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Document pédagogique élaboré sous l’égide de l’Association des Enseignants de Nutrition en faculté de Pharmacie Nutrition et Obésité Nutrition and obesity Jean-Pascal De Bandt a,b a Laboratoire de biologie de la nutrition, faculté de pharmacie, université Paris-V, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 06, France b Laboratoire de biochimie, hôpital Hôtel-Dieu, AP–HP, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 06, France Reçu le 11 mai 2004 ; accepté le 26 juin 2004 Disponible sur internet le 19 août 2004 1. Introduction Actuellement, en France, environ 10 % des individus sont obèses. L’obésité constitue un problème majeur de santé publique du fait de sa prévalence ainsi que de la fréquence et de la gravité de ses complications. En particulier, obésité et dia- bète de type 2 sont fréquemment associés : plus de 90 % des diabétiques de type 2 présentent un surpoids et même sou- vent une obésité franche. À l’inverse, tous les patients diabé- tiques de type 2 ne sont pas obèses et tous les obèses ne développent pas un diabète de type 2 mais la quasi-totalité des obèses sont insulinorésistants (voir le chapitre Nutrition et Diabète). Aux États-Unis, la prévalence de l’obésité patente atteint 30 % de la population, environ 60 % de la population présen- tant un surpoids. C’est une cause importante de décès et les pathologies associées sont nombreuses. En France, l’étude Obépi 2000 a montré que 29,4 % des Français étaient en surpoids et 9,6 % étaient obèses avec une progression plus rapide chez la femme que chez l’homme, et plus marquée dans les grands centres urbains. Par ailleurs, la fréquence de l’obésité chez l’enfant atteint des niveaux préoccupants : ainsi, il y aurait 10 à 12 % d’obèses parmi les enfants de 5 à 12 ans contre environ 3 % au début des années 1980. Cette accélération est encore plus marquée pour les obésités massives. Les conséquences en sont sans doute encore plus importantes, concernant non seulement le plan de la santé mais également le plan social en termes par exemple de retard scolaire et de relations difficiles avec les autres enfants. Le phénomène le plus inquiétant est l’apparition de cas de diabète de type 2 lié à une obésité sévère chez des adolescents. Précisons enfin que nous abordons ici l’obésité en tant que pathologie de la nutrition et que nous n’envisagerons pas l’obésité qui peut être associée à l’hypothyroïdie ou à d’autres désordres endocriniens. 2. Définition L’obésité correspond à un excès de masse grasse pouvant avoir des conséquences néfastes sur la santé. Cet excès est apprécié de manière générale par le calcul de l’indice de Quetelet ou Indice de masse corporelle (IMC) soit le rapport du poids (en kg) au carré de la taille (en mètre). En pratique, les seuils utilisés sont pour l’homme comme pour la femme de 25 pour définir le surpoids, de 30 pour l’obésité modérée, 35 pour l’obésité sévère et 40 pour l’obésité massive. Toute- fois, l’IMC est avant tout une donnée épidémiologique, c’est- à-dire qu’il n’est en aucun cas une mesure précise de la masse grasse et ce qui sous-entend de larges variations de composi- tion corporelle entre individus pour un même IMC. Ainsi, certaines études montrent dans le sous-continent indien une proportion importante de sujets ayant un IMC considéré comme normal mais avec un excès de masse grasse corres- pondant à une réelle obésité. Au-delà de ce simple constat d’excès de tissu adipeux, l’obésité est une pathologie complexe associant des facteurs génétiques, un déséquilibre du métabolisme énergétique, des facteurs psychopathologiques (avec d’éventuels troubles du comportement alimentaire), et des complications diverses, en particulier endocrinométaboliques et cardiovasculaires. Enfin, l’obésité est un phénomène évolutif avec une phase dynamique de prise de poids, une phase statique de relative stabilité et éventuellement des phases de fluctuations. À chaque phase correspondent des processus physiopathologi- ques biologiques et/ou psychologiques différents. Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. De Bandt). Nutrition clinique et métabolisme 18 (2004) 147–155 0985-0562/$ - see front matter © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.nupar.2004.06.005

Nutrition et Obésité

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Document pédagogique élaboré sous l’égide de l’Association des Enseignants de Nutritionen faculté de Pharmacie

Nutrition et Obésité

Nutrition and obesity

Jean-Pascal De Bandt a,b

a Laboratoire de biologie de la nutrition, faculté de pharmacie, université Paris-V, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 06, Franceb Laboratoire de biochimie, hôpital Hôtel-Dieu, AP–HP, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 06, France

Reçu le 11 mai 2004 ; accepté le 26 juin 2004

Disponible sur internet le 19 août 2004

1. Introduction

Actuellement, en France, environ 10 % des individussont obèses.

L’obésité constitue un problème majeur de santé publiquedu fait de sa prévalence ainsi que de la fréquence et de lagravité de ses complications. En particulier, obésité et dia-bète de type 2 sont fréquemment associés : plus de 90 % desdiabétiques de type 2 présentent un surpoids et même sou-vent une obésité franche. À l’inverse, tous les patients diabé-tiques de type 2 ne sont pas obèses et tous les obèses nedéveloppent pas un diabète de type 2 mais la quasi-totalitédes obèses sont insulinorésistants (voir le chapitre Nutritionet Diabète).

Aux États-Unis, la prévalence de l’obésité patente atteint30 % de la population, environ 60 % de la population présen-tant un surpoids. C’est une cause importante de décès et lespathologies associées sont nombreuses. En France, l’étudeObépi 2000 a montré que 29,4 % des Français étaient ensurpoids et 9,6 % étaient obèses avec une progression plusrapide chez la femme que chez l’homme, et plus marquéedans les grands centres urbains.

Par ailleurs, la fréquence de l’obésité chez l’enfant atteintdes niveaux préoccupants : ainsi, il y aurait 10 à 12 %d’obèses parmi les enfants de 5 à 12 ans contre environ 3 %au début des années 1980. Cette accélération est encore plusmarquée pour les obésités massives. Les conséquences ensont sans doute encore plus importantes, concernant nonseulement le plan de la santé mais également le plan social entermes par exemple de retard scolaire et de relations difficilesavec les autres enfants. Le phénomène le plus inquiétant estl’apparition de cas de diabète de type 2 lié à une obésitésévère chez des adolescents.

