23

Click here to load reader

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

  • Upload
    meriem

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

OPEN INNOVATION : QUELS ENJEUX POUR LE SECTEUR BANCAIRE? Meriem Haouat Asli De Boeck Supérieur | Innovations 2012/3 - n°39pages 27 à 48

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2012-3-page-27.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Haouat Asli Meriem, « Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ? »,

Innovations, 2012/3 n°39, p. 27-48. DOI : 10.3917/inno.039.0027

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 2: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 27

OPEN INNOVATION :QUELS ENJEUX POUR

LE SECTEUR BANCAIRE ?

Meriem HAOUAT ASLI

ISTEC-ParisISERAM-ISEG

[email protected]

Le secteur financier est un univers particulièrement réglementé et soumisà de nombreuses contraintes imposées par les autorités financières. Il n’estcertes pas aisé d’innover dans de telles conditions. Toutefois, ces obstaclesréglementaires n’ont pas entravé l’innovation financière, et ce pour diversesraisons (Gowland, 1991). En effet, l’innovation peut permettre aux banquesd’augmenter leurs profits en réduisant les coûts de transaction, de rechercheet de marketing (Madan, Soubra, 1991 ; Finnerty, 1992), de faire face à laconcurrence (Storey, Easingwood, 1993), de réduire les risques liés à l’inter-médiation financière (Capelle-Blancard, 2009) – ou plutôt de les transférerà d’autres – ou encore de contourner la réglementation (Silber, 1983 ; Miller,1986 ; Kane, 1986).

Cette innovation financière a été favorisée par le processus de dérégle-mentation intervenu à la fin des années 1980. En effet, le rôle de plus en plusimportant joué par les marchés financiers dans le financement de l’économieet le recul de l’activité bancaire traditionnelle ont incité les banques à inno-ver afin de demeurer un acteur financier incontournable. En outre, les déve-loppements technologiques, notamment en matière de télécommunicationet d’informatique, ont également contribué à l’essor de l’innovation finan-cière, ce qui a profondément transformé l’activité de l’intermédiation finan-cière (Sobreira, 2004).

Ces dernières années, les banques ont de plus en plus recours à l’innova-tion ouverte (open innovation), un modèle d’innovation basé sur des appro-ches partenariales, initialement expérimenté par les firmes non financières(Chesbrough, 2003). Le concept de l’open innovation est fondé sur l’idée queles entreprises peuvent faire appel à d’autres acteurs (équipes de recherche,clients, fournisseurs ou autres entreprises) dans leur processus d’innovation(outside in), mais peuvent également externaliser leurs idées en contribuant

DOI: 10.3917/inno.039.0027

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 3: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

28 n° 39– innovations 2012/3

à l’innovation de partenaires extérieurs (inside out). À titre d’exemples,Natixis a lancé, en 2009, un laboratoire de cash management afin de dévelop-per avec ses clients de nouveaux services (applications sur des smartphones,mise en place de plateformes de dialogue entre clients et experts, etc.) leurpermettant de mieux répondre aux attentes des clients. Dans une secondeétape, cette démarche devra intégrer également d’autres professionnels nefaisant pas partie de l’équipe de trésorerie de Natixis. Pour sa part, WeBank,une banque italienne en ligne, a entamé en 2011 une nouvelle expérimen-tation en la matière, le but étant d’imaginer une application bancaire suriPad avec l’aide d’internautes. Par ailleurs, la banque BNP Paribas s’est asso-ciée avec une filiale du groupe Orange, pour mettre en place un service depaiement et de transfert d’argent par téléphone mobile. L’offre commercialea été lancée, en 2008, en Côte d’Ivoire et le produit a été testé en 2009 auSénégal.

La plupart des expériences d’open innovation mises en avant par les ban-ques – souvent pour des raisons publicitaires – sont relatives aux activitésbancaires de détail. Toutefois, l’innovation ouverte n’est pas limitée auxbanques commerciales. Elle concerne aussi bien les banques de dépôt que lesbanques d’investissement ou les banques d’affaires. Cet article envisage lesecteur bancaire plutôt à travers le retail banking, tout en s’appuyant, dansune dimension prospective, sur l’analyse des innovations financières ayanttouché les activités bancaires d’investissement et de financement. En effet,il est difficile d’isoler les différentes activités bancaires avec la généralisationdes banques universelles exerçant toutes sortes d’opérations bancaires etfinancières. Par ailleurs, il ressort des différentes expériences bancaires enmatière d’open innovation que les banques collaborent très peu entre elles.L’innovation ouverte passe essentiellement par une coopération avec lesclients (notamment via le marketing relationnel) et les entreprises n’exer-çant pas d’activité bancaire. Ainsi, la coopétition 1 n’est pas privilégiée parles banques en matière d’innovation, étant donné le risque élevé de la pertede contrôle de la relation client.

Même si le recours à l’open innovation demeure relativement limité dansle secteur financier, la multiplication récente des expérimentations bancai-res conduit à s’interroger sur les conséquences potentielles de cette appro-che. En particulier, quels avantages peut-on attendre d’un tel processusd’innovation, aussi bien pour la banque que pour ses clients ? Quel est le rôlejoué par l’open innovation face à la mutation de l’environnement de l’indus-

1. Coopétition (association des termes coopération et compétition) : partenariat réalisé avec laconcurrence (Brandenburger, Nalebuff, 1996).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 4: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 29

trie financière ? Quels sont les risques liés à la mise en place de l’innovationouverte étant donné les spécificités du secteur bancaire ?

Cet article est organisé en deux parties. Dans un premier temps, après unbref exposé des spécificités des banques et des particularités de l’innovationfinancière, nous présenterons le modèle développé par Fasnacht (2009a), leseul modèle théorique d’innovation ouverte appliquée au secteur bancairedisponible. Dans un second temps, en se basant sur une analyse critique dece modèle, nous examinerons les avantages et les risques liés à l’ouverture duprocessus d’innovation pour les banques, leurs clients mais aussi en termes destabilité financière. Nous mettrons également l’accent sur les incidences enmatière de réglementation bancaire.

INNOVATION OUVERTE ET INDUSTRIE BANCAIRE

Les recherches en matière d’open innovation se sont concentrées principale-ment sur les industries de pointe. Elles ont largement négligé le secteur ban-caire où l’adoption de l’innovation ouverte n’est qu’à ses débuts.Néanmoins, ces dernières années, de plus en plus d’institutions financièresont mis en place ce concept, offrant un terrain de recherche particulière-ment intéressant. L’étude de l’innovation ouverte dans l’industrie bancairetient compte dans cette perspective des spécificités des banques. Plus préci-sément, les particularités des innovations financières ainsi que leurs effets surl’attrait de l’innovation ouverte dans le secteur bancaire seront analysés dansla deuxième section de cette partie. À notre connaissance, un seul modèlethéorique porte sur l’open innovation dans le secteur bancaire. Ce modèledéveloppé par Fasnacht (2009a) sera exposé dans la troisième section.

