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lobstination du tmoignage

Prface de Daw Aung San Suu Kyi et Stphane Hessel

RappoRt annuel 2011

O B S e rVatO I r e PO U r L a P r Ot e c t I O N deS dfeNSeUrS deS drOItS de LHOMMe

FIDH / OMCT

L o b s t in at i o n d u t m o i g n a g eR a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

P r fa c e d e d aw a u n g s a n s u u K y i et st P h a n e h e ss e L

Rdaction, dition et coordination : fIdH : alexandra Pomon, Hugo Gabbero, elodie Kergresse, Juliane falloux et antoine Bernard OMct : delphine reculeau, andrea Meraz Sepulveda, anne-Laurence Lacroix, Gerald Staberock et eric Sottas LObservatoire remercie particulirement de leur collaboration toutes les organisations partenaires de la fIdH et de lOMct, ainsi que les quipes respectives des deux organisations. Diffusion : ce rapport est publi en versions anglaise, espagnole et franaise dans son intgralit, en russe pour la partie europe de lest et asie centrale et en arabe pour la partie afrique du nord et Moyen-Orient. Reproduction : La fdration internationale des ligues des droits de lHomme (fIdH) et lOrganisation mondiale contre la torture (OMct) autorisent la libre reproduction dextraits de cette publication condition que crdit leur soit rendu et quune copie de la publication portant lextrait soit envoye leurs siges respectifs. Design graphique : Bruce Pleiser / [email protected] Photographe : Marco Longari / afP*1 Impression : lna ferran FIDH Fdration internationale des ligues des droits de lHomme 17, Passage de la Main-dOr 75011 Paris france tl. + 33 (0) 1 43 55 25 18 fax. + 33 (0) 1 43 55 18 80 [email protected] / www.fidh.org OMCT Organisation mondiale contre la torture 8, rue du Vieux-Billard, case postale 21 1211 Genve 8 Suisse tl. + 41 (0) 22 809 49 39 fax. + 41 (0) 22 809 49 29 [email protected] / www.omct.org

Lobstination du tmoignage : cf. albert camus, actuelles, tome 2 - Paris, Gallimard, 1953.

* Le Caire, EGYPTE : des protestataires gyptiens manifestent en brandissant leurs chaussures devant le btiment de la tlvision nationale gyptienne, protge par larme gyptienne, dans le centre du Caire, le 11 fvrier 2011.

P r FaC e

OBSerVatOIre POUr La PrOtectION deS dfeNSeUrS deS drOItS de L'HOMMe R a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

Sidi Bouzid, le 17 dcembre 2010 : dans un geste dsespr, Mohamed Bouazizi, un jeune chmeur tunisien, simmolait par le feu. Le 4 janvier, il succombait ses blessures et le lendemain, plusieurs milliers de personnes assistaient son enterrement : ctait le dbut dun vaste mouvement de contestation pacifique, un mouvement despoir pour le changement qui, contre toute attente, allait conduire au renversement des dictatures corrompues et liberticides de Tunisie et dEgypte. Dgage! Zine el-Abidine Ben Ali, Hosni Moubarak, Mouammar Kadhafi, Ali Abdullah Saleh, Bachar al-Assad... : ce gigantesque soulvement populaire au nom de la dignit, de la libert et de la justice sest propag dans tout le monde arabe en Libye, au Ymen, au Bahren, en Syrie... Et au del, le vent de la libert a souffl sur les capitales du monde entier, Paris, Londres, Rome ou Berlin mais aussi Thran, Istanbul, Baku et Amman o des manifestations de solidarit se sont droules. En Chine, des marches pacifiques ont t organises, aussi appeles rassemblements du Jasmin, en hommage la rvolution tunisienne.Et, partout, le respect des droits fondamentaux a t plac au cur des revendications des populations. Ce nest pas un choc prdit des civilisations auquel nous avons assist, loin sen faut ! Ces mouvements ne se sont pas nourris de revendications identitaires, religieuses ou culturelles mais des principes inscrits dans la Dclaration universelle des droits de lHomme : la justice sociale, les liberts fondamentales expression, association et runion pacifique, le droit la dignit... Cest pour cette seule raison et au moyen des nouvelles technologies de linformation, vritables armes de ces rvolutions aux mains dune nouvelle gnration dindigns que le message a pu rsonner par del les frontires. Pouvait-on donner plus belle leon duniversalit, lheure o les particularismes culturels sont utiliss comme autant de prtextes pour justifier des violations des droits de lHomme, notamment lencontre des populations les plus vulnrables? Ces populations ont ainsi renvers les certitudes ancres. Non. La rpression nest pas un gage de la stabilit des rgimes. Cest luniversalit de ces revendications qui, trs vite, a fait craindre la contagion tous les rgimes autoritaires, quel que soit le continent. Ils7

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ont t nombreux prendre des mesures immdiates : au Zimbabwe, le 19 fvrier 2011, 46 personnes ont t arrtes et accuses de trahison pour avoir visionn, loccasion dun meeting, une vido des mouvements de protestation en Egypte et en Tunisie. En Chine, les rassemblements du Jasmin ont suffisamment effray le gouvernement pour quun dploiement massif des forces de scurit leur soit oppos, les autorits chinoises ayant mme pouss le vice en censurant le mot jasmin sur Internet. Et une rpression froce se poursuit dans tous les pays arabes qui nont pas renvers leur tyran : en Libye, une guerre sans merci est mene contre le peuple, le Ymen vit sous la menace dune guerre civile. Au Bahren, les opposants au rgime sont torturs, condamns de lourdes peines au terme de procs iniques. En Syrie, le Prsident Bachar al-Assad, pour mater toute revendication, massacre son peuple huis clos. Les dfenseurs des droits de lHomme, qui ont t en premire ligne de cette rpression, ont galement t lavant-poste de ce formidable lan de libert. Ces femmes et ces hommes qui, avant les vnements qui ont secou leurs pays, uvraient dj sans relche faire respecter les droits fondamentaux. Des hommes et des femmes qui, malgr la censure, les menaces de mort, lemprisonnement, ont interpell les gouvernements, dnonc les violations partout o elles taient commises et ont port les messages dindignation de leurs populations. Lengagement des citoyens dans les mouvements actuels dmontre que le combat des dfenseurs des droits de lHomme est bien universel et la Dclaration universelle des droit de lHomme, un instrument intemporel. Cet engagement nous appelle redoubler nos efforts pour entendre et relayer les voix de la socit civile. A laune des transitions inacheves des pays de lex Union sovitique, o les dfenseurs des droits de lHomme restent menacs aujourdhui, notre soutien en faveur de ces femmes et ces hommes se doit dtre fort et constant. Pour prserver laction des dfenseurs des droits de lHomme nous devons leur rendre hommage et, notre tour, nous indigner en leur nom contre toutes les formes de rpression destines les rduire au silence. Le prsent ouvrage est un outil incontournable pour dfendre, protger et poursuivre ce combat pour luniversalit des droits de lHomme.

Daw Aung San Suu Kyi M. Stphane Hessel8

Femme politique de lopposition birmane et Prix Nobel de la Paix Ancien diplomate franais qui a particip la rdaction de la Dclaration universelle des droits de lHomme et a crit en 2010 le manifeste Indignez-vous!, succs ddition

I l esT TeMPs Dassurer une vrITable PrOTeCTIOn Des DFenseurs Des DrO I Ts De lH O MMeOBSerVatOIre POUr La PrOtectION deS dfeNSeUrS deS drOItS de L'HOMMe R a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

Le Printemps arabe a marqu, comme aucun autre vnement, la priode couverte par ce Rapport annuel de lObservatoire pour la protection des dfenseurs des droits de lHomme. Comme soulign par Stphane Hessel et Aung San Suu Kyi dans la prface de ce document : () partout, le respect des droits fondamentaux a t plac au cur des revendications des populations. () Ces mouvements ne se sont pas nourris de revendications identitaires, religieuses ou culturelles, mais des principes inscrits dans la Dclaration universelle des droits de lHomme (). Il serait erron dinsinuer que les rvolutions pacifiques en Egypte et en Tunisie ont uniquement rsult de laction dune poigne de dfenseurs des droits de lHomme. Ce serait galement injuste envers toutes celles et tous ceux qui ont appel la libert et une socit quitable dans les rues. Cependant, les dfenseurs ont depuis longtemps document les violations rptes des droits de lHomme et les injustices sociales, et ont en quelque sorte donn raison aux aspirations qui sexpriment prsent en Afrique du nord et au Moyen-Orient. En retour, ils ont fait lobjet de menaces, de harclement et dautres mesures dintimidation, comme en tmoignent les innombrables appels diffuss par lObservatoire ces dernires annes. En Afrique du nord et au Moyen-Orient comme dans dautres rgions du monde la communaut internationale et plusieurs Etats influents nont que trop facilement (implicitement) accept ces diverses formes de rpression, en change de promesses illusoires de scurit et de stabilit. Dans ce contexte, peu despace a t octroy aux liberts, aux droits de lHomme et leurs dfenseurs. De nombreux observateurs ont t surpris par la force avec laquelle luniversalit des droits de lHomme sest soudain exprime contre des rgimes dots de systmes de rpression bien tablis. Indubitablement, il sagit l dun signe despoir et dinspiration pour toutes

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celles et tous ceux qui dfendent la dignit et les droits fondamentaux de la personne humaine dans les conditions difficiles prvalant dans les socits autoritaires. Tous ces vnements ont aussi des rpercussions sur la faon dont les droits de lHomme sont perus, et modlent les relations internationales, la diplomatie, le discours international sur les droits de lHomme ainsi que la protection des dfenseurs, bien au-del des limites de la rgion. Malgr tout, au-del de ce climat doptimisme, des retours de bton ont t observs, un certain nombre de gouvernements qui sinquitent de voir leur autorit dfie ayant souvent cherch touffer dans luf toute vellit de contestation. Leur perception du rle jou par les rseaux sociaux les a galement conduits prendre ces outils pour cible, en tentant den restreindre laccs, travers la fermeture ou la limitation des connections Internet, ainsi quen harcelant ou en sanctionnant les blogueurs et autres internautes qui ont utilis avec succs les mdias libres. Il ne faudrait pas non plus sous-estimer le dfi relever en Egypte ou en Tunisie, o il reste encore dmanteler compltement le systme de rpression, veiller ltablissement des responsabilits des violations des droits de lHomme actuelles et passes, et dfinir un cadre lgislatif appropri pour la socit civile et les dfenseurs. Par ailleurs, lattention porte lAfrique du nord et au Moyen-Orient ne doit pas nous faire perdre de vue les nombreuses autres situations extrmement difficiles dans lesquelles travaillent les dfenseurs dans les pays dEurope de lest et dAsie centrale, ou encore en Amrique latine, en Asie et en Afrique. En outre, dans un bon nombre de pays, nous navons constat aucun vent de changement, mais au contraire une continuit voire une exacerbation des menaces profres et des agressions perptres lencontre des dfenseurs, comme au Blarus ou au Kirghizistan, pour nen citer que deux. Les 509 interventions publies par lObservatoire de janvier 2010 avril 2011 portant sur des cas individuels de dfenseurs dans 66 pays sont une preuve manifeste du caractre durgence que continue de revtir la situation des dfenseurs des droits de lHomme dans le monde. Loin de les reconnatre comme des acteurs essentiels du changement et des garants dune socit libre, les gouvernements continuent de contrler toutes les actions de la socit civile et des dfenseurs, en multipliant les obstacles voire les poursuites contre leurs actions lgitimes. Cet tat de fait semble avoir continu dtre le leitmotiv dans de nombreuses rgions du monde, au cours de la priode couverte par ce rapport.10