Précisons enfin que nous abordons ici l’obésité en tant quepathologie de la nutrition et que nous n’envisagerons pasl’obésité qui peut être associée à l’hypothyroïdie ou àd’autres désordres endocriniens.

2. Définition

L’obésité correspond à un excès de masse grasse pouvantavoir des conséquences néfastes sur la santé. Cet excès estapprécié de manière générale par le calcul de l’indice deQuetelet ou Indice de masse corporelle (IMC) soit le rapportdu poids (en kg) au carré de la taille (en mètre). En pratique,les seuils utilisés sont pour l’homme comme pour la femmede 25 pour définir le surpoids, de 30 pour l’obésité modérée,35 pour l’obésité sévère et 40 pour l’obésité massive. Toute-fois, l’IMC est avant tout une donnée épidémiologique, c’est-à-dire qu’il n’est en aucun cas une mesure précise de la massegrasse et ce qui sous-entend de larges variations de composi-tion corporelle entre individus pour un même IMC. Ainsi,certaines études montrent dans le sous-continent indien uneproportion importante de sujets ayant un IMC considérécomme normal mais avec un excès de masse grasse corres-pondant à une réelle obésité.

Au-delà de ce simple constat d’excès de tissu adipeux,l’obésité est une pathologie complexe associant des facteursgénétiques, un déséquilibre du métabolisme énergétique, desfacteurs psychopathologiques (avec d’éventuels troubles ducomportement alimentaire), et des complications diverses, enparticulier endocrinométaboliques et cardiovasculaires.

Enfin, l’obésité est un phénomène évolutif avec une phasedynamique de prise de poids, une phase statique de relativestabilité et éventuellement des phases de fluctuations. Àchaque phase correspondent des processus physiopathologi-ques biologiques et/ou psychologiques différents.Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. De Bandt).

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3. Le tissu adipeux

Notons tout d’abord que l’excès de masse grasse peutrésulter d’une hyperplasie des adipocytes (augmentation dunombre de cellules), d’une hypertrophie (augmentation de lataille des cellules) ou d’une combinaison des deux phénomè-nes. Lors d’un apport lipidique accru sur le long terme,l’accumulation de lipides dans l’adipocyte ne pouvant excé-der un certain volume (hypertrophie) et sous l’effet de l’acti-vation par les acides gras de certains facteurs de transcriptionrégulant la différenciation adipocytaire, il y a recrutement denouveau adipocytes (hyperplasie). Le problème est qu’appa-remment cette hyperplasie est irréversible même si la quan-tité de lipides à stocker diminue en cas de perte pondérale. Cesont sans doute ce phénomène et l’activité endocrine del’adipocyte qui concourent à la résistance à la perte pondé-rale.

3.1. L’adipocyte, cellule endocrine

En dehors de son rôle dans le stockage des graisses,l’adipocyte est une cellule à activité sécrétrice importanteproduisant en particulier la leptine, certaines cytokines(Tumor Necrosis Factor-a et interleukine-6), le plasmi-nogen activator inhibitor-1, l’adiponectine...

Longtemps considéré comme simple cellule de stockagede l’énergie sous forme de triglycérides, l’adipocyte est enfait une cellule endocrine à part entière. Il produit en effetdifférents médiateurs comme la leptine, inhibiteur de la prisealimentaire et activateur de la dépense énergétique, certainescytokines (plus particulièrement le Tumor Necrosis Factor-�et l’interleukine-6) impliquées dans la réduction de la sensi-bilité à l’insuline, un facteur prothrombotique (le PAI-1 :plasminogen activator inhibitor-1), la résistine ou encorel’adiponectine, qui stimulerait la sensibilité à l’insuline. Lestravaux récents n’ont pas établi de façon convaincante le rôled’une augmentation de la synthèse de la résistine dans ledéveloppement de l’obésité. En revanche, l’adiponectine,dont l’expression diminue au cours de l’obésité, semble unevoie de recherche prometteuse. Cette protéine active l’oxy-dation des acides gras, diminue la triglycéridémie, améliorel’homéostasie glucidique en augmentant la sensibilité à l’in-suline et exerce des effets anti-inflammatoires et peut êtreantiathérogènes.

Par ailleurs, l’adipocyte est susceptible d’exprimer defaçon notable la 11 bêta hydroxystéroïde déshydrogénase,enzyme responsable de la réactivation des stéroïdes, c’est-à-dire la re-synthèse du cortisol à partir de ses dérivés cétoni-ques inactifs.

3.2. Mesure de la masse grasse – mesurede la composition corporelle

Les méthodes les plus courantes pour apprécier la massegrasse totale sont fondées sur des mesures anthropométri-ques telles que le poids, la taille, l’IMC, les plis cutanés et les

circonférences de la taille et des hanches. La technique deréférence est la pesée hydrostatique. Celle-ci vise à détermi-ner avec précision la densité corporelle en utilisant le prin-cipe d’Archimède. La mesure se fait par pesée hydrostatique,c’est-à-dire par différence entre pesée normale et pesée aucours d’une immersion complète en expiration forcée, ce quipermet de déterminer le volume d’eau déplacée. La densitéest donc calculée selon la relation d = M/V après correctionpour les volumes d’air résiduel des poumons et du tubedigestif.

Le pourcentage de masse grasse (FG%) est calculé à partirde d, à l’aide de l’équation de Siri :

FG% = 495⁄d − 450

Cette équation a été établie en postulant une densité cons-tante de 0,9 pour la masse grasse et de 1,1 pour la massemaigre (on peut facilement redémontrer l’équation en pre-nant en compte ces deux valeurs de densité et le fait que lamasse totale est égale à la somme des masses maigre etgrasse, et le volume total à la somme des volumes des massesmaigre et grasse).

Peu praticable en clinique, des variantes ont été proposéesmesurant par exemple des volumes de gaz déplacés (pléthys-mographie aérique).