Spécificités bancaires

La banque se distingue des autres institutions - financières et non financières- par un certain nombre de caractéristiques et de fonctions qui lui sont pro-pres. Ces particularités bancaires ont valu à la banque un traitement particu-lier, notamment en matière de réglementation.

Exposition au risque systémique

D’abord, l’activité bancaire est exposée au risque systémique. La liquidité ducontrat de dépôt et l’illiquidité du crédit bancaire engendrent une incerti-tude sur les demandes de remboursement des dépôts pouvant rendre les ban-ques vulnérables aux ruées bancaires en période de défiance. En cas de

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 5: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

30 n° 39– innovations 2012/3

panique bancaire (même infondée), tous les déposants demandent le retraitde leurs dépôts, puisque ces derniers sont remboursés au pair et dans l’ordred’arrivée au guichet (premier arrivé, premier servi). Étant donné les spécifi-cités des dépôts et l’asymétrie d’information, la course des déposants aux gui-chets pour retirer leurs dépôts peut s’avérer rationnelle même si elle se basesur une simple rumeur. Ces comportements peuvent entraîner l’insolvabilité– voire la faillite – de la banque qui n’est plus capable de faire face à ses enga-gements. Toutefois, la faillite d’une banque peut provoquer celle d’autresbanques, puisque le secteur bancaire est plus vulnérable à l’instabilité que lesautres secteurs de l’économie. En effet, les banques sont fortement engagéesdans les marchés interbancaires et dans le système des paiements. Étantdonné leur exposition aux risques et aux asymétries d’information, les pro-blèmes rencontrés par une banque peuvent se propager aux autres, condui-sant à une crise systémique (Diamond, Dybvig, 1983). Une telle crise a degraves conséquences pour l’économie, puisqu’elle engendre la destruction dumécanisme des paiements. À cet égard, les banques gèrent l’épargne des per-sonnes physiques et morales et financent la croissance économique. Ellessont indispensables pour le bon fonctionnement de l’économie. L’insolvabi-lité ou la faillite d’une banque peut donc avoir des conséquences considéra-bles sur l’ensemble de l’économie.

Réglementation prudentielle

Les particularités bancaires valent à la banque une réglementation pruden-tielle stricte. Étant donné les coûts considérables occasionnés par les crisessystémiques, des politiques de prévention des crises sont mises en placedepuis le début des années 1970. Les normes et les recommandations dans lecadre de l’accord de Bâle I (1988) puis de Bâle II (2004) et plus récemmentdans le cadre de Bâle III (2010) tentent d’améliorer la gestion des risquesbancaires (Basel Committee on Banking Supervision, 2010) ; des risquesaccentués par la libéralisation financière.

Industrie bancaire en perpétuelle mutation

L’industrie financière est en perpétuelle mutation, une mutation accéléréeces dernières années par la crise des subprimes. Le secteur financier a ainsiconnu une vague de consolidation, notamment le rachat de Bear Stearns parJP Morgan, le rachat de Merrill Lynch par Bank of America ou encore lerachat de Washington Mutual par JP Morgan, en 2008. De surcroît, ces der-nières années, le secteur financier a enregistré des centaines de faillites ban-caires, à l’instar de Lehman Brothers, ainsi que nombreuses nationalisations,telles que celles de Northern Rock, Fortis, Freddy Mac et Fannie Mae. Cesrécents changements stimulent le passage d’un concept d’innovation

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 6: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 31

« fermée » à une innovation ouverte (Fasnacht, 2009a). Les développe-ments qui suivent sont consacrés à l’examen des spécificités des innovationsfinancières (innovations bancaires en particulier) ainsi qu’à l’analyse desdéterminants de l’innovation ouverte dans le secteur de l’intermédiationfinancière.

Attrait de l’open innovation dans le secteur bancaire

D’après l’étude de l’OCDE (2008), l’attrait de l’innovation ouverte dépendde la particularité des structures industrielles et de l’environnement techno-logique des organisations. Cette étude énumère quatre facteurs clés (inspirésde Malerba et Orsenigo, 1993) régissant les possibilités d’innovationouverte :

– les conditions d’opportunité (Cohen, Levin, 1989) reflétant la facilité- ou la difficulté - avec laquelle une organisation peut innover, de manièreincrémentale (progressive) ou radicale (de rupture) ;

– les conditions d’appropriabilité (Cohen, 1995 ; Dosi, 1988) représen-tant le degré de protection de l’avantage né de l’innovation ;

– les conditions de cumulativité des connaissances (Cohen, Levinthal,1989) concernant le point auquel les innovations actuelles servent de baseaux innovations future ;

– et le degré de pluridisciplinarité du savoir (nature des connaissances etleur mode de transmission).

Ces éléments caractérisent le régime technologique et déterminent lechoix stratégique des entreprises innovantes (Malerba, Orsenigo, 1993 ;Malerba, Orsenigo, 1995). Un autre facteur déterminant peut s’ajouter auxprécédents pour l’analyse des opportunités d’innovation ouverte, à savoirl’élément touché par l’innovation : innovation de produit (la mise aupoint d’un nouveau produit), innovation de procédé (meilleure ou nou-velle méthode de production ou de distribution), innovation de marché(nouveaux marchés), innovation de matières premières (nouveaux com-posants) ou innovation organisationnelle (une nouvelle organisation dutravail) 2. Tous ces facteurs ont un rôle décisif dans l’attrait de l’innovationouverte. Quid de l’industrie bancaire ? Dans ce qui suit, nous étudieronsces différents éléments en tenant compte des spécificités de l’innovationbancaire, afin d’évaluer l’intérêt potentiel pour l’innovation ouverte dansce secteur.

2. Typologie des innovations selon Schumpeter (1911).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 7: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

32 n° 39– innovations 2012/3

Typologie schumpetérienne appliquée au secteur bancaire

En ce qui concerne la typologie Schumpetérienne des innovations(cf. supra), elle est difficilement applicable au secteur bancaire étant donnéle caractère hybride des innovations financières. En effet, la majeure partiedes innovations de produit dans le secteur financier découlent d’innovationsde procédé et d’innovations de marché. Une telle situation pousse les ban-ques à rechercher des collaborations extérieures pour se tenir informées detout changement, aussi bien dans le secteur financier (nouvelles réglemen-tations, évolution des besoins des clients, création de nouveaux marchés ouchangement de fonctionnement d’un marché financier déjà existant) quedans tout autre secteur susceptible d’avoir des répercussions sur l’activitébancaire (progrès informatique, nouvelles technologies de communication).

