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219 Antibiotiques 2007 ; 9 : 219-20 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Éditorial Microbiologie clinique : l’action de la Société Française de Microbiologie H. Monteil Institut de Bactériologie, Faculté de Médecine, 3, rue Koeberlé, 67000 Strasbourg. Correspondance : H. MONTEIL, voir adresse ci-dessus. e-mail : [email protected] Au terme de mon mandat de président de la Société Française de Microbiologie qui m’a permis d’œuvrer durant plusieurs années tout particulièrement dans le domaine de la microbiologie clinique, je suis heureux de livrer quelques réflexions, sentiments et perspectives. La bactériologie médicale, mon domaine de prédilection et partie importante de la microbiologie clinique, a pu être qualifiée par certains et injuste- ment de science déclinante, condamnée par l’essor des antibiotiques. Elle est au contraire bien vivante dans ses multiples aspects et nous avons vu, pendant cette der- nière période, émerger des bactéries responsables de pathologies mal connues ou non reliées jusque-là à un quelconque microorganisme. Citons sans aucune préfé- rence : Legionella pneumophila, Borrelia burgdorferi, Helicobacter pylori, Tropherima whipplei… Les évolutions sensibles de la place de l’Homme dans son environnement naturel, ses contacts avec divers animaux ou avec les vecteurs dont ils sont porteurs, ses voyages plus fréquents le conduisant à une exposition à des bactéries peu connues voire émergentes, sont des faits qui concourent largement à l’enrichissement de l’éventail des pathologies infectieuses d’origine bactérienne. Hospitalisé, l’Homme se trouve immanquablement confronté aux risques d’infections nosocomiales dues à des bac- téries acquises ou résidentes de l’environnement hospitalier, elles-mêmes issues de l’environnement naturel, où par exemple les bactéries à Gram négatif non-fermen- tantes occupent une place de choix. C’est ainsi que dans le premier cas, un dialogue avec le clinicien doit être entrepris pour orienter et rationaliser les recherches, et que dans le second cas, il faut savoir comprendre et expliquer toute une chaîne écolo- gique pour conforter un diagnostic cohérent, orienter un traitement ou le rejeter, et enfin expliciter les mécanismes physiopathologiques de l’infection. Le rôle et la place du bactériologiste se trouvent ainsi clairement affirmés. La SFM, dans ses colloques et ses réunions ainsi que dans sa participation active aux conférences de consensus organisées par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française, a largement contribué à améliorer les interfaces et le dialogue bio-clinique indispensable. La vocation de la SFM a été également de susciter les recherches théoriques dans ces do- maines puis d’assurer leur diffusion vers l’application clinique. La SFM a en effet en- trepris l’édition de référentiels de microbiologie clinique avec, d’une part, le RÉMIC (Référentiel en Microbiologie Médicale : bactériologie et mycologie) deuxième édi- tion 2004, la troisième édition paraissant en décembre 2007 et le RÉVIR (Référentiel en Virologie Médicale) deuxième édition parue en mai 2007. Sur le plan technique, élément prépondérant et non négligeable en microbiologie, le développement de divers moyens complémentaires et performants a été apporté au fil du temps et mis en œuvre par des automatisations, des tests immunologiques rapides et par la génomique). Toutefois, leurs performances et leurs caractères ne sauraient à nos yeux autoriser leurs dévoiements. En effet, ils pourraient être gérés techniquement par des bio-ingénieurs (cette évolution possible à moindre coût intéres- sant vivement une administration hospitalière axée essentiellement sur la rentabilité). Mais le bactériologiste médical, tout comme l’ensemble de la microbiologie clinique,

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Page 1: Microbiologie clinique : l’action de la Société Française de Microbiologie

Éditorial

Microbiologie clinique : l’action de la Société Française de Microbiologie

H. MonteilInstitut de Bactériologie, Faculté de Médecine, 3, rue Koeberlé, 67000 Strasbourg.Correspondance : H. MONTEIL, voir adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

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Antibiotiques 2007 ; 9 : 219-20

Au terme de mon mandat de président de la Société Française de Microbiologie quim’a permis d’œuvrer durant plusieurs années tout particulièrement dans le domainede la microbiologie clinique, je suis heureux de livrer quelques réflexions, sentimentset perspectives. La bactériologie médicale, mon domaine de prédilection et partieimportante de la microbiologie clinique, a pu être qualifiée par certains et injuste-ment de science déclinante, condamnée par l’essor des antibiotiques. Elle est aucontraire bien vivante dans ses multiples aspects et nous avons vu, pendant cette der-nière période, émerger des bactéries responsables de pathologies mal connues ounon reliées jusque-là à un quelconque microorganisme. Citons sans aucune préfé-rence : Legionella pneumophila, Borrelia burgdorferi, Helicobacter pylori, Tropherimawhipplei…