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Criminalisation et rpression des dfenseurs et de la protestation sociale

Les multiples ingrences et tentatives de criminaliser et de rprimer les actions des dfenseurs et la protestation sociale dans de nombreuses rgions du monde constituent lun des aspects les plus caractristiques des tentatives de contrle de la socit civile. En Amrique latine, en Afrique ou dans de nombreux pays dAsie, les dfenseurs des droits de lHomme ont t victimes dagressions, de harclement y compris au niveau judiciaire ou de menaces de toutes sortes, souvent dans un climat dimpunit. Les plus touchs ont t les dfenseurs de communauts vulnrables ou marginalises comme les peuples autochtones, dont ils cherchent faire reconnatre les droits la terre ou aux ressources naturelles. En Amrique latine, par exemple, les dirigeants de groupes autochtones, de groupes dafro-descendants ou dassociations paysannes ont continu dtre lobjet dagressions, notamment lors de manifestations pacifiques organises pour protester contre la ralisation dun certain nombre de projets dexploitation des ressources naturelles sur leurs territoires. De faon rpte et maintes reprises, de telles actions de protestation ont t qualifies arbitrairement dinfractions punissables par la loi, afin de pouvoir traduire en justice et emprisonner des manifestants pacifiques comme au Guatemala, en Equateur ou au Prou. De mme, aussi bien les militants cologistes que ceux qui rclament la reconnaissance des droits fonciers ou les dfenseurs dnonant des cas dvictions forces ont systmatiquement t victimes dactes de violence et darrestations dans un certain nombre dEtats asiatiques, comme au Cambodge, en Inde ou en Malaisie, et les autorits ont frquemment eu recours aux poursuites judiciaires ou la menace de poursuites judiciaires pour restreindre leurs activits et les intimider. Les dfenseurs des droits conomiques, sociaux et culturels se heurtent souvent non seulement de puissants intrts politiques mais aussi des acteurs conomiques du secteur priv, donnant lieu des menaces, des obstacles et des agressions de la part de lEtat ou dacteurs non-tatiques, voire des deux la fois. Les multiples atteintes au droit de se runir pacifiquement dans diffrentes rgions du monde ont continu de reprsenter lun des plus importants dfis de lanne. Les mouvements de protestation et les rassemblements qui se sont drouls en Afrique du nord et au Moyen-Orient (Bahren, Egypte, Maroc et Sahara occidental, Syrie, Tunisie, Ymen) et en Iran ont t brutalement rprims. Dans dautres pays, lexemple de certains pays dEurope de lest et dAsie centrale, des manifestations ont t interdites ou soumises des restrictions arbitraires et disproportionnes, les participants sanctionns et/ou placs en dtention administrative. Tous ces faits ont aussi confirm ce que constate lObservatoire depuis plusieurs

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annes, savoir que les priodes lectorales correspondent une priode de risques accrus pour les dfenseurs. Dans certains cas, les lections peuvent constituer ou ont pu constituer au cours de lan dernier un tournant positif pour les droits de lHomme et la libert daction des dfenseurs, comme en tmoigne la priode de transition au Niger qui a suivi le coup dtat de fvrier 2010, et les lections qui se sont droules par la suite les 31 janvier et 12 mars 2011, qui ont permis linstauration dun nouveau cadre juridique et institutionnel plus favorable au respect des droits de lHomme et la renaissance de la socit civile, aucune mesure dobstruction ou dintimidation aux activits des dfenseurs nayant t observe depuis lors. Dans dautres cas, cependant, de nouveaux incidents survenus loccasion de priodes lectorales ont entran des mesures restrictives lgard de la socit civile et des dfenseurs. Certains Etats ont renforc leur lgislation en amont des lections, et cherch contrler laccs aux mdias et les mdias eux-mmes, comme au Burundi, en Ethiopie et au Rwanda. Un certain nombre de dfenseurs ont t harcels et directement menacs par les gouvernements et/ou des partis ou factions politiques dans le cadre dlections qui se sont droules en Afrique. En priode pr-lectorale, les dfenseurs sensibilisant la population la ncessit dun scrutin transparent et quitable ont par exemple souvent t considrs comme faisant cause commune avec lopposition et ont donc t la cible de menaces, voire darrestations arbitraires et de harclement judiciaire, comme Djibouti, au Soudan et en Ouganda. Dans des pays comme lEthiopie et le Rwanda, les dfenseurs ont commenc tre harcels bien en amont du dbut des processus lectoraux, contraignant nombre dentre eux fuir le pays avant les lections proprement dites. Au Blarus, les dfenseurs ont en outre t arrts et criminaliss suite une rpression spectaculaire dans le contexte des manifestations lectorales. Cest aussi dans ce mme contexte lectoral que les dfenseurs ont frquemment t qualifis de prooccidentaux, dagents de ltranger, et taxs danti-nationalistes ou encore de membres de lopposition. Ceci souligne la ncessit de mettre en place, en amont des lections, un mcanisme dalerte prcoce, qui implique tous les partis politiques, afin de faire en sorte que les programmes nationaux et internationaux dobservations lectorales intgrent une perspective relative aux dfenseurs des droits de lHomme en amont, pendant, et aprs les lections.Utilisation dtourne des cadres lgislatifs contre les dfenseurs des droits de lHomme

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Le contrle par lEtat se manifeste au niveau du cadre lgislatif et des pratiques judiciaires de toutes les rgions du monde vises par ce rapport. Si la notion dEtat de droit implique la protection des droits par la loi (Etat de droits), force est de constater que cette situation est souvent loin

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de se vrifier dans la ralit. Ceux qui dtiennent le pouvoir utilisent les lois pour faire obstacle aux actions des dfenseurs des droits de lHomme et les contrler. La lgislation limite le champ dapplication des actions des dfenseurs et ne garantit aucune protection en cas de besoin. Pire, son usage est dtourn pour en faire un instrument activement dirig contre les dfenseurs. De nombreux exemples dans ce rapport mettent en lumire les tentatives dadopter des lois qui limitent les liberts dassociation, de runion et dexpression, en soumettant lexercice de ces droits des conditions illgitimes ou excessivement bureaucratiques, rendant ainsi leur application totalement arbitraire. Dans de tels contextes, la lgislation assombrit froidement toutes les actions lgitimes des dfenseurs. Les dispositions adoptes pour rglementer lenregistrement des organisations de la socit civile imposent souvent des restrictions qui portent atteinte leur autonomie et leur indpendance, comme en Ethiopie et en Ouganda. En outre, les rgles imposes en matire denregistrement des ONG ont parfois t utilises des fins de harclement judiciaire, comme en Gambie et au Zimbabwe, ou pour refuser ou rvoquer laccrditation dorganisations ou de syndicats considrs comme gnants, comme en Ethiopie et au Soudan. Enfin, certaines organisations ont t purement et simplement confrontes un gel de leurs avoirs, qui a paralys leurs activits, linstar, l-aussi, de lEthiopie et du Soudan. Dans ce contexte, un autre sujet de proccupation tout au long de lanne a t celui du contrle croissant exerc sur le financement des organisations de la socit civile, y compris sur les fonds provenant de sources internationales. Ceci est particulirement problmatique dans les cas o ces organisations ne peuvent disposer dun financement de source nationale, parce que les individus ou groupes risqueraient de sexposer des reprsailles de nature politique ou conomique. Les fonds provenant dacteurs internationaux ou octroys aux associations de dfense des droits de lHomme au titre de laide bilatrale au dveloppement sont souvent dimportance vitale pour les acteurs de la socit civile, et la communaut internationale devrait tout mettre en uvre afin de garantir le financement de leurs organisations. Il se peut que la perception dun financement dorigine trangre par les organisations de la socit civile soit souvent instrumentalis par certains gouvernements pour discrditer et interdire le travail des dfenseurs, notamment lorsque ces derniers documentent activement les violations des droits de lHomme, et uvrent ltablissement des responsabilits, comme au Blarus. En Isral, galement, une nouvelle lgislation a t adopte qui fait obstacle aux activits des organisations israliennes de dfense des droits de lHomme en sattaquant

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leurs fonds dorigine trangre, destins documenter les violations des droits de lHomme ou du droit international humanitaire. Leffet des lgislations rpressives est aggrav par labsence dun systme judiciaire indpendant de protection des droits de lHomme. Dans certains pays, loin dassumer son rle de garant des droits, lappareil judiciaire sest laiss compromettre et utiliser comme une arme dirige contre les dfenseurs. Un exemple rvlateur, malheureusement parmi beaucoup dautres, est celui de la condamnation dAzimjan Askarov, dfenseur kirghize des droits de lHomme, connu pour avoir document des actes de mauvais traitement commis par des policiers sur des dtenus, et pour avoir couvert la situation des droits de lHomme Jalal-Abad. Ce dernier a t condamn en appel la rclusion perptuit, au motif allgu davoir encourag des individus dorigine ouzbke prendre en otage un fonctionnaire de district, et sattaquer des policiers. En Chine, en Iran et en Syrie, plusieurs dizaines de dfenseurs ont t condamns de longues peines de prison sur la base de vagues accusations relatives au contrle de la socit et la sauvegarde des intrts de la scurit nationale. En Turquie, daucuns ont t poursuivis dans le cadre doprations anti-terroristes et soumis des priodes de dtention prventive prolonges. Ces affaires discrditent galement les dfenseurs accuss de crimes et dlits, et porte durablement prjudice la confiance accorde au systme judiciaire et son indpendance. Mme dans les pays qui sont considrs comme tant engags en faveur du respect de lEtat de droit, comme en Europe occidentale, ce rapport documente des cas de dfenseurs des droits de lHomme victimes de harclement et dentraves, y compris par le biais de mesures judiciaires et administratives. Cela a t notamment le cas de celles et ceux qui dfendent les droits et les intrts des migrants, des demandeurs dasile ou des minorits sexuelles (Belgique, Chypre, Espagne, France, Italie, Pologne).Impunit des agressions commises contre les dfenseurs En 2010-2011, des dfenseurs des droits de lHomme ont t tus, victimes de disparitions ou encore dagressions ou de menaces (censure par le meurtre). Ces assassinats et agressions ne se sont pas limits un seul continent ou une seule rgion. Celles et ceux qui ont cherch documenter les graves violations des droits de lHomme, les abus commis au niveau de la mise en uvre des lgislations ainsi que les violations commises par des services de scurit ou de renseignements ont continu dtre particulirement exposs, linstar des dfenseurs des droits de lHomme, des journalistes et des militants cologistes dnonant la corruption, la puissance des grandes entreprises, et lexploitation conomique ou environnementale. En 2010-2011, lObservatoire a dnonc les assassinats de dfenseurs des droits de lHomme de premier plan au Burundi, en Colombie, en

