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LA LIBERALISATON DES SERVICES PUBLICS Antonio Gambini Philippe Boïketé Xavier Bodson Guillaume Lepère Ahmed Laaouej Février 2010 Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles

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LA LIBERALISATON DES SERVICES

PUBLICS

Antonio Gambini

Philippe Boïketé

Xavier Bodson

Guillaume Lepère

Ahmed Laaouej

Février 2010

Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles

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A. Les services postaux ...................................................................... 3

B. Le ferroviaire .................................................................................. 4

C. L’énergie ........................................................................................ 5

D. La transposition de la directive services ......................................... 6

E. La liberté de circulation des capitaux et les dérives de l’économie financière ................................................................................................ 7

F. Un exemple positif, la Convention UNESCO sur la diversité culturelle ................................................................................................. 8

G. Conclusion : activer tous les leviers, y compris au niveau européen, pour défendre la logique de service public .............................................. 8

1. Régulation et régulateurs .......................................................... 9

� Dimension supranationale de la régulation : ............................ 9

� Régulation et missions de services publics : ............................ 9

� Régulation des marchés financiers : ....................................... 9

� Les régulateurs et leur indépendance : ................................. 10

2. Évaluation sociale des libéralisations ......................................... 10

3. Une directive cadre sur les services d’intérêt général .................. 10

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Dans les années 90’, l’Union Européenne a lancé un vaste programme de libéralisation. Poste, transport ferroviaire, énergie, télécommunications : partout il s’agissait de démanteler les monopoles publics et de les remplacer par un marché concurrentiel avec des opérateurs privés afin d’améliorer la qualité du service et diminuer le coût des prestations. En parallèle, avec un régime de contrôle de plus en plus strict des aides d’Etat, la Commission surveille et poursuit toutes les différentes politiques de subsides publics (à tous les niveaux, y compris municipal), lorsqu’il s’agit de financer des activités de service public. Ces aides ne sont alors acceptées que lorsqu’elles se conforment à des règles très strictes. Avec la première version de la directive sur les services (directive Bolkestein) en 2004, l’Europe a voulu aller encore plus loin et libéraliser d’un coup, l’ensemble du secteur des services, soit plus de 60 % du PIB et des emplois européens. De même, avec la proposition de directive sur les services de santé transfrontaliers, la Commission européenne a proposé de libéraliser le marché européen des soins de santé, en juillet 2008. Sous prétexte de droits des patients, d'une meilleure santé, on assistait à une réorganisation des systèmes de santé, à une libéralisation plus poussée, à un changement des flux financiers et de solidarité. Cette dernière a cependant été rejetée au conseil des ministres de la santé fin 2009 suite au refus de la Pologne, la Roumanie, la Grèce, l’Espagne et le Portugal. Pour les libéraux et les conservateurs, il s’agissait ainsi de construire une économie plus efficace car plus concurrentielle. La libéralisation aurait dû mener à une diminution des prix et des tarifs, à une amélioration de la qualité du service, à un renforcement de la compétitivité industrielle européenne sur le plan mondial. Le « tout au marché » a pourtant montré ses limites. Des combats ont été menés, que ce soit au sein du Parlement européen, ou en dehors, telle la mobilisation sociale et citoyenne autour de la directive Bolkestein. Ce qui a permis de supprimer le fameux « principe du pays d’origine », soumettant les prestataires de service uniquement au droit de leur pays d’origine et non pas au droit du client, véritable incitation au dumping social. Dans la même optique, le Parti socialiste européen (PSE) a été le moteur de la mobilisation contre la libéralisation des services sociaux (logement social, soins de santé, culture, enseignement, formation). Ceux-ci ont été exclus du champ d’application de cette directive et de sa logique purement concurrentielle et marchande. Mais il n’a toutefois obtenu que partiellement gain de cause. En effet, alors que la revendication initiale était d’exclure tous les services sociaux, seuls certains services sociaux assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou des associations caritatives ont finalement été exclus de la logique de libéralisation. Sont nommément exclus les services agréés et subventionnés de l’aide à l’enfance, l’aide aux familles et aux personnes dans une situation de besoin temporaire ou permanente et le logement social, de même que les services audiovisuels, y compris les services cinématographiques. Mais d’autres secteurs sont potentiellement concernés tels les services à domicile d’aide ménagère, l’autorisation de fonctionnement des maisons de repos ou encore l’agrément des organismes prenant en charge des personnes handicapées.

