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MUSIQUE CONTEMPORAINE FRANÇAISE : quelques tendances Author(s): Bruno Giner Source: Fontes Artis Musicae, Vol. 47, No. 2/3 (April-September 2000), pp. 191-204 Published by: International Association of Music Libraries, Archives, and Documentation Centres (IAML) Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23509312 . Accessed: 15/06/2014 17:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . International Association of Music Libraries, Archives, and Documentation Centres (IAML) is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Fontes Artis Musicae. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.2.32.46 on Sun, 15 Jun 2014 17:20:21 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

MUSIQUE CONTEMPORAINE FRANÇAISE : quelques tendances

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MUSIQUE CONTEMPORAINE FRANÇAISE : quelques tendancesAuthor(s): Bruno GinerSource: Fontes Artis Musicae, Vol. 47, No. 2/3 (April-September 2000), pp. 191-204Published by: International Association of Music Libraries, Archives, and Documentation Centres(IAML)Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23509312 .

Accessed: 15/06/2014 17:20

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MUSIQUE CONTEMPORAINE

FRANÇAISE :

quelques tendances

Bruno Giner1

Dresser un panorama des diverses tendances de la création musicale française aujourd'hui ressemble à une curieuse gageure. Le demi-siècle qui vient de s'é couler aura vécu, tour à tour ou simultanément, l'abandon et le retour du sys tème tonal, l'utilisation courante des micro-intervalles, les formalismes les plus stricts et aussi les improvisations les plus débridées, la musique aléatoire, mi

nimale, répétitive, le théâtre musical, la musique concrète, électronique, élec

troacoustique, mixte, acousmatique, l'informatique musicale, etc. Période créa tive foisonnante, prolixe et inventive, émaillée d'une multitude de courants transversaux—heureusement les compositeurs sont difficilement réductibles à une catégorie ou à une autre—une période postmoderne, multiforme, où les

enjeux esthétiques sont loin d'être simples, une période métissée et talen tueuse. Partant de là, comment en quelques pages, classer, répertorier, éventuellement hiérarchiser, comment tenter d'expliciter le plus clairement

possible un labyrinthe vivant, polymorphe et joyeusement désordonné ?

Donc, face à l'utopie de l'exhaustivité, face à la complexité de la tâche, je présente au lecteur toutes mes excuses pour les classifications hâtives, pour quelques raccourcis esthético-théoriques et, bien sûr, pour tous les oublis, volontaires ou non.

Quelques prémices : les années 1950 et 1960

Darmstadt Les années 1950 et suivantes correspondent à la grande époque des avant

gardes musicales. Sérialisme, musique aléatoire, musiques concrètes, élec

troniques ou mixtes, minimalisme, hasard et indétermination, toutes les ten dances qui incarnent la modernité en musique se côtoient dans l'étroit cénacle du festival de Darmstadt. Les compositeurs Karlheinz Stockhausen, Luigi Nono, Luciano Berio, John Cage, Morton Feldman, Pierre Boulez, Iannis

Xenakis, Mauricio Kagel, György Ligeti et bien d'autres confrontent passion nément leurs idées et leurs œuvres comme autant de manifestes.

1. Bruno Giner est compositeur, directeur du Conservatoire intercommunal d'Athis-Möns—

Juvisy et l'auteur de Musique contemporaine : le second vingtième siècle (Paris : Durand, 2000) et

Weimar 1933 : la musique aussi brûle en exil (Paris : Le temps des cerises, 2001).

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Olivier Messiaen En France, sans nul doute, la personnalité musicale dominante de cette période est Olivier Messiaen. Compositeur largement confirmé—il a déjà écrit

quelques œuvres majeures : L'Ascension (1933), La Nativité du Seigneur (1935), Poèmes pour Mi (1936), Quatuor pour la fin du temps (1941), Trois pe tites liturgies de la présence divine (1944)—, fondateur du groupe Jeune France

avec André Jolivet, Yves Baudrier et Daniel-Lesur, il est titulaire dès 1947 d'une

classe d'analyse musicale au Conservatoire national supérieur de musique de

Paris qui, rapidement, se transforme en classe de composition. Pendant plus de vingt ans, cette classe sera un extraordinaire vivier de compositeurs, tous

horizons confondus : Pierre Boulez, Serge Nigg, Jean Barraqué, Marius

Constant, Iannis Xenakis, Pierre Henry, Gilbert Amy, Jean-Pierre Guézec, Paul

Méfano, François-Bernard Mâche, Nguyen-Thien Dao, Gérard Grisey, Tristan

Murail, Michael Lévinas, Tona Scherchen, Didier Denis, Michèle Reverdy, Akira Tamba, Philippe Fénelon, André Bon, François Bousch, pour n'en citer

que quelques-uns. L'influence de Messiaen se répercute de mille façons ; ses

analyses magistrales des œuvres de l'École de Vienne (Schoenberg, Berg, Webern), ses propres recherches sérielles (Quatre études de rythme : Mode de valeurs et d'intensités pour piano, 1949), ses travaux sur le rythme et sur les « couleurs » harmoniques, son immense culture musicale et sa grande ouver ture d'esprit auront, d'une façon ou d'une autre, d'importantes répercussions sur plusieurs générations de compositeurs, chacun trouvant son chemin per sonnel, loin de tout épigonisme.

Le Domaine Musical Fondé et dirigé par Pierre Boulez de 1953 à 1967, puis par Gilbert Amy de 1967 à 1973 (date de sa dissolution), le Domaine Musical contribue activement à dif fuser la musique contemporaine en France, notamment les œuvres de l'École de Vienne, certaines œuvres de Bartok, Stravinsky, Debussy, Messiaen ou

Varèse, ainsi que les œuvres récentes de compositeurs plus jeunes comme Luciano Berio, Luigi Nono, Karlheinz Stockhausen, Luis De Pablo, Pierre

Boulez, etc.2

Néo-classicisme Messiaen n'est pas le seul à influencer les tendances musicales du moment ; dans la lignée du Groupe des Six (Poulenc, Honegger, Milhaud, Auric, Tailleferre, Durey), des compositeurs comme Henri Sauguet, Jacques Chailley ou Marcel Landowski défendent—contre la musique atonale et sérielle—une

musique plus consonante, plus expressive, moins « intellectuelle ». Dès les an nées soixante, le fossé se creuse entre les partisans de la musique sérielle et ceux d'un néo-classicisme à la française. On le sait, l'antagonisme Boulez/ Landowski sera violent et s'exprimera pendant plusieurs années au travers d'une lutte de pouvoir sans merci.3 Pourtant, dès cette époque, beaucoup de

compositeurs ne se reconnaissent ni dans un camp ni dans l'autre—ils sont d'ailleurs baptisés « indépendants »—et composent des musiques affranchies

2. Voir à ce propos l'ouvrage de Jésus Aguila, Le Domaine musical (Paris : Fayard, 1992). 3. Voir Pierre Boulez, « Pourquoi je dis non à Malraux », article paru dans Le Nouvel Observa

teur du 25 mai 1966 et repris dans Points de Repère (Paris : Christian Bourgois, 1981) : 481.