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Rpublique dmocratique du Congo (RDC), au Honduras, au Mexique, aux Philippines et en Ouganda, pour nen mentionner que quelques-uns. Les menaces peuvent provenir des autorits de lEtat ou dacteurs non tatiques agissant souvent au su des autorits ou en collusion avec elles. Ceci pose la question non seulement de lobligation des Etats de prvenir de telles agressions, mais galement de leur responsabilit de protger les droits des acteurs privs. Les personnes qui reprsentent les minorits, notamment les LGBTI, constituent une autre catgorie de dfenseurs confronts des risques particuliers. Le mois de janvier 2011 a t marqu par le meurtre de David Kato, dfenseur ougandais des LGBTI, qui a t rou de coups par un inconnu son domicile. Cet vnement tmoigne bien de leffet de marginalisation des dfenseurs des droits de lHomme, qui les rend encore plus vulnrables aux agressions.Ces attaques ont souvent t perptres dans un climat dimpunit, et tmoignent de la ncessit absolue de procder des rformes systmiques afin de dfinir les responsabilits des divers lments composant le systme de scurit. Limpact de telles attaques est encore renforc par lchec des autorits ragir de faon adquate, dnoncer de telles violations, et veiller ce que les responsables, y compris ceux qui ont planifi ou facilit ces assassinats, fassent lobjet dune enqute et soient traduits en justice. Limpunit des attaques commises contre les dfenseurs viole non seulement les normes internationales bien tablies en matire de protection des droits de lHomme, mais renforce galement la situation traumatique de vulnrabilit des dfenseurs des droits de lHomme et des acteurs de la socit civile. On peut galement citer parmi les cas rvlateurs qui ont marqu les annes 2010-2011 les assassinats de Floribert Chebeya et Fidle Bazana en RDC. Si certaines responsabilits ont pu tre tablies, de nombreux points restent claircir quant aux instigateurs de ces crimes et quant au rle de certains des principaux suspects, qui nont jamais t traduits en justice. Dans dautres pays, comme en Colombie, en Mexique ou en Fdration de Russie, les autorits se sont montres peu disposes voire incapables dassurer ltablissement des responsabilits des meurtres dimportants dfenseurs des droits de lHomme.Les dfis de la protection internationale Les dfenseurs des droits de lHomme sont en droit de bnficier dune protection efficace et dun cadre rglementaire leur permettant de travailler librement et sans entrave, harclement ou menace. Les lments prsents dans ce rapport illustrent le besoin urgent dun processus de rvision des lois, des politiques et des pratiques portant atteinte aux dfenseurs des droits de lHomme aux niveaux national, rgional et universel.

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Il est indniable que la communaut internationale a investi de manire significative dans un cadre de protection normatif, assorti de mcanismes connexes. De mme, certains pays et organisations fournissent un travail de protection vital, notamment en matire de protection physique ou de relocalisation. Ces mesures demeurent essentielles. Cependant, elles doivent tre compltes par un soutien et un intrt tout aussi importants la cause que protgent les dfenseurs. Par ailleurs, les mcanismes continuent dtre confronts un certain nombre de dfis, et notamment des attaques vis--vis de la porte de leur mandat, de leur fonctionnement, ainsi qu labsence de mise en uvre de leurs recommandations. Des dveloppements positifs - et ncessaires - ont eu lieu lchelle internationale, avec la nomination dun rapporteur spcial des Nations unies sur le droit de runion et dassociation pacifiques. Celui-ci sera, comme le montre ce rapport, un complment extrmement important aux mcanismes de protection des dfenseurs des droits de lHomme. De mme, une tape importante a t franchie avec ladoption et lentre en vigueur de la Convention des Nations unies sur les disparitions forces et la rsolution de juin 2011 du Conseil des droits de lHomme des Nations unies portant sur la violence et la discrimination sur la base de lorientation sexuelle et lidentit de genre. Au niveau rgional, ltablissement dun bureau du rapporteur sur la situation des dfenseurs des droits de lHomme au sein de la Commission interamricaine des droits de lHomme reprsente galement un pas en avant. Cependant, il est ncessaire que les efforts se poursuivent afin de faire en sorte que les normes internationales de protection des dfenseurs des droits de lHomme soient appliques. En ralit, dans de nombreux pays, le droit international des droits de lHomme et ses mcanismes de protection constituent le dernier recours des dfenseurs des droits de lHomme. Il est donc proccupant que des actes de reprsailles aient t exercs contre celles et ceux qui cooprent avec les organes internationaux de protection des droits de lHomme, ou qui travaillent la mise en uvre leurs dcisions et recommandations. De tels actes de reprsailles ont t observs dans des pays dAmrique latine comme le Nicaragua et le Venezuela, mais aussi en Afrique, vis--vis notamment dorganisations et de personnes dfendant ou participant aux procdures devant la Cour pnale internationale (CPI), ou collaborant aux travaux du Tribunal pnal international pour le Rwanda (TPIR), ou encore de personnes ayant fourni des informations aux Nations unies, comme au Kenya et au Malawi. Il est temps dtablir des cadres rglementaires nationaux favorables aux activits des dfenseurs des droits de lHomme, dentreprendre une rvision et une abrogation systmatique des lois qui limitent indment les droits de la socit civile et des dfenseurs, et de garantir ltablissement des responsabilits des agressions contre les dfenseurs des droits de lHomme.

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Il est en outre vital de renforcer le dsaveu public des attaques contre les dfenseurs des droits de lHomme, et de redonner ces derniers leur place centrale dans la socit. De manire gnrale, les dfenseurs sont menacs dans les environnements o ils ont t repousss la marge de la socit, soit parce quils dfendent des causes impopulaires (comme les LGBTI), soit parce quils sont taxs danti-nationalisme, accuss dtre des espions trangers, dtre lis des groupes terroristes ou extrmistes, ou tout simplement dtre nafs, litistes, ou dconnects de la ralit. Ces menaces napparaissent gnralement pas du jour au lendemain, mais sont le rsultat dune srie de mesures qui crent un environnement risque. Nous devons tous uvrer au rejet de tels environnements.

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Le rapport annuel 2011 de lObservatoire pour la protection des dfenseurs des droits de lHomme prsente une analyse par rgion de la situation dans laquelle ont opr les dfenseurs des droits de lHomme de janvier 2010 avril 2011. Ces analyses sont suivies de fiches pays, qui font tat du contexte politique qui a prvalu au niveau national au cours de cette priode, ainsi que des principaux types de rpression lencontre des dfenseurs, dment illustrs par des cas concrets. Cependant, au regard du volume dinformations recueillies pour la rgion Europe occidentale, il a t dcid de traiter les cas concrets dobstacles aux activits des dfenseurs dans une analyse rgionale plutt que sous la forme de fiches, lexception de la Turquie. Les cas prsents dans les analyses rgionales et les fiches pays sont le reflet des activits dalerte, de mobilisation et dappui menes par lObservatoire sur la base des informations reues des organisations membres ou partenaires de lOMCT et de la FIDH 1. Nous saisissons cette occasion pour leur exprimer toute notre reconnaissance et nos plus vifs remerciements pour leur prcieuse collaboration et leur indispensable contribution. Ce rapport annuel nest cependant pas exhaustif, en ce quil sappuie sur les informations reues et traites par lObservatoire en 2010-2011. En effet, dans certains Etats, la rpression systmatique est telle quelle rend impossible toute activit indpendante et organise de dfense des droits de lHomme. En outre, certaines situations de conflit rendent galement extrmement difficile disoler des tendances de rpression visant exclusivement les dfenseurs des droits de lHomme. Certaines situations non traites par le biais de fiches le sont nanmoins autant que possible au niveau des analyses rgionales.

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1 / Cf. annexe 1 p.636.

aCrOnyMes les Plus FrqueMMenT uTIlIss Dans le raPPOrTOBSerVatOIre POUr La PrOtectION deS dfeNSeUrS deS drOItS de L'HOMMe R a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

APCE .................... Assemble parlementaire du Conseil de lEurope ASEAN ............... Association des nations de lAsie du sud-est BIDDH ............... Bureau des institutions dmocratiques et des droits de lHomme CADHP .............. Commission africaine des droits de lHomme et des peuples CEDH .................. Cour europenne des droits de lHomme CIDH .................... Commission interamricaine des droits de lHomme CoIDH ................. Cour interamricaine des droits de lHomme CPI .......................... Cour pnale internationale FIDH .................... Fdration internationale des ligues des droits de lHomme HCDH ................. Haut commissariat des Nations unies pour les droits de lHomme HCR ....................... Haut commissariat des Nations unies pour les rfugis LGBTI ................. Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes OEA ....................... Organisation des Etats amricains OIT ......................... Organisation internationale du travail OMCT ................. Organisation mondiale contre la torture ONG ...................... Organisations non gouvernementales ONU ...................... Organisation des Nations unies OSCE .................... Organisation pour la scurit et la coopration en Europe UA ............................ Union africaine UE ............................ Union europenne

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aFrIque Du nOrD eT MOyen-OrIenT

OBSerVatOIre POUr La PrOtectION deS dfeNSeUrS deS drOItS de L'HOMMe R a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

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analyse rgI Onale aFrIque Du nOrD e T M Oy e n - O r I e n TOBSerVatOIre POUr La PrOtectION deS dfeNSeUrS deS drOItS de L'HOMMe R a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

Un large mouvement de contestation populaire rclamant plus de liberts et de justice secoue depuis dcembre 2010 plusieurs pays dAfrique du Nord et du Moyen-Orient. Dclench par limmolation dun jeune chmeur tunisien confront des difficults conomiques et linjustice sociale, le soulvement de la population tunisienne a trouv un cho dans les pays voisins galement sujets la corruption, linjustice sociale et la rpression. Ces mouvements ont connu une ampleur et des consquences diffrentes selon les pays. En Tunisie et en Egypte, ils ont contraint les dirigeants quitter le pouvoir aprs des dcennies de despotisme et de violations flagrantes des liberts fondamentales. En Algrie, en Jordanie, au Maroc et Oman, les chefs dEtat se sont engags dans la voie de la rforme, en promettant une large rvision constitutionnelle. Dans le Territoire palestinien occup (TPO), les autorits ont annonc lorganisation dlections prsidentielle et lgislatives dans les prochains mois. En Irak, les autorits ont entrepris une srie de mesures en vue de lutter contre le npotisme et la corruption, principale revendication des manifestants. Dautres rgimes ont au contraire rpondu au mouvement contestataire par une rpression violente des manifestations (Bahren, Libye, Syrie, Ymen). Les auteurs de ces graves violations des droits de lHomme sont en outre rests impunis en dpit de certaines dclarations gouvernementales annonant la cration de commissions denqute sur les violences survenues lors des manifestations (Syrie). En Egypte et en Tunisie, les anciens Prsidents Hosni Moubarak et Ben Ali ainsi que lancien ministre de lIntrieur gyptien et plusieurs membres de la famille Ben Ali font lobjet dune enqute sur la rpression meurtrire des manifestations qui se sont droules dbut 20111. Par ailleurs, tandis que la leve de ltat durgence en Algrie et en Syrie na pas mis fin aux violations manifestes des droits de lHomme, la situation des droits de lHomme est reste proccupante dans la plupart des pays de la rgion : arrestations et dtentions arbitraires (Bahren, Syrie), pratique22

1 / En Tunisie, une Commission nationale dtablissement des faits sur les abus commis au cours de la rpression de dcembre 2010 - janvier 2011 a galement t tablie.