Pour évaluer plus précisément la masse grasse totale, ilexiste des méthodes biophysiques plus élaborées, soit réser-vées à quelques équipes hautement spécialisées du fait de lalourdeur de la technologie (comptage du 40K, activationneutronique), soit dérivées des techniques d’imagerie (réso-nance magnétique nucléaire, absorptiométrie biphotonique),soit enfin fondées sur la mesure des différents compartimentsde l’eau dans l’organisme (dilution isotopique, impédancebioélectrique). En pratique clinique, la méthode la plus pré-cise est l’absorptiométrie biphotonique ; la plus simple àmettre en œuvre et la moins coûteuse est l’impédancemétrie.

Au-delà de l’aspect quantitatif global, il est intéressantde déterminer la répartition de la masse grasse et plusparticulièrement la masse grasse viscérale.

En effet, il faut distinguer en première approximationdeux types d’obésité : l’un dit gynoïde, caractérisé par uneaccumulation de graisse dans la partie inférieure du corps, etl’autre dit androïde, avec une accumulation de graisse dans lapartie supérieure du corps et plus particulièrement au niveaucentral. La distinction est importante puisque les études pros-pectives indiquent qu’apparemment seule l’accumulationviscérale de graisse est un facteur de risque cardiovasculaire.Cette répartition des graisses était classiquement appréciéepar le rapport des circonférences mesurées au niveau de lataille et des hanches. Le tour de hanche est mesuré au niveaudes trochanters alors que le tour de taille est mesuré à mi-distance entre la crête iliaque et le bord inférieur du grillcostal.

Le tour de taille est un bon indicateur de la graisse viscé-rale avec un seuil maximum de l’ordre de 90–95 cm pour leshommes et 80 cm pour les femmes.

Le seuil prédictif d’événements pathologiques pour lerapport taille/hanche (waist/hip ratio) a été évalué chez des

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sujets d’âge moyen à 1 chez les hommes et 0,8 chez lesfemmes. C’est un bon prédicteur du risque cardiovasculaire,même si sa corrélation est moins bonne avec la graisseintra-abdominale que le simple tour de taille.

La répartition des masses grasses peut être maintenantappréciée de manière plus fine par les techniques modernesd’imagerie (tomographie numérisée, absorptiométrie bipho-tonique segmentaire) ou encore par l’impédancemétrie seg-mentaire.

3.3. Importance de la distribution du tissu adipeux

L’adiposité viscérale est plus étroitement associée à larésistance à l’insuline que l’obésité globale et est accom-pagnée fréquemment d’une dyslipidémie et d’une hyper-tension.

Il existe en effet une relation entre la répartition de lamasse grasse et les concentrations plasmatiques d’acidesgras libres (AG). Mais, si l’augmentation des concentrationsplasmatiques des AG en fonction de la masse grasse totale estbien établie, le turnover des AG et leur production par unitéde poids sont plus élevés en cas d’obésité viscérale. Certainséléments suggèrent une sensibilité augmentée aux agentslipolytiques et une réponse moindre à l’effet inhibiteur del’insuline. L’origine de cette différence n’est pas clairementétablie mais pourrait faire intervenir une expression plus

élevée des récepteurs à certains effecteurs tels que les caté-cholamines et les glucocorticoïdes. Il faut rappeler dans cecontexte les similitudes existant entre l’obésité abdominaleet le syndrome de Cushing : accumulation viscérale de massegrasse, résistance à l’insuline, dyslipémie, hypertension etrisque élevé de développer un diabète de type 2 et descomplications cardiovasculaires. Nous avons mentionné pré-cédemment la présence d’une activité 11-bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase dans le tissu adipeux. Or, ilexiste une augmentation de cette activité dans le tissu adi-peux viscérale et, chez des souris transgéniques surexpri-mant cette enzyme, il apparaît une adiposité viscérale avechyperphagie. De manière générale, l’activité endocrine dutissu adipeux, déjà évoquée, serait plus marquée dans le tissuadipeux périviscéral.

4. L’obésité chez l’enfant

Pour définir l’obésité chez l’enfant, l’OMS recommandel’utilisation des courbes de poids selon la taille jusqu’à dixans pour les filles et 11,5 ans chez les garçons et l’utilisationde l’IMC et des plis cutanés au-delà. En fait, l’idéal estl’utilisation des courbes de l’IMC selon l’âge et le sexe(Fig. 1) bien qu’elles ne permettent pas la distinction entremasse maigre et masse grasse. Deux définitions coexistent à

Fig. 1. Courbe de l’IMC selon l’âge et le sexe chez l’enfant et l’adolescent.

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l’heure actuelle. Dans la première, est considéré obèse, unenfant dont l’IMC est supérieur au 97e centile de la distribu-tion pour une classe d’âge. Dans la seconde, les seuils d’IMCdéfinissant le surpoids et l’obésité sont constitués par lescentiles atteignant respectivement les valeurs 25 et 30 kg/m2

à 18 ans.Un paramètre de surveillance important pour la préven-

tion de l’obésité est l’évolution de l’IMC dans les premièresannées de vie : la première année, l’IMC commence paraugmenter pour diminuer ensuite jusqu’à l’âge de six ans. Àcet âge, la courbe augmente à nouveau. L’âge de ce « rebondd’adiposité » est corrélé à l’adiposité à l’âge adulte : plus ilest précoce, plus le risque de devenir obèse est élevé.

Si l’on exclut les formes sévères d’obésité, la surchargeadipeuse est souvent cliniquement asymptomatique et nesuscite pas de prise en charge médicale. Toutefois, elle doitêtre dépistée en raison des conséquences tant à long termeque sur le plan psychosocial. La probabilité qu’un enfant ensurpoids ou obèse le reste à l’âge adulte varie de 20–50 %avant la puberté à 50–70 % après la puberté. Le risque demortalité à l’âge adulte serait augmenté de 50 à 80 %. Ilexiste une association positive entre le degré d’obésité dansl’enfance et la présence à l’âge adulte de facteurs de risquecardiovasculaire ou d’une insulinorésistance.