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Mais quelque chose a changé depuis 2006 : la crise libérale est passée par là. C’est l’Etat, jusque là tant décrié dans sa capacité à gérer certains secteurs, qui a dû renflouer le secteur privé de la banque et de la finance. Ce dernier alors qu’il était érigé en modèle de gestion et de gouvernance, a, en poursuivant sa logique de recherche de toujours plus de profit, créé les conditions d’une crise sans précédent au niveau mondial. Riches de l’expérience de la crise financière, l’heure est venue d’évaluer sans tabous les résultats concrets de ces politiques de libéralisation et de démantèlement des services publics. Quelle en a été la valeur ajoutée ? Qui en a bénéficié ? Prenons quelques exemples :

A. Les services postaux La dernière directive européenne impose une libéralisation totale et intégrale au plus tard pour le 1er janvier 2011. En clair, l’ensemble des services postaux sera ouvert à la concurrence des opérateurs privés. Le problème c’est que, sans un encadrement très strict, la rentabilité et le profit risquent de devenir la seule logique de fonctionnement du secteur postal. Seules les activités les plus rentables seraient alors encore assurées, et les activités moins rentables seraient purement et simplement abandonnées, quelle que soit leur utilité sociale. Autre risque : la multiplication du recours à des faux indépendants et autres statuts précaires pour diminuer les coûts de personnel. Enfin, dans une logique purement concurrentielle, le prix du timbre serait différent selon que l’on se trouve dans une grande ville ou dans une zone rurale, car les coûts d’exploitation n’y sont pas les mêmes. Le citoyen, où qu’il se trouve, doit avoir accès aux missions de service public exercées par La Poste. Et pour garantir la qualité du service public postal, le respect des conditions de travail de l’ensemble des travailleurs postaux reste primordial. Dans ce cadre, l'adoption le 17 décembre 2009 par le Conseil des Ministres de l'avant-projet de loi régulant le fonctionnement du marché postal ainsi que la fixation des grandes lignes du prochain Contrat de Gestion liant l’Etat belge à La Poste sont des pas dans le bon sens. Un projet de loi déposé par le PS vise à garantir le service universel1. L'opérateur historique (La Poste) est, de par son rôle et son expertise, le mieux

1 Le service universel est une offre de services postaux de qualité déterminée, fournis de manière permanente

en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs (la densité des points de contact et d’accès doit tenir compte des besoins des utilisateurs). En Belgique, toutes les communes du Royaume doivent être pourvues d’un point d’accès pour le dépôt des envois postaux. Le SU doit être garanti au moins cinq jours ouvrables par semaine, sauf circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles, et pour qu’il comprenne au minimum : - une levée ; - et une distribution au domicile ou, par dérogation, dans des conditions déterminées par l’autorité réglementaire nationale, dans des installations appropriées (point contact).

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placé pour accomplir cette tâche. Le coût de ce service universel sera également garanti par l’Etat si celui-ci présente une charge inéquitable pour La Poste. Un autre élément pour assurer un service public de qualité au citoyen, c’est de garantir une rémunération décente et, de manière générale, des conditions de travail équivalentes pour l'ensemble des travailleurs postaux. Ainsi, les nouveaux opérateurs seront obligés d'engager du personnel dans le cadre d'un contrat de travail pour la collecte, le tri et la distribution du courrier adressé. Cette obligation permettra d'éviter le recours à des faux indépendants et limitera ainsi les risques de dumping social. Par ailleurs, l’imposition aux nouveaux opérateurs d’obligations en termes de couverture minimale et d’uniformité tarifaire, devrait permettre aux différents opérateurs d'évoluer dans un environnement stabilisé, garantissant ainsi une concurrence qui ne soit pas préjudiciable au citoyen. L’objectif est d’éviter le phénomène d’écrémage qui pousse les nouveaux opérateurs à jeter leur dévolu sur les segments d’activité les plus rentables. Les tarifs postaux seront également plafonnés pour les usagers afin qu’ils ne souffrent pas du nouvel environnement postal lié à la libéralisation européenne. L’adoption du prochain contrat de gestion est un élément sur lequel l’Etat peut compter pour assurer aux mieux les missions de services publics dans le chef de La Poste. A titre d’exemple, le maintien de la distribution des quotidiens et des périodiques avant 7h30 sur l'ensemble du territoire est fondamental car il permet d'éviter la discrimination dans l’offre de services sur une base territoriale. Des garanties ont également été obtenues concernant le réseau de points de service postal : minimum 1.300, dont minimum 650 bureaux (contre seulement 589 dans le contrat actuel). Reste la répartition géographique des 61 bureaux restants. Elle ne devrait pas se faire sur base de critères qui tiennent compte de la situation socio-économique des usagers. Les citoyens ne doivent pas être victimes d'une répartition basée exclusivement sur des critères de rentabilité.