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des mauvais traitements et de la torture (Arabie saoudite, Bahren, Egypte, Syrie, Tunisie) ou encore recours des juridictions dexception (Bahren, Egypte, Syrie). En outre, alors que les mdias, et Internet en particulier, via notamment les sites de rseaux sociaux tels Facebook ou Twitter, se sont imposs durant les mouvements de contestation comme de vritables outils de mobilisation sociale, les autorits ont rapidement tent de bloquer laccs Internet et de couper les lignes de tlphonie mobile dans le but de contenir ces mouvements (Egypte, Syrie, Tunisie). De mme, les chanes de tlvision satellite, et en particulier la chane dinformation al-Jazeera, qui joue un rle important de diffusion de lopinion arabe hors des frontires, ont t censurs par les autorits (Bahren, Egypte, Kowet, Maroc, Syrie, TPO, Ymen). Certains journalistes ont par ailleurs trouv la mort alors quils couvraient les mouvements de protestation (Bahren, Egypte, Irak, Libye, Ymen). Sur le plan rgional, le Conseil de coopration du Golfe (CCG) sest dit prt, en juillet 2010, lancer une commission rgionale des droits de lHomme pour amliorer la situation dans ses Etats membres2. Compose dexperts indpendants et impartiaux, cette commission devrait tre responsable du contrle prcis des affaires des droits de lHomme dans la rgion3. Cependant, fin avril 2011, aucune avance notable navait t ralise vers ltablissement dune telle commission. Par ailleurs, le 14 mars 2011, le CCG a envoy des troupes armes pour rprimer le mouvement de protestation populaire au Bahren. La Ligue des Etats arabes na quant elle ragi sur aucune situation de la rgion, lexception de la Libye. Le Comit arabe des droits de lHomme nest en outre toujours pas pleinement oprationnelet, fin avril 2011, navait ragi aucune des saisines effectues par les organisations de dfense des droits de lHomme. En 2010-2011, nonobstant le renversement de rgimes dictatoriaux en Tunisie et en Egypte, la situation des dfenseurs des droits de lHomme est reste proccupante dans la plupart des pays de la rgion. Ils ont ainsi nouveau fait lobjet de nombreuses atteintes leurs liberts dexpression, dassociation et de runion pacifique. Ils ont galement t victimes de campagnes de diffamation, de dtention arbitraire et de harclement judiciaire et de menaces.2 / Le CCG est compos de lArabie saoudite, du Bahren, des Emirats arabes unis, du Kowet et dOman. 3 / Cf. rapport 2010 de la Socit pour les droits de lHomme dabord, Arabie Saoudite (Human Rights First Society, Saudi Arabia - HRFS), Unholy Trespass, dcembre 2010.afRique du noRd / moyen-oRient 23

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Rpression des rassemblements pacifiques Dans plusieurs pays de la rgion, alors que des rassemblements pacifiques ont donn lieu une rpression violente de la part des autorits, les forces de lordre ayant tir balles relles sur des manifestants dsarms, les dfenseurs qui ont document les violations des droits de lHomme commises par les forces de lordre lors de cette rpression nont pas t pargns (Bahren, Egypte, Syrie, Tunisie, Ymen). De mme, les dfenseurs qui ont organis des rassemblements traitant des questions lies la dfense des droits de lHomme se sont heurts aux reprsailles des autorits (Algrie, Arabie saoudite, Egypte, Irak, Isral et TPO, Maroc et Sahara occidental, Syrie, Tunisie, Ymen). En Irak, des manifestations qui se sont propages dans les villes du Kurdistan partir du 17 fvrier 2011 pour demander la fin de la corruption ont t violemment rprimes par les milices affilies au Gouvernement rgional du Kurdistan4. Dautre part, diffrentes lgislations ont continu de limiter la libert de runion en Algrie, au Bahren et au Ymen et, en Egypte, ladoption en avril 2011 dune loi rendant illgales les manifestations et grves constitue une nouvelle atteinte lexercice du droit au rassemblement pacifique. Poursuite du recours aux lgislations rpressives pour entraver la libert dassociation

En Arabie saoudite et en Libye, o la rpression a continu dtre systmatique, il a de nouveau t impossible aux mouvements indpendants et organiss de dfense et de promotion des droits de lHomme de se constituer ouvertement5. Dans dautres pays (Emirats arabes unis, Jordanie, Kowet, Oman, Qatar), sil semble exister peu datteintes directes lencontre des dfenseurs des droits de lHomme, les mthodes utilises par les autorits de ces pays sont en ralit moins ostensibles et visent moins les dfenseurs que le cadre normatif dans lequel ils oprent. Par ailleurs, dans de nombreux pays, des lgislations rpressives sont restes en vigueur ou ont t adoptes pour entraver les activits de dfense des droits de lHomme. En Algrie et en Syrie, ltat durgence perptuel avec son cadre rpressif est rest en vigueur en 2010 avant dtre4 / Cf. communiqus de presse dAmnesty international, 21 fvrier et 19 avril 2011. 5 / De plus, en novembre 2010, dans le cadre du mcanisme de lexamen priodique universel du Conseil des droits de lHomme des Nations unies, les autorits libyennes ont rejet les recommandations invitant le pays abolir la peine de mort pour les crimes lis aux liberts dexpression et dassociation, ainsi qu mettre fin aux tribunaux spciaux devant lesquels des civils, y compris des dfenseurs des droits de lHomme, sont jugs, et adhrer la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces. Cf. Conseil des droits de lHomme des Nations unies, rapport du groupe de travail sur lexamen priodique universel - Jamahiriya arabe libyenne, document des Nations unies A/HRC/16/15, 4 janvier 2011.

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lev respectivement en fvrier et avril 2011. Nanmoins, la leve de ltat durgence na pas mis fin la rpression massive des dfenseurs en Syrie et na pas encore introduit de changements fondamentaux en Algrie et pose la question de la continuation des cadres rpressifs dans les lgislations ordinaires. En Egypte, le Conseil militaire sest engag lever ltat durgence en place depuis 1967 uniquement lorsque les circonstances le permettraient. De plus, au nom de la scurit nationale, le Bahren et le Ymen ont adopt en mars 2011, des lgislations dexception instaurant un tat durgence et visant touffer les activits des organisations de la socit civile. Dans plusieurs pays de la rgion ( Bahren, Egypte, Libye, Syrie), le droit la libert dassociation a continu dtre bafou par des dispositions lgislatives qui soumettent ltablissement dune association au systme de lagrment. En Algrie et au Maroc, alors mme que lenregistrement dune association se fait de manire dclarative, en pratique les autorits administratives refusent de remettre un rcpiss attestant de lacte de dclaration. En Isral, plusieurs projets de loi ont t adopts ou sont en cours dadoption, visant restreindre le champ daction et dlgitimer le travail des dfenseurs et des organisations de la socit civile isralienne travaillant en Isral et dans le TPO. Enfin, en Libye, plusieurs dispositions lgislatives continuent de criminaliser lexercice des droits aux liberts dexpression, dassociation et de runion. La Loi n71 de 1972 ainsi que larticle 206 du Code pnal prvoient en effet la peine capitale pour constitution de groupements interdits par la loi, y compris des associations, fonds sur une idologie politique contraire aux principes de la rvolution de 1969. Larticle 178 du mme code criminalise en outre la diffusion dinformations lorsquil est estim quelles portent atteinte la rputation de la Libye ltranger. En revanche, en Irak, une nouvelle loi en faveur de la libert dassociation a t vote le 25 janvier 2010 par le Parlement6. Entre en vigueur le 2 mars 2011, cette lgislation prvoit un rgime dclaratif pour la cration dune association et permet aux organisations non gouvernementales de recevoir des fonds trangers et de sassocier des organisations internationales sans lautorisation pralable du Gouvernement7. En Tunisie, depuis la mise en place du Gouvernement de transition, de nombreuses avances ont galement pu tre enregistres sagissant de la libert de sorganiser et dagir des dfenseurs des droits de lHomme.

6 / Il sagit de la Loi n12 de lanne 2010, intitule Loi relative aux organisations non gouvernementales. 7 / Cf. communiqu de presse de lUnion arabe des dfenseurs des droits de lHomme (Arab Human Rights Defenders Union), section Irak, 26 janvier 2010.