Différents facteurs susceptibles d’influencer l’évolutionvers l’obésité ont été identifiés. Le poids de naissance estcorrélé à l’IMC à l’âge adulte mais la durée de l’allaitementmaternel semble être un facteur protecteur. Le risque est trèsaugmenté si les deux parents sont obèses. Il existe une rela-tion inverse avec le statut socioéconomique (apport énergéti-que plus important) en France pour les enfants de moins dedouze ans. Enfin, les autres facteurs sont l’urbanisation et lemanque d’activité physique (par exemple il a été observé uneaugmentation de 2 % de la prévalence de l’obésité par heurede télévision supplémentaire hebdomadaire). Par ailleurs, ilsemble que le risque de rester obèse à l’âge adulte soit plusélevé chez les garçons.

5. Étiologies de l’obésité

Si les mécanismes moléculaires à l’origine du développe-ment de l’obésité sont multiples, l’importance des facteursgénétiques est de plus en plus soulignée. Notons toutefoisque :• l’augmentation de la fréquence de l’obésité dans les popu-

lations transplantées de zones économiquement peu favo-risées vers des sociétés d’abondance souligne l’impor-tance des facteurs environnementaux ;

• la vitesse avec laquelle s’accroît cette pathologie n’est pasen faveur d’une origine génétique précise mais plutôt degènes favorisant qui exposent à une fréquence accrued’obésité pour les individus placés dans les conditionsadéquates ;

• nos sociétés dites développées favorisent la surconsom-mation d’aliments riches en énergie tout en diminuant ladépense énergétique des individus.

L’obésité est une maladie oligogénique dont l’expres-sion est modulée par de multiples gènes régulateurs(caractère polygénique) associés à d’importants facteursenvironnementaux.

Il est difficile de considérer au départ l’obésité comme uneréelle pathologie ; en effet, certains arguments suggèrentl’importance de la sélection naturelle et de l’évolution. L’hu-main chasseur-cueilleur des temps anciens présentait la capa-cité d’accumuler les graisses, ce qui lui concédait un avan-tage en période de disette. Par ailleurs, il existe une relationdirecte entre adiposité et fertilité. La sélection naturelle asans doute favorisé les individus les plus aptes à constituerces réserves (hypothèse dite du « thrifty genotype », c’est-à-dire, littéralement, du génotype économe). Ce qui était avan-tage chez des individus dépendant d’une certaine activitéphysique pour assurer leur subsistance ou exposés à l’alter-nance de périodes de disette et de relative abondance estdevenue défaut chez l’homme moderne installé dans unmode de vie sédentaire avec un accès facile aux aliments, depréférence riches en énergie. Notons de plus que les alimentsles moins coûteux sont souvent les moins « nutritionnelle-ment corrects » et les plus énergétiquement denses.

La nature du problème se précise si l’on considère l’am-plitude du déséquilibre du bilan énergétique permettant deconduire à une surcharge pondérale : prenons le cas d’unindividu présentant une prise de poids régulière de 1 kg/ansous forme de masse grasse. Cela correspond approximative-ment à un excès d’apport de l’ordre de 25 Kcal par jour(1 morceau de sucre correspond à environ 20 Kcal). Ainsi,l’obésité pourrait résulter d’un déséquilibre extrêmementminime de la balance énergétique mais sur une période pro-longée.

Enfin, depuis plusieurs décennies, l’obésité augmentedans de nombreux pays en dépit d’une tendance générale à labaisse de l’apport énergétique, en particulier lipidique, aumoins pour la population adulte ; cela souligne le rôle majeurde la sédentarité.

La question de l’étiologie de l’obésité reste donc large-ment ouverte, avec de nouveaux champs d’investigation quise dessinent tels que le rôle de facteurs intervenant au coursdu développement in utero ou encore une certaine héritabilitédu phénotype obèse grâce à des facteurs épigénétiques.

5.1. Facteurs génétiques de l’obésité

5.1.1. Obésités monogéniquesVingt-quatre anomalies génétiques ont été répertoriées

comme étant associées au développement d’une obésité,mais ceci ne représente qu’une très faible fraction des pa-tients obèses.

Dans ces situations, le risque de développer une obésitéest quasi-inéluctable. On peut distinguer en fait deux situa-tions selon que l’obésité n’est qu’un des aspects de la mala-die ou que, au contraire, l’obésité est au premier plan (Ta-bleau 1). Dans le second cas, les anomalies portant sur laleptine et les autres facteurs impliqués dans la régulation de

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la prise alimentaire occupent une place de choix. Pour mé-moire, la leptine stimule la synthèse hypothalamique de lapro-opiomélanocortine (POMC) clivée par des proconverta-ses en hormone stimulante des mélanocytes (�MSH) et enACTH. L’�MSH agit sur des récepteurs couplés aux protéi-nes G et en particulier un récepteur de type IV qui inhibe laprise alimentaire. On connaît des obésités liées à des muta-tions du gène de la leptine (3 familles) et de son récepteur(1 famille), de la POMC (2 familles), de la proconvertase 1(1 cas). Ces mutations exceptionnelles récessives sont asso-ciées à des désordres sévères du comportement alimentaireavec obésité précoce et sévère et anomalies endocriniennes :impubérisme complet, insuffisance thyroïdienne, insuffi-sance somatotrope.

Il existe également des mutations du récepteur de type IVaux mélanocortines : elles sont plus fréquentes (4 à 6 % dansles formes sévères d’obésité), de transmission autosomiquedominante, d’expression variable

5.1.2. Obésités complexesElles sont les plus fréquentes, mais le risque génétique

prédictif est difficilement évaluable à l’échelon individuel.La majorité des gènes étudiés n’explique pas le développe-ment de l’obésité chez le plus grand nombre de sujets ;certains contribueraient à l’aggravation du phénotype chezdes patients déjà obèses (par exemple : le récepteur b3adrénergique ou la région régulatrice des gènes codant pourles protéines découplantes UCP1 et 3). Notons que, dans uncertain nombre de cas, les gènes proposés ont été identifiéspar l’étude des déséquilibres de liaison génétique et ne résis-tent pas à une étude plus poussée.

5.2. Composition de l’apport alimentaire et développementde l’obésité

À la différence des autres macronutriments, les lipidessont peu satiétogènes et n’activent pas leur propre oxyda-tion.