Innovation ouverte dans le secteur bancaire et conditions d’opportunité

Dans le cadre de l’examen des conditions d’opportunité, il s’avère judicieuxde commencer par identifier le degré de continuité des innovations bancairespar rapport à la situation de départ. Certes, les innovations financières sontle plus souvent incrémentales, en réponse à l’évolution de l’environnement(Fasnacht, 2009a). Toutefois, les banques sont capables d’innover demanière radicale (Favre-Bonté et al., 2009). En adoptant un nouvel équipe-ment informatique, une banque peut engendrer une série d’innovations enplusieurs étapes comme le montre la théorie de la diffusion de l’innovationdans les services (Barras, 1986 ; Barras, 1990). Selon cette théorie, le progrèstechnologique engendre, avant tout, des innovations progressives de pro-cédé, augmentant ainsi l’efficacité des banques. Ces innovations sont géné-ralement suivies par d’autres, plus radicales. Enfin, la diffusion technologiquepeut aboutir à des innovations de produits. Ainsi, les banques sont constam-ment à la recherche de partenaires extérieurs pour être au courant des nou-velles évolutions technologiques. L’innovation ouverte est ainsi favorisée parles intermédiaires financiers.

Innovation ouverte dans le secteur bancaire et conditions d’appropriabilité

L’activité bancaire est caractérisée par une quasi-absence de la protection dela propriété intellectuelle. Effectivement, l’innovation financière fait rare-ment l’objet de brevets (le Cash Management Account déposé par MerrillLynch ou encore la carte à puce font partie des rares exceptions). D’un côté,la protection de la propriété intellectuelle est juridiquement difficile à met-tre en œuvre en matière bancaire puisqu’il suffit d’une légère modificationdes caractéristiques du produit financier pour le distinguer du produit d’ori-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 8: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 33

gine. D’un autre côté, la forte mobilité des salariés des firmes bancaires favo-rise la diffusion des expériences, des connaissances d’une banque à l’autre, cequi rend encore plus compliquée la protection des innovations (Fasnacht,2009a). De surcroît, les innovations financières se diffusent facilement àl’échelle internationale. Néanmoins, en matière bancaire, il suffit parfoisd’être le premier à innover pour profiter des retombées financières. Parfoismême, il n’est pas souhaitable de mettre en place des brevets pour des raisonsde réseaux (Gowland, 1991). Dans de telles conditions d’appropriabilité, lesbanques collaborent essentiellement avec leurs clients dans le cadre del’innovation ouverte, limitant ainsi leurs coopérations avec les concurrentsafin de conserver une avance sur leurs rivaux.

Innovation ouverte dans le secteur bancaire et conditions de cumulativité

Il s’avère important d’étudier le rôle des conditions de cumulativité des con-naissances dans l’innovation ouverte. Pour Schumpeter (1911), « En règlegénérale, le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais apparaît à côté de l’ancien, luifait concurrence jusqu’à le ruiner ». Dans quelle mesure la théorie de Schum-peter s’applique-elle au secteur bancaire ?

Contrairement aux innovations industrielles, la mise en place de nou-veaux produits financiers permet de diversifier la gamme de produits déjàexistants sans pour autant engendrer l’obsolescence de ces derniers. En effet,les innovations financières ne disparaissent que rarement : effet de cliquet.Cette caractéristique de l’innovation financière incite les banques à innoverpuisque les nouveaux produits financiers mis en place continuent d’exister,même après le changement des conditions économiques initiales ayant con-tribué à leur création. En particulier, cette longévité des innovations finan-cières favorise l’ouverture du processus de l’innovation des banques,notamment la collaboration avec les clients afin de répondre à l’évolution deleurs besoins. À l’issue de cette analyse des innovations financières, les spé-cificités de ces dernières semblent stimuler les partenariats extérieurs etfavoriser l’innovation ouverte dans le secteur bancaire, particulièrement viala collaboration avec les clients. Le paragraphe qui suit présente le modèledéveloppé par Fasnacht (2009a), qui étudie l’innovation ouverte dansl’industrie bancaire.

Open innovation et industrie bancaire : le modèle de Fasnacht (2009a)

La littérature théorique examinant l’application de l’innovation ouvertedans l’industrie bancaire est très limitée et relativement récente. Fasnacht

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 9: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

34 n° 39– innovations 2012/3

est le premier à mettre en place un modèle spécifique à l’activité bancaire en2009. À notre connaissance, le modèle Fasnacht (2009a) est le seul déve-loppé en la matière jusqu’à présent (Figure 1). Ainsi, il est important d’enexposer les principes.

Figure 1 – Innovation ouverte Fasnacht (2009a)

Ce modèle qui tient compte des changements de l’environnement de labanque (marché, réglementations, clients, technologies, économie, etc.)considère l’open innovation, à la fois, comme un défi et une source d’avanta-ges concurrentiels pour les banques.

Fasnacht (2009a) recommande aux banques d’ouvrir leur modèle d’inno-vation, d’intégrer les nouvelles idées en dehors des frontières de l’entrepriseet de saisir les opportunités de l’innovation ouverte. Pour réussir cette tran-sition, il propose de passer d’une organisation traditionnelle bureaucratiquecentrée sur les produits à une organisation ouverte, flexible et centrée sur lesclients. Le passage d’une innovation fermée à une innovation ouverte impli-que la mise en place de stratégies de transition, de nouvelles pratiques mana-gériales ainsi qu’une culture de l’innovation ouverte.

Le passage d’un modèle classique de l’innovation (fermée) à un modèled’open innovation est une transition particulièrement complexe. Fasnacht(2009a) met l’accent sur les différentes stratégies de transition des banques,leur permettant d’amorcer l’ouverture de leur processus d’innovation aux

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 10: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 35

acteurs extérieurs, tout en mettant le client au centre de la création de lavaleur ajoutée.

D’un côté, de nombreuses banques ont déjà adopté un modèle opération-nel centré sur les produits, en offrant à leur clientèle des produits financiersstructurés ou gérés par des tiers : l’architecture ouverte. L’innovation ouverten’étant pas limitée aux produits, elle peut être ainsi une extension de cemodèle d’architecture ouverte aux connaissances. La transition vers unmodèle ouvert plus avancé implique une collaboration accrue, davantage deflexibilité et des frontières organisationnelles plus perméables.

D’un autre côté, les banques sont de plus en plus nombreuses à prônerune forte intégration des clients afin de répondre davantage à leurs besoins.En effet, différentes méthodes sont mises en place pour mieux connaître lesconsommateurs et identifier leurs besoins. L’organisation de la plupart desfirmes bancaires met désormais le client au centre de toutes ses activités, cequi constitue une autre étape vers le modèle d’innovation ouverte centré surle client, et non pas sur le produit.

Par ailleurs, la perpétuelle mutation de l’environnement des firmes ban-caires a poussé ces dernières à entreprendre des changements organisation-nels. Les formes organisationnelles traditionnelles étaient appropriées à unenvironnement relativement stable, toutefois, elles ne semblent plus adap-tées à l’environnement très concurrentiel de ces dernières années. Les ban-ques ont été poussées à adopter des structures plus flexibles, permettant uneadaptation plus rapide aux changements. Cette transformation affectantl’organisation des banques représente un autre facteur stimulant l’innova-tion ouverte, qui exige une grande flexibilité organisationnelle et de nouvel-les pratiques managériales.