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Actes dintimidation lencontre des dfenseurs des droits des rfugis et des minorits

Les dfenseurs des droits de lHomme qui ont dnonc les discriminations dont sont victimes les populations rfugies ainsi que diffrents groupes ethniques ou religieux ont fait lobjet de diffrentes formes de rpression. Au Liban, deux membres de lOrganisation palestinienne des droits de lHomme (Palestinian Human Rights Organisation - PHRO) ont t victimes dactes dintimidation en raison de leur engagement en faveur des droits des Palestiniens rfugis au Liban. Le 9 octobre 2010, M. Ghassan Abdallah, directeur gnral de la PHRO, a ainsi t menac dtre tortur par une unit des services de renseignements de larme, qui la notamment interrog au sujet dun sminaire organis par la PHRO traitant de la politique daccs au camp de rfugis palestiniens de Nahr al-Bared. Le 27 novembre 2010, M. Hatem Moqdadi, coordinateur de la PHRO dans ce camp, a t arrt par lunit des services de renseignements du camp de Nahr al-Bared avant dtre libr sans charge le 1er dcembre. Par ailleurs, en Algrie, en Arabie Saoudite, au Bahren et en Syrie, des arrestations arbitraires ainsi que des procdures judiciaires abusives ont vis celles et ceux qui dfendent respectivement les droits des communauts ibadite, chiite et kurde. En Isral, un dfenseur qui dnonce les restrictions des liberts politiques des citoyens arabes en Isral a fait lobjet de reprsailles de la part des autorits.Actes de harclement lencontre des dfenseurs qui luttent contre la torture

En 2010-2011, les dfenseurs dnonant le recours la torture ou aux mauvais traitements ont subi des actes dintimidation. Ainsi au Bahren, des dfenseurs des droits de lHomme ont fait lobjet dune campagne de diffamation tandis que dautres ont t condamns une peine demprisonnement pour avoir particip un rapport qui dnonce lusage de la torture dans ce pays. Au Liban, Mme Marie Daunay et M. Wadih al-Asmar, membres du Centre libanais des droits humains (CLDH), ont fait lobjet dune plainte dpose en mars 2011 par le prsident du Parlement allguant que le rapport publi en fvrier 2011 par lorganisation et intitul Dtention arbitraire et torture : lamre ralit du Liban contiendrait de fausses accusations et constituerait une incitation la haine confessionnelle.Reprsailles lencontre des journalistes qui dnoncent les violations des droits de lHomme et la corruption

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En 2010-2011, les journalistes qui ont dnonc les violations des droits de lHomme ou la corruption ont fait lobjet dactes de reprsailles : assassinats (Irak), menaces, violences physiques (Tunisie, Ymen), arrestations arbitraires et harclement judiciaire (Bahren, Egypte, Maroc, Syrie, Tunisie,

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La situation prcaire des dfenseurs dans les zones de conflit Dans les pays touchs par des conflits arms, les violations gnralises des droits de lHomme nont pas pargn les dfenseurs, qui ont t victimes darrestations arbitraires, de dtention sans jugement, de procs inquitables ou dattaques (Irak, Isral et TPO, Libye, Ymen). En outre, en Irak et en Libye, lanalyse de la situation des dfenseurs des droits de lHomme est reste trs dlicate en raison de la gravit de la situation scuritaire. Au Ymen, les dfenseurs qui ont dnonc les violations graves des droits de lHomme et du droit international humanitaires commises par les autorits, notamment loccasion de la rpression qui sest intensifie la suite du cessez-le-feu conclu le 11 fvrier 2010 avec les rebelles huthis dans le nord du pays, ont fait lobjet darrestations et de dtentions arbitraires. En Isral et dans le TPO, la multiplication des points de contrle en Cisjordanie, le blocus continu de Gaza ainsi que la construction du mur de sparation a rendu extrmement difficile le dplacement des dfenseurs des droits de lHomme et a entrav leurs activits. En outre, des projets de loi ont menac dentraver les dfenseurs qui dnoncent les violations graves des droits de lHomme et du droit international humanitaire commises par larme isralienne. En Irak, le 26 octobre 2010, des membres de larme irakienne se sont introduits au domicile de M. Ayad Muayyad Salih, membre de lInstitution irakienne pour le dveloppement (Iraqi Institute for Development), une ONG qui dfend les droits de lHomme et pour laquelle M. Salih documente et dnonce les violations commises par larme. En son absence, les membres de larme ont procd sans mandat larrestation de son pre et de son frre qui sont rests dtenus au secret pendant 35 jours, avant dtre librs le 29 novembre 20109. Au Maroc et Sahara occidental, les autorits ont par ailleurs continu dinstrumentaliser le conflit en restreignant les activits des dfenseurs des droits de lHomme sahraouis, qui ont de nouveau fait lobjet de mesures dintimidation.

8 / Cf. communiqus de presse de RSF, 6 mai 2010 et de Frontline, 13 mai 2010. 9 / Cf. Conseil des droits de lHomme des Nations unies, Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights defenders, Margaret Sekaggya - Addendum - Summary of cases transmitted to Governments and replies received, document des Nations unies A/HRC/16/44/Add.1, 28 fvrier 2011.

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Ymen). En Irak, le 4 mai 2010, M. Sardasht Osman, journaliste kurde qui publiait auprs de nombreux journaux en ligne et sites Internet des articles critiquant la corruption du systme politique dans le Kurdistan irakien, a t enlev lentre de lUniversit dErbil. Son corps a t retrouv deux jours plus tard avec deux balles dans la tte8.

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Interventions urgentes diffuses par lObservatoire de janvier 2010 avril 2011 portant sur les pays de la rgion qui ne font pas lobjet dune fiche-paysPAYS LIBANLIBAN LIBAN

Noms M. Nizar SaghiehM. Ghassan Abdallah MM. Hatem Moqdadi, Hani El-Aaraj et Ghassan abdallah centre libanais des droits de lHomme (cLdH) cLdH / Mme Marie Daunay et M. Wadih al-Asmar

Violations / Suivi HarclementMenaces dtention au secret / Libration / Harclement Harclement judiciaire

Rfrence communiqu de presse conjoint communiqu de presse conjoint appel urgent LBN 001/1210/OBS 141appel urgent LBN 001/0311/OBS 036 communiqu de presse conjoint

Date de diffusion 8 mars 201013 octobre 2010 2 dcembre 2010

LIBAN

16 mars 2011

LIBAN

24 mars 2011

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a lg r I e

Alors que les autorits ont tent en 2010 de restreindre encore plus les espaces de libert de la socit civile, notamment en intensifiant la rpression des rassemblements pacifiques et en entravant la tenue de runions, les autorits ont lev en 2011 ltat durgence en vigueur depuis 19 ans par crainte de voir se multiplier les mouvements de protestation sociale. Malgr cette avance, de nombreuses lois violant les liberts dassociation, de runion et de rassemblement pacifique, de mme que des pratiques administratives et des actes de harclement policier et judiciaire continuent dentraver les activits des dfenseurs des droits de lHomme.

Contexte politique Le 23 fvrier 2011, ltat durgence en vigueur en Algrie depuis 19 ans a t lev par une ordonnance publie au Journal officiel1. Cette dcision est intervenue suite lintensification des protestations sociales partir du 5 janvier 2011 et qui ont fait des centaines de blesss parmi les contestataires et les forces de scurit2. Dclench par lannonce, dbut janvier, de laugmentation drastique des prix des denres de premire ncessit, ce mouvement populaire a galement fait cho aux soulvements en faveur de la dmocratie et des liberts qui ont marqu la rgion arabe dbut 2011. Cependant, la fin de ltat durgence na pas eu pour corollaire la dmocratisation de la vie politique et des progrs dans le respect des liberts fondamentales. Ainsi, le 3 fvrier 2011, le chef de lEtat a charg le Gouvernement dlaborer des textes appropris, qui permettront lEtat de poursuivre la lutte anti-terroriste jusqu son aboutissement, avec la mme efficacit et toujours dans le cadre de la loi3. Cette annonce laisse craindre ladoption de lgislations dexception qui seraient mme de restreindre les liberts et les droits fondamentaux. Ainsi, lOrdonnance n11-02, adopte le jour mme de la leve de ltat durgence, a lgalis lassignation rsidence protge dans un lieu secret soit la dtention au secret des personnes suspectes dactes terroristes ou subversifs.

1 / Cf. Ordonnance n11-01 du 23 fvrier 2011 portant leve de ltat durgence abrogeant le Dcret lgislatif n93-02 du 6 fvrier 1993 portant prorogation de la dure de ltat durgence instaur par le Dcret prsidentiel n92-44 du 9 fvrier 1992. 2 / Cf. communiqu conjoint de la FIDH, de la Ligue algrienne pour la dfense des droits de lHomme (LADDH) et du Collectif des familles de disparus en Algrie (CFDA), 9 janvier 2011. 3 / Cf. communiqu de la LADDH, 18 fvrier 2011.

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Par ailleurs, 2010 na connu aucune amlioration en terme de respect des droits de lHomme, tandis que les autorits ont intensifi les mesures visant restreindre encore plus les espaces de libert de la socit civile et durci la rpression. Lexercice du droit la libert dexpression a lui-aussi continu dtre sanctionn en Algrie4. Ainsi, le site Internet de Radio KalimaAlgrie, la seule radio dinformation alternative prive en Algrie, ainsi que sa diffusion par satellite restent bloqus depuis les 17 et 18 mars 2010 respectivement5. La rpression a galement vis des journalistes trangers6. La situation socio-conomique sest galement dgrade, dans un pays marqu par des crises du logement et de lducation chroniques et une corruption endmique7. Le 6 mai 2010, le Comit des Nations unies des droits conomiques, sociaux et culturels a publi ses observations finales suite lexamen de lAlgrie au titre de lapplication du Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels. Le Comit sest montr trs proccup par le refus de dialogue social et les violations des liberts syndicales et par les interfrences administratives, policires et judiciaires vis--vis des syndicats autonomes du secteur public. Le Comit a galement relev la non-conformit de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de lHomme (CNCPPDH) avec les Principes de Paris en matire dindpendance, de transparence et de coopration avec les membres de la socit civile8.Un cadre lgislatif qui reste dfavorable aux activits de dfense des droits de lHomme

La libert de runion et de manifestation publique nest toujours pas pleinement garantie en Algrie. En effet, si le Dcret n92-44 du 9 fvrier 1992 instaurant ltat durgence a t abrog9, la Loi n91-19 du 2 dcembre 1991 relative aux runions et manifestations publiques demeure en vigueur,4 / Cf. dclaration du rapporteur spcial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit la libert d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue, suite sa visite mene en Algrie du 10 au 17 avril 2011, 19 avril 2011. 5 / Cf. communiqu de Reporters sans frontires (RSF), 19 mars 2010. 6 / Par exemple, le 18 septembre 2010, deux journalistes marocains de lhebdomadaire Assahrae al-Ousbouiya, un journal favorable lunion du Sahara occidental avec le Maroc, ont t arrts par les autorits militaires algriennes leur arrive Tindouf (sud algrien), avant dtre expulss le 22 septembre vers le Maroc. Cf. communiqus de presse de RSF, 21 et 22 septembre 2010. 7 / Cf. rapport de la FIDH, de la LADDH et du CFDA, La Mal-vie : rapport sur la situation des droits conomiques, sociaux et culturels en Algrie, mai 2010. 8 / Cf. Comit des droits conomiques, sociaux et culturels des Nations unies, observations finales du Comit des droits conomiques, sociaux et culturels, document des Nations unies E/C.12/DZA/CO/4, 7 juin 2010. 9 / Le Dcret n92-44 du 9 fvrier 1992 habilitait le ministre de lIntrieur et des collectivits locales et le wali territorialement comptent ordonner, par voie darrt, la fermeture provisoire de lieux de runion de toute nature et interdire toute manifestation susceptible de troubler lordre et la tranquillit publics.

