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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2011 - Vol. 5 - N°2 Pour la pratique 165 © 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Correspondance : Caroline Martineau 8 J, rue Colbert 31400 Toulouse [email protected] C. Martineau Service diététique, CHU de Toulouse. Outils d’évaluation des consommations alimentaires : les calories et au-delà ! Evaluation of foods consumption: Counting calories is not enough! Résumé Cet article présente quelques outils et méthodes d’évaluation des consommations et du comportement alimentaires permettant de cerner les prises alimentaires des patients en surcharge pondérale, obèses, diabétiques ou présentant d’autres trou- bles métaboliques. Mots-clés : Évaluation – ingesta – comportement alimentaire. Summary This paper presents some tools allowing to evaluate food consumption and eating behavior mainly in overweight, obese, diabetic patients and some other metabolic disorders. Key-words: Evaluation – food consumption – eating behavior. la pratique quotidienne des diététiciens, pour évaluer les apports nutritionnels. Rappel des consommations alimen- taires sur les 24 dernières heures ou description d’une journée alimentaire standard (tableau I). Cette méthode per- met au patient de définir ses consom- mations alimentaires chronologiquement dans la journée. Le rappel repas par repas est certes un bon guide pour mener l’entretien, mais il laisse dans l’ombre les consommations extra-pran- diales, très fréquentes. Dans le cadre de l’adaptation des méthodes d’évaluation au contexte de prise en charge nutrition- nelle et éducative, celle-ci peut suffire. Bien souvent, cette technique doit être complétée par un recueil de données plus large. Elle doit également porter sur les habitudes de consommation, mais aussi d’achat et de préparations culi- naires ( tableau II ). Ce guide permet d’évaluer les consommations alimentaires Introduction L’évaluation des consommations alimen- taires est une étape à la démarche en soin diététique. Elle doit permettre l’es- timation quantitative et qualitative des apports nutritionnels d’une personne [1]. Selon la pathologie présentée par la per- sonne soignée et les objectifs de prise en charge diététique, l’évaluation des consommations sera orientée par le soi- gnant. Concernant les maladies métabo- liques, l’évaluation des consommations alimentaires (quantitative et qualitative) doit être accompagnée d’une évaluation du comportement alimentaire. Évaluation des consommations alimentaires Il existe plusieurs techniques, bien connues et largement présentes dans

Outils d’évaluation des consommations alimentaires : les calories et au-delà !

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Médecine des maladies Métaboliques - Avril 2011 - Vol. 5 - N°2

Pour la pratique 165

© 2011 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Correspondance :

Caroline Martineau8 J, rue Colbert31400 [email protected]

C. MartineauService diététique, CHU de Toulouse.

Outils d’évaluation des consommations alimentaires : les calories et au-delà !Evaluation of foods consumption: Counting calories is not enough!

RésuméCet article présente quelques outils et méthodes d’évaluation des consommations et du comportement alimentaires permettant de cerner les prises alimentaires des patients en surcharge pondérale, obèses, diabétiques ou présentant d’autres trou-bles métaboliques.

Mots-clés : Évaluation – ingesta – comportement alimentaire.

SummaryThis paper presents some tools allowing to evaluate food consumption and eating behavior mainly in overweight, obese, diabetic patients and some other metabolic disorders.

Key-words: Evaluation – food consumption – eating behavior.

la pratique quotidienne des diététiciens, pour évaluer les apports nutritionnels.

Rappel des consommations alimen-taires sur les 24 dernières heures ou description d’une journée alimentaire standard (tableau I). Cette méthode per-met au patient de définir ses consom-mations alimentaires chronologiquement dans la journée. Le rappel repas par repas est certes un bon guide pour mener l’entretien, mais il laisse dans l’ombre les consommations extra-pran-diales, très fréquentes. Dans le cadre de l’adaptation des méthodes d’évaluation au contexte de prise en charge nutrition-nelle et éducative, celle-ci peut suffire. Bien souvent, cette technique doit être complétée par un recueil de données plus large.

Elle doit également porter sur les habitudes de consommation, mais aussi d’achat et de préparations culi-naires (tableau II). Ce guide permet d’évaluer les consommations alimentaires

Introduction

L’évaluation des consommations alimen-taires est une étape à la démarche en soin diététique. Elle doit permettre l’es-timation quantitative et qualitative des apports nutritionnels d’une personne [1]. Selon la pathologie présentée par la per-sonne soignée et les objectifs de prise en charge diététique, l’évaluation des consommations sera orientée par le soi-gnant. Concernant les maladies métabo-liques, l’évaluation des consommations alimentaires (quantitative et qualitative) doit être accompagnée d’une évaluation du comportement alimentaire.

Évaluation des consommations alimentaires

Il existe plusieurs techniques, bien connues et largement présentes dans

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Pour la pratique

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d’une personne en les abordant plutôt par grandes catégories d’aliments que par la structure d’un ou de plusieurs repas. Cette technique complète utile-ment la première. Elle peut être utilisée seule, toujours selon les objectifs de la prise en charge.Ces deux guides permettent d’estimer qualitativement et quantitativement les apports nutritionnels, mais informent peu sur le comportement alimentaire de la personne.

