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Particularités de l’état de stress post-traumatique de la personne âgée

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L’Encéphale, 2006 ;

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Particularités de l’état de stress post-traumatique de la personne âgée

L. JEHEL

(1)

, E. CHARLES

(2)

, F. DUCROCQ

(3)

, G. VAIVA

(4)

, C. HERVÉ

(5)

(1) Unité de Psychiatrie et Psychotraumatologie, Hôpital Universitaire Tenon, AP-HP, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France.(2) Praticien Hospitalier, Service Hospitalo-universitaire, Unité Lafarge B, Centre Hospitalier Esquirol, 15, rue du Docteur Marcland,87025 Limoges.(3) Cellule d’Urgence Médico-Psychologique Nord-Ouest, SAMU régional de Lille, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France.(4) Centre d’Accueil et de Crise, Pôle des Urgences, INSERM U513/GIS Épidémiologie en Santé Mentale, Hôpital Michel-Fontan, CHRUde Lille, rue André Verhaegue, 59037 Lille cedex, France.(5) Laboratoire Éthique Médicale et de Médecine légale,Faculté de Médecine Paris V, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris.

INTRODUCTION

Les troubles psychotraumatiques sont régulièrementréactivés dans leur médiatisation à l’occasion de catas-trophes. Le caractère spectaculaire auquel ils sont asso-ciés mobilise ainsi les médias qui rappellent alors l’intérêtd’interventions médico-psychologiques précoces dans lebut de prévenir des évolutions psychopathologiques dom-mageables pour les sujets exposés. Pour les personnesâgées, cette question n’est en revanche que rarementévoquée. Pourtant, de nombreux auteurs, dont récem-ment Van Zelst

et al.

(34), soulignent que la présence d’unétat de stress post-traumatique, même incomplet, aug-mente la consommation de soins somatiques et aggravele handicap des personnes âgées. L’auteur décrit parailleurs l’inadéquation des traitements médicamenteux,comme en témoigne le caractère trop large et systémati-que de la prescription de benzodiazépines, alors que cetteclasse n’a pas d’indication et semble chez l’adulte plusjeune ne présenter que peu d’intérêt dans ces troubles.En 2004, Busuttil insistait déjà sur la nécessité de déve-lopper des stratégies de soins spécifiques à ces âges etpour ces situations.

La terminologie des conséquences pour le sujet d’uneexposition à un événement traumatogène est évolutivedepuis le « syndrome du vent du boulet » des soldats deNapoléon à « l’état de stress post-traumatique » (ESPT)issu de la classification américaine du DSM IV (1). L’ESPTest caractérisé par un syndrome de répétition comprenantdes flash-back de l’événement, des attitudes d’évitement

de tout ce qui le rappelle, des réactions neurovégétativesd’hypervigilance comme des sursauts inadaptés et unealtération des compétences et de l’inscription sociales.Très peu d’études ont spécifiquement analysé ce reten-tissement auprès des personnes âgées qui sont le plussouvent exclues des études scientifiques, en raison desfréquentes comorbidités dont elles souffrent. Néanmoins,certaines particularités, tant sur les plans épidémiologi-ques que clinique et nosographique, permettent d’envisa-ger des stratégies de prise en charge dédiées aux sujetsâgés.

La critériologie de l’ESPT a été introduite en 1980 dansle DSM III sous l’influence des États-Unis marqués par lesconséquences de la guerre du Vietnam. Ce trouble avaitprécédemment été nommé par les militaires « vent duboulet », « cœur irritable », « shell shock » ou encore« névrose de guerre ». Le point de départ de la définitionde l’ESPT est l’exposition à un événement, qui doit, selonle DSM IV, remplir deux critères (A1 et A2)

A. Le sujet a été exposé à un

événement traumatique

avec

deux caractéristiques

:(1) le sujet a vécu ou a été témoin de ou a été confronté

à un événement durant lequel des

individus ont pu mourir

ou être gravement blessés ou bien ont été menacés demort ou de grave blessure ou bien durant lesquels sonintégrité physique ou celle d’autrui a pu être

menacée

.(2) la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par

une

peur intense

, un sentiment d’impuissance ou d’hor-reur.