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de mme que la dcision du Conseil du Gouvernement du 18 juin 2001 qui interdit les marches pacifiques et toute autre forme de manifestation publique Alger. La Loi n91-19 dispose que, pour les runions publiques, les organisateurs doivent dposer une simple dclaration auprs du wali10, qui doit remettre un rcpiss. Cependant, en pratique, ce rcpiss est trs rarement dlivr. Les manifestations publiques sont quant elles soumises une demande dautorisation de la part des autorits comptentes. Par ailleurs, la Loi n91-19, tout comme le prvoyait le dcret instaurant ltat durgence, permet galement aux autorits dinterdire toute runion si elles considrent que celle-ci comporte un risque de troubler lordre public. Les autorits interdisent rgulirement les manifestations publiques11 et les runions publiques ne sont que trs rarement autorises, notamment lorsque les organisateurs sont des organisations de dfense des droits de lHomme. Ainsi, le 24 mars 2010 au soir, la direction de la rglementation et des affaires gnrales de la wilaya dAlger na pas autoris la Ligue algrienne pour la dfense des droits de lHomme (LADDH) tenir son troisime congrs le lendemain et le surlendemain au centre de la Mutuelle des travailleurs des matriaux de construction de Zeralda, alors que lorganisation avait dpos une dclaration auprs de la wilaya dAlger le 28 fvrier 2010. Par ailleurs, suite la leve de ltat durgence, de nombreux reprsentants des autorits nationales ont prcis que les marches publiques demeuraient interdites Alger12 et le Prsident Bouteflika a dclar quaucune marche ne serait tolre Alger, mais que si certaines personnes souhaitaient se runir, elles pouvaient trs bien le faire dans des salles13. En 2011, la Coordination nationale pour le changement et la dmocratie-Barakat (CNCD-Barakat) a organis plusieurs runions Alger et Oran qui nont pas t interdites14. Nanmoins, le 23 avril 2011, en dpit dune attestation crite et signe de rservation dune salle, les autorits de Mostaganem ont refus de remettre le rcpiss aux organi10 / Chef de la circonscription administrative appele wilaya en Algrie. 11 / Cf. infra. 12 / Cf. notamment M. Daho Ould Kablia, ministre de lIntrieur, sur les ondes de la radio nationale Chane III, le 24 fvrier 2011. Cf. communiqu de la LADDH, 3 mars 2011. 13 / Cf. article del Watan, 3 fvrier 2011. Selon ce quotidien, M. Bouteflika a dclar au sujet de linterdiction des marches publiques Alger quAu demeurant, Alger compte plusieurs salles publiques de capacits diverses, qui sont gracieusement disponibles pour tout parti ou association en faisant lgalement la demande, en vue dy faire entendre son point de vue. 14 / La CNCD a t cre le 22 janvier 2011 par des organisations de dfense des droits de lHomme, des syndicats autonomes, des associations estudiantines et de jeunes et des partis politiques pour revendiquer la leve de ltat durgence, la libration de personnes arrtes lors de manifestations pacifiques ou pour des dlits dopinion et louverture des champs politique et mdiatique. Elle sest ensuite scinde le 22 fvrier en deux coordinations distinctes, lune regroupant les partis politiques et quelques organisations de la socit civile (la CNCD) et lautre, les syndicats, les organisations de dfense des droits de lHomme et les autres organisations de la socit civile (la CNCD-Barakat). Cf. LADDH.

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sateurs de la CNCD dOran sous prtexte que cette mme salle ntait pas disponible, et la runion na donc pas pu se tenir dans la salle rserve15. Par ailleurs, lordonnance vote en fvrier 2006 portant sur la mise en uvre de la Charte pour la paix et la rconciliation nationale reste en vigueur, restreignant les liberts daction et dexpression des dfenseurs des droits de lHomme. Bien que ces dispositions naient jamais t utilises, elles contribuent au climat dautocensure au sein de la socit civile, notamment dans les mdias, et dissuadent la tenue dun dbat critique sur le conflit de la dernire dcennie. Cette ordonnance prvoit des peines de trois cinq ans de prison et des amendes pour tout individu qui par ses dclarations, crits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragdie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la Rpublique algrienne dmocratique et populaire, nuire lhonorabilit de ses agents qui lont dignement servie, ou ternir limage de lAlgrie sur le plan international. La loi pnalise ainsi une grande partie du travail des dfenseurs des droits de lHomme et en particulier les activits lies la lutte contre limpunit, et la recherche de la vrit et de la justice. De mme, les autorits algriennes ont continu dempcher les organisations de dfense des droits de lHomme dobtenir une reconnaissance lgale, lexemple de lassociation SOS Disparu(e)s qui malgr de nombreuses tentatives depuis de nombreuses annes nest jamais parvenue dposer son dossier denregistrement. Dautres organisations, comme lAssociation Michal des enfants de disparus de Jijel (AMEDJ), nont toujours pas obtenu de rcpiss des autorits locales16.Poursuite de la rpression des manifestations pacifiques Les dfenseurs des droits de lHomme qui organisent des rassemblements publics traitant des questions lies la dfense des droits de lHomme ont ainsi continu se heurter de faon constante aux reprsailles des autorits algriennes. Par exemple, le 3 mai 2010, un important dispositif policier a dispers un rassemblement pacifique organis loccasion de la Journe mondiale pour la libert de presse devant les locaux de la tlvision nationale Alger afin de revendiquer le droit la libert dexpression en Algrie et de dnoncer la censure. Quatre des organisateurs, MM. Mustapha Benfodil, Adlene Meddi et Sad Khatibi, animateurs du groupe Bezzzef (Cest trop), qui dnonce les atteintes aux liberts en Algrie, ainsi que M. Hakim Addad, secrtaire gnral du Rassemblement15 / Cf. CFDA. 16 / Ce document consacre la reconnaissance lgale dune association et lui permet la poursuite de ses activits. Cf. Loi n90-31 sur les associations.

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action et jeunesse (RAJ)17, ont t arrts par les forces de police pour attroupement non autoris. Durant leur dtention, ils ont t soumis durant trois heures un interrogatoire concernant le rassemblement, avant dtre librs sans quaucune charge ne soit retenue leur encontre. Le 26 mai 2010, les forces de police ont galement fait un usage excessif de la force lencontre dune marche pacifique organise par la Coordination des Arouchs, daras et communes (CADC)18 de Tizi-Ouzou pour commmorer les vnements du printemps noir en Algrie19, dnoncer limpunit dont jouissent les responsables des exactions et revendiquer le respect des engagements de lEtat suite aux accords ngocis en 2005 concernant principalement la prise en charge par lEtat des incidences gnres par cette crise. Une douzaine de personnes a t blesse, dont des personnes ges de plus de 60 ans. Par ailleurs, les autorits ont interdit pour des raisons dordre public des rassemblements organiss en fvrier 2011 par la CNCD. Le 11 fvrier 2011, la veille de lun de ces rassemblements, les autorits algriennes ont en outre procd linterpellation de MM. Kateb Said, Akrem el-Kebir, Ait Tayab Hassan, Bouha Yacine et Mme Chouicha Sihem, membres de la section de la LADDH Oran, alors quils distribuaient des tracts pour appeler la marche. Ils ont t relchs deux heures plus tard sans quaucune charge ne soit retenue contre eux. Plus de 300 personnes ont galement t arrtes lors de la marche du 12 fvrier, dont M. Mouloud Boumghar, membre du Collectif des familles de disparus en Algrie (CFDA), Mme Chrifa Kheddar, prsidente de lorganisation des victimes du terrorisme Djazairouna, M. Achour Idir, secrtaire gnral du Conseil des lyces dAlgrie (CLA), et M. Salem Sadali, secrtaire gnral du Syndicat autonome du technique, de lenseignement et de la formation (SATEF), avant dtre librs sans quaucune charge ne soit retenue contre eux. Par ailleurs, le 19 fvrier, les forces de lordre ont violemment dispers la deuxime journe daction nationale organise par la CNCD en frappant les manifestants regroups la place du 1er mai Alger. M. Ali Yahia Abdenour, prsident dhonneur de la LADDH, a t malmen et M. Rachid Malaoui, prsident du Syndicat national autonome des personnels de ladministration publique (SNAPAP), a t bless. Des contre-manifestants ont galement attaqu les manifestants. M. Abdelmoumne Khelil,17 / Le RAJ a comme principal objectif la sensibilisation et la mobilisation des jeunes aux problmes sociaux, ainsi que la promotion de toute activit culturelle et des droits de lHomme. 18 / La CADC est une assemble de tradition kabyle des reprsentants des comits de villages et comits de quartiers qui a t cre suite aux vnements du printemps noir davril 2001. Elle organise et encadre le mouvement de protestation. La dara est une subdivision de la wilaya dans ladministration territoriale algrienne, et lArouch est une forme traditionnelle dassemble dmocratique en Kabylie. 19 / En avril 2001, suite la mort dun jeune kabyle dans les locaux de la gendarmerie de Bni Doualades, des meutes ont clat et ont t violemment rprimes par les forces de police en Algrie.

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secrtaire gnral de la LADDH, a ainsi t menac dagression devant des policiers qui ne sont pas intervenus20.Poursuite de la rpression des dfenseurs des droits conomiques et sociaux

Les dfenseurs des droits conomiques et sociaux ont galement t victimes de multiples actes dintimidation. Les syndicalistes, en particulier, ont continu dtre harcels par les autorits. Par exemple, le 12 mai 2010, les autorits administratives ont ferm et mis sous scell le local de la Maison des syndicats Alger, qui est occup de faon rgulire par le SNAPAP, sous prtexte de trouble lordre public et de transformation du local en un lieu de rencontre des jeunes filles et jeunes hommes venus de diffrentes rgions du pays. Cette dcision est intervenue la veille de la tenue du Forum syndical maghrbin les 14 et 15 mai la Maison des syndicats. Depuis, la maison a t r-ouverte. Dautre part, le 24 octobre 2010, les autorits administratives ont refus de renouveler le passeport de M. Mourad Tchiko, membre du SNAPAP qui avait dnonc la mauvaise gestion et la corruption qui svit dans ce corps de la fonction publique, prtextant lexistence dune affaire en justice. Ce refus signifi verbalement sans notification crite, serait li ses activits syndicales21. De plus, le 24 fvrier 2011, M. Tchiko a t arrt par la police devant lEcole nationale suprieure des travaux publics (ENSTP) de Kouba, Alger, o il stait rendu pour soutenir cinq travailleurs de lENSTP qui observaient une grve de la faim depuis quatre jours en signe de protestation contre leurs conditions de travail. Il a t emmen dans les locaux de la sret de la dara de Kouba avant dtre libr sans charge quelques heures plus tard22. En 2010, M. Yacine Zad, secrtaire gnral de la section locale de lUnion gnrale des travailleurs algriens (UGTA) dEurest Support Services (ESS), filiale du groupe Compass, a continu de subir un harclement judiciaire pour avoir cr cette section syndicale dans le but de dfendre les intrts des employs au sein de son entreprise. Le 29 dcembre 2010, le Tribunal de Hassi Messaoud la ainsi condamn par contumace trois mois de prison ferme et une amende de 100 000 dinars (environ 1 000 euros) pour diffamation, suite un article publi le 12 juin 2009 dans le journal el-Watan, qui portait sur la violation des droits syndicaux en Algrie. M. Zad na pas t convoqu laudience. Fin avril 2011, il restait libre et attendait toujours la notification du verdict pour pouvoir faire appel. Le 22 fvrier 2011, M. Riad Laamri, membre du Comit national des chmeurs et adhrent20 / Cf. communiqu de presse de la LADDH, 19 fvrier 2011. 21 / M. Tchiko est dailleurs suspendu de son poste de travail depuis le 18 dcembre 2004 pour ses activits syndicales. Cf. communiqu de presse de la LADDH, 28 novembre 2010. 22 / Cf. communiqu de presse de la LADDH, 24 fvrier 2011.

