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organisation et fonctionnement Connaître et comprendre le sol © Éducagri éditions 2010 1 L’utilisation raisonnable du sol, qui en garantit la conservation dans le temps, suppose d’en connaître le fonctionnement et donc la composition. La motte de terre est composée de solides, minéraux ou organiques, ainsi que d’éléments liquides et gazeux dans les pores et fissures. Constituants élémentaires La fraction solide minérale du sol provient de l’altération de la roche mère. Elle en reflète la composition. Le silicium est l’élément présent en plus grande quantité. L’aluminium, le fer et le calcium sont en quantité moindre, comme le potassium, le phosphore et le soufre, éléments nutritifs des plantes. Dérivés de l’altération des micas, les minéraux argileux, sont des silico-aluminates organisés en feuillets empilés, constitués eux-mêmes de la superposition de couches de silice, tétraédriques et de couches d’alumine, octaédriques. Les surfaces développées sont considérables et présentent des charges électriques à l’origine de forces de liaison qui interviennent dans la structuration du sol et la rétention d’ions. Les minéraux argileux jouent un rôle important dans l’organisation et le fonctionnement du sol. Les smectites sont des argiles qui gonflent en absorbant de l’eau. Le retrait au dessèchement entraîne parfois des perturbations graves sur les constructions. La composition granulométrique correspond à la répartition par taille des constituants minéraux. Dans l’échelle la plus courante en France, les constituants de la terre fine sont répartis en 5 classes : les argiles de taille inférieure à 2 micromètres, les limons fins entre 2 et 20 micromètres, les limons grossiers entre 20 et 50 micromètres, les sables fins entre 50 et 200 micromètres et les sables grossiers entre 200 et 2 000 micromètres, soit 2 mm. Au-delà de 2 mm, on parle d’éléments grossiers. La proportion relative de chaque classe granulométrique influence le comportement d’ensemble du sol, on parle alors de texture. Un sol sableux est généralement filtrant, un sol argileux est très dur à l’état sec, alors qu’un sol limoneux est sensible à la formation de croûtes de battance. La texture se détermine en reportant la composition granulométrique sur un triangle de texture ou par trituration manuelle. Un toucher rugueux est ressenti avec un sol à dominante sableuse, un sol limoneux donne un toucher onctueux comme la farine, alors qu’un sol argileux humide est collant et résistant à la pression mais déformable comme la pâte à modeler. La fraction organique du sol est répartie entre des organismes animaux et végétaux, vivants ou morts, et des produits de décomposition. Les déchets organiques qui arrivent sur le sol, résidus de récolte, fumiers, excréments d’animaux, feuilles mortes, nourrissent les organismes vivants du sol. Cette matière organique, dite fraîche est progressivement dégradée et transformée en humus qui se lie à la partie minérale. Cette association entre matière minérale et organique, unique dans la nature, est une caractéristique de l’horizon de surface du sol. La structure moléculaire des substances humiques est mal connue. Elles sont formées de longs polymères avec de nombreuses terminaisons libres qui sont autant de points de liaison. Les poids moléculaires varient de 500 à plus de 100 000. Une partie de l’eau des précipitations ruisselle en surface, le reste pénètre dans le sol. Une partie de l’eau infiltrée est alors drainée en profondeur à travers les pores les plus gros. La vitesse d’écoulement de l’eau dépend de la perméabilité de chaque horizon. Le reste, retenu dans les pores plus fins sert à l’alimentation des plantes, elle constitue la réserve utile en eau. L’eau présente dans le sol contient des sels dissous et constitue la solution du sol. Elle sert de vecteur pour le déplacement des éléments nutritifs vers les racines des végétaux.

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L’utilisation raisonnable du sol, qui en garantit la conservation dans le temps, suppose d’en connaître le fonctionnement et donc la composition. La motte de terre est composée de solides, minéraux ou organiques, ainsi que d’éléments liquides et gazeux dans les pores et fissures.

Constituants élémentaires

La fraction solide minérale du sol provient de l’altération de la roche mère. Elle en reflète la composition. Le silicium est l’élément présent en plus grande quantité. L’aluminium, le fer et le calcium sont en quantité moindre, comme le potassium, le phosphore et le soufre, éléments nutritifs des plantes.

