyse de deux communautés.

Figure 8

Procédure de codage ouvert

( JC.Andreani, F.Conchon, )

L’étude des différents cas (sous la forme d’une démarche netnographique ou simplement

d’analyse des contenus) ainsi que les interviews menées auprès des professionnels sur de mars

à mai 2015, nous a conduit à proposer la grille de résultats suivantes, établie sur la base de notre

cadre conceptuel : Cette grille reprend l’ensemble des items abordés au cours de chacun des

entretiens et serviront de support, au chapitre suivant, à notre analyse.

Lecture des données

pour le généraliser

Recherche d’ensemble

similaires, classement

et comparaison

Codage des principales

dimensions et codage

sélectif des idées

centrales et répétitives

Page 52: Mémoire Claire Flament

51

51 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Figure 9

Grille d’analyse

cult

ura

DoY

ou

Ve

spa

Mon

Look

ea

Sép

hora

Arm

ée

de

terr

e

Moll

at

Th

om

as

Cook

kré

ali

nk

s

Mil

lesi

ma

Pou

lt

Préoccu-

pations

marketings

des

managers

Accéder à la

connaissance

veille

commerciale

X X X X X X X X

X

Veille

marketing

X X X X X X X X X

Communicati

on

Capital

marque

X X X X X X X X

Produit/

Services

X X X X X X X X X X

Marketing

management

Recruter de

nouveaux

clients

X X X X X X X X

Mesurer la

satisfaction

X X X X X X X X

Fidéliser

X X X X X X X X

Engager,

susciter la

coopération

X X X X X X X X X

Préoccu-

pations

sociales

Co-

production,

co-création

X X X X X X X X

Interactions

entre

membres

X X X X X X X X X

Interactions

marque/mem

bres

X X X X X X X X X X

Identification

des membres

à instrumen-

taliser

X X X X X X X X X

Page 53: Mémoire Claire Flament

52

52 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

B. La phase Quantitative

A. Le profil des répondants

La situation idéale dans le cadre de cette recherche aurait été de pouvoir soumettre le

questionnaire à une population « spéciale », composée de consommateurs membres de

communautés virtuelles de marque fermées (méthode de l’échantillon « boule de neige »15. Or,

au vu du temps réduit imparti pour cette recherche menée dans le cadre d’un mémoire et de la

difficulté d’identifier cette population particulière et petite (les communautés virtuelles de

marque fermées rassemblent quelques centaines voire milliers de participants aux origines

géographiques variées), nous avons choisi d’administrer ce questionnaire auprès de

consommateurs et de tenter de mesurer leur motivation à adhérer à la communauté de leur

marque préférée (cf. caractéristiques du questionnaire)

Le questionnaire a été administré auprès de 107 répondants. L’enquête quantitative a été menée

en deux temps : une première récolte de données s’est faite sur le terrain auprès de 30 étudiants

de l’université Toulouse Capitole et des étudiants de Toulouse Business School.

Afin de toucher un public plus large et répondre à l’objectif d’hétérogénéité des répondants,

nous avons soumis ce questionnaire en ligne via un lien Google Form à notre réseau de

connaissance. 77 personnes ont répondu à ce questionnaire.

L’échantillon total est composé de 54% de femmes, 46% d’hommes. Parmi cette population

interrogée online et offline, 57% sont étudiants, 20% sont des cadres, 16% sont entrepreneurs,

5,5% sont des employés.

L’âge moyen des répondants se situe entre 20 et 30 ans

Enfin, à la question « appartenez-vous à une communauté de marque en ligne », 14% ont

répondu Oui soit 14 personnes. Les communautés de marque nommées sont : Cultura, Nike,

Nestlé, Fibit, Fnac, Vilmorin, Yves Rocher.

La figure 10 résume les caractéristiques de la population répondante :

15 JL Giannelloni, E.Vernette, Etudes de marché, p285

Page 54: Mémoire Claire Flament

53

53 Chapitre II : Méthodologie, terrain de l’étude et résultats

Figure 10

Analyse descriptive des répondants

Variables Descriptif de la variable Nombre de

répondants

Pourcentage

Sexe Homme 49 46%

Femme 58 54%

Catégorie

Socioprofessionnelle

Etudiant 57 53%

Entrepreneur 19 17%

Cadre 23 21,5%

Employé 6 5,6%

Autre 2 2,9%

Age Moins de 20 ans 26 24%

Entre 20 et 30 ans 55 51%

Entre 30 et 40 ans 15 13%

Plus de 40 ans 15 14%

Appartenance à une

communauté de marque

Appartenant à une

communauté de marque

(ouverte ou fermée)

14 13%

N’appartenant pas à une

communauté de marque

93 87%

La population interrogée présente une certaine hétérogénéité, tant en terme de sexe, de catégorie

socioprofessionnelle et d’âge.

En administrant majoritairement l’enquête en ligne, nous avons pu toucher une population utilisatrice

du Web des outils social médias : 14 personnes interrogées déclarent ainsi appartenir à une communauté

virtuelle de marque.

Page 55: Mémoire Claire Flament

54

54 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

CHAPITRE III : ANALYSE DES

RESULTATS

Ce chapitre propose d’explorer les éléments d’opérationnalisation d’une communauté virtuelle

de marque : l’investigation par entretiens individuels ainsi que l’étude des communautés

présentées en amont nous permet de proposer trois approches d’une opérationnalisation de la

communauté de marque initiée par la marque : Une approche marketing dit ‘holiste’, enrichi de

nouvelles dimensions, un marketing relationnel et un marketing Social . Nous nous efforcerons

de comprendre comment, en plaçant le groupe au cœur de sa stratégie marketing, l’entreprise

peut parvenir à créer une dynamique suffisamment forte pour engendrer un processus

d’Intelligence Collective.

information

communicationcoopération

expérience sociale

Communauté

virtuelle de la

marque

Page 56: Mémoire Claire Flament

55

55 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

I. Panorama des théories mobilisées pour l’analyse des résultats

Dès le début du XXIème siècle, le marketing a subit de profonds bouleversements. Sous

l’impulsion des technologies de communication issues du Web et de nouvelles préoccupations,

il s’est enrichi de plusieurs dimensions : le marketing traditionnel est désormais intégré dans

une approche plus complète et interdépendante. Au marketing de masse succède le marketing

dit holiste (Filser, 2002 ;JM.Lehu, 2005), amenant l’American Marketing Association (AMA)

à réécrire dès 2004, la définition du marketing :

« Le marketing est une fonction organisationnelle et un ensemble de processus pour la création,

la communication et la délivrance de valeur aux consommateurs et pour la gestion de la

relation client de telle manière qu’ils puissent bénéficier à l’organisation ainsi qu’à ses parties

prenantes ».

C’est en nous appuyant sur cette approche contemporaine du marketing qui intègre le

consommateur dans le processus de développement et s’enrichi de nouvelles dimensions

sociales que nous souhaitons aborder l’analyse de nos données.

A. Retour sur les théories mobilisées

- Le marketing holiste

Face aux évolutions évoquées en amont, mais aussi confronté à de nouveaux paradoxes (B.Pras,

1999)16, il est indispensable aujourd’hui d’intégrer l’optique marketing traditionnel dans une

approche complète et interdépendante.

Ainsi, le marketing holiste « consiste à élaborer et mettre en œuvre de programmes, des

processus et des actions marketing à large spectre et reliés entre eux. Le marketing holiste est

relationnel, intégré, diffusé en interne, orienté vers la performance et socialement

responsable »

Finalement, cette vision large et intégrée admet que ‘tout compte en matière de marketing’ et

souligne sa largeur d’application.

JM Lehu identifie 5 composantes majeures du marketing holiste qui se caractérise par une

orientation client totale, une politique d’innovation permanente, une communication interne et

externe repensée, une implication sociétale.

- Une stratégie marketing orientée vers la performance

16 Bernard Pras, « Les paradoxes du marketing », revue française de gestion, septembre-octobre 1999, p99-100

Page 57: Mémoire Claire Flament

56

56 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Dès 2000, O.Brodin envisageait le potentiel marketing de ce type de plateforme, soulignant la

qualité des informations détenues par les membres : « les membres des communautés de

consommation évaluent en permanence les produits, les marques ou les entreprises qui sont

importants pour eux, la qualité, les prix, l’éthique ou l’histoire de l’entreprise ».

Pour reprendre les propos de Peter Drucker, « le but du marketing consiste à connaître et à

comprendre le client à un point tel que le produit ou le service lui convienne parfaitement et se

vende de lui-même. Dans l’idéal, le client souhaite acheter le produit parce qu’il a été conçu

pour répondre à ses attentes ».17

En marketing, l’utilisation de la communauté virtuelle business-to-consumer peut répondre à

plusieurs objectifs : Accéder à la Connaissance, prérequis incontournable pour développer la

marque, engendrer une communication positive et valoriser ainsi capital marque de l’entreprise

(bouche à oreille positif) pour accéder au triptyque vertueux : recruter/fidéliser/engager ses

consommateurs par une approche relationnelle.

17 Peter F.Drucker, La nouvelle pratique de la direction des entreprises, Paris : Editions d’Organisation, 1975

Page 58: Mémoire Claire Flament

57

57 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Figure 11

Les 5 dimensions du

Marketing holiste

Marketin

g

Holiste

Marketing

relationnel

Marketing intégré

Marketing interne

Marketing social et

responsable

Marketing orienté

performance

Clients

Réseaux de

distribution Partenaires Communication

Produits et

services Réseaux de

distribution

Marketing Dirigeants

Autres

départements

CA Rentabilité Capital marque et

capital client

Éthique

Environnement

Aspect

réglementaire

s Communauté

Page 59: Mémoire Claire Flament

58

58 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

- Le marketing relationnel

De nombreux chercheurs ont tenté de définir les caractéristiques du marketing relationnel. Si la

dimension culturelle retenue par (Sin et al., 2005) semble pertinente : « ….culture

organisationnelle qui met le client au centre de la pensée opérationnelle et stratégique. Les

relations sont à long terme mutuellement bénéfiques entre les vendeurs et les clients » ; nous

retenons plutôt la perspective multilatérale de Durif, Graf et Ricard (2009) : « le marketing

relationnel est une perspective stratégique multilatérale basée sur une connaissance

approfondie des partenaires et d’un nombre de certaines formes contractuelles, et dont le but

est de créer, développer, renforcer, et prévenir la rupture des relations, et qui aide à maximiser

les bénéfices à long terme des parties prenantes impliquées ». Le client n’est plus ici envisagé

comme le centre du modèle. La relation établie dans ce type de stratégie est de type gagnant-

gagnant : entreprise et consommateurs sont au même niveau, chacun apportant à l’autre sur le

long terme.