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CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES DE L’ESPT DE LA PERSONNE ÂGÉE

Données épidémiologiques

Le principal travail dans le domaine des troublesanxieux chez le sujet âgé a été mené par Blazer et col.en 1991 (2) ; il mettait en évidence la forte prévalence deceux-ci chez les sujets de plus de 65 ans (19,7 % sur6 mois et 34,05 % vie entière), mais cette étude de réfé-rence excluait l’ESPT.

Parallèlement, pour des raisons méthodologiques,l’âge avancé représente souvent un critère d’exclusiondans les études évaluant la prévalence de l’ESPT, le plussouvent pour éviter le biais de troubles cognitifs liés àl’âge. Néanmoins, plusieurs travaux semblent constaterl’absence de différence selon l’âge pour ce qui est de laprévalence et de la sévérité des ESPT (13, 27).

En 2003, Van Zelst (33) étudiait la prévalence de l’ESPTchez le sujet âgé. Cette enquête était menée auprès deplus de quatre cents sujets âgés de 61 ans et plus, dontles deux tiers ont plus de 70 ans, elle retrouve un taux deprévalence à 6 mois de 0,9 %. Dans ce travail, un niveauélevé de neuroticisme et un niveau bas d’efficacité per-sonnelle ajouté à la notion d’antécédents de traumatismesprécoces durant l’enfance représentaient des facteurs derisques majeurs de développer un ESPT.

Les travaux les plus récents disponibles à ce jour sontceux issus de la réplication en 2005 de la NCS de 1995.Si à l’époque la prévalence générale de l’ESPT était éta-blie à 7,8 % chez les 5 877 sujets adultes examinés, Kes-sler

et al.

ne précisait pas sa distribution par tranche d’âge(16). Dans la réplication (NCS-R), l’auteur établissait nonseulement un profil évolutif sur 10 ans, comparant sesdonnées initiales couvrant la période 1990-1992 et lapériode 2001-2003, mais décrivait également avec préci-sion les âges d’apparition et les différences de prévalenceen fonction de l’âge des 4 319 sujets réexaminés en faceà face (17). Étonnamment, l’ESPT était formellement éta-bli dans 6.8 % des cas dans l’ensemble de la populationmais augmentait progressivement avec l’âge jusqu’à60 ans pour décroître ensuite (18-29 ans : 6,3 %, 30-44 ans : 8,2 %, 45-59 ans : 9,2 % et 2,5 % après 60 ans).L’ensemble de ces données confirme l’intérêt à porter àl’évaluation des troubles psychotraumatiques aux âgesles plus avancés de la vie.

Facteurs de risques particuliers de la personne âgée

Événements potentiellement traumatiques chez le sujet âgé

Il est important de distinguer les traumatismes de l’âgeou les événements de vie liés aux effets du vieillissementcomme la retraite, les deuils, l’isolement affectif, la soli-tude, les déficits sensoriels ou moteurs ou encore la perted’autonomie, du traumatisme psychique avec effractiontraumatique et confrontation au réel de la mort. Plusieurstravaux (7) confirment le risque d’apparition d’un syn-

drome de stress post-traumatique chez des sujets âgésconfrontés à divers types de catastrophes naturelles :accident d’avion et de train (8), tremblement de terre (13),inondation (20) ou ouragan (30). En effet, le risque d’expo-sition traumatique serait renforcé par certaines caracté-ristiques médico-socio-psychologiques de la personneâgée : la perte d’autonomie entraîne par exemple de plusgrandes difficultés à évacuer le domicile en cas de catas-trophe chez des sujets plus fréquemment réticents à quit-ter le lieu de vie et qui disposent d’un moindre accès auxinformations d’évacuation, comme en témoignent les tra-vaux lors d’inondations catastrophiques (20) ou à l’occa-sion du tremblement de terre de Kobe en 1996 (29). Enoutre, et cela semble encore plus significatif chez le sujetâgé, les conséquences de ce type d’événements ne selimitent pas à l’ESPT, de nombreux travaux dénonçantégalement des conséquences durables sur la qualité devie ou l’adaptation, des symptômes invalidants dedétresse psychique (trouble du sommeil, asthénie, trou-bles cognitifs, anxiété, dépression) mais également uneplus mauvaise perception de leur état de santé conduisantà une surconsommation médicamenteuse et une pertur-bation importante de la vie sociale (20). Ces facteurs, demême que la survenue d’une maladie somatique grave telun infarctus du myocarde ou un œdème aigu du poumon,peuvent favoriser la résurgence de souvenirs traumati-ques, ce qui doit systématiquement être anticipé par leséquipes de soins ayant reçu une formation spécifique surces troubles.