Les nouvelles pratiques managériales dynamiques

Le passage à l’open innovation implique un changement organisationnel radi-cal. Les banques doivent mettre en place de nouvelles pratiques managéria-les. En effet, l’innovation ouverte exige une structure organisationnelleorganique, flexible avec d’importantes capacités d’adaptation. Fasnacht(2009a) souligne l’importance de la dynamique de l’adaptation des banques,en faisant référence à un certain nombre de théories :

– d’abord, le modèle des organisations ambidextres qui considère qu’uneorganisation doit être capable d’innover dans des pistes différentes - exploi-tation de son marché et exploration de nouvelles pistes (O’Reilly, Tushman,2004 ; March, 1991) ;

– ensuite, le concept de l’attitude intrapreneuriale, l’intrapreneuriatétant le processus par lequel un individu s’associe avec une organisation exis-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 11: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

36 n° 39– innovations 2012/3

tante et utilise son savoir-faire afin de générer l’innovation et la créativité ausein de cette même organisation (Sharma, Chrisman, 1999) ;

– enfin, la théorie de l’analyse holiste et systémique de l’industrie qui sup-pose de prendre en considération l’organisation comme un tout et non pascomme la somme de ses différentes parties (service, département, unité, divi-sion, équipe, etc.).

La culture de l’innovation ouverte

La culture d’entreprise – ensemble de valeurs, croyances, mentalités et com-portements partagés par tous les acteurs de l’organisation – est l’un des plusimportants moteurs de l’innovation. Rejetant l’acceptation de l’entreprisecomme étant un simple regroupement de facteurs de production, Fasnacht(2009a) la considère comme une organisation unie par des manières de pen-ser et d’agir. L’adoption d’un modèle d’innovation ouverte est une initiativeindividuelle de la banque qui exige un changement culturel et une modifica-tion des comportements : une culture de l’innovation ouverte.

Alors que la culture organisationnelle procure une identité à l’entreprise,les valeurs de l’innovation ouverte concernent le niveau de partage des con-naissances et de communication au sein de l’organisation. Dans un modèled’open innovation, les banques doivent assurer le passage d’une structurerigide, bureaucratique, basée sur les zones géographiques, les fonctions ou lestypes de produits à une nouvelle organisation, plus décentralisée et moinshiérarchique, centrée sur les clients et les services. En effet, la structure ini-tiale et la culture liée à cette structure hiérarchique ne favorisent pas l’inno-vation.

Ainsi, la culture de l’innovation ouverte prend en considération les con-naissances et les idées individuelles permettant de servir de nouvelles caté-gories de clients (finance islamique, femmes fortunées, etc.), d’offrir desproduits et des services variés et de créer de nouvelles opportunités. Le butest d’établir la confiance aussi bien entre la banque et ses clients, qu’entre lesemployés de la banque. Ces derniers sont en mesure de travailler en groupepour exploiter au mieux leur potentiel. La culture de l’innovation ouverteexige donc d’assurer la transparence, la disponibilité et le partage de l’infor-mation au sein de la banque, en ayant recours à Internet, Intranet, des réu-nions et conférences régulières ou encore des technologies collaborativestelles que GlobeSmart. La culture de l’innovation ouverte favorise leséchanges d’idées. Elle est indispensable au développement des capacitésnécessaires pour l’innovation ouverte. Le principal défi de cette nouvelleculture d’entreprise est de rassurer la clientèle qui considère toujours la con-fidentialité et le secret bancaire comme un facteur déterminant dans leurdécision d’investissement.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 12: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 37

Ce qui suit examine les avantages et les risques de l’ouverture du proces-sus d’innovation des banques aux acteurs extérieurs, ainsi que les incidencesen matière de réglementation prudentielle.

INNOVATION OUVERTE : AVANTAGES ET RISQUES POUR LE SECTEUR BANCAIRE

En examinant l’implémentation de l’open innovation à l’industrie bancaire,Fasnacht (2009a) tente de démontrer que la meilleure option pour les ban-ques, qui évoluent dans un environnement très concurrentiel et en cons-tante évolution, est d’ouvrir leur modèle d’innovation à des partenairesextérieurs et d’être parmi les pionniers afin de saisir les opportunités del’innovation ouverte. Il conclut que les avantages de l’ouverture du processusd’innovation des banques dépassent largement les inconvénients.

Certes, Fasnacht (2009a) évoque brièvement le risque systémique inhé-rent au système financier et la nécessité d’une réglementation prudentielle.Toutefois, il se focalise dans son analyse sur les bénéfices et les risques liés àla mise en place de l’innovation ouverte pour les banques, leurs actionnaireset leurs clients. Il adopte dans son ouvrage une approche managériale, négli-geant l’aspect macroéconomique et les conséquences éventuelles en matièrede stabilité financière. En revanche, dans un article où il aborde la questionde l’innovation ouverte sous un angle macroéconomique, Fasnacht (2009b)souligne le risque systémique accru suite à une transition vers un modèled’innovation ouverte et plaide en faveur d’une réglementation prudentielleplus adéquate.

En s’appuyant sur une analyse critique des arguments avancés par Fas-nacht (2009a), nous tenterons d’examiner les bénéfices et les risques liés àl’adoption du modèle d’innovation ouverte dans le secteur bancaire, ainsique les conséquences en termes de surveillance bancaire.

Open innovation dans le secteur bancaire : atouts et avantages

Au même titre que les autres secteurs, le secteur bancaire tire profit desnombreux avantages de l’innovation ouverte. Nous rappellerons briève-ment, dans un premier paragraphe, les avantages de la collaboration, puisexaminerons, dans un second paragraphe, le cas particulier de l’architectureouverte.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 13: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

38 n° 39– innovations 2012/3

Avantages de la collaboration

Le concept d’innovation ouverte permet l’accès aux savoirs et aux expertisesdes différents partenaires, stimulant l’innovation. Ainsi, l’innovationouverte permet aux banques de gagner du temps, de partager les coûts élevésdes projets de R&D et aussi de mutualiser un risque important dû à l’incerti-tude de l’évolution des marchés.

Fasnacht (2009a) estime que l’innovation ouverte est non seulementindispensable pour améliorer la compétitivité des banques, mais aussi pourassurer la survie de ces institutions dans un environnement de plus en plusconcurrentiel. Il considère également que le modèle d’open innovation est lemeilleur moyen pour créer de la valeur. Par ailleurs, il incite les managers àrepenser leur modèle traditionnel, en assurant plus d’ouverture, davantagede flexibilité et en se focalisant sur les besoins des clients. L’innovationouverte devrait, par conséquent, augmenter l’efficience opérationnelle.