5.2.1. Macronutriments et prise alimentaireRappelons que la régulation à court terme de la satiété fait

intervenir, dans un premier temps, des mécanismes gastro-intestinaux avec un rétrocontrôle négatif par activation demécanorécepteurs en réponse au passage des nutriments dansl’estomac. Ensuite, des mécanorécepteurs et chémorécep-teurs de l’intestin grêle prennent le relais pour transmettrel’information au niveau hypothalamique permettant l’inter-ruption de la prise alimentaire. Ces signaux sont principale-ment médiés par la libération de peptides intestinaux (cholé-cystokinine : CCK, amyline, glucagon-like peptide 1 : GLP-1). Enfin, le passage des nutriments dans la circulation activeen particulier la sécrétion d’insuline. Cette dernière est res-ponsable d’une inhibition de la synthèse et de la sécrétion duprincipal neurotransmetteur activateur de la prise alimen-taire, le neuropeptide Y. Elle augmente également la sensibi-lité aux effets satiétogènes de la CCK.

La régulation de la prise alimentaire dépend de la densitéénergétique des aliments et de la qualité des macronutri-ments. La densité énergétique semble jouer un rôle prépon-dérant. Le volume et le poids des aliments sont deux élé-ments régulateurs importants du rassasiement. Le volumealimentaire devrait diminuer lorsque la densité énergétiqueest élevée pour permettre l’équilibre du bilan énergétique ;or, ce n’est pas le cas. Par ailleurs, les apports énergétiques deboissons sucrées semblent moins bien pris en compte dansles mécanismes de régulation que les aliments solides. Enfin,le pouvoir satiétogène des nutriments diminue des protéinesaux glucides puis aux lipides. Ainsi, les lipides sont lesnutriments les moins actifs sur l’apparition du rassasiement :les signaux métaboliques déclenchés par l’apport lipidiquene sont pas assez puissants ou arrivent trop tardivement pourlimiter la poursuite de la prise alimentaire.

5.2.2. Utilisation des nutriments à des fins énergétiquesL’étude « Fleurbaix-Laventie Ville Santé » a montré chez

les enfants une relation positive entre le pourcentage d’éner-gie apporté par les graisses et l’adiposité (surtout lorsquel’apport énergétique par les graisses dépassent 34,2 %) et unerelation inverse avec les apports de glucides quelle que soitleur nature. La nature des AG semble également jouer un rôlepuisque les enfants qui avaient un faible pourcentage d’éner-gie apporté par les graisses mais avec une forte proportion degraisses saturées étaient plus gros.

Les variations de l’utilisation des substrats énergéti-ques en fonction du temps se produisent de manière àminimiser les variations du pool protéique et des réservesde glycogène. La balance des glucides et celle des protéi-nes sont parfaitement autorégulées ; ce n’est pas le cas decelle des lipides.

Tableau 1Obésités monogéniques

Obésités associées à des troubles du développementSyndrome Signes cliniques Mode de

Transmissionlocus

Prader-Willi Hypotonie musculaireRetard mentalPetite taillehypogonadisme

Autosomiquedominant

15q11

Bardet-Biedl Retard mentalRétinite pigmentairePolydactyliehypogonadisme

Autosomique récessif 6 loci

Cohen Retard mentalAnomalies facialesHypotonie musculaire

Autosomique récessif 8q22-q23

Alström Rétinite pigmentaireSurditéDiabète

Autosomique récessif 2p14-p13

Obésités associées à des troubles endocriniensGène affecté manifestationsLeptine Hypogonadisme hypogonadotrophiqueRécepteur de la leptine Hypogonadisme hypogonadotrophiquePro-opiomélanocortine Insuffisance corticotropeProconvertase 1 Hyperpro-insulinémie Hypocortisolémie

Hypogonadisme hypogonadotrophique

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L’organisme a développé un certain nombre de mécanis-mes permettant de maintenir un contenu protéique stable ouun gain en phase de croissance ou de récupération après unephase de dénutrition ou d’hypercatabolisme. La régulationdu métabolisme des acides aminés et des protéines est extrê-mement précise, avec oxydation de l’excès lorsque les ap-ports sont supérieurs aux besoins.

De même, du fait de l’importance des stocks de glycogènedans le maintien de la glycémie, un certain nombre de méca-nismes régulateurs, endocriniens en particulier, permettentl’ajustement prioritaire de la disponibilité en glucides. Tou-tefois, la capacité de l’organisme à stocker du glucose sousforme de glycogène est très limitée : quelques centaines degrammes. Cela se conçoit d’autant mieux que, en dehors dela quantité d’énergie par unité de masse (environ 9 Kcal/g delipides contre 4 Kcal/g de glucides), le glycogène est uneforme peu rationnelle de stockage de l’énergie du fait de laquantité d’eau qui doit lui être associée (4 à 5 fois le poids deglycogène) : c’est donc une forme de réserve « pesante ».L’excès de glucides doit donc être éliminé. Dans la mesureoù la lipogenèse de novo à partir des glucides est faible chezl’homme, ceci implique une augmentation de son oxydation.Toutefois, l’énergie fournie par l’oxydation des glucides aug-mentant avec leur apport, l’oxydation des lipides diminue,d’où stockage lipidique. En revanche, l’oxydation des lipidesn’augmente pas après un repas riche en lipides.

Dans ces conditions, les différences tant qualitatives quequantitatives entre apports et dépenses énergétiques sontprincipalement compensées par les modifications du contenulipidique de l’organisme.

L’ajustement de l’équilibre entre utilisation à visée éner-gétique des nutriments et composition en nutriments de laprise alimentaire constitue le mécanisme principal du main-tien pondéral. De la capacité d’un individu à maintenir cetéquilibre dépend la stabilité de la composition corporelle.Ainsi, comme déjà mentionné, l’oxydation des lipides n’aug-mente pas quand les apports alimentaires sont élevés. L’ex-cédent des lipides alimentaires est stocké dans le tissu adi-peux. L’augmentation de la masse grasse qui en résulte estresponsable d’une libération accrue d’AG issu du turnoverbasal des adipocytes. Il s’ensuit une utilisation accrue de cesAG comme substrats énergétiques notamment par le muscle.Un nouvel état d’équilibre est atteint lorsque l’augmentationdu taux d’oxydation des AG ainsi obtenue correspond àl’excès de lipides ingérés. Ce processus d’adaptation a deseffets délétères sur la sensibilité à l’insuline.