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de tout diktat esthétique de quelque obédience qu'il soit : il faut citer notam ment Olivier Messiaen (justement ! ), André Jolivet, Henri Dutilleux, Maurice

Ohana, Claude Ballif, Ivo Malec, André Boucourechliev, etc.

Musique concrète et électronique En marge des querelles d'écriture entre « anciens » et « modernes », les an nées d'après-guerre voient également la naissance de ce que l'on appelle au

jourd'hui les « nouvelles technologies ». Élaborée dès 1948 dans les studios du Club d'essai de la Radio-Télévision française, la musique concrète va boule verser en profondeur la pensée musicale de la seconde moitié du XXe siècle. A la suite d'un banal incident technique (un sillon de disque fermé sur lui

même), Pierre Schaeffer (1910-95) imagine la possibilité d'organiser un univers musical radicalement neuf à partir de sons acoustiques enregistrés, manipulés et transformés en studio par le compositeur, puis fixés sur un sup

port magnétique. « Nous avons appelé notre musique 'concrète' parce qu'elle est constituée à partir d'éléments préexistants, empruntés à n'importe quel matériau sonore, qu'il soit bruit ou musique habituelle, puis composée expéri mentalement par une construction directe, aboutissant à réaliser une volonté de composition sans le secours, devenu impossible, d'une notation musicale or

dinaire ».4 En effet, contrairement à l'écriture traditionnelle (attitude abstraite), le compositeur construit son œuvre empiriquement grâce à un va-et-vient per manent, à chaque étape de la réalisation, entre l'écoute des matériaux utilisés et leur mise en forme définitive (attitude concrète). C'est le temps des Études de bruits (Pierre Schaeffer, 1948), du Microphone bien tempéré (Pierre Henry,

1950) et de la Symphonie pour un homme seul (Schaeffer/Henry, 1950). Les an

nées suivantes voient de nombreux compositeurs fréquenter le numéro 37 de

la rue de l'Université à Paris : Luc Ferrari, François-Bernard Mâche, Bernard

Parmegiani, Ivo Malec, François Bayle, Guy Reibel, etc. Quelques œuvres

importantes en témoignent : Poème électronique d'Edgard Varèse (1957/8), Orient-Occident de Iannis Xenakis (1960), La noire à soixante et Le voyage de Pierre Henry (1961 et 1962), Capture éphémère de Bernard Parmegiani (1963),

Hétérozygote de Luc Ferrari (1963), Espaces inhabitables de François Bayle (1967), Luminétudes d'Ivo Malec (1968). .. Simultanément aux premières ex

périences concrètes, dans les studios de la WDR à Cologne, Herbert Eimert

dirige les premiers travaux de musique purement électronique. A l'aide de

générateurs de fréquences, il devient possible de contrôler a priori tous les

paramètres (hauteur, durée, intensité, etc.) d'un son électronique de base afin

d'engendrer des structures musicales complexes et prédéfinies à l'avance. En

cela, les prémices de l'électronique rejoignent les préoccupations conceptuelles et combinatoires des compositeurs sériels. « Contrairement à la musique con

crète, qui se sert d'enregistrements réalisés à l'aide de microphones, la

musique électronique fait exclusivement usage de sons d'origine électro

acoustique. Le son est produit par un générateur de sons et gravé sur une

bande magnétique. C'est alors seulement que commence son élaboration par

4. Pierre Schaeffer, « Introduction à la musique concrète », Polyphonie 6 (1950) : 50-1.

5. Herbert Eimert, « Musique électronique », La Revue musicale n° 236 (Paris : Richard

Masse, 1957) : 45.

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des manipulations compliquées et différenciées ».5 Le clivage (un de plus) est

né, les compositeurs de musique concrète étant considérés comme de joyeux « bricoleurs » et ceux de musique électronique comme de purs intellectuels, fades et stériles. Finalement, après quelques années d'affrontements autant

sauvages qu'inutiles entre les adeptes de chaque camp, musique concrète et

musique électronique fusionnent sous le terme plus général de musique élec

troacoustique. Deux œuvres inaugurales à cet égard—toutes deux datées de

1956 et signées de chacun des chefs de file—assument pleinement le mélange de sources électroniques et concrètes. Il s'agit de Haut voltage de Pierre

Henry et Gesang der Jünglinge de Karlheinz Stockhausen.

L'ordinateur De la musique électroacoustique aux premiers balbutiements de l'informa

tique musicale, des premiers synthétiseurs aux grosses machines d'IBM, il n'y avait qu'un pas. A la suite des premiers essais de composition automatique réalisés aux États-Unis par Lejaren Hiller en 1956 (Suite Illiac, première œuvre musicale programmée par ordinateur selon les règles strictes du contrepoint), le compositeur français Pierre Barbaud (1911-91) développe dès 1958 une nouvelle méthode de composition automatique baptisée « musique algorith mique ». Grâce à l'invention d'un programme de calcul sophistiqué qu'il bap tise Algom 7, il compose la première œuvre française entièrement programmée et réalisée par ordinateur : 7 /, pour ensemble instrumental. Parallèlement, Iannis Xenakis, partant d'un constat critique de la combinatoire sérielle,

propose une nouvelle approche formaliste de la composition qu'il intitule « musique stochastique ».6 Basée sur diverses lois de probabilités, la stochas

tique permet de contrôler globalement le type, la densité, la vitesse et l'occur rence d'événements sonores quelconques. Les œuvres Pithoprakta, Achorripsis, Syrmos, composées entre 1955 et 1959 en sont les plus étincelants exemples. Toutefois, au-delà de l'élaboration de programmes de calcul plus ou moins

complexes permettant de formaliser des techniques de composition automa

tique, l'ordinateur devient très rapidement un outil de production du son grâce à divers programmes de synthèse.7 En 1969, Jean-Claude Risset publie le pre mier catalogue de sons synthétisés par ordinateur grâce au programme Music V élaboré par Max Mathews dans les laboratoires de la Bell Telephone à New-York.