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la LADDH, a t frapp par la police puis arrt lors dun rassemblement pacifique organis devant le bureau de main duvre la wilaya de Skikda pour dnoncer la situation des chmeurs et dfendre leurs droits. Il a aussi subi des violences verbales au commissariat de police, avant dtre libr deux heures plus tard sans quaucune charge nait t retenue contre lui23. Les autorits ont galement procd le 16 mars 2011 larrestation de Melle Dalila Touat, reprsentante du Comit national pour la dfense des droits des chmeurs dans la wilaya de Mostaganem, dans louest de lAlgrie, au sein du comit, suite sa distribution le 14 mars 2011 de tracts du comit appelant un rassemblement pacifique le 20 mars Alger afin dappeler au respect des droits des chmeurs. Place en garde vue pendant 24 heures, elle a t libre avec une citation comparatre le 28 avril 2011 sous le chef dinculpation dincitation un attroupement non arm, puni dun an de prison. A cette date, Melle Dalila Touat a t acquitte24. Les tudiants ont galement t la cible des autorits. Ainsi, le 20 fvrier 2011, des tudiants de plusieurs coles et universits dAlgrie qui tiennent quotidiennement des rassemblements pacifiques devant le ministre de lEnseignement suprieur pour revendiquer lamlioration de leurs conditions dtude et llargissement des perspectives demploi, ont t attaqus par la police anti-meute. Plus de 20 tudiants ont t blesss. Le lendemain, ils ont maintenu leur rassemblement entours dun important dispositif policier25.Actes dintimidation et de harclement constants lencontre des associations de familles de disparus

Les associations des familles de victimes de disparitions forces pendant le conflit qui a dchir lAlgrie dans les annes 1990-2000 continuent de subir des actes dintimidation de la part des autorits. Ainsi, le 4 fvrier 2010, deux gendarmes de la brigade de Bab Djedid se sont prsents dans les locaux de SOS-Disparu(e)s pour vrifier si lassociation disposait dun agrment pour mener bien ses activits en Algrie. Ils sont revenus le 9 fvrier 2010 pour interroger sa prsidente, Mme Fatima Yous, propos des activits de lassociation. Cette dernire a refus de rpondre aux questions de la brigade tant quaucun mandat officiel ne lui serait prsent. Plusieurs de ces associations nont par ailleurs toujours pas de reconnaissance lgale26.

23 / Cf. communiqu de presse de la LADDH, 22 fvrier 2011. 24 / Cf. LADDH. 25 / Cf. communiqu de la LADDH, 21 fvrier 2011. 26 / Cf. supra.

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Dautre part, les rassemblements organiss par les familles de disparu(e)s pour revendiquer leurs droits la vrit et la justice concernant le sort de leurs proches sont rgulirement interdits et/ou rprims par les forces de scurit. Ainsi, le 8 mars 2010, lappel de SOS-Disparu(e)s et loccasion de la Journe internationale des droits de la femme, des familles de disparus ont tent de se rassembler devant le ministre de la Justice. Les forces de lordre sont alors intervenues, dispersant les familles en faisant un usage excessif de la force, malmenant et injuriant certains manifestants. De mme, le 4 aot 2010 au matin, des policiers et des gendarmes, massivement dploys, ont boucl toutes les voies daccs la place Addis Abeba Alger, o se trouve la CNCPPDH, afin dempcher les mres de disparu(e)s de se rassembler pacifiquement devant cette instance, comme elles le font tous les mercredis depuis le 2 aot 1998. Les mres ont tent daccder leur lieu de rassemblement pendant prs de deux heures, mais ont t violemment repousses par des agents de police. La semaine suivante, le 11 aot 2010, les forces de lordre ont eu recours une violence disproportionne pour disperser quelque 40 proches de personnes disparues venus manifester devant la CNCPPDH. Les responsables nont donn aux familles aucun motif officiel pour interdire ce rassemblement, se bornant dclarer que lordre de disperser ce rassemblement par nimporte quel moyen venait den haut. Plusieurs manifestants ont t bousculs et frapps, dont Mme Nassera Dutour, porte-parole du CFDA et membre de lAssemble gnrale de lOMCT. Mme Fatma Lakehel et M. Hassan Ferhati, membres de SOS-Disparu(e)s, se sont vanouis la suite de ces violences et ont d tre transfrs lhpital. La police judiciaire a galement arrt quatre manifestants, dont M. Sliman Hamitouche, un membre de SOS-Disparu(e)s, un pre de disparu g de 82 ans, M. Millif, et deux jeunes membres de la LADDH. Ils ont t librs plusieurs heures plus tard sans avoir t mis en accusation. Depuis, les familles de disparus tentent en vain de rcuprer lespace quelles staient appropri depuis douze ans pour revendiquer leurs droits la vrit et la justice, mais elles restent confrontes aux forces de lordre qui les en empchent. Le 30 aot 2010, loccasion de la Journe internationale des disparus, SOS-Disparu(e)s a appel un grand rassemblement devant la Grande Poste Alger. Lun des reprsentants du SNAPAP, venu soutenir les familles, a t le premier arrt aprs avoir t rou de coups parce quil scandait les slogans avec force. En tout, neuf personnes ont t emmenes au commissariat de Cavaignac Alger o elles ont t interroges pendant plusieurs heures avant dtre libres sans charge leur encontre27.

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27 / Cf. communiqu de SOS-Disparu(e)s, 30 aot 2010.

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Poursuite du harclement judiciaire lencontre dun dfenseur des droits dune minorit religieuseafRique du noRd / moyen-oRient 37

Le dfenseur des droits de la minorit religieuse ibadite 28, M. Kamel Eddine Fekhar, militant de la LADDH et lun des initiateurs de lappel lofficialisation du rite ibadite en Algrie, a par ailleurs continu dtre victime de harclement judiciaire en raison de ses activits en vue de la reconnaissance des droits des citoyens mozabites. Poursuivi et accus tort de destruction de bien public et incendie volontaire dune voiture de police29, il a comparu nouveau le 10 fvrier 2011 devant la Cour criminelle de Ghardaa, qui na toujours pas tranch son cas. Son procs a t report octobre 2011, loccasion de la prochaine session criminelle.Interventions urgentes diffuses par lObservatoire de janvier 2010 avril 2011Noms SOS-disparu(e)s / Mme Fatima Yous Violations / Suivi Obstacles la libert dassociation / Intimidation Obstacles la libert de runion pacifique Obstacles la libert de runion pacifiqueObstacles la libert dassociation Obstacles la libert de runion pacifique Obstacles la libert de runion pacifique Obstacles la libert de runion pacifique actes dintimidation / Obstacles la libert de runion pacifique

MM. Mustapha Benfodil, Adlane Meddi, Sad Khatibi et Hakim Addad Maison des syndicats coordination des arouchs, daras et communes (cadc) familles de disparu(e)s familles de disparu(e)s MM. Kateb Said, Akrem el Kebir, Ait Tayab Hassan et Bouha Yacine et Mme Chouicha Sihem

Rfrence appel urgent dZa 001/0210/OBS 016 appel urgent dZa 002/0310/OBS 036 appel urgent dZa 003/0510/OBS 055communiqu de presse conjoint appel urgent dZa 004/0610/OBS 071 appel urgent dZa 005/0810/OBS 097 communiqu de presse appel urgent dZa 001/0211/OBS 017

Date de diffusion 12 fvrier 201012 mars 2010 6 mai 2010

14 mai 2010 3 juin 2010

6 aot 2010 13 aot 2010 11 fvrier 2011

28 / Libadisme est une forme dislam distincte du sunnisme et du chiisme. 29 / Ces incidents seraient survenus au mois de janvier 2009 lors des meutes qui ont secou la ville de Berriane, dans le wilaya de Ghardaa.

arabIe saOuD I TeOBSerVatOIre POUr La PrOtectION deS dfeNSeUrS deS drOItS de L'HOMMe R a PPo R t a n n u e L 2 0 1 1

En 2010-2011, aucune ONG de dfense des droits de lHomme na russi obtenir un statut lgal. De plus, les activits de dfense des droits de lHomme ont continu dtre soumises un cadre juridique trs liberticide et flou, exposant les dfenseurs des droits de lHomme des dtentions arbitraires et des procs iniques. En outre, les rassemblements pacifiques ont de facto t interdits par les autorits et rprims par les forces de lordre. Enfin, plusieurs dfenseurs des droits de lHomme ont fait lobjet dune interdiction de quitter le territoire prononce leur encontre par le ministre de lIntrieur.

Contexte politique En 2010-2011, la situation des droits de lHomme en Arabie saoudite est reste trs proccupante. Dans cette monarchie islamique de type absolue, la population ne profite daucun espace de libert pour dvelopper une socit civile indpendante du pouvoir. Les partis politiques et les syndicats sont interdits et aucune ONG de dfense des droits de lHomme indpendante na jamais t enregistre. Les manifestations sont interdites et les mdias sont soumis la censure du ministre de la Culture et de linformation. LArabie saoudite nest par ailleurs signataire ni du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni du Pacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels. Au nom de la lutte contre le terrorisme, des milliers de personnes ont t arrtes depuis 2001, y compris des personnes ayant critiqu lEtat sans recourir ou prner lusage de la violence1. Les droits de personnes arrtes ou poursuivies sont systmatiquement bafous et le recours la torture et aux mauvais traitements est frquent en prison. Les droits des femmes et des migrants de mme que la libert de religion sont notoirement viols.