La qualité de l’apport lipidique entre également en lignede compte : tous les AG ne sont pas équivalents sur le planmétabolique pour leur stockage ou leur oxydation :• les AG saturés et mono-insaturés sont plus efficaces que

les polyinsaturés (AGPI) pour induire une prise de poidschez l’animal. Les AG saturés seront préférentiellementstockés tandis que les AGPI n-3 seront préférentiellementoxydés, les AGPI n-6 ont un comportement intermédiaire.De même, les triglycérides plasmatiques diminuent avecl’enrichissement de la ration alimentaire en AGPI n-3 ;

• la réponse aux stimuli lipolytiques est variable : la mobi-lisation des AG augmente avec l’insaturation tandis que,pour une insaturation donnée, elle diminue lorsque lalongueur de chaîne augmente : les AG les plus rapidementmobilisés sont les précurseurs des eicosanoïdes. Ceci estvraisemblablement lié à la capacité de ces AG à modulerl’expression de certains gènes. Ainsi, l’activité de la fattyacid synthetase est maximale avec un régime enrichi englucides, lorsque l’apport lipidique est sous forme saturéet mono-insaturé, intermédiaire avec lesAGPI n-6 et mini-male avec les AGPI n-3.Par ailleurs, les AG saturés exercent un effet hypercholes-

térolémiant. De leur côté, les AG mono-insaturés augmententle rapport cholestérol HDL/cholestérol total.

5.3. Facteurs psychologiques et sociologiquesL’aspect psychologique de l’obésité est double puisque,

tout d’abord, les désordres psychologiques peuvent être àl’origine de l’obésité par le biais de troubles du comporte-ment alimentaire. De simples insatisfactions émotionnellesou affectives peuvent conduire à des compulsions alimen-taires et donc à l’augmentation des apports énergétiques. Lasurconsommation alimentaire peut faire partie de la stratégied’adaptation (coping) d’un individu au stress de sa vie quo-tidienne. Par ailleurs, les conséquences psychologiques del’obésité peuvent être un facteur d’aggravation de l’obésité.

Les facteurs sociologiques sont plus complexes à appré-cier du fait de leur multiplicité : depuis l’environnementfamilial et le niveau socioéconomique jusqu’à la disponibi-lité alimentaire et aux phénomènes de mode tels que le cultede la minceur, cause supplémentaire de détresse psychologi-que ou encore jusqu’à la discrimination sociale.

6. Obésité et qualité de vie

L’obésité, en particulier lorsqu’elle est massive, a desrépercussions multiples tant sur les plans physiologiques quephysiques et psychologiques. L’altération de la qualité de vieest donc souvent notable :• complications cardiovasculaires : hypertension artérielle,

insuffisance cardiaque, accidents ischémiques ;• dyspnée et syndrome d’apnée du sommeil ;• troubles métaboliques : insulinorésistance, diabète de type

2, syndrome métabolique ;• troubles endocriniens : troubles du cycle, hyperandrogé-

nie chez la femme, hypogonadisme chez l’homme, déficiten hormone de croissance ;

• atteintes ostéoarticulaires limitant les possibilités d’acti-vité physique ;

• risque accru de pathologies tumorales.

7. Traitement de l’obésité

Si le traitement vise à terme à la perte pondérale,l’objectif primaire pourra être déjà la stabilisation du

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poids et la correction des erreurs, qu’elles soient alimen-taires ou du style de vie ou encore la réduction du risquede complications.

La prise en charge de l’obésité nécessite une explorationclinicobiologique préalable afin d’en préciser les facteursétiologiques et les conséquences cliniques :• étude de l’évolution pondérale : âge d’apparition, évène-

ments déclenchants... ;• recherche des antécédents familiaux ;• enquête alimentaire et comportementale : il faut identifier

ce que le patient mange, comment et dans quel contexte ;• évaluation psychologique : recherche des facteurs déclen-

chant ou favorisant l’entretien de l’obésité, recherche detroubles du comportement alimentaire, évaluation desmotivations de l’individu ;

• bilan somatique : anthropométrie, fonction cardiovascu-laire, recherche de troubles endocriniens et d’un hypogo-nadisme, examen orthopédique.

7.1. Réduction pondérale

La notion d’objectif réaliste de perte de poids estprimordiale : il faut tenir compte de la capacité indivi-duelle à subir et maintenir la contrainte, quelle qu’ellesoit, nécessaire à la perte pondérale. On admet à l’heureactuelle comme objectif de première intention une perte depoids de 10 à 15 pour cent du poids initial.

De nombreuses méthodes diététiques commerciales oumédicales ont été proposées pour perdre du poids. En dehorsde l’inefficacité ou de l’absence de preuve d’efficacité decertaines d’entre elles, il faut noter que si, de manière géné-rale, les individus perdent du poids par ces méthodes, ilexiste, dans la grande majorité des cas, un retour progressifplus ou moins rapide à la situation antérieure. Parmi lesfacteurs qui influent sur l’efficacité, on peut noter le poids dedépart, la durée du traitement, la perte pondérale recherchéeet la motivation des individus.

En fait, peu importe la quantité de poids à perdre, unevaleur cible modérée de perte de poids obtenue lentementaugmente la probabilité d’obtenir effectivement cette pertede poids et de maintenir le poids obtenu. De plus, si leshabitudes alimentaires et le niveau d’activité physique nesont pas durablement modifiés à la fin du programme diété-tique, les patients regagneront la totalité de leur poids en un àcinq ans.

7.2. Modifications des apports alimentairesLes méthodes vont de la restriction calorique plus ou

moins importante à des modifications de la composition del’apport alimentaire. Il semble que les plus restrictivessoient les plus effectives à court terme mais les moinsefficaces à long terme.