A.Boyer présente une liste les composantes du marketing relationnel sur lesquelles nous

pouvons nous appuyer dans l’analyse 18:

- La personnalisation de la relation (Wilson, 1995 ; Ricard et Perrien, 1999 ; Sin et al.,

2005)

- La communication (Palmatier et al. 2007)

- La coopération (Gronroos, 2004)

- Le traitement préférentiel (Ivens et Pardo, 2004)

- Les perspectives sur le long terme (Morgan et Hunt, 1994 ; Wilson, 1995, Durif, Graf

et Ricard, 2009)

- La mutualisation des bénéfices (Sin et al., 2005 ; Tseng, 2007)

- La confiance (Sin et al. ; Palmatier et al. 2007)

- L’engagement (Morgan et Hunt, 1994 ; Sin et al., 2005, Palmatier et al., 2007)

- La satisfaction (Sin et al., 2005)

- Le marketing social et communautaire

La figure 10 propose une première synthèse de l’utilisation marketing de la communauté

virtuelle initiée par la marque. Ces attentes vis-à-vis de la communauté ont pu être

clairement exposés par les managers de marque, ou simplement abordés dans le cadre

de l’entretien.

18 L’impact des communautés virtuelles sur le marketing relationnel, nov. 2010

Page 60: Mémoire Claire Flament

59

59 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Nous pouvons tirer de ce schéma un cadre d’analyse sur lequel notre recherche

s’appuiera :

- La communauté virtuelle de marque doit, pour les managers, avant tout servir la marque

elle-même : les objectifs purement marketings ont pu être clairement identifiés,

positionnant l’outil dans une perspective de marketing management indéniable.

Page 61: Mémoire Claire Flament

60

60 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Figure 12

Les théories mobilisées à la lumière des items générés

Entreprise

Participants

Outi

l de

mar

ket

ing s

oci

al o

u c

om

munau

tair

e

Outi

l de

mar

ket

ing h

oli

ste

Outi

l de

mar

ket

ing r

elat

ionnel

Mutualisation des

bénéfices

Attentes

marquées

Attentes détectées

Perspective sur le long terme

Fidélité

Personnalisation

de la relation

Coopératio

n

Communication

Engagement

Recommandation

Traitement

préférentiel

Satisfaction

Focus

group

Analyse du

comportement du

consommateur

Etudes de

marché

Sécurité des

données

eCRM

CLUB

Référencement

Web

Prolongement de

la relation

Confiance

Veille

Co-production

Co-création

Relation entre

consommateurs

Sentiment

d’appartenance

Tribu

Instrumentalisatio

n des membres

Orientation entreprise

Orientation participants

Page 62: Mémoire Claire Flament

61

61 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

II. La communauté virtuelle business-to-consumer : un outil puissant de

marketing management

Rheingold (1993) opérait déjà une distinction entre les communautés « naturelles » et les

communautés « artificielles ». Ainsi, la notion de communauté virtuelle de marque a rapidement

été envisagée par les responsables de marque comme un concept à instrumenter et à exploiter.

De façon très explicite, Hagel et Armstrong (1997) développent l’idée que les communautés

virtuelles constituent un puissant outil commercial pour les entreprises, en cohérence avec les

approches les plus récentes du marketing : CRM, marketing one to one, hyper segmentation.

Quatre préoccupations majeures communes à toute stratégie marketing émergent ainsi de notre

approche exploratoire : La volonté de comprendre son environnement grâce à une veille

stratégique (A), d’utiliser la plateforme comme un outil privilégié d’études de marché (B) ( ces

deux objectifs correspondent à une volonté d’accéder à la Connaissance) , de développer sa

performance à travers la construction d’un capital marque puissant favorisant un bouche à

oreille positif (C), et de s’appuyer sur un marketing relationnel pour accéder au triptyque

vertueux : recrutement/engagement/fidélité (D).

Nous proposerons enfin une synthèse de cette première approche marketing de la plateforme

communautaire par les entreprises (E) et proposerons de répondre à notre première question de

recherche :

- QR1 : Que recherchent les marques en créant une plateforme communautaire privée ?

quels sont les objectifs affichés ? les objectifs cachés ?

Figure 12

Les attentes marketing visibles

et invisibles des managers de

marque vis-à-vis de leur communauté :

Outil de veille stratégique

Etudes de marché

Construction du capital marque

Elaboration d’une offre adaptée

Par

tie

vis

ible

P

arti

e i

nvis

ible

Page 63: Mémoire Claire Flament

62

62 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

I.I. Comprendre son environnement et anticiper la demande : Utiliser la

communauté virtuelle de marque pour accéder à la connaissance.

Il s’agit de tenter de répondre à la première question de recherche, en envisageant le potentiel

marketing de la communauté virtuelle business-to-consumer :

QR1a : Comment faire de la communauté virtuelle initiée par la marque un outil efficace de

connaissance ?

Une question complémentaire mérite d’être posée :

QR1a bis : Peut-on envisager la communauté de marque privée comme une plateforme

permettant à l’information pertinente de circuler et de parvenir à moindre coût à l’entreprise ?

La mondialisation des marchés, l’évolution des nouvelles technologies qui donne aux

consommateurs le pouvoir d’accéder à l’information ou encore la pression concurrentielle

poussent les entreprises à développer un système de gestion de la connaissance efficace afin de

comprendre leur environnement sectoriel et anticiper les nouvelles tendances.

Il est intéressant de se pencher sur les caractéristiques de la Connaissance telles que présentées

par Prax :

« Une connaissance vient s’intégrer dans le système personnel de représentations de

l’individu ; pour cela, l’information reçue subit une série d’interprétations liées aux croyances

générales, au milieu socioprofessionnel, au point de vue, à l’intention, au projet de l’individu

récepteur. Pour qu’une information devienne connaissance, il faut également que le sujet puisse

construire une représentation qui fasse sens. Comme l’information, la connaissance est

relationnelle et contextualisée. ». L’auteur note également que « contrairement à l’information,

la connaissance n’est pas seulement mémoire, item figé dans un stock ; elle reste activable

selon une finalité, une intention, un projet. Il y a dans la connaissance une notion de process. »

Dès lors, l’auteur pose les interrogations suivantes dans le contexte d’une communauté pouvant

être reprises dans le cadre de notre recherche :

Est-elle une simple juxtaposition des connaissances individuelles ou son intersection ?

Existe-t-il une connaissance indépendante des acteurs qui l’ont créée ?

Qu’est-ce qui motive des acteurs à partager leurs savoirs ?

Quelles interactions entre les savoirs tacites et les savoirs explicites, au niveau de deux

individus, d’un groupe, d’une entreprise ?

Quels dispositifs (outils, méthodes) peuvent faciliter ces interactions ?

Cette approche nous éclaire sur plusieurs points :

La connaissance succède à l’information : pour envisager un processus de gestion de

connaissance efficace, l’entreprise doit avoir avant tout accès à l’information.

Page 64: Mémoire Claire Flament

63

63 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Ainsi « le passage de l’information à la connaissance constitue un enjeu majeur pour les

organisations puisque pour rentrer dans l’économie de la connaissance, l’entreprise doit

réussir à valoriser l’information surabondante pour la transformer en connaissance qu’elle

puisse exploiter en avantage stratégique ». (S.Hautdidier)

Un enjeu identifié par les managers :

Librairie Mollat :

« on peut faire de la veille pour chercher des insides. On doit pas perdre de vue qu’on est tout

petit petit, du coup il faut sans cesse chercher à être innovant, différent….sur le web

finalement, c’est çà ma mission. »

La connaissance s’intègre dans un process : Il ne s’agit pas pour l’entreprise d’accéder

à l’information, mais de permettre son intégration dans un projet : ainsi, toute

l’organisation est concernée :

On travaille avec plusieurs départements qui vont être amenés à greffer des questions, des

problématique en s’inspirant de ce que racontent les consommateurs »

krealinks

La connaissance est mouvante, contextualisée : Il s’agit ici d’un point essentiel à

opposer aux adeptes des technologies du big data (technologie sur laquelle nous

reviendrons plus loin).

Ainsi, Millésima envisage les datas collectées grâce à cette approche comme « une source de

connaissance précieuse » :

« nous travaillons avec Dolist : ils exploitent notre base de données (environ 60 000 opt-in) et

nous permettent de cumuler nombre d’informations : l’historique d’achat (dates, produits,

paniers abandonnés, le canal d’achat privilégié, les liens cliqués, les pages visitées…On peut

aussi identifier les centres d’intérêts des clients et prospects. Leur technologie est très pointue

et on peut tout connaître des visiteurs. Dans notre démarche commerciale, il nous suffit ensuite

de personnaliser le message en fonction du profil étudié ».

Il est pertinent de noter qu’à travers cette approche, les marques raisonnent en termes de

« quantité d’information » et non de qualité indispensable dans un processus de construction

d’une stratégie sur le long terme et d’accès à la Connaissance.

Dès lors, la communauté virtuelle de marque permet-elle d’accéder à un type d’information

plus qualitative pouvant être intégrée à une démarche de gestion de connaissances ?

Page 65: Mémoire Claire Flament

64

64 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

- La connaissance passe par une démarche de veille stratégique

Selon Vergnaud-Schaeffer (1992), la stratégie de veille de l’entreprise est déterminante dans

ses performances à venir.

Ainsi, même si certains auteurs affirment que « la vraie valeur d’un réseau est moins

l’information que la communauté »19, nous ne pouvons nier que les professionnels des marques

utilisent leur communauté virtuelle afin de saisir l’information détenue par ses membres. Des

2000, O.Brodin souligne cette approche : « les membres des communautés de consommation

évaluent en permanence les produits, les marques ou les entreprises qui sont importants pour

eux, la qualité des prix, l’éthique ou l’histoire de l’entreprise ».

Pour élaborer une stratégie marketing fiable et efficace, toute entreprise doit disposer d’un

système d’information marketing puissant lui permettant d’étudier soigneusement son

environnement (à la fois micro et macro).

Nous pouvons dès lors proposer des éléments de réponse à la première question de recherche :

A. La communauté business-to-consumer : outil de veille stratégique

La veille stratégique désigne « le processus informationnel par lequel l’entreprise se met à

l’écoute anticipative de son environnement extérieur dans le but créatif d’ouvrir des fenêtres

d’opportunité et de réduire son incertitude et ses risques » (Lesca, 1994). Certains auteurs la

désignent sous l’appellation « business Intelligence » (Gilad et al.1986) ou « Compétitive

Intelligence » (Jaworski et al. 1993)

La veille stratégique a pour finalité d’alerter les managers d’obstacles à venir, mais aussi de

saisir des opportunités à venir. Lesca évoque un processus d’apprentissage collectif incluant

largement le client ou prospect.