Les trente dernières années : 1970-2000

Musique acousmatique Issue en droite ligne de la pensée schaefferienne (du Groupe de Musique Concrète au Groupe de Recherches Musicales), la musique acousmatique désigne une musique fabriquée en studio, fixée sur un support (bande ma

gnétique, DAT, CD ou disque dur) puis diffusée en salle par des haut-parleurs. Ainsi, l'auditeur se trouve dans une situation typiquement acousmatique : il entend des sons sans pouvoir en visualiser la source ou l'origine. En 1974,

6. Iannis Xenakis, Musiques formelles (Paris : Stock, 1981). 7. Synthétiser un son revient à formaliser numériquement ses caractéristiques acoustiques

spécifiques de façon à pouvoir le produire, le reproduire ou le modifier artificiellement.

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François Bayle inaugure l'acousmonium, véritable orchestre de haut-parleurs (entre 24 et 80) apte à véritablement interpréter la musique sur support. A par tir d'une console de diffusion, l'interprète peut spatialiser, sculpter la matière

sonore, jouer sur autant de nuances, de contrastes, de mouvements et de re liefs que le nécessite l'œuvre. François Bayle définit l'acousmonium comme « l'instrument de la mise en scène de l'audible ». Le GRM8 oriente ses activités non seulement vers la recherche technologique (création en 1980 d'un en semble d'instruments logiciels de transformation du son, mise au point d'un

dispositif informatique de traitement du son en temps réel—SYTER—, con

ception de l'acousmographe en 1990 et mise au point en 1991 des GRM-Tools

—logiciels de transformation du son sur Macintosh), mais également vers la création, la diffusion et la pédagogie (nombreuses commandes dont les bénéficiaires réalisent leurs œuvres dans des studios entièrement équipés, production d'émissions radiophoniques, collections de disques et publications, ouverture de la première classe au CNSM de Paris en 1968, stages, sémi

naires, formations, etc). La musique acousmatique se porte bien comme en

témoignent les œuvres qui jalonnent ces dernières années : de François Bayle, L'expérience acoustique (1972), Théâtre d'ombres (1989), Fabulae (1992), Morceaux de Ciels (1997) ; de Bernard Parmegiani, Pour en finir avec le pouvoir d'Orphée (1970/1), De natura sonorum (1975), La création du monde (1982/4) ; de Michel Chion, Requiem (1973), La Tentation de Saint Antoine (1984) ; d'Ivo

Malec, Triola ou symphonie de moi-même (1978), Artemisia (1991) ; de Jacques Lejeune, Symphonie au bord d'un paysage (1981), Symphonie romantique (1983), Le Cantique des Cantiques (1989) ; de Daniel Teruggi, Focolaria Terra

(1988), Instants d'hiver (1993) ; de Jean Schwarz, Suite N (1982), Perpetuum mobile (1985), Makinak (1995) ; de Christian Zanési, Courir (1989), Arkhéion, les mots de Stockhausen (1994), Arkhéion, les voix de Pierre Schaeffer (1997) ; de Denis Dufour, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1989), Terra incognita (1998) ; de Philippe Mion, L'image éconduite (1984), Des jambes de femmes tout le temps (1996) ; de François Donata, Roses and Chains (1996) ; de Régis Renouard-Larivière, Futaie (1996), etc.

Toutefois, dans le domaine acousmatique, le GRM n'est pas le seul centre de recherche et de création. Citons le CIRM (Centre international de recherche

musicale), fondé en 1968 par Jean-Etienne Marie, le GMEM (Groupe de

musique expérimentale de Marseille), créé en 1969 par Marcel Frémiot, le GMEB (Groupe de musique expérimentale de Bourges), créé en 1970 par Christian Clozier et Françoise Barrière, le GMVL (Groupe de musique vivante

de Lyon), fondé par Bernard Fort et Xavier Garcia en 1976, le GRAME

(Groupe de recherche en acoustique et musique électronique), créé en 1981

par James Giroudon et Pierre-Alain Jaffrenou, le GMEA (Groupe de musique

électroacoustique d'Albi-Tarn), le CMEN (Centre de musique électroacous

tique de Normandie), La Muse en Circuit, etc. Des œuvres issues de ces

différents studios, mentionnons Symphonie pour un enfant seul (1974) de

Christian Clozier, Métamorphoses d'un jaune citron (1979) de Patrick Ascione,

8. Groupe de Recherches Musicales. Voir « Recherche musicale au GRM » , La Revue musicale

n° 394-397 (Paris : Richard-Masse, 1986).

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Desert Track (1987/8) de Michel Redolfi, L'Apocalypse (1986) de Xavier Garcia, Alice ou la boîte à images (1989) de Bernard Fort, L'heure alors s'incline (1991) de Christine Groult, Râfagas de tiempo (1994) de Carlos Grätzer, Schall (1994) de Horatio Vagionne, Confidence (1995) de Philippe Mion, Elise (1996) de

Georges Gabriele, etc.