Il existe une mode pour les régimes dits d’épargne protéi-que. Leur principe est d’induire un déficit calorique impor-tant en apportant une alimentation constituée essentiellementde protéines de façon à éviter d’induire un bilan azoté trop

fortement négatif. Ces régimes permettent d’obtenir uneperte pondérale souvent rapide et importante (entre 18 et22 kg en 12 à 15 semaines). En plus de contre-indicationsabsolues, ce type de régime suscite la polémique du fait qu’ilest potentiellement dangereux avec des avantages non claire-ment démontrés.

De manière générale, la ration calorique nécessaire estcalculée en fonction des apports habituels et de l’estimationdes dépenses avec une réduction de l’ordre de 25 à 30 % parrapports aux apports antérieurs.

Si les régimes restrictifs permettent effectivement d’obte-nir une perte de poids sur un temps relativement court,l’approche diététique doit surtout se focaliser sur la modifi-cation du comportement alimentaire pour atteindre une ali-mentation conforme aux recommandations pour la popula-tion générale. Ces recommandations concernent tant la partdes différents macronutriments dans l’apport énergétiqueque la composition de l’alimentation :• apports énergétiques : Les protéines représentent environ

15 % de notre apport calorique. Il est souhaitable que leslipides représentent moins de 30 % de l’apport caloriqueet les glucides le reste de l’apport. Toutefois, cela ne doitpas conduire à un apport excessif de glucides qui pourraitmajorer les désordres lipidiques chez certains patients, enparticulier diabétiques, et il est conseillé de se focaliserd’abord sur la réduction de l’apport calorique global. Iln’y a toutefois pas d’avantage démontré à réaliser unapport énergétique comportant plus de 35 % sous formede lipides ;

• protéines : Les protéines végétales seraient plus appro-priées que les protéines animales. Il a en particulier étémontré un effet protecteur des protéines végétales vis-à-vis du développement de l’hypercholestérolémie et despathologies cardiovasculaires ;

• lipides : Il est recommandé de diminuer l’apport total decholestérol (max 300 mg par jour) ; les autres lipidesdoivent être pour moins d’un tiers sous forme de lipidessaturés ou insaturés de la série trans et moins d’un tierssous forme de lipides polyinsaturés (avec un rapport acidelinoléique/acide a-linolénique de l’ordre de 5). Les lipidesmono-insaturés (huile d’olive par exemple) sont recom-mandés car ils préviendraient l’hypertriglycéridémie et ladétérioration de la sensibilité à l’insuline ;

• glucides : La consommation de glucides complexes ouprésentant un index glycémique bas est à favoriser. Plus lastructure du glucide est complexe et plus le traitementindustriel ou culinaire a une influence sur sa digestibilité,plus le temps nécessaire à son hydrolyse complète estprolongé et donc plus la vitesse de passage dans la circu-lation systémique est lente. Cela entraînera donc unemoindre augmentation de la glycémie postprandiale et dela réponse insulinique. L’intérêt est une meilleure maîtrisedu poids : ces aliments rassasient mieux et la diminutionde la réponse insulinique entraîne également une moindretendance à stocker les graisses. Par ailleurs, ils favorisentun meilleur équilibrage glycémique, important dans la

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prévention des complications liées à l’hyperinsulinémie età l’hyperglycémie ;

• fibres alimentaires : Ce sont des glucides complexes résis-tant à l’hydrolyse dans l’intestin. Certains travaux suggè-rent un effet bénéfique des régimes riches en fibres sur lacholestérolémie. Les apports conseillés sont de l’ordre de25 g par jour. Les fruits, les légumes et les céréales ont iciun grand intérêt en tant que sources de glucides riches enfibres et en micronutriments. Un élément important desfibres est leur effet favorable sur la prise alimentaire : ellesfacilitent donc la réduction des apports énergétiques ;

• vitamines et oligoéléments : Les désordres de l’homéos-tasie énergétique sont à l’origine d’un stress oxydant, cequi justifie de veiller aux apports en micronutriments.Cela est encore plus vrai pour les oligoéléments, quidoivent faire l’objet d’une attention particulière dans lecadre des régimes très hypocaloriques afin de ne pasexposer les patients au risque de carence.

7.3. ExerciceL’exercice physique est beaucoup moins efficace que la

restriction calorique en termes de perte de poids bien qu’ilpermette souvent une réduction de la masse grasse. Endehors du bénéfice sur la fonction cardiovasculaire, c’estun complément important en particulier du maintien de laperte pondérale

L’activité physique élève les dépenses énergétiques du faitde l’effort lui-même et de l’élévation du métabolisme de basepar augmentation de la masse maigre. Toutefois, l’exercice ades effets bénéfiques indépendants de la perte de poids, enparticulier une augmentation du cholestérol HDL et une prisede masse maigre. Les exercices en endurance favorisentl’utilisation des graisses : au cours d’un exercice de faibleintensité, les besoins énergétiques sont assurés essentielle-ment par l’oxydation des seuls AG plasmatiques, la contribu-tion du glucose plasmatique étant faible. L’énergie dépenséedépend à la fois de l’activité pratiquée (fréquence, intensité,durée) et de l’individu ; notons à ce propos l’effet de l’entraî-nement qui modifie la répartition des différents types defibres musculaires et donc leurs besoins en substrats. L’en-traînement en endurance améliore la lipolyse adrénergiqueadipocytaire par amélioration de la voie bêtalipolytique etune diminution de l’activité alpha2 antilipolytique.

Toutefois, il faut toujours veiller à la structuration desexercices afin que la fatigue d’un exercice trop intense neretentisse pas sur l’activité normale du sujet.

La pratique de l’exercice physique permet d’améliorer latolérance au glucose et le profil lipidique, de faciliter lecontrôle pondéral et d’assurer le maintien de la masse mus-culaire. C’est un élément important pour prévenir la reprisedu poids à long terme.

Une activité physique modérée quotidienne d’au moinsune trentaine de minutes doit être encouragée, le niveauminimal requis étant l’obtention d’une augmentation durythme cardiaque.