Dérivés de l’altération des micas, les minéraux argileux, sont des silico-aluminates organisés en feuillets empilés, constitués eux-mêmes de la superposition de couches de silice, tétraédriques et de couches d’alumine, octaédriques. Les surfaces développées sont considérables et présentent des charges électriques à l’origine de forces de liaison qui interviennent dans la structuration du sol et la rétention d’ions. Les minéraux argileux jouent un rôle important dans l’organisation et le fonctionnement du sol. Les smectites sont des argiles qui gonflent en absorbant de l’eau. Le retrait au dessèchement entraîne parfois des perturbations graves sur les constructions.

La composition granulométrique correspond à la répartition par taille des constituants minéraux. Dans l’échelle la plus courante en France, les constituants de la terre fine sont répartis en 5 classes : les argiles de taille inférieure à 2 micromètres, les limons fins entre 2 et 20 micromètres, les limons grossiers entre 20 et 50 micromètres, les sables fins entre 50 et 200 micromètres et les sables grossiers entre 200 et 2 000 micromètres, soit 2 mm. Au-delà de 2 mm, on parle d’éléments grossiers.

La proportion relative de chaque classe granulométrique influence le comportement d’ensemble du sol, on parle alors de texture. Un sol sableux est généralement filtrant, un sol argileux est très dur à l’état sec, alors qu’un sol limoneux est sensible à la formation de croûtes de battance.

La texture se détermine en reportant la composition granulométrique sur un triangle de texture ou par trituration manuelle. Un toucher rugueux est ressenti avec un sol à dominante sableuse, un sol limoneux donne un toucher onctueux comme la farine, alors qu’un sol argileux humide est collant et résistant à la pression mais déformable comme la pâte à modeler.

La fraction organique du sol est répartie entre des organismes animaux et végétaux, vivants ou morts, et des produits de décomposition. Les déchets organiques qui arrivent sur le sol, résidus de récolte, fumiers, excréments d’animaux, feuilles mortes, nourrissent les organismes vivants du sol. Cette matière organique, dite fraîche est progressivement dégradée et transformée en humus qui se lie à la partie minérale. Cette association entre matière minérale et organique, unique dans la nature, est une caractéristique de l’horizon de surface du sol.

La structure moléculaire des substances humiques est mal connue. Elles sont formées de longs polymères avec de nombreuses terminaisons libres qui sont autant de points de liaison. Les poids moléculaires varient de 500 à plus de 100 000.

Une partie de l’eau des précipitations ruisselle en surface, le reste pénètre dans le sol. Une partie de l’eau infiltrée est alors drainée en profondeur à travers les pores les plus gros. La vitesse d’écoulement de l’eau dépend de la perméabilité de chaque horizon. Le reste, retenu dans les pores plus fins sert à l’alimentation des plantes, elle constitue la réserve utile en eau. L’eau présente dans le sol contient des sels dissous et constitue la solution du sol. Elle sert de vecteur pour le déplacement des éléments nutritifs vers les racines des végétaux.

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Les racines et les micro-organismes du sol ont un besoin vital d’oxygène qui provient de l’air présent dans le sol. En contre-partie ce dernier s’enrichit en gaz carbonique. Le renouvellement de l’atmosphère du sol est donc indispensable au bon fonctionnement biologique et à l’absorption de l’eau et des éléments nutritifs par les racines.

Lorsque la porosité ne contient que de l’eau, le sol est dit saturé. Il est asphyxié. Les variations des conditions d’oxydoréduction se marquent à travers des changements de couleur liés au fer. En condition oxydante, le fer est de couleur rouge à jaune et insoluble. En condition réductrice, il est de couleur bleu à vert et soluble. L’asphyxie du sol provoque la mise en solution du fer et le déplacement avec l’eau. Le retour à des conditions d’aération normales entraîne une précipitation sur place. On observe ainsi l’apparition de zones du sol alternativement décolorées et colorées en rouge ou ocre. Dans certains cas le fer précipite sous forme métallique en revêtements noirs, ou en concrétions sphériques, dites en plomb de chasse.