D'une mixité à l'autre Instruments traditionnels joués en direct et associés à des sons électroniques ou concrets fixés sur un support, sons acoustiques (instrumentaux, vocaux,

concrets...) reliés à des dispositifs électroniques ou informatiques de trans formation en temps réel, la notion de mixité fait toujours référence au mélange, à l'association, à l'interaction de plusieurs sources sonores d'origine différente. Les premières œuvres mixtes datent des années cinquante : Orphée 51 pour soprano et bande magnétique de Pierre Schaeffer et Pierre Henry (1951), Musica su due dimensioni pour flûte et bande de Bruno Maderna (1952) et Déserts pour orchestre et bande d'Edgard Varèse (1954). Depuis, de nombreux

compositeurs, rompus aux techniques d'écriture comme à celles des traite

ments électroacoustiques et informatiques, trouvent dans leurs œuvres le mys térieux rapport qui peut exister entre sons instrumentaux et sons d'autre ori

gine. Citons à titre d'exemple Korwar de François-Bernard Mâche (clavecin et

bande, 1972), Concerto pour un piano espace n°2 de Michael Lévinas (piano et

bande, 1977), Attaca d'Ivo Malec (percussions et bande, 1985), Jazzy night in

yellow de Michel Zbar (saxophone et bande, 1989), Failles fluorescentes de Carlos Grätzer (saxophone et bande, 1990), L'oiseau-danse-la-pluie de Jacques Lejeune (piano et bande, 1992), Diffluences de Gilles Racot (piano et bande, 1994), Mariposa clavada médita su vuelo de Nicolas Vérin (flûte et bande, 1996), Le mystère des tornades de Denis Dufour (cinq instruments et bande, 1997), Crystal Mirages de Daniel Teruggi (piano et bande, 1998), Ptyx II de Bruno Giner (violon, cymbalum et bande, 1999), Trois rêves d'André Serre (ac cordéon et bande, 1999).. .

Dès les années 1970, les évolutions technologiques permettent de relier

n'importe quelle source sonore acoustique à un dispositif électronique quel conque. Le son est alors transformé en temps réel et non plus en différé par des manipulations de studio. D'autre part, échantillonneurs et synthétiseurs peuvent être facilement actionnés par des instrumentistes et mélangés (tou jours en temps réel) à d'autres sources sonores (bande magnétique, instru

ments, voix...). On ne parle plus de musique mixte au sens strict du terme, mais de musique interactive, c'est-à-dire le jeu en temps réel entre un musicien et un dispositif informatique ou un système MIDI.9 La complainte du Bossuê

9. Standardisée au début des années 1980, l'interface MIDI (Musical Instrument Digital Inter

face) permet de relier entre eux différents appareils audionumériques (synthétiseurs, échantil

lonneurs, boîtes à rythmes, etc.). Ses principales fonctions sont de transmettre les informations

sonores, contrôler leur traitement, sélectionner les différentes commandes et synchroniser au sein d'un même réseau les différents appareils. Les instruments MIDI sont munis de capteurs qui peu vent convertir les différents paramètres sonores en code MIDI afin de contrôler un dispositif de synthèse en temps réel. L'instrumentiste peut à volonté déclencher une commande qui va mo difier tel ou tel paramètre du son.

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d'Alain Savouret (contrebasse et dispositif, 1987), Répons de Pierre Boulez (en semble instrumental et dispositif, 1984-8), La partition du ciel et de l'enfer de

Philippe Manoury (flûte, deux pianos MIDI, orchestre et dispositif, 1989), Instances de Marc-André Dalbavie (12 voix, orchestre et dispositif, 1991), Saxo Sonnerie de Serge de Laubier (saxophone, bande et dispositif, 1992), Syrcus de Daniel Teruggi (percussion et dispositif, 1992), Rhizomes de Michael Jarrell

(deux pianos, deux percussions et dispositif, 1993), Points vacillants de Jean Louis Agobet (tuba et dispositif, 1994), D'un geste apprivoisé de José-Luis

Campana (basson et dispositif, 1995), Cristal sur bruit de Francis Faber (gui tare MIDI et dispositif, 1995), Metallics de Yan Maresz (trompette et dispositif, 1995), Anthèmes 2 de Pierre Boulez (violon et dispositif, 1997), etc.

L'Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique (IRCAM) Centre de recherche, de création, de diffusion et de pédagogie associé au Centre Georges Pompidou à Paris, dirigé par Pierre Boulez jusqu'en 1992 puis

par Laurent Bayle, l'IRCAM est mis en chantier à partir de 1973. Face aux

nouveaux enjeux technologiques, il devenait nécessaire de mettre en place des passerelles performantes entre chercheurs (acoustique, informatique) et

compositeurs. Dès 1976 une première équipe encadre cinq départements :

Instruments et voix (Vinko Globokar), Electroacoustique (Luciano Berio),

Informatique (Jean-Claude Risset), Pédagogie (Michel Decoust), Coordina

tion (Gerald Bennett)En 1980, à la suite d'une crise interne provoquant le dé

part des responsables de départements, Pierre Boulez repense de fond en comble le fonctionnement général de l'Institut, supprime le cloisonnement et

conçoit une structure plus souple, mieux adaptée à la création musicale. Les

compositeurs sont accueillis afin de réaliser un projet précis et sont assistés

par des « tuteurs » chargés de les guider dans leurs travaux. En 1981,

Giuseppe di Giugno met au point la « 4X », système de traitement numérique du son en temps réel :

La 4X ouvre la voie à une nouvelle appréhension de la complexité du musical, no

tamment en restituant, au moins partiellement, la fonction essentielle du « jeu » mu

sical. Cette nouvelle génération de machines nous amène à reconsidérer radicale

ment l'idée que nous avons des synthétiseurs, et on parlera dès lors plutôt de

« processeur de sons » que de synthétiseur. En effet, il ne s'agit plus avec la 4X

uniquement de synthèse, mais aussi de contrôle et de traitements en temps-réel,

c'est-à-dire dans le temps même de l'exécution. Ainsi la 4X peut servir à générer et

gérer des processus complexes, soit uniquement synthétiques, soit de type con

crets, c'est-à-dire manipulant des sons provenant d'instruments ou d'autres sources

sonores et les transformant d'après un programme préalablement élaboré par le

compositeur."

En 1991, la Station d'Informatique Musicale (SIM) succède à la « 4X » désor

mais obsolète. C'est une plate-forme de traitement audionumérique où sont

10. Voir La musique en projet (Paris : Gallimard-IRCAM, 1975), et Quoi ? Quand ? Comment ? :

la recherche musicale (Paris : Bourgois, 1985) (Collection « Musique/Passé/Présent »).

11. Jean Kott et Jean-Baptiste Barrière, « Le processeur numérique de sons 4X », Porte ouverte

à L'IRCAM: colloque « Le concept de recherche en musique » (Paris : Centre Georges Pompidou,

1983): 25.