L’architecture ouverte : précurseur en matière d’open innovation

L’architecture ouverte, définie comme étant l’ouverture du réseau de distri-bution des banques aux autres établissements financiers, n’est qu’un aspectde l’open innovation. Elle présente un certain nombre d’avantages pour labanque. En effet, elle permet de contourner la réglementation, en permet-tant un développement des activités (offshore) et la vente des produits finan-ciers à travers un réseau international de succursales. Ce qui est égalementun avantage pour la clientèle, qui aura accès aux produits et services variésde banques différentes à travers un seul point de vente. Un tel avantage per-met à la banque d’augmenter ses revenus, de diversifier ses risques, d’amélio-rer les perspectives de distribution des produits et d’accélérer sa stratégie decroissance, assurant de larges bénéfices aux actionnaires (Fasnacht, 2009a).Le principal défi de l’architecture ouverte relevé par Fasnacht (2009a) con-cerne la force de vente de la banque (la possibilité de vendre davantage lesproduits des tiers plutôt que ses propres produits) et la peur de dépendre dedifférents partenaires pour les produits structurés.

Open innovation dans le secteur bancaire : les risques

De nombreux inconvénients de l’innovation ouverte pèsent sur l’activitébancaire. Les banques – tout comme les firmes industrielles ayant ouvertleurs processus d’innovation – encourent un certain nombre de risques.

D’abord, elles peuvent se retrouver face au risque de perte de contrôle,notamment en cas de comportement opportuniste des partenaires. Une tellesituation peut être à l’origine d’incertitudes concernant le partage des fruitsde la collaboration. Certes, l’innovation ouverte n’exclut pas la protection

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 14: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 39

de la propriété intellectuelle, elle peut même impliquer le versement dedroits de licence considérables (OCDE, 2008), mais elle suppose uneentente, dès le départ, sur les conditions de partage de la propriété intellec-tuelle, des risques et des revenus. Les négociations peuvent s’avérer longues,complexes et onéreuses. L’innovation ouverte peut donc accroître les risquesde fuites des connaissances protégées, en travaillant avec des partenairesextérieurs susceptibles de concurrencer l’entreprise. Ce risque est encoreplus important pour les banques étant donné la quasi-absence de la protec-tion de la propriété intellectuelle. À titre d’exemple, la collaboration avecdes opérateurs de télécommunication ou des constructeurs de téléphonesmobiles peut soulever des interrogations quant au risque de la concurrencepotentielle de ces acteurs susceptibles d’entrer sur le marché des paiementspar téléphone mobile ou par Internet. À ce risque s’ajoutent des difficultésliées à la gestion de l’innovation ouverte, telles que le choix des partenaires,la coordination du travail, le choix du projet, etc.

Dans ce qui suit, nous analyserons les risques de l’innovation ouverted’un point de vue marketing, risques opérationnels et stratégiques, manage-ment et culture d’entreprise ainsi que d’un point de vue prudentiel et régle-mentaire.

D’un point de vue marketing

Dans un marché de plus en plus concurrentiel et étant donné les spécificitésdes produits bancaires (produits similaires et tarification assez homogène), lastratégie marketing des banques est de plus en plus orientée sur la qualité dela relation entretenue avec ses clients (Zollinger, Lamarque, 1999). Ainsi, lemarketing relationnel a été privilégié afin de conquérir une nouvelle clien-tèle et fidéliser la clientèle établie.

Même si les partenariats avec les clients sont souvent mis en avant par lesbanques, notamment pour des motifs publicitaires, les réalisations enmatière d’innovation ouverte visent en priorité l’amélioration des revenusbancaires, via les informations collectées grâce à la gestion de la relationclient (Customer Relation Management). Or, la relation de long terme entrela banque et son client est avant tout basée sur la confiance. C’est probable-ment pour cette raison que les banques ne communiquent pas sur leur ges-tion de la relation client, ni sur l’usage fait des informations confidentiellesles concernant. L’innovation ouverte soulève ainsi le problème lié au secretet à la confidentialité bancaire. Par ailleurs, il est important d’envisager lesrisques liés à la sécurité, une autre source de confiance des clients, suite audéveloppement de l’innovation ouverte. En effet, la multiplication des utili-sateurs pouvant accéder aux données sécurisées exige un niveau supérieur desécurité. L’initiative européenne « open bank project », fondée par Simon

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 15: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

40 n° 39– innovations 2012/3

Redfern et visant l’ouverture des transactions financières à un nombre plusimportant d’individus tout en augmentant la transparence, envisage que lasécurité sera assurée par les experts sécurité des banques en collaborationavec l’ensemble de la communauté open source (logiciel libre).

D’un point de vue des risques opérationnels et stratégiques

L’innovation financière, associée à la complexité des produits financiersstructurés et à la faible rentabilité des placements classiques, a fortementcontribué à la multiplication des fraudes et des escroqueries financières dansla décennie 2000. Certains montages frauduleux (basés sur la pyramide dePonzi consistant à rémunérer les investissements des clients grâce auxapports des nouveaux investisseurs) ont été révélés par la crise des subprimes.Avec la divulgation de nombreux cas de fraudes, de blanchiment d’argent etde corruption, l’affirmation du secrétaire général de l’OCDE – Angel Gurría– lors du Forum européen d’éthique des affaires, « L’innovation financière asacrifié l’éthique des affaires sur l’autel du profit extraordinaire », prend toute sasignification. Le développement de l’innovation ouverte dans le secteurfinancier accentue cette tendance.

Toutefois, le nouveau défi de l’open innovation dans le secteur bancaireconsiste en la mise en place d’un partenariat entre les banques et les autoritéscompétentes, afin d’innover en matière de lutte contre la corruption, le blan-chiment d’argent et la fraude. Une telle collaboration est indispensable pouraméliorer l’éthique des établissements bancaires. Pour relever ce défi de taille,l’innovation en matière d’échange d’informations et de coordination, per-mettant d’augmenter le degré de transparence financière, s’avère indispensa-ble. L’open bank project propose des logiciels de détection de fraude, offrant lapossibilité de contrôler les comptes des organismes ayant reçu des subven-tions publiques et de suivre l’utilisation des dons attribués aux fondations.

D’un point de vue management et culture d’entreprise

Le passage d’une organisation traditionnelle à un mode de travail intrapre-neurial, favorisant l’innovation ouverte, n’est pas sans inconvénients pourles établissements bancaires. Même si le modèle dominant reste bureaucrati-que, les nouvelles orientations organisationnelles des banques soulèvent uncertain nombre de problèmes liés aux risques psychosociaux (matérialisés parles exigences émotionnelles, le degré d’autonomie, l’insécurité, le stress,l’intensité et la durée du travail). Ces risques sont générés par la multiplica-tion des situations de souffrance au travail vécue par les employés qui n’ontpas été suffisamment préparés aux changements. D’un côté, les intrapreneurssont souvent soumis à des forces contradictoires, dans la mesure où les colla-borateurs peuvent agir aussi bien en alliés qu’en ennemis. Par conséquent, ils

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 16: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 41

ont besoin du soutien de leur hiérarchie. D’un autre côté, les intrapreneurssubissent des pressions psychologiques importantes en cas d’échec de leurprojet. Ces derniers peuvent se retrouver seuls et isolés dans une structureorganisationnelle encore rigide, n’arrivant pas à obtenir les moyens humainset matériels dont ils ont besoin (Batac et al., 2008). D’après le collèged’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail(2009), les salariés des banques sont particulièrement concernés par le stressainsi que la quantité et la complexité du travail. Les risques psychosociauxgénérés par les changements organisationnels ont des conséquences négati-ves sur les résultats et la réputation des banques.