Certaines de ces pathologies organiques menaçantdirectement le pronostic vital (infarctus, accident vascu-laire cérébral, œdème aigu du poumon…), sont parailleurs susceptibles de conduire directement au dévelop-pement d’un ESPT (3), la maladie ou son annonce pré-sentant alors dans ces cas un fort potentiel de traumato-génicité.

D’autres événements comme la maltraitance, dessituations de négligence ou des vols à la tire ont vu leurfréquence augmenter ces dernières années chez la per-sonne âgée (5). Comme le rapporte l’étude de Simpson

et al.

(28), ces situations peuvent être à l’origine d’un vécutraumatique, l’auteur révélant que sur un groupe de sujetsâgés victimes d’actes de délinquance (crime, vol, agres-sion, cambriolage) pris en charge dans un service de psy-chiatrie, 5 % des sujets étudiés présentaient un authenti-que ESPT.

Le risque d’être confronté à un événement potentielle-ment traumatique serait par ailleurs lui-même majoré danscette tranche d’âge du fait que certains événements devie deviennent davantage traumatogènes chez des per-sonnes plus vulnérables, par les conséquences du vieillis-sement.

Traumatismes psychiques anciens chez un sujet âgé présentant un ESPT

Les premières descriptions de l’ESPT s’appuient surdes traumatismes de guerre (26). Pour la majorité des

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vétérans de la Seconde Guerre mondiale, on observe plusde 40 ans après la fin de la guerre, que celle-ci représentel’expérience la plus « stressante » de leur vie. Cela a étéconfirmé par plusieurs travaux comme ceux de Rosen

et al.

en 1989 (25) et de McCranie et Hyer en 2000 (21).Un quart de ces anciens combattants présenteraient unESPT près de quarante-cinq ans après l’issue du conflit(25). Chez d’anciens prisonniers de guerre de la SecondeGuerre mondiale ou de la guerre de Corée, les tauxd’ESPT oscillent entre 29 et 50 % (8). Les principaux fac-teurs prédictifs de présence voire de persistance d’unESPT chez ces patients âgés paraissent être une plus lon-gue période d’emprisonnement, des sensations de stresssubjectif plus sévères durant cette période (14) ainsi quela sévérité du traumatisme initial. L’holocauste est enfinune cause encore importante d’ESPT chez le sujet âgé,notamment parmi ceux âgés de plus de 75 ans (18).

Les formes clinique de l’ESPT de la personne âgée

ESPT « de novo »

L’ESPT de la personne âgée peut être dû à la persis-tance d’un trouble acquis plus jeune, mais il peut aussidans cette forme

de novo

apparaître après 65 ans (5).L’aptitude à s’adapter à de nouvelles situations de

stress évolue de façon hétérogène avec des résultats con-tradictoires selon les auteurs (13, 20). Pour ces derniers,l’altération du soutien social augmenterait les difficultésface aux événements de vie traumatisants. Chung

et al.

(8) souligne en revanche que les stratégies de

coping

employées après un événement traumatique restent lesmêmes indépendamment de l’âge.

ESPT chronique

Celui-ci est défini comme la persistance chez le sujetâgé d’un ESPT apparu à l’âge adulte. L’intensité de lasymptomatologie psychotraumatique serait maximale audébut puis diminuerait pendant plusieurs décennies pours’accroître à nouveau après la retraite (24). Busuttil

et al.

(5) rappellent que certaines caractéristiques du vieillisse-ment comme l’isolement, la marginalisation, la pauvreté,la survenue de pathologie organique ou le déclin sensorielpeuvent exacerber un ESPT. L’absence de dépistage sys-tématique entraîne un retard invalidant au diagnostic etau traitement, comme le montrent Port

et al.

(24).Pour Engdahl

et al.