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regroupés tous les outils de transformation, de synthèse, de synchronisation et déclenchement MIDI, aussi bien pour la recherche que pour la création ou la

production d'œuvres musicales. Par ailleurs, l'IRCAM s'attache à développer la

composition assistée par ordinateur (CAO) grâce à l'élaboration de différents

programmes tels que Boards (1983), Carla (1991), Patchwork (1992), etc. Outre la recherche (acoustique, psychoacoustique, synthèse sonore, com

position assistée par ordinateur, musique interactive), outre la pédagogie et la documentation (cursus de composition et d'informatique musicale, stage d'informatique musicale, Académie d'été, Collège de l'IRCAM, médiathèque), l'Institut—par l'intermédiaire privilégié de l'Ensemble Intercontemporain— s'attache à créer et à diffuser non seulement les oeuvres issues de ses propres studios, mais aussi une grande partie du répertoire de la deuxième moitié du XXe siècle. Parmi les premières œuvres produites à l'IRCAM, citons Songes de

Jean-Claude Risset (1979), Atemkristall de Yves-Marie Pasquet (1980), Répons de Pierre Boulez (1984-8), Jupiter de Philippe Manoury (1987) et Traiettoria de Marco Stroppa (1988). Aujourd'hui, d'une façon ou d'une autre, beaucoup de compositeurs travaillent à l'IRCAM plus ou moins régulièrement et y réalisent certaines de leurs œuvres : citons par exemple Magnus Lindberg, Thierry Lancino, Kaija Saariaho, Philippe Hurel, José-Luis Campana, Antoine

Bonnet, Yan Maresz, Martin Matalon, Fausto Romitelli, Denis Cohen, Philippe Leroux, Joshua Fineberg, Brice Pauset, Jacopo Baboni Schilingi, Jean-Luc Hervé et Bruno Mantovani.

Musique spectrale Courant esthétique apparu en France au début des années 1970 et principale ment représenté par les compositeurs Hugues Dufourt (né en 1943), Gérard

Grisey (1946-98), Tristan Murail (né en 1947) et Michael Lévinas (né en 1947), la musique spectrale renoue le lien (jadis perdu dans les utopies sérielles) en tre la note et le son, interrelation étroite entre les propriétés acoustiques du

son, l'écriture instrumentale et l'utilisation des nouvelles technologies élec

troniques ou informatiques :

Avec la musique spectrale, le son réapparaît comme fondement de l'écriture. L'objet sonore n'est plus cette entité, inerte et composite, sécable en ses divers éléments—

hauteur, durée, intensité, timbre—pas plus qu'il ne s'abolit derrière les signes d'un solfège. Il est considéré dans son unicité singulière et sa complexité dynamique : ses

paramètres liés par sa structure acoustique sont corrélés ; activés dans le champ

musical, ils conditionnent les opérations qui s'y déroulent. Les solidarités qu'ils désignent ne peuvent être ignorées : les objets s'évaluent les uns par rapport aux

autres dans chaque situation. Ce sont les fonctionnalités déduites qui construiront

l'œuvre en cohérence et à mesure, puisque nul thème ni cellule initiaux ne vient con

ditionner le déroulement de l'écriture.12

L'analyse spectrographique d'un son (c'est-à-dire sa décomposition en har

moniques ou partiels) fournit au compositeur les données essentielles de l'œu vre en gestation. Hauteurs, durées, timbre et forme, tout provient du son lui même, qu'il s'agisse de simulation de spectres ou de synthèse instrumentale

12. Claudy Malherbe, « L'enjeu spectral », Entretemps 8 (1989) : 48-9.

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MUSIQUE CONTEMPORAINE FRANÇAISE 199

(Modulations pour 33 instruments de Gérard Grisey en 1976/7, Gondwana

pour orchestre de Tristan Murail en 1980), de simulation de procédés élec

troniques (Ethers pour petit ensemble instrumental de Tristan Murail en

1978), de recherches sur les « résonances sympathiques » (Appels pour 11 ins truments de Michael Lévinas en 1974, Prologue pour alto solo et résonateurs de Gérard Grisey en 1996) ou d'hybridation de transitoires13 (Préfixes pour en semble instrumental, en 1991, et Par-delà pour orchestre, en 1994, de Michael

Lévinas), les axes de travail sont multiples, différenciés, et puisent tous leur

origine dans l'introspection du son lui-même et non dans une spéculation ab

straite, d'origine contrapuntique et combinatoire à partir d'échelles sérielles, modales ou autres. La musique spectrale se caractérise par sa recherche sur le timbre et par la mise en œuvre de processus linéaires étalés dans le temps.

Musique et théâtre

Depuis quelques décennies, l'opéra connaît une crise sans précédents. Par une

politique quasi exclusive de répertoire, par l'inadaptation artistique et adminis trative de ses énormes structures, les maisons d'opéra se sont littéralement

coupées des compositeurs qui cherchaient de nouvelles relations théâtre/

musique. Par contrecoup, l'inadéquation et le total désintérêt des institutions

lyriques face à ces nouvelles relations ont provoqué l'émergence d'un genre nouveau, pluridisciplinaire et propice aux expérimentations les plus diverses.

Apparu dans les années 1960, le terme « théâtre musical » désigne des réalisa

tions scéniques et musicales ne pouvant se plier aux contraintes académiques de l'opéra traditionnel : « Le théâtre musical, de par sa nature, évolue sur un territoire sans frontières et c'est cette complexité qu'il faut pouvoir gérer, depuis les confins des maisons d'opéra jusqu'à des modes de production ultra

légers, depuis des spectacles appelés peut-être un jour à entrer au répertoire

lyrique jusqu'à des esthétiques inouïes pour l'actuel système lyrique »,14 En 1980, une commission de la Direction de la Musique définit le théâtre

musical comme « un spectacle théâtral dont la dramaturgie est essentiellement commandée par un projet musical et n'a de sens que par rapport à celui-ci ». Du théâtre instrumental à la musique « pure », de l'onomatopée au texte d'au

teur, du chant lyrique à une vocalité exempte de toute référence à la tradition, de la scène à la rue et du chanteur à l'acteur, la notion même de théâtre musical ne se laisse pas facilement réduire à un type de définition rigide. Selon chaque

compositeur, selon la nature même du projet, les réalisations sont multiples, variables de par leur contenu, leur durée ou leur effectif vocal/instrumental. Pour preuve, la diversité des œuvres : Victor Hugo, un contre tous d'Ivo Malec

(1971), Da Capo de François-Bernard Mâche (1976), Histoires de loups de

Georges Aperghis (1976), Le collier des ruses de Ahmed Essyad (1977), La

Muraille de Carlos Roqué Alsina (1981), À corps et à cris de Marc Monnet

(1988), Jojo de Georges Aperghis (1990), etc. Toutefois, au-delà des spécificités de tel ou tel compositeur ou de tel ou tel type de réalisation, il semble possible

13. Transitoire : élément instable qui apparaît par exemple au début d'un son (choc, souffle,

frottement de l'archet, etc.). 14. Marie-Noël Rio et Michel Rostain, L'opéra mort ou vif (Paris : Editions Recherches, 1982).