D’un point de vue prudentiel et réglementaire

Avant de se focaliser sur la relation entre l’innovation ouverte et la stabilitéfinancière, il serait intéressant d’examiner brièvement les conséquences del’innovation financière sur le secteur financier.

Malgré les nombreuses études menées sur les avantages et les risqueséventuels de l’innovation financière, un consensus est loin d’être établi en lamatière. Les avis sur les bénéfices et les inconvénients de l’innovation finan-cière sont largement partagés. Il s’avère que l’innovation dans le secteurfinancier est une arme à double tranchant. Certes, elle contribue à l’amélio-ration de l’efficacité des systèmes financiers. Cependant, elle risque d’aug-menter l’instabilité financière et d’accentuer la fragilité du système bancaire(Rajan, 2006).

Si la plupart des auteurs s’accordent à dire que l’innovation financière ades conséquences, à la fois positives et négatives, les avis divergent lorsqu’ils’agit de conclure en ce qui concerne l’impact net de l’innovation. Pour cer-tains, l’innovation financière procure des gains considérables en termes debien-être social, étant donné son rôle important dans l’amélioration de laperformance de l’économie réelle (Merton, 1992). En se focalisant surl’innovation dans le cadre du marché hypothécaire, certains auteurs mettenten évidence la baisse des taux d’emprunt ayant suivi la mise en place de latitrisation (Hendershott, Shilling, 1989 ; Sirmans, Benjamin, 1990). Évi-demment, ces études ont été réalisées bien avant la crise des subprimes et parconséquent, elles n’ont pas pu tenir compte des conséquences néfastes de latitrisation des crédits hypothécaires. Pour d’autres, l’innovation financièreprésente des risques significatifs. Elle a de nombreuses conséquences sur lastabilité financière (Hu, 1995 ; Huang, 2000).

L’innovation financière peut donc compromettre la stabilité financière,toutefois ce risque peut être accentué avec le développement de l’innovationouverte. En effet, les liens entre les différents acteurs étant resserrés, un pro-blème affectant une banque peut être facilement transféré à une autre ban-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 17: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

42 n° 39– innovations 2012/3

que, accentuant le risque systémique. La globalisation financière et ledéveloppement de réseaux mondiaux d’innovation ouverte permettent unediffusion des risques à l’échelle internationale.

Fasnacht (2009a) met l’accent sur les avantages de l’architecture ouvertepour la banque et ses clients (cf. supra). Toutefois, l’utilisation des produitsstructurés par d’autres banques peut engendrer une perte de contrôle de lacomposition du produit. La titrisation des subprimes est l’illustration d’un telrisque ; une innovation ayant initialement pour but de disperser les risqueset qui a finalement abouti à un partage des pertes. Présenté comme un avan-tage pour les banques par Fasnacht (2009a), le fait d’esquiver les contraintesréglementaires accentue davantage ces risques.

L’application du concept de l’innovation ouverte à l’industrie bancairesans mettre en place les réglementations adéquates peut avoir des consé-quences désastreuses, au même titre que la titrisation des subprimes.

L’innovation ouverte accentue le lien entre les différentes institutionsfinancières, notamment des banques concurrentes. En effet, la collaborationest la base du développement et de la distribution des innovations financiè-res. Néanmoins, une telle connexion entre les différents acteurs financiers adéjà contribué à répandre les problèmes économiques et financiers, auniveau régional voire mondial, lors des différentes crises financières. Il estimportant de souligner, comme le note Fasnacht (2009a), que la vulnérabi-lité est due, non pas au réseau de partenaires, mais à la forte complexité dusystème financier, à sa globalisation et à la difficulté de gérer les risques liésà un modèle ouvert.

La limitation des risques systémiques potentiels passe par la mise en placede mesures adéquates, à savoir des réglementations appropriées. Nous exami-nerons dans ce qui suit les conséquences éventuelles en termes de réglemen-tation prudentielle du risque systémique lié à l’innovation ouverte dans lesecteur financier.

Incidences en matière de réglementation prudentielle

Afin de limiter le risque systémique inhérent à l’activité des banques, leComité de Bâle sur le Contrôle Bancaire (CBCB) met en place régulière-ment depuis sa création des normes bancaires, dans le but d’améliorer le dis-positif prudentiel.

Le point sur la réglementation prudentielle

Afin d’assurer la stabilité du système bancaire international, l’accord de BâleI (1988) a imposé aux banques un ratio minimum de fonds propres égal à

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 18: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 43

8 % : ratio Cooke 3. Ce ratio n’était qu’un point de départ pour la réglemen-tation prudentielle, montrant rapidement ses limites et faisant face à denombreuses critiques, particulièrement en ce qui concerne l’évaluation desrisques bancaires. Ces insuffisances du premier accord de Bâle ont poussé,dans un premier temps, les autorités de réglementation à l’amendement del’accord initial, puis à une révision en profondeur, aboutissant aux accords deBâle II (2004). D’une part, ces nouveaux accords visaient à mieux estimer lesrisques bancaires, notamment en incorporant les risques de taux, les risquesde marché et les risques opérationnels dans le calcul du nouveau ratio defonds propres : ratio McDonough (pilier 1). D’autre part, les accords de BâleII avaient pour but d’imposer un processus de surveillance prudentielle(pilier 2), permettant aux autorités de contrôle d’exiger des réglementationsplus contraignantes que celles proposées par le premier pilier, et un dispositifde transparence, visant en particulier la publication des informations desbanques (pilier 3).

Toutefois, la réforme de Bâle II, censée pallier les insuffisances desaccords de Bâle I, s’est avérée inefficace face à la crise des subprimes. Cettecrise financière a mis en évidence les défauts de l’accord de Bâle II. En effet,la réglementation n’a pas réussi à détecter le risque de crédit et a complète-ment négligé le risque d’illiquidité. Un tel échec a débouché sur un troisièmeaccord : Bâle III (2010).