(12), 26 % d’un groupe d’anciensprisonniers de guerre présentaient un ESPT persistantplus de cinquante ans après leur libération. L’expositionà de violents combats et l’intensité de la réponse physio-logique au traumatisme apparaissaient comme des fac-teurs prédictifs d’évolution du trouble.

ESPT retardé

Cette forme correspond à la réactivation tardive d’unpsychotraumatisme après plusieurs décennies sans

symptômes. Selon une perspective psychopathologiquetenant compte des théories freudiennes, Caléca (6) évo-que ces « échos de traumatismes anciens » quand desauteurs français tels que Crocq et Barrois illustrent cesintervalles de latence parfois extrêmement longs en par-lant de ces « intervalles de rumination » ou de« contemplation » (9).

Comme on le rencontre fréquemment dans une prati-que clinique, le syndrome de répétition traumatique appa-raîtrait ainsi à distance de l’événement lors de la confron-tation à une situation dite « gâchette » présentant desanalogies avec l’événement initial. Il peut s’agir chez lesujet d’une nouvelle situation perçue comme menaçanteou de la privation de son autonomie comme le départ enretraite ou un placement en institution. En outre, si les cou-vertures médiatiques d’événements analogues au trau-matisme initial, comme des attaques terroristes ou desguerres contemporaines, peuvent favoriser la rechute oula ou la récidive d’un ESPT, elles sont également suscep-tibles de faire apparaître un PTSD différé (33).

ESPT complexe

Cette forme d’ESPT émerge depuis quelques annéesdans la littérature, notamment au travers les récents tra-vaux de Van der Kolk (32) qui décrit une symptomatologieassociant des troubles du comportement, des troublesémotionnels, des difficultés cognitives et des troublessomatoformes. Ce « complex PTSD » surviendrait préfé-rentiellement suite à l’exposition répétée de traumatismesnotamment au cours du développement précoce, rejoi-gnant par ailleurs tant dans sa présentation clinique queson étiopathogénie la notion de PTSD « de type II » décritechez l’enfant (22) et Debray (10) rappelle de son côté lesliens étroits entre l’ESPT et les troubles de la personnalitéde type borderline, bien qu’il n’y ait pas à notre connais-sance d’étude concernant sa prévalence chez la personneâgée, notamment du fait de l’absence d’instrument demesure spécifique (15).

Autres caractéristiques propres à l’ESPT de la personne âgée

Pour Goenjian (13), la clinique de l’ESPT chez le sujetâgé serait marquée par une réduction des symptômesde répétition et des intrusions mais par une augmentationde la fréquence et de l’intensité des réactions neuro-végétatives d’hypervigilance par rapport aux sujets plusjeunes.

La confirmation du diagnostic d’ESPT doit systémati-quement se faire après avoir envisagé certains diagnos-tics différentiels comme des troubles du sommeil d’uneautre étiologie, un épisode dépressif majeur ou un épui-sement liée à une pathologie somatique. Il convient éga-lement de distinguer l’ESPT d’une anxiété de fin de vie etde la confrontation progressive à la perspective de samort.

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ESPT et démence

L’altération des capacités cognitives observée au coursdes processus neurodégénératifs ou démentiels semblemajorer l’ESPT, mais peu d’études valides sont actuelle-ment publiées (31). Pour certains auteurs, la survenued’ESPT serait associée à une majoration de la vulnérabi-lité à présenter une démence (23).

STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES

Stratégies pharmacologiques

a) AntidépresseursCette classe représente actuellement le traitement de

première intention, comme l’attestent les nombreux tra-vaux tant ouverts que contrôlés à l’origine des conféren-ces de consensus, ainsi que l’agrément dans de nom-breux pays en Europe ou outre Atlantique pour la sertralineet la paroxétine (11).

Aucune étude n’a été menée pour évaluer l’efficacitéde ces molécules chez le sujet âgé souffrant d’ESPT, leplus souvent exclus des études. Les ISRS demeurent ànotre sens indiqués quel que soit l’âge, d’autant qu’ils res-tent mieux tolérés que les tricycliques par la personneâgée et que leur bénéfice clinique sur l’ensemble des com-posantes du trouble semble s’assortir d’un intérêt dansl’accès aux soins psychothérapiques.

b) AnxiolytiquesL’utilisation des benzodiazépines est à éviter auprès

des personnes âgées, particulièrement exposées à seseffets adverses : sédation excessive, réactions paradoxa-les notamment d’agitation ou encore troubles cognitifsaggravant ou favorisant la désorientation. De même lesbêta bloquants, traitement symptomatique de certainesmanifestations anxieuses notamment psychotraumati-ques sont également à éviter en raison du risque accrude complications cardiovasculaires et de troubles del’humeur induits.