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200 FONTES ARTIS MUSICAE 47/2-3

de dégager une idée générale qui devrait témoigner d'une démarche essen

tielle et commune : le musical organise et justifie le théâtral. « La partition or

ganise tout. Elle régit les événements principaux et secondaires (leur intensité, leur devenir), les textes abstraits ou porteurs de sens, les éclairages, les gestes. La partition n'ordonne pas seulement le « sonore » mais toutes les com

posantes de la représentation jusqu'aux comportements, histoires, objets, etc.

Elle assure ainsi une certaine dramaturgie de l'indicible. Ainsi, on l'aura de

viné, le Théâtre Musical équivaudrait pour moi à l'envahissement du temple théâtral par le pouvoir abstrait de l'organisation musicale, et non l'inverse »,15

Depuis les années 1990, on assiste à un retour des formes opératiques et

quelques compositeurs tentent de concilier leurs exigences de créateur avec

celles d'une institution qui essaie malgré tout d'évoluer. Citons, à titre d'exem

ple, Noces de sang de Charles Chaynes (1987), Roméo et Juliette de Pascal

Dusapin (1985/8), Le château des Carpathes de Philippe Hersant (1991), La

confession impudique de Bernard Cavanna (1992), Go-gol de Michael Lévinas

(1996), Goya de Jean Prodomidès (1996), 60° parallèle de Philippe Manoury

(1997), Salammbô de Philippe Fénelon (1998), etc.

Minimalismes à la française En réaction à une certaine complexité d'écriture et au langage atonal et disso

nant, un certain nombre de compositeurs reviennent à des postulats esthé

tiques plus simples, réduisant volontiers le discours musical à quelques for

mules consonantes (tonales ou modales), ainsi qu'à quelques structures

rythmiques de base et souvent répétitives. Apparu aux États-Unis dans les an

nées soixante (Steve Reich, Philip Glass, Terry Riley, John Adams), enrichi in ternationalement par des compositeurs tels que Arvo Part, Louis Andriessen, Gavin Bryars, Henryk Gorecki, Michael Nyman ou James MacMillan, ce courant est représenté aujourd'hui en France notamment par Jean-Louis Florentz, Jean-François Zygel, Laurent Petitgirard, Nicolas Bacri, Thierry Escaich, Jean-Philippe Goude, etc. Comme dans les années 1960—la vieille

époque de l'opposition Boulez/Landowski—, l'éternel et vieux débat sur l'an

tagonisme consonance/dissonance, tonal/atonal, expressivité/intellectualité est relancé ! Pourtant, si le développement sans fin d'une extrême complexité musicale ressemble à une course à l'abîme et ne peut être en aucun cas une

justification a priori de la modernité et encore moins du Beau, le retour à des formes et à un vocabulaire suranné ne peut être non plus la garantie d'une vi talité artistique de premier plan ; cela relève plutôt de la solution de facilité, celle qui répond au consumérisme et à la mercantilisation immédiate de l'œu vre d'art.

Kaléidoscope français Le paysage est encore vaste et beaucoup de compositeurs (en réalité la plu part) ne peuvent se définir par leur simple appartenance à un courant ortho doxe bien précis (postsériel, spectral, acousmatique, néo-tonal, minimaliste ou

15. Georges Aperghis : le corps musical, ouvrage conçu et réalisé par Antoine Gindt (Arles :

Actes Sud ; Strasbourg: Festival international des musiques d'aujourd'hui, 1990) : 62-3.

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MUSIQUE CONTEMPORAINE FRANÇAISE 201

autre). Pour autant, cela ne signifie pas que leur musique manque d'identité ou

d'originalité—bien au contraire. Définir l'univers esthétique et la démarche

compositionnelle de chacun d'entre eux nécessiterait plusieurs dizaines de

pages supplémentaires et dépasserait largement le cadre de cet article. Je me bornerai donc à une simple énumération chronologique accompagnée de

quelques œuvres clés.

Betsy Jolas (1926) : Second quatuor (1964), Points d'or (1982), Trio (1988), Cinquième quatuor à cordes (1994) ; François Vercken (1928) : Polytone (1974), Khamsalwann (1986), D'un jour, l'autre (1990), Concerto pour orgue et ensemble instrumental (1994), Reflets de vitrail (1996) ; Yves Prin (1933) : Dioscures (1977), Tango-jusion (1993), Quatuor à cordes « la Barque » (1993), Concerto pour piano (1996) ; Alain Bancquart (1934) : Symphonie en trois mouvements (1965), Ma manière de chat (1978), Les Tarots d'Ulysse (1984),

Symphonie n° 5 (1992) ; Paul Méfano (1937) -.Madrigal (1962), N (1972),

Micromegas (1979), Matrice des vents (1992) ; Francis Bayer (1938): Propositions II à VIII (1972/1989), Perspectives (1991), Prélude à la nuit, pour orchestre (1996) ; Jean-Claude Eloy (1938) -.Équivalences (1963), Faisceaux

Diffractions (1970), Gaku-no-michi (1976), A l'approche du feu méditant (1983), Butsumyôe (1989), Gaia (1992) ; Roger Tessier (1939) \Hexade (1978), Clair obscur (1979), Omaggio a Carpaccio (1986), Coalescence (1987), Scène III

(1992) ; Michèle Reverdy (1943) : Cante Jondo (1974), Le Château (1980/86),

L'intranquillité (1991), Chimère (1993) jAllain Gaussin (1943) : Irisation

Rituel (1980), Chakra (1984), Aria (1986), Années-lumière (1986), Désert

(1997) ; Horacio Vaggione (1943) : Sonata V (1966), Thema (1985), Myr (1994), Frayage (1997) ; Félix Ibarrondo (1943) : Sous l'empire de l'ombre