La puissance informationnelle de l’internaute a été détectée rapidement par les marques : deux

approches sont possibles grâce au Web : une approche purement commerciale (veille

commerciale) conduit l’entreprise à collecter un maximum d’informations sur ses clients, ses

prospects en étudiant particulièrement leur parcours d’achat. Notons que la puissance des

technologies d’Internet a conduit les entreprises à se tourner majoritairement vers de nouveaux

outils d’analyse : Le Big Data notamment.

Ainsi, en entreprise, l’approche Big Data qui a pu largement s’imposer comme outil de veille :

il s’agit d’étudier l’ensemble des traces numériques laissées par les individus sur les moteurs

de recherche, les sites, les réseaux sociaux…Ces traces permettent une meilleure

compréhension des intérêts de ces individus, de leurs pratiques de consommation, de leurs

opinions et se transforment en informations stratégiques.

Il nous apparait important d’évoquer cette technique d’analyse du comportement du

consommateur largement utilisée par les entreprises :

19 Negroponte N. (1995) Being Digital, Alfred A.Knopf

Page 66: Mémoire Claire Flament

65

65 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Propos recueillis auprès du responsable marketing Millésima :

« la réussite d’une campagne publicitaire dépend de la quantité d’informations à disposition

des équipes marketing. Plus les données sont nombreuses, plus la communication peut être

ciblée pour atteindre les objectifs »

Sans remettre en question les opportunités issues du big data dans une démarche de veille

commerciale consistant à collecter des données précises (parcours, panier, ouverture des mails

promotionnels ou newsletters…), l’utilisation de la communauté de marque fermée dans un

contexte de veille stratégique présente une pertinence certaine aux yeux des managers les plus

sensibilisés au phénomène social pouvant aller au-delà d’une approche purement commerciale.

Dès lors, la communauté virtuelle de marque fermée devient un outil de veille marketing

efficace pour de nombreuses marques :

- La communauté virtuelle business-to-consumer : un outil de veille marketing avant

tout

La veille marketing complète efficacement la veille commerciale décrite en amont et va plus

loin : elle permet entre autre de surveiller l’évolution du marché sur lequel se positionne

l’entreprise, d’identifier les retombées du lancement de nouveaux produits, d’une

publicité…Mais la veille marketing permet surtout d’identifier de nouveaux marchés, de

proposer de nouveaux produits ou services, voire d’en accompagner le lancement : Dans ce

contexte, l’utilisation d’une communauté virtuelle de marque fermée prend tout son sens.

Cette approche est soulignée très tôt par les entreprises interrogées :

Données issues des entretiens :

« Nous avons été étonné de découvrir que les candidats s’interrogeaient sur la question du

tatouage. Certains pensaient qu’ils étaient interdits dans l’armée de terre et du coup,

préféraient ne pas postuler. Ils en parlaient entre eux, et c’est bizarre mais la question n’avait

jamais été posée dans les CIRFA. Cela a été une grande surprise pour nous et nous avons

immédiatement pris en compte ce problème. »

Armée de terre

Il ne s’agit plus ici d’étudier des données commerciales, mais bien de détecter les tendances à

venir :

« notre clientèle est internationale, de nombreuses variables déterminent les attentes de nos

clients, et nous n’arrivons pas encore à les connaître à l’avance »

Thomas Cook

Cette réflexion met en avant une préoccupation majeures des managers de marque, et c’est en

mobilisant la littérature des sciences de l’information que nous tentons d’y répondre en portant

une attention particulière sur l’importance pour l’entreprise de se donner les moyens de capter,

Page 67: Mémoire Claire Flament

66

66 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

à travers des « signaux faibles », signes d’alerte précoces, les informations stratégiques utiles à

la prise de décision.

- La prise en compte du signal faible dans une démarche de veille stratégique

Le concept de signal faible a été formulé par Ansoff en 1975 qui propose la définition suivante :

« un fait à propos duquel seules les informations partielles sont disponibles alors qu’une

réaction doit être entamée, si l’on veut qu’elle soit parachevée avant l’impact sur la firme de

l’avènement nouveau ».20

L’auteur montre que si un évènement peut constituer une surprise en soi, les éléments

d’information qui auraient permis de l’anticiper existent cependant : « Les signaux faibles sont

donc des éléments susceptibles de venir perturber un futur que les décideurs ont trop souvent

tendance à envisager comme une simple extrapolation du présent »

L’importance stratégique de ces signaux se dégage clairement : Ansof explique d’ailleurs que :

« De tels évènements sont des surprises stratégiques : des changements soudains, urgents,

imprévus dans les perspectives de l’entreprise et qui la menacent soit d’un renversement

important de ses gains, soit de la perte d’une opportunité majeure. »

Comment ne pas garder à l’esprit la chute de Kodak qui n’a pas anticipé la vague du numérique

dans le domaine de la photographie ?

Plus récemment, Lesca (2004) indique qu’il s’agit d’une sensation proche de l’intuition et

que’elle est déclenchée « par une donnée qui aura été perçue et examinée avec

attention…ensuite la manager ainsi interpellé devrait avoir le désir d’en savoir plus et d’obtenir

des informations supplémentaires pour affiner sa sensation ».

Dès lors, la mise en place d’une structure capable de capter ces signaux devient une obligation

stratégique de l’entreprise. Une démarche clairement entreprise par certains de nos

interlocuteurs :

« on est en interaction avec la marque, selon les tendance qui émergent on leur demande « tiens

c’est marrant on a cette tendance qui émerge, qu’est-ce que vous voulez en faire, est-ce vous

voulez qu’on creuse, est-ce que voulez injecter des produits que vous avez en

préparation…donc on est dans un pilotage finalement de la communauté et de l’interaction

avec le marketing de la marque.

Kréalinks

Une question se pose pourtant : quel type de « signal » doit-on chercher à capter ?

S.Blanco (2000) introduit une distinction entre signal faible et signe d’alerte précoce : il s’agit

de comprendre le terme ‘signal’, non pas comme la diffusion volontaire d’une information par

20 Ansof et MacDonnell, « Implanting Stratégic Management », Prentice Hall International, NY, 1990

Page 68: Mémoire Claire Flament

67

67 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

son émetteur dans l’objectif d’être capté par un récepteur ciblé, mais comme une information

non-volontaire et non consciente : le participant à une communauté virtuelle diffuse des

« babillards » que la marque en veille interprétera en fonction de « son système personnel de

représentations …. l’information reçue subit une série d’interprétations liées aux croyances

générales, au milieu socioprofessionnel, au point de vue, à l’intention, au projet de l’individu »

pour reprendre les propos de Prax. S.Blanco parle alors de « signe d’alerte précoce »

S.Blanco propose 5 caractéristiques des signes d’alerte précoce

Nature Commentaire

Qualitatif Il ne consiste pas en des nombres et des faits puisqu’ils concernent des

faits non encore survenus, non factuels. Il s’agit de « brides », de

« rumeurs », « de commentaires », « d’indications fragmentaires »

Ambigu Il peut être sujet à de multiples ou bien à aucune interprétation

Sans pertinence

intrinsèque

Il n’est pas en relation avec les décisions ou les préoccupations en cours

Fragmentaire Il ne constitue qu’un « morceau » d’un évènement futur possible. Par

conséquent, son exploitation requiert des informations

complémentaires

De formes et de

sources diverses

Ils peuvent provenir d’émetteurs, de canaux et de supports variés tel

qu’un bout de conversation, des documents électroniques, des coupures

de presse…

En regroupant les consommateurs d’une marque sur une plateforme virtuelle, la marque,

l’entreprise leur donne le rôle d’agent facilitateur dans un processus de veille stratégique.

Notons que la propriété de la plateforme et donc des données publiées dans un contexte de veille

donne un avantage stratégique certain à la marque :

Propos d’un manager de marque :

« tout ce qui est publié sur notre plateforme nous appartient. »

Il apparait également que le département marketing n’est pas le seul concerné par cette veille,

c’est l’organisation dans son ensemble qui est touchée :

Dès lors, comment l’entreprise dit-elle se positionner pour faire émerger ces tendances ?

Selon Kréalinks, spécialisé dans l’étude des communautés, il est essentiel de prendre une

position de recul et de laisser les membres initier eux-mêmes les conversations :

« C’est une plateforme complétement libre, c’est leur espace à eux. Les thèmes, ce sont eux

qui les créent, pas nous. »

Page 69: Mémoire Claire Flament

68

68 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Figure 13

Les discussions sont initiées par les participants…et abordent tout type de sujet.

Exemple de la communauté Loomea

Les conditions d’une veille efficace sur la communauté de marque émergent ainsi :

- D’une part la marque doit parvenir à regrouper un maximum de participants autour de

cette plateforme d’échange et leur fournir des outils d’interactivité efficace : possibilité

d’échanger, de relayer du contenu, de commenter de créer un thème autour duquel

émergera la discussion. P.Halté21 pointe notamment la puissance de certaines marques

modales présentes dans le corpus des conversations en ligne : La possibilité d’utiliser les

interjections et les émoticônes permet de renforcer un sentiment par exemple.

- La marque se doit également d’intervenir le moins possible sur les espaces de discussion

dédiés à ces échanges, sans même initier de thème ou de sujet de discussion afin de

laisser émerger des tendances qui pourront ainsi être exploitées :

Propos d’entreprise :

« Ce n’est pas juste ouvrir un espace et mettre des gens dedans, c’est aussi animer cet espace,

être en interaction avec la marque pour lui dire : ‘tiens c’est marrant on a cette tendance qui

émerge, on est finalement dans un pilotage de la communauté »

« nous on a un objectif d’aller capter des choses de ce que le consommateur raconte, on ne

drive pas du tout certains forums en libre accès. On fait juste un peu d’animation pour que les

gens se sentent bien mais il n’y a pas à les orienter. c’est leur espace, ils ont envie d’échanger

entre eux. C’est la partie visible de l’iceberg’.

21 Pierre Halté, « les marque modales dans les chats, étude sémiotique et pragmatique des émotîcones et des

interjections dans un corpus de conversations synchrones en ligne », Thèse, 2013

Page 70: Mémoire Claire Flament

69

69 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Nous avons ainsi dégagé les enjeux d’une veille stratégique et le potentiel que représente la

communauté de marque fermée dans cet exercice, à condition que la marque fournisse les bons

canaux d’échanges et intervienne le moins possible. Or, dans sa stratégie marketing, en

rassemblant au sein de sa communauté virtuelle des consommateurs concernés par les produits

proposés peut aller plus loin que la veille et procéder à un nouveau type d’études de marché.

B. Analyse et études de marché : un pas dans le nouveau monde des études

qualitatives

Si certains managers adoptent une démarche de veille, les plus aguerris aux techniques du web

social vont plus loin et utilisent leur communauté de marque dans le cadre de leurs études de

marché. Ainsi, depuis environ cinq ans, les communautés virtuelles de marques sont à l’origine

de nouvelles approches qui ont révolutionné le monde des études études marketing et la pratique

des sondages. Si les réseaux sociaux ont pu initier ce type d’approche, permettant dans un

premier temps d’enrichir les connaissances sur les produits, les clients, les concurrents…très

vite, la question de la sécurité des données d’une part, et de la propriété de ces mêmes données

d’autre part s’est posée. Dès lors, la communauté virtuelle de marque fermée s’est imposée

comme cadre d’étude privilégié.