Si l’effet de l’exercice physique est moindre que celui dela perte de poids, celui-ci reste un complément important de

la prise en charge ne serait-ce que par le bénéfice induit sur lafonction cardiovasculaire. De manière générale, régime etexercice physique, lorsqu’ils sont associés, permettent uneperte de poids plus rapide et un meilleur contrôle glycémiqueque le seul régime. Deux aspects doivent cependant êtresoulignés :• la pratique sportive ne doit pas conduire à une compensa-

tion par des apports caloriques accrus qui s’opposeraient àla réduction pondérale recherchée ;

• une évaluation médicale extensive doit être menée avant lamise en place d’une activité sportive en raison du risquecardiaque chez certains patients fragiles.

7.4. Modification du comportementAvant de pouvoir proposer d’éventuelles modifications du

comportement, il est nécessaire d’identifier les facteurs ali-mentaires ou du mode de vie qui nécessitent d’être modifiéset dans quels sens, puis de définir le moyen de les modifier etde motiver les individus. L’une des difficultés est d’arriver àpréparer les individus à faire face à différentes situations destress qui pourraient compromettre leur équilibre alimen-taire.

7.5. Traitement pharmacologiqueEn dehors des antidépresseurs, parfois nécessaires chez

ces patients, deux catégories de médicaments ont été ou sontproposées.

Tout d’abord, des produits à action centrale peuvent êtreutilisés pour favoriser le contrôle de la prise alimentaire. Lesdifférentes molécules évaluées agissent sur les voies adréner-giques, sérotoninergiques ou dopaminergique par stimula-tion de la libération synaptique et/ou inhibition de la recap-ture. Historiquement ont été proposées des associations dephentermine et de fenfluramine, stimulant respectivement lalibération de noradrénaline et de sérotonine ou la phenter-mine seule (Isoméride) ; mais ces produits ne sont pluscommercialisés en raison de leurs effets secondaires. Àl’heure actuelle, la sibutramine, inhibiteur de la recapture desérotonine et de noradrénaline, non apparentée aux amphéta-miniques, est utilisée dans plusieurs pays avec des résultatsassez modestes (perte de 3 à 6 kg en 6 mois).

L’autre catégorie est représentée par un seul produit, l’or-listat®, inhibiteur irréversible des lipases digestives qui dimi-nue l’absorption des graisses du fait de l’inhibition de l’hy-drolyse des triglycérides. Les effets secondaires sontdigestifs, du fait de la stéatorrhée induite, et demandent doncune adaptation de l’alimentation pour être mieux tolérés.

Différentes voies de recherche font espérer des avancéesthérapeutiques : inhibiteurs de la 11 bêtahydroxystéroïdedéshydrogènase, agonistes du MC4R...

7.6. Traitement chirurgical de l’obésité sévèreL’approche chirurgicale de l’obésité étant non dépour-

vue de risque, l’indication doit être bien réfléchie entermes de risque et de bénéfice et est essentiellementréservée à des formes sévères d’obésité (IMC > 40 chez

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l’adulte) ou, lorsqu’il existe des complications menaçan-tes, pour un IMC compris entre 35 et 40.

Le traitement chirurgical de l’obésité morbide a été initia-lement proposé dans les années 1950. Les premières inter-ventions consistaient en un court-circuit portant sur environ90 % de l’intestin grêle. Dans les années 1960–1970, plu-sieurs dizaines de milliers d’interventions de ce type ont étéréalisées aux États-unis. L’efficacité de l’intervention étaitdirectement proportionnelle à la longueur d’intestin réséquéeselon le principe de « la malabsorption contrôlée ». Malheu-reusement, des complications de plus en plus nombreuses ontété rapportées et environ 25 % des malades devaient êtrehospitalisés dans les deux ans, en raison de l’une ou l’autre deces complications. En 1967, Mason et Ito ont été les premiersà proposer un tout autre type de méthode, fondé non plus surla malabsorption des nutriments mais sur la restriction ali-mentaire grâce à un court-circuit gastrique. L’interventionconsistait à laisser en place une poche d’environ 30 mL isoléedu reste de l’estomac par une suture horizontale et anastomo-sée au jéjunum par une gastroentéroanastomose ou à uneanse jéjunale isolée. Ce type d’intervention procurait aupatient une situation identique à celle de la gastrectomiesubtotale. Le troisième type d’intervention, le court-circuitou diversion biliopancréatique, est une variante de ces mé-thodes puisqu’elle associe la carence d’apport (théorique)d’une gastrectomie des 4/5e à une maldigestion des nutri-ments du fait du court-circuit biliopancréatique. D’autresprocédures techniquement plus simples ont été ensuite pro-posées. La gastroplastie horizontale consistait à créer, àl’aide d’une pince à suture mécanique, une petite pochegastrique proximale qui se vidait par un chenal de 2 cm lelong de la grande courbure. Les complications qui en décou-laient (sténose de l’orifice de vidange, dilatation de la pochegastrique, rupture de la ligne d’agrafage) lui ont fait préférerla gastroplastie verticale. Le but est toujours de laisser unepetite poche gastrique, mais elle se vide le long de la petitecourbure. Le canal et l’orifice sont calibrés par un systèmequi s’oppose à la dilatation de la poche gastrique et à lasténose de l’orifice. Néanmoins, des échecs ont été observéschez les malades qui consomment des sucreries en grandequantité, situation très fréquente aux États-Unis. Récemment

développé en Europe, « l’anneau gastrique » a l’avantage surla gastroplastie verticale de sa simplicité de mise en place parvoie laparoscopique et de son caractère calibrable et nondéfinitif.

Si le risque de mortalité précoce est faible, le risque demorbidité (infections, lâchage de suture, sténose, ulcère...)est non négligeable, de l’ordre de 10 %. Il existe un risque decarence nutritionnelle, plus particulièrement en micronutri-ments et notamment en B12, folates, fer avec une fréquenceélevée d’anémie (en particulier chez la femme), d’hypocal-cémie et d’hyperparathyroïdie secondaire.

Cette approche chirurgicale permet une perte de plusieursdizaines de kilogrammes, avec un maintien du bénéfice aumoins à moyen terme mais au prix de contraintes importantesquotidiennes sur le plan alimentaire. Il a été rapporté uneamélioration rapide de la sensibilité à l’insuline suite à cesinterventions. Enfin, un certain nombre d’échecs de cettethérapeutique a été rapporté, soulignant l’importance d’uneprise en charge étroite et complète de ces patients.

Pour en savoir plus

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