(1976), Sino (1981), Irrintz (1987), Quatuor à cordes (1997) ; Patrick Marcland (1944) : Variants (1974), Failles (1977), Paroles (1982), Trio à cordes

(1990), De temps en temps (1995) ; Alain Louvier (1945) : Études pour agresseurs (1964/83), Duel (1970), Concerto pour orchestre (1982), Poèmes de Ronsard (1985), L'abbaye aux oiseaux (1992) ; Graciane Finzi (1945) : Édifice (1976), Free quartet (1984), Pauvre assassin (1987), El amor flamenco (1993), La robe de l'Univers (1994) ; Jacques Lenot (1945) : Variations pour orchestre

(1979), Stabat Mater (1983), Le livre des dédicaces (1987), Concerto pour piano (1991), Livre d'orgue n° 2 (1995) ; François Rossé (1945) : Bachflüssigkeit (1985), Ost (1992), Zungquell (1995), Schraubsam (1995), Waaij (2000) ; Christian Eloy (1945) : Saxotaure (1989) ; André Bon (1946) : Ricercare

(1977), Le rapt de Perséphone (1986), Les vallées du cinéma (1991), Tobias

(1996) ; Renaud Gagneux (1947) -.Messe (1976), Requiem (1982), Concerto

pour tuba et piano (1983), Orphée (1989), Angelus Domini (1993), Tryptique

pour violoncelle et orchestre (1993) ; Jean-Yves Bosseur (1947) .Last notes

from Endenich (1978), Satie's Dream (1981), Hong-Kong Variations (1990), Aubade (1993) ; Didier Denis (1947) :Le coq (1973), Amore stelle (1983), Urbicande symphonie (1988), Les temps sont révolus (1995) ; Gérard Condé

(1947) -.Darjeeling (1976), Rêve d'amour (1981), Le Chant du silence (1992), Lointains (1996) ; Jacques Rebotier (1947) : Brèves (1989...), Requiem

(1994), Miserere (1994) ; Philippe Hersant (1948) : Missa brevis (1985),

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202 FONTES ARTIS MUSICAE 47/2-3

Concerto pour violoncelle (1989), Le château des Carpathes (1991), Landschaft mit Argonauten (1991) ; José-Luis Campana (1949) : Imago (1985), Involtura sonora (1989), Abfuhr (1992), Je est un autre (1993), Tangata IV (1995), D'un

geste apprivoisé (1995) ; Bruno Ducol (1949) : Glissements (1982), Scène à

trois (1987), Metalayi n° 3 (1989), Éclats de lune (1995), Nuevo amor (1999) ;

Claudy Malherbe (1950) : Trio à cordes (1982), Vol (de femme) X (1983), Discorps (1987), Locus (1997) ; Édith Canat de Chizy (1950) : Tlaloc (1984), Yell (1985), Tombeau de Gilles de Rais (1993), Messe de l'Ascension (1996) ; Bernard Cavanna (1951) : Canzone (1979), Goutte d'or Blues (1984), Messe un

jour ordinaire (1994/5), Concerto pour violon (1998) ; Denis Levaillant

(1952) : Le clair, l'obscur (1997), Paysage de conte (1998), Technospace Piano

(1999) ; Jean-Baptiste Devillers (1953) : Ictus (1981), Neutral (1985),

Crepusculo (1995) ; Joël-François Durand (1954) : Trio à cordes (1981),

Lichtung (1987), Concerto pour piano (1993), La terre et le feu (1999) ; Alain Féron (1954) : Dans le corps obscur de la métamorphose (1989) ; Jean-Marc

Singier (1954) : Figures en phases, éparses, emphases, épures (1986), Tohu-bohu d'intrus (1992), Blocs, en vrac, de bric et de broc (1993) ; Pascale Criton

(1954) : Entre-deux, l'éternité (1996), Territoires imperceptibles (1997), Le pas sage des heures (1999) ; Thierry Lancino (1954) : Profondeurs de champ (1983/4), Aloni (1986/7), Der Abstieg, prélude pour la mort de Virgile (1995), Virgile (2000) ; Pascal Dusapin (1955) : L'aven (1980/1), Niobé (1982), Watt

(1994), Trio n° 1 (1996/7), Quatrième quatuor à cordes (1997) ; Philippe Hurel (1955) : Pour l'image (1986/7), Six miniatures en trompe-l'œil (1991/3), PourLuigi (1993/4),... à mesure (1996) ; Carlos Grätzer (1956) : Découvertes

(1984/5), NioAelm (1989), Mouvements (1993), Aura (par delà les résonances) (1996) ; Christophe Havel (1956) : Ramdam (1991), AER (la danse) (1994), S

(1994), IT ! (1998) ; Bernard de Vienne (1957) : L'envie de partir, première symphonie de chambre (1993), L'étrange atelier de Maître Cornélius (1998) ; Laurent Cuniot (1957) : L'exil au miroir (1984), La lice des nuits (1989), Lascaux (1991), Solaires (1999) ; Suzanne Giraud (1958) : Regard sur le jardin d'Eros (1984), Petrarca (1996), Envoûtements IV (1997) ; Gérard Pesson

(1958) : Les amours de monsieur Vieux Bois (1990/1), Récréations françaises (1994), Sur le champ (1994), Butterfly, le nom (1995) ; Bertrand Dubedout

(1958) : Sappha (1992), Fractions du silence, premier livre pour quatuor de sa

xophones (1994), Fractions du silence, cinquième livre pour flûte et piano (1995), Fractions du silence, sixième livre pour percussion (1996) ; Frédéric Martin

(1958) : Griots (1990), Encore le style de l'acier (1992), Sonate I (1996) ; Laurent Martin (1959) : Trapèzes (1991), Leucade (1996) ; Frédéric Durieux

(1959) : Macle (1985/6), Là, au-delà (1990/2), So schnell, zu früh (1993), Incidence (1996) ; Philippe Leroux (1959) : Je brûle, dit-elle un jour à un ca marade (1991), La guerre du faire (1993), Continuo(ns) (1995), (D')Aller (1996) ; Bruno Giner (1960) :K (1987), Akkord (1992), Études de peaux (1995/2000), Concerto pour violoncelle (2000) ; Jean-Luc Hervé (1960): Intérieur rouge (1993), Ciels (1994), Le temps scintille (1995), Esprit métallique (1996) ; Patrick Burgan (1960) -.Artifices (1989), Vagues (1990) ; François Paris (1961) : La chair de l'aube (1992), Oxymore (1994), Les confessions silen cieuses (1995/6), Double concerto pour violoncelle, piano et orchestre (1998) ;