Ce nouvel accord, mis en place par le comité de Bâle (Basel Committee onBanking Supervision, 2010), vise à consolider la solvabilité des institutionsbancaires, en relevant le ratio de solvabilité 4 et en renforçant la qualité desfonds propres 5. En outre, Bâle III introduit deux ratios de liquidité : le Liqui-dity Coverage Ratio (LCR), permettant aux banques de faire face à une crisede liquidité aigüe pendant un mois, et le Net Stable Funding Ratio (NSFR)leur permettant de résister à une crise pendant une année. Par ailleurs,l’accord a pour objectif de définir un ratio d’effet de levier (rapport entre lesfonds propres et le total bilan) comme mesure améliorant les exigences enfonds propres. Enfin, dans le but de réduire le risque systémique, le comité deBâle envisage de mettre en place une surveillance renforcée et une surchargeen capital additionnelle pour les institutions bancaires dites « systémiques ».Ces dernières se distinguent notamment par leur taille et le degré de l’inter-connexion avec les autres institutions.

3. Ratio Cooke : rapport entre les fonds propres d’une banque et l’ensemble des engagements decrédits pondérés par des coefficients dans le but de refléter de risque de crédit.4. Le ratio Core Tier 1 (noyau dur du capital des banques) est passé de 2 % (Bâle II) à 4,5 % (BâleIII) avec en plus un matelas de protection supplémentaire de 2,5 %.5. Restriction des types d’actifs pouvant faire partie des fonds propres de base.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 19: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

44 n° 39– innovations 2012/3

Certes, la réforme bancaire de Bâle III constitue une étape importantedans la lutte contre la prise de risque excessive des banques. Toutefois, cesmesures semblent insuffisantes étant donné l’enjeu. De surcroît, le calendrierd’application de cette réforme est étalé jusqu’à 2019, ce qui ralentit l’entréeen vigueur des nouvelles normes plus strictes. Certaines mesures sont encoreen discussion et ne sont pas définitivement fixées. Outre les critiques sou-vent adressées à cette nouvelle réforme prudentielle en ce qui concerne lesconséquences potentielles sur le financement de l’économie (FédérationBancaire Française FBF, 2010), de nombreuses interrogations peuvent êtresoulevées concernant l’efficacité des nouvelles réglementations en matièrede stabilité financière. Dans quelle mesure cette nouvelle réforme améliore-t-elle la stabilité financière, particulièrement avec l’essor de l’innovationouverte dans le secteur financier ?

Incidences en matière de réglementation prudentielle

Avec le développement de l’innovation ouverte dans le secteur financier,une collaboration internationale est indispensable pour élaborer des règlesprudentielles plus sévères, en particulier en matière de transparence. Eneffet, le troisième pilier des accords de Bâle II visant à améliorer la transpa-rence dans la communication des établissements financiers n’a pas pu éviterl’expansion de produits financiers structurés complexes et opaques, ayantmené à une crise financière mondiale. Il est donc indispensable de pallier lesinsuffisances du dispositif de Bâle II et de renforcer la transparence, en par-ticulier avec le développement de l’innovation ouverte dans le secteurfinancier. Les accords de Bâle III n’apportent pas de résolutions efficacespour remédier aux problèmes liés au manque de transparence. Une solutionest pourtant nécessaire pour la mise en place d’un cadre réglementaire favo-risant l’innovation ouverte dans le secteur bancaire.

Au-delà de la transparence, des considérations d’ordre systémique peu-vent être soulevées dans le cadre d’une réglementation bancaire intervenantdans un contexte où les banques commencent à expérimenter l’innovationouverte. Un des apports de Bâle III est d’introduire une dimension macro-prudentielle pour faire face au risque systémique, répondant aux critiquesadressées aux accords de Bâle II (Rochet, 2008). Ces derniers, ayant uneorientation microprudentielle (normes focalisées sur la capitalisation desbanques individuelles), se sont avérés incapables de gérer l’innovationfinancière et d’anticiper le risque systémique. Le nouvel accord tente d’yremédier en mettant en place des mesures réduisant la procyclité, notam-ment via des matelas de protection supplémentaire, qui doivent être consti-tués dans les phases d’expansion des crédits. D’un autre côté, le comité deBâle propose des calibrations différentes des risques, en fonction du degré

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 20: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 45

d’exposition de l’établissement financier au risque systémique. Ces mesuressont essentielles dans la lutte contre le risque systémique, même si les normesne sont pas encore définies avec précision et les modalités sont encore endiscussion. Une telle approche macroprudentielle semble, par ailleurs, diffi-cilement applicable en pratique. En effet, dans la plupart des cas, les banquesréussissent à mettre en place de nouvelles innovations financières pour faireface aux changements réglementaires entrepris par le comité de Bâle (Blun-dell-Wignall, Atkinson, 2010).

En outre, le renforcement des règles prudentielles pour les seules banquessemble insuffisant. Il est donc essentiel d’étendre les contraintes réglemen-taires à d’autres partenaires des banques, notamment les acteurs pouvantexercer des activités concurrentes (Blundell-Wignall, Atkinson, 2010). Desurcroît, un contrôle renforcé est indispensable pour s’assurer de l’applica-tion rigoureuse des normes adoptées.

La réforme de Bâle III est indéniablement une étape très importante dansl’amélioration de la réglementation bancaire, toutefois les normes pruden-tielles ne sont qu’un aspect de la politique à adopter afin de favoriser la sta-bilité financière. Les politiques monétaire et budgétaire sont également aucentre du dispositif permettant de limiter les risques financiers. À cet égard,la Banque des Règlements Internationaux souligne l’importance des politi-ques économiques pour atteindre cet objectif (BRI, 2010).

CONCLUSION

Ces dernières années, les banques ont de plus en plus recours à l’innovationouverte, ce qui conduit à s’interroger sur les conséquences potentielles decette approche sur le secteur financier. Il ressort de cet article que l’innova-tion ouverte offre de nombreuses opportunités aux banques. Toutefois, elleprésente des risques significatifs en matière de stabilité financière. Bien quel’innovation ouverte ait de nombreux avantages en termes de gain de tempset de partage des connaissances, des coûts et des risques, une forte intercon-nexion entre les banques, associée à une forte complexité des produits finan-ciers, peut mener à une situation incontrôlée, et par conséquent à un risquesystémique accru.

Ce risque est susceptible d’être limité par la mise en place d’une régle-mentation adéquate. La réforme de Bâle III est certes une étape importantedans le renforcement de la stabilité financière, néanmoins elle semble insuf-fisante. L’élaboration de normes prudentielles plus contraignantes a pourobjectif de mettre en place un nouveau cadre réglementaire permettantd’atténuer les risques, tout en permettant aux banques de saisir les opportu-

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 21: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

46 n° 39– innovations 2012/3

nités offertes par l’innovation ouverte afin de faire face à la concurrence etaux changements de l’industrie bancaire, puisqu’au final, comme l’affirmeCharles Darwin (1809-1882), « c’est ceux qui ont appris à collaborer et à impro-viser le plus efficacement qui l’ont emporté ».

BIBLIOGRAPHIE

BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX (2010), 80e Rapport annuel, Bâle.

BARRAS, R. (1986), Towards a theory of innovation in services, Research Policy, 15 (4),161-173.