Les différentes interviews menées auprès de professionnels nous permettent d’apporter des

éléments de réponse à une seconde question de recherche :

QR1b : Comment opérationnaliser efficacement la communauté virtuelle de marque dans une

démarche d’étude ?

Propos d’un manager de marque :

« D’autres communautés ont un objectif marketing marqué…par exemple, s’il faut chercher

des nouveaux insides pour Nutella, on va pas chercher à créer de nouveaux pots ! »

- De la communauté quali à une approche netnographique de la communauté de

marque

Avec Internet, les communautés en ligne à but d’étude appelées « Market Research Online

Communities » (MROC) se sont rapidement imposées : la littérature anglo-saxonne souligne

largement les avantages de cette approche. Il s’agit d’inviter des internautes à participer pendant

quelques jours ou quelques semaines à une discussion en ligne sur un thème donné. L’avantage

pour le répondant est de pouvoir participer au moment où il le souhaite et de n’importe quel

lieu simplifiant largement la logistique pour l’entreprise et permettant une réduction des coûts

importante.

Page 71: Mémoire Claire Flament

70

70 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Aux EU, les communautés Quali font désormais partie des méthodes courantes de la plupart

des instituts d’étude même si de nombreux débats ont confronté les participants et les opposants

des études qualitatives en ligne. La question s’est d’ailleurs posée dans le cadre de cette

recherche.

Les professionnels les plus engagés dans leur communauté ont rapidement compris tout le

potentiel qu’ils pouvaient retirer de la collaboration des membres dans une démarche d’étude :

Propos d’entreprise :

« les concours créatifs en ligne sont finalement marginaux pour nous, ils servent à animer. Ce

qui est le plus pertinent, c’est lorsque l’on regroupe certains consommateurs pour un projet

bien défini : dans ce cas, on les contacte directement et on lance une mini communauté. On

l’utilise comme un focus groupe…. »

« Les avantages de ce type d’action sont nombreux : quand des entretiens sont limités en temps

dans le cadre d’une enquête qualitative traditionnelle, nous pouvons aller beaucoup plus loin

grâce à ce type de structure. Souvent l’expérience dure 4 à 8 semaines. Cela permet de vraiment

creuser et c’est là que la communauté fermée a une vraie plus-value ! »

Kréalinks

Propos d’entreprise :

« Si tu savais comme certains échanges sont super pertinents ! des fois je me dis, punaise, le

potentiel qu’il y a dans tous ces gens ! je suis moi-même impressionné de tout ce qu’ils savent.

Quand je dois voir la banque, je lui présente cette valeur de ma communauté, en faisant des

imprim écran des échanges.

A l’opposé de la démarche de veille détaillée en amont, l’utilisation de la plateforme dans le

cadre d’étude de marché est extrêmement cadrée car répondant à des obligations de temps et de

résultat :

Propos d’entreprise :

« quand on lance une étude sur une communauté privée, on va inciter les membres à s’exprimer

environ 30 minutes par jour. Si l’étude dure 7 jours, les gens vont s’exprimer 210 minutes, 3h30

chacun en continue…c’est impossible dans un focus groupe traditionnel. »

« c’est le même principe que le focus groupe. On peut envisager de faire un focus groupe pour

tester une publicité par exemple, et bien là on va créer un forum privé pour tester la publicité.

«

Page 72: Mémoire Claire Flament

71

71 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

« on n’est pas sur un one shot, c'est-à-dire on va passer une heure chez vous pour vous

interroger. Là on instaure une relation longue durée, potentiellement plusieurs mois. Si on veut

être plus en osmose avec les consommateurs, on va plutôt avoir tendance à créer des

communautés sur plusieurs mois pour pouvoir bien comprendre qui sont ses gens…c’est quoi

leurs attentes, c’est quoi leurs idées…

L’entreprise est parfois amenée à créer une mini-communauté, limitée dans le temps,

regroupant, à l’image d’un focus groupe traditionnel, une cible de consommateurs particulière,

parfois recrutée off line.

Propos d’entreprise :

« récemment, on a voulu étudier le marché des poussettes. On a donc réunis les femmes

enceintes, environ une cinquantaine…et on les a laissé parler entre elles. C’était vraiment

enrichissant, elles avaient plein de choses à se dire, des photos à publier, leur quotidien, leurs

préoccupations de toute sorte, mais aussi d’achat. C’est fou comme elles avaient envie de

discuter entre elles et toute l’intimité qu’elles ont pu dévoiler ! On ne leur a jamais dit qu’il

exemple sur la problématique de l’achat du matériel de naissance… »

On peut donc envisager le potentiel de ce type d’étude au sein desquelles les consommateurs

font tomber toute barrière sociale derrière l’écran !

Propos d’entreprise :

« Sur Facebook, on va pas dire qu’on mange des yaourts bas de gamme, on a une image à

valoriser…c’est pareil dans un focus groupe off line…mais ce n’est pas du tout le cas dans une

communauté privée…au contraire on va aller au bout de la démarche et les gens se confient

beaucoup plus, ils ne vont pas avoir peur de ce qu’ils consomment, il y a beaucoup de liberté

par rapport à çà ! »

Propos d’entreprise :

Il y a des gens qui vont être plus à l’aise pour discuter sur un forum que dans un focus groupe

au sein duquel on a un statut social à préserver. On est dans un monde où tout le monde a sa

part de voix ».

A propos des études menées sur les réseaux sociaux traditionnels, les managers pointent

rapidement leurs limites, particulièrement en termes de sécurité des données :

Page 73: Mémoire Claire Flament

72

72 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Propos d’entreprise :

« ce que la marque va récupérer via un concours créatif sur les réseaux sociaux, ce n’est pas

exploitable. Ici on est vraiment dans le cadre d’une étude. En plus, c’est confidentiel, c'est-à-

dire qu’une marque qui veut tester un produit sur Facebook, elle n’a pas intérêt à avoir peur

que ça fuite de tous les côtés. »

Pour conclure au sujet de la pertinence de l’utilisation de la communauté privée dans le cadre

d’études de marché, reprenons les propos d’un manager :

« Ça devient une méthodologie à part entière, on oublie même les dimensions table ronde

traditionnelles, on est passé à la dimension communauté, on est passé dans un nouveau

monde ».

I.II. Le lien social pour valoriser son capital marque

Selon Changeur, (1999), « une marque à fort capital correspond à une marque qui apporte de

la performance supplémentaire au produit et au service marqué aux yeux des consommateurs. »

Pour L.Keller, cette valeur ajoutée est le résultat de tous les investissements marketing engagés

sur la marque. Ainsi, le capital marque se construit en relation avec le consommateur, sur le

long terme, en utilisant tous les outils permettant à la marque d’interagir en communiquant ses

valeurs et en diffusant son ADN. On devine aisément le potentiel de la communauté virtuelle à

cet égard.

Afin d’évaluer la puissance du capital marque d’une entreprise, ce G.Michel et JF Vergne

(2004) s’appuient sur les dimensions suivantes :

- La notoriété

- La force de l’image de marque

- La force des signes de reconnaissance

- La fidélité des consommateurs

La première idée qui émerge nettement de l’étude exploratoire est que la marque utilise les

outils du Web pour développer sa notoriété.

Propos d’entreprise :

« Les clients ont une image beaucoup plus nourrie de la marque parce qu’ils se sentent

valorisés…grâce à des avants premières par exemple. »

Page 74: Mémoire Claire Flament

73

73 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

La plateforme communautaire permet d’une part de renforcer sa notoriété auprès de ses

consommateurs ou futurs consommateurs, mais aussi de la co-construire : Impliquer le

consommateur dans la valorisation de sa marque, c’est l’associer à son histoire. Ce n’est plus

une communication verticale mais bien une relation horizontale qui inclus une reconnaissance

de la participation de ses consommateurs au renforcement de l’image de marque.

Ainsi, en donnant la possibilité à ses participants de créer et de partager des contenus

personalisés les mettant en scène avec une Vespa, la marque renforce la force de sa notoriété

en collaboration avec les membres de sa communautés qui diffusent leur création dans leur

cercle social comme le démontre une étude de la plateforme communautaire Vespa : Chacun

des participants dispose sur la plateforme, d’outils de création extrêmement qualitatifs lui

permettant de personnaliser le contenu qu’il créé en utilisant les codes de la marque.

La création d’une carte postale sur la communauté DoYouVespa : Comment la marque

utilise le lien social pour renforcer son capital marque.

Page 75: Mémoire Claire Flament

74

74 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

B. La fidélité renforcée par l’engagement dans une plateforme communautaire

fermée.

Un examen de la littérature permet d’aborder le concept de fidélité du consommateur à travers

une approche purement comportementale (réachat des produits de la marque, Johnson,Hermann

et Huber, 2006) et une approche plus relationnelle qui s’intéresse à la relation que construit le

consommateur avec la marque. Particulièrement adaptée aux problématique du marketing

social, cette approche introduit l’idée que la fidélité ne peut exister sans engagement (Morgan

et Hunt, 1994 ; Pritchard, Havitz et Howard, 1999, Garbarino et Jonhson, 1999)

Les premières recherches empiriques portant sur les communautés virtuelles de marque ont

rapidement démontré une relation positive entre l’engagement du consommateur dans une

communauté virtuelle et sa fidélité à la marque (Mac Alexander, Kim et Roberts, 2003 ; Shang,

Chen et Liao, 2006 ; Li et Hung, 2006). Nous n’avons pas pour ambition, dans le cadre de ce

mémoire, de proposer un apport nouveaux aux différentes études exploratoires,

netnographiques et quantitatives menées depuis plus d’une décennie. C’est un fait, dans le cadre

de notre investigation, la fidélité est clairement identifiée parmi les attentes managériales

étudiées.

Propos d’entreprise :

« oui donc finalement, la communauté c’est comme un club de nos supers clients, une sorte de

Rotary Club, c’est plutôt bon pour la marque non ? »

En laissant les internautes exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement à travers un forum

par exemple, la marque se donne les moyens rebondir de renforcer sa fidélité (ou de se donner

une deuxième chance parfois).

Le lien communautaire et social pour renforcer la fidélité

Exemple de la communauté Monlookea

Page 76: Mémoire Claire Flament

75

75 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Quand le client fidèle utilise la communauté de marque pour exprimer son

mécontentement : une chance donnée à la marque de réagir :

K .Raies et ML. Gavard-Perret ont pu démontrer que la fidélité dépendait d’un engagement

bidirectionnel : celui du consommateur envers la marque et de sa participation dans la

communauté virtuelle de la marque.