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MUSIQUE CONTEMPORAINE FRANÇAISE 203

Francis Courtot (1961) : Incertain fuyant (Mythe, Écume) (1992/3),

Bagatelles (1996), Là-bas (1998), Retrait (2000) ; Thierry Blondeau

(1961) : Point à la ligne (1991), Vis-à-vis (1994), Ein und Aus (1995), Pêle-mêle

(1998) ; François Narboni (1963) : Le plérome des Eons (1989), Les trompettes

du désert (1991), Tonalität (1992) ; Marie-Hélène Fournier (1963) : Oxydes

(1986), Extrait de Saturne (1990), Les mains à vif (1993), Noctuel Gamma

(1996) ; Marc André (1964) : Crash Test I (1993), Un Fini I (1994/6), Ab II

(1997) ; Brice Pauset (1965) : Sepulcrum, finis gloriae mundi III (1994), De

Prolatio (1995), M (1996) ; Thierry Pécou (1965) : La partition de la jungle

ÇL993), La cantate de l'Univers (1994), Antiphonies du Ciel et de la Terre (1994) ;

Eric Tanguy (1968) :Altundeva (1987), Convulsive beauty (1992), Quatuor à

cordes (1993), Second concerto pour violon (1997) ; Jean-Louis Agobet

(1968) : Strati (1992), Plotting (1994), Rinvenuto (1996) ; Régis Campo

(1968) : Concerto pour violon (1997), Livre de sonates (1999), Nova (1999) ;

Bruno Mantovani (1974) : Devouring time (1998/9).

Les malentendus de la diffusion

Dès que l'on aborde la question de la diffusion de la musique contemporaine,

on se heurte immanquablement à deux écueils : d'un côté, les compositeurs

qui se plaignent (parfois à juste titre) du manque de diffusion de leur musique

—pas assez de concerts, pas assez de disques, problèmes éditoriaux, public

confidentiel, etc.—, de l'autre, une tendance assez répandue à considérer cette

musique comme marginale, problématique et dans tous les cas fort peu rentable

et lucrative. Quitte à nager à contre-courant, je pense qu'il est essentiel que la

création artistique ne soit en aucun cas inféodée à des critères d'audimat et/ou

de rentabilité. Les seuls critères pertinents, ceux qui survivent aux effets de

mode et aux impératifs du jour, sont l'exigence de la pensée, la qualité de la

réalisation et l'authenticité individuelle. Partant de ces critères-là, force est de

constater que la diffusion de la musique contemporaine ne se porte pas aussi

mal qu'on veut bien le dire ou le croire. Aujourd'hui, n'importe quel composi

teur d'une quarantaine d'années—pourvu d'un minimum de talent—a plus

d'œuvres jouées en France ou ailleurs que Debussy, Webern, Bartok ou Varèse

à la fin de leur vie ! Festivals, organismes de production, radios, centres de

recherche ou de documentation, ensembles de musique de chambre spécia

lisés, ensembles à « géométrie variable », orchestres, interprètes talentueux,

discographie, partitions, il est relativement facile, pour qui le veut bien, d'é

couter et de connaître la plupart des musiques composées depuis trente ans.

Bien évidemment, si l'on compare la diffusion du répertoire à celle de la

musique contemporaine, le résultat peut sembler très faible et insatisfaisant ;

mais encore faut-il comparer ce qui est comparable. Dans un autre domaine,

nul ne s'émeut que les œuvres complètes de Victor Hugo bénéficient d'un plus

grand tirage que celles de Philippe Sollers ; le contraire serait d'ailleurs anor

mal car il faut du temps—beaucoup de temps—pour éventuellement accéder à

l'universalité, donc au plus grand nombre. Et voilà qu'intervient—à ce stade de

la réflexion—la fameuse question des prétendues salles vides : quel (s) pub

lic (s) pour la musique contemporaine ? Comme on le sait, le « grand » public

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204 FONTES ARTIS MUSICAE 47/2-3

ignore quasiment tout de cette musique souvent méconnue et parfois décriée comme étant incompréhensible, complexe ou bizarre. Or il existe un public, certes restreint comme toujours en matière d'art et de création. Il ne faut pas oublier que le grand public n'a jamais rien su de la musique savante de sa pro

pre époque et qu'à ce titre, il serait intellectuellement malhonnête d'exiger que les compositeurs actuels résolvent cette fracture. Au risque de me compro mettre dans un élitisme suspect, je tiens à rappeler que la création artistique n'a jamais été destinée à une consommation de masse et de loisir. De la même

façon que les quatuors de Beethoven ou L'art de la fugue de Bach n'étaient pas destinés à un « grand » public mais à un cercle restreint d'initiés, pourquoi n'en serait-il pas de même aujourd'hui pour les œuvres récentes ? Si la musique a

toujours eu plusieurs fonctions (musique à danser, musique de table, musique guerrière, etc.), la musique savante—de quelque tradition qu'elle soit—a tou

jours exigé, d'une part la profonde connaissance des codes y afférant et, d'autre part, une grande capacité et qualité d'écoute ; l'art et le plaisir des sons ! Une certaine démagogie de pensée—le « tout culturel à bon marché »—

ne doit pas nous laisser croire que l'art devrait être aujourd'hui plus facile

qu'hier, sous prétexte d'être à la portée de tous. Visionnaires du monde (celui des sons en ce qui concerne la musique), les créateurs ont toujours plusieurs encablures d'avance sur leurs contemporains. Ils ont forcément raison, même si cette vision n'est pas immédiatement partagée par les foules ! Au lieu de niveler par le bas sous prétexte de rentabilité (c'est un moyen des plus pervers pour tenter d'invalider l'art et la pensée), il conviendrait plutôt d'éduquer le

goût, d'élever l'esprit du « grand » public afin qu'il ait accès aux codes et aux

plaisirs de la connaissance. Ainsi il pourra savourer les délices de sa propre contemporanéité.

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