En l’absence de travaux spécifiques chez le sujet âgé,il semble théoriquement valide de traiter le sujet âgécomme l’adulte jeune, avec néanmoins une plus grandeprudence et la prise en considération des modificationspharmacodynamiques liés à l’âge. Nous insisterons éga-lement sur la nécessaire vigilance clinique à avoir dansles premiers temps qui suivent la mise en route du traite-ment. À la phase précoce, par exemple dans les suitesimmédiates de l’exposition du sujet à l’événement trau-matique, voire à l’occasion d’une émergence anxieusepsychotraumatique sévère et invalidante, l’hydroxyzineparaît être une alternative de choix du fait de son moded’action, du relatif respect des fonctions cognitives, de sabonne tolérance globale et de son efficacité démontréedans les troubles anxieux (19), en attendant les résultatsde travaux en cours.

Stratégie psychothérapeutique

Les thérapies les mieux évaluées sont les TCC (Thé-rapies Cognitivo-Comportementales) qui peuvent êtreemployées quel que soit l’âge, à condition de les adapteret de les utiliser sous une forme simplifiée (5). D’autre part,l’EMDR a été proposée pour traiter le syndrome de répé-tition traumatique. Elle consiste à exposer un sujet à desmouvements oculaires saccadés censés accélérer ladésensibilisation aux pensées et émotions qui accompa-gnent la reviviscence d’un événement traumatique. Cettetechnique serait également efficace chez le sujet âgé trau-matisé, parfois après seulement quelques séances (3).

Les autres approches psychothérapeutiques habituel-lement employées chez l’adulte, telles que les psychothé-rapies dynamiques, les thérapies systémiques, les tech-niques de résolution de problème ou encore l’hypnose,n’ont bénéficié d’aucun travail de validation d’efficacitépropre au sujet âgé.

PROTECTION DE LA PERSONNE ÂGÉE

L’examen d’une personne âgée et le repérage de symp-tômes de stress post-traumatique doivent systématique-ment évoquer pour le professionnel de santé la questionde la protection de la personne. La vulnérabilité de celle-ci peut en effet conduire à des mesures médicolégales designalement. En particulier il est utile de rappeler que l’arti-cle 226-13 du Code pénal lève l’obligation de secret pro-fessionnel pour celui qui informe les autorités judiciaires,médicales ou administratives de « privations ou de sévi-ces, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles » dontil a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineurde moins de 15 ans ou à une personne qui n’est pas enmesure de se protéger en raison de son âge, de son étatphysique ou psychologique. L’article 226-14 du Codepénal précise au médecin, qu’avec l’accord de la victime,il « porte à la connaissance du procureur de la Républiqueles sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profes-sion et qui lui permettent de présumer que des violencesde toute nature ont été commises ».

CONCLUSION

Face à une personne âgée, le professionnel de santédoit savoir rechercher les antécédents d’événement trau-matique même après une longue prise en charge, y com-pris en institution. Ce premier repérage conduit à l’éva-luation psychopathologique des symptômes post-traumatiques et de leurs conséquences possibles. L’éva-luation du risque suicidaire est également indispensabledu fait de l’élévation de ce risque propre à ces âges et desa majoration en cas d’ESPT. Une des particularités dela prise en charge est alors de tenir compte non seulementdu caractère d’urgence psychiatrique mais aussi desaspects médico-légaux et d’envisager les mesures de pro-tection adaptées. La mise en place de soins efficaces deces troubles ne peut se réaliser qu’en favorisant un dépis-

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tage précoce des troubles post-traumatiques. Ce dépis-tage nécessite la formation de professionnels de santé etle recours possible à des centres de référence composéd’équipes ayant acquis des compétences et une expertisespécifique susceptible de mettre en œuvre des stratégiesde soins adaptées aux seniors vulnérables.

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