Propriétés du sol

Les constituants solides du sol se répartissent entre éléments inertes, sable et limon et éléments colloïdaux, argile et humus. Ces derniers développent des forces de liaison qui réunissent l’ensemble des constituants en édifices cohérents dits agrégats. Cette organisation définit la structure du sol qui est caractérisée par la densité, la forme et la taille des agrégats. Ils sont eux-mêmes assemblés en mottes. Les alternances climatiques, sécheresse-humidité ou gel-dégel, l’activité biologique et le travail du sol contribuent à la construction de la structure. L’éclatement de la motte de terre sèche plongée dans l’eau, et le rebond de la terre entraînée par l’eau sur le panneau traduisent des mécanismes de destruction de la structure du sol.

La porosité et la cohésion du sol sont des propriétés physiques du sol conséquences de la structure.

L’agencement d’éléments de tailles et formes différentes ménage des vides qui constituent la porosité. Elle permet l’implantation des racines ainsi que le déplacement et le stockage de l’eau et de l’air. Une répartition équilibrée de ces deux fluides conditionne l’activité biologique du sol et le développement des végétaux.

La cohésion permet au sol de résister aux pressions extérieures comme le roulage ou le passage des animaux. Elle diminue aux fortes humidités entraînant la formation d’ornières au passage d’engins. La cohésion du sol se concrétise à travers l’énergie consommée pour réaliser le travail du sol.

La température varie au cours de l’année. La diffusion de la chaleur en profondeur dépend de la composition du sol, en particulier de la teneur en eau dont la chaleur massique est 5 fois supérieure à celle du sable. Ce stock de chaleur est important pour la conservation de la vie du sol en hiver. Le décalage dans le temps des températures entre la surface et la profondeur, ainsi que la réduction des variations saisonnières en profondeur, sont exploités dans les dispositifs de chauffage géothermique.

Le complexe organo-minéral, formé par l’association de la matière organique et des argiles, fixe des ions par adsorption. La capacité d’échange des cations, ou C.E.C., désigne cette propriété. La valeur est généralement exprimée en milliéquivalent pour 100 grammes de terre. La garniture ionique, en équilibre avec la solution du sol, est variable. Les échanges se font à valence équivalente et les ions sont plus ou moins retenus suivant leur nature. Les cations calcium, potassium, magnésium et sodium sont dits basiques. Les cations hydrogène et aluminium sont qualifiés d’acides. Le calcium, comme le fer, permet de lier les composés organiques à l’argile.

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Ils sont donc des facteurs importants de la stabilité structurale. Le chaulage améliore la structure en favorisant la fixation d’ions calcium. Le pH traduit le degré d’acidité du sol. Il reflète l’ambiance physico-chimique du sol qui influence la solubilité des éléments minéraux, le comportement des argiles, mais aussi l’absorption d’éléments nutritifs par les plantes.

L’activité biologique du sol qui traduit la capacité des organismes du sol à dégrader la matière organique, dépend directement des conditions écologiques. Nourriture, humidité, énergie et chaleur sont indispensables aux micro-organismes. L’observation attentive d’une litière forestière montre les étapes de la transformation des feuilles. Après une destruction mécanique réalisée par les insectes, suivie d’une colonisation par des filaments de champignons puis d’une digestion par des microorganismes, les organes originaux ne sont plus identifiables dans le matériau noir final.

Des plus gros, insectes et vers de terre, aux plus petits, champignons et bactéries, les organismes vivants du sol constituent une chaîne trophique qui détruit progressivement les grosses molécules originelles et forment les constituants nouveaux de l’humus. Cette phase rapide de quelques mois, est suivie d’une phase de minéralisation de l’humus, très lente étalée sur plusieurs années. Azote et carbone sont ainsi libérés dans le milieu à partir des composés organiques du sol. L’activité biologique est un facteur primordial de la qualité du sol.

Le sol : un système en équilibre

La distinction entre propriétés physiques, chimiques et biologiques permet une approche simple du fonctionnement du sol. Il reste toutefois un système dans lequel les interactions sont nombreuses. Ainsi la structure commande la porosité du sol, donc l’humidité et l’aération, qui définissent elles-mêmes les conditions de l’activité biologique, donc l’évolution des matières organiques qui participent à la formation de la structure. L’équilibre ainsi obtenu reste fragile.

Au-delà des sujets liés à l’agriculture on perçoit clairement le rôle du sol dans les questions environnementales qui portent sur la pollution des eaux ou l’émission de gaz à effet de serre.