BARRAS, R. (1990), Interactive innovation in financial and business services: The van-guard of the service revolution, Research Policy, 19, 215-237.

BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION (2010), Basel III: A global regula-tory framework for more resilient banks and banking systems, Basel Committee on BankingSupervision Publications, Bank for International Settlements, December (rev June 2011).

BATAC, J., MAYMO, V., PALLAS, V. (2008), L’intrapreneuriat dans les établissementsbancaires : étude du rôle des middle-managers, Revue du Financier, mars-avril.

BLUNDELL-WIGNALL, A., ATKINSON, P. (2010), Thinking Beyond Basel III: Neces-sary Solutions for Capital and Liquidity, OECD Journal: Financial Market Trends, 1.

BRANDENBURGER, A, NALEBUFF, B. (1996), La co-opétition: une révolution dans lamanière de jouer concurrence et coopération, Paris, Village mondial.

CAPELLE-BLANCARD, G. (2009), Les marchés dérivés sont-ils dangereux ?, Revue éco-nomique, 60 (1), 157-171.

CHESBROUGH, H. (2003), Open Innovation: The New Imperative for Creating and Profitingfrom Technology, Harvard Business School Press.

COHEN W.M., LEVIN, R. C. (1989), Empirical studies of innovation and market struc-ture, Handbook of Industrial Organization, 2, 1059-1107.

COHEN, W. M., LEVINTHAL, D. A. (1989), Innovation and Learning: The two faces ofR&D, The Economic Journal, 99 (397), 569-596.

COHEN, W. M. (1995), Empirical Studies of Innovative Activity, in P. Stoneman (ed.),Handbook of the Economics of Innovation and Technological Change, 2, Oxford: Blackwell.

DIAMOND, D., DYBVIG, P. (1983), Bank runs, deposit insurance and liquidity, Journal ofPolitical Economic, 3 (91), 401-419.

DOSI, G. (1988), Sources, procedures, and microeconomic effects of innovation, Journal ofEconomic Literature, 26, 1120–1171.

FASNACHT, D. (2009a), Open Innovation in the Financial Services: Growing Through Open-ness, Flexibility and Customer Integration, Springer.

FASNACHT, D. (2009b), Offene Geschäftsmodelle als Mitauslöser der globalen Finan-zkrise: Chancen und Risiken von Open Innovation in der Finanzbranche, Neue ZürcherZeitung, January.

FAVRE-BONTE, V., GARDET, E., THEVENARD-PUTHOD, C. (2009), Gestion desinnovations : le cas d’une caisse régionale du Crédit Agricole, Gestion, Revue Internationalede gestion, 34 (1), 10-19.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 22: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

n° 39– innovations 2012/3 47

FÉDÉRATION BANCAIRE FRANÇAISE (2010), Bâle : mesurer les impacts sur l’écono-mie, La lettre de la profession bancaire, actualité bancaire, 545, mai.

FINNERTY, J. D. (1992), An overview of corporate securities innovation, Journal ofApplied Corporate Finance, 4 (4), 23-39.

GOWLAND, D. (1991), Financial innovation in theory and practice, in Surveys in Mone-tary Economics, 2, Financial Markets and Institutions, in Green, C. J., D. T. Llewellyn (eds),Blackwell, Oxford.

HENDERSHOTT, P. H., SHILLING J. D. (1989), The impact of agencies on conventionalfixed-rate mortgage yields, Journal of Real Estate Finance and Economics, 2, 101-115.

HU, H. T. C. (1995), Hedging expectations: Derivative reality’ and the law and finance ofthe corporate objective, Texas Law Review, 73 Tex. L. Rev. 985.

HUANG, P. (2000), A normative analysis of new financially engineered derivatives,Southern California Law Review, 73, 471-521.

KANE, E. J. (1986), Technology and the regulation of financial markets in Technology andthe regulation of financial markets: Securities, Futures and Banking. A. Saunders and L. J.,White, eds. Lexington Books, Lexington, MA.

MADAN, D., SOUBRA, B. (1991), Design and marketing of financial products, Review ofFinancial Studies, 4 (2), 361-384.

MALERBA, F., ORSENIGO, L. (1993), Technological regimes and firm behavior, Indus-trial and Corporate Change, 2, 1, 45-74.

MALERBA, F., ORSENIGO, L. (1995), Schumpeterian patterns of innovation, CambridgeJournal of Economics, 19 (1), 47-65.

MARCH, J. G. (1991), Exploration and Exploitation in Organizational Learning, Organi-zation Science, 2 (1), 71-87.

MERTON, R. C. (1992), Financial innovation and economic performance, Journal ofApplied Corporate Finance, 4 (4), 12-22.

MILLER, M. H. (1986), Financial innovation: The last twenty years and the next, Journalof Financial and Quantitative Analysis, 21 (4), 459-471.

OCDE (2008), Innovation ouverte dans des réseaux mondiaux, Les Synthèses de l’OCDE,décembre.

O’REILLY, C. A., TUSHMAN, M. L. (2004), The ambidextrous organization, HarvardBusiness Review, April, 74-81.

RAJAN, R. (2006), Has financial development made the world riskier?, European FinancialManagement, 12 (4), 499-533.

ROCHET, J. C. (2008), Le futur de la réglementation bancaire, TES notes, 2, décembre.

SCHUMPETER, J. A. (1911), Théorie de l’évolution économique : recherches sur le profit, lecrédit, l’intérêt et le cycle de la conjoncture, traduit de l’allemand par Jean-Jacques Anstett,Paris, Dalloz, 1999.

SHARMA, P., CHRISMAN, J. J. (1999), Toward a reconciliation of the definitional issuesin the field of corporate entrepreneurship, Entrepreneurship Theory and Practice, 23 (3), 11-28.

SILBER, W. (1983), The process of financial innovation, American Economic Review, 3 (2),89-95.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur

Page 23: Open innovation : quels enjeux pour le secteur bancaire ?

Meriem Haouat Asli

48 n° 39– innovations 2012/3

SIRMANS, C. F., BENJAMIN, J. D. (1990), Pricing fixed rate mortgages: Some empiricalevidence, Journal of Financial Services Research, 4, 191-202.

SOBREIRA, R. (2004), Innovation financière et investissement. Le cas de la titrisation,Innovations. Cahiers d’économie de l’innovation, 19, 115-130.

STOREY, C., EASINGWOOD, C. (1993), The impact of new product development pro-ject on the success of financial services, The Service Industries Journal, 13 (3), 40-54.

ZOLLINGER, M., LAMARQUE, E. (1999), Marketing et stratégie de la banque, 3e édi-tion, Paris, Dunod.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Que

en's

Uni

vers

ity -

-

130.

15.2

41.1

67 -

18/

05/2

013

20h5

7. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - Queen's U

niversity - - 130.15.241.167 - 18/05/2013 20h57. © D

e Boeck S

upérieur