B. Le ferroviaire L’application d’une libéralisation sans discernement a des conséquences très néfastes pour le citoyen, son environnement ou l’économie. La libéralisation du rail en est un exemple très parlant. L’Union européenne a commencé par libéraliser le trafic de marchandises depuis janvier 2007. Depuis ce 1er janvier 2010, c’est le trafic des voyageurs internationaux qui est concerné. La prochaine étape concerne le trafic des voyageurs intérieur. Cela se traduit aussi, à partir de la même

Le SU doit comprendre au minimum les prestations suivantes: - la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes ; - la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes ; - la distribution des colis postaux reçus d’autres Etats Membres et pesant jusqu’à 20 kg ; - les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée.

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date, par l’interdiction de subsidier le trafic diffus (le transport de petite quantité de marchandises en Belgique sur de petites distances qui implique des coûts de main d’œuvre plus importants ainsi qu’une utilisation plus intensive des infrastructures de la SNCB). Or ici aussi, les compagnies privées s’intéressent uniquement aux segments les plus rentables : le transport mixte rail/route de conteneurs et le transport par trains entiers. L’activité fret de la SNCB est donc dépossédée des activités les plus rentables. Les activités restantes ne seront jamais rentables, alors qu’elles sont pourtant indispensables à la collectivité. Si l’on souhaite réellement développer le fret ferroviaire comme moteur d’une mobilité durable des marchandises, il est impératif de soutenir ce mode de transport. Faute de quoi celui-ci disparaîtra totalement au profit de la route, ce qui irait à l’encontre des objectifs fixés en termes de réductions des émissions de CO². En 2008, le trafic diffus représentait 18.000 tonnes transportées. La fin de ce mode de transport conduirait à mettre plus de 500.000 camions en plus sur nos routes chaque année, soit plus de 1.700 camions de 36 tonnes par jour ou 55 km de file quotidiennes sur nos routes et autoroutes, principalement à proximité ou dans les zones urbaines. Une telle évolution, à l’heure de la lutte mondiale contre les changements climatiques et pour la réduction des émissions de CO², serait une véritable aberration.

C. L’énergie La libéralisation du secteur de l’énergie, décidée il y a une décennie, avait pour objectif premier une concurrence accrue dans la production et la fourniture d’électricité et de gaz dans chacun des Etats membres de l’Union européenne. Au niveau de la Belgique, le bilan reste modeste, tant en ce qui concerne les producteurs que les fournisseurs. A l’heure actuelle, les nouveaux intervenants dans la production d’électricité ou dans l’importation de gaz naturel n’occupent toujours qu’une place marginale, inférieure à 5% dans le cas de l’électricité et à 10% dans le cas du gaz. Dans le domaine de la fourniture d’énergie, par contre, le nombre d’opérateurs « alternatifs » s’est considérablement renforcé ces dernières années, puisqu’il s’élève, selon les chiffres de l’année 2007, à une trentaine de sociétés ayant obtenu une licence fédérale ou régionale. Leurs parts de marché, conquises sur celles des opérateurs « historiques » (Electrabel, SPE et Distrigaz), sont de l’ordre de 10% pour ce qui est de l’électricité et de 20% pour ce qui concerne le gaz. Dans la perspective tracée par les promoteurs de la libéralisation, l’ouverture à la concurrence devait se traduire par une baisse des prix. La hausse des cours mondiaux des produits énergétiques de base (pétrole, gaz et charbon pour l’essentiel) intervenue ces dernières années rend toute évaluation très difficile. Selon les données publiées par la CREG en septembre 2008, les prix des fournitures auraient augmenté en moyenne, au cours des cinq dernières années, de 40% pour l’électricité et de 100% pour le gaz.