Le carnet alimentaire sur plusieurs jours (tableau III) est une technique de recueil de données qui laisse le patient renseigner ses consommations ali-mentaires. Ceci requiert au préalable

une explication de la part du soignant concernant les éléments à recueillir afin que les données puissent être exploi-tées. Cette méthode, dans la mesure où les données sont fiables, représente un recueil complet sur les consomma-tions et le comportement alimentaires. Néanmoins, son exploitation est assez lourde et très chronophage. De plus, si le patient fait l’effort de renseigner ce carnet, il est essentiel que le soignant en fasse un retour à la hauteur de l’in-vestissement du patient.Ces méthodes d’évaluat ion des consommations alimentaires sont très techniques, semblables aux relevés d’ingesta couramment utilisés dans

les établissements de santé pour la prise en charge de la dénutrition par exemple. Devant une personne atteinte de surpoids, de diabète de type 2 ou obèse, ce genre de guide d’entretien demeure toutefois insuffisant pour l’éta-blissement d’un diagnostic diététique et une prise en charge nutritionnelle de qualité. En effet, le volet comportement alimentaire dans ces méthodes n’est que très peu abordé.

Évaluation du comportement alimentaire

Beaucoup moins technique et plus souvent lié à l’affect, l’évaluation du comportement alimentaire est plus délicate. Elle investigue en effet des dimensions émotionnelles à propos de comportements parfois, souvent, mal vécus par le sujet, qui requièrent de la part du soignant une approche fine et aussi empathique et dénuée de jugement que possible. Ceci implique, de la part du soignant, des qualités et compétences relationnelles similaires à celles requises pour la pratique de l’éducation thérapeutique.Afin d’évaluer le comportement ali-mentaire d’une personne, deux caté-gories de consommations doivent être explorées : les ingesta prandiaux et les ingesta extra-prandiaux.

En phase prandiale, le plus cou-rant des comportements alimentaires déviant est l’hyperphagie. Ses signes sont la diminution ou l’absence de satiété, l’hypersensibilité au plaisir, ou encore la tachyphagie. Afin de déceler ce trouble, il peut être utile de ques-tionner le patient sur ses portions habi-tuellement consommées, par exemple en lui demandant de décrire la taille des portions présentées dans les res-taurants traditionnels ou dans la res-tauration sociale. Des outils largement diffusés de portions d’aliments sur photos peuvent alors s’avérer utiles.

En phase extra-prandiale, le grigno-tage, le craving, le binge eating disorder [2] sont les troubles du comportement non pathologiques (hors classification du Manuel diagnostique des troubles mentaux DSM-IV) le plus souvent ren-contrés :

Tableau I : Exemple de guide d’entretien pour l’évaluation des consommations alimentaires : description de la composition d’une journée alimentaire type [extrait de réf. 1].

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– le grignotage se caractérise par une consommation d’aliments non choisis en petite quantité. C’est souvent l’en-nui, l’inoccupation, qui déclenchent ce type de prise alimentaire ;– le craving peut répondre à une forte envie, mais ici d’aliments choisis. Il intervient souvent en période vespé-rale ou durant une phase de rupture sociale, et induit un sentiment de culpabilité. Pour déceler ce type de comportement, il peut être utile de questionner le patient sur ses habi-tudes en fin de journée ou au retour à domicile ;– le binge eating disorder se caractérise par une frénésie alimentaire d’aliments non choisis. Très culpabilisant, ce trou-ble du comportement alimentaire est lié

à une perte de contrôle et de confiance en soi ;– le night eating disorder [3] se carac-térise par des consommations alimen-taires tardives, dans la soirée ou dans la nuit. Les patients atteints de ce trouble sont souvent insomniaques, présentent une anorexie matinale et prennent leur

premier repas tardivement dans la matinée.Ces troubles sont souvent présents, au moins le grignotage, les identifier chez les patients consultant, pour une obésité ou un diabète déséquilibré, est essen-tiel puisque l’évaluation des consom-mations alimentaires investiguant les

Tableau II : Exemple de guide d’entretien pour l’évaluation des consommations alimentaires : questions sur les habitudes de consommation, d’achat et de préparations culinaires [extrait de réf. 1].

La prise en charge diététique de patients atteints de maladie métabolique devrait

allier recueil des consommations alimentaires et évaluation du comportement

alimentaire.

Des compétences identiques à celles requises pour la pratique de l’éducation

thérapeutique sont nécessaires pour les soignants exerçant dans ces domaines

d’activité.

Les points essentiels

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phases de repas les ignore. Néanmoins, cette étape d’évaluation supplémentaire est longue. Elle requiert des connais-sances et compétences particulières de la part du soignant. Le recours à l’auto-évaluation et à la mise en situation sont d’autres méthodes intéressantes. Elles sont également chronophages, mais peuvent être intégrées dans des pro-grammes d’éducation thérapeutique, tels que ceux développés dans les structures adaptées.

Déclaration d’intérêtsL’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt relatif au contenu de cet article.

Références

[1] Haute Autorité de santé-AFDN. La consul-tation diététique réalisée par un diététicien. Recommandations, janvier 2006. Information Diététique 2006 (Hors série). www.has-sante.fr

[2] Schlienger JL. Sémiologie des troubles du comportement alimentaire de l’adulte. Cah Nutr Diét 2001;36(Hors série 1):2S57-62.

[3] Allison KC, Engel SG, Crosby RD, et al. Evaluation of diagnostic criteria for night eating syndrome using item response theory analysis. Eat Behav 2008;9:398-407.

Tableau III : Évaluation des consommations alimentaires : exemple de carnet alimentaire sur plusieurs jours [extrait de réf. 1].

Pour la pratique