III. Le marketing relationnel, une condition du succès communautaire

Si la première partie de notre analyse a permis d’identifier une volonté d’instrumentaliser la

communauté dans un but purement marketing, la peur de l’échec communautaire apparait

cependant rapidement : L’enjeu n’est pas simplement financier ; cet échec peut avoir l’effet

inverse de l’objectif annoncé en entrainant une mauvaise publicité voire une détérioration de

l’image de marque.

Se pose alors notre seconde question de recherche :

QR2 : Comment créer un outil marketing rentable pour l’entreprise ?

Selon Cova et Cova (2001) les membres d’une communauté virtuelle ne se considèrent pas de

prime abord comme des consommateurs, des clients. Selon les auteurs, ils utilisent ce support

en dehors des normes établies par l’entreprise : Les communautés virtuelles regroupent des

passionnés, des « collectionneurs d’idées », des habitués voire des experts.

O.Brodin souligne l’importance pour la marque d’éviter tout discours commercial qui pourrait

conduire inéluctablement à l’échec de la plateforme.

Page 77: Mémoire Claire Flament

76

76 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

C’est en nous appuyant sur les composantes du marketing relationnel que nous proposons

d’aborder notre analyse : Il s’agit de déterminer comment la marque peut assurer le succès de

sa plateforme en suscitant un engagement des participants dans sa communauté virtuelle,

prérequis indispensable dans une démarche de participation commune au développement de la

marque.

Nous proposons de nous placer ici du côté du client : Une étude quantitative menée auprès de

consommateurs a pour objectif de comprendre les motivations qui le poussent à collaborer avec

la marque à travers sa plateforme communautaire.

A. Une relation marque/consommateur enrichie d’une dimension sociale

Dès 1970, Baudrillard évoque le rôle de la marque qui, par son univers, ses symboles, ses

valeurs contribue à la construction individuelle et contribue ainsi à esquisser la structure

postmoderne de la consommation. Pour Lopez22 « aujourd’hui dans une société de signes, en

perpétuelle décomposition et recomposition autour de pratiques de consommation, et où chacun

cherche des repère identitaires, les marques deviennent bien plus que de simples outils

marketing. »

A ceux qui proposent d’envisager le marketing relationnel comme un changement de paradigme

du marketing traditionnel (Gronroos, 1994) , Bonnemaizon, Cova et Louyot (2007) préfèrent

évoquer une évolution de la relation, qui va s’étendre d’une relation simple avec un client vers

« une collection de relations avec le réseau de joueurs liés à l’entreprise ».

Ainsi, selon Durif, Graf et Ricard (2009) : « Le marketing relationnel est une perspective

stratégique multilatérale basée sur une connaissance approfondie des partenaires et d’un

nombre de certaines normes contractuelles, et dont le but est de créer, développer, renforcer et

prévenir la rupture des relations, et qui aide à maximiser les bénéfices à long terme des parties

prenantes impliquées. »

C’est sur cette définition que nous proposons de nous appuyer dans notre analyse : Il s’agit de

comprendre comment l’entreprise utilise les outils du web social (ou les instrumentalise) pour

prolonger la relation et engager les participants de la communauté dans une relation de

coopération, de collaboration sur le long terme.

Selon Ivens et Mayrhofer (2003), la réussite d’un marketing relationnel suppose l’application

systématique et coordonnée d’un certain nombre de principes. Les auteurs dégagent huit

facteurs clés de succès sur lesquels nous appuierons notre analyse (cf. figure 14).

22 Thèse de Doctorat, décembre 2012

Page 78: Mémoire Claire Flament

77

77 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Figure 14

Les facteurs clés du succès du marketing relationnel

L’orientation à long terme

A travers sa communauté Business-to-consumer, l’entreprise exprime son désir d’établir une

relation approfondie et durable avec ses clients. L’orientation sur le long terme favorise la

confiance et la fidélité du client. En proposant à ses clients de créer un espace ‘personnalisé’

sur une plateforme de la marque, l’entreprise se donne les chances d’initier un échange sur la

durée :

Ainsi la communauté Cultura laisse à chacun de ses membres la possibilité de développer son

profil, de l’enrichir de contenus, de s’abonner à d’autres comptes…Chaque participant possède

ainsi un espace personnel qu’il personnalise en choisissant de publier sa photo ou de choisir un

avatar, sur lequel il poste des photos, des vidéos ou ses avis. Selon les contenus publiés, le

membre accède à différents statuts (expert, passionné, curieux…).

Page 79: Mémoire Claire Flament

78

78 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Figure 15

Illustration des profils sur la communauté Cultura

Certains managers vont plus loin et ambitionnent leur communauté comme un club de

consommateur, à l’image de la plateforme Beneteau inaccessible à toute autre personne que les

clients de la marque.

Propos d’entreprise :

« j’imagine ma communauté comme une sorte de Rotary Club, un truc haut de gamme qui

réunit les clients les plus fans de nos offres. J’utilise cet espace privilégié pour proposer des

évènements, des invitations ou des avant-premières…»

Le principe de réciprocité

La relation marque/participant au sein d’une communauté business-to-business est avant tout

basée sur une relation donnant-donnant ou encore gagnant-gagnant : Si la relation s’intègre dans

une structure sociale, elle a pour objectif d’être équilibrée. L’application de ce principe se

traduit par la mise en place de jeux-concours, de petits cadeaux à destination des membres qui

participent le plus.

Propos d’entreprise :

« les petits cadeaux, çà fait partie du jeu. Attention ce n’est pas un principe de rémunération !,

c’est plus le sentiment d’avoir la sensation de compter, et qu’en participant, c’est normal

Page 80: Mémoire Claire Flament

79

79 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

d’avoir une compensation, il faut pas non plus donner des sommes folles, mais un geste c’est

certain.. »

Il s’agit donc pour l’entreprise de savoir doser les avantages qu’elle octroie à ses participants,

sous peine de générer une participation ‘opportuniste’ ne recherchant pas l’intérêt de la

marque :

Propos d’entreprise :

« On sait que les membres ne sont pas poussé exclusivement par le gain…on n’a pas

d’opportuniste et on ne souhaite pas encourager ce genre de pratique…mais bon, c’est toujours

bien de récompenser ceux qui investissent dans les concours créatifs par exemple, ils passent

du temps, et c’est un petit plus pas négligeable ! »

Les programme d’animation de la communauté font partie de cette relation : Partant du constat

que de nombreux membres recherchent, à travers leur participation à une communauté virtuelle

business-to-consumer, à combler un besoin de reconnaissance et de valorisation sociale, les

entreprises fournissent à leurs membres des possibilités de mettre en avant leurs contributions

par un système de ‘miles’ ou de ‘points’ ou encore de ‘trophées’ dont l’objectif est avant tout

de pousser l’activité communautaire et d’animer ainsi la plateforme :

Figure 16 :

Illustration d’un programme d’animation : la communauté Cultura

Ainsi les jeux concours sont envisagés comme partie intégrante de cette volonté de valoriser

le participant, sans valeur marketing réelle :

Page 81: Mémoire Claire Flament

80

80 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Propos d’entreprise :

« Les jeux concours permettent de générer du trafic sur notre site, ils servent à animer mais

nous n’en retirons pas d’analyse particulière ».

A cet égard, notre démarche d’investigation nous pousse à considérer la co-création avant tout

comme un élément de cette relation :

Propos d’entreprise :

« Je sais que c’est en vogue, mais bon, l’objectif d’une plateforme communautaire n’est pas de

co-créer…je ne pense pas qu’il y ai déjà eu des produits co-créés avec des consommateurs sur

le marché d’ailleurs…tout au plus, on peut envisager de valider un produit, une publicité à

venir : finalement cela revient à faire un pré-test non ? »

« C’est pas crédible de lancer un jeux concours pour imaginer un produit, on a des process

d’innovation bien établis pour cela et ce n’est pas un jeux-concours qui influencera ce

process. »

Une démarche de co-création reste cependant envisageable au sein de groupes très fermés dont

les membres ont été choisis par la marque sur la base de leur participation ou de leur profil :

« On recherche avant tout un échange. On peut les valoriser autrement en les faisant se sentir

important, via des invitations à des groupes fermés par exemple, c’est ainsi que l’on peut créer

un groupe pertinent pour nos études, on leur envoie des invitations privées…».

- Le facteur de fiabilité

Dans une démarche marketing traditionnelle, l’entreprise recherche avant tout à comprendre les

besoins et attentes de sa clientèle : En initiant une communauté virtuelle de marque, l’entreprise

montre avant tout à ses consommateurs et futurs consommateurs qu’elle attache de l’importance

à la compréhension de ses besoins auxquels elle s’efforcera de répondre :

Propos d’entreprise :

« On ne sait pas ce que sera la demande étrangère, elle varie énormément selon les pays.

L’approvisionnement est parfois un vrai casse-tête car on a des vins rares et il faut anticiper

les demandes : une année on peut approvisionner des côtes du Rhône alors que la demande

porte majoritairement sur des Bordeaux… cela pose un vrai problème de crédibilité fasse à des

investisseurs. »

Page 82: Mémoire Claire Flament

81

81 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

- L’échange d’informations

Un échange régulier d’information est rendu possible grâce aux forums de discussion

notamment. Toutes les plateformes étudiées n’en disposent pas : ainsi DoYouVespa ne permet

pas à ses membres d’échanger, mais juste de consulter les créations des autres membres, dans

le même esprit, générationSéphora permet aux jeunes filles de lancer un sujet de discussion

mais seule la marque y répond. Les autres membres ont le choix ‘d’aimer’ un commentaire,

mais pas d’y apporter leur propre contribution.

A cet égard, la plateforme Monlookéa se présente comme un modèle et explique peut-être ainsi

le succès de la communauté regroupant plus de 77 000 adhérents qui échangent entre eux et

avec la marque.

En facilitant l’échange d’informations, la marque s’assure un suivi de la satisfaction de ses

clients, une possibilité de générer un processus de recommandation des consommateurs vers

les futurs consommateurs , d’initier un sentiment de solidarité dans le groupe et de faire évoluer

ses offres ou ses produits en les adaptant aux demandes récurrentes des clients.