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Il faut cependant y ajouter les coûts de distribution (non libéralisée), très variables d’une Région à l’autre ainsi qu’en fonction du type de clientèle. Ces coûts, dans lesquels sont incorporées diverses « redevances » (missions de service public, cotisation énergies renouvelables, taxe pour utilisation du domaine public, etc.), ont augmenté de 20% en moyenne sur les cinq dernières années. Le bilan belge reste donc très mitigé. Pour faire simple, nous subissons les effets négatifs de la libéralisation (baisse voire absence de régulation publique) sans bénéficier d’une réelle concurrence accrue et d’une baisse des prix. Le manque de contrôle des acteurs privés est d’autant plus fort lors des périodes d’instabilité politique. Ces éléments plaident pour le renforcement de la régulation publique. Paul Magnette a ainsi renforcé les pouvoirs de la CREG (le régulateur fédéral – qui doit être indépendant selon la législation européenne) en lui octroyant notamment des pouvoirs de police judiciaire. Cela reste toutefois insuffisant, d’où la volonté d’instaurer un comité de suivi dans le cadre de la prolongation envisagée des 3 centrales nucléaires moins récentes. Il serait composé de représentants du Gouvernement, des producteurs d’électricité et des partenaires sociaux, ainsi que de représentants de la Banque nationale. Il aurait notamment pour mission de calculer le montant annuel de la contribution des producteurs nucléaires et de vérifier annuellement que les prix pratiqués pour l’électricité par tous les opérateurs pour les ménages ne dépassent en aucun cas la moyenne des prix en vigueur dans les pays voisins. L’enjeu est aussi de voir si la Commission européenne va considérer ces mesures comme incompatibles avec l’encadrement juridique européen du secteur (pour entrave à la libre concurrence).

D. La transposition de la directive services La Directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, anciennement « directive Bolkestein », instaure un cadre juridique qui supprime les entraves à la libre circulation des services dans l’Union européenne et crée un marché intérieur des services à partir de 2010. Un des problèmes soulevés par cette directive, c’est la prise en compte de la spécificité des opérateurs issus du non-marchand qui bénéficient, pour leur activité, de subsides publics. Seuls quelques secteurs, qualifiés de Services sociaux d’intérêt général (SSIG) sont explicitement exclus du champ d’application de la directive (le logement social, l’aide aux familles et personnes en situation de besoin et l’aide à l’enfance). Les autres secteurs (emploi, enseignement…) sont potentiellement concernés. Les administrations des différents niveaux de pouvoir ont opéré un « screening » des législations pour analyser, dans chaque secteur, les missions qui étaient susceptibles de faire partie du périmètre de la directive.

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La difficulté réside dans le fait que la directive n’offre pas de définition précise de ce qu’est un service social. Dès lors, un opérateur non subsidié pourrait déposer une plainte auprès de la Commission et de la Cour de Justice des Communautés européennes, estimant que le soutien d’un Etat fausserait le principe de libre concurrence. Mais l’absence de définition précise constitue aussi une marge de manœuvre qui permet à chaque Etat de choisir, en fonction de son modèle social, ce qu’il exclut du périmètre de la directive. Tout l’enjeu résidera dans la manière dont les Etats vont inclure ou exclure des secteurs du périmètre de la Directive. En fonction de quoi, la Commission, sera en mesure de juger ce qui est ou non légitime dans les positions de chaque Etat en tenant compte de leurs spécificités. Afin de préserver notre modèle social, et le tissu associatif qui est partie prenante de ce modèle, il est nécessaire de garantir, à chaque niveau de pouvoir, le fait que ces secteurs mandatés par l’Etat pour des missions de service public ne sont pas concernés par la directive service. Cette garantie ne sera effective que si l’ensemble des entités belges parlent d’une seule voix. La coordination au niveau belge et au niveau européen est donc essentielle pour défendre l’organisation de notre modèle social.