Les chiites et les ismaliens qui vivent en Arabie saoudite constituent 10 15 % de la population saoudienne. Ils font lobjet dune discrimination confessionnelle qui les prive de droits fondamentaux, comme le droit de culte et de croyance, ainsi que certains droits civils, tel laccs aux postes de responsabilit dans la fonction publique. Des chiites sont rgulirement pris pour cibles pour avoir organis des runions de prire collective ou1 / Cf. communiqu de la Socit pour les droits de lHomme dabord, Arabie saoudite (Human Rights First Society, Saudi Arabia - HRFS), 9 avril 2011.

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Enfin, lexercice du droit la libert dexpression est rest svrement sanctionn en Arabie saoudite. Le 29 avril 2011, les autorits saoudiennes ont publi un dcret imposant dimportantes restrictions la libert de la presse. Selon ce texte, les mdias sont interdits de publier toute information contraire la charia, ou qui servirait des intrts trangers et porterait atteinte la scurit nationale. Les termes, particulirement vagues et imprcis de ce dcret, risquent dtre utiliss pour justifier la censure de tout propos jug critique lgard des autorits4.Un cadre lgislatif trs restrictif empchant toute activit de dfense des droits de lHomme

En Arabie saoudite, les activits de dfense des droits de lHomme ont continu dtre soumises un cadre trs restrictif. Larticle 39 de la Loi fondamentale saoudienne de 1992 stipule en effet que sont interdits tous les actes qui favorisent la sdition ou la division ou nuisent la scurit de lEtat et de ses relations publiques. Cette dfinition vague permet de criminaliser les droits les plus lmentaires tels que les droits aux liberts dexpression, dassociation ou de rassemblement pacifique. Par ailleurs, linexistence dun code pnal crit en Arabie saoudite renforce le climat dinscurit dans lequel les dfenseurs des droits de lHomme exercent leurs activits dans la mesure o il ny a pas de dfinition formelle de ce qui constitue un crime, ni de peine fixe pour un crime spcifique. De plus, larticle 112 du Code de procdure pnale autorise le ministre de lIntrieur dcider des dlits et des crimes punis dune peine demprisonnement, sans prciser sa dure. Le pouvoir de lexcutif reste donc illimit pour sanctionner toute activit de dfense des droits de lHomme.

2 / La majorit des chiites vit dans la rgion orientale du pays, dans la province dal-Ahsa et les villes de Qatif, Dammam et Khobar. Les chiites sont galement majoritaires dans la rgion de Najran, au sud du Royaume. Dans les villes o les chiites constituent moins de 50% de la population, les mosques chiites sont, quelques exceptions prs, fermes de force. Cf. rapport 2010 de la HRFS, Unholy Trespass, dcembre 2010. 3 / Cf. communiqu de la HRFS, 23 mars 2011. 4 / Cf. HRFS et communiqu de Reporters sans frontires (RSF), 3 mai 2011.

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clbr des ftes chiites2. En 2011, des militants chiites ont galement t rprims par les autorits pour avoir manifest lest du pays pour exiger du Gouvernement saoudien de retirer ses troupes envoyes Bahren, o elles dirigent une force militaire des pays du Golfe destine aider la monarchie sunnite bahrenie touffer un fort mouvement de protestation populaire revendiquant des rformes politiques, pour demander plus de liberts et la libration de prisonniers politiques dtenus depuis les annes 19903.

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Dans ce contexte, aucune ONG de dfense des droits de lHomme na jamais t enregistre. Par exemple, lONG Socit pour les droits de lHomme dabord, Arabie saoudite (Human Rights First Society, Saudi Arabia - HRFS) na jamais pu obtenir de licence depuis sa cration en 2002. De mme, lAssociation saoudienne des droits civils et politiques (Saudi Civil and Political Rights Association - ACPRA) na pas pu obtenir de licence depuis sa cration en 2009.Atteintes la libert de runion pacifique et rpression des manifestants

Sil nexiste pas de texte officiel interdisant les runions publiques, en pratique, celles-ci ne sont pas tolres, les autorits saoudiennes interdisant de facto lorganisation de rassemblements pacifiques dans le pays5. Plusieurs manifestations organises entre fvrier et avril 2011 sur le modle des mouvements en cours dans plusieurs autres pays arabes afin dappeler une dmocratisation de la vie politique ou exiger la libration de prisonniers dtenus arbitrairement dans les prisons saoudiennes, ont ainsi t brutalement disperses et plus de 160 manifestants ont t blesss ou arrts6. Par exemple, le 9 mars 2011, une manifestation organise dans la ville dalQatif pour exiger des rformes dmocratiques a t brutalement disperse par les forces de scurit qui ont tir balles relles sur les manifestants. Deux dentre eux ont t blesss7. Le 21 mars 2011, M. Mohamed Saleh al-Bajadi, lun des fondateurs de lACPRA, a t interpell son domicile dans la ville de Buraidah par des agents des services de renseignement du ministre de lIntrieur. Des livres, des documents ainsi que des ordinateurs portables ont t confisqus son domicile et son bureau. M. al-Bajadi avait particip la veille une action de protestation Riyadh, devant les locaux du ministre de lIntrieur, pour demander la libration de personnes dtenues depuis des annes sans inculpation ni jugement. Cette manifestation avait rassembl des dizaines dhommes et de femmes, pour la plupart des membres des familles des dtenus. M. al-Bajadi est rest dtenu au secret pendant prs de trois semaines sans contact avec sa famille ou un

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5 / Le 5 mars 2011, le ministre de lIntrieur a diffus une dclaration confirmant linterdiction des manifestations dans le Royaume, selon laquelle les forces de scurit prendront toutes les mesures ncessaires lencontre de ceux qui tenteront de troubler lordre public. Le 6 mars 2011, le Conseil suprieur des oulmas (docteurs de la foi) a galement rappel linterdiction des manifestations dans le pays. Le mme jour, le Majlis al-Shura (conseil consultatif nomm par le Roi) a insist sur limportance de prserver la scurit du royaume et de ne pas tenir compte des appels lorganisation de manifestations, de sit-ins et de dfils. Cf. communiqu dAmnesty International, 25 mars 2011. 6 / Cf. communiqus de la HRFS, 27 mars 2011 et de Human Rights Watch (HRW), 20 avril 2011. 7 / Cf. communiqus de la HRFS, 10 et 11 mars 2011.

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avocat8. Fin avril 2011, il tait toujours dtenu sans inculpation ni jugement par les services de renseignements9.Arrestation arbitraire de dfenseurs des droits de la minorit chiite En 2010-2011, plusieurs dfenseurs qui revendiquent le respect des droits de la minorit chiite ont t arrts et dtenus arbitrairement 10. Cest le cas par exemple du Sheikh Mekhlef bin Dahham al-Shammari, crivain et dfenseur des droits des minorits, qui a t arrt le 15 juin 2010 puis conduit au poste de police de Khobar, en raison de ses prises de position en faveur du respect des droits de la minorit chiite. En juillet 2010, il a t transfr la prison de Dammam. En avril 2011, la Cour de Dammam a rejet les charges initiales davoir ennuy les autres avec ses crits, qui avaient t retenues contre lui par le procureur public dans son dossier daccusation. Cependant, fin avril 2011, il tait toujours dtenu la prison de Dammam11. Par ailleurs, fin 2010, M. Mounir Baqir al-Jessas, blogueur, restait dtenu par les autorits saoudiennes pour avoir dnonc dans diffrents articles publis sur Internet les discriminations dont sont victimes les chiites en Arabie saoudite. M. al-Jessas avait t arrt le 8 novembre 2009 par les services de renseignements qui ont perquisitionn son domicile et confisqu deux ordinateurs portables et un appareil photo. Il na t libr que le 20 fvrier 2011, sans quaucune charge nait t retenue contre lui12. Enfin, les 3 et 4 mars 2011, 24 personnes ont t arrtes la suite de mouvements de protestation qui ont eu lieu dans la ville dal-Qatif pour protester contre le maintien en dtention sans jugement de neuf hommes membres de la communaut chiite, arrts en 199613. Parmi les personnes arrtes figuraient MM. Hussain al-Yousef et Hussain al-Alq, qui publient rgulirement des articles sur le site Internet www. rasid.com afin de rendre compte des arrestations de membres de la communaut chiite et la discrimination dont ils sont victimes. Ces 24 hommes ont t librs sans charge le 8 mars 2011, aprs stre engags par crit ne plus manifester14.afRique du noRd / moyen-oRient 41

8 / Le 7 avril 2011, il a pu tlphoner son pouse pour la premire fois. 9 / Cf. communiqu de la HRFS, 23 mars 2011. 10 / Cf. rapport 2010 de la HRFS, Unholy Trespass, dcembre 2010 et rapport de HRW, Looser Rein, Uncertain Gain, 27 septembre 2010. 11 / Cf. rapport 2010 de la HRFS, Unholy Trespass, dcembre 2010. 12 / Cf. communiqu de la HRFS, 28 juin 2010. 13 / Ces hommes sont souponns dtre lis un attentat en 1996 contre le complexe immobilier Khobar Towers dans la ville de al-Khobar (est), qui avait provoqu la mort de 19 militaires amricains et dun Saoudien. 14 / Cf. communiqus de la HRFS, 3, 5 et 14 mars 2011.

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Obstacles la libert de mouvement de plusieurs dfenseurs des droits de lHomme

En 2010, plusieurs dfenseurs des droits de lHomme ont fait lobjet dune interdiction de quitter le territoire prononce leur rencontre par le ministre de lIntrieur saoudien. Ainsi, le 12 fvrier et le 2 mars 2010 respectivement, les autorits saoudiennes ont inform M. Fahd al-Orani, membre de lACPRA, et M. Mohammed Saleh al-Bejadi quils faisaient lobjet dune interdiction de voyage alors quils se trouvaient laroport international de Riyadh. De mme, M. Abdullah al-Hamed et M. Mehna Mohammed al-Faleh, membres de la mme organisation, ont continu en 2010 et 2011, de faire lobjet dune interdiction de quitter le territoire effective depuis 2004. Ces dfenseurs des droits de lHomme nont pas t informs des raisons de ces interdictions15.

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15 / Cf. communiqus de lACPRA, 3 novembre et 15 dcembre 2010.

baHren

En 2010-2011, plusieurs dfenseurs ont t arrts et poursuivis en justice dans le cadre de la loi anti-terroriste ou ont fait lobjet de campagnes de diffamation. En outre, alors que plusieurs ONG sont restes prives de reconnaissance lgale, dautres organisations de dfense des droits de lHomme et syndicales ont fait face des obstacles leur libert dassociation loccasion de la rpression dun mouvement de protestation pacifique en 2011. En outre, celles et ceux qui ont dnonc les violations des droits de lHomme commises loccasion de la rpression de ce mouvement ont t victimes darrestations arbitraires, de menaces et de mesures dintimidation, voire dactes de torture ayant conduit