Figure 17

Extrait du forum Monlookea : retour d’expérience

et personnalisation de l’échange

Page 83: Mémoire Claire Flament

82

82 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

- Un usage modéré du pouvoir

La question de la modération d’une plateforme communautaire est sensible : Comment

maintenir la confiance des membres envers la communauté tout en contrôlant le contenu

diffusé ? Toute stratégie relationnelle se fonde sur la qualité et la spontanéité des échanges. Dès

lors, de nombreux chercheurs démontrent que, si la marque a pour mission d’animer son

programme communautaire, il est dangereux d’exercer un quelconque pouvoir sur ce type de

plateforme

Page 84: Mémoire Claire Flament

83

83 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

II. les motivations des membres à collaborer avec la marque dans une

communauté de marque virtuelle fermée

Si la première phase d’investigation qualitative a pu démontrer les attentes marketings

marquées des professionnels qui initient ou souhaitent initier une communauté virtuelle

business-to-consumer (Les objectifs affirmés étant de parvenir à la connaissance, à la

valorisation de leur capital marque et à la fidélisation de leurs consommateurs), il s’agit

maintenant de comprendre comment rendre cette plateforme efficace en portant notre attention

sur un pré-requis incontournable : l’adhésion d’une masse critique de participants de qualité,

c'est-à-dire dont les motivations sont en adéquation avec les objectifs marketings de la marque

(L.Arnone, 2009).

Cette préoccupation nous conduit à notre seconde question de recherche :

QR2 : Comment réunir une masse critique de membres impliqués pour parvenir au succès de

la communauté Business-to-Consumer ?

Nous proposons d’apporter des éléments de réponse à travers l’analyse de trois questions de

recherches complémentaires :

QR2a : Quel est le profil d’un consommateur participant à une communauté virtuelle de

marque ?

QR2b : Quelles motivations profondes les poussent à collaborer avec la marque à travers sa

plateforme communautaire ?

QR2c : Quels sont les outils à mettre en place pour répondre efficacement à leurs attentes ?

Ayant opté pour une méthode mixte, cette phase de recherche quantitative a pour objectif de

compléter la première phase de recherche et d’apporter des éléments supplémentaires de

compréhension du mécanisme des plateformes communautaires fermées. Nous espérons ainsi

apporter des réponses aux managers tentés par l’expérience, et compléter une littérature récente

sur le sujet.

II.I. Les motivations des participants à une communauté virtuelle business-to-

consumer : revue de littérature.

Dès 1997, les chercheurs se sont penchés sur cette problématique : quelles raisons poussent les

membres à adhérer à une plateforme communautaire de marque ? Hagel et Armstrong (1997)

distinguent quatre formes de motivations : l’intérêt du consommateur pour la marque,, son

besoin de partager de l’information, une volonté d’entretenir des relations sociales mais

également un besoin d’évasion. De leurs côtés, Dholakia, Bagozzi et Pearo (2004) évoquent un

besoin de divertissement, de découverte de soi et d’amélioration sociale. Le besoin de réconfort

quant au choix et à la qualité des marques consommées seraient selon Ouwersloot et

Page 85: Mémoire Claire Flament

84

84 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Oderkerken-Schröder (2008) pousserai le consommateur à se tourner vers une plateforme

communautaire pour échanger.

Ces premières recherches démontrent ainsi une variété de motivations plus ou moins affirmées

selon le profil socio psychologique (motivations intrinsèques/vs exrinsèques) des membres

d’une part et l’importance qu’ils attachent à quatre types de relations d’autres part : la relation

client/marque, la relation client/produit, la relation client/client, et enfin la relation

client/entreprise. (Ouwersloot et Odekerken-Schröder (2008)

Sun Yongqiang, Yulin Fang et Kai H.Lim (2012) proposent une approche extrêmement

innovante dans ce domaine de recherche sur laquelle il nous parait particulièrement intéressant

de revenir : les auteurs se basent sur une revue de littérature pour proposer une classification

des motivations à adhérer à une communauté virtuelle de marque selon deux catégories : les

motivations personnelles (intrinsèques et extrinsèques) et les motivations sociales et proposent

la classification suivante :

Tableau 2

Les motivations à adhérer à une communauté virtuelle de marque

Motivations

Littérature

Motivations

personnelles

Motivations

extrinsèques

récompense Chiu, Hsu et Wang, 2006 ; Daugherty

et al., 2005 ; Dholakia, Bagozzi et

Pearo, 2004 ; Wasko, Faraj, 2000

Réputation/image Lakhani, Von Hippel, 2003 ; Wasko,

Faraj, 2005. Chiu, Hsu et Wang, 2006

Dholakia, Bagozzi et Pearo, 2004

Motivation

intrinsèques

Estime de soi Hertel et al., 2003 ; Lin, Hung et Chen,

2009

Apprentissage Hall et Graham, 2004 ; Daugherty et

al.,2005

Plaisir d’aider les autres Wasko et Faraj,2005

Motivations

sociales

communauté Hsu et al., 2007

Promotion de soi

Identité sociale Blanchard, 2008

réciprocité Hall et Graham, 2004, Wasko et

Faraj ; 2005

Sentiment

d’appartenance

Chiu, Hsu et Wang, 2006 ; Daugherty

et al., 2005; Wasko et Faraj; 2005,

Agarwal, 2007

Les auteurs vont cependant plus loin et proposent deux types de distinctions supplémentaires:

- La distinction entre la motivation à adhérer et celle à poursuivre la relation : Selon

les auteurs les motivations à adhérer initialement ne sont pas les mêmes que celles qui

poussent les consommateurs à continuer la relation et à entrer dans un processus de

collaboration avec la marque. L’entreprise doit ainsi développer une stratégie de

Page 86: Mémoire Claire Flament

85

85 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

« motivation et de management des participants » en leur proposant des outils

d’interaction, des jeux concours, une valorisation par un système de cumul de miles…

- La distinction entre l’adhésion à une communauté initiée par la marque/initiée par

les consommateurs : A travers une étude quantitative menée auprès de 205 membres de

communautés virtuelles, les auteurs ont pu démontrer une différence d’attentes, de

comportement et de motivations à participer entre ces deux types de communautés :

Ainsi, l’information diffusée par les membres est considérée comme privée sur une

communauté virtuelle initiée par la marque. De plus, l’échange de connaissance est avant

tout considéré comme une activité sociale au sein d’une communauté publique, alors

même qu’il aura une dimension économique et purement informationnelle et

déterminante dans leur décision d’achat des produits de la marque au sein d’une

communauté business-to-consumer : Dans cette perspectives, les bénéfices personnels

prennent le pas sur la perspective sociale : les motivations extrinsèques sont primordiales

aux sein de ces communautés et guident largement les membres.

Les auteurs proposent ainsi un modèle d’approche innovant : l’EVT (expectancy-value theory)

qui, se basant sur les théories comportementales et théories de l’utilité et de la gratification (use

and gratifications theory23) , suggère que les effets de la motivation sur la participation à une

communauté virtuelle de marque sont contingents à la nature des avantages à en retirer

(sociaux/vs économiques.). Deux effets modérateurs sont à prendre en compte : l’auto-efficacité

et la complexité des tâches :

Figure 13

Le modèle EVT

23 P.Palmgreen,” Uses and Gratifications : a théorical perspective” , Sage publications, 1984

Task

Complexity

Intrinsic

Motivation

Extrinsic

Motivation

Self

Efficacy

Continuance

Intention

Page 87: Mémoire Claire Flament

86

86 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

II.2 Analyse de notre étude quantitative.

C’est en nous basant sur ces motivations sociales, et personnelles que nous avons pu construire

un questionnaire administré auprès de 93 consommateurs (cf . Chap.II, méthodologie) : En nous

appuyant sur les travaux de Decy et Ryan (1985), nous avons tenté d’établir une échelle de

mesure de la motivation des consommateurs à participer à une communauté virtuelle initiée par

la marque. L’outil psychométrique comporte trois dimensions : les motivations extrinsèques,

les motivations intrinsèques et les motivations sociales. (cf. tableau X)

Tableau 3

Les motivations des membres à adhérer à une communauté virtuelle de marque Business-

to-Consumer

Motivations

Libellé des items

Motivations

personnelles

Motivations

extrinsèques récompense Je participerais à une communauté

virtuelle de marque pour obtenir des

avantages

Réputation/image J’irais avec plaisir sur ce type de

communauté pour diffuser mes créations Motivation

intrinsèques Estime de soi Je peux efficacement aider cette marque à

se développer en lui soumettant mes idées

Apprentissage J’irais avec Plaisir sur un CVM pour

obtenir des informations plus poussées

Plaisir d’aider les

autres

J’irais avec plaisir sur les forums et FAQ

afin de répondre aux interrogations des

autres consommateurs.

Motivations

sociales

communauté Participer à une communauté virtuelle de

marque me permettrai de nouer des liens

intéressants avec d’autres consommateurs

Promotion de soi J’irais avec plaisir sur ce type de

communauté pour communiquer mes

expériences

Identité sociale En participant à une CVM, j’ai le

sentiment d’une relation personnalisée

avec la marque

réciprocité Adhérer à une CVM me permettrait

d’avoir de bonnes relations avec elle

Sentiment

d’appartenance

Je serais fier(e) d’appartenir à la

communauté de ma marque préférée

Page 88: Mémoire Claire Flament

87

87 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Afin d’expliquer les relations de ces trois dimensions avec l’intention de participer à une

communauté de marque, nous procédons à une régression linéaire sur chacun de ces

dimensions :

A. Régression des motivations extrinsèques (X) sur l’intention de participer :

X : la variable dépendante : l’Intention de participer à une communauté virtuelle de marque

business-to-consumer

Y : la variable dépendante : la motivation extrinsèque (composée de deux variables : avantage

et réputation/image)

Figure 14

Interprétation de la régression

Et test de colinéarité

Variables introduites/suppriméesa

Modèl

e

Variables

introduites

Variables

supprimées

Méthod

e

1

réputation/im

age,

avantageb

. Entrée

Coefficientsa

Modèle Coefficients non standardisés Coefficien

ts

standardis

és

t Sig. Statistiques de

colinéarité

A Erreur

standard

Bêta Tolérance VIF

1

(Constante) 1,810 ,355 5,098 ,000

avantage ,073 ,083 ,086 ,884 ,379 ,981 1,020

réputation/image ,336 ,084 ,388 3,989 ,000 ,981 1,020

Récapitulatif des modèles

Modèle R R-deux R-deux ajusté Erreur standard

de l'estimation

1 ,408a ,167 ,148 1,094

a. Valeurs prédites : (constantes), réputation/image, avantage

Page 89: Mémoire Claire Flament

88

88 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Tolérances et facteurs d’inflation de la variance proches de 1, sont dans les limites recommandées (tolérance > 0,3 et

VIF<3) : les variables explicatives sont peu corrélées entre elles.

Diagnostics de colinéaritéa

Modèle Dimension Valeur propre Index de

conditionnement

Proportions de la variance

(Constante) avantage réputation/image

1

1 2,744 1,000 ,01 ,01 ,03

2 ,195 3,751 ,05 ,14 ,92

3 ,061 6,703 ,94 ,84 ,05

Si le modèle obtenu met en avant un lien entre le besoin de valorisation (variable réputation/image

de soi) (t = 3,989 > 1,96) et l’intention d’adhérer à une communauté virtuelle de marque, il apparait

clairement que la variable avantage ne prédit pas l’intention d’adhérer (t = 0,884 < 1,96) et doit être

exclue (sig = 0,379).

B. Régression des motivations intrinsèques (X) sur l’intention de participer (Y’) :

X : la variable dépendante : l’Intention de participer à une communauté virtuelle de marque

business-to-consumer

Y’ : la variable dépendante : la motivation intrinsèque (composée de trois variables : estime de soi,

apprentissage et plaisir d’aider les autres

Figure 15

Interprétation de la seconde régression linéaire

Et test de colinéarité

Récapitulatif des modèles

Modèle R R-deux R-deux ajusté Erreur standard

de l'estimation

1 ,639a ,408 ,388 ,927

a. Valeurs prédites : (constantes), Plaisir d'aider les autres, estime de

soi, apprentissage

Page 90: Mémoire Claire Flament

89

89 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Coefficientsa

Modèle Coefficients non

standardisés

Coefficients

standardisés

t Sig. Statistiques de

colinéarité

A Erreur

standard

Bêta Tolérance VIF

1

(Constante) ,504 ,340 1,481 ,142

estime de soi ,284 ,076 ,310 3,724 ,000 ,958 1,044

apprentissage ,364 ,079 ,430 4,628 ,000 ,771 1,298

Plaisir d'aider les

autres

,124 ,088 ,128 1,409 ,162 ,800 1,250

Diagnostics de colinéaritéa

Modèle Dimension Valeur propre Index de

conditionnement

Proportions de la variance

(Constante) estime de soi apprentissage Plaisir d'aider

les autres

1

1 3,695 1,000 ,01 ,01 ,01 ,01

2 ,151 4,955 ,02 ,45 ,22 ,17

3 ,099 6,100 ,05 ,03 ,77 ,48

4 ,055 8,193 ,92 ,50 ,00 ,35

De cette seconde régression, nous pouvons avancer que l’estime de soi (t = 3,724 > 1,96) et

l’apprentissage (t = 4,628> 1,96) sont des variables déterminant positivement l’intention

d’adhérer à une communauté. Le plaisir d’aider les autres en revanche ne prédit pas l’intention

d’adhérer ( t = 1,409 < 1,96) ; sig : 0,162 : la relation est non significative.

C. Régression des motivations sociales (X) sur l’intention de participer (Y’’) :

X : la variable dépendante : l’Intention de participer à une communauté virtuelle de marque

business-to-consumer

Y’’ : la variable dépendante : la motivation sociale (composée de trois variables : identité

sociale, réciprocité, promotion de soi et communauté

Page 91: Mémoire Claire Flament

90

90 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Figure 16

Interprétation de la troisième régression linéaire

Et test de colinéarité

Variables introduites/suppriméesa

Modèle Variables

introduites

Variables

supprimées

Méthode

1

communauté,

identité sociale,

promotion de

soi, réciprocitéb

. Entrée

Récapitulatif des modèles

Modèle R R-deux R-deux ajusté Erreur standard

de l'estimation

1 ,521a ,271 ,238 1,035

Coefficientsa

Modèle Coefficients non

standardisés

Coefficients

standardisés

t Sig. Statistiques de

colinéarité

A Erreur

standard

Bêta Tolérance VIF

1

(Constante) 1,457 ,283 5,139 ,000

identité sociale ,152 ,108 ,173 1,408 ,163 ,546 1,831

réciprocité ,232 ,121 ,247 1,921 ,058 ,500 2,001

promotion de

soi

,203 ,106 ,226 1,913 ,059 ,592 1,689

communauté -,039 ,108 -,041 -,363 ,717 ,641 1,559

Page 92: Mémoire Claire Flament

91

91 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Diagnostics de colinéaritéa

Modèle Dimension Valeur

propre

Index de

conditionneme

nt

Proportions de la variance

(Constante

)

identité

sociale

réciprocit

é

promotion de

soi

Communaut

é

1

1 4,565 1,000 ,01 ,01 ,00 ,01 ,01

2 ,163 5,295 ,17 ,52 ,03 ,01 ,13

3 ,109 6,472 ,76 ,00 ,00 ,09 ,40

4 ,091 7,076 ,00 ,00 ,14 ,84 ,29

5 ,072 7,940 ,07 ,47 ,82 ,05 ,17

Page 93: Mémoire Claire Flament

92

92 CHAPITRE III : ANALYSE DES RESULTATS

Cette troisième régression ne nous permet d’envisager aucune prédiction possible entre la dimension

‘motivations sociales’ et l’intention d’adhérer à une communauté virtuelle de marque Business-to-

consumer, même si deux variables réciprocité (t = 1,921) et promotion de soi (t = 1,913< 1,96)

tendent à expliquer un lien possible.

II.3 Les apports de l’étude quantitative dans notre recherche

A l’évidence, les résultats de cette analyse quantitative donnent raison à Daugherty et al. (2005) qui,

dans leur recherche exploratoire des motivations à participer à une communauté virtuelles

envisagent les motivations personnelles au-dessus des motivations sociales et communautaires : Ce

qui pousse les individus à adhérer à une communauté virtuelle Business-to-consumer, c’est avant

tout un besoin d’en tirer des bénéfices de valorisation personnelle avant tout qui s’expriment par

une volonté d’apprendre et de valoriser son image.

Page 94: Mémoire Claire Flament

93

93 Synthèse: la participation collaborative au sein d’une communauté virtuelle de marque

peut-elle engendrer un processus d’Intelligence collective ?

Synthèse: la participation collaborative au sein

d’une communauté virtuelle de marque peut-elle

engendrer un processus d’Intelligence

collective ?

Cette recherche menée auprès des professionnels d’une part, et des consommateurs de l’autre

nous pousse à nous interroger sur la notion même d’engagement communautaire. A cet idéal

social qui veut nous présenter les relations virtuelles comme une réponse à la crise identitaire

de notre société, un idéal communautaire au sein duquel le pouvoir est redistribué à part égale

entre les consommateur et l’entreprise qui s’influencent mutuellement, il est nécessaire

d’opposer un schéma plus rationnel au sein duquel les motivations des entreprises restent avant

tout de survivre, s’appuyant pour y parvenir sur des outils relationnels afin de véhiculer une

image positive, d’accéder à la connaissance pour innover et de fidéliser ses clients en suscitant

un engagement émotionnel. Si, côté individu, le besoin d’affiliation sociale se manifeste à

travers les outils communautaires, c’est surtout un ensemble de motivations personnelles qui le

poussent à s’engager auprès d’une marque : attentes de valorisation sociale, mise en avant de

soi le poussent à générer ce fameux User Generated Content sur lequel se fonde le Web dit

Social.

Doit-on pour autant remettre en question la valeur des interactions communautaires ? A

l’évidence non ! En 1991, Stone défini la communauté virtuelle comme « un pôle d’attraction

précaire où des individus de provenance diverses se rencontrent, de sorte que peuvent naître les

interactions non focalisées ». Certes, les motivations des uns et des autres ne sont pas dénuées

d’intérêts personnels, mais les échanges qu’elles suscitent au sein des communautés en font leur

richesse.

Il est temps de s’intéresser, dès lors, à notre dernière question de recherche :

QR3 : Comment tirer le meilleur des communautés virtuelles business-to-consumer ?

Anderson, Wellman et Gulia affirment, en 1999 : « C’est la relation qui est l’élément important,

et non pas le moyen de communication ». De fait, lorsqu’on observe de près ce qui se passe sur

et autour d’Internet, il est difficile de nier que de nouvelles formes de collectifs sont en train

d’être inventées.

Page 95: Mémoire Claire Flament

94

94 Synthèse: la participation collaborative au sein d’une communauté virtuelle de marque

peut-elle engendrer un processus d’Intelligence collective ?

I. La communauté virtuelle business-to-consumer : un support puissant

d’accès à la connaissance

Proposant une analogie avec celle de Marx , Moulier Boutang (2007) affirme que « Le grand

trait de génie de Marx et Engels n’est pas d’avoir étudié la population laborieuse la plus

nombreuse en Angleterre (c’était en l’occurrence les domestiques qui se comptaient par

millions) mais les quelques 250 000 ouvriers des usines de Mandchester » : A l’ère d’Internet,

la communauté virtuelle constitue un terrain fertile de captation de l’Intelligence collective dans

une démarche que Moulier Boutang décrit comme « un nouveau capitalisme, un capitalisme

cognitif ».

Selon l’auteur, un nouveau mode de production émerge, qu’il définit comme « le travail de

coopération de cerveaux réunis en réseaux au moyen d’ordinateurs » : Dès lors l’entreprise se

doit, pour se développer et survivre, de s’efforcer de capter cette richesse issue des échanges

sociaux : « l’Intelligence entrepreneuriale consiste désormais à convertir la richesse déjà là dans

un espace virtuel en valeur économique » (Moulier Boutang, 2007)

Dès lors, en étant à la fois un outil de coordination sociale et d’aide à la connaissance, les

communautés virtuelles Business-to-Business agissent comme un moyen pour l’entreprise

d’accéder à une connaissance nouvelle qui ne peut par nature être acquise de façon individuelle

(Longino, 2002). A l’heure du web 2.0, la dépendance cognitive de retrouve au cœur de

l’interaction entre l’entreprise qui recherche à acquérir la connaissance, et le consommateur qui

contribue à générer cette connaissance, sous certaines conditions cependant : celles de posséder

un espace de collaboration adapté, des possibilités des générer des dynamiques d’échanges et

le sentiment d’être valorisé dans sa démarche.

Notre étude de cas montre cependant que peu d’entreprises prennent conscience de ce potentiel

et envisagent toujours leur communauté virtuelle dans le cadre d’une relation verticale héritée

du marketing de masse, dont les objectifs demeurent ceux du marketing management tel qu’on

le pratique depuis plus de 60 ans : communiquer, capter et fidéliser des consommateurs. Ce

type de plateforme peut-il générer un processus d’Intelligence Collective pertinent et servir les

intérêts de l’entreprise sur le long terme ? A l’évidence non, même s’il peut devenir un outil

social efficace, il s’appuie avant tout sur une démarche marketing dite ‘relationnelle’ mais

n’engendre pas de dynamique de groupe.

Se dessine alors les contours d’une communauté virtuelle idéale qui donne à l’entreprise le rôle

de coordinateur de la connaissance individuelle en favorisant d’une part la coopération des

participants grâce aux outils du web social (forums, fils de discussion) et d’autre part et en se

donnant les moyens techniques d’acquérir, de retenir et de transformer cette connaissance.

De cette capacité à générer une coopération cognitive et de faciliter le transfert de la

connaissance puis de la transformer, l’entreprise se trouvera en mesure de tirer le meilleur de

sa communauté.

Page 96: Mémoire Claire Flament

95

95 IV. Limites, contributions et voies de recherche.

IV. Limites, contributions et voies de recherche.

I. Les limites de l’étude

Cette étude a des limites de trois ordres : théorique, pratique et méthodologique.

D’un point de vue théorique, le choix même du sujet a obligé l’auteur à conduire ses premières

investigations sans pouvoir faire émerger, dans un premier temps, une problématique précise :

Si de nombreuses études en marketing portent sur l’influence des communautés virtuelles sur

la stratégie de la marque, mettant en évidence le phénomène d’empowerment du consommateur

renforcé par la généralisation de ce type de plateforme et la nécessité pour la marque de tenter

de le réguler en initiant une relation sociale ou communautaire, peu d’études proposent

d’aborder ce phénomène communautaire sous l’angle de la connaissance ou de l’Intelligence

collective qu’elle est en mesure de générer. C’est à la lecture de recherches sociologique que

nous avons pris conscience du potentiel communautaire dans une démarche cognitive de

l’entreprise.

La seconde limite se situe dans la nature même du cadre d’analyse choisi : la communauté

virtuelle business-to-consumer est un type de plateforme difficile à aborder pour le chercheur.

Propriétés des entreprises, il est parfois difficile de les intégrer dans une démarche

netnographique recommandée par Kozinets (2002) et de solliciter les membres dans le cadre de

notre recherche. Nous nous sommes ainsi confrontés à plusieurs refus des marques (Beneteau,

Cultura) d’échanger avec leurs membres et avons dû nous contenter pour certaines, d’adopter

une démarche d’étude de cas. Or, l’immersion dans la communauté du chercheur détermine le

succès de l’analyse. A notre grand regret, nous avons dû nous contenter de décrire des

comportements de l’extérieur.

Nous nous somme confronté à la même problématique au cours de notre étude quantitative : si

les consommateurs participent majoritairement à la vie des marques sur les réseaux sociaux

publics, les communautés fermées demeurent confidentielles et regroupent quelques milliers de

consommateurs : Le peu de temps imparti dans le cadre de notre enquête quantitative ne nous

a pas permis de regrouper suffisamment de répondants appartenant à une communauté de

marque fermée pour une analyse pertinente. Seules les motivations des consommateurs à

éventuellement adhérer à une communauté ont pu servir de données quantitatives à exploiter :

Si cette analyse permet de dégager des tendances, elle ne permet pas de comprendre un

comportement de coopération au développement d’une marque à travers la participation à ce

type de groupe restreint.

Dès lors, notre recherche demeure exploratoire et donc imparfaite : Par son temps extrêmement

limité, la difficulté à intégrer certains groupes de consommateurs, nous sommes en mesure de

proposer aux managers des pistes de recherches qui devront être approfondies pour prétendre

faire des recommandations managériales structurées.

Page 97: Mémoire Claire Flament

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96 IV. Limites, contributions et voies de recherche.

II. Les contributions et voies de recherche

Malgré ces limites, ce mémoire de recherche peut apporter une contribution à la recherche en

sciences de gestion :

La première provient du positionnement même de la recherche : En proposant d’aborder la

communauté virtuelle business-to-consumer en tant que communauté épistémique, nous nous

sommes efforcer de fournir un nouvel angle d’analyse du potentiel communautaire, celui de la

veille et de la captation possible de connaissance issue de la dynamique de groupe restreint.

La mobilisation de la littérature sociologique a pu fournir notamment des réponses sur la

relation que l’entreprise doit avoir avec les membres de ce type de plateforme : en intervenant

le moins possible, elle assure au groupe un sentiment de liberté qui le pousse à interagir et à

fournir ainsi les données essentielles pour le développement de la marque : En laissant les

membres décider des thèmes à aborder, des contenus à publier, l’entreprise se donne la

possibilité de capter les tendances à venir. Pour y parvenir, la plateforme communautaire doit

pouvoir réunir une masse critique de participants qualitatifs : le rôle de l’entreprise est d’une

part, de les pousser à adhérer mais aussi de les retenir en animant sa plateforme via des jeux-

concours, des dispositifs de valorisation personnelle.

Il apparait dès lors indispensable de favoriser ces interactions en fournissant les canaux de

coopération adaptés (forums de discussion, espaces de publication et de création) constituant le

canevas communautaire.

A cet égard, nous avons pu fournir un éclairage sur le rôle des concours de co-création initiés

sur ces plateformes : Phénomène en vogue aujourd’hui, il apparaît cependant à travers notre

recherche que les concours de co-création sont avant tout des dispositifs d’animation, sans

conséquence sur la détermination des produits à venir. S’il existe un phénomène de co-création

issu des communautés de marque, c’est avant tout grâce à l’étude des conversations qui

permettent de faire émerger des tendances que l’entreprise exploite ensuite.

En confrontant une phase d’investigation auprès de professionnels à une étude quantitative

menée auprès de consommateur, nous avons pu faire émerger les points de rencontre possibles

entre les attentes des premiers (attentes avant tout marketings et commerciales), et les

motivations des seconds (personnelles et sociales avant d’être communautaire.) Il semble

pertinent d’envisager la communauté Business-to-consumer comme une plateforme gagnante-

gagnante, au sein de laquelle chacun confronte ses intérêts particuliers loin des préoccupations

sociales traditionnellement retenues dans le marketing communautaire. Le participant

recherche avant tout une valorisation personnelle, des informations réconfortantes dans sa

démarche de consommation ou des avantages purement économique. La relation avec les autres

participants n’est donc pas déterminante dans sa démarche de coopération avec la marque.

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97 IV. Limites, contributions et voies de recherche.

De son côté, l’entreprise utilise, voire instrumentalise largement sa plateforme dans une

démarche purement marketing, en recherchant avant tout la valorisation de son capital marque,

le recrutement et la fidélisation de ses consommateurs.

Seuls quelques managers marketing ont pris conscience du potentiel de cette plateforme dans

une démarche de veille stratégique et d’accès à la Connaissance : Nous espérons en avoir pointé

l’importance stratégique dans une démarche d’innovation et de développement de la marque.

Il ne s’agit pas d’aborder ces communautés dans une démarche one-to-one largement

recommandée depuis l’avènement du web social, mais bien d’initier une communication many-

to-one en opérationnalisant la dynamique du groupe dans le but de servir l’avenir de

l’entreprise.

Ces premières contributions permettent de déterminer des voies de recherche futures

- Nous avons pu pointer la problématique du temps nécessaire à la compréhension d’un

phénomène aussi complexe que la dynamique de groupe : Une étude poussée, sur les

longs termes de différentes communautés doit nous permettre d’en saisir les mécanismes.

Nous n’avons pu ici que ‘détecter’ des tendances qu’il est essentiel d’approfondir pour

comprendre comment le groupe peut servir l’entreprise dans sa stratégie de

développement. Il serait ainsi extrêmement pertinent d’observer la naissance d’une

communauté et son évolution sur plusieurs années, un travail qui peut se faire dans le

cadre d’une thèse doctorale.

- De même, nous n’avons pas pu accéder aux communautés réservées uniquement aux

consommateurs de la marque : cette approche difficile dans le cadre d’un mémoire de

recherche peut s’envisager dans le cadre d’une recherche sur le long termes : certains

professionnels interrogés envisageaient positivement cette possibilité : on peut

s’interroger par exemple sur la qualité des informations générées sur ce type de

plateforme sécurisée et s’efforcer de comprendre comment l’entreprise parvient à en

capter toute son essence.

- Enfin, une étude quantitative de plus grande envergure, menée auprès des membres de

ces plateformes peut nous fournir des informations primordiales sur les formes de

coopération envisagées et leur apport sur le plan individuel.

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98 CONCLUSION

CONCLUSION

Dans un contexte de compétition mondiale généralisée (Andersen, 2004), les outils issus du

Web Social ont donné au marketing une nouvelle dimension. Au capitalisme de masse succède

un capitalisme cognitif au sein duquel la compétitivité ne situe plus au niveau du produit mais

bien au niveau de la relation que l’entreprise parvient à initier avec ses consommateurs. Nike

est aujourd’hui connu à travers la relation que la marque a réussi à instaurer avec ses

consommateurs, les poussant à collaborer sur sa plateforme, que pour ces produits ! Dès lors,

c’est l’organisation même qui changé, en intégrant ses consommateurs en son centre, en

s’efforçant d’en capter les préoccupations et les attentes, l’entreprise doit s’adapter et initier les

outils favorisant son implication dans le développement de la marque. La communauté virtuelle

Business-to-Consumer s’avère être un outil encore marginal, mais extrêmement pertinent à

condition de se donner la possibilité d’en capter la connaissance générée.

Propos d’entreprise :

« Si tu savais la somme de savoirs disponible dans ma communauté ! Parfois je suis

impressionné, et pourtant je suis loin d’être novice en matière d’innovation ! C’est en voyant

tout ce potentiel que j’ai pris conscience de la valeur de ma communauté, d’ailleurs j’envisage

de la commercialiser. »

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105 ANNEXES

ANNEXES

guide d’entretien

Phase d’introduction

Le sujet des communautés virtuelles de marque est évoqué dans son cadre le plus large. Nous choisissons de

présenter notre recherche dans le cadre d’un mémoire dont le sujet pourra être repris dans une future thèse.

Phase de début d’entretien

Pouvez-vous vous présenter ? Présenter votre parcours, votre mission par rapport à la marque pour laquelle

vous travaillez.

Il s’agit dans cette phase d’inciter l’interviewer à s’exprimer et le libérer de freins éventuels.

Vous avez pour mission de développer une marque : parlez-moi de votre stratégie digitale.

Premières données concernant la stratégie Social Média de la marque

Présentation d’une communauté virtuelle de marque initiée par la marque: il s’agit de bien cerner le

cadre d’analyse afin que le répondant comprenne précisément le sujet de l’entretien et ne confonde

pas avec l’animation des réseaux sociaux publics dont les attentes peuvent être différentes.

En cas de doute, nous choisissons de présenter deux exemples de communauté de marque : la

communauté Cultura et la communauté Vespa : cette présentation a pour objectif plonger

l’interviewer dans le sujet de l’étude et de bien insister sur la différence qui doit être faite avec les

réseaux sociaux traditionnels.

Thème 1 : Connaissance et représentation de la pratique

Décrivez-moi l’approche que vous pouvez avoir de ce type de plateforme

- L’utilité pour votre marque

- L’utilité pour vos clients

- L’utilité pour vos prospects

Quels sont selon vous les effets de la création d’une plateforme communautaire fermées sur le

développement de votre marque ?

Thème 2 : Attentes managériales

Parlez-moi de votre sentiment vis-à-vis de ce type de communauté.

Dégager les objectifs marketings et stratégiques des managers

Thème 3 : Modalités d’utilisation

Expliquez-moi de quelle manière vous utiliseriez une plateforme communautaire privée.

Quels outils communautaires mis à la disposition des participants

Les spécificités de la plateforme