E. La liberté de circulation des capitaux et les dérives de l’économie financière

La liberté de circulation des capitaux est un des éléments centraux de la construction européenne. Dans le même temps, la libéralisation des taux d’intérêts et des taux de change à l’échelle mondiale, a rendu possible la financiarisation massive de l’économie. Profitant de ce contexte favorable, et en l’absence de freins sérieux, les financiers ont développé des outils de spéculation particulièrement agressifs, détachant progressivement l’économie financière de l’économie productive. La quasi-totalité des pays du monde, l’Europe n’échappant pas au constat, ont progressivement pêché par un manque d’encadrement et de contrôle sérieux de la finance. Malgré plusieurs crises financières successives au cours de ces dernières décennies, l’Europe est restée particulièrement inactive sur le terrain de la régulation et du contrôle. Le résultat est hélas connu : elle n’a pu échapper au tsunami financier de 2008 et elle en paie, aujourd’hui encore, très durement les conséquences (ralentissement économique, augmentation du chômage).

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Il aura fallu cette crise financière pour que l’Europe commence à s’intéresser sérieusement aux deux moteurs de la frénésie spéculative : les fonds d’investissement transfrontaliers et les paradis fiscaux.

F. Un exemple positif, la Convention UNESCO sur la diversité culturelle

Si les rapports de force entre la gauche et la droite sont en faveur de cette dernière, singulièrement depuis l’élargissement à 27, les combats progressistes peuvent trouver une issue favorable. Depuis la présidence belge de l’Union européenne en 2001, et même avant lors de la réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en 1999, la Communauté française a été un des principaux acteurs dans ce combat pour que la diversité culturelle soit reconnue dans la mondialisation, en général, et dans le système OMC, en particulier. L’Union européenne et la Communauté française ont joué un rôle important, en parfaite entente avec les autres entités belges, pour obtenir une exemption à la clause de la nation la plus favorisée, au profit de l’audiovisuel et du cinéma. En clair, permettre la poursuite des subventions des activités culturelles. C’est ainsi que l’initiative a été prise de faire adopter à l’UNESCO la Convention internationale sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques. C’est une convention de droit international public, équivalente au dispositif de l’OMC, qui organise la complémentarité des deux systèmes, distinguant les deux natures des activités de biens et services culturels. Le texte a été adopté par tout les pays de l’UE sauf la Belgique, la Flandre n’ayant pas encore ratifié la Convention. Les activités, biens et services culturels sont donc désormais protégés, mis à l’abri des règles commerciales qui s’appliquent normalement aux marchandises que l’on peut qualifier d’ordinaires.

G. Conclusion : activer tous les leviers, y compris au niveau européen, pour défendre la logique de service public

Comme le montre l’action de la Communauté française pour la convention UNESCO, rien n’est inéluctable. Des pistes de solution existent ! L’IEV plaide pour l’activation de tous les leviers permettant de défendre la logique de service public. Toutefois, depuis les dernières élections européennes, les forces progressistes au sein du Parlement européens ont perdu de leur importance. Le rapport de force est encore moins favorable au sein de la Commission. Avec 6 commissaires, le PSE n’est que la troisième force politique, derrière le PPE avec 12 commissaires et les libéraux avec 8 commissaires.

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La Belgique aura cependant, au deuxième semestre 2010, la présidence de l’Union Européenne. La Belgique doit saisir cette opportunité pour mettre sur la table du débat européen la question des libéralisations et des services publics.

1. Régulation et régulateurs D’abord la question de la régulation et des régulateurs. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut une régulation, mais dans quelles conditions ? � Dimension supranationale de la régulation :

Les normes sont adoptées au niveau européen, mais ce sont finalement les Etats qui sont chargés de les contrôler et de les faire respecter en mettant notamment en place des régulateurs nationaux. L’idéal serait, à terme, d’arriver à la création de régulateurs sectoriels supranationaux. A terme, car dans l’état actuel des choses, le déficit démocratique des institutions européennes empêche l’émergence d’une légitimité politique supranationale. Dans un premier temps, on pourrait créer des régulateurs sectoriels européens « soft » qui seraient chargés de coordonner l’action et de favoriser l’échange de bonnes pratiques au niveau des régulateurs nationaux. C’est d’ailleurs dans cette voie que l’on se dirige en matière de télécom. Le second paquet Télécom prévoit en effet la création d’un Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE). � Régulation et missions de services publics :