Les évolutions sensibles de la place de l’Homme dans son environnement naturel,ses contacts avec divers animaux ou avec les vecteurs dont ils sont porteurs, ses voyagesplus fréquents le conduisant à une exposition à des bactéries peu connues voireémergentes, sont des faits qui concourent largement à l’enrichissement de l’éventaildes pathologies infectieuses d’origine bactérienne. Hospitalisé, l’Homme se trouveimmanquablement confronté aux risques d’infections nosocomiales dues à des bac-téries acquises ou résidentes de l’environnement hospitalier, elles-mêmes issues del’environnement naturel, où par exemple les bactéries à Gram négatif non-fermen-tantes occupent une place de choix. C’est ainsi que dans le premier cas, un dialogueavec le clinicien doit être entrepris pour orienter et rationaliser les recherches, et quedans le second cas, il faut savoir comprendre et expliquer toute une chaîne écolo-gique pour conforter un diagnostic cohérent, orienter un traitement ou le rejeter, etenfin expliciter les mécanismes physiopathologiques de l’infection. Le rôle et la placedu bactériologiste se trouvent ainsi clairement affirmés. La SFM, dans ses colloqueset ses réunions ainsi que dans sa participation active aux conférences de consensusorganisées par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française, a largementcontribué à améliorer les interfaces et le dialogue bio-clinique indispensable. Lavocation de la SFM a été également de susciter les recherches théoriques dans ces do-maines puis d’assurer leur diffusion vers l’application clinique. La SFM a en effet en-trepris l’édition de référentiels de microbiologie clinique avec, d’une part, le RÉMIC(Référentiel en Microbiologie Médicale : bactériologie et mycologie) deuxième édi-tion 2004, la troisième édition paraissant en décembre 2007 et le RÉVIR (Référentielen Virologie Médicale) deuxième édition parue en mai 2007.

Sur le plan technique, élément prépondérant et non négligeable en microbiologie,le développement de divers moyens complémentaires et performants a été apportéau fil du temps et mis en œuvre par des automatisations, des tests immunologiquesrapides et par la génomique). Toutefois, leurs performances et leurs caractères nesauraient à nos yeux autoriser leurs dévoiements. En effet, ils pourraient être géréstechniquement par des bio-ingénieurs (cette évolution possible à moindre coût intéres-sant vivement une administration hospitalière axée essentiellement sur la rentabilité).Mais le bactériologiste médical, tout comme l’ensemble de la microbiologie clinique,

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se doit de rester le chef d’orchestre qui, par la démarche diagnostique et par son in-terprétation, va apporter aux cliniciens les éléments de choix pour une thérapeutiqueéclairée. La nouvelle gouvernance hospitalière, avec la création des pôles, porte enelle des facteurs de déstabilisation de notre discipline. En effet, la fusion et l’associa-tion de la microbiologie au sein des pôles de biologie (sous la forme de plateauxtechniques très encadrés) risquent de faire perdre la notion d’interface clinique in-dispensable. Cela ne peut que favoriser une gestion de type comptable de l’activitébiologique. Si, en outre, le responsable de pôle appartient à une discipline paramé-trique ou morphologique n’ayant aucun intérêt pour la spécificité bio-clinique denotre ensemble disciplinaire, il est à craindre une dégradation conséquente desmoyens spécifiques attribués pour notre activité telle que, dans l’esprit, elle s’est dé-veloppée au fil du temps et a pu gagner ses lettres de noblesse. En perspective, je nepeux que conseiller la plus extrême vigilance vis-à-vis de cette évolution et de cettephagocytose programmée qui ne peuvent être que défavorables à la microbiologieclinique et in fine au malade.

Dans le domaine de la formation, la SFM s’est attachée à promouvoir les outils dusavoir, en favorisant les transferts, en informant sur l’évolution des éléments d’appré-hension des corrélations étiologiques, en consacrant plusieurs colloques aux bactérieset virus responsables d’infections émergentes, à la connaissance chez les bactéries desfacteurs de résistance naturelle ou acquise aux antibiotiques et aux mécanismes derésistance. Par son action au travers du Comité de l’Antibiogramme, soulignée parC.J. Soussy dans un précédent éditorial, par les référentiels de microbiologie médi-cale le RÉMIC et le RÉVIR, la SFM apporte une aide indispensable et privilégiée àl’exercice de la microbiologie clinique.