Lorsqu’on parle de régulation on l’aborde uniquement sous l’angle de la concurrence. Mais la régulation permet également de garantir le maintien des missions d’intérêt général autrefois dévolues à l’opérateur historique. C’est un élément qui doit être préservé. Si l’idéal est de confier les missions de services publics à l’opérateur historique, la création d’un cadre régulateur efficace peut également permettre d’accompagner en douceur le passage d’un service public organique (opérateur public historique) à un service public fonctionnel (service universel). � Régulation des marchés financiers :

Il est plus que nécessaire qu’émerge à l’échelle européenne et mondiale, un organe de contrôle de la finance disposant de véritables pouvoirs d’intervention. Le credo retenu actuellement est une plateforme de liaison entre les organismes nationaux, visant à renforcer leur coopération. Cela ne suffit pas. Dès lors que la faillite d’une seule banque peut entraîner la faillite de plusieurs autres et mettre, ce faisant, des dizaines d’économies nationales en difficultés, il n’est que cohérent de pouvoir disposer d’un cadre juridique supranational suffisamment élaboré.

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S’agissant des fonds d’investissements spéculatifs, les propositions actuellement déposées par la Commission sont insuffisantes. Pour l’IEV, il faut élaborer un véritable passeport européen pour les produits financiers et bannir du marché européen les fonds d’investissement ne répondant pas à des exigences de garanties suffisantes du point de vue de sa provenance (paradis fiscaux), de sa solidité financière (fonds propres, liquidités) et de sa stratégie d’investissement (afin d’écarter les prédateurs intéressés par les seuls profits à court terme, induisant une gestion antisociales dans les entreprises). Par ailleurs, une taxe sur les transactions financières de type Tobin permettrait à la fois de freiner la spéculation, de stabiliser l’économie et de dégager des recettes nouvelles pour un plan de relance européen ou la coopération au développement. � Les régulateurs et leur indépendance :

Indépendance ne signifie pas absence de responsabilité politique. En effet, si on considère que la régulation d'un secteur libéralisé nécessite une redéfinition des responsabilités politiques et la création de nouvelles autorités détentrices de la puissance publique, l’exercice de cette puissance publique ne peut se faire en dehors du champ de la responsabilité politique. L’indépendance des régulateurs ne peut pas conduire ceux-ci à se soustraire à toute forme de responsabilité démocratique et de contrôle politique. Dès lors, le pouvoir de tutelle des ministres sur les régulateurs reste un outil indispensable. 2. Évaluation sociale des libéralisations A l’avenir, l’Union Européenne doit construire des mécanismes qui permettent d’évaluer sérieusement et concrètement ces libéralisations, et pas uniquement par des études sous-traitées à des consultants privés. Cette évaluation doit se faire avec la participation de toutes les personnes concernées (associations de consommateurs et d'usagers, partenaires sociaux, autorités publiques de tous les niveaux de pouvoir notamment) et donner lieu à un vaste débat public, démocratique et contradictoire. L’objectif de cette évaluation doit être de surveiller l'évolution de la fourniture de services d'intérêt général, notamment quant à la qualité du service et son prix pour les consommateurs, ainsi que leur impact sur la qualité de la vie, la compétitivité, la protection de l'environnement, l'emploi (y compris au niveau de la qualité des emplois générés). 3. Une directive cadre sur les services d’intérêt général L’Union Européenne doit absolument développer une action positive pour protéger et développer les services publics. C’est l’idée d’une directive cadre sur les services d’intérêt général, qui donnerait aux services publics la garantie d’un cadre législatif stable, d’un financement adéquat, dans le respect des principes universalité et d’égalité d’accès. La Commission européenne a cependant toujours refusé de légiférer en ce sens, au motif de l’absence de base légale dans les traités. Or, et c’est un acquis socialiste, le Traité de Lisbonne donne aujourd’hui expressément à l’Union

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Européenne le pouvoir de légiférer en la matière. Il devient donc urgent que la Commission se saisisse de cette nouvelle base légale et propose, le plus rapidement possible, un texte à l’examen du Conseil et du Parlement Européen pour protéger et développer les services publics, un des fondements du